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Étude de la dimension intersubjective de la communication et de la construction du sens dans les discussions à visée philosophique en contexte scolaire

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Academic year: 2021

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Submitted on 29 Jan 2018

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Étude de la dimension intersubjective de la

communication et de la construction du sens dans les

discussions à visée philosophique en contexte scolaire

Aline Auriel

To cite this version:

Aline Auriel. Étude de la dimension intersubjective de la communication et de la construction du sens dans les discussions à visée philosophique en contexte scolaire. Linguistique. Université Blaise Pascal - Clermont-Ferrand II, 2016. Français. �NNT : 2016CLF20023�. �tel-01695850�

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Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur de l’Université Blaise Pascal – Clermont Université

Spécialité : Sciences du langage

Préparée au sein du Laboratoire de Recherche sur le Langage (EA999)

École doctorale Lettres, Sciences Humaines et Sociales (ED370)

Étude de la dimension intersubjective de la

communication et de la construction du sens dans

les discussions à visée philosophique en contexte

scolaire.

Aline AURIEL

sous la direction de Lidia LEBAS-FRACZAK et Friederike SPITZL-DUPIC

Membres du jury

Denis APOTHÉLOZ, professeur, Université de Lorraine, rapporteur.

Emmanuèle AURIAC-SLUSARCZYK, maître de conférences HDR, Université Blaise Pascal - Clermont Université, examinatrice.

Jean-Marc COLLETTA, professeur, Université Grenoble Alpes, rapporteur.

Lidia LEBAS-FRACZAK, maître de conférences HDR, Université Blaise Pascal - Clermont Université, directrice.

Henning NØLKE, professeur, Université d’Aarhus, examinateur.

Friederike SPITZL-DUPIC, professeure, Université Blaise Pascal - Clermont Université, directrice.

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Prologue et remerciements

En premier lieu, je remercie les membres du jury, Emmanuèle Auriac-Slusarczyk, Denis

Apothéloz, Jean-Marc Colletta et Henning Nølke qui ont accepté, et pris le temps, de lire et

évaluer ce travail.

Puis, j’adresse, bien sûr, mes remerciements à mes directrices de thèse pour leurs relectures attentives. Je remercie Lidia Lebas-Fraczak qui a dirigé cette thèse en m’insufflant sa passion, qui a guidé et accompagné ce travail en m’apportant ses connaissances et ses conseils tout en me laissant la liberté d’explorer les pistes qui m’attiraient. Je remercie également

Friederike Spitzl-Dupic qui a accepté de participer à la direction de cette thèse et a su

apporter un regard éclairé et éclairant sur mes recherches bien qu’elles ne s’inscrivent pas dans sa spécialité.

J’ai eu le privilège de réaliser cette thèse à l’intérieur de multiples structures qui m’ont permis d’être constamment entourée et encadrée, ce sans quoi je n’aurais pu mener ce travail à terme.

D’abord, ma thèse s’est déroulée au sein d’un projet structurant en SHS financé par la région Auvergne. Je remercie Emmanuèle Auriac-Slusarczyk et Lidia Lebas-Fraczak, porteuses du projet, de m’avoir accordé leur confiance et de m’avoir ainsi donné l’opportunité d’intégrer ce projet et cette équipe qui m’a aidée à faire mes premiers pas dans le monde de la recherche. Merci à Emmanuèle pour l’énergie qu’elle a dépensée pour faire vivre et avancer ce projet.

J’ai eu la chance de partager ce parcours initiatique avec une autre doctorante, également intégrée au projet, ce qui m’a permis de ne pas me retrouver seule face aux aléas du recueil de données, de la transcription, etc. L’union fait la force : merci Gabriela Fiema.

Je remercie aussi Mylène Blasco qui a participé à ce projet, notamment en apportant son expertise pour la vérification des transcriptions, et Thibault Falvard qui a contribué à la mise en place technique de la banque de données Philosophèmes, permettant de rendre le corpus accessible.

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Je remercie Bernard Slusarczyk qui nous a ouvert les portes du collège de Gerzat, lorsqu’il en était directeur. Puis, je remercie tous les enseignants et membres de l’établissement qui ont accepté de participer à ce projet en animant des discussions à visée philosophique et qui nous ont accueillies au sein de leurs ateliers (Isabelle Charles-Beaucourt, Marie-Pierre Cuoq, Sylvie Ducasse, Nadia Leotoing, Guilaine Manteau, Catherine Piquet, Marie-Anne Schonfeld, Nathalie Vaidis).

Je remercie la région Auvergne d’avoir soutenu ce projet et j’espère que le travail que nous avons mené présage l’essor des ateliers-philo dans les établissements scolaires de la région ainsi que celui de la recherche qui accompagne ces pratiques : ce n’est qu’un début (Pozzi & Barougier, 2010).

Ce projet s’inscrit dans la lignée de projets précédents et d’autres lui font déjà suite grâce à une communauté de chercheurs active travaillant autour de ces pratiques.1 La variété des regards et la richesse des échanges au cours de journées d’étude ou de colloques m’ont permis de me poser de nouvelles questions et de faire fructifier mon travail. Je remercie donc les

membres de cette communauté qui m’ont fait profiter de leur expérience, les grenoblois, les

nancéiens et les autres.

Ensuite, j’ai réalisé ma thèse au sein du Laboratoire de Recherche sur le Langage qui m’a également offert un cadre et un confort de travail inespérés. Je remercie donc l’ensemble des

membres du LRL pour avoir partagé leur expérience, que ce soit leurs réflexions ou leur

rigueur scientifique(s). Tout cela a fortement contribué à ma formation !

Je remercie particulièrement mes collègues et amis doctorants (certains désormais jeunes chercheurs) et ingénieurs, qui m’ont apporté leur soutien indéfectible tout au long de ce parcours en partageant leurs expériences, leurs conseils, leur amitié et les journées de labeur dans la bonne humeur au labo : Aurélie Bayle, Zulimar Colina, Mario Laurent, Loïc Liégeois, Paul Lotin, Juan-Luis Moreno Nilo, Ciara Wigham et les autres, merci !

Par ailleurs, dans le cadre de mon doctorat, j’ai bénéficié d’un comité de suivi de thèse, je remercie vivement les membres de ce comité, Henning Nølke et Denis Apothéloz, pour leurs conseils avisés, leur bienveillance et leur patience.

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Même si ce contexte a parfois amené des dissensions entre les différents cadres et structures, j’ai pu profiter d’un encadrement exceptionnel qui a fortement enrichi mon travail et ma vision de la recherche.

Je remercie aussi les collègues enseignants-chercheurs et doctorants rencontrés au cours de mes contrats d’ATER à l’université de Franche-Comté qui ont porté un intérêt à mon travail et/ou avec lesquels j’ai pu avoir des échanges fructueux.

Un grand merci aux amis relecteurs-correcteurs qui ont pris de leur temps et de leur énergie pour chasser quelques fautes, coquilles et autres incongruités de ce manuscrit : Maxime, Loïc, et surtout Aurélie qui m’a très gentiment proposé de relire l’intégralité de la thèse.

Pour finir, je remercie ma famille et mes amis pour leur soutien sur le plan personnel et moral malgré mon manque de disponibilité, mon isolement et malgré le fait que mon travail leur semble parfois (souvent) abstrait. J’ajoute une mention particulière pour ceux qui ont souffert de mon irritabilité quotidienne, au cours des périodes difficiles ; je pense notamment au colocataire qui m’a supportée (en convoquant la polysémie du terme) durant les derniers mois de rédaction.

Merci à tous pour vos encouragements.

Tout cela démontre qu’en dépit des idées reçues, cette thèse n’est pas seulement le fruit de mon travail mais que, par de nombreux aspects, il s’agit d’un travail d’équipe. Merci à tous d’y avoir contribué !

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Note au lecteur

Je profite de cette note pour te remercier également, toi, lecteur, qui témoigne un intérêt à ce travail en en parcourant les lignes et qui, par là même, donne vie à ce manuscrit, car bien trop de thèses sombrent, à mon sens, dans les abîmes de la recherche.

Dans la suite de ce manuscrit, j’emploierai un nous singulier dit « nous de modestie » en lien avec les habitudes académiques ; n’y vois là aucune forme d’autorité ou de distance entre nous (j’entends, entre toi et moi). Lorsque le nous désignera plusieurs personnes, je ferai une parenthèse pour le préciser.

Cette thèse est composée d’un volume regroupant le corps de thèse et les annexes. Par ailleurs, l’ensemble des transcriptions correspondant au corpus de recherche sont disponibles en ligne sur la plateforme Philosophèmes : http://hdl.handle.net/10670/1.eoe35m.

