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7 mai-1994 113e année -N° 5716

Bureau de dépôt : Mons X Hebdomadaire, sauf juillet/août

des ribunaux

Editeurs : Maison LARCIER, s.a., rue des Minimes, 39 - 1000" BRUXELLES

Edmond Picard (1881-1899) - Léon Hennebicq (1900-1940) - Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dai (1966-1981)

LES DROITS DE LA PERSONNALITE AU REGARD DE LA MEDECINE

ET DE LA BIOLOGIE CONTEMPORAINES

(*)

« Tous les Etats doivent prendre des mesures efficaces, y compris des mesures législatives, afin d'empêcher et d'interdire que les réalisations de la science et de la technique soient utilisées au détriment des droits et libertés fondamentales de l'homme ainsi que de la dignité de la personne humaine ».

Déclaration des Nations Unies 3384 XXX du 10 novembre 1975.

« Contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, ce n'est pas à partir de la biologie qu'on peut se former une certaine idée de l'homme, c'est; au contraire, à partir d'une certaine idée de l'homme qu'on peut utiliser la biologie au service de celui-ci ».

« Les affrontements entre découvreurs et so- ciété ne datent pas d'hier. Christophe Colomb découvre l'Amérique et il est mis aux fers.

Galilée change l'image du monde et il est con- damné à l'emprisonnement. Lavoisier, pionnier de la chimie moderne, n'en est pas moins déca- pité. La société s'est toujours méfiée des sa- vants, qui troublent le confort des traditions anciennes. Trois siècles· avant Jésus-Christ, en Chine, le célèbre recueil taoïste Tchouang Tseu proclamait déjà : "C'est l'amour de la science qui a répandu le désordre dans le monde". Or, rien n'approchait, dans ces temps anciens, la violence novatrice des découvertes du

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siè- cle et les secousses qu'elles peuvent imprimer à nos mœurs et à notre destin. C'est que la science, désormais, donne à l'homme des pou- voirs inouïs »,Ainsi s'exprimait Jean Hambur- ger, sous la Coupole de l'Institut de France le 14 mai 1990 devant le Premier ministre, à l'oc- casion de la cérémonie de réception de trente- cinq éminents savants étrangers élus membres associés de l'Académie des sciences (1 ).

Ne nous y trompons pas.Une s'agit point ici; et tel n'était d'ailleurs pas le propos de J. Ham- burger, de faire le procès de la médecine et de la biologie contemporaines, mais plutôt de perce- voir les nouveaux enjeux que ces disciplines véhiculent aujourd'hui pour l'homm~, membre

(*) Cette réflexion a fait l'objet d'un rapport pré- senté au colloque international del' AUPELF-UREF, à Port-Louis, en septembre 1993, consacré à« L'ef- fectivité des droits fondamentaux dans les pays de la Communauté francophone».

(1) J. Hamburger, « Le grand défi », Bio-éthique, vol. 1, n° 1, nov.-déc. 1990, p. 22. ·

F. Gros, F. Jacob, P. Royer, Sciences de la vie et Société, La documentation française, 1979, p. 288.

de la communauté humaine, mais aussi entité singulière.

Cette double qualité de l'homme, précisément, se voit accentuée par l'essor de la biomédecine dans le sens d'une indissociabilité : « s'il n'y a de droits de l'homme, dans les sociétés mo- dernes, qu'en raison du fait que ce concept a fini par recueillir un con~ensus social, national, international et même universel, suffisant » (2), l'on peut aujourd'hui se demander si cer- tains de cés droits, et singulièrement les droits de la personnalité, ne sont pas fragilisés par l'utilisation de la connaissance et des tech- niques biomédicales à des fins d'intérêt collec- tif. Ce sera le premier axe de notre réflexion (B).

Mais l'intégration de la biomédecine dans notre vie quotidienne a aussi pour effet, en sens in- verse, d'exacerber sans doute le plus média- tique de nos biens de la personnalité - le droit à la vie privée - au point d'y subordonner les autres et même de revendiquer, sur son fonde- ment, la_ création de nouveaux droits ou à tout le moins de nouvelles libertés. Tel sera le second axe de notre rapport (C).

Ce cheminement dans les méandres de la bio- médecine et des droits de l'homme commande avant tout une mise au point quant à ce que recouvrent les droits dits de la personnalité. Ce sera l'objet d'une introduction (A).

(2) V0 « Personne », Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, sous la direction de A.J. Arnaud, L.G.D.J., -Paris, Story-Scientia, Bruxelles, 1988, p. 293.

18 1 ISSN 0021~8mC:I

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au regard de la médecine et de la biologie contemporaines,

~ ....,,-··~-

par Ch. Hennau-Hublet . . . 369 1 Faillite dédarée d'office - Opposition -

Appel - Incompétence des·juges d'appel (Cass., 1re ch., 25 juin 1993, note) ... 376 1 Procédure civile - Appel - Requête - Griefs

- Conclusions - Tardiveté - Divorce par consentement mutuel - Pension alimentaire - Convention modificative sous seing privé -Antérieur~ à la transcription du divorce (Bruxelles, 9e ch., 26 novembre 1993) 377 1 Faillite d'office - Opposition - Annulation

du jugement déclaratif de faillite - Appel - Saisine

(Mons, 1re ch., 16 novembre 1993, -avis de Chr. Storck et observations de A. Dal) 378 1 Convention· d'arbitrage - Contestation -

Constitution du tribunal arbitral - Incompétence du juge des référés

(Civ. Bruxelles, réf., 24 décembre 1993) 382 1 Assistance judiciaire - Action en divorce -

Demande reconventionnelle - Assistance . judiciaire sollicitée en cours d'instance

(Civ. Mons, 1re ch., 16 septembre 1993) 383

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DES DROITS DE LA l!ElfSONNALITE

Le concept et la classification des droits de la personnalité ne font guère l'unanimité. La ter- minologie utilisée pour les désigner est r~véla­

trice de ce malaise - droits de la personnalité, droit général de la personnalité, biens de la personnalité - de même que la nature juri- dique et les qualités qu'on leur prête - droits subjectifs, libertés, intérêts personnels, droits absolus ou relatifs, droits patrimoniaux ou extra-patrimoniaux, concept de droit civil ou de droit public, ... (3).

Sans nous immiscer dans ces controverses ni dans les particularités de certains ordres juri- diques internes, nous relèverons néanmoins deux phénomènes.

Le premier se réfère à la description des droits de la personnalité qui emprunte tantôt à la forme énumérative - le corps, la santé, l'inté- grité physique et la vie, mais aussi l'honneur, la liberté d'aller et venir, la sphère privée, le se- cret, l'image, ... - tantôt à la forme globali- sante - le droit général de la personnalité - c'est-à-dire la totalité des attributs propres au sujet.

