Br`eve introduction ` a la th´eorie des risques financiers
O. Dubois November 7, 2005
Objectifs
Nous ´etudions un exemple en finance de mod´elisation `a l’aide d’´equations aux d´eriv´ees partielles : le calcul de la valeur d’une option appliqu´e `a la valorisation d’une couverture contre une hausse du prix du gaz.
1 Pr´ esentation
1.1 Options et couvertures
Un industriel a besoin de telles quantit´es de gaz pour assurer sa production que le prix du gaz est un param`etre important de la rentabilit´e de son activit´e. Il souhaite par cons´equent acqu´erir sur un march´e financier une couverture contre la hausse du prix de l’actif gaz, afin d’´echanger ce risque contre le paiement d’une somme d’argent. Il choisit d’acheter un contrat financier d´enomm´e “option” par lequel il acquiert aujourd’hui contre une certaine somme d’argent not´ee V0 (la “prime d’option”) le droit d’acheter `a une date T une certaine quantit´e de gaz `a un prix K fix´e. La date T est l’ “´ech´eance” de l’option. Le prix K est le
“prix d’exercice”. Le prix d’un m`etre cube de gaz est aujourd’hui ´egal `aS0 Euros/m3. Nous noteronsStle prix de cet actif `a toute datetcomprise entre 0 (aujourd’hui) etT (l’´ech´eance).
A l’´ech´eance T, si le prix du gaz est sup´erieur au prix d’exercice K, l’industriel percevra la diff´erence entre les deux. Si ce n’est pas le cas, il ne percevra rien (mais ne d´eboursera rien non plus). Ainsi, la somme, ou pay-off, re¸cue par l’industriel, propri´etaire de l’option, `a la date d’´ech´eance T est ´egale `a:
P O(T) =max(0, ST −K) (1)
Nous noteronsVt la valeur de l’option d´etenue par l’industriel `a toute date tcomprise entre 0 etT. A la dateT, la d´etention de l’option lui permet de percevoir la sommeP O(T). Il est donc logique que l’option ait alors exactement cette valeur:
VT =max(0, ST −K) (2)
Nous supposerons que la valeur de l’option ne d´epend `a une datetque de la valeur de l’actif (St) et de la datet:
Vt=C(t, St) (3)
Nous cherchons `a calculer la valeur de l’option `a tout instant, et notamment sa valeur au- jourd’hui, c’est `a dire la prime d’option:
V0 =C(0, S0) (4)
Seule la relation donnant VT en fonction de ST est connue:
C(T, ST) =VT =max(0, ST −K) (5) 1.2 Mod´elisation de la dynamique du prix de l’actif
Afin de calculer la valeur de la prime entre les instants 0 etT, nous avons besoin d’un mod`ele de la dynamique d’´evolution du prix de l’actif. On supposera que la valeur de l’actif est connue `a intervalles de temps r´eguliers de longueur ∆t. Les instants correspondants seront not´es ti (et ti+1 =ti+ ∆t). Entre ces deux instants, la variation deStest donn´ee par:
Sti+1−Sti = ∆Sti =Sti
³
µdt+σ√
∆tNi´
(6) µ et σ sont des constantes dont on va donner la signification ci-dessous. Les Ni sont une suite de variables al´eatoires ind´ependantes les unes des autres et identiquement distribu´ees.
Chacune d’elle est distribu´ee selon une loi normale centr´ee r´eduite (esperance nulle, variance
´egale `a 1). En fait, cette dynamique discr`ete correspond, par passage `a la limite, `a l’´equation diff´erentielle stochastique (ou eds) suivante:
dSt
St =µdt+σdWt (7)
Cette ´equation donne la variation relative du prix de l’actif pendant le pas de tempsdt. Elle est connue sous le nom de mod`ele de Black-Scholes. Les param`etres de l’´equation ont la signification suivante: µest une constante qui correspond `a un taux de variation long terme
“d´eterministe” de la valeur de l’actif,σ est une constante appel´ee volatilit´e, et enfin dWt est une variable al´eatoire `a valeurs r´eelles qui repr´esente le terme √
∆tNi de l’´equation discr`ete.
C’est aussi l’accroissement d’un mouvement brownien.
1.3 Quelques explications et r´esultats sur les mouvements browniens La variable al´eatoire dWt du paragraphe pr´ec´edent est l’accroissement pendant le pas de tempsdt d’un mouvement brownienWt. C’est une variable al´eatoire dont la distribution est une gaussienne de moyenne nulle et d’´ecart type √
dt. Elle est ind´ependante de la valeur de Wt et de toutes ses valeurs ant´erieures. L’´equation (7) est donc un mod`ele repr´esentant les
´evolutions possibles du prix de l’actif. Ce n’est ´evidemment pas une ´equation diff´erentielle classique.