Dans le manuscrit, les extraits de transcription sont suivis de leur identifiant permettant de les retrouver en contexte sur la plateforme Philosophèmes.

Les références sont présentées en mentionnant la date de publication de l’œuvre originale suivie de la date de publication de l’édition consultée et de la page ou du paragraphe (par exemple : Lipman, 2003/2011 : 27). Cela afin de pouvoir situer l’œuvre dans le temps. Lorsqu’aucun numéro de page n’est mentionné, cela indique que nous faisons référence à la publication dans son intégralité.

Si la référence comporte plus de deux auteurs, seul le nom du premier auteur est mentionné suivi de et al. Lorsque des références à des publications différentes prêtent à confusion parce qu’elles ont la même année et sont raccourcies par la formule et al., j’indiquerai autant de noms d’auteurs qu’il est nécessaire pour supprimer la confusion (par exemple : Auriac-Slusarczyk, Adami & Daniel, 2011 ; Auriac-Slusarczyk, Slusarczyk & Charles-Beaucourt, 2011).

Dans le corps du texte, l’initiale du prénom des auteurs cités est systématiquement précisée (par exemple : M. Lipman).

Les renvois automatiques permettant la navigation dans le document numérique sont présentés avec une majuscule (par exemple : Chapitre 1 ; Figure 27).

Enfin, il y a trois sigles principaux utilisés dans la thèse : DVP pour discussion à visée

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Sommaire

PROLOGUE(ET(REMERCIEMENTS(...(3! NOTE(AU(LECTEUR(...(6! SOMMAIRE(...(7! INTRODUCTION(GÉNÉRALE(...(11! Contexte!scientifique!de!la!thèse!...!11! Problématiques,!objectifs!et!plan!de!la!thèse!...!14! PREMIÈRE(PARTIE(:(CONTEXTES(ET(PARCOURS(THÉORIQUES(ET(MÉTHODOLOGIQUES(...(16! INTRODUCTION(À(LA(PREMIÈRE(PARTIE(...(17! CHAPITRE(1! LA(PHILOSOPHIE(POUR(ENFANTS(DANS(LE(CONTEXTE(SCOLAIRE(...(18! INTRODUCTION(...(18! 1.1! DIFFÉRENTES(MÉTHODES(POUR(METTRE(EN(PLACE(LA(DVP(...(20! 1.1.1! La!méthode!Lipman!...!20! 1.1.2! D’autres!méthodes!...!22! 1.1.3! La!méthode!appliquée!dans!le!cadre!de!nos!données!...!25! 1.1.4! Bilan!...!26! 1.2! LA(PLACE(ACTUELLE(DE(LA(DVP(DANS(LE(SYSTÈME(SCOLAIRE(...(28! 1.2.1! Une!pratique!pérididactique!...!28! 1.2.2! Une!pratique!à!situer!au!sein!des!genres!d’oral!...!38! 1.2.3! Une!pratique!en!marge!des!programmes!scolaires!...!43! 1.2.4! Bilan!...!47! 1.3! LA(LÉGITIMITÉ(PHILOSOPHIQUE(DE(LA(DVP(...(50! 1.3.1! La!visée!philosophique!de!la!PPE!...!50! 1.3.2! Qu’estOce!qu’une!question!philosophique!?!...!51! 1.3.3! En!quoi!les!DVP!ont!une!orientation!philosophique!?!...!54! 1.3.4! Bilan!...!65! CONCLUSION(...(66!

CHAPITRE(2! L’INTERACTION(COMME(PROCESSUS(DE(COECONSTRUCTION(...(69!

INTRODUCTION(...(69! 2.1! VERS(UNE(CONCEPTION(INTERACTIONNISTE(DE(L’INTERACTION(DANS(LA(COMMUNICATION( INTERPERSONNELLE(...(71! 2.1.1! Les!modèles!mécaniques!de!la!communication!...!72! 2.1.2! Les!modèles!linguistiques!de!la!communication!...!75! 2.1.3! Les!modèles!systémiques!et!interactionnistes!de!la!communication!...!82! 2.1.4! Bilan!...!91!

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2.2! VERS(UNE(CONCEPTION(INTERACTIONNISTE(DE(LA(CONSTRUCTION(DU(SENS(...(95!

2.2.1! La!conception!du!sens!selon!les!approches!«!réductrices!de!la!communication!»!...!96!

2.2.2! La!construction!du!sens!dans!une!perspective!interactionniste!...!104!

2.2.3! Bilan!...!118!

2.3! LA(COECONSTRUCTION(D’UNE(SCÈNE(INTERSUBJECTIVE(...(121!

2.3.1! Le!modèle!de!la!communication!de!J.OB.!Grize!...!122!

2.3.2! La!construction!du!sens!dans!la!scène!verbale!...!125!

2.3.3! Bilan!...!131!

CONCLUSION(...(132!

CHAPITRE(3! LA(CONSTITUTION(DU(CORPUS(:(DU(RECUEIL(À(LA(DIFFUSION(DES(DONNÉES(...(136!

INTRODUCTION(...(136! 3.1! UNE(DÉMARCHE(EMPIRIQUE(À(PARTIR(D’UN(CORPUS(...(138! 3.1.1! Qu’estOce!qu’une!démarche!empirique!?!...!138! 3.1.2! Qu’estOce!qu’un!corpus!?!...!142! 3.1.3! Bilan!...!146! 3.2! RECUEIL(DES(DONNÉES(...(148! 3.2.1! L’enregistrement!des!données!...!149! 3.2.2! Éthique!et!droits!...!152! 3.2.3! Bilan!...!154! 3.3! DESCRIPTION(DES(DONNÉES(...(155! 3.3.1! Synthèse!des!données!recueillies!...!155! 3.3.2! Caractérisation!des!données!à!travers!les!composants!de!la!situation!de!communication ! 158! 3.3.3! Bilan!...!171! 3.4! TRANSCRIPTION(ET(ANNOTATION(DES(DONNÉES(...(173! 3.4.1! Choix!du!logiciel!de!transcription!et!d’annotation!...!173! 3.4.2! Méthode!de!transcription!...!174! 3.4.3! Méthode!d’annotation!...!185! 3.4.4! Bilan!...!188! 3.5! ACCÈS(AUX(DONNÉES(ET(RÉUTILISATION(...(190! 3.5.1! Le!rôle!des!banques!de!données!...!190! 3.5.2! Présentation!de!la!plateforme!Philosophèmes!...!191! 3.5.3! Bilan!...!198! CONCLUSION(...(199! DEUXIÈME(PARTIE(:(ANALYSES(ET(RÉSULTATS(...(201! INTRODUCTION(À(LA(DEUXIÈME(PARTIE(...(202! PRÉALABLES(MÉTHODOLOGIQUES(AUX(ANALYSES(...(203!

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I.! Démarche!d’analyse!...!203!

II.! Description!des!unités!de!l’interaction!«!DVP!»!...!204!

III.! Catégorisation!des!formes!de!reprises!...!212!

CHAPITRE(4! DESCRIPTION(ET(MODÉLISATION(DES(INTERACTIONS(:(LA(PLACE(DE(LA(SCÈNE(VERBALE( DANS(LA(DVP( 216! INTRODUCTION(...(216! 4.1! LA(MÉTHODE(DE(L'ANALYSE(SYSTÉMIQUE(DES(COMMUNICATIONS(...(218! 4.1.1! La!délimitation!du!cadrage!d’observation!...!218! 4.1.2! L’observation!des!formes!de!communication!et!le!repérage!de!régularités!...!219! 4.1.3! La!modélisation!finale!...!220! 4.1.4! Bilan!...!221! 4.2! DESCRIPTION(ET(MODÉLISATION(DES(INTERACTIONS(DANS(LA(DVP(...(222! 4.2.1! Les!interactions!animateurOdiscutant!...!223! 4.2.2! Les!interactions!entre!discutants!...!248! 4.2.3! Bilan!...!275!

4.3! LA(PLACE(DE(LA(SCÈNE(VERBALE(À(TRAVERS(L’ANALYSE(LONGITUDINALE(D’UNE(DVP(...(281!