Le second phénomène rénvoie à une tendance, localisée dans l'espace, à ériger en liberté cons- titutionnelle ce qui relève de la personnalité, avec un risque d'hypertrophie de ce qui est appelé par exemple, en droit allemand, le droit au libre épanouissement de la personnalité ( « das Recht auf die freie Entfaltung seiner Personlichkeit ») et, en droit américain, lé droit à l'autodétermination (« the right of pri- vacy » ), alors que dans l'esprit des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, postérieurs à la seconde guerre mondiale, la conception de l'ho.Q::J.me qui s'y exprime n'est plus celle de l'individu replié sur lui-même, mais celle de la personne responsable et soli- daire.

La référence à ces deux phénomènes conforte l'idée que le concept de droits de la personna- lité n'est en tout cas pas une notion à contenu figé, immuable dans l'espace et dans le temps, se coulant aisément dans le moule d'une défini- tion juridique. Multisémantiques au contraire, les droits de la personnalité couvrent, dès leur __

origine, les biens fondamentaux que sont la vie, l'intégrité physique et la dignité humaines, noyau dur des droits de l'homme, mais aussi des biens relevant davantage de l'intimité de la personne comme l'image, le secret, les rela- tions familiales, l'lionneur ( 4), tous attributs (3) Voy., sur ces nuances, les très belles études res- pectivement de X. Dijon, Le sujet de droit en son corps. Une mise à l'épreuve du droit subjectif, Bruxelles, Larder, 1982, et de F. Rigaux, La protec- tion de la vie privée et des autres biens de la person- nalité, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J., 1990, spécialement la troisième partie, pp. 607 et s.

(4) Tous biens généralement regroupés sous une même disposition par les instruments internatio- naux : «Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa. vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation », article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948). Voy. aussi l'article 6

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des ·:tcribunaux

personnels que l'homme peut opposer à l'Etat ainsi qu'aux particuliers. Aujourd'hui, les droits de la personnalité tendent à se métamor- phoser, au point de couvrir tout ce qui parti- cipe à la liberté individuelle, laquelle, selon l'expression de M.-Th. Meulders-Klein, n'est à son tour que le moyen d'assurer l'épanouisse- ment personnel de chacun, franchissant ainsi d'un jet le chemin qui sépare le « droit d'être laissé seul » au droit à« l'autodétermination » (droit-liberté), pour parvenir à « l'épanouisse-:- ment personnel », c'est-à-dire au bonheur (droit de créance). Et l'auteur de conclure à un véritable « saut qualitatif essentiel » (5) opéré par le concept du droit à la vie privée véhiculant l'idée de libre choix, saut qualitatif qui, très souvent, et bien plus aujourd'hui qu'hier, met à mal d'autres biens de la personnalité ou d'au- tres droits fondamentaux dans le chef du sujet lui-même ou de tiers.

Dans un tel contexte, peut-on encore considérer que tous les attributs de la personnalité ont la même valeur et la même nature juridique ? Si l'inviolabilité du corps et de la dignité humaine s'impose au respect de tous et, en ce sens, constituerait un véritable droit de la personna- lité (6), le droit à la vie privée libellé à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans son acception extrême de droit au libre choix pour ce qui touche à nQtre inti- mité, ou le droit au libre épanouissement de la personnalité énoncé par l'article 2 de la Loi fondamentale allemande ne représentent-ils pas plutôt un bien de la personnalité désignant par là, moins un droit fondamental postulant un régime de protection, qu'une liberté dont l'exercice ·est appelé, par essence, -à être con- tenu, tempéré par l'intérêt général ou par l'exercice d'autres libertés ou d'autres

droits (7) ? ·

Ce polymorphisme des droits ou des biens de la personnalité, gage de la vitalité de la personne dans la communauté humaine, devrait logique- ment renforcer la protection de l'homme face à l'Etat et ce d'autant plus que leur intégration dans la sphère des droits de l'homme ou des droits constitutionnellement protégés les fait bénéficier tantôt d'un contrôle juridictionnel de la conformité au droit conventionnel des lois et actes administratifs, tantôt, dans certains ordres juridiques, d'un contrôle juridictionnel de la conformité des lois aux règles constitution- nelles (8).

·de la Convention européenne des droits de l'homme (1950) et l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966).

(5) M.-Th. Meulders-Klein, «Vie privée, vie fami- liale et droits de l'homme », Revue intèrnationale de droit comparé, 4, 1992, p. 771.

(6) La doctrine contemporaine incline même à sortir la vie biologique et l'intégrité physique de la catégo- rie des droits de la persorinalité, pour limiter ceux-ci aux éléments « spirituels », affectifs, créateurs ou moraux, de la personnalité dont le caractère non patrimonial est du reste beaucoup plus controversé (F. Rigaux, op. cit., n° 652).

(7) J. Rivera, Les libertés publiques, t. 1, Les droits

de l'homme, P.U.F., 1987, pp. 30-37et172-180. Sur l'ambiguïté des concepts de« droit »,«-droit subjec- tif », « liberté » auxquels il est fait référence pour définir les droits de la personnalité, voy. X. Dijon, op. cit., spéc. pp. 108 et s. et 686 et s.

(8) Voy. les Actes de la journée d'études du 20 jan- vier 1994, organisée par la Conférence du Jeune

La réalité est pourtant tout autre. Même dans les pays étrangers à toute idéologie marxiste ou totalitaire exaltant la classe sociale, la Nation - ou l'Etat, l'intérêt collectif menace quotidien- nement les droits les plus fondamentaux de l'homme.« Les progrès spectaculaires réalisés en science fondamentale, les applications thé- rapeutiques qu'ils ont permises, ainsi que leur exploitation et leur amplification par les avan- cées technologiques n'y sont pas étrangers, quand on sait, par ailleurs, que cette triple in:..

fluence bénéficie en outre de cette incompara- ble élévation constituée pat l'informatique et la progressive invasion d'une médecine davan- tage hospitalisée et socialisée » (9). C'est de ce difficile équilibre entre intérêt individuel et in- térêt collectif qu'il sera maintenant question, avant d'aborder cette autre source conflictuelle où s'opposent entre eux droits ou biens de la personnalité, sous la pression de ce qui pourrait être l'expression d'un individualisme égoïste et libertaire.

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ET DES BIENS,

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DES DROITS

PERSONNALITE

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Unique dans sa dignité d'homme, la personne n'en est pas moins solidaire de la communauté qui, de plus en plus, trouve dans le développe- ment et l'affinement des connaissances biomé- dicales le moyen de réaliser des objectifs so- ciaux ou collectifs, fût-ce au péril des droits et libertés individuelles. Au nom de la solidarité sociale, du progrès des connaissances, de la santé publique, de la sécurité publique, de la

·manifestation de la vérité judiciaire, mais aussi pour des raisons économiques ou fiscales, l'homme se voit « dépossédé », « mis à nu »,

« chosifié », « étiqueté », « encodé »,quand il n'est pas « violenté », avec la complicité, très rarement mal intentionnée, mais souvent peu réfléchie des professionnels de la ·santé (10).

Quelques illustrations suffiront à concrétiser colllll).ent le droit difficilement conquis du res- pect de la personne peut être mis à l'épreuve.

barreau de Bruxelles, sur « La mise en œuvre interne de la Convention européenne des droits de l'homme » et le rapport de synthèse présenté par J.

