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L’efficacité des garanties personnelles

Manuella Bourassin

To cite this version:

Manuella Bourassin. L’efficacité des garanties personnelles. Droit. Université Paris X - Nanterre, 2004. Français. �tel-02060142�

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UNIVERSITE PARIS X- NANTERRE U.F.R. de Droit et de Sciences politiques

L’EFFICACITE DES GARANTIES PERSONNELLES

Thèse de doctorat Mention Droit

Présentée et soutenue publiquement le 26 novembre 2004 par Manuella BOURASSIN

Sous la direction de

Madame Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, Professeur à l’Université Paris X- Nanterre

Membres du jury

Monsieur Laurent Aynès, Professeur à l’Université Paris I- Panthéon Sorbonne Monsieur Alain Bénabent, Professeur à l’Université Paris X- Nanterre

Madame Marie-Noëlle Jobard-Bachellier, Professeur à l’Université Paris X- Nanterre Monsieur Dominique Legeais, Professeur à l’Université Paris V-René Descartes Monsieur Philippe Théry, Professeur à l’Université Paris II-Assas

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INTRODUCTION

1. La crise des garanties personnelles. Les garanties personnelles traversent une nouvelle crise1. Nul ne conteste, en effet, que le cautionnement a perdu de sa superbe2. Depuis une vingtaine d’années, juges et législateur en réduisent la simplicité, la souplesse, la clarté et la prévisibilité. Les lois protégeant des catégories particulières de cautions se multiplient, sans aucune cohérence. Le protectionnisme assorti d’un formalisme tatillon est désormais fréquent. La

1 Les garanties personnelles et, plus généralement, tous les mécanismes de garantie, connaissent une évolution cyclique. Les périodes de sécurité pour les créanciers sont suivies de périodes de crise, pendant lesquelles les garanties ne remplissent qu’imparfaitement leur rôle de protection des intérêts financiers des bénéficiaires.

Sur cette alternance, qui explique que les garanties personnelles et les sûretés réelles soient tour à tour préférées par les créanciers, cf. Ch. MOULY, Les causes d’extinction du cautionnement, Litec, 1979, préf. M. CABRILLAC, n°8 ; Y. CHARTIER, L’évolution du droit des sûretés, Rapport de synthèse, Rev. jurisp. com., n° spécial, février 1982, p. 150 et s. ; J. GILISSEN, Esquisse d’une histoire comparée des sûretés personnelles, Essai de synthèse général, Recueils de la société Jean Bodin, Bruxelles, t. XXVIII, Les sûretés personnelles, 1ère partie, 1974, p. 5 et s. ; Ch. MOULY, Les sûretés personnelles traditionnelles en France, in Les sûretés, Colloque de Bruxelles, FEDUCI, 1984, p. 131, 132, 158 ; Ph. MALAURIE et L. AYNES, par L. AYNES et P. CROCQ, n°17

Sur la crise actuelle du droit des garanties personnelles, cf. notamment P. CROCQ, L’évolution des garanties du paiement : de la diversité à l’unité, Mélanges Ch. Mouly, Litec, 1998, p. 317 et s. ; D. LEGEAIS, Le cautionnement à première demande, Mélanges M. Vasseur, Banque Editeur, 2000, p. 87 ; D. LEGEAIS, Le Code de la consommation siège d’un nouveau droit du cautionnement. Commentaire des dispositions relatives au cautionnement introduites par les lois du 1er août 2003 relatives à l’initiative économique et sur la ville, JCP 2003, éd. E, p. 1610 et s., n°3 ; J. FRANÇOIS, n°3 et 4

2 En ce sens, cf. notamment D. GRIMAUD, Le caractère accessoire du cautionnement, PUAM, 2001, préf. D. LEGEAIS ; Ph. SIMLER, Le cautionnement, Litec, 1982, n°4 ; L. AYNES, Les garanties du financement, Defrénois 1986, article 33779, p. 913 ; L. AYNES, Rapport français sur les sûretés personnelles, in Travaux de l’association H. Capitant, « Les garanties de financement », journées portugaises, t. 47, 1996, LGDJ, p. 377 ; J.-J. DAIGRE, Les substituts du cautionnement : de la lettre à la garantie. La revanche de la liberté, JCP 1992, éd. E., Cahier droit des entreprises 6-92, p. 5 ; Ph. DELEBECQUE, Le cautionnement et le Code civil : existe-t-il encore un droit du cautionnement ?, RJ com. 2004, p. 226 et s. ; D. LEGEAIS, Le cautionnement à première demande, Mélanges M. Vasseur, Banque Editeur, 2000, p. 87 ; D. LEGEAIS, RTD com. 2003, p. 797 et s. ; C. SAINT-ALARY HOUIN, Sûretés et procédures collectives : morceaux choisis, Rapport de synthèse, in Journée nationale organisée par le CRAJEFE, LPA 20 septembre 2000, n°188, p. 42 ; Ph. SIMLER, Les solutions de substitution au cautionnement, JCP 1990, I, 3427 ; J. TERRAY, Le cautionnement : une institution en danger, JCP 1987, I, 3295 ; H., L. et J. MAZEAUD et F.

CHABAS, n°6-4 ; Ph. SIMLER, n°4 ; Ph. THERY, n° 8

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jurisprudence se livre également à un travail de rééquilibrage au profit des cautions en conférant à la mention manuscrite une portée inattendue, en dévoyant le principe d’interprétation stricte du cautionnement, en instrumentalisant la règle de l’accessoire, en empêchant la transmission de l’obligation de couverture aux héritiers de la caution ou encore en découvrant des obligations à la charge des créanciers.

Les garanties personnelles utilisées comme substituts du cautionnement ne connaissent pas un sort plus enviable3. En effet, la jurisprudence limite les attraits des mécanismes qui reposent sur la même technique que le cautionnement (la division du risque d’impayé par une extension du droit de gage général), sans être spécialement réglementés en tant que garanties personnelles. Pour éviter que ne se creuse un fossé entre le cautionnement, très encadré, et les nouvelles garanties personnelles, relevant essentiellement de la liberté contractuelle, les juges portent atteinte à l’autonomie normative de ces garanties innomées. Ils requalifient celles-ci en cautionnement ou leur appliquent les mêmes règles qu’à ce dernier, afin que les protections déjà octroyées aux cautions ne restent pas lettre morte.