4.3.1! La!coOconstruction!de!la!scène!verbale!dans!la!DVP!Partage!...!281! 4.3.2! L’influence!de!la!scène!verbale!sur!les!discutants!...!296! 4.3.3! Bilan!...!305! 4.4! MODÉLISATION(DE(LA(COMMUNICATION(LORS(DE(LA(DVP(...(306! 4.4.1! Modèle!systémique!de!la!communication!lors!de!la!DVP!...!306! 4.4.2! Modèle!orchestral!de!la!communication!lors!de!la!DVP!...!308! 4.4.3! Bilan!...!309! CONCLUSION(...(310! CHAPITRE(5! LE(RÔLE(DE(LA(DISLOCATION(À(GAUCHE(DU(SUJET(DANS(LA(STRUCTURATION(DE(LA(SCÈNE( VERBALE(LORS(DES(DVP(...(313! INTRODUCTION(...(313! 5.1! DÉFINITION(DE(LA(FOCALISATION(...(315! 5.1.1! Une!conception!générale!de!la!focalisation!...!315! 5.1.2! Les!propriétés!du!focus!...!319! 5.1.3! Les!types!de!focalisation!...!321! 5.1.4! Les!focalisateurs!...!323! 5.1.5! Bilan!...!325! 5.2! LE(CAS(DE(LA(DISLOCATION(À(GAUCHE(...(327! 5.2.1! Définition!et!délimitation!de!la!dislocation!...!327! 5.2.2! Fréquence!d’emploi!de!la!DG!du!sujet!...!335! 5.2.3! Aperçu!des!études!préalables!sur!les!fonctions!de!la!DG!...!340! 5.2.4! Bilan!...!343!

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10 5.3! LES(FONCTIONS(DE(LA(DG(DU(SUJET(À(TRAVERS(NOTRE(CORPUS(...(345! 5.3.1! Confrontation!des!études!sur!la!DG!avec!nos!données!...!345! 5.3.2! La!portée!de!la!focalisation!de!la!DG!du!sujet!...!349! 5.3.3! Bilan!...!356! 5.4! LES(BUTS(COMMUNICATIFS(ASSOCIÉS(À(LA(DG(DU(SUJET(DANS(LA(DVP(...(358! 5.4.1! Chez!les!discutants!...!358! 5.4.2! Chez!l’animateur!...!372! 5.4.3! Bilan!...!383! CONCLUSION(...(384! CONCLUSION(GÉNÉRALE(...(387! Synthèse!des!résultats!et!apports!de!la!recherche!...!387! Perspectives!de!la!recherche!...!391! ÉPILOGUE(...(398! BIBLIOGRAPHIE(...(400! 1.! BIBLIOGRAPHIE(GÉNÉRALE(...(400! 2.! BIBLIOGRAPHIE(SECONDAIRE(...(422! ANNEXES(...(426! ANNEXE(1.! FICHE(MÉTHODOLOGIQUE(POUR(METTRE(EN(PLACE(LA(DVP(...(427!

ANNEXE(2.! DESCRIPTIF(D’UNE(SÉANCE(DE(DVP(...(432!

ANNEXE(3.! SUPPORTS(DE(DVP(...(433!

ANNEXE(4.! EXTRAIT(DU(JOURNAL(DE(BORD(DE(LA(CLASSE(DE(CP(...(436!

ANNEXE(5.! TESTS(...(440!

ANNEXE(6.! CONTRATS(DE(CONSENTEMENT(ÉCLAIRÉ(...(442!

ANNEXE(7.! CONVENTIONS(DE(TRANSCRIPTION(DU(CORPUS(PHILOSOPHÈMES(...(446!

TABLE(DES(EXTRAITS(DE(CORPUS(...(449!

TABLE(DES(FIGURES(...(452!

TABLE(DES(TABLEAUX(...(454!

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Introduction générale

La mise en place et l’étude des ateliers de philosophie (aussi ateliers-philo) dans un contexte scolaire connaissent ces dernières années une certaine impulsion. Ainsi, nos travaux s’inscrivent dans un contexte scientifique établi, à partir duquel nos objectifs se dessinent.

Contexte scientifique de la thèse

Cette thèse s’inscrit au sein du projet structurant en SHS Étude des phénomènes

interlocutifs dans les discussions citoyennes à visée philosophique pratiquées à l’école et au collège (abrégé Corpus-Philo), financé par la région Auvergne. Ce projet est né au cœur

d’une dynamique nationale et internationale autour des discussions à visée philosophique (désormais DVP), dans le cadre de cinq projets successifs pilotés et financés par différentes institutions :

- le Conseil des Recherches en Sciences Humaines du Canada sur le projet Modélisation

d’une pensée critique et de son processus d’apprentissage chez des élèves de 4 à 12 ans

(2009-2012), piloté par M.-F. Daniel (cf. Daniel, 2009) ;

- la MSH Lorraine pour le projet Diarécol, Dialogue, réflexivité et école (2009-2010), sous la responsabilité de A. Specogna et A. Leclaire-Halté (cf. Specogna & Leclaire-Halté, 2009) ;

- la MSH de Clermont-Ferrand pour le Projet Diasiré, Dialogue, signification, réflexion (2010-2011), sous la direction de E. Slusarczyk et M. Blasco-Dulbecco (cf. Auriac-Slusarczyk & Blasco-Dulbecco, 2010) ;

- le Rectorat de l’Académie de Clermont-Ferrand pour un projet d’établissement, au collège Anatole France de Gerzat (2010-2011), piloté par B. Slusarczyk, principal-adjoint du collège ;

- la région Auvergne sur le projet structurant en sciences humaines, Étude des

phénomènes interlocutifs dans les discussions citoyennes à visée philosophique pratiquées à l’école et au collège (2011-2015), sous la responsabilité de E. Auriac-Slusarczyk et L.

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- la MSH Lorraine pour le projet 2Lapré, Langage, Logique, Activité, Pragmatique,

Réflexivité et École/collège : pratique d’enseignement dans la discussion philosophique

(2012-2014), piloté par A. Specogna et V. Dizier de Almeida (cf. Specogna & Saint-Dizier de Almeida, 2012).

Tout en poursuivant chacun des objectifs spécifiques, ces projets de recherche, impliquant la constitution de corpus de DVP menées en contexte scolaire, mettent en avant une forte volonté de collaboration pluridisciplinaire et partagent l’ambition de développer des résultats utiles à la formation des enseignants de primaire et de collège.

La finalité du projet canadien (Daniel, 2009) était de revisiter la définition de la pensée critique en étudiant les habiletés de pensée chez les élèves de 4 à 12 ans. Il s’agissait de voir si, et dans quelle mesure, les élèves acquièrent des compétences liées à la pensée critique pendant les ateliers de DVP, puis d’analyser comment ces acquis se maintiennent dans le temps, et enfin de construire une modélisation du processus de la pensée critique.

Le projet Diarécol (Specogna & Leclaire-Halté, 2009) avait quant à lui pour objectif d’étudier les rapports entre pensée et langage dans les dialogues réflexifs à l’école élémentaire ; cela à travers la constitution de corpus du genre discussion à visée

philosophique pouvant servir de référence pour la communauté en sciences humaines. Il

s’agissait plus précisément de caractériser les phénomènes de réflexivité spécifiques à ces discussions grâce à une collaboration pluridisciplinaire entre chercheurs, et de mettre au jour les facteurs influençant le processus de réflexivité chez l’enfant.

Le projet Diasiré (Auriac-Slusarczyk & Blasco-Dulbecco, 2010) s’inscrit dans la lignée du précédent avec pour objectif, d’une part, la poursuite de la constitution d’un corpus représentatif du genre discussion à visée philosophique et, d’autre part, la continuation de la caractérisation progressive des phénomènes de réflexivité. Plus largement, il s’agissait de délimiter les meilleurs indicateurs (marques formelles, processus dynamiques) pour caractériser « ces dialogues scolaires d’un genre nouveau et spécifique » (Auriac-Slusarczyk & Blasco-Dulbecco, 2010 : 1).

Le projet financé par le rectorat de l’académie de Clermont-Ferrand, et plus précisément par le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), a pour objectif principal la prévention de la violence au collège. La DVP est ainsi envisagée comme une aide permettant de désamorcer, d’éviter, de dépasser les conflits en amenant les élèves à prendre du recul vis-à-vis de leur pensée et de leurs agissements (Auriac-Slusarczyk, Adami & Daniel, 2011 : § 3-4). Par ailleurs, le projet s’inscrit également dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté.

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Le projet 2Lapré (Specogna & Saint-Dizier de Almeida, 2012) vise l’étude de la pratique enseignante dans la conduite des DVP en primaire et au collège à travers l’analyse et la modélisation des logiques mises en place dans l’animation, l’identification des enjeux idéologiques associés à la pratique de la DVP et l’examen des styles pédagogiques des animateurs.

