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Thiffault c. Directrice des poursuites criminelles et pénales 2020 QCCA 816 COUR D APPEL

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Texte intégral

(1)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE QUÉBEC

N° : 200-10-003745-200 (400-36-000648-184) (400-61-069107-153) (400-61-069106-155) DATE : 19 juin 2020

DEVANT L'HONORABLE MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

PAUL THIFFAULT et

CONSTRUCTION SOREL LTÉE REQUÉRANTS - défendeurs c.

DIRECTRICE DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES INTIMÉE - poursuivante

JUGEMENT

[1] Les requérants demandent la permission d’appeler d’un jugement rendu le 7 février 2020 par la Cour supérieure, district de Trois-Rivières (l’honorable Manon Lavoie)1.

[2] Ce jugement rejetait leur appel à l’encontre d’un jugement rendu le 1er février 2018 par la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, district de Trois-Rivières (madame Annie Vanasse, juge de paix magistrat) les déclarant coupables d’infractions au Règlement sur la formation professionnelle de la main-d’œuvre de l’industrie de la construction2 (le « Règlement ») et à la Loi sur les relations du travail, la formation

1 Thiffault c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2020 QCCS 560 (CanLII).

2 Règlement sur la formation professionnelle de la main-d’œuvre de l’industrie de la construction, RLRQ, c. R-20, r. 8, art. 18.

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professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction3 (la

« Loi »), d’une part, et les condamnant à payer respectivement 215 $ et 858 $ d’amende, plus les frais, d’autre part.

[3] Plus précisément, la juge de première instance a déclaré l’appelant Thiffault coupable d’avoir opéré une grue alors qu’il n’était pas titulaire du certificat de compétence requis à cette fin. Ce certificat est délivré par la Commission de la construction du Québec (« C.C.Q. ») aux personnes habilitées à exercer le métier de grutier, tel que défini ainsi à l’annexe A du Règlement :

« Toute personne qui :

Opère des grues de tout genre, telles que grues polycônes, pylônes, suspendues, à chevalement, automotrices sur locomotives ou camion sur roues ou chenilles avec attachements hydrauliques, électriques, mécaniques et électro- mécaniques; »

[Je souligne]

[4] La requérante Construction Sorel ltée a quant à elle été déclarée coupable d’avoir affecté Thiffault, son employé, à l’opération de la machinerie en litige.

[5] Les requérants proposent essentiellement que la juge de la Cour supérieure a erré en droit, et ce, pour les motifs qu’ils énoncent aux sous-paragraphes 5 a) à d) de leur requête pour permission d’appeler modifiée du 13 mai 2020.

[6] La requête pour permission d’appeler présentée en vertu de l’article 291 du Code de procédure pénale vise un deuxième niveau d’appel4. Les critères à satisfaire sont donc exigeants, et bien connus. Ainsi :

- l’appel ne peut porter que sur une question de droit « seulement »5;

- le juge saisi de la requête pour permission d’appeler exerce un rôle de filtrage, notamment afin de s’assurer que les moyens d’appel sont sérieux6; - le juge doit déterminer l’opportunité même de l’appel envisagé et la possibilité

qu’il permette, le cas échéant, une intervention utile de la Cour;7

3 Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, RLRQ, c. R-20, art. 119.1(2) et (4).

4 Ledoux c. Directrice des poursuites criminelles et pénales, 2018 QCCA 2179, paragr. 2 (Vauclair, j.

unique).

5 Art. 291 C.p.p. Cameron c. Stornaway (Municipalité de), 2102 QCCA 263, paragr. 10 (Bich, j.

unique); Tkacz c. R., 2010 QCCA 1931, paragr. 3 (Gagnon, j. unique).

6 Gariépy c. Autorité des marchés financiers, 2016 QCCA 839, paragr. 113; Desmarais c. Autorité des marchés financiers, 2017 QCCA 1174, paragr. 7 (Kasirer, j. unique).

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- la permission d’appeler n’est accordée qu’avec parcimonie8;

- étant donné ce qui précède, et même s’il soulève une question droit9, le requérant doit démontrer (i) qu’il a un intérêt suffisant10 pour faire décider la question soulevée, (ii) que cette question est sérieuse11 et (iii) qu’elle mérite l’attention de la Cour12, soit, notamment, parce que la réponse à la question concernée aurait un impact important sur l’administration de la justice13 ou que l’erreur de droit alléguée est évidente et cause une injustice14;

- même si le requérant soulève une question de droit, la permission d’appeler sera refusée si l’appel envisagé ne présente pas de chance raisonnable de succès15.

[7] Cela étant dit, les questions que les requérants soulèvent en l’espèce sont des questions de droit, soit l’interprétation de dispositions réglementaires et législatives et/ou le choix de la méthode d’interprétation de ces textes16.

[8] Néanmoins, ils n’ont pas relevé leur fardeau de démontrer qu’ils satisfont les autres critères applicables et que les questions qu’ils soulèvent méritent l’attention de la Cour. Avant de m’expliquer davantage, il importe d’abord de trancher une question prise sous réserve lors de l’audience.

