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Télé-expertise en dermatologie libérale : trois ans d’expérimentation innovante en Région Corse

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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T el e-expertise en dermatologie lib erale : trois ans d’exp erimentation innovante en R egion Corse

Florence Ottavy

Ajaccio

flottavy@gmail.com

La genese du projet

Il resultait d'une analyse et conjonction de facteurs :

Une demographie medicale dermatolo- gique en forte chute sur le territoire avec des departs en retraite previsibles [1]

et l'absence de nouvelles installations depuis plus de dix ans, generant des delais majores en termes de rendez-vous et donc d'accès aux soins.

Un vieillissement avec statut de « pre- mier de la classe » pour la Corse du Sud annonce pour 2020 en termes de popu- lation la plus âgee de France en raison d'un afflux de retraites attires par la douceur du climat, la qualite de vie, et,a l'inverse, une « expatriation » des jeu- nes vers le continent ou d'autres cieux en raison des possibilites de carrière et de developpement personnel. Ce vieil- lissement entraînant lui-même un accroissement des consultations pour tumeurs et/ou dermatoses precancereu-

ses modifiant notre exercice et faisant de nous peua peu des cancerologues. . . Des contraintes territoriales avec une region qualifiee actuellement d'Île- montagne ou la population qui vit

« au village », est rurale, isolee et souvent âgee, où les distances se comp- tent plutôt en heures qu'en kilomètres avec un recours significatif au taxi

« conventionne », notamment en Bala- gne, aux VSL et ambulances faisant du poste transport une depense majeure supportee par la collectivite.

Enfin, l'emergence de pratiques sauva- ges [2] non encadrees par l'envoi tous azimuts a des medecins specialistes (mails ou sms) de photos de patient ne respectant pas la confidentialite des donnees lors d'une demande d'avis. Ce developpement des prati- ques de la telemedecine etait deja en devenir.

Largement pratiquee dans de vastes territoires aux Etats-Unis et au Canada depuis plusieurs annees, elle avait montre son efficience et la satisfaction des patients en dermatologie en termes de detection des tumeurs et suivi de plaies.

En France, cette pratique s'etait surtout installee en secteur hospitalier, marine, prisons [3] et moins de 4 % [4] des experimentations concernaient le sec- teur liberal.

La region Corse (ensemble coherent si particulier) pouvait être consideree comme un veritable laboratoirea visee novatrice.

Le challengeetaita relever. . . Cadre et contraintes reglementaires Le cadreetant bien defini :

Il s'agissait de pratiquer la tele-expertise (TLE), c'est-a-dire un transfert d'images securisees entre un medecin requerant et un medecin expert requis, agremente

d'un dossier succinct, technique qui presente l'avantage majeur par rapport

a la teleconsultation (TLC) ne pas necessiter d'unite de lieu ou de temps, d'où une facilite d'emploi et une reponse en differe.

D'autre part, le sujet concernait le depistage des tumeurs et le suivi des plaies a l'exclusion en principe des autres pathologies dermatologiques.

Les contraintes règlementaires etaient alors nombreuses reposant sur le decret de telemedecine de 2010, cadre rigide [5] qui sous l'impulsion du Conseil National de l'Ordre des Medecins s'est recemment assoupli.

Il fallait deposer un projet a l'Agence Regionale de Sante (ARS) detaillant les conditions et le protocole de cette experimentation, demontrant la perti- nence du projet avec indicateurs de suivia renseigner chaque trimestre, faire signer des conventionsa chaque parti- cipant medecin generaliste et expert, avec egalement la participation d'un medecin coordonnateur (en l'occur- rence moi-même).

Concomitamment, nous avons procede

a un sondage aide par le bureau des URPS ML (Union Regionale des Profes- sionnels de Sante Medecins Liberaux) de Corse, dont l'objetetait d'evaluer l'interêt auprès des medecins generalistes de cette future pratique et dont les reponses furent très positives eu egard aux difficultes d'accèsa un specialiste, près de 80 medecins se disant interesses.

Les experts requis furent les der- matologues de l'association des derma- tologues de Corse, noyau amical constitue depuis une vingtaine d'an- nees,egalement d'accord pour se lancer dans l'aventure.