Le projet Corpus-Philo (Auriac-Slusarczyk & Lebas-Fraczak, 2011), dans lequel les travaux de cette thèse s’inscrivent, a été nourri par l’ensemble de ces projets. Il a notamment pour objectif la constitution et la mise à disposition d’un corpus pouvant servir de référence en tant que corpus représentatif du genre discussion à visée philosophique. La constitution du corpus Philosophèmes a notamment été rendue possible grâce à la succession des différents projets ; nous y reviendrons dans le Chapitre 3.

Le projet Corpus-Philo vise également à contribuer à l’étude interdisciplinaire des corpus de DVP. Le programme local, dans la continuité du projet Diasiré (Auriac-Slusarczyk & Blasco-Dulbecco, 2010), est né de la collaboration scientifique entre deux laboratoires de l’université Blaise Pascal, le laboratoire Acté (Activité, connaissance, transmission, éducation) et le LRL (Laboratoire de recherche sur le langage). Il a donné lieu à deux thèses (dont celle-ci) conduites parallèlement au sein de chaque laboratoire.

Le croisement des regards de la recherche en éducation (Acté) et en sciences du langage (LRL) sur les pratiques philosophiques doit permettre de caractériser le genre discussion à

visée philosophique qui revêt des aspects particuliers liés au processus de développement

d’une pensée collective. Le projet Corpus-Philo engage l’étude des phénomènes interlocutifs dans les DVP. Les travaux consistent à détecter les évènements interlocutifs remarquables et les mouvements réflexifs au sein de ces discussions. Ainsi, chacune des thèses a tenté de répondre à ces objectifs ; pour l’une, il s’agissait de caractériser les phénomènes de réflexivité au sein de ces pratiques en décrivant les philosophèmes, marques formelles en langue et processus dynamiques de la pensée collective (Fiema, 2014) ; pour notre part, nous nous sommes attachée à révéler les mécanismes de construction de l’intercompréhension et de construction du sens afin de caractériser le fonctionnement des interactions au sein de ces discussions d’un genre spécifique.

Par ailleurs, dans le cadre de la collaboration d’une équipe nationale et internationale (établie lors des différents projets évoqués), des travaux pluridisciplinaires ont d’ores et déjà été menés à partir du corpus constitué et ont donné lieu à des publications collectives

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(Auriac-14

Slusarczyk & Blasco-Dulbecco, 2013 ; Auriac-Slusarczyk & Colletta, 2015) permettant de croiser les points de vue sur les données.

Problématiques, objectifs et plan de la thèse

En partant du postulat selon lequel chaque type d’interaction relève d’un fonctionnement qui lui est propre, nous chercherons à étudier le fonctionnement de la DVP en contexte scolaire, afin de contribuer (en lien avec les objectifs du projet Corpus-Philo) à mettre au jour les spécificités de ce genre d’interaction. Puis, plus précisément, nous nous attacherons à étudier la dimension intersubjective de la communication et de la construction du sens au sein de ces pratiques ainsi que la façon dont l’interaction se co-construit. Pour cela, nous tâcherons de répondre aux questions suivantes : En quoi la DVP est un genre d’oral particulier et quelles sont ses spécificités ? Quel rapport de place et quelles formes d’interactions s’instaurent au sein de ces pratiques ? Quelles constructions collectives s’opèrent au cours et au terme de la DVP ? De quelle manière la « scène intersubjective » et la conceptualisation se co-construisent et évoluent au fil de la DVP ? Quels sont les mécanismes de l’intercompréhension et de la co-construction du sens dans la DVP ? Quelles sont les stratégies mises en œuvre par les participants à la DVP pour partager leurs buts communicatifs et assurer l’intercompréhension ?

La thèse se découpe en deux parties principales.

La première partie est consacrée à la contextualisation de la recherche et à ses fondements théoriques et méthodologiques.

Afin de répondre à notre problématique, en premier lieu dans le Chapitre 1, nous serons amenée à présenter la philosophie pour enfants. Il s’agira de décrire la DVP à travers ses méthodes pédagogiques, ses objectifs et ses enjeux, son intégration et son positionnement dans le contexte scolaire. Cela nous permettra de situer précisément le contexte de notre recherche. Il nous semble nécessaire d’introduire notre recherche par cette démarche de contextualisation pour familiariser le lecteur avec les ateliers de philosophie et afin de répondre aux questions coutumières que soulève l’introduction des pratiques philosophiques, et de la DVP en particulier, à l’école et au collège : Qu’est-ce que la DVP ? Cette pratique a-t-elle sa place à l’école ? En quoi cette pratique est-a-t-elle « philosophique » ? C’est donc à ces questions préalables que nous répondrons avant d’investir notre objet d’étude.

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15

Dans le Chapitre 2, nous appréhenderons l’interaction verbale à travers les travaux existants sous forme d’un parcours théorique autour des problématiques de la construction de l’interaction et de la construction du sens que nous envisagerons au terme de ce parcours dans une perspective interactionniste, c’est-à-dire comme des co-constructions entre les participants à la communication. Puis, nous nous attarderons sur la co-construction de la scène intersubjective partagée par les interactants au cours de l’interaction.

Le Chapitre 3 sera consacré à la description des données de la recherche et aux problématiques liées à la constitution du corpus. Ainsi, nous détaillerons notre parcours méthodologique allant du recueil au traitement et à la mise à disposition des données.

La seconde partie de cette thèse sera dédiée à l’analyse des interactions lors des DVP dans une approche interactionniste, grâce à un aller-retour entre l’observation du corpus et les apports théoriques.

En lien avec nos problématiques de recherche et notre parcours théorique, nous nous inscrirons dans une double approche empirique des données, alliant l’analyse des interactions et la linguistique interactionniste.

Le Chapitre 4 portera sur l’analyse des interactions au sein de la DVP à travers la méthode systémique des communications. Il s’agira d’observer, de décrire et de modéliser les formes d’interactions au sein de la DVP. Nous nous intéresserons à la place et au rôle de l’animateur dans les DVP et aux stratégies qu’il met en place pour remplir son rôle. Nous nous centrerons aussi sur le fonctionnement de la co-construction de la conceptualisation et de la scène intersubjective au cours des DVP et sur la place de la scène intersubjective.

Le Chapitre 5 s’inscrira dans l’approche de la linguistique interactionniste et sera consacré à l’étude de la dislocation à gauche du sujet comme trace linguistique de la co-construction du sens et de l’interaction. Nous nous intéresserons alors à la dislocation à gauche du sujet en tant que moyen de focalisation permettant aux interactants de mettre en avant leurs buts communicatifs afin de guider le processus d’interprétation.

Enfin, nous proposerons en conclusion une synthèse des résultats de notre recherche et nous en présenterons les apports, les limitations et les perspectives.

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16

P

REMIÈRE PARTIE

:

C

ONTEXTES ET PARCOURS

THÉORIQUES ET

MÉTHODOLOGIQUES

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Introduction à la première partie

Dans cette première partie, nous commencerons par présenter notre objet d’étude : la discussion à visée philosophique (Chapitre 1), afin de cerner la pratique et ses enjeux.

Après avoir décrit cet objet, nous préciserons dans quelle perspective nous allons l’aborder.

« Le choix d’un paradigme particulier pour étudier un phénomène de communication se fait en fonction du problème que l’on veut résoudre » (Mucchielli, 1995/2006 : 150).

Ainsi, nous introduirons les cadres théoriques et méthodologiques dans lesquels nous nous inscrivons en lien avec nos problématiques de recherche. Cet exposé sous forme d’un parcours théorique et méthodologique nous permettra de voir, à travers les déplacements concernant la conception et l’analyse des interactions, que ces cadres de recherche s’influencent mutuellement.

Au sein de notre parcours théorique (Chapitre 2), nous observerons les déplacements des conceptions de la communication interpersonnelle, de la construction de l’interaction et de la construction du sens afin de situer notre approche.

Concernant la méthodologie de la recherche (Chapitre 3), nous décrirons notre parcours méthodologique en partant du recueil jusqu’à la mise à disposition des données.