[9] Les requérants ont en effet demandé la permission de déposer la déclaration solennelle du président d’une tierce entreprise active dans le domaine de la vente et de la location de « chariots élévateurs télescopiques ». Le déclarant y résume

7 Gariépy c. Autorité des marchés financiers, précité note 6, paragr. 113.

8 Laverdure c. Ville de Magog, 2018 QCCA 1867, paragr. 3 (Marcotte, j. unique); Morin c. R. 2009 QCCA 109, paragr. 4 (Chamberland, j. unique).

9 6669174 Canada inc. c. Municipalité de St-Apollinaire, 2020 QCCA 88, paragr. 9 (Lévesque, j.

unique)

10 Art. 291 C.p.p.

11 Gariépy c. Autorité des marchés financiers, précité note 6, paragr. 113.

12 Ibid; Laverdure c. Ville de Magog, précité note 8, paragr.3 (Marcotte j. unique); Cameron c.

Stornoway (Municipalité de), précité note 5, paragr. 10 (Bich, j. unique);

13 Ledoux c. Directrice des poursuites criminelles et pénales, précité note 8, paragr. 2 ( Vauclair, j.

unique); Desmarais c. Autorité des marchés financiers, précité note 10, paragr. 6 (Kasirer, j. unique), reprenant avec approbation Morin c. R., précité note 12, paragr. 5 (Chamberland, j. unique).

14 6669174 Canada inc. c. Municipalité de St-Apollinaire, précité note 9, paragr. 9 (Lévesque, j. unique);

Ste-Marie c. Autorité des marchés financiers, 2019 QCCA 1293, paragr. 4 (Vauclair, j. unique).

15 Gariépy c. Autorité des marchés financiers, précité note 6, paragr. 113; Desmarais c. Autorité des marchés financiers, précité note 6, paragr. 6 (Kasirer, j. unique); Ledoux c. Directrice des poursuites criminelles et pénales, précité note 4, paragr. 3 (Vauclair, j. unique);

16 Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, paragr. 33; Teal Ceader Products Ltd. c. Colombie-Britannique, 2017 C.C. 32, paragr. 50;

Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Ortslan, 2019 QCCA 1177, paragr. 42.

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essentiellement son opinion concernant l’impact de l’interprétation de ce qu’est une

« grue » ou le travail de « grutier » telle qu’adoptée par la Cour du Québec puis confirmée par la Cour supérieure en l’espèce, si elle devait être maintenue, sur l’efficacité du travail sur les chantiers de construction, ainsi que les coûts supplémentaires que l’ensemble de l’industrie devrait alors assumer.

[10] Les requérants soumettent que cette déclaration solennelle est admissible et pertinente pour leur permettre de relever leur fardeau de démontrer l’importance des questions qu’ils soulèvent pour l’administration de la justice en général. Cette déclaration serait ainsi de celles visées à l’article 46 du Règlement en matière pénale de la Cour.

[11] L’intimée s’est objectée, avec raison, au dépôt de cette déclaration solennelle.

[12] D’une part, cette déclaration d’un tiers au litige, ou le témoignage de son signataire, n’ont pas été administrés en première instance. D’autre part, permettre le dépôt d’une déclaration solennelle le jour même de l’audience portant sur la demande de permission d’appeler serait susceptible de créer un précédent que pourraient invoquer des plaideurs dans d’autres affaires et qui serait de nature à compliquer indûment ou à retarder l’étape de la demande de permission. Qu’on pense notamment à la demande de la partie adverse d’interroger le déclarant, ou encore de déposer elle- même une déclaration solennelle ou d’autres documents au contraire, jamais produits eux non plus en première instance.

[13] L’objection de l’intimée étant donc maintenue, voyons maintenant ce qu’il en est des critères proprement dits de la permission d’appeler et, plus particulièrement, du fait que, selon le soussigné, l’appel que les requérants demandent l’autorisation de former ne présente pas de chance raisonnable de succès et ne mérite pas l’attention de la Cour au sens donné à ce critère.

[14] Premièrement, l’interprétation que la juge de première instance a donnée au Règlement, plus particulièrement aux termes « grutiers » et « grue » tels qu’ils ressortent expressément ou peuvent être dégagés de son Annexe A, et qu’a confirmée la juge de la Cour supérieure, est la même que celle adoptée constamment depuis quelques années déjà par la Cour du Québec17 et qu’a confirmée la Cour supérieure18 dans d’autres affaires semblables.

17 Directrice des poursuites criminelles et pénales c. Ledoux, 2017 QCCQ 8494; Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Bisson, 2019 QCCQ 7082; Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Forget, 2020 QCCQ 256; l’analyse du juge de première instance dans le jugement ci- avant cité dans Directrice des poursuites criminelles et pénales c. Ledoux a aussi été suivie, avec les adaptations qui s’imposent dans Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Tremblay, 2019 QCCQ 4184, paragr. 23 et 24.