Velu, éd. du Jeune barreau de Bruxelles, 1994.

(9) E. Boné, « Droits humains et bioéthique », Les hommes et leurs droits, publication du Groupe Jac- ques Leclercq, Louvain-la-Neuve, Ciaco, 1988. Voy.

la très belle étude de S. Regourd, « Les droits de l'homme devant les manipulations de la vie et de la mort », Revue de droit public et de sciences poli- tiques, 1981, pp. 403-469. Dans le cadre des « Mil- lennium Conferences 1993 »,La Fondation roi Bau- douin vient de publier un dossier sur le thème Quelles limites pour la m'édecine ? Réflexions bioé- thiques, avec la collaboration du Centrum voor bio- medische ethiek en recht de la K.U.L. et du Centre de recherches interdisciplinaires en bioéthique de l'U.L.B.

(10) Remarquons que c'est aussi au nom de la seule

« préservation du bien commun de la société » que peut se trouver justifié pour d'aucuns, qui ne peuvent être soupçonnés de légèreté, un acte aussi grave que la peine de mort (voy., par ex., la formulation dange- reuse, à notre avis, du nouveau « catéchisme de l'Eglise catholique », § 2266).

(3)

a. Le droit à ·l'intégrité physique S'il est un droit de la personnalité qui revêt incontestablement le caractère d'un bien extra- patrimonial (11), .c'est bien celui de l'inviola- bilité du corps humain : il existe en effet entre l'homme et son corps un ordre public dont il ne peut disposer (12), en sorte que le consente- ment du sujet est à lui seul insuffisant pour rendre licites les actes accomplis par un tiers.

Puisque la médecine précisément ne peut se concevoir sans une activité invasive sur le corps d'autrui, elle voit logiquement sa légiti- mité subordonnée, non seulement à l'obtention du consentement libre et éclairé du malade, mais encore au respect d'autres balises dont une des plus rapidement libellée fut la poursuite d'un objectif curatif au profit du patient (13).

Très vite cependant, cette indication thérapeu- tique s'est érodée, s'ouvrant à la prévention (vaccination), à la modification des fonctions organiques (pilule contraceptive), mais aussi à une motivation exclusivement scientifique.

En témoigne l'expérimentation sur l'homme de nouveaux médicaments, indispensable au pro- grès des connaissances et moyens thérapeu- tiques et dont le modèle inclut une phase I (14) à partir de sujets non bénéficiaires, appelés cou- ramment «volontaires », la considération de l'être comme objet d'une science devenant ainsi, selon l'expression un peu incisive de G.

Mémeteau (15), le passage obligé du bonheur de tous. L'absence de bénéfice thérapeutique sera toutefois compensée par une prise de ris- que qui doit s'avérer minimale et par une infor- mation pertinente du sujet qui garantit juste- ment son adhésion libre et avertie (16).

Mais que devient cet acte de disposition volon- taire et libéral de soi au profit des autres, quand l'expérimentation non thérapeutique s'effectue sur des personnes en état de dépendance vis- à-vis du médecin expérimentateur (personnel paramédical, conjoint, étudiant, malade hospi- talisé) ou encore sur des personnes faisant l' ob-

(11) Supra, note 6.

(12) X. Dijon, Le sujet de droit en son corps. Une mise à l'épreuve du droit subjectif, Bruxèlles, Lar- cier, 1982, pp. 344 et s.

(13) C. Hennau-Hublet, L'activité médicale et le droit pénal, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J., 1987, pp. 27 et S.

(14) Pour une brève description des étapes de créa- tion d'un nouveau médicament et des méthodes d'es:..

sai appliquées, voy. Licéité .en droit positif et réfé- rences légales aux valeurs, Bruxelles, Bruylant, 1982, pp. 315 et s., renvoyant à l'ouvrage de J.-M.

Rouzioux, Les essais de nouveaux médicaments chez l'homme, Paris, Masson, 1978.

(15) G. Mémeteau, «De quelques droits sur l'homme : commentaire de la loi du 20. décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales », R.D.S., 1990, chron., 168.

(16) Décla!ations de 1' Association médicale mon- diale d'Helsinki (1964), de Tokyo (1975), de Venise (1983); Commission des Communautés euro- péennes, « Good Clinical for Trials on Medicinal Products in the European Community », Pharmaco- logy and Toxicology, 1990, pp. 67, 361-372. Voy.

aussi l'article 7 du Pacte des Nations Unies sur les droits civils et politiques (1966) et le principe 3 de la Recommandation R (90) 3 du Comité de.s ministres . du Conseil de l'Europe adoptée le 6 février 1990 sur la recherche médicale sur l'être vivant.

jet d'une mesure privative de liberté (17), voire sur des incapables, comme les mineurs d'âge ou les malades mentaux ? Pour ces deux der- niers, l'idée d'une solidarité du groupe justifie souvent leur utilisation (même catégorie mé- dico-sociale : mêmes caractéristiques d'âge, de maladie ou de handicap) (18), solidarité ·qui prend le pas sur les mécanismes de protection du corps humain.

Ce même argument de la solidarité sociale sera le fer de lance également des législations orga- nisant le prélèvement post mortem de tissus ou d'organes selon un système de prélèvement de droit fondé sur le « consentement présumé » du donneur (19), solution qui seule, a-t-on pré- tendu, pouvait répondre aux besoins de la_ tech- nique de pointe que constitue la chirurgie de transplantation. Dans nos pays européens, les mentàlités n'étaient pas prêtes pour un tel mo- dèle et les médecins, suivis parfois par les auto- rités publiques, ont opéré une courbe rentrante, réintroduisant ta possibilité effective d'une op- position des proches du défunt, chaque fois que la volonté de celui-ci serait incertaine (20).

Remarquons que les autorités politiques, dans les deux domaines d'activités précités,-se sont toujours prononcées en faveur de la gratuité de l'acte du « sujet volontaire » ou du « don- neur», d'aucuns entendant ainsi, mais au prix d'une confusion juridique évidente, sauver le caractère hors commerce du corps humain en le mettant à l'abri de toute transaction pécu- niaire (21).

Si nos démocraties tiennent à nous préserver des dangers du mercantilisme, le même souci existe-t-il à l'égard des populations des. pays en voie développement ? Notre collègue indien, le docteur Kaushik rappelait, il y a quelques mois, lors d'une réunion intitulée « Bioéthique et Cultures »,l'abus dont étaient victimes les plus démunis, n'hésitant pas à qualifier d'opérations de racket les démarches entreprises par les employés des services de santé, parfois à la demande de tiers, pour disposer de candi- dats aux prélèvements et aux expérimenta-

(17) Voy. les expériences relatées par J. Thuillier, La médecine et la mort, Paris, Calmann-Levy, 1979, pp. 180 et S.

