G ERGONNE
Philosophie mathématique. De l’usage des infiniment petits dans la géométrie élémentaire
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 5 (1814-1815), p. 183-186
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I83
PHILOSOPHIE MATHÉMATIQUE.
De l’usage des infiniment petits dans la géométrie
élémentaire;
Par M. GERGONNE.
DES INFINIMENT PETITS EN GÉOMÉTRIE.
LA
manière dontje
me suisexpliqué
endivers endroits
de cerecueil,
etl’emploi fréquent
quej’y
ai fait delà série deTaylor
donnent assez à connaitre que
je
ne pense pas que la méthode des infinimentpetits
doive êtreemployée
dans les sciences exactes t du moins comme méthoded’exposition.
Mais
je manquerais
de bonne foi sije
dissimulais lesobjections
graves que 1 on
peut opposer aux
méthodesplus rigoureuses
parlesquelles
celle-là est communémentremplacée.
Il estcertain ,
eneffet ,
que ces méthodes sont d’ordinairelongues compliquées
etdifficiles à
suivre ;
cequi
est un inconvénientnotable ,
sur-tout dèsrentrée d’une
science ,
où l’ons’expose ,
par leuremploi prématuré ,
à rebuter un
grand nombre
de commençans que des méthodes moins sévères auraient au contraireattirés ,
etdont.
les études et les succèsauraient pu tourner ensuite au
profit
de la science. Dans les élémens degéométrie
enparticulier ,
la réduction à l’absurde ou la méthoded’exhaussion ,
constammentemployée
par lesdisciples d’Euclide , présente
un vicecapital qui
consiste dans sonopposition
formelleavec
l’esprit d’invention ,
et dans la nécessité où elle met souventI84 DES INFINIMENT PETITS
celui
qui enseigne
de supposerdéjà
connus al’avance ,
par unesorte de révélation d’en
haut,
les résultats dont il va établir lalégi-
timité ;
résultatsqui,
parsuite ,
ne segravent
quetrès-difficilement
dans la mémoire de
l’élève qui
ne voitimmédiatement ,
par exem-ple, pourquoi
le volume d’unepyramide
estplutôt
leproduit
desa hauteur par le tiers de sa base que par toute autre fraction de
cette
base,
etqui
neconçoit
pas mieux comment lespremiers
in-venteurs sont parvenus à deviner ces sortes de résultats.
(*)
C’est là sans doute ce
qui
a pu déterminerplusieurs
auteursd’élémens à donner la
préférence
à la méthode des limitesqui ,
ausurplus ,
ne diffèreguère
que par les termes de celle;
mais cette méthode des
limites’,
outrequ’elle
ne satisfaitpeut-être
pas autant
l’esprit
que lapremière ,
n’estpoint
elle-mème sansdifficulté,
et n’est pas9 plus
que1*’autre , exempte
delongueurs
, dumoins
lorsqu’on
veut laprésenter
d une manièrebien rigoureuse ,
et en mettre les résultats à couvert de tout soupçon d’inexactitude.
IL y a
déjà assez long-temps
quej’ai songé
à substituer à l’unet a l’autre
procédés
un tour de raisonnementqui bien qu’il
écartetoute considération d’infiniment
petits,
rénnitcependant
à la sim-plicité
et à la concisionl’avantage inappréciable
de laisser la marche de l’inventeur tout à fait àdécouvert,
et de ne rien laisser à désirer du côté de larigueur.
Un seulexemple
suffira pour le faire con- cevoirnettement ; je
lechoisirai
desplus simples
(*) Ceci me
rappelle qu’aux
examens d’admission à l’écolepolytechnique ,
un jeune hommeinterrogé ,
il y aquelques
années, sur le centre degravité
du volume dutétraèdre,
et débutant ainsi, dans saréponse : " je
vais prouver que le centre de»
gravité
du volume d’un tétraèdre est à une distance de sa basequi
ne sauraitP) être moindre ri
plus grande
que le quart de sahauteur » ,
fut tout à coupdéconcerté ,
par cette brusque apostrophe de l’examinateur : Comment avez-i) vous deviné cela? " 17 examinateur avait raison ; cela semblait en effet tomber des nues ; mais le jeune homme n’aurait-il
pas été
fondé à lui demander , à sontour ,
pourquoi
ilrejetait
enstatique
unmode
deprocéder
dont il venait dlraccommoder en
géométrie?