Le droit en vigueur fragilise donc les garanties personnelles. Il les entoure d’un halo d’incertitudes, alors qu’il devrait conforter leur prévisibilité, pour qu’elles puissent accroître la sécurité patrimoniale des créanciers et rendre plus sûr l’octroi de crédit.

2. L’objectif de la réflexion : la réforme globale du droit des garanties personnelles. Les imperfections du droit des garanties personnelles sont telles aujourd'hui que des changements sont réclamés d’une seule voix par la doctrine4 et annoncés depuis peu au plus haut niveau de l’Etat5. Si un consensus existe ainsi sur la nécessité d’apporter des modifications au droit en vigueur, la question des solutions à déployer reste entière.

3 En ce sens, cf. notamment P. ANCEL, Nouvelles sûretés pour créanciers échaudés, JCP 1989, éd. E., suppl. Cahier droit des entreprises, n°5, p. 3 ; J.-L. COURTIER, La garantie à première demande : attention messieurs les bénéficiaires, LPA 24 juin 1994, n°75, p. 4 et s. ; D. LEGEAIS, Le cautionnement à première demande, Mélanges M. Vasseur, Banque Editeur, 2000, p. 87 ; Ch. MEYER, Les lettres d’intention, Droit des Sociétés 2000, p. 6 et s. ; B.

MONASSIER, Lettre d’intention : présentation, Droit et patrimoine 1999, n°67, p. 46 et s.

4 En ce sens, cf. notamment Ph. DUPICHOT, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, th. Paris II, 2003, sous la direction de M. GRIMALDI, n°476, 965 ; D.

LEGEAIS, Le cautionnement à première demande, Mélanges M. Vasseur, Banque Editeur, 2000, p. 96 ; D. LEGEAIS, L’imprévisible droit des garanties personnelles, Mélanges Y.

Guyon, Dalloz, 2003, p. 669 et 670 ; D. LEGEAIS, Le Code de la consommation siège d’un nouveau droit du cautionnement. Commentaire des dispositions relatives au cautionnement introduites par les lois du 1er août 2003 relatives à l’initiative économique et sur la ville, JCP 2003, éd. E, p. 1610 et s., n°31 ; F. PASQUALINI, L’imparfait nouveau droit du cautionnement, LPA 3 février 2004, n°24, p. 3 et s., n°2 ; D. LEGEAIS, n°5, 24 ; H., L. et J.

MAZEAUD et F. CHABAS, par Y. PICOD, n°53

5 Lors des commémorations du bicentenaire du Code civil, le Chef de l’Etat a demandé que l’on réécrive le droit des sûretés dans les cinq ans. Un groupe de travail avait d’ailleurs été mis en place, à cette fin, dès juillet 2003, à l’initiative de la Direction des affaires civiles et du Ministère de la Justice. Sur l’état d’avancement de ce groupe de travail, cf. L. AYNES, Droit des sûretés : où en est la réforme ?, Droit et patrimoine 2004, n°130, p. 6 et s.

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Des améliorations ont certes été suggérées à propos de certaines dispositions du cautionnement6 ou à propos de certaines garanties personnelles innomées, comme la garantie autonome7, la lettre d'intention8, l’engagement du codébiteur solidaire9, la délégation imparfaite10, la promesse de porte fort11, la stipulation pour autrui12 ou encore le constitut13, mais aucune réforme d’ensemble n’a encore été proposée.

6 Ph. SIMLER (Codifier ou recodifier le droit des sûretés personnelles ?, in Le Code civil 1804-2004. Livre du Bicentenaire, éd. Dalloz-Juris-Classeur 2004, p. 373 et s.), favorable à un « toilettage des textes du Code civil relatifs au cautionnement » (« la trame générale du dispositif constitué par les articles 2011 à 2043 du Code civil est éprouvée et mérite d’être préservée »), a ainsi proposé une réécriture de l’actuel Titre XIV du Code civil, réduisant le nombre des articles de 33 à 25.

7 Une garantie autonome est un engagement de payer une certaine somme, pris en considération d’un contrat de base, et à titre de garantie de son exécution, mais constitutif d’une obligation indépendante du contrat garanti et caractérisé par l’inopposabilité des exceptions tirées de ce contrat.

Sur l’évolution souhaitable du droit positif en matière de garantie autonome, cf. notamment P. ANCEL, Les sûretés personnelles non accessoires en droit comparé, th. Dijon, 1981 ; A. PRÜM, Les garanties à première demande, Litec, 1994, préf. B. TEYSSIE

8 La lettre d'intention (ou de confort, de patronage) est un document par lequel un tiers exprime à un créancier, en des termes variables et généralement imprécis, son intention de soutenir son débiteur afin de lui permettre de remplir ses engagements. L’hypothèse type est celle d’une société-mère qui adresse un tel document à la banque créancière, ou future créancière, de sa filiale, lui promettant de « faire tout le nécessaire » ou « tout son possible » pour que celle-ci soit en mesure de remplir les engagements par elle contractés envers la banque.

Sur l’évolution souhaitable du droit positif en matière de lettre d'intention, cf. notamment X. BARRE, La lettre d'intention technique contractuelle et pratique bancaire, Economica, 1995, préf. Ch. Gavalda

9 La solidarité passive est une garantie personnelle, car les codébiteurs solidaires étant tous tenus à l’égard du créancier pour la totalité de la dette, celui-ci n’a pas à diviser ses poursuites. Chaque codébiteur est garant des autres pour la partie qui excède sa part dans la dette commune.

L’article 1216 du Code civil vise l’hypothèse du codébiteur solidaire non intéressé à la dette.

Dans ses rapports avec les codébiteurs intéressés, le codébiteur solidaire adjoint est, aux termes mêmes de l’article 1216, traité comme une caution, alors qu’il est un débiteur principal aux yeux du créancier.

Sur l’évolution souhaitable du droit positif en matière de solidarité passive, cf. notamment Ph. BRIAND, Eléments d’une théorie de la cotitularité des obligations, th. Nantes, 1999, sous la direction de F. COLLART DUTILLEUL ; M. MIGNOT, Les obligations solidaires et les obligations in solidum en droit privé français, th. Université de Bourgogne, 2000, sous la direction de E. LOQUIN ; M. OURY-BRULE, L’engagement du codébiteur solidaire non intéressé à la dette. Article 1216 du Code civil, LGDJ, 2002, préf. C. FERRY

10 La délégation imparfaite (simple, sans novation) peut servir de garantie personnelle, car elle consiste en l’engagement d’un nouveau débiteur, le délégué, sans extinction de l’obligation du débiteur primitif, le délégant. Elle augmente la sécurité patrimoniale du créancier, le délégataire, en lui donnant un second débiteur.