(18) J.-L. Baudouin,« L'expérimentation sur les hu- mains : un conflit de valeurs », Licéité en droit posi- tif et références légales aux valeurs, Bruxelles, Bruy- lant, 1982, 207; C. Chabert-Peltat, «La recherche biomédicale et la protection des personnes », Gaz.

Pol., 1er févr. 1992, doctr., 22.

(19) La plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe ont opté pour ce système, se conformant à l'article 10 de la Résolution (78) 29 du Conseil de l'Europe sur l'harmonisation des législations rela- tives aux prélèvements, greffes et transplantations de substances d'origine humaine.

(20) Voy., par ex., en Belgique, la loi du 13juin1986 sur les prélèvements et les greffes d'organes, un arrêté royal d'exécution du 30 octobre 1986 organi- sant même la procédure d'expression à la fois du refus et de l'acceptation du don post mortem (C.

Henn,au-Hublet, « Le droit pénal belge et les tech- niques biomédicales modernes », Revue internatio- nale de droit pénal, 1988, 3e et 4e trimestres, pp. 701 et s.).

(21) Voy. l'intervention de Mme le secrétaire d'Etat Dorlhac, au Sénat, J.O. Déb. Sénat, 13 oct. 1988, p. 537 reproduite par G. Mémeteau, op. cit., p. 168.

tions (22). Les faits de vente de sang, d'or- ganes, voire d'enfants se transformant en

« pièces détachées » au profit de pays riches sont régulièrement dénoncés (23) et méritent que notre perception de l'inviolabilité de la personne et de son intégrité ne s'arrête pas à nos frontières.

b. Le droit à la dignité humaine Le respect de la dignité inhérente à la personne est à la base de tous les instruments intematio~

naux relatifs aux droits de l'homme dont le préambule, souvent, rappelle qu'il est le prin- cipe fondateur de tous les autres droits (24) ..

Certains ordres juridiques internes s'y réfèrent explicitement. Ainsi l'Allemagne qui, dans la première disposition de sa Loi fondamentale, affirme que « la dignité de tout être humain est intangible » (25).

Le respect absolu de la dignité humaine s'est vu confirmé par des dispositions interdisant incon- ditionnellement, selon la technique du droit in- dérogeable, les peines et traitements inhumains ou dégradants, au même titre que la torture (26). Que penser dès lors de la pratique des stérilisations à des fins eugéniques (la préven- tion de la multiplication des inaptes), écono- miques (le contrôle de la démographie), ou pour des raisons de sécurité publique (la neutra- lisation des déliµquants sexuels) ? Du recours à des narco-analyses sur le justiciable ou de la

participation à la torture sur des prisonniers ou 1 9 9 4 détenus, à des fins de preuve ? Il y a six ans, - Inge Kemp, médecin danois s'occupant de la

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réadaptation sociale de prisonniers politiques torturés nous confiait : « la participation du

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médecin attaché aux camps de détention, aux séapces de torture, même si c'est pour limiter ou faire cesser une séance de torture, constitue pour la majorité des victimes, en plus de la déchéance, la fin de tout espoir. La seule per- sonne en qui elles pouvaient avoir encore con- fiance cesse en effet d'exister » (27). Quid

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(22) Communication au· colloque « Bioéthique et Cultures », organisé par J' Association internationale Droit, éthique et science, Budapest, déc. 1992.

(23) Voyez le numéro du 18 mars 1993 du Monde médical hebdo.

(24) Voy. la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), le Pacte international relatif aux droits . économiques, sociaux et culturels (1966), le Pacte international relatif aux droits civils et poli- tiques (1966), la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981).

(25). Artide 1er, alinéa 1er, de la loi fondamentale de 1949, D'aucuns y voient l'énonciation d'un jugement de valeur objectif, plutôt que l'attribution d'un droit subjectif (F. Rigaux, op. cit., p. 639). Comp. l'article 23 nouveau de la Constitution belge.

(26) Articles 3 et 15 (2) de la Convention européenne des droits de l'homme (1950); articles 7 et 4 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et poli- tiques (1966); articles 5 (2) et 27 (2) de la Conven- tion américaine relative aux droits de l'homme (1969); article 2 (2) de la Convention contre la tor- ture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984).

(27) La participation des médecins à toute forme de torture est expressément interdite, même pour des raisons d'ordre public, par des déclarations ou instru- ments internationaux. Voy., par ex., la Résolution 37/194 de l'Assemblée générale des Na.tions Unies du 18 décembre 1982 adoptant un projet de Code

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aussi du risque de manipulation de la personna- lité par des traitements chimiques ou chirurgi- caux ? Les neurosciences nous apportent l'es- poir de « réparer » _notre cerveau malade ou simplement vieillissant, mais à quel prix ? La neurochirurgie s'oriente aujourd'hui vers les greffes de tissus cérébraux prélevés soit sur les glandes surrénales des candidats à la greffe (patients atteints de la maladie de Parkinson, de la maladie d' Alzheimer, de la chorée de Hun- tington, ... ),soit sur le cerveau d'embryons hu- mains issus d'interruptions de grossesse. Ce n'est là qu'une voie d'utilisation des embryons.

L'exploitation de l'embryon humain ou encore du fœtus humain à des fins médicales a été facilitée par deux phénomènes : d'une part, la généralisation des lois légalisant l'ayortement et, d'autre part, l'essor de la fécondation in vitro. A partir de ce que d'aucuns appellent, dans le premier cas, le « produit de l'avorte- ment » et, dans le second cas, au mieux le

« préembryon » en attente in vitro, se sont dé- veloppés des programmes de recherches très diversifiés : étude de la tératogenèse, de la sur- vie fœtale, perfectionnement. des méthodes de

· cryopréservation de l'embryon, diagnostic et prévention des anomalies génétiques, . . . et, comme il fut dit, prélèv~ment de cellules à des fins thérapeutiques pour des tiers (28). Toutes ces recherches ne sont pas à rejeter, certaines mêmes dans d'autres contextes tendant à profi- ter directement à l'embryon qui en fait l'objet (corrections in utero de malformations du fœtus ). Mais il faut être réaliste, la vie humaine commençante tend à l' « objectalisation » : elle cesse d'être le support du Moi, pour devenir un moyen au service des autres et de la connais- sance (29). Ceci est d'autant plus facile que les instruments juridiques nationaux ou conven- tionnels qui proclament le droit à la vie, comme il sera dit plus loin, ne précisent pas le

d'éthique médicale applicable au rôle du personnel de la santé dans la pi:otection des individus _contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu- mains ou dégradants et la Déclaration adoptée par la vingt-neuvième assemblée médicale mondiale, à To- kyo, en octobre 1975 (textes publiés par M. Torelli, Le- médecin et les droits de l'homme, Berger-La- vrault, 1983, pp. 427 et s.). Voy. aussi la chronique d'E. Janssens, « Les droits de l'homme et l'art de guérir » publiée dans la Revue de droit pénal et de criminologie, 1981, pp. 431 et s., et 1982, pp. 293 et s., à la suite de deux sessions d'étude et de formation organisées par le Centre international de recherches et d'études sociologiques, pénales et pénitentiaires de Messine en 1980 et 1981.