Il y eut bien sûr beaucoup de difficultes car j'avais un peu sous-estime la partie technique.

doi:10.1684/dm.2018.63

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Il n'existait pas en Corse de GCS ( Groupement de Cooperation Sanitaire) ouvert au secteur liberal, pas plus que de plateforme devoluea la telemedecine. Il fallut tout creer «de novo» : desfiches cliniques et de consentementeclaire du patient, jusqu'a l'utilisation d'une mes- sagerie de securite sante plus ou moins imposee par l'ARS : la MSS (Messagerie de Securite de Sante) que je ne contestai pas alors pour avancer plus vite ! Finalement, grâcea notre enthousiasme et au soutien du directeur de l'ARS en postea cette periode, qui suivit l'instruc- tion de notre projet avec bienveillance et efficacite, nous avons pu demarrer après une annee entière de construction et negociation en mars 2015.

Budget et methode

L'elaboration du budget previsionnel reposait egalement sur une grande inconnue : commentevaluer le nombre de cas que nous aurionsa traiter ? À partir d'un projet pilote ayant eu lieu sur une microregion avec un cas par mois et par medecin et une base forfaitaire d'un C2 (remuneration souhaitee par le Syndicat National des Dermatologues Venereologues pour chaque dermatologue expert), le budget fut evalue a 35 880 euros pour un an, somme largement surevaluee qui en fait correspondait a plus de 700 cas mais qui paradoxalement nous permis de

« tenir » trois ans.

En supplement, afin de remunerer la demarche et le temps passe par les medecins generalistes requerants, il fut decide au sein des URPS d'attribuer 7 euros supplementaires par cas soumis

a chaque requerant.

Une adresse electronique securisee fonctionnant avec la messagerie gratuite de l'ASIP (Agence des Systèmes d'Infor- mation Partages de sante) « MS sante » fut creee.

Le materiel comprenait donc :

– Un PC, smartphone ou tablette avec connexion internet.

– Un appareil photo vite remplace par le smartphone aufil du temps.

La première annee, l'experimentation a

ete hebergee de manière securisee sur le

site de l'URPS-ML de Corse. Des documents sous forme de PDF ont ete crees : fiches cliniques, comptes ren- dus, note d'information et document pour recueillir le consentementeclaire du patient.

Ces documents pouvaient être tele- charges et saisis en ligne.

Pour la 2eet la 3eannee, c'est avec joie que nous avons saisi l'opportunite d'être heberges sur la plateforme de l'ORU PACA (Observatoire Regional des Urgences Provence-Alpes-Côte d'Azur).

Ceci a engendre de nouvelles contrain- tes pour les participants avec l'adapta- tion a cet outil. Globalement, malgre l'absence de statut administrateur ren- dant tout changement même minime complique, ce fut plutôt une reussite, avec une augmentation significative du nombre de demandes.

Les resultats

–48 conventions ont ete signees (42 medecins generalistes et 6 dermatolo- gues).

–659 demandes de tele-expertises realisees, soit une moyenne de 55 demandes de TLE/trimestre sur 3 ans.

–644 patients concernes, –52 499 kmevites aux patients.

–474 demandes d'avis pour tumeurs dont 147 tumeurs supposees malignes soit 31 % du total des demandes pour tumeur.

–Sur les 147 tumeurs malignes sup- posees, 67 cancers confirmes soit 46 % des cancers supposes.

–188 demandes realisees au total pour les plaies.

–89 demandes concernent des plaies chroniques, 35 cas guerisa ce jour.

–20 % des patients ayant beneficie d'une tele-expertise sont dependants d'un tiers pour leurs deplacements.

–1 034 deplacements evites sur 1 318 soit environ 78 % des deplacements.

–446 demandes de tele-expertises concernent des patients vivants a plus de 25 km d'un dermatologue, soit 67 % des demandes.

Les retombees

Tout ce travail a ete reconnu et recompense :

Les 30 et 31 octobre 2015 a Paris : Presentation d'un postera l'ANTEL.

Le 4 novembre 2015a Marseille: inter- ventiona la soiree de FMC au CHU de la Timone.

Le 17 mars 2016a Avignon : Interven- tion pour le Congrès de la FFCEDV.

