C AHIERS DE
TOPOLOGIE ET GÉOMÉTRIE DIFFÉRENTIELLE CATÉGORIQUES
M ICHEL C OSTE
G ÉRARD M ICHON
Petits et gros topos en géométrie algébrique
Cahiers de topologie et géométrie différentielle catégoriques, tome 22, n
o1 (1981), p. 25-30
<
http://www.numdam.org/item?id=CTGDC_1981__22_1_25_0>
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PETITS ET GROS TOPOS EN G EOMETRIE ALG EBRIQUE
parMichel COSTE & G érard MICHON
CAHIERS DE TOPOLOGIE ET GEOMETRIE DIFFERENTIELLE
3eCOLLOQUE
SUR LES CATEGORIESDEDIE A CHARLES EHRESMANN Vol. XXII-1 (1981)
La théorie des spectres
exposée
dans lathèse
dupremier
auteur[2]
n’est pas d’un abord trèsagréable.
Le but de ce texte est d’enprésen-
trer
brièvement
une autreapproche.
Cetteapproche
a étédéveloppée
par le second auteur - influencé par la lecture de«Groupes algébriques »
de Ga-briel et Demazure - dans des notes non
publiées.
Elle recoupe des consi- dérations deJoyal
sur leshoméomorphismes
locaux dans un topos. Nous finissons en montrant comment le topos étale réel s’introduit naturellement dans ce contexte.Le
point
de vueadopté
ici est nettementgéométrique.
La construc-tion du spectre
apparait
alors comme un moyen dereprésenter
les variétésaffines et les variétés obtenues à
partir
de celles-ci par unprocédé
formelde recollement comme des topos annelés ou anneaux «locaux» d’un certain type
(cf. schémas,
topos étale d’unschéma,
ou espacesalgébriques
d’Ar-tin).
Nousespérons
que ceci donne un caractère moinsindigeste
à lathéorie.
Dans tout ce
qui suit,
kdésigne
un anneau commutatif de baseet M
lacatégorie
des variétésalgébriques
affines surk ,
c’est-à-dire la duale de lacatégorie
desk-algèbres
deprésentation
finie.1. LES
ETALÉS.
On se donne dans M un ensemble
Et
demorphismes
que l’on veutconsidérer comme des
isomorphismes locaux.
Dans lesexemples
considé-rés ce seront soit les immersions ouvertes soit les
morphismes
étales. Lesmorphismes
deEt
serontappelés
étalésélémentaires.
On supposequ’ils
tisfaites par les immersions ouvertes et les
morphismes étales.
1 ° Tout
isomorphisme
est un étaléélémentaire.
2° L e
composé
de deux étalésélémentaires
est un étaléélémentaire.
30 Les étalés élémentaires sont stables par
changement
de base.4° Si le
composé
uo v est un étalé élémentaire ainsi que v, u en est aussi un.Dans la
terminologie
deBénabou, Et
est uncalibrage
surM .
Les étalés élémentaires servent à
fabriquer
des recouvrements : Onse donne pour
chaque
variété affine V un ensemble de familles d’étalés élémentaires sur Vqui
seront les recouvrements deV.
On demande commed’habitude que les
isomorphismes
soient couvrants, que les recouvrementssoient stables par
changement
de base etqu’ils
aient un caractère local.On est alors en
possession
d’unedonnée
delocalisation
surM .
Unedonnée
de localisation n’est donc pas autre chosequ’une topologie
de Gro-thendieck
sur M
danslaquelle
on aspécifié
lesmorphismes qui
servent àfabriquer
les recouvrements. Il y a en Géométriealgébrique
deux donnéede localisation bien connues: la
topologie
de Zariski avec les immersionsouvertes et la
topologie
étale avec lesmorphismes
étales.Soit M
le topos des faisceaux sur M pour latopologie
de la don-née de localisation. On notera
E: M -+ M
le foncteurcanonique.
Les ob-jets
de M sont obtenus par recollement de variétésaffines ;
le mode d’em-ploi
de la colle est donné par latopologie
surM .
Choisissons
maintenant une variété affineV.
SoitEt/V
la sous-catégorie pleine
deM/ V
formée des étalés élémentaires surv. Et/ V
hé-rite d’une
topologie
deGrothendieck
par la donnée de localisation. Soit~ ~
Et/V
le topos de faisceaux pour cettetopologie.