Sur l’évolution souhaitable du droit positif en matière de délégation imparfaite, cf. notamment M. BILLIAU, La délégation de créance, LGDJ, 1989 ; J. FRANÇOIS, Les opérations triangulaires attributives (stipulation pour autrui et délégation de créance), th. dactyl. Paris II, 1994 ; Ch. LACHIEZE, Le régime des exceptions dans les opérations juridiques à trois personnes en droit civil, th. Bordeaux IV, 1996, sous la direction de J. HAUSER

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Une réforme globale est pourtant nécessaire pour sortir de la crise. En effet, les défauts du droit du cautionnement sont désormais trop profonds pour pouvoir être jugulés par des modifications ponctuelles. Comme en attestent les lois du 29 juillet 1998 et du 1er août 200314, les réformes ponctuelles ne font qu’accroître les faiblesses du cautionnement. Une réforme d’ensemble du droit du cautionnement est donc indispensable pour renforcer la sécurité de cette sûreté, mais elle ne saurait suffire pour supprimer toutes les lacunes du droit positif. La raison en est que, si le législateur s’obstine à ne réglementer que le cautionnement, la pratique continuera à chercher des substituts, mais les juges continueront aussi à fixer, au coup par coup, les règles applicables à ces garanties personnelles innomées, dans le souci de limiter le contournement qu’elles opèrent. Les garanties personnelles autres que le cautionnement demeureront donc marquées par l’incertitude si le législateur ne procède pas à une réforme globale.

Quelle structure et quel contenu devrait présenter cette réforme d’ensemble du droit des garanties personnelles pour que règne la sécurité en cette matière ?

C’est à cette question que l’étude de l’efficacité des garanties personnelles se donne pour but de répondre.

11 La promesse de porte fort, régie par l’article 1120 du Code civil, n’a, au premier abord, rien d’une garantie, puisqu’il s’agit d’une « technique permettant de conclure un acte auquel une personne devrait être partie, alors qu’elle n’est pas actuellement en mesure de donner son consentement, moyennant l’engagement pris par une autre personne, le porte-fort, de rapporter la ratification de la première » (Ph. SIMLER, n°36). Elle peut pourtant constituer un véritable substitut du cautionnement, car l’article 1120 n’impose pas que la promesse ait nécessairement pour objet une ratification (l’article 1120 vise, en effet, « celui qui s’est porté fort ou qui a promis de faire ratifier »). Le « fait » promis par le porte-fort peut être aussi l’exécution d’un engagement pris par un tiers. Alors, si le tiers refuse de tenir cet engagement, le porte-fort devra indemniser le créancier et il jouera le rôle d’un garant.

12 Une stipulation pour autrui peut constituer une garantie personnelle lorsque le promettant (garant) est déjà débiteur du stipulant (débiteur principal). Le stipulant exige alors de son débiteur (garant / promettant) qu’il se libère entre les mains de l’un de ses propres créanciers (tiers bénéficiaire). Celui-ci acquiert un droit direct de créance contre le promettant / garant.

La Cour de cassation (Civ., 6, 8, 22 février et 27 mars 1888 : DP 1888, I, 193) a précisé que le droit du tiers bénéficiaire naît directement au moment où le promettant s’oblige et par le fait même de la promesse. Ce droit naît par le seul effet de l’accord de volontés entre le stipulant / débiteur principal et le promettant / garant. L’acceptation du tiers bénéficiaire n’est pas une condition de l’acquisition de son droit contre le garant. Son seul effet est de rendre la stipulation irrévocable.

Sur l’évolution souhaitable du droit positif en matière de stipulation pour autrui, cf.

J. FRANÇOIS, th. préc.

13 Le constitut est l’engagement autonome de payer la dette d’autrui souscrit par le

« constituant », qui s’oblige à payer, non la dette même du débiteur principal, mais une dette d’un même montant. Le quantum de la dette du constituant est emprunté à celui de l’obligation garantie, mais le constituant ne peut soulever les exceptions nées de cette obligation.

Sur l’évolution souhaitable du droit positif en matière de constitut, cf. F. JACOB, Le constitut ou l’engagement autonome de payer la dette d’autrui à titre de garantie, LGDJ, 1998, préf.

Ph. SIMLER

14 Loi n°98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Loi n°2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique.

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3. L’espace de réflexion. La problématique retenue dicte le champ de cette étude à deux égards. D’une part, l’objectif de reconstruction du droit des garanties personnelles influence le choix des garanties personnelles à étudier. En effet, seules méritent d’être analysées les garanties personnelles à l’égard desquelles la crise est la plus manifeste et les demandes de réforme les plus vives, c'est-à-dire les garanties personnelles instituées à l’initiative des créanciers et non intégralement régies par la loi. L’étude portera donc sur les garanties personnelles strictement conventionnelles, que sont le cautionnement et les contrats non spécialement réglementés en tant que garanties personnelles, auxquels les créanciers recourent pour éviter la politique légale et jurisprudentielle de protection de la caution15. En revanche, ne seront pas analysées à la lumière du droit positif et ne seront pas concernées par les propositions de réforme, tant les garanties personnelles légales16, que les garanties personnelles conventionnelles ayant pour fait générateur une loi ou une décision judiciaire17. D’autre part, le souci de réformer le droit des garanties personnelles oriente le choix des règles à étudier. Comme une réforme ne peut être source de progrès que si elle remédie aux imperfections du droit positif, sans remettre en cause les règles donnant satisfaction, il convient, avant de proposer des modifications du droit existant, d’étudier précisément celui-ci, en vue de distinguer ce qui doit être

15 Pour une présentation sommaire de ces garanties personnelles conventionnelles servant de substituts au cautionnement, cf. supra n°2

16 Les garanties personnelles légales confèrent à un créancier déterminé par la loi un droit de gage général contre un tiers au contrat de crédit principal, en garantie de l’exécution de celui- ci, sans qu’aucun contrat ne soit conclu, ni entre le créancier et le garant, ni entre le créancier et le débiteur, ni entre le débiteur et le garant. Peuvent recevoir cette qualification les actions directes, la saisie-attribution, les différentes hypothèses de solidarité légale (notamment la solidarité des époux de l’article 220 du Code civil, la solidarité des partenaires liés par un Pacs de l’article 515-4 alinéa 2 du Code civil, la solidarité des associés d’une société en nom collectif de l’article L. 221-1 alinéa 1er du Code de commerce, la solidarité cambiaire de l’article L. 511-44 du Code de commerce), les obligations d’adhésion ou de cotisation à un fonds de garantie (comme le fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse ou le fonds de garantie des dépôts, mécanismes de garantie des titres et des cautions) ou encore la responsabilité légale du fait d’autrui (notamment celle des articles 1384, 1386-8 et 1792-4 du Code civil).