(28) De l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, voy. la Recommandation 1046 (1986) rela- tive à l'utilisation d~embryons et fœtus humains à des fins diagnostiques, thérapeutiques, scientifiques, in- dustrielles et commerciales, ainsi que la Recomman- dation 1100 (1989) sur l'utilisation des embryons et fœtus humains dans la recherche scientifique. Pour un état de la question, Bioéthique dans les années '90, ouvrage collectif, Gand, Oméga, 1987, pp. 187 et S.

(29) B.. Boné, « Les greffes intracérébrales de tissu fœtal. Une nouvelle aporie éthique »,Revue théolo- gique de Louvain, 21, 1990, p. 328 : « On a mis le doigt dans un engrenage; on risque de céder à la logique de l'objectalisation du fœtus : d'.aucuns ne protestent-ils pas déjà contre le gâchis de tissus fèetaux "mis à la poubelle". Au point d'éveiller la préoccupation de l' Association médicale mon- diale ».

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moment où commence ce droit. Il y a peu, invité à donner son avis à propos des prélève- ments opérés sur des fœtus, le professeur L. Schwartzenberg, qui dénonçait les trafics d'organes, répondit en ces termes : « ... les fœtus ont une qualité biologique particulière : leurs tissus sont bien tolérés par les enfants auxquels on peut les greffer. Si une femme doit avorter, je ne vois pas pourquoi le produit de cet avortement ne pourrait servir à sauver un autre enfant( ... ). Si vous utilisez les tissus d'un fœtus pour sauver un autre enfant, votre démarche est scientifique et elle est moralement éthique( ... ).

Il y a une jonction totale, à notre époque, entre la démarche réellement scientifique et la dé- marche morale ou éthique » (30).

Peut-on être aussi catégorique et confiant ? Nous n'oserions l'être quand on sait que tout ce qui est techniquement possible se fera, quand on sait aussi que l'homme, pour justifier une activité qu'il tient pour légitime, n'est pas à l'abri d'une survalorisation ou au contraire d'une dévalorisation, souvent inconsciente, d'un des enjeux (31). Deux affaires judiciaires l'illustreront. La première aboutit à la condam- _ nation de médecins ayant réalisé des biopsies cérébrales sur des personnes âgées, pension- naires d'un home et n'ayant plus aucune fa- mille : pratiquées à l'insu du patient, elles ne présentaient aucune utilité diagnostique ou thé- rapeutique pour les intéressés, mais se justi- fiaient dans l'esprit des praticiens, par leur inté- rêt scientifique (32); La seconde fut l'occasion d'apprendre avec stupeur qu'un médecin, dési- reux de faire· toute la lumière sur la cause du décès d'une patiente en cours d'intervention chirurgicale, s'adonna à une sorte de reconsti- tution des faits à partir d'un jeune homme de 24 ans, en état de coma dépassé (33).

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causes les plus justes ont leur potentiel de dérives. Nul ne contestera le projet (idéaliste) d'une société où la maladie, l'infirmité auraient cessé de faire des victimes innocentes. La pro- gression fulgurante des connaissances en géné- tique humaine rend ce souhait moins illusoire, puisque non seulement la thérapie génétique somatique ouvre de nouveaux espoirs, mais par ailleurs le dépistage des maladies génétiques favorise une médecine prédictive : désormais, nous sommes appelés à gérer de .manière res- ponsable notre propre capital, à choisir le mi- lieu de vie et de travail compatibles avec nos prédispositions héréditaires, à éviter les situa- tions propres à déclencher cette maladie spéci- fique. Tous ces bienfaits espérés ne peuvent

(30) L. Schwartzenberg, Le monde médical- hebdo, 18 mars 1993, p. 17.

(31) Cette problématique fut au cœur des xes jour- nées d'études juridiques Jean Dabin de 1980 consa- crées au règlement des conflits de valeurs : voy.

Licéité et référence légale aux valeurs. Contribution à l'étude du règlement juridique des conflits de va- leurs en droit pénal, public et international, Avant- propos de J. Verhaegen, Bruxelles, Bruylant, 1982.

Voy. aussi, J.-P. Leyens, Sommes-nous tous des psy- chologues ? Bruxelles, Mardaga, 1983.

(32) Corr. Charleroi, 29 mars 1983, Revue régionale de droit, 1983, 248 et Mons, 7 déc. 1983, Revue de droit pénal et de criminologie, 1985, 476, com- mentés dans notre ouvrage, L'activité médicale et le droit pénal, précité, pp. 47 et s.

(33) Aff. Milhaud (Poitiers, févr. 1988) rappelée par J. Borricand, dans une étude publiée dans le Recueil Dalloz Sirey de 1989, chron., 174.

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nous faire méconnaître les retombées négatives de ce projet ambitieux qui se pare aujourd'hui d'un nom prestigieux, HUGO (Human Ge- nome Organisation), et qui entend réaliser la cartographie de séquençage du génome hu- · main. Sans même agiter le spectre des« mani- pulations génétiques » lié à la thérapie germi- nale cette fois et qui a incité l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à recom- mander, dès 1982, aux ministres des XXI, à l'époque, d'inclure dans la Convention euro- péenne un nouveau droit : celui pour tout homme à avoir un patrimoine génétique n'ayant su12i aucune mutation (34), l'on peut dès à présent se demander si l'utilisation des connaissances de la génétique humaine en santé publique ne met pas à mal l'homme, dans sa dignité d'être singulier.

L'institutionnalisation des examens prénup- tiaux, l'instauration de dépistages génétiques anténatals systématiques et obligatoires, le dia- gnostic anténatal ou préimplantatoire en cas de fécondation in vitro sont autant de pas vers une société « aseptisée » qui, pour des raisons de confort mais aussi de coût économique (35), ne souffrira plus la maladie, l'imperfection là où elles étaient prévisibles et évitables (36). Ecou- tons C. Laberge : « La qualification scienti- fique de l'information génétique devra finale-' ment servir à des fins de prévention des maladies génétiques qui deviennent de plus en plus la cause majeure de morbidité dans les sociétés privilégiées d'un haut niveau de vie.

Par quels mécanismes cette prévention sera- t-elle instaurée et réglementée ? Il est encore trop tôt pour les définir, mais ils devront ren- contrer et résoudre le dilemme des droits indi- viduels et des devoirs civiques, respectant la dignité de la personne et les libertés qui en résultent, tout en exigeant une expression de la mutualité sociétale dans les structures d'utilisa- tion de l'information génétique en santé pu- blique » (37). Pourvu que cette solidarité de-

(34) Recommandation 934 (1982) relative à l'ingé- nierie génétique. Voy. cependant la Déclaration de Madrid (1987) de l' Association médicale mondiale sur l'orientation génétique et les manipulations géné- tiques, dont l'article 6 laisse entendre que la thérapie génétique germinale n'est pas interdite. Voy. aussi le discours scientifique nuancé prononcé par le profes- seur suisse W. Arber, prix nobel de médecine, au premier Symposium du Conseil de l'Europe sur la bioéthique, Strasbourg, 5-7 déc. 1990, Actes, pp. 95 à 103.