Observons une propri´et´e importante de la variabledWt. L’esp´erance de son carr´e est (puisque c’est une V.A. gaussienne d’esp´erance nulle) ´egale `a sa variance:
E³
(dWt)2´
=³√ dt´2
=dt (8)
2 D´ etermination de l’edp r´ egissant les variations du prix de l’option dans le mod` ele de Black et Scholes
2.1 Expression de la variation infinit´esimale de la valeur du prix de l’option Nous ne cherchons pas ici `a faire une d´emonstration math´ematique rigoureuse, mais nous voulons simplement faire comprendre “avec les mains” comment on aboutit `a l’edp r´egissant les variations de Vt. Admettons que l’on puisse effectuer l’´equivalent d’un d´eveloppement limit´e de la valeur de C autour du point (t, St). Poussons le d´eveloppement `a l’ordre 2 en t et en S:
dC(t,St) = ∂C
∂tdt+∂C
∂SdS+1 2
∂2C
∂2tdt2+1 2
∂2C
∂t∂SdtdS+ 1 2
∂2S
∂S2dS2+o¡ dt2¢
+o¡ dS2¢
(9) D´etaillons le terme endS2. D’apr`es (7):
dS2=S2(µdt+σdWt)2=S2¡
µ2dt2+ 2µσdtdWt+σ2dWt2¢
(10) Dans le membre de droite de cette ´equation, on a un terme en dt2, puis un terme en dt3/2 et enfin un terme en dt puisque dWt peut dans ce cadre est consid´er´e d’apr`es le paragraphe pr´ec´edent, commme un terme en√
dt. En ne gardant que les termes d’ordre inf´erieur ou ´egal
`a 1 endt, on obtient:
dS2 = 1
2σ2S2dt (11)
Le mˆeme raisonnement montre que le terme crois´e est n´egligeable. En fait, en se pla¸cant dans le bon cadre math´ematique, on trouve que ce r´esultat est rigoureusement exact. On peut ensuite le reporter dans (9):
dC(t,St) = ∂C
∂tdt+S∂C
∂S (µdt+σdWt) +1 2
∂2C
∂S2σ2S2dt (12) Ce r´esultat est encore une fois rigoureusement exact et r´esulte d’une application du c´el`ebre lemme d’Ito. On en d´eduit que:
dC(t,St)= µ∂C
∂t +µS∂C
∂S +1
2σ2S2∂2C
∂S2
¶
dt+σS∂C
∂SdWt (13)
Cette ´equation indique que la variation du prix de l’option entre deux instants comporte une partie “d´eterministe” (le terme en dt) et une partie totalement al´eatoire (le terme en dWt).
2.2 Portefeuille de couverture et valeur de l’option
Pla¸cons nous maintenant du point de vue de l’interm´ediaire financier (banque, trader ou autre) qui a vendu l’option `a l’industriel. Cet interm´ediaire souhaite, logiquement, constituer un portefeuille (avec les actifs disponibles sur le march´e) qui rapporte en moyenne autant
qu’un placement certain, r´emun´er´e `a un taux fixer (dit taux sans risque). Dans notre monde simplifi´e, il n’y a comme actifs que l’option et le gaz. L’interm´ediaire financier compose donc un portefeuille, dit de couverture, constitu´e de l’option vendue et d’une quantit´e ∆t d’actifs gaz. La valeur de son portefeuille est donc `a tout instant t:
Πt=−Ct+ ∆tSt (14)
La composition du portefeuille est fixe entre deux instants de cotation: ∆t est donc constant pendant le pas de temps ]t, t+dt[. L’interm´ediaire financier pourra par contre ajuster son portefeuille de couverture `a chaque instant de cotation (on parle de couverture ou hedging dynamique). Ainsi, la variation de la valeur du portefeuille est donn´ee pendant le pas de temps par:
dΠt=−dCt+ ∆tdSt= µ
−∂C
∂t −µSt∂C
∂S −1
2σ2St2∂2C
∂S2
¶ dt+
µ
−σSt∂C
∂S + ∆σSt
¶
dWt(15) La condition de r´emun´eration au taux sans risque du portefeuille impose aussi:
dΠt=rΠt=r(−Ct+ ∆tSt)dt (16) D’o`u par identification des termes entre les deux pr´ec´edentes ´equations (15 et 16):
∆ = ∂C
∂S (17)
et
∂C
dt +rS∂C
∂S +1
2σ2S2∂2C
∂S2 =rC (18)
On obtient ainsi l’edp qui r´egit la valeur de l’option dans le cadre du mod`ele de Black et Scholes. Cette edp est assortie de la condition finale suivante:
C(T, ST) =max(0, ST −K) (19) Il reste `a la r´esoudre en sens r´etrograde (puisque on connait la solution en t=T et qu’on la cherche ent= 0).