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18

Chapitre 1

La philosophie pour enfants dans

le contexte scolaire

Introduction

La Philosophy for Children est née aux États-Unis, à la fin des années 1960 - début des années 1970, sous l’impulsion de M. Lipman. Au cours de sa carrière universitaire, M. Lipman constate que si ses étudiants manquent de capacités de raisonnement, son enseignement ne peut pas y remédier car leur pensée et leur méthode sont déjà formées (Daniel, 1992/1997 : 23 ; Calistri et al., 2007 : 23). C’est à partir de ce constat que M. Lipman élabore un programme de philosophie pour enfants afin de favoriser l’acquisition de capacités de réflexion, de raisonnement et de jugement dès le plus jeune âge. Il crée The Institute for

Advancement of Philosophy for Children (I.A.P.C) et met en place un matériel pédagogique

pour les ateliers de philosophie, constitué de sept romans philosophiques adaptés à chaque âge, accompagnés d’un guide pédagogique (Lipman, 1974 ; 1976 ; 1978 ; 1980 ; 1981 ; 1983 ; 1988)2. En instaurant l’apprentissage du raisonnement, M. Lipman concrétise les préceptes de J. Dewey et L. Vygotski qui soulèvent l’importance d’apprendre à penser par soi-même (Calistri et al., 2007 : 23-24).

Depuis les années 1970, les pratiques de philosophie pour enfants se sont largement développées. M.-F. Daniel affirme qu’elles sont aujourd’hui répandues dans une cinquantaine de pays (Daniel, 2005 : 32 ; Daniel, 2015 : 337). La Philosophy for Children (P4C) reçoit

2 Pour une présentation du matériel pédagogique, voir Daniel (1992/1997 : 24-27) et Lipman (1993/2005 :

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19

deux appellations en français : philosophie pour enfants (PPE) ou philosophie avec les enfants (PAE) ; nous privilégierons le terme philosophie pour enfant dans la lignée de M. Lipman en lien avec son dispositif élaboré pour les enfants (Tozzi, 2013a : § 92). Toutefois, le mot

enfant est restrictif ; de ce fait, ces appellations introduisent une confusion car cette pratique

est également destinée aux adolescents3. Mais, comme le remarque M.-F. Daniel, cette terminologie a un enracinement fort :

« Je me souviens aussi d’un colloque en 1996, lors duquel Lipman lui-même avait proposé des termes de remplacement, plus englobants, comme “Educational Philosophy”. Mais alors la PPE avait déjà des racines dans trop de pays et était trop connue pour modifier l’appellation » (Daniel, citée par Tozzi, 2013a : note 2).

Dans cette thèse, nous appréhenderons donc le terme enfant dans un sens large, incluant les adolescents, en l’opposant à adulte.

Dans ce chapitre, nous proposons un tour d’horizon afin de présenter la philosophie pour enfants (PPE) et plus particulièrement l’une de ses applications : la discussion à visée philosophique (DVP). Cela à travers (1.1) un aperçu des méthodes pédagogiques liées à la mise en place de cette pratique ; (1.2) l’observation de la place de la DVP dans le système scolaire à l’heure actuelle via (1.2.1) ses apports pour les élèves liés à une pédagogie spécifique, (1.2.2) son positionnement au sein des oraux scolaires et (1.2.3) vis-à-vis des programmes scolaires ; (1.3) un questionnement sur l’aspect philosophique de ces pratiques.

3 Les romans philosophiques de M. Lipman s’adressent à des élèves du primaire et du secondaire. Par ailleurs, la

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20

1.1

Différentes méthodes pour mettre

en place la DVP

Il existe différentes méthodes pour la mise en place des ateliers-philo. Nous allons présenter la méthode Lipman sur laquelle les DVP étudiées dans cette thèse s’appuient. M. Tozzi note qu’« on constate, dans les pratiques de classe et de formation, une prédominance dans le monde du courant lipmanien »4 (Tozzi, 2012 : 38). Afin de mieux situer les ateliers-philo étudiés dans cette thèse par rapport aux dispositifs existants, nous aborderons ensuite d’autres méthodes parmi les plus connues et les plus représentatives des pratiques.

1.1.1 La méthode Lipman5

Dans la méthode Lipman, l’atelier de philosophie commence par la lecture d’un chapitre de roman philosophique. Les romans philosophiques de M. Lipman constituent une adaptation des textes de grands philosophes :

« Cette innovation pédagogique ne suppose pas une déformation du contenu, mais la présentation des œuvres des grands maîtres dans le langage courant afin que les enfants en saisissent le sens et s’y intéressent. Cela suppose également l’intégration de théories et de concepts philosophiques dans un contexte d’expériences enfantines afin que les jeunes s’approprient les éléments philosophiques et les appliquent à leur quotidien » (Daniel, 1992/1997 : 27).6

La lecture se fait à haute voix et en groupe, c’est-à-dire que chaque enfant y participe en lisant un petit passage du roman à tour de rôle. Cette première étape marque l’entrée dans la « communauté de recherche » (Lipman, 2003/2011 : 33) de par la participation active et la coopération de tous lors de la lecture partagée. Comme le souligne M. Lipman :

« lire pour la première fois un texte philosophique, c’est comme voir un tableau pour la première fois ou découvrir un morceau de musique. Il faut y observer ce qu’il y a à observer, apprécier ce qui en vaut la peine, comprendre ce qu’on y dit, s’imaginer ce qui y est supposé, en tirer des conclusions, saisir ce qui y est suggéré. C’est tout le contraire d’une lecture superficielle. Cette

4 Pour des hypothèses expliquant ce fait, nous renvoyons à l’ouvrage de M. Tozzi (2012 : 38-39).

5 La rédaction de cette section s’appuie principalement sur les travaux de M.-F. Daniel (1992/1997 : 27-29 ;

2005 : 32-36) et de M. Lipman (2003/2011 : 99-107).

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21

lecture approfondie pour laquelle il s’agit de savoir lire entre les lignes est un objectif à fixer aux

élèves » (Lipman, 2003/2011 : 102).

Ainsi, suite à la lecture, les enfants sont invités à réfléchir autour du texte, aux dilemmes et aux interrogations soulevés par les situations qui y sont décrites et aux questions en lien avec les concepts abordés dont ils aimeraient discuter. Lors de cette étape, les enfants doivent donc s’investir dans la compréhension du texte afin d’établir des ponts entre les situations, les problèmes, vécus par les personnages et leur vie quotidienne. La phase de questionnement vise à amener les enfants à problématiser et permet de stimuler leur curiosité et de susciter leur intérêt en vue de la recherche de réponses. Le questionnement est conçu comme « un moment clé » car c’est « le moteur de la recherche » (Lipman, 2003/2011 : 102).

Suite à la collecte des questions, le groupe forme une « communauté de recherche » (Lipman, 2003/2011 : 33)7 afin de discuter autour d’une problématique retenue et de réfléchir ensemble en vue d’un objectif commun. Dans une communauté de recherche,

« [les enfants] s’écoutent mutuellement avec respect, s’empruntent des idées les uns aux autres, s’encouragent à justifier leurs positions qui, sans cela, seraient sans fondement, s’entraident pour tirer les conclusions de ce qui a été dit et essaient de comprendre ce que les autres ont voulu dire » (Lipman, 2003/2011 : 33).

Ainsi, l’objectif de cette étape n’est pas d’amener les enfants à trouver la bonne réponse et/ou à développer la meilleure argumentation ; il s’agit de les faire dialoguer dans une perspective de coopération, de les faire participer à la réflexion du groupe (Daniel, 2005 : 34).

Dans ses guides pédagogiques accompagnant ses romans, M. Lipman propose des exercices afin de stimuler les enfants sur le plan intellectuel en amont de la discussion, et d’autres exercices permettent de consolider des habiletés de pensée après la discussion. Toutefois, le recours à ces exercices est rare car les praticiens ne disposent généralement pas de ce matériel pédagogique (Tozzi, 2013a : § 56).

L’objectif final est d’apprendre à dialoguer et à penser par soi-même, de façon autonome et avec un sens critique. De ce fait, l’animateur n’intervient pas sur le contenu des échanges mais sur la structure de la discussion. Il est le gardien de la procédure de recherche, de la logique et de la cohérence des propos. Il doit guider le processus d’investigation collective où les élèves sont appelés à dialoguer et à raisonner ensemble (Daniel, 1992/1997 : 28).

7 Nous reprendrons ensuite cette formule de M. Lipman (qu’il attribue à C. S. Peirce), bien intégrée dans les

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22

1.1.2 D’autres méthodes

M. Tozzi (2012 : 39-40) constate que les méthodes pédagogiques de DVP varient principalement en fonction des objectifs principaux poursuivis et selon le rôle de l’animateur. Toutefois, chaque méthode vise l’apprentissage de l’acte de philosopher et chacune partage la volonté de donner la parole aux enfants et d’encourager leur propre réflexion.