EN
GÉOMÉTRIE. I85
Je suppose que, sachant mesurer les aires des
figures rectilignes
on ait
besoin ,
pour lapremière fois ,
de déterminer celle d’un cercle.La nouveauté du
problème
et son peud’analogie apparente
avecles
problèmes
antérieurement résoluspourront
d’abord causerquel-
que
embarras ,
et lapremière pensée qui
s’offrira pour le surmonter ,sera de substituer
quelque approximation
à une évaluationrigoureuse.
On circonscrira donc au cercle un
polygone régulier
d’un très-grand
nombre decûtés ;
et ,supposant
entre l’une et l’autrefigures
une identité
qui
réellement n’a lieuqu’à
peuprès
, onprendra
pour Faireapprochée
du cercle leproduit
dupérimètre
dupolygone
circons-crit par la moitié du rayon ; résultat évidemment d’autant
plus approché
que les côtés du
polygône
serontplus nombreux mais,
dans tousles cas,
plus grand
que le véritable.Dans la vue de le diminuer un peu, et
conséquemment
d’atté-11ucr encore
l’erreur
il seprésente
assez naturellement à lapensée
de substituer au
périmètre
dupolygone
lalongueur de
la circon-férence, qui
estplus petite, c’est-à-dire,
deprendre
pour l’aireapprochée
du cerc’- leproduit
de sa circonférence par la’moitié deson rayon. On ne pourra
plus
savoirici,
du moins apriori, si
l’erreur est en
plus
ou Enmoins ,
attendul’espèce
decompensation
introduite dans la
première évaluation ; mais,
si l’erreur existe eneffet,
sagrandeur absolue
n’en devra pas moins démeurer évidem-ment subordonnée au nombre des côtés du
polygone circonscrit ,
etdécroître à mesure que ce nombre
augmentera.
Cette erreur , si elle
existait ,
devrait doncêtre ,
de sa nature , essentiellementvariable ; mais ,
d’un autrecôté ,
elle ne sauraitFêtre, puisque
la considération dupolygone
n’entreplus
pour rien dans la dernière évaluation àlaquelle
on s’estarrêté ,
et que les élémensqu on y emploie
sont constans comrne Faire mêmequ’on
cherche aévaluer : donc Ferreur est tout a fait
nulle ;
donc il a dûs’opérer
une exacte
compensation ;
donc l’evaluation estrigoureuse ; donc,
etc.J’ai traîné , à
le
raisonnement un peu enlongueur
afind’en
rendrel’esprit plus
facile àsaisir ; mais, lorsqu’une
fois ilI86
CORRESPONDANCE.
est devenu assez
familier,
onpeut
le rendrebeaucoup plus concis ;
il se réduit en effet à dire que si l’erreur d’un calcul fait sur des
quantités
constantes dans la vued’évaluer ,
parapproximation ,
uneautre
quantité
aussi constante , est de nature à être indéfinimentdécroissante,
cette erreur est ,par là même ,
tout à fait nulle.Les mêmes considérations
peuvent
être facilementtransportées
dansle calcul différentiel. On
peut
yenvisager
d’abord lesdx)
lesdy ,...
comme des
quantités
d’unepetitesse
finiearbitraire,
et leur intro-duction dans les calculs comme un
simple procédé d’approximation.
Alors leur évanouissement de certains résultats sera le critérium de l’exactitude de ces
résultats ;
cequi
rentre exactement dans les idéesdéjà développées depuis long-temps par
M. Carnot d’une mà..nière si
lumineuse ( Voyez
sesRéflexions
sur laméthaphysique
ditcalcul infinitésimal , Paris,
I8I3).
Mais il faut convenirqu’ici
ilpeut
s’offrir souvent , relativement auxsuppressions
de termes, des difficultés depratique
assezsérieuses y
et que le recours à la série deTaylor peut
seul fairecomplètement
évanouir.CORRESPONDANCE.
Lettre
auRédacteur des Annales ,
contenant unedémonstration élémentaire du Lemme énoncé à la page 345 du 4.me volume de
cerecueil.
MONSIEUR ,
J’AURAIS bien désiré pouvoir répondre complètement à l’appel que
vous