Le 2 fevrier 2017a Marseille: Presenta- tion de l'experimentation « Villa Gaby », au Forum Dermato Connecte.

Le 21 fevrier 2017: Publication d'un article original dans la revueEuropean Research in Telemecidine « Retour d'experience : un an de tele-expertise en dermatologie liberale en Corse ».

Les 16 et 17 novembrea Lille: Presenta- tion de l'experimentation au 8eCongrès National des Reseaux de Cancerologie.

Le 25 novembre 2017 a Paris: Realisation par l'UMESPE pour lesetats generaux de la medecine specialisee, d'un film sur l'experimentation de teledermatologie en Corse selectionnee comme l'une des trois experiences les plus innovantes en France.

Les 11 et 12 janvier 2018 a Paris: Remise d'un prix special par le Syndicat National des Dermatologues Venere- ologues au travers du fonds de dotation

« Pour sa Peau, Pour sa Vie » (prix en faveur de projets innovants selectionnes par un comite scientifique, afin de faire progresser la recherche contre le melanome et les autres cancers de la peau).

Conclusion

Aujourd'hui, la telemedecine est deve- nue un outil incontournable, reflet d'une

evolution technologique et societale.

Notre experimentation a permis de confirmer l'interêt de la tele expertise en medecine liberale en Corse. C'est un complement de l'offre de soins ambula- toire, une reponse adaptee a la fois pour les medecins (augmentation des competences) et les patients.

Elle permet de prioriser les consulta- tions et de determiner l'urgence

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permettant une prise en charge plus efficiente en ruralite. Avec 52 499 km

evites, il s'agit d'uneeconomie globale (transports, bilan carbone) en concor- dance avec les resultats d'autres terri- toires[6]. Parmi les facteurs de reussite : une longue pratique anterieure des dermatologues requis, une coordination et un suivi assidu des demandes de TLE.

Cependant, elle ne pourra pas pallier la penurie de specialistes installes en ville et par consequent ne constitue pasa elle seule la reponse unique aux deserts medicaux. La Caisse nationale de l'Assurance Maladie (Cnam), au travers de la nouvelle convention medicale, s'est emparee enfin de la telemedecine.

Ceci a permis de faire rentrer dans le droit commun les differents actes, et helas les negociations en cours reserventa la tele- expertise une tarification très en deça

de nos esperances (12e pour le cas general et 20epour les cas complexes, sans compter une limitation du nombre d'actes par patient).

En sachant que la responsabilite du professionnel est engagee dans cet acte medical necessitant d'ailleurs une declaration d'usage auprès de son assu- rance, voudrait-on tuer la tele-expertise que l'on ne s'y prendrait pas autrement ! Les organismes d'assurances et les societes de teleconseils sont deja pre- sents sur le marche, il faudra que les professionnels de sante soient force de proposition afin d'en maîtriser les dis- positifs pour eneviter l'uberisation et les derives du marche.

Liens d'interêts :l'auteur declare n'avoir aucun lien d'interêt en rapport avec l'article.

References :

1- Mourgues JM. Atlas de la demographie medicale en France - Prols compares : 2007/2017. CNOM, 2017.

2- Sciences et Avenir [N°95] Magazine, du 01/12/

1993.

3- Ban public. Presentation de 3 experiences de telemedecine entre desetablissements de sante et des UCSA.[disponiblea l'adresse suivante : http://

prison.eu.org/spip.php?article4767 15/06/2004].

4- DGOS. La preuve par 10 : Principaux enseigne- ments du bilan des PRT et du recensement des projets telemedecine 2013. disponiblea l'adresse suivante : http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/

Telemedecine_Plaquette_Communication_DGOS.

pdf.

5- Art. 78 Loi « Hôpital, Patients, Sante et Territoi- res » n° 2009-879 ayant introduit l'art.L.6316-1 du Code de la sante publique. [disponiblea l'adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/afchCo- deArticle.do?idArticle=LEGIARTI000020891702&- cidTexte=LEGITEXT000006072665&date- Texte=20170328.

6- Snoswell C, Finnane A, Janda M, Soyer HP, Whitty JA. Teledermatology: A Systematic Review.

JAMA Dermatol2016 ; 152 (6) : 702-8.

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