L esobjets
deEt/ v
sont obtenus en recollant des étalés élémentaires
sur V ;
il est donc na-turel de les considérer comme les
étalés
surTl.
Le
plongement i: Et/V C+ M/V
est exact àgauche,
continu etcocontinu
([ 1], Exposé III ) .
Il seprolonge
en unplongement
~
qui
nous permettra d’identifier les étalés surV
à desobjets
deM
au-des-sus de
V. Ei
est exact àgauche,
il a unadjoint
à droitei# ( le
foncteur«étalé»
associé) qui
a lui-même unadjoint
à droiteII.
On a ainsi deuxz
d eux
m orph is m e s géométriques :
et le
composé i#oE
estisomorphe
àl’identité.
i
~ ~
Les relations entre
Et/V
etM/E V
sont les mêmes que celles entre lepetit
topos et le gros topos d’un espacetopologique ([1] Exposé IV,
Section
4.10).
Il y a d’ailleurs dans SGA 4 un exercice dont le contenu està peu de choses
près
cequi
vient d’être raconté.(Devinette:
Trouver unpoint
commun entre la Samaritaine et SGA4. )
On sait donc ce que sont les étalés sur une variété affine. Les éta- lés sur un
objet quelconque X
de M se définissent comme lesmorphismes
Y - X dont
l’image réciproque
par toutmorphisme
E V - X est étalée surV.
Les étalés ont lespropriétés
1 à 4 des étalés élémentaires. Ilsacquiè-
rent aussi un caractère local: Si
(Xj -+ X)jEJ est
une famille couvrante, Y -+ X est étaléquand chaque Y x Xj -+ Xj
l’est.X
On arrive maintenant à la notion de
variété
attachée à la donnée de localisation. Lhe variété est unobjet X
de kqui
est recouvert par les variétés affines étalées surX . L’avantage
des variétés par rapport auxautres
objets
de M est que l’on peutrépéter
pour celles-ci ce que l’on a fait pour les variétés affines: Si X est unevariété,
soitEt/X
la sous-~
catégorie pleine
deM/X
formée des affines étalés surX. Et/X
est le to-pos des étalés sur X
( on
peut remarquer que si Y est etalé sur une va-riété
X , Y
est aussi unevariété).
On a les mêmes foncteursE, i#
eti
~ ~
JJ
entre lepetit
toposEt/X
et le gros toposM/X.
i
H. REPRESENTATION D’UNE VARIETE COMME TOPOS ANNELE EN ANNEAUX «LOCAUX».
Il faut tout d’abord
préciser
ce que sont les anneaux«locaux.
Soitexact à
gauche M -+ E qui
envoie une variétéaffine V
surl’objet V(O. )
des
OE-points
deV. (E, OE)
sera «local» si ce foncteur est continu pour latopologie sur M ,
c’est-à-dire sichaque
foisque ( Ui -+ V)iEI
est unrecouvrement, la famille
est
surjective.
Ceci donne dans le cas de latopologie
deZariski
les an-neaux locaux sans
guillemets
et dans le cas de latopologie
étale les an-neaux locaux stricts
(ou
henséliens de corps résiduelséparablement clos).
M
est le topos classifiant lesk-algèbres « locales »,
cequi
veutdire que la donnée d’un topos annelé en
k-algèbres
~ « locales »(£, OE )
re-vient à celle du
morphisme géométrique E -+ M
dont le foncteurimage
in-verse associe à un
objet X
de kl’objet X(Oli)
desOE -points
deX. R e-
marquons que se donner
unoe- point
p : 1 -X(OE ) de X
revient à se don-ner une factorisation
Soit
(E, °E)
et(1, OF)
deux topos annelés enk-algèbres
locales.Un
morphisme
de(E, OE)
dans(F, OF)
est unmorphisme géométrique 0:.E -.E
avec unmorphisme
dek-algèbres f ; o*OF -+ OE.
Cemorphis-
me sera «local» si pour tout étalé élémentaire
U -+
V le carréest cartésien. On
récupère
ainsi lesmorphismes
locaux sansguillemets
pour les deux données de localisation
déjà considérées.
Venons en maintenant à la
représentation
d’unevariété X
commetopos annelé en anneaux
«locaux.