18 Ledoux c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2018 QCCS 4910.

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[15] Deuxièmement, et de façon davantage déterminante, dans l’une de ces affaires mon collègue le juge Vauclair a refusé la permission d’appeler aux requérants au motif que l’appel envisagé était voué à l’échec19. Bien qu’à titre de juge siégeant seul le jugement du juge Vauclair ne s’impose pas à moi comme revêtant l’autorité du stare decisis, les distinctions qu’y ont vues les requérants avec le contexte et leurs arguments dans la présente affaire ne m’ont pas convaincu de mettre de côté sa valeur persuasive importante.

[16] D’autant plus que l’argument des requérants que le juge Vauclair n’avait pas été informé de l’existence et de la teneur des normes ISO 10896-2 et 10896-4 sur lesquelles ils insistent en l’espèce n’a pas le caractère prépondérant qu’ils lui donnent.

L’exercice judiciaire d’interprétation législative ou réglementaire consiste en effet à déterminer l’intention du législateur ou de l’autorité règlementaire lors de l’adoption du texte en litige, et non à modifier ce dernier à l’aune de textes spécialisés parus ou entrés en vigueur depuis. C’est là une question politique et d’opportunité qui ne relève pas du pouvoir judiciaire.

[17] Troisièmement, l’avocat des requérants admet à l’audience qu’une intervention de la Cour sur les questions que ces derniers soulèvent pourrait ne pas en soi être utile.

D’un autre côté, j’ai compris de ses observations qu’un éventuel arrêt défavorable rendu par une formation de la Cour servirait de levier de discussions ou de négociations additionnel dans le cadre des démarches « intenses » de lobbying que l’industrie et les professionnels qu’elle a mandatés à cette fin ont déjà entamées auprès des autorités habilitées afin de tenter d’obtenir les modifications souhaitées aux textes législatifs ou règlementaire actuels. Cet usage des ressources judiciaires laisse perplexe. Comme l’écrivait le juge Lebel, alors de notre Cour, dans l’arrêt Costello c. Greiss20, quoique dans un autre contexte :

[3] (…), l'intérêt de la justice ne s'identifie pas seulement à celui d'une seule partie. Cette notion comprend également celui de l'adversaire, qui veut, comme ici, que son procès se termine un jour. Elle inclut également la conscience de l'intérêt général de la bonne administration et de l'utilisation rigoureuse et ordonnée du système judiciaire. Si celui-ci est souvent consacré au règlement de litiges particuliers, il demeure un service public. Comme tel, il n'appartient pas aux parties. Celles-ci ont l'obligation de l'utiliser rationnellement et efficacement.

[Je souligne]

[18] Il est évident que les requérants, et l’industrie dont ils font partie, sont insatisfaits du caractère infructueux des interventions entamées depuis quelques temps déjà auprès des autorités législatives, règlementaires ou administratives concernées afin d’obtenir des modifications aux textes qui sont au cœur du présent litige. Ils le sont

19 Ledoux c. Directrice des poursuites criminelles et pénales, précité note 4.

20 Costello c. Greiss, 1994 CanLII 5301 (QC CA).

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aussi manifestement de l’interprétation constante que les tribunaux judiciaires donnent depuis quelques années aux notions actuelles de « grutier » et de « grue » aux fins de l’application du Règlement et de la Loi, tels qu’ils se lisent actuellement. Néanmoins, je suis d’avis que le remède aux maux dont ils se plaignent en l’espèce paraît se trouver actuellement ailleurs que devant les tribunaux. L’examen de la Gazette Officielle permet de constater que depuis l’entrée en vigueur des dispositions pertinentes du Règlement et de son annexe A, plusieurs modifications leur ont été apportées, souvent au moyen de décrets, notamment afin d’ajouter ou d’apporter des modifications aux caractéristiques ou habilitations de différents corps de métier dans l’industrie de la construction.

[19] Il appartient en effet aux pouvoirs législatif et exécutif de juger de l’opportunité d’apporter les changements requis aux textes d’intérêt public dont ils sont les auteurs lorsqu’il leur apparaît que l’évolution, notamment technologique, dans le domaine d’activités réglementé concerné le commande, ou que la justesse des interventions de nature socio-économiques effectuées auprès d’eux en ce sens le justifie, et non au pouvoir judiciaire de modifier ces mêmes textes.

[20] Le rôle des juges est en effet d’appliquer ou d’interpréter la loi ou les règlements d’ordre public, mais certainement pas de les changer dans le sens voulu par le justiciable.

[21] L’espoir des requérants de convaincre une formation de la Cour du contraire, si la permission leur en est donnée, ne présente de chance raisonnable de succès.

POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :

[22] REJETTE la requête pour permission d’appeler modifiée des requérants;

[23] AVEC les frais de justice.

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

Me Marc-Antoine Rock Pour les requérants

Me Laura-Élisabeth Trempe

Directeur des poursuites criminelles et pénales Pour l’intimée

Date d’audience : 15 juin 2020

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