(35) En 1970, le généticien B. Glass, alors président de l'influente American Association for the Advan- cement of Sciences déclarait : «A l'avenir, aucun couple n'aura le droit d'infliger à la Société la charge d'un enfant inalformé ou intellectuellement inapte » (C. Byk, op. cit., p. 39).

(36) Recommandation (90) 13 du Comité des minis- tres du Conseil de l'Europe aux Etats membres sur le dépistage anténatal, le diagnostic génétique anténatal et le conseil génétîque y relatif, adoptée le 21 juin 1990. S. Oschinsky, «Les travaux du Conseil de l'Europe dans le domaine de la médecine et de la biologie », J.T., 1992, pp. 92 et s. Voy. aussi les travaux du deuxième Symposium du Conseil de l'Europe sur la bioéthique, Strasbourg, 30 nov.- 2 déc. 1993, consacrés à l' « Ethique et la génétique humaine».

(37) C. Laberge, « L'information génétique : aspects scientifiques et médicaux », La génétique humaine : de l'information à l'informatisation, Montréal, Thémis, Paris, Litec, 1992, p. 22.

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vant l'imperfection du patrimoine génétique soit valorisante_pour l'homme et ne conduise à aucune nouvelle forme d'eugénisme. La reven- dication d'un droit à « la diversité » est sans doute le meilleur témoin de cette légitime in- quiétude.

c. Le droit à la vie privée

Nous envisageons ici les atteintes à la vie pri- vée sous l'angle· de ce qui est perçu, non pas comme une limite à une prétendue liberté de faire des choix existentiels dans les domaines qui relèvent de notre intimité, mais plutôt comme une immixtion dans la sphère de notre intimité couverte par le droit au secret, ce que nous appelons, non sans romantisme, mais avec pertinence, notre «jardin secret ».

Les données relatives à notre santé physique ou mentale font partie de cette vie privée, leur divulgation exposant leur auteur à des actions en responsabilité civile ou pénale dans les or- dres juridiques internes. Le délit de violation du secret médical en est l'illustration par excel- lence.

La médecine convaincue déjà du temps d'Hip- pocrate de la nécessité du secret, gage d'une relation de confiance et de respect entre le thé- rapeute et le malade, est aujourd'hui incitée, non sans l'influence de l'informatique, à sacri- fier le principe de la vie privée sur l'autel de l'intérêt collectif. Quelques exemples. · La recherche de nouveaux médicaments im- plique des études randomisées, multicen- triques, le plus souvent commanditées par l'in- dustrie pharmaceutique. Celle-ci veille à la coordination de toutes les recherches et s'oc- troie très logiquement la maîtrise des observa- tions centralisées, de manière anonyme, en ses mains. A présent, sous prétexte d'une rigueur scientifique absolue qui traduit aussi son souci de ménager son image « éthique », l'industrie pharmaceutique augmente ses possibilités de contrôle des résultats observés par les clini- . ciens, ·en se réservant en outre un droit de con- sultation des dossiers personnels des malades intégrés à l'étude. La même attitude peut s'ob- server dans le chef des autorités publiques de santé, à l'occasion de l'enregistrement du nou- veau médicament. Que devient le secret médi- cal, quand on sait que les observations enco- dées anonymement pourront être couplées aux informations diverses et multiples consignées dans un dossier médical ?

C'est la question des fichiers de données médi- cales qui se trouve ici soulevée, spécialement quand ils revêtent la forme du traitement auto- matisé. Par leur multiplication et leur con- nexion possible à d'autres banques de données qui poursuivent des finalités tout autres que l'intérêt personnel du patient, la vie privée de ce dernier ne risque-t-elle pas de tomber dans le domaine public ? Les autorités supranatio- nales, internationales ou nationales l'ont com- pris, réservant au sein même des données à caractère personnel (38) un régime spécifique aux données médicales· (39). La solution préco-

(38) C'est-à-dire les données relatives à une per- sonne physique identifiée ou identifiable.

(39) Voy. la proposition de directive du Conseil des Communautés européennes relative à la protection

nisée consiste généralement, dans l'esprit de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme protégeant la vie privée, à interdire le traitement automatisé des données dites sensibles sauf dérogation prévue par la loi et moyennant le respect de garanties appro- priées. Celles-ci renvoient aux critères de la légitimité de la mesure (loyauté dans la col- lecte, sécurité et transparence, légitimité et res- pect des finalités poursuivies, pertinence· des données recueillies) et de son caractère néces- saire dans une société démocratique. Cette réfé- rence implicite mais certaine à l'exigence de la proportion - un juste équilibre - entre l'im- portance de l'objectif poursuivi et les risques inhérents à la mesure dérogatoire nous semble toutefois ignorée quand, dans le cadre d'une politique de contrôle des dépenses de soins de santé par exemple, objectif certes louable et raisonnable, une loi-programme ( 40) autorise les organismes assureurs à disposer d'un en- semble d'informations leur permettant non seu- lement d'établir différents profils - le profil d_e consommation d'un médicament donné, d'un prescripteur de soins, d'un groupe d'âge de patients, d'une région géographique, voire d'un consommateur individuel de soins - mais aussi, par le faît même, d'identifier le malade dans sa maladie !

De même, l'utilisation combinée des tech- niques du dépistage génétique et de l'informa- tique peut être la source de nouvelles atteintes à la vie privée : « agglomérée, traitée, couplée et comparée, l'information génétique peut acqué- rir une signification et un grand intérêt pour les collectivités. Elle peut intéresser les membres de la famille, qu'il s'agisse de la famille biolo- gique, de la famille adoptive, les éventuels co- contractants comme les assureurs ou les em- ployeurs, elle pourra également susciter la convoitise des agents de l'Etat » (41), de sim- ples prédispositions favorisant un régime de suspicion et d'exclusion.

des personnes à l'égard du traitement des données à caractère personnel (art. 17), J.O.C.E., 5 nov. 1990, C 277/9; la Convention européenne du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère per- sonnel (ait. 6), la Recommandation R (81) 1 du Co- mité des ministres aux Etats membres relative à la réglementation applicable aux banques de données médicales automatisées, adoptée le 23 janvier 1981, la Recommnadation R (83) 10 du 23 septembre 1983 sur la protection des données à caractère personnel utilisées à des fins de recherches scientifiques et de - statistiques et la Recommandation R (89) 2 sur la protection des données à caractère personnel utilisées à des fins d'emploi (point 10), adoptée le 18 janvier 1989; en Belgiquè, l'article 7 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard _des traitements de données à caractère personnel réglemente le cas des données médicales à caractère personnel.

. ( 40) Article 28 de la loi-programme du 26 juin 1992, M.B., 30 juin 1992, p. 14797.