17 Les garanties personnelles conventionnelles ayant pour fait générateur une loi ou une décision judiciaire reposent sur la conclusion d’un contrat entre le créancier et le garant, mais leur constitution résulte, soit d’une obligation légale, soit d’une décision de justice, et non d’un accord entre le créancier et le débiteur.

De nombreux textes imposent ainsi la conclusion d’un cautionnement. Tel est notamment le cas, dans le Code civil, des articles 601 (à l’égard de l’usufruitier), 807 (à l’égard de l’héritier bénéficiaire), 1653 (à l’égard du vendeur) et 1799-1 alinéa 3 (à l’égard du maître d’ouvrage).

Le Code de commerce (articles L. 511-33 et L. 511-34 en matière de lettre de change), le Code du travail (article L. 124-8 relatif aux entreprises de travail temporaire), le Code de la construction et de l’habitation (au sujet des garanties de bonne fin) et les textes non codifiés relatifs aux garanties financières professionnelles en fournissent d’autres illustrations.

De nombreux textes confèrent également aux juges le pouvoir d’exiger d’un débiteur la constitution d’un cautionnement (par exemple, l’article 277 du Code civil à l’égard de l’époux débiteur d’une prestation compensatoire, les articles 517 et suivants du nouveau Code de procédure civile relatifs à l’exécution provisoire des jugements).

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conservé de ce qui doit être réformé18. Même s’il ne fait aucun doute que les garanties personnelles traversent une crise, une analyse détaillée des règles légales et jurisprudentielles applicables, tant au cautionnement, qu’aux nouvelles garanties personnelles, doit ainsi nécessairement précéder l’exposé de la réforme d’ensemble préconisée. Cette étude des garanties personnelles, de lege lata, sera uniquement opérée au regard du droit interne français19.

Dans le cadre des réflexions de lege ferenda, le droit communautaire jouera en outre un rôle prépondérant20. Dans la mesure où la proposition de directive du 11 septembre 2002 relative au crédit aux consommateurs21 réglemente dans le détail les engagements souscrits par les garants personnes physiques dans un but étranger à leur activité commerciale ou professionnelle, il paraît en effet nécessaire de développer une réforme du droit des garanties personnelles qui soit compatible avec les nouvelles exigences communautaires22.

18 En ce sens, cf. M. CABRILLAC, Un domaine à explorer pour le chercheur : les démarches de l’investigation juridique, in L’avenir du droit, Mélanges F. Terré, Dalloz, 1999, p. 167 et s. ; R. HOUIN, De lege ferenda, Mélanges P. Roubier, 1961, t. 1, p. 273 et s.

19 Les principales décisions judiciaires relatives au cautionnement, à la garantie autonome, à la lettre d'intention, à la solidarité passive, à la solidarité adjointe, au constitut, à la délégation imparfaite, à la promesse de porte fort et aux garanties personnelles légales font l’objet d’un index.

Compte tenu du fait qu’ « ils sont en toute hypothèse peu appropriés aux garanties de droit interne » (Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, n°215) et qu’ils connaissent de ce fait un succès pratique très limité, les modèles de garantie proposés par la Chambre de Commerce internationale et par la commission des Nations-Unies pour le commerce international ne feront pas l’objet d’une analyse exhaustive. Il n’y sera fait référence que ponctuellement. Pour des études approfondies de ces règles, cf. H. CHANTELOUP et V. HEUZE, Financement et garantie, in Pratique des contrats internationaux, 1997 ; S. PIEDELIEVRE, Remarques sur les règles uniformes de la Chambre de commerce internationale relatives aux garanties sur demande, RTD com. 1993, p. 615 et s. ; S. PIEDELIEVRE, Le projet de convention de la commission des Nations-Unies pour le commerce international sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by, RTD com. 1996, p. 633 et s. ; Ph. SIMLER, Règles uniformes de la Chambre de Commerce Internationale, relatives aux garanties sur demande, LPA 13 mai 1992, n°58, p. 25 ; Ph. SIMLER, n°868 et s.

20 Le rapprochement des législations des Etats membres de l’Union européenne opéré par la proposition de directive du 11 septembre 2002, au sujet du crédit aux consommateurs et du

« contrat de sûreté », dispense de se livrer à une étude de droit comparé pour pouvoir envisager l’efficacité des garanties personnelles de lege ferenda.

21 Proposition de directive du 11 septembre 2002 relative à l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs. COM/2002/0443 final - COD 2002/0222 ; Journal officiel n° C 331 E du 31/12/2002 p. 0200 – 0248. Ce texte, ainsi que ses aménagements postérieurs, figurent sur le site http://europa.eu.int/prelex/detail_dossier_real.cfm?CL=fr&DosId=176090

22 Il n’est pas prématuré de développer une réforme globale du droit des garanties personnelles, qui intègre les nouvelles règles communautaires, même si celles-ci ne sont encore que des propositions examinées par le Parlement européen, car il y a de fortes chances pour que la plupart des dispositions relatives au « contrat de sûreté » ne subissent aucune modification. En effet, alors que nombre de règles intéressant le contrat de crédit aux consommateurs ont déjà été vivement dénoncées, notamment par le Sénat, la Communauté européenne des Coopératives de consommateurs, le MEDEF, et l’Association française des Sociétés Financières (sur ces critiques, cf. infra n°746), les dispositions concernant le

« contrat de sûreté » ont, au contraire, été globalement bien accueillies. Seule l’application de

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4. L’ « outil » de réflexion : l’efficacité. Pour pouvoir proposer une réforme du droit des garanties personnelles, à même de supprimer les lacunes du droit en vigueur, aussi bien que d’anticiper les transformations imposées par la Commission européenne, il est primordial de choisir un angle d’analyse des garanties personnelles qui facilite cette reconstruction. L’efficacité est, à cet égard, l’ « outil » le plus approprié.

Cette affirmation peut surprendre, car l’efficacité n’est pas une notion juridique. Le terme efficacité ne figure pas dans les dictionnaires juridiques de référence. Il est certes fréquemment employé par la doctrine, mais sans être assorti d’un contenu juridique précis. Pour être en vogue, le terme efficacité n’en reste donc pas moins empreint d’obscurité. Dans ces conditions, son caractère adéquat pour étudier un mécanisme juridique et le droit qui lui est applicable peut paraître douteux.

L’affirmation selon laquelle l’efficacité est l’angle d’analyse des garanties personnelles le plus approprié peut en outre déranger, car l’efficacité n’est pas un critère d’évaluation du droit prisé par les juristes. Depuis Kelsen, une partie importante de la doctrine apprécie le droit sous l’angle de sa validité et de sa légitimité, et elle se désintéresse, pour l’essentiel, des effets concrets des normes.

L’évaluation du droit à travers le prisme de l’efficacité est abandonnée aux sociologues et surtout aux économistes. L’efficacité est tenue à l’écart de la sphère juridique, car elle est suspectée d’être incompatible, non seulement avec les modes d’appréciation traditionnels du droit, mais aussi avec des valeurs juridiques fondamentales. L’efficacité, comme instrument d’évaluation des mécanismes juridiques et des règles de droit, est donc considérée comme dangereuse.

L’efficacité n’étant pas une notion juridique et son utilisation en tant que critère d’appréciation du droit faisant ainsi l’objet de préventions, il est indispensable d’expliquer pourquoi elle constitue un « outil » de réflexion particulièrement adéquat en matière de garanties personnelles. Il s’agit de démontrer que l’analyse des garanties personnelles sous l’angle de l’efficacité permet de proposer une réforme du droit en vigueur, qui rompe avec l’insécurité actuelle et s’accorde avec les nouvelles contraintes communautaires.

5. Plan de l’introduction. Pour mener à bien cette démonstration, il est tout d’abord nécessaire de préciser en quoi consiste l’efficacité des garanties personnelles (§1). Il importe ensuite de dissiper les craintes entourant l’évaluation du droit à travers le prisme de l’efficacité et de mettre en exergue, au contraire, les implications réelles d’une telle évaluation en matière de garanties personnelles (§2).

Il convient, enfin, de présenter les principales caractéristiques de la reconstruction du droit des garanties personnelles à laquelle conduit la recherche de l’efficacité (§3).

la future directive aux « contrats de sûreté » conclus par acte authentique est sérieusement critiquée et pourrait, de ce fait, être finalement écartée. Les propositions de réforme doivent tenir compte de cette évolution probable du texte communautaire. C’est pourquoi, seront distingués le régime des garanties personnelles souscrites sous seing privé et celui des garanties personnelles conclues devant notaire (cf. infra n°912 à 932).

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§1 : LA DEFINITION DE L’EFFICACITE

6. L’efficacité : une notion faussement polysémique. En apparence, l’efficacité est une notion polysémique, puisque trois sens lui sont communément attribués : la production d’un effet, l’accomplissement d’un but précis, et la productivité23.

En réalité, l’équivoque peut aisément être dissipée, car deux de ces définitions se rapportent, plus exactement, à des notions voisines : la réalisation d’un effet caractérise l’effectivité24 ; le rendement est, quant à lui, synonyme d’efficience25.

7. L’efficacité : qualité d’une chose ou d’une action qui produit l’effet attendu. L’efficacité n’a donc finalement qu’une seule signification : l’accomplissement d’une attente. A partir des éléments composant cette définition usuelle de l’efficacité, des définitions plus précises, concernant des actions ou objets déterminés, peuvent être élaborées.

Une fois présentés les éléments constitutifs de la notion d’efficacité (A), il sera ainsi possible de préciser en quoi consiste l’efficacité des garanties personnelles (B).

A/ LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA NOTION D’EFFICACITE La notion d’efficacité s’articule autour de trois éléments : une attente, un effet et une relation d’adéquation entre les deux.

8. Une attente objective ou subjective. L’attente est une espérance posée par une conscience, un effet recherché26. Quelle que soit la chose ou l’action qui la génère, l’attente peut présenter un caractère objectif ou subjectif.

23 Le Grand Larousse Universel : Efficace : « se dit d’un produit, d’une méthode, qui produit l’effet attendu, ou de quelqu’un qui remplit bien sa tâche, se dit de son action, de ses paroles qui atteignent leur but, qui aboutissent à des résultats utiles » ; Le Robert, Dictionnaire de la langue française : Efficace : « 1. qui produit l’effet qu’on en attend. 2. Capacité de produire le maximum de résultats avec le minimum d’effets, de dépense ».

Cette polysémie s’explique par le fait que l’étymologie latine du terme « efficacité » est elle- même équivoque. En effet, efficax, efficacis signifie, d’une part, agissant, qui réalise et, d’autre part, qui produit de l’effet, qui réussit.

24 Le Petit Larousse : Effectif : « qui existe réellement, qui se traduit en action » ; M.-A. FRISON-ROCHE, L’efficacité des décisions en matière de concurrence : notions, critères, typologie, LPA 28 décembre 2000, n°259, p. 4 et s. : « un phénomène est effectif lorsqu’il existe, qu’il est actualisé (c'est-à-dire en acte), qu’il a quitté le simple état de forme, de puissance, de virtualité ».

25 Le Petit Larousse : Efficience : « capacité de rendement, performance » ; L. AMIEL- COSME, L’efficience des nullités, Droit et Patrimoine 2000, n°83, p. 89 et s. : « la notion d’ « efficience » se dédouble : l’efficience, c’est d’abord « la faculté de produire un effet » et, ensuite, cet effet est « un effet utile ». Est ainsi appréciée l’efficacité d’une mesure ou sa capacité de rendement, sa performance ».

26 Le terme attente sera employé dans ce sens général et non dans le sens juridique particulier attaché à la théorie des attentes légitimes ou raisonnables. Sur cette théorie, cf. notamment J. CALAIS-AULOY, L’attente légitime. Une nouvelle source de droit subjectif ?, Mélanges Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 171 et s. ; J. CARBONNIER, Introduction, in L’évolution

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L’attente objective est celle que toutes les personnes placées dans une même situation partagent, en raison des caractéristiques essentielles, de ce qu’il est naturel d’attendre de l’objet utilisé ou de la démarche entreprise.

L’attente subjective, quant à elle, est celle qu’une personne déterminée développe, du fait de la spécificité de sa situation. Nourrir une attente subjective revient à assigner un but particulier à l’objet ou à l’action envisagé.

9. Un effet réalisé. Concernant l’effet, il s’agit de celui produit par les moyens ou actions mis en œuvre. Ceux-ci quittent le simple état de virtualité, pour être actualisés. L’effet n’est plus seulement recherché, il est réalisé. L’effectivité précède nécessairement l’efficacité.

L’effet pris en compte pour définir l’efficacité est, en outre, uniquement celui produit par l’objet ou l’acte ayant engendré l’attente. Le référent doit être le même au stade de l’attente et à celui du résultat.

10. Une adéquation. Le dernier élément constitutif de la notion d’efficacité est la relation existant entre l’effet recherché et l’effet réalisé. L’efficacité repose sur une comparaison entre l’effet attendu d’un objet ou d’une action et le résultat réellement produit par ceux-ci, et elle se reconnaît à l’équivalence parfaite entre ces deux éléments.

Une chose ou une action, quelle qu’elle soit, ne peut être déclarée efficace qu’après avoir produit des effets et seulement si ces effets sont conformes aux attentes qu’elle a créées.

Comme les attentes peuvent être de nature objective ou subjective, deux relations d’adéquation sont susceptibles d’exister et, par conséquent, deux types d’efficacité peuvent se cumuler.

11. L’efficacité objective : réalisation d’une fonction. L’efficacité peut tout d’abord être envisagée in abstracto. C’est le devenir de l’attente objective qui est alors examiné. L’attente objective, partagée par toute personne ayant recours à un objet déterminé, procède de la fonction de celui-ci.

La fonction d’un objet correspond à ce pour quoi il est conçu, à ce pour quoi il y est normalement recouru. Autrement dit, c’est « ce qu’on ne peut faire que par lui, ou ce qu’on fait le mieux avec lui »27.

contemporaine du droit des contrats, Journées R. Savatier, 24-25 octobre 1985, PUF, 1985, p. 29 et s ; J. CARBONNIER, Les obligations, PUF, 2000, n°21

27 PLATON, La République, I/ 351e – 352 e et I/ 352 e – 353 e : « - Et dis-moi : le cheval te paraît-il avoir une fonction ? - Oui. - Or, poserais-tu comme fonction du cheval, ou de n’importe quel autre sujet, ce qu’on ne peut faire que par lui, ou ce qu’on fait le mieux avec lui ? - Je ne comprends pas, dit-il. - Expliquons-nous : vois-tu par autre chose que par les yeux ? - Certes non. - Et entends-tu par autre chose que par les oreilles ? -Nullement. - Nous pouvons par conséquent dire justement que ce sont là les fonctions de ces organes. - Sans doute. - Mais quoi ! ne pourrais-tu pas tailler un sarment de vigne avec un couteau, un tranchet, et beaucoup d’autres instruments ? - Pourquoi pas ? - Mais avec aucun, je pense, aussi bien qu’avec une serpette qui est faite pour cela. - C’est vrai. - Donc, ne poserons-nous pas que c’est là sa fonction ? - Nous le poserons certainement. »

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L’efficacité définie au regard de l’attente objective, que l’on peut qualifier d’efficacité objective ou in abstracto, se caractérise donc par la réalisation d’une fonction.

12. L’efficacité subjective : réalisation d’une finalité. L’efficacité peut également être appréciée in concreto. Il s’agit alors de s’intéresser aux attentes subjectives. Ces attentes propres à chaque individu utilisant un objet donné précisent la fonction de celui-ci ou, au contraire, s’en éloignent.

Par opposition à la fonction, qui présente un caractère objectif, le but particulier assigné à un objet par une personne déterminée, peut être qualifié de finalité28.

Dans ces conditions, l’efficacité définie à la lumière des attentes subjectives, c'est-à-dire l’efficacité subjective ou in concreto, se caractérise par la réalisation d’une finalité.

13. Pour définir plus précisément l’efficacité objective ou subjective d’un objet particulier, il suffit d’expliciter les éléments constitutifs de la notion d’efficacité au regard des caractéristiques de cet objet. C’est ainsi en approfondissant les attentes et les effets créés par les garanties personnelles qu’il est possible de déterminer ce que recouvre leur efficacité.

B/ LES DEFINITIONS DE L’EFFICACITE DES GARANTIES PERSONNELLES 14. L’efficacité des garanties personnelles peut être envisagée in abstracto ou in concreto, selon que l’on s’attache à l’attente partagée par tous les bénéficiaires ou aux effets spécifiquement recherchés par certains créanciers. Il convient donc de définir, d’une part, l’efficacité objective des garanties personnelles (1) et, d’autre part, leur efficacité subjective (2).

1. La définition de l’efficacité objective des garanties personnelles

15. La fonction des garanties personnelles. Toutes les garanties personnelles, quels que soient leur nature, leur contenu, les parties au contrat et les caractéristiques de l’opération principale, ont pour raison d’être d’accroître la sécurité patrimoniale du bénéficiaire, d’augmenter les chances d’un dénouement satisfactoire, pour celui-ci, de l’opération de crédit. Les garanties personnelles sont conçues pour protéger les intérêts financiers des créanciers et elles font naître chez ces derniers une même attente, objective, celle d’éviter une perte pécuniaire.

16. L’efficacité objective des contrats unilatéraux réside dans la protection des intérêts du créancier. Si les garanties personnelles ont donc pour fonction de protéger les intérêts des seuls bénéficiaires et si elles font naître une attente objective uniquement en la personne des créanciers, c’est parce qu’elles présentent un caractère unilatéral.

28 Alors que les termes fonction, finalité, but, fin, vocation, objet, objectif ou encore raison d’être sont le plus souvent employés comme des synonymes, nous définissons différemment la fonction et la finalité, afin d’accentuer le clivage entre les attentes objectives et les attentes subjectives et, par conséquent, la distinction entre l’efficacité in abstracto et l’efficacité in concreto. Sur l’utilité de cette distinction en matière de garanties personnelles, cf. infra n°30

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Dès lors qu’un contrat oblige une personne envers une autre, sans qu’il n’y ait, de la part de cette dernière, d’engagement réciproque, la fonction de ce contrat ne peut être tournée que vers l’unique créancier. Comme l’efficacité objective consiste en la réalisation d’une fonction, il est logique d’en déduire que l’efficacité objective des contrats unilatéraux, dont font partie les garanties personnelles, réside dans la protection des intérêts du créancier.

17. L’efficacité objective des contrats synallagmatiques réside dans l’échange le plus fructueux. Lorsqu’un contrat engendre des obligations réciproques et interdépendantes, la situation est toute autre. En effet, dans la mesure où chacune des parties est débitrice d’une obligation essentielle, qui fait naître chez son cocontractant une attente objective, le contrat ne peut pas avoir pour fonction de protéger l’unique créancier. Le contrat synallagmatique a pour raison d’être de créer ou de transmettre des richesses pour chacune des parties, et son efficacité objective réside dans l’échange le plus fructueux.

Les travaux de la Law and Economics portant sur les contrats synallagmatiques29 retiennent cette définition de l’efficacité30, également appelée

« Pareto optimalité »31, et suggèrent, sur ce fondement, des solutions à la fois meilleures ou aussi bonnes pour toutes les parties et strictement préférées par au moins l’une d’elles32.

29 L’analyse économique du droit des contrats et l’analyse économique des contrats n’envisagent que les contrats créateurs de richesses pour chacune des parties. Ainsi, l’une des théories majeures de l’analyse économique du droit des contrats, la théorie de la violation efficace, est uniquement développée dans le cadre des contrats synallagmatiques (cf.

B. RUDDEN et Ph. JUILHARD, La théorie de la violation efficace, RIDC 4-1986, p. 1015 et s.). L’analyse économique des contrats ne s’intéresse également qu’aux contrats dans lesquels deux parties (« le principal » est la partie qui propose le contrat ; « l’agent » est la partie qui ne peut qu’accepter ou rejeter la proposition du principal) envisagent un échange et, plus particulièrement, aux contrats synallagmatiques d’adhésion.

Pour une présentation générale de l’analyse économique des contrats et de l’analyse économique du droit des contrats, cf. P. GARELLO, Les économistes et le contrat, Mélanges Ch. Mouly, Litec, 1998, p. 37 et s.

30 En dehors de l’analyse économique du droit des contrats et de l’analyse économique des contrats, d’autres définitions de l’efficacité sont présentes dans les travaux de la Law and economics. Dans une perspective utilitariste, certains retiennent que l’efficacité se caractérise par le bonheur maximum pour le plus grand nombre. Au regard du critère de justice de Rawls, d’autres subordonnent l’efficacité à un bonheur identique pour tous. D’autres encore adoptent le critère de Kaldor-Hicks, qui a pour vocation d’évaluer les changements juridiques : un changement est efficace, si l’amélioration qu’il apporte à la situation d’au moins un individu compense les pertes subies par un autre. Sur ces différentes approches de l’efficacité, cf. T.

KIRAT, Economie du droit, éd. La découverte, 1999 , spéc. p. 69 ; B. LEMENNICIER, Economie du droit, Cujas, 1991, spéc. p. 27

31 La « Pareto optimalité » est l’échange le plus fructueux, c'est-à-dire qu’« il est impossible de réaliser une réallocation de ressources telle que le sort d’une personne s’améliore sans que celui d’une autre personne s’en trouve détérioré » (E. MACKAAY, La règle juridique observée par le prisme de l’économiste. Une histoire stylisée du mouvement de l’analyse économique du droit, Rev. Intern. Dr. Eco 1986, t.1, p. 52).

32 Pour des exemples de solutions tendant vers la « Pareto efficience » cf. T. KIRAT, op. cit., p. 69 ; B. LEMENNICIER, op. cit., p. 27 ; J.-Y. CHEROT, Trois thèses de l’analyse économique du droit, RRJ 1987-2, p. 443 et s. ; P. GARELLO, art. préc., p. 37 et s.

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18. L’influence limitée de l’analyse économique du droit sur le contrat de garantie personnelle. Comme les garanties personnelles présentent un caractère unilatéral, leur efficacité objective ne doit pas être définie comme l’échange optimal entre les contractants. En conséquence, les solutions proposées par l’analyse économique du droit des contrats pour parvenir à la « Pareto optimalité » des contrats synallagmatiques ne doivent pas être transposées en matière de garanties personnelles. Si une étude portant sur l’efficacité de l’opération de crédit pourrait très certainement s’inspirer des travaux de la Law and Economics, en raison de l’échange réalisé par l’opération envisagée dans sa globalité, une étude portant sur l’efficacité des seules garanties personnelles ne saurait, au contraire, être profondément influencée par les thèses de l’analyse économique du droit.

19. L’origine de la protection des intérêts du créancier. Pour expliquer en quoi consiste l’efficacité objective des garanties personnelles, il ne suffit pas d’exclure la définition parétienne de l’efficacité et de mettre en avant, au contraire, la protection des intérêts financiers des bénéficiaires. Il est en plus nécessaire d’indiquer quelle est l’origine de l’augmentation de sécurité des créanciers. Pour cela, des précisions doivent être apportées sur le deuxième élément constitutif de l’efficacité, c'est-à-dire sur les effets des garanties personnelles.

20. Les effets produits par les garanties personnelles elles-mêmes.

L’extinction de la dette principale, sans que le créancier ne souffre d’un impayé, n’est pas nécessairement synonyme d’efficacité de la garantie personnelle constituée. Celle-ci peut ne jouer aucun rôle dans la protection des intérêts pécuniaires du créancier.

L’extinction de la dette principale peut notamment s’expliquer par la solvabilité du débiteur, au jour de l’exigibilité de sa dette. Divers procédés peuvent rendre plus sûre cette solvabilité. En font partie le droit de regard du créancier sur le patrimoine et les activités du débiteur et les sûretés négatives, comme la clause interdisant de souscrire de nouveaux engagements. En cas de paiement du débiteur, la protection des intérêts du créancier provient de ces techniques de préservation du droit de gage général, et non de la garantie personnelle constituée. Si l’on peut en déduire que ces techniques sont efficaces, il est en revanche impossible de se prononcer sur l’efficacité de la garantie personnelle, puisqu’en l’absence d’effets engendrés par celle-ci, il manque l’un des éléments constitutifs de la notion d’efficacité.

Comme la réduction du risque d’impayé n’est donc pas l’apanage des garanties personnelles, la définition de leur efficacité objective ne doit pas viser la protection des intérêts financiers des créanciers, sans en préciser l’origine. Cette définition doit, au contraire, faire référence aux effets produits par les garanties personnelles elles-mêmes.

21. Les effets de la constitution ou de la réalisation de la garantie personnelle. Plus précisément, les effets à prendre en compte pour définir l’efficacité in abstracto des garanties personnelles sont, non seulement les effets de leur réalisation, mais aussi les effets de leur seule constitution.

L’accomplissement de la fonction des garanties personnelles peut résulter de l’appel du garant. L’attente objective des bénéficiaires est en effet satisfaite

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lorsque la réalisation de la garantie se traduit par le paiement du garant, emportant l’extinction de la dette principale.

Les intérêts patrimoniaux du créancier peuvent également être protégés, sans que le garant ne soit sollicité. Indépendamment de leur mise en œuvre, les garanties personnelles peuvent effectivement produire un résultat conforme à leur fonction. Tel est le cas lorsque leur seule existence conduit à l’extinction de la dette principale, non pas, par hypothèse, par le garant, mais par un tiers au contrat de garantie, qui peut être le débiteur principal lui-même ou encore un tiers cessionnaire de la créance garantie.

22. Définition de l’efficacité objective des garanties personnelles. A la lumière des précisions apportées sur la fonction et sur les effets des garanties personnelles, il apparaît qu’une garantie personnelle, quelle qu’elle soit, est efficace, in abstracto, lorsque sa constitution ou sa mise en œuvre ont pour effet de concrétiser sa fonction, c'est-à-dire de protéger les intérêts financiers du créancier.

L’efficacité objective des garanties personnelles réside ainsi dans le paiement du créancier, grâce à la réalisation ou à la seule constitution de la garantie.

23. L’efficacité des garanties personnelles peut recevoir une autre définition si l’on s’attache, non plus à l’attente objective des créanciers, mais aux effets spécifiquement recherchés par les bénéficiaires en fonction des particularités de leur situation. Il s’agit alors de définir l’efficacité subjective des garanties personnelles.

2. La définition de l’efficacité subjective des garanties personnelles

24. Les deux niveaux d’attentes subjectives. Avant même la constitution de la garantie personnelle, chaque créancier nourrit des attentes qui lui sont propres.

Ces premières attentes naissent lors de l’octroi de crédit, effectif ou seulement envisagé. Des attentes sont ensuite produites par la garantie personnelle effectivement conclue. Elles correspondent à la finalité assignée à la garantie constituée.

25. Les attentes subjectives nées lors de l’octroi de crédit au débiteur.

Les attentes subjectives initiales diffèrent d’une opération contractuelle à une autre.

Les facteurs de variation sont nombreux. Certains se rapportent au contrat principal.

Les attentes subjectives initiales dépendent ainsi du domaine, de la nature, du montant ou encore de la durée de l’opération de crédit. D’autres facteurs de variation concernent le débiteur et, plus précisément, sa qualité, sa solvabilité, sa bonne foi et les relations qu’il entretient avec le créancier. Les attentes subjectives naissant lors de l’octroi de crédit varient encore en fonction de la situation du créancier. Sa situation financière, mais aussi sa qualité et ses précédentes expériences en matière d’octroi de crédit et de garantie ont une incidence sur les choix afférents à la garantie personnelle à constituer. Enfin, les premières attentes subjectives sont influencées par des facteurs extérieurs à l’opération contractuelle, tels que la conjoncture économique et le droit en vigueur.

Quel que soit le contexte qui les inspire, les attentes subjectives initiales précisent l’attente objective, puisqu’elles ont pour objet les conditions particulières de protection, sur lesquelles compte le créancier, avant même la constitution de la garantie personnelle. Les attentes nées lors de l’octroi de crédit au débiteur portent,

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tant sur les modalités, que sur le coût de la protection des intérêts économiques du créancier.

Les modalités de protection sont de deux ordres. Elles ont trait, d’une part, à ce que le créancier attend de son cocontractant (qualité et solvabilité du futur garant, nature et étendue de sa dette, modalités du paiement). Les modalités de protection se rapportent, d’autre part, à ce que le créancier est prêt à assumer comme contraintes pour gagner en sécurité patrimoniale (forme et durée de la constitution et de la réalisation de la garantie, obligations à remplir au bénéfice du futur garant).

Le coût de la protection est également l’objet d’attentes spécifiques, avant la conclusion du contrat de garantie. Si tout créancier espère qu’il lui en coûtera le moins possible, en argent comme en temps, chacun nourrit des attentes plus précises concernant le montant des dépenses à effectuer. Le ratio coût / avantages supportable est ainsi variable d’un créancier à un autre.

26. La finalité assignée à la garantie personnelle constituée. Lors de la conclusion de la garantie personnelle, chaque créancier nourrit de nouveau des attentes particulières. Au vu de la nature et du contenu du contrat conclu, le bénéficiaire espère, en effet, que la garantie personnelle protégera ses intérêts pécuniaires selon certaines modalités33 et pour un certain prix.

Le bénéficiaire assigne alors une finalité particulière à la garantie mise en place. Si toutes les garanties personnelles ont pour fonction d’augmenter les chances d’extinction de la dette principale, chaque garantie personnelle effectivement constituée se voit ainsi conférer, par son bénéficiaire, une finalité plus précise, qui présente un caractère subjectif, et regroupe toutes les attentes générées par la garantie personnelle elle-même.

27. Définition de l’efficacité subjective des garanties personnelles. La définition de l’efficacité subjective des garanties personnelles repose sur les deux niveaux d’attentes spécifiques à chaque créancier, ainsi que sur les effets produits par la garantie34.

L’efficacité subjective des garanties personnelles consiste ainsi en un double rapport d’adéquation : d’une part, une adéquation entre les attentes nées de l’octroi de crédit et la finalité assignée à la garantie personnelle effectivement conclue ; d’autre part, une adéquation entre cette finalité et les effets produits par la constitution ou la réalisation de la garantie.

28. La « crise d’efficacité » des garanties personnelles. Au regard des définitions de l’efficacité des garanties personnelles, il apparaît que la crise que traversent ces mécanismes correspond à un manque d’efficacité. Quelques exemples suffisent à s’en convaincre.

Les moyens de défense offerts à la caution par le législateur et par les juges, en ce qu’ils empêchent, totalement ou partiellement, l’extinction de la dette principale grâce à la réalisation de la garantie, compromettent l’efficacité objective du cautionnement.

33 Ces modalités sont de même ordre que celles envisagées dans le cadre des attentes initiales.

34 Les effets pris en compte pour définir l’efficacité subjective des garanties personnelles étant les mêmes que ceux envisagés dans le cadre de l’efficacité objective (cf. supra n°20, 21), il n’est pas utile de leur consacrer de nouveaux développements.

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