FACULTE DE
MEDECINE
ET DEPHARMACIE
DEBORDEAUX
ANNÉE 1898-1899
,%'o 4,1
CHEZ LA PETITE FILLE
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 21 Décembre 1898
PAR
Paul-Maurice-Jacques-Eugène ROUSSEAU
Né à Chartres (Eure-et-Loir), le lf> juin 1874.
Élève du Service de Santé de la Marine
Examinateursde la Thèse:
MM.PIÉCHAUD
BOURSIER RONDOT
professeur.... l'r professeur....1
agrégé Juges LE DANTEC agrégé 1
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91
189B
Facilité de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DENABIAS,doyen —
M. PITRES, doyen honoraire.
1»KOF13S S12 unS
MM. M1GÉ \
à7 am /
> Professeurs honoraires.
DUPUY (
MOUSSOUS
Clinique interne
MM.
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PITRES.
DEMONS.
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Médecine légale
MORACIIE.
Physique
BERGON1É.
Chimie BLAREZ.
Clinique externe
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LANELONGUE.Histoire naturelle
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Pathologie et théra-
Pharmacie FIGUIER.
peutique
générales. VERGELY. Matière médicale de NABIAS.
Thérapeutique
ARNOZAN. Médecine expérimen-
Médecine opératoire.
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Clinique
d'accouché- Clinique oplitalmolo-
ments
LEFOUR. gique
Anatomie pathologi-
Clinique des maladies
que
COYNE. chirurgicales des en-
Anatomie
BOUCHARD. fants
Anatomie générale et
Clinique gynécologique
histologie
VIAULT. Clinique médicale des
Physiologie
JOLYET. maladies des enfants
Hygiène
LAYET. Chimie biologique...
ACar II12Cm13* 13A
13X13 II CI Cl 13 :
section de médecine
(Pathologie interne et Médecine légale.)
MM. CASSAET.
'| MM. Le DANTEC.
AUCHÉ. |
HOBBS.
SABRAZÈS. |
sectioni)e ch1rurgi!
[MM. B1NAUD.
Pathologie
externe) BRAQUEHAA E |
| CHAYANNAZ. \
section dessciencesanatomiques et
physiologiques
JMM.
PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON.
Anatomie j CANN1EU.
j
Histoirenaturelle BE1LLE.
sectiondessciencesphysiques
Physique
MM. S1GALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
COUlltt
l.*C15Il»UI3S113ATA 1 11 13Î4 :
Clinique des
maladies cutanées et syphilitiques MM. DUBREI 1LH.
Clinique des
maladies des voies urinaires. Dft"OC!ftK
Maladies dularynx, des
oreilles et du nez.
Maladies mentales Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Chimie
Physiologie Embryologie Pathologie oculaire
Conférenced'Hydrologie
et Minéralogie
etaccouchements
\MM.
Accouchements'/
CHAMBRELENT FIEUX.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRELENT.
DUPOUY.
PACHON.
CANNIEU.
LAGRANGE:
CARLES.
LeSecrétaire dela Faculté:
LEMA1RE.
Pardélibération du 5 août 1879,
la Faculté
aarrêté que les opinions émises dans les
Thèsesquilui sont
présentées doivent être considérées comme propres à