( 41) . P. Trudel, « Des données informatiques person- nelles aux données informatiques génétiques », La génétique humaine : de l'information à l'informati- sation, op. cit., p. 357. En Belgique, notre nouvelle loi sur le contrat d'assurance terrestre du 25 juin 1992 (MB., 20 août 1992), qui étend les exceptions au secret médical au profit de l'assureur, interdit cependant la communication des informations géné- tiques. Sur la constitution de «profils », voy. F.

Riga~x, op. cit., p. 598;

Si le traitement automatisé de l'information gé- nétique génère un risque évident de discrimina- tions, dans la mesure où, en certaines circons- tances, il laisse à l'information génétique sa capacité d'identifier une personne en particu- lier, le phénomène du sida, avant même d'être saisi par l'outil informatique, a de suite déstabi- lisé le droit à la vie privée et au secret médical de beaucoup d'entre nous, ainsi que notre droit à l'égalité et à l'intégrité physique (42).

Des tests de dépistage sont pratiqués à l'insu du patient : si d'emblée l'inviolabilité du corps humain est en cause, quel intérêt présente en outre une telle attitude dans la mesure où, si le diagnostic de la maladie ou de la séropositivité est établi, il s'impose d'en informer le patient ? Par ailleurs, les risques de discriminations liés à un diagnostic de séropositivité sont tels qu'est inacceptable ici l'exception du« privilège thé- rapeutique », autorisant le médecin à ne pas révéler au patient tous les examens biologiques programmés ( 43).

Les tests de dépistage HIV systématiques cons- tituent une autre menace : justifiés à l'égard de personnes qui font « don » de leur sang ou de tout autre tissu ou organe, leur exécution à l' oc- casion des tests à l'embauche incluant des exa- mens médicaux ne résiste pas

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l'analyse : en effet, sauf si par ses fonctions le travailleur est en contact direct avec le sang, il est aujourd'hui établi que le travailleur séropositif ne présente aucun danger pour ses collègues. De même, le

d~pistage obligatoire des candidats à l'assu- rance de type assurance-décès répond à des considérations strictement économiques. Cette pratique est fondamentalement discriminatoire à l'égard des petits revenus qui ne. pourront jamais payer les primes« adaptées >>au risque aggravé par la séropositivité. Les règles de droit positif ne consacrant pas le droit à l'assurance privée, la solidarité sociale au nom de laquelle l'homme est toujours plus amené.à concéder un affadissement de ses droits individu~ls, ne·de- vrait-elle pas précisément assurer in specie à l'homme une protection sociale optimale ? Quant à l'idée d'un criblage obligatoire univer- sel de la population ou tout au moins de cer- taines catégories de personnes à risques (les patients hospitalisés, les toxicomanes, les dé- tenus, ... ),le souci de concilier au plus juste les droits de la personne et l'intérêt de la société invite, sans nul doute, à lui préférer la pratique d'une politique de dépistage fondée sur une base volontariste ( 44).

( 42) Le sida. Un défi awc droits, ouvrage collectif, Bruxelles, Bruylant, 1991; C. Byk, « Le sida. Me- sures de santé publique et protection des droits indi- v:iduels », La semaine juridique, 1991, Dall., p. 3541.

( 43) C. Hennau-Hublet, « Questionnement juridique et déontologique lié au sida »,Acta Medica Catho- Zica, 1992, vol. 61, pp. 145-151.

(44) Voy. la Résolution du Conseil des ministres de la Santé des Etats membres du Conseil de l'Europe concernant la lutte contre le sida, 22 décembre 1989 (point 2) : « En l'état actuel des connaissances, au- cun motif de santé publique ne justifie le dépistage systématique et obligatoire d'individus, à savoir le dépistage sans information ni consentement préala- bles des personnes testées. Cette pratique est en par- ticulier inefficace en terme de prévention ». Voy.

aussi le rapport Parodi au Parlement européen, en mai 1989, mentionné par M. Torelli,« Le sida : une pandémie», Rev. gén. dr. int. pub!., 1991, p. 102.

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Ce souci de ne pas subordonner l'homme à l'intérêt public, incarné par l'Etat ou des sous- collectivités, ne peut occulter une autre ten- dance, exercée en sens inverse cette fois et qui est le fruit de l'individualisme caractérisant no- tre société contemporaine : l'homme perçoit ses désirs comme des ordres, sa liberté devient des « droits à », quand elle ne génère pas une créance vis-à-vis de l'Etat, mais aussi vis-à-vis d'autrui.

Dans cette mouvance, les droits de la personna- lité, en tant que « libertés-limites » établissant au profit des gouvernés un _domaine d'action réservé, fermé aux gouvernants, sont perçus comme insuffisants. De nouveaux droits sont revendiqués par la conscience collective, « ils correspondent non plus à des pouvoirs d'agir mais à des pouvoirs d'exiger : ils font des gou- vernés, des créanciers de sécurité, de santé, de culture ... » ( 45).

a. Le droit à la santé

Le droit à la santé appartient ainsi à la deuxième génération des droits de l'hoinme- les droits économiques et sociaux - et l'on ne peut que s'en réjouir dans la mesure où il de- vrait entraîner, de la part des Etats, une poli- - tique de promotion de la santé. Mais en outre le concept même de santé évolue : il n'est plus synonyme d'absence de maladie ou d'infümité, il devient «un état de complet bien-être phy- sique, mental et social », selon la définition de

!'Organisation mondiale de la santé. Sous l'ef- fet conjugué de cette reconnaissance du droit à la santé ( 46), qui devrait être qualifié plus exac- tement de droit aux soins de santé ou de droit au meilleur état de santé, et de l'élargissement de la notion de santé, l'homme des sociétés postin- dustrielles est enclin à refuser tout ce qui pour- rait constituer un obstacle à ce qu'il pense être son bien-être : il demande à là biomédecine, toujours plus performante, qu'elle apporte une solution à toutes ses limites, à toutes-ses ca- rences et même à tous ses désirs ( 4 7). La méde- cine cesse d'être principalement un remède à nos maladies; à nos handicaps pour nous appor- ter aussi sa compétence, sa technologie au ser- vice d'un problème dit « de santé ».

b. Le droit à la vie privée Cet esprit revendicatif en matière d'actes médi- caux se voit conforté par l'émergence d'un au-:- tre droit, relativement récent et donc évolutif, celui du respect de la vie privée qui voudrait couvrir, comme il fut dit, non pas seulement le ( 45) J. Velu, « Réflexions sur les perspectives d'avenir du droit positif dans le domaine des droits de l'homme », J.T., 1984, p. 123.

( 46) Article 11 de la Charte sociale européenne, arti- cle 12 du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, article 16 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981).

(47) D. Thouvenin, «De la qualification de l'acte thérapeutique à son contrôle » (à propos d' Ai:x-en- Provence, 23 avril 1990), R.D.S., 1991, chron., 227 et 228.

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droit au secret, mais aussi le droit au libre choix pour tout_ ce qui relève de notre vie privée. Un tel droit, ainsi entendu, engendre des situations toujours. plus conflictuelles, propices si notre vigilance fait défaut, à la déliquescence de droits fondamentaux de l'homme.