3 Passage ` a une ´ equation plus repr´ esentative et commentaires sur l’´ equation ` a r´ esoudre
3.1 Une ´equation plus repr´esentative
Dans le mod`ele de Black et Scholes, le prix peut prendre toutes les valeurs (positives tout de mˆeme) qu’il veut et ses variations relatives `a un instant donn´e ne d´ependent pas du niveau de prix puisque:
dSt
St =µdt+σdWt (20)
En r´ealit´e, le gaz ainsi que les autres commodit´es ´energ´etiques sont soumis `a des al´eas provi- soires. Suite `a tel ou tel ´ev´enement, leur prix chute ou augmente. Puis, une fois l’´ev´enement pass´e, il revient vers un niveau moyen. Ce ph´enom`ene peut ˆetre mod´elis´e avec un terme de rappel autour d’une tendance. Si on tient compte de ce terme, on aboutit, par un raison- nement similaire au pr´ec´edent mais un peu plus complexe, `a l’edp suivante:
∂C
∂t +a(ν−X) ∂C
∂X +1
2σ2∂2C
∂X2 −rC= 0 (21)
o`u X =log(S). Dans cette ´equation, “a” est la “vitesse de retour `a la moyenne”, qui peut ˆetre tr`es forte sur certains march´es et ν est le logarithme de “la tendance `a long terme du prix”. Cette ´equation comporte un terme de convection proportionnel `a la vitesse de retour `a la moyenne, un terme de diffusion proportionnel aux carr´e de la volatilit´e et un terme source proportionnel au taux d’int´erˆet. Selon les cas, certains termes sont pr´epond´erants.
3.2 Domaine de r´esolution et conditions aux limites
Si on raisonne sur les variables (t, S) (resp (t, X)), le domaine dans lequel on doit r´esoudre l’edp est [0, T]×[0,+∞[ (resp. [0, T]×]− ∞,+∞[).Ce domaine n’est pas born´e. Cependant, des prix tr`es bas ou tr`es ´elev´es par rapport `a la “tendance”exp(ν) sont peu probables. On peut donc se ramener `a un domaine fini pour l’axe desS ([Smin, Smax]) (resp. [Xmin, Xmax]) par exemple ´egal `a [exp(ν)N ,exp(ν)∗N] (resp. [ν−ln(N), ν+ ln(N)]) o`u N est assez grand pour que les zones n´eglig´ees aient peu d’influence sur le r´esultat. Restent `a d´efinir des conditions aux limites sur les fronti`eres hautes et basses correspondantes. SiN est suffisamment grand, ces conditions aux limites auront peu d’influence. Cependant, on connait la condition aux limite aux deux “coins” du domaine (T, Smin) et (T, Smax) (resp. (T, Xmin) et (T, Xmax)).
Ainsi:
C(T, Smin) = 0 (22)
C(T, Smax) =Smax−K (23)
On se contentera donc de propager ces conditions aux limites de Dirichlet en les actualisant le long des fronti`eres:
C(t, Smin) = 0 (24)
C(t, Smax) =exp(−r(T−t)) (Smax−K) (25) Remarquons que le point de d´epart (0, S0) a toutes les chances d’ˆetre dans le domaine puisque les prix, dans ce genre de mod`ele, ne peuvent s’´eloigner beaucoup de la tendance. De plus le point (T, K) doit aussi ˆetre dans le domaine. En effet, siK > Smax (prix d’exercice sup´erieur
`a la limite haute du domaine), il n’y a pratiquement aucune chance que le prix spot d´epasse K `a l’instantT, ce qui veut dire que la valeur de l’option est nulle. Par contre, siK < Smin, il est certain que le prix spot d´epassera le prix d’exercice `a l’instant T et la d´etention de l’option est ´equivalente `a celle de l’actif. De telles valeurs du prix d’exerciceKcorrespondent
`a des options sans int´erˆet et qui n’existent donc pas en pratique. Lorsque le prix d’exercice est
sup´erieur (resp. ´egal, inf´erieur) `a la valeur esp´er´ee de l’actif `a l’instantT, on parle d’option
“out of the money” (resp. “at the money”, “in the money”). Les financiers disent que plus on s’´eloigne de la monnaie, et moins les options sont liquides, c’est `a dire qu’il y a de moins en moins d’´echanges voire pas du tout. Le point (T, K) est donc lui aussi dans le domaine, et loin des fronti`eres.