Ainsi, on peut distinguer les méthodes selon leur objectif prioritaire : le « courant psychanalytique » axe la pratique sur la reconnaissance du sujet et sa construction identitaire ; le courant « éducation à la citoyenneté » insiste sur la coopération et la responsabilisation des enfants, futurs citoyens ; le courant « philosophique » se centre sur les exigences de pensée (Tozzi, 2013a : § 3). Toutefois, cette classification est établie à titre indicatif ; en réalité, les pratiques ne sont pas cloisonnées, certaines méthodes peuvent s’inscrire dans deux courants simultanément. Par ailleurs, M. Tozzi précise que les pratiques sont très diversifiées et les méthodes adaptées :

« Dans la finesse du grain des pratiques, il y a de fait autant de pratiques que de praticiens, selon le style des personnes » (Tozzi, 2013a : § 1).

Le rôle de l’animateur varie fortement selon les méthodes, celui-ci étant plus ou moins présent ou effacé. Généralement, quelle que soit la méthode, l’animateur n’apporte pas son point de vue personnel sur le thème traité. Cela afin de laisser libre cours à la pensée des enfants sans qu’ils n’attendent de bonnes réponses de la part de l’adulte (Tozzi, 2013a : § 32). Toutefois, certains (nous pensons particulièrement aux recherches de P. Usclat) soutiennent une vision de la DVP selon laquelle l’animateur prend part aux échanges au même titre que les autres participants et fait partie de la communauté de recherche. Chaque participant représente ainsi un interlocuteur valable au même titre que tous les autres, la pensée et la parole de tous étant reconnues de la même manière par tous (Usclat, 2009 : § 16).

Lorsque l’animateur intervient sur la structure de l’activité, le degré de guidage varie selon les méthodes. Dans la méthode du groupe Agsas (Association des Groupes de Soutien Au Soutien), représentée par le psychanalyste J. Lévine, la priorité est donnée aux idées des enfants afin qu’ils puissent penser en liberté (Lévine, 2005 : 73). De ce fait, pendant les discussions menées selon cette méthode, l’animateur ne guide pas les enfants. Une fois le cadre et le thème posés, il reste silencieux pour permettre aux enfants de penser et d’exprimer leurs idées librement. Il les laisse rechercher à tâtons des réponses aux grandes énigmes de la vie humaine, complètement libérés du jugement de l’animateur. À l’inverse, les ateliers de philosophie de O. Brenifier sont dirigés par un animateur qui contrôle chaque contribution

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23

afin de garantir la « philosophicité »8 (Tozzi, 2012 : 40) et la rigueur rationnelle des échanges. L’animateur conduit ainsi « un entretien philosophique de groupe » (Tozzi ; 2013a : § 58) plutôt qu’une discussion entre enfants.

Souvent, l’animateur adopte une position intermédiaire, c’est-à-dire qu’il intervient pour veiller au bon déroulement de la discussion tout en laissant la priorité aux paroles des enfants, comme dans la méthode Lipman ou dans la méthode de la discussion à visée démocratique et philosophique (DVDP) de M. Tozzi. Dans cette méthode de la DVDP, « le pouvoir de co-animation » (Tozzi, 2013a : § 57) est partagé entre l’adulte-animateur qui veille à la mise en œuvre des processus réflexifs et certains enfants qui endossent des responsabilités pendant la discussion. Plusieurs rôles sont distribués : un président de séance qui donne la parole selon des règles préalablement définies (soit en suivant l’ordre de demande de prise de parole avec une priorité pour ceux qui se sont peu ou pas exprimés) ; un reformulateur qui restitue au fur et à mesure les propos de chaque discutant ; un synthétiseur, qui prend des notes afin de faire, lorsqu’il est sollicité, un compte-rendu des idées exprimées au sein du groupe. Les autres élèves sont les discutants ; ils participent à la discussion en exprimant leurs idées, leurs points de vue, afin de faire progresser la réflexion. Enfin, il y a également des observateurs qui sont spectateurs du débat dans l’optique de mener une analyse ; ils observent les processus de pensée, le réseau démocratique (répartition de la parole) et les différents rôles afin de se préparer à les endosser lors de prochaines DVP (Tozzi, 2012 : 42-43 ; Tozzi, 2013a : § 57 ; Tozzi, 2013b : § 34-43).

M. Tozzi (2012 : 34-37) propose un tableau comparatif de cinq approches pédagogiques pour philosopher avec les enfants (selon S. Connac) que nous reprenons ci-après (Tableau 1).

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Méthode Lipman Préalables à la pensée philosophie Ateliers de coopératif Dispositif l’intervenant Méthode de

Auteurs M. Lipman J. Lévine D. Sénore A. Pautard A. Lalanne O. Brenifier A. Delsol S. Connac M. Tozzi J.-F. Chazerans M. Sautet

Fréquence 1 heure, 2 fois par semaine 10 min puis 10 à 20 min par semaine 1 heure par semaine ¾ d’heure par semaine ¾ d’heure par semaine

Critères de philosophicité - Présence d’un questionnement philosophique ; - Discussion autour d’une question commune ; - Émergence d’un dialogue critique. - Expérience du cogito ; - Appartenance à une pensée groupale large et universelle. - Réfléchir : savoir ce que l’on pense, savoir d’où on tient ce que l’on pense, jusqu’où ce savoir vaut comme savoir ; - Faire usage de la raison par référence aux exigences du philosopher. Articulation dans le discours des exigences intellectuelles du philosopher : - problématiser ; - argumenter ; - conceptualiser. Présence d’un philosophe qui présente un modèle dans le sens où le travail sur le questionnement philosophique et les exigences

intellectuelles à susciter est possible par imitation/ distanciation.

Intentions éducatives

Penser par soi-même Émergence d’une pensée multimodale qui articule les pensées logique (critique), créative, responsable et métacognitive. - Faire l’expérience d’une vie pensante ; - Se découvrir membre de la communauté humaine par la pensée ; - Réfléchir sur les grands problèmes de la vie.

- Exprimer une pensée qui est sienne et identifier les sources des représentations ; - Questionner la validité de ces sources ;

- Valider son discours par un dialogue avec les autres. - Permettre aux enfants d’exercer leur pensée réflexive (geste mental) avec le soutien d’un groupe de pairs ; - Permettre aux enfants d’occuper des fonctions d’animation de la discussion. - Aider à philosopher ensemble en faisant débattre le groupe ; - Permettre de compléter une discussion entre pairs par la rencontre avec un philosophe. Place de l’adulte Intervention sur la forme des idées et pas sur leur contenu. 1- gère la lecture collective ; 2- collecte et traite les questions ; 3- anime la discussion et veille à ce que les enfants parviennent à un dialogue critique. 1er temps : énonce la question, gère l’enregistrement, est silencieux mais reste garant du fonctionnement ; 2e temps : accompagne les réactions du groupe, suscite un regard méta sur la discussion.

Fonction d’animation et de guidage, d’accompagnement bien précis : établir des liaisons conceptuelles, reformuler, relier les idées énoncées aux enjeux du thème abordé, synthétiser les arguments. - Concepteur et garant du dispositif démocratique ; - Animateur « philosophique » des échanges. En mesure de faire évoluer le dispositif en fonction de l’évolution du groupe.

- Il est celui qui libère. - Il permet à l’élève de se détourner de ses anciennes opinions et d’adopter une attitude rationnelle. Il est « ignorant » au sens où il n’est pas un intermédiaire entre l’apprenant et le savoir. - Ferment catalytique . Formation de l’adulte À la méthode et au matériel construit. À la méthode et à l’analyse de pratiques professionnelles. - Formation philosophique permettant d’établir les principales distinctions conceptuelles en jeu ; - Préparation des séances. Formation à la gestion coopérative d’une discussion par des enfants et maîtrise didactique des exigences intellectuelles du philosopher.

L’adulte n’est pas perçu comme un professeur mais comme une sorte de pair à qui ils peuvent s’adresser. Le rôle de l’animateur est de programmer son autodisparition. Présence d’un dispositif

Oui pour permettre à la communauté de recherche d’exister.

Non sauf une disposition en cercle.

Oui par l’intervention de l’adulte.

Oui, central. Oui pour la circulation de la parole.

Fondements

Dewey, Piaget. Freud, Rogers, Lévine.

Socrate, Platon, Aristote, Descartes, Hegel, Kant…

Freinet, Oury et tous les penseurs des pédagogies actives. Socrate, Platon, Aristote, Descartes, Hegel, Kant… Mots clés Expérience,

construction. Affirmation de soi, conscientisation, expression. Exigences intellectuelles, dialectique. Coopération, démocratie, responsabilisation. Rencontre, autorégulation, attitude philosophique.