Le droit de mourir dans la dignité est sans conteste une préoccupation légitime de l'homme. Doit-on pour autant légaliser l' eutha- nasie de la personne en fin de vie et autoriser le médecin à devenir le complice de la mort d'au- trui, alors qu'il est fondamentalement un arti- san de la vie ? L'euthanasie, si elle renvoie au concept de « bien mourir » n'est en rien un acte de soins. C'est une précipitation de la mort : on induit un processus létal différent de celui qui naturellement aurait conduit au décès. La crainte de l'acharnement thérapeutique sans es- poir, acte médical totalement injustifié en rai- son de son inutilité pour le patient, fut à l'ori- gine de la revendication de ce nouveau droit.

Mais entre « les traitements héroïques devenus inutiles » (48) et l'euthanasie du patient, fût-ce à sa demande (49), d'autres solutions sont à rechercher qui concilient le souci de ne pas s'acharner à maintenir la vi~ pour la vie et cet autre de ne pas abandonner le malade à sa mort, à ses souffrances (50). Une dépénalisation de l'euthanasie, même subordonnée au consente- ment du patient (mais quel consentement ?) et au_ respect de conditions objectives (mais quelles conditions ?) rendrait en effet très vite illusoire la protection de la vie humaine, quand on sait qu'aujourd'hui la qualité même d'être ' humain est discutée par certains sur d'autres bases que l'appartenance biologique, telles que la qualité de la vie, la notion de vie signifiante ou encore la reconnaissance par autrui. D'au- cuns, et singulièrement des médecins, dénon- cent déjà la dérive possible vers l'euthanasie économique, à une époque où les soins aux malades en- phase terminale coûtent cher dans le budget des soins de santé.

La liberté d'interrompre une grossesse : c'est aussi principalement au nom du libre choix de la personne, ici la femme ·enceinte, que l'avor- tement fut légalisé dans de nombreux pays. La référence à un élément éminemment subjectif et incontrôlable - le refus persistant de la gros- sesse pour raison de détresse -- justifie ainsi objectivement un acte médical allant à l'encon- tre du respect de la vie humaine : le médecin ne soigne plus ici la douleur entraînée par une maladie, mais est appelé à soigner la souffrance ( 48) G. Mémeteau, observations sous Trib. gde inst.

Paris (réf.), 6 et 19 mai 1987, La semaine juridique, 1988, jur., 21130; en Belgique, l'affaire Perot (Civ.

N~mur, 25 oct. 1991, Journ. procès, n° 303, p. 26).

( 49) Y. Kenis, Choisir sa mort. Une liberté, un droit, brochure de l' Association -pour le droit de mourir dans la dignité (A.D.M.D.), Bruxelles, 1990. Voy~

aussi la nouvelle loi hollandaise du 9février1993 qui a donné un cadre légal à l'euthanasie, fondé sur le principe du consentement. Notons que l'euthanasie sans consentement est aussi autorisée lorsque le ma- lade est dans le coma, atteint de démence_ sénile ou est handicapé mental.

(50) Voy. la déclaration du Conseil permanent de la conférence des évêques de France du 23 septembre 1991. Voy. aussi, H. Wattiaux, « En fin de vie.

Acharnement, euthanasie, accompagnement »,La foi et le temps, XXIII (1993-2), pp. 163-184; J. de Buysscher, en religion sœur Léontine, Au nom de la vie. Les soins palliatifs : éthique et témoignage, Du- culot, Louvain-la-Neuve, 1993.

érigée au rang de maladie, constate Dominique Thouvenin.

Certes, ce droit absolu de la femme sur la vie humaine commençante sera parfois nuancé et relativisé par des instances juridictionnelles.

Ainsi la Commission européenne, dans l' af- faire Bruggeman et Scheuten contre la Répu- blique fédérale d'Allemagne, rappela en 1977 que « lorsqu'une femme est enceinte, sa vie -privée est étroitement associée au fœtus qui se développe » et que « l'article 8, § 1er de la Convention ne peut s'interpréter comme signi- fiant que la grossesse et son -interruption relè- vent, par principe, exclusivement de la vie pri- vée de la mère ». De son côté, la Cour constitutionnelle fédérale allemande, dans son arrêt du 25 février 1975, précisa que« le para- graphe 2, alinéa 2, de la Loi fondamentale, selon lequel chacun a droit à la vie ne peut être limité ni à l'homme achevé après la naissance, ni au futur nouveau-né capable de vie auto- nome. Le droit à la vie est garanti à chaque individu qui vit; on ne peut faire ici aucune distinction entre différentes périodes de la vie antérieure à la naissance

».

Et de poursuivre :

« ( ... )Sans doûte le dr_oit de la femme au libre développement de sa personnalité (paragraphe 2, alinéa premier de la Loi fondamentale) ...

peut-il mériter également reconnaissance er protection. Mais ce n'est pas un droit absolu. Il est au contraire limité par les droits d'autrui, par l'ordre constitutionnel et par la loi morale.

( ... ) la Loi fondamentale a placé au centre de toutes les réglementations étatiques -1' individu humain et sa dignité ... » (51).

Nonobstant ces nuances claires, la protection de la vie humaine s'est vue profondément dé- forcée par les lois dépénalisant l'avortement.

Ce qui aurait dû apparaître comme un -règle- ment de conflit de valeurs entre la liberté de la mère et la vie de l'enfant qu'elle porte, fut davantage interprété comme l'expression d'un

« désintérêt »et d'une« dévalorisation »de la vie humaine commençante, favorisant son utili- sation tous azimuts (52). Et ce n'est pas-le droit constitutionnel ou les instruments internatio- naux relatifs aux droits de l'homme qui allaient infléchir cette tendance, puisque le droit à la vie et à l'intégrité y est généralement reconnu à toute personne ou à tout un chacun, sans que soit précisé le moment où naît ce droit à la vie et à l'intégrité (53).

(51) Pour les références et commentaires de ce rap- port et de cet arrêt, voy. les études précitées de M.-Th. Meulders-Klein (pp. 779-780) et de F. Ri- gaux (pp. 175-177) et la comparaison qui y est faite avec l'arrêt Roe v. Wade, fort différent, rendu par la Cour suprême américaine en 1973.

(52) C. Hennau-Hublet, « Conflits et projets poli- tiques en droit familial», Considérations juridiques et éthiques sur la famille, Cahiers Cepess, Bruxelles, n° 3, 1992, p. 151.

(53) Voy. l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 2 de la Convention euro- péenne des droits de l'homme, l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'article 6 de la Convention sur les droits de l'enfant des Nations Unies du 20 novembre 1989 reconnais- _sant ici « le droit inhérent de tout enfant à la vie ».

Comp~ : l'arrêt du 22 décembre 1992 (Pas., 1, 1402) de la Cour de cassation belge se référant à l'article 2 précisément de la Convention européenne des droits de l'homme; le préambule de la Déclaration des droits de l'enfant (1959) et de la Convention sur les droits de l'enfant (1989) : «Considérant que l'enfant

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