Leplus
gros du travail adéjà
été fait.~
On a construit le topos
Et/X
et unmorphisme géométrique
qui
donne lak-algèbre
«locale» cherchée.Explicitons :
lak-algèbre « loca-
les
générique
dansil
est EAl ,
la droite affine avec sa structure d’anneau.Son
image réciproque
dansMI X
este A 1 X X -+ X .
N ous noteronsOx
l’éta-lé
associésur X .
SoitY
une variété étaléesur X .
Les sections deOX
au-dessus de Y sont exactement les
morphismes
deY
dansEA1
dans le toposM ,
c’est-à-dire les «fonctions» surY .
Ainsi avec une donnée de localisation vient une notion de fonction et0x
doitêtre
vu comme lefaisceau des fonctions
sur X .
Pour les deuxdonnées
de localisation con-nues, les fonctions sont les fonctions
régulières.
On a donc construit à
partir
de lavariété X
un topos annelé enk-
N
algèbres
«locales »(Et7X, OX).
Lespropriétés
suivantes montrentqu’il s’agit là
d’une bonnereprésentation:
1. Soit
(E, OE)
un topos annelé enk-algèbres «locales».
Il y a unebijection (si
on laisse tomber les «àisomorphisme près»)
entre lesOE-
~
points de X
et lesmorphismes
locaux de(E, OE)
dans(Et7x,ox).
SiX = E
V ,
unOE -point
deX
est unmorphisme
dek-algèbres
dek [V]
dansF(E, OE )
et on reconnait là lapropriété
universelle du spectre.Les choses se passent ainsi : Donnons-nous p ;
1 -+ X(OE).
Onobtient un
morphisme géométrique
Soit
OX,p l’image réciproque
deOX
par cemprphisme; OX,p
est l’anneau«local» de X en p , et on a un
morphisme
«localeOX,p -+OE.
Ce dernierprovient
de la transformationnaturelle Eoi#
=>Id ;
i
Pour montrer que l’on a bien une
bijection,
il faut observer que si on a unmorphisme local>> f; OE -+ OÉ ,
unOE-point
p deX
et sonimage
q parf ,
les anneaux locaux°x p
etOX,q
sontisomorphes :
f
localentraîne f.Ei
iso.20 Soit Y une autre
variété.
Il y abijection
entre lesmorphismes de X
- ~ ~
dans Y dans M
et lesmorphismes
locaux de(Et/X, OX)
dans(Et/Y:OyJ.
111. LE TOPOS
ÉTALE
REEL.Si on se
place
sur un corps de basealgébriquement
closk ,
la don-née de localisation étale peut se décrire ainsi: les étalés élémentaires
sont les
morphismes
étales et les recouvrements sont les familles de mor-phismes
étales(Ui -+ V)iEI
telles que lesUi(k)
recouvrentV k). En remplaçant simplement k
par un corps réel clos(par exemple R )
on ob-tient la donnée de localisation étale réelle. Le topos étale réel d’une va-
riété est le
petit
topos que l’on a construit. Les anneaux « locaux » sont lesanneaux locaux henséliens de corps résiduel réel
clos,
lesmorphismes
«lo-caux» sont les
morphismes
locaux ordinaires et les fonctions associées à la donnée de localisation sont les fonctions de Nash(ou analytiques-algébri- ques).
Uneparticularité remarquable
est le fait que le topos étale réel estun topos de faisceaux sur un espace
topologique.
Pourplus
dedétails
voir[3];
pour le moment seul le cas des variétés affines est traitéexplicitement.
Pour conclure on peut remarquer que - abstraction faite de la termi-
nologie géométrique -
tout ce que l’on a utilisé de M est le fait que c’estune
petite catégorie
à limitesprojectives
finies. On a donc là un formalis-me passe-partout
qui peut-être
rendra service dans d’autres domaines que lagéométrie algébrique classique
ouréelle.
1. M. ARTIN, A. GROTHENDIECK&
J. L
VERDIER, Théorie des topos et cohomo-logie
étale des schémas( SGA 4),
Lecture Notes in Math.269, Springer.
2. M. COSTE,
Localization,
spectra and sheafrepresentation,
Lecture Notes in M ath, 753,Springer
( 1979 ).3. M. COSTE & M.-F. COSTE-ROY, Le topos étale réel d’un anneau, Ce volume.
M. COSTE: Cf. article
précédent.
G . MICHON: D ép artement de
M ath ém ati que s
Unive r sit é d eD ij o n,
B . P. 13821000