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25

1.1.3 La méthode appliquée dans le cadre de nos données

Dans le cadre de notre recherche, les DVP recueillies et étudiées (présentées dans le Chapitre 3) s’appuient en partie sur la méthode Lipman9. Plus précisément, ces DVP se déroulent en quatre étapes principales telles que représentées dans la Figure 1. Nous décomposons l’étape de la cueillette de questions en deux phases distinctes car, selon nous, elle met en œuvre plusieurs compétences. D’abord, la phase de recherche de questions amène l’enfant à tirer des problématiques d’une situation ; il s’agit de percevoir les problèmes et de les comprendre afin de formuler une problématique. Cette démarche permet l’apprentissage de la problématisation. Ensuite, la phase de regroupement des questions remplit, quant à elle, des objectifs cognitifs d’organisation, de classement et de synthèse.

Figure 1 : les étapes de la mise en place des DVP du corpus Philosophèmes.

Les animateurs ne sont pas tenus de s’appuyer sur les romans philosophiques de M. Lipman et sont libres de choisir le support qu’ils souhaitent, celui-ci devant servir de tremplin afin que les discutants10 se mettent dans un état de réflexion. Souvent, les animateurs choisissent un support abordant des thèmes en lien avec les intérêts des élèves. Ce support peut se présenter sous différentes formes : texte (roman philosophique, conte, article de presse, etc.) ; document vidéo ou audio (reportage, publicité, chanson, etc.) ; objet11. Lorsqu’il s’agit d’un texte, les discutants procèdent à une lecture partagée comme prévue dans la méthode Lipman. À partir du support, les discutants sont invités à réfléchir aux questions

9 Comme précisé dans le rapport de l’Unesco (Goucha, 2007 : 249), la DVP « s’inspire à la fois de la pédagogie

coopérative (Célestin Freinet, Fernand Oury), de la communauté de recherche (Matthew Lipman) et de la détermination des exigences du modèle du philosopher (Michel Tozzi) ».

10 Nous rappelons que ce terme, emprunté à A. Delsol (2006) et M. Tozzi (2012 ; 2013a ; 2013b), désigne les

participants à la discussion qui débattent autour du sujet-thème de la DVP. Ainsi, dans le cadre de nos données, lors du déroulement d’une DVP, les élèves sont les discutants.

11 Une liste des supports utilisés pour enclencher les DVP du corpus Philosophèmes est disponible en Annexe 3.

Questionnement à partir du support! Rassemblement et choix d’une question! Discussion :! exploration de la question de façon collective!

Problématiser Synthétiser Organiser Écouter, argumenter, etc. Réfléchir

Présentation d’un support!

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26

existentielles suscitées par ce dernier. Souvent, les discutants sont répartis en petits groupes pour réfléchir collectivement afin de faire émerger des questions. Suite à cette étape, les questions sont rassemblées. Chacun, ou chaque groupe, énonce sa/ses questions à l’ensemble des participants et apporte des précisions si nécessaire. Les questions sont ensuite organisées en fonction des thématiques qu’elles abordent, celles qui se recoupent sont combinées. Puis, le groupe choisit une question, souvent par l’intermédiaire d’un vote. À titre d’exemple, l’Annexe 2 présente le descriptif d’une séance « clef en main », suivant cette méthode, proposé par E. Auriac-Slusarczyk aux animatrices du collège de Gerzat en mars 2012, autour de la chanson Poupée Russe des Tit’Nassels (2008).

Suite à ces étapes préliminaires, la discussion se met en place autour de la question sélectionnée. La discussion se déroule en communauté de recherche au sein de laquelle se déploie une réflexion collective. Chaque discutant est libre de prendre la parole. Les règles principales instaurées au sein de la communauté sont simples : il faut demander la parole et attendre que l’animateur (ou le « président de séance ») l’octroie ; chacun doit écouter ses camarades en silence. L’animateur s’assure du bon déroulement de la DVP à travers le respect des règles et il aide les enfants à conduire leurs idées jusqu’au bout en les relançant. Au collège, certains rôles définis par M. Tozzi sont distribués aux élèves. Le rôle du « président de séance » est fréquemment endossé par un élève. Ce dernier est chargé de distribuer la parole aux discutants selon l’ordre de demande de prise de parole. Parfois, un élève occupe le rôle de « synthétiseur », il est responsable de la prise de notes afin de faire le point, de temps à autre, sur ce qui a été dit.

1.1.4 Bilan

Chaque méthode a ses particularités ; par ailleurs, chaque animateur adapte la méthode choisie à sa propre pratique, en intervenant plus ou moins régulièrement, en instaurant un cadre plus ou moins rigoureux, etc. Les différentes méthodes gardent toutefois un socle et des apprentissages communs. Il s’agit de former une communauté de recherche dans laquelle les discutants s’interrogent, apprennent à réfléchir, dans un cadre où il n’y a pas (où il n’y a plus) de bonnes ou mauvaises réponses.

Ainsi, bien que la méthode mise en place dans les ateliers de philosophie suivis dans le cadre de notre recherche s’inscrive dans le courant lipmanien, elle reprend également des aspects de la méthode de la DVDP de M. Tozzi, notamment en faisant contribuer les adolescents aux fonctions d’animation. L’essentiel est que les discutants coopèrent et

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27

parviennent à construire une pensée et un dialogue critique autour d’un questionnement philosophique en mettant en place les exigences intellectuelles formulées par M. Tozzi : problématisation, argumentation et conceptualisation. Nous allons détailler ces aspects dans la suite de ce chapitre.

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28

1.2

La place actuelle de la DVP dans le

système scolaire

Dans cette section, nous nous intéressons au positionnement de la DVP vis-à-vis des disciplines classiques ainsi qu’à sa place dans le système scolaire français.

1.2.1 Une pratique pérididactique

La PPE est une pratique pérididactique dans le sens où elle ne vise pas la transmission de savoirs philosophiques (Claquin et al., 2013 : 270-271). En effet, la pratique vise l’apprentissage du philosopher (Tozzi, 2012 : 273) à travers une quête de compréhension plutôt que de connaissances (Thullier, 2015 : 210). Ainsi, il s’agit d’une éducation à… qui s’inscrit en marge des enseignements disciplinaires (les enseignements de…).

1.2.1.1 Une éducation à… développant des compétences adisciplinaires

Les éducations à… se caractérisent :

« par une visée éducative, en particulier le développement de valeurs et d’attitudes, et par la construction de compétences sociales et/ou éthiques à caractère transdisciplinaire ou adisciplinaire. » (Pagoni & Tutiaux-Guillon, 2012 : 3).

La DVP rejoint les éducations à… puisqu’elle est axée sur le développement d’attitudes citoyennes, de valeurs sociétales et qu’elle vise principalement l’acquisition de compétences plutôt que de connaissances ; même si cette pratique favorise, par ailleurs, la maîtrise de la langue (Claquin et al., 2013 : 271).

Comme nous l’avons évoqué, chaque étape du dispositif concourt au déploiement de compétences spécifiques (Figure 1). Nous allons voir que par ailleurs, la DVP contribue au développement de nombreuses compétences (logiques, langagières, sociales, éthiques, civiques, etc.).

(30)

29

! Des compétences réflexives et cognitives

Comme nous l’avons précisé, malgré la diversité des méthodes, la DVP a pour objectif premier l’apprentissage de l’acte de philosopher. Il s’agit donc d’apprendre à bien penser, c’est-à-dire, comme l’indique M. Lipman à travers le titre d’une publication, de « renforcer le raisonnement et le jugement par la philosophie » (1993/2005).

Selon M. Tozzi, la PPE contribue au développement de capacités réflexives complexes à travers la mise en jeu de trois opérations intellectuelles qui caractérisent le philosopher : la problématisation, la conceptualisation et l’argumentation. Au sein des ateliers de philosophie, les enfants travaillent donc leur capacité à effectuer et maîtriser ces opérations qui constituent des « outils intellectuels » permettant d’entraîner l’usage de sa raison et d’atteindre une autonomie de jugement réflexif (Tozzi, 2010 : 17 ; Tozzi, 2012 : 261). D’abord, comme nous l’avons mentionné, la problématisation s’effectue par la recherche et la formulation de problèmes à partir d’une situation. Cette opération permet aux enfants d’apprendre à remettre en question des évidences, des conceptions, afin que leur pensée devienne plus personnelle. La conceptualisation de notions est, quant à elle, une opération qui peut s’effectuer de différentes façons et à plusieurs niveaux, à travers la définition, la distinction, l’explication de mots ou de concepts. Enfin, l’argumentation est une opération qui consiste à justifier une (hypo)thèse, un doute, une objection, de façon cohérente et structurée. À travers ces opérations, il s’agit de savoir de quoi on parle (conceptualisation) et de savoir si ce qu’on dit est vrai (argumentation) (Tozzi, 1993 : 21 ; Tozzi, 2012 : 261-262, 272).

