Intervention de Christine Jarrige La question du métier
C'est peu de dire que le métier de copsy est malmené.
Il est malmené parce que la conception même de l'orientation est transformée.
Il ne s'agit plus d'aider les élèves à se projeter dans l'avenir et de redonner une dynamique à leur développement, à leurs études, mais de détecter au plus vite ceux qui vont faire partie des 50% autorisés à poursuivre leurs études jusqu'en L3 et les autres.
L'importation du terme de sécurisation des parcours dans l'Ecole est ravageur.
Sécurisation pour qui ?
N'est-ce pas à l'institution scolaire, à la société de prendre le risque d'être ambitieux pour chacun, de ne pas sur-amplifier les obstacles potentiels pour obtenir un diplôme et trouver un emploi.
On sait très bien quels sont les élèves qui seront particulièrement sensibles à ces arguments et renonceront. C'est pour eux que sont mis en place toutes les filières de délestage vers le pré-apprentissage, mais aussi pour tous ceux qui pourraient choisir la voie technologique mais optent pour les filières professionnelles.
Notre métier est malmené parce qu'il est asphyxié et dénaturé.
Difficile à vivre quand, dans certains établissements, les chefs d'établissement voudraient nous cantonner à être les spécialistes des procédures d'orientation tandis que, par le biais du PDMF et le l'Accompagnement Personnalisé, ils poussent les enseignants à prendre en charge l'accompagnement à l'orientation et les entretiens. Le discours récurrent étant : « vous allez disparaître, il faut que les profs s'en chargent ».
Malmené parce que l'asphyxie de la profession à laquelle le Ministère travaille activement ouvre la porte à l'intervention d'associations diverses censées accompagner les jeunes, sous prétexte que « les cop ne sont jamais là. »
Malmené quand, par le biais de la labellisation, ce sont d'autres activités, extérieures à celles qui sont les nôtres dans les collèges et les lycées, qui vont s'imposer.
La publication des arrêtés sur la formation est très dangereuse car ils sont centrés quasi exclusivement sur la connaissance de l'insertion professionnelle et l'économie, et dénaturent complètement le métier.
En quoi cette connaissance va-t-elle armer nos collègues pour le travail réel de terrain ?
D'après leurs missions statutaires, les copsy doivent assurer l'observation continue des élèves, et donc les aider dans les transitions entre cycles, apporter un éclairage psychologique et sociologique sur les difficultés scolaires pour mieux travailler avec les enseignants, favoriser l'épanouissement et être attentif aux situations de malaise à l'adolescence. Tout ceci est évidemment complètement lié à l'élaboration des projets d'avenir qui sont pris dans cette dynamique, dans ces bouleversements.
Ce qui se prépare pour les élèves, c'est l'arrivée de nouveaux intervenants, coaches du projet professionnel dès la 5ème qui pourront se prévaloir du label
« Orientation pour Tous ». C'est la porte ouverte à la manipulation des choix et à la pression sur des publics captifs par des organismes non indépendants du privé.
La casse du métier de copsy traduit la transformation radicale des finalités éducatives. C'est l'affaire de tous d'y faire obstacle.
Il faut conjointement agir pour permettre aux copsy de continuer à porter une conception de l'orientation ambitieuse, émancipatrice, passant par la formation et la culture pour tous, au bénéfice des élèves et des équipes des établissement.