Bien qu’ils soient reconnus, les bienfaits cognitifs de la PPE restent difficiles à évaluer. M. Agostini et J. Mallet (2013 : § 34) ont mené une expérimentation pilote en observant un groupe d’élèves lors d’ateliers de philosophie afin de classifier leurs paroles à partir des opérations décrites par M. Tozzi. Il s’agit d’établir un classement selon le caractère philosophique (conceptualisation, problématisation, argument, contre-exemple, discussion philosophique des exemples) ou non-philosophique (objection sans argument, argument fallacieux, dispute, discussion anecdotique des exemples) des propos. Les résultats de cette expérimentation révèlent que suite à une année de pratique hebdomadaire de la DVP, les prises de parole philosophiques augmentent entre le début et la fin de l’année (Agostini & Mallet, 2013 : § 36) ; plus précisément les élèves ont développé leurs capacités à argumenter (ils le font davantage et mieux) et à exploiter philosophiquement les exemples (Agostini & Mallet, 2013 : § 40). Parallèlement, les élèves ont moins recours à des procédés non-philosophiques (Agostini & Mallet, 2013 : § 42). Ces résultats relatifs au développement de la

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capacité à philosopher des élèves pratiquant la DVP sont confirmés par la mise en place de la même expérimentation avec un groupe témoin ayant pratiqué la DVP deux fois seulement (en début puis en fin d’année). En effet, dans le groupe témoin, il ressort que la proportion de prises de parole philosophiques est similaire entre le début et la fin de l’année tandis que la proportion des prises de parole non-philosophiques augmente (Agostini & Mallet, 2013 : § 37, § 43). Toutefois, au vu de la complexité de ce genre d’expérimentation, il est difficile de les mettre en place à grande échelle.

Par conséquent, l’impact de la PPE sur le raisonnement logique est généralement mesuré par l’intermédiaire de tests standardisés qui peuvent être soumis à un échantillon d’élèves beaucoup plus important. Ces tests visent à évaluer les aptitudes de raisonnement comme les capacités d’inférence syllogistique, d’élimination d’alternatives, d’induction, de reconnaissance de rapports symétriques, etc. (Mortier, 2005 : 56-57) ; cela à travers des problèmes de raisonnement avec choix multiples, comme illustré dans la Figure 2.

Figure 2 : exemple d’items extraits du New Jersey Test of Reasoning Skills (Shipman, citée par Mortier, 2005 : 56).

F. Mortier (2005) a réalisé une synthèse des études d’évaluation de l’efficacité de la PPE. Suite à cette synthèse, il remarque que le premier résultat rapporté par M. Lipman (une avance de 27 mois en âge mental, c’est-à-dire au niveau du développement intellectuel) paraît excessif (Mortier, 2005 : 68). F. Mortier (2005 : 61-62) souligne quelques faiblesses dans certaines études qui manquent parfois de précisions statistiques, qui ne prennent pas en compte certaines variables (comme le mode d’animation) ou qui ne contrôlent pas les effets à long terme. Toutefois, il conclut que « la méthode Lipman, après jugement critique, mérite le

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crédit que lui font ses croyants » (Mortier, 2005 : 49) car il apparaît clairement, à travers les tests de raisonnement, que la PPE « contribue bien au développement de la pensée critique » (Mortier, 2005 : 62) ; les différentes études, indépendamment de leur qualité, confirment systématiquement l’impact positif de la PPE sur l’intelligence générale (Mortier, 2005 : 68).

Toutefois, certaines études font ressortir la difficulté de mesurer les capacités logiques par l’intermédiaire de ce genre de tests. Par exemple, E. Auriac (2006 : 44) pose l’hypothèse que la DVP constitue un entraînement à l’analyse logique de situations et qu’elle est donc susceptible d’améliorer les capacités logiques des élèves. Pour vérifier cette hypothèse, elle fait passer un test de logique composé d’items adaptés à des enfants. Cependant, le test ne révèle pas d’effet de la pratique de la DVP sur l’évolution des réponses logiques (Auriac, 2006 : 50-52). Par ailleurs, après avoir soumis le même test à des adultes, E. Auriac remarque que certains items leur posent problème, ce qui l’amène à s’interroger sur la pertinence de ces tests pour effectuer ce genre de mesures (Auriac, 2006 : 53-54).

! Des compétences langagières et communicationnelles

« Travailler sa pensée c’est en effet du même coup travailler la langue, et travailler la langue, c’est se donner le moyen de mieux penser. » (Tozzi, 2010 : 15).

Plusieurs études ont montré que la pratique de la DVP favorise, en effet, la maîtrise de la langue grâce à la mise en évidence d’évolutions dans les constructions langagières : sur des aspects syntaxiques à travers la complexification des énoncés avec l’augmentation des subordinations et des propositions circonstancielles (Calistri et al., 2007 : 158-167) et l’emploi de connecteurs révélant une logique argumentative et explicative (Auriac-Slusarczyk & Maufrais, 2010 : 133-136) ; sur des aspects énonciatifs et pragmatiques à travers la décentration marquée par le passage du je au on (Calistri et al., 2007 : 158-171), la mise en place de divers actes de langage (Delsol, 2006 : 81-82), le niveau du registre de langue qui devient plus soutenu (Tozzi, 2010 : 15). Ainsi, il ressort que, grâce à cette pratique, les enfants s’expriment ostensiblement mieux.12 M. Tozzi (2010 : 15) souligne que, lors de la DVP, le rapport à la langue change car les élèves en font un usage plus réflexif que fonctionnel ; il ne s’agit pas uniquement de parler pour dire mais aussi pour penser. Ainsi, les élèves cherchent les mots justes pour construire et communiquer une pensée réflexive.

12 Comme en témoignent, également, des parents d’élèves philosophant (cf. Paroles de parents in Pozzi &

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Au-delà des aspects linguistiques, les aspects pragmatiques font apparaître l’émergence d’habiletés communicationnelles permettant l’adaptation du registre de langue au contexte et la variation des actes de langage selon l’intention communicative. Les aspects énonciatifs marquent la décentration des discutants qui parallèlement sortent de l’égocentrisme ; ils s’ouvrent à l’autre à travers l’écoute et la prise en compte des propos d’autrui dans la construction de leur propre discours.

! Des compétences sociales et citoyennes

Par l’intermédiaire de la DVP, les enfants s’ouvrent donc à l’altérité par le dialogue et au monde grâce au questionnement autour de questions existentielles et sociétales. La DVP est « un instrument pour mettre les enfants en contact avec eux-mêmes, avec les autres et avec le monde » (Daniel, 1992/1997 : 31). La rencontre avec l’altérité permet de décentrer l’enfant de son opinion. Cela l’aide à aller au-delà de son point de vue, à le remettre en question, à se placer du point de vue de l’autre pour penser avec lui et avec et contre cet autre en lui (Tozzi, 2010 : 20-21). Au sein de la communauté de recherche, dans laquelle chacun représente un (inter)locuteur valable, l’enfant prend conscience de sa différence et de son importance dans un groupe. Ainsi, l’interaction dans la DVP l’amène à se connaître et a un effet (re)narcissisant dans le sens où elle favorise l’estime de soi et la confiance en soi (Gazzard, 1990 ; Lago, 1990 ; Daniel, 1992/1997 : 30 ; Sasseville, 1994 ; Tozzi, 2010 : 19)13. Par ailleurs, M. Tozzi (2010 : 21) rappelle également que la psychologie sociale de l’apprentissage (en s’appuyant sur les travaux de Perret-Clermont, Doise, Mugny, Carugati, Vygotski, etc.) a montré que la confrontation de (hypo)thèses en réponse à une question donnée engendre un conflit sociocognitif qui conduit l’élève à travailler ses opinions premières, ses préjugés de façon critique et ainsi à progresser dans sa conception du monde.

La pratique de la DVP permet ainsi de faire évoluer le rapport des élèves à eux-mêmes, à l’autre et au monde. En cela, la DVP participe à la construction identitaire des participants (Tozzi, 2010 : 9-17) et la pratique du dialogue contribue à leur socialisation démocratique et réflexive (Tozzi, 2010 : 17-20) :

« on y apprend à vivre ensemble dans et par la coopération discussionnelle : démocratiquement socialisateur par le type de dispositif retenu (fonctions déléguées et règles de fonctionnement) ; et

13 Des parents d’élèves philosophant soulèvent également ce bénéfice remarquant que leur enfant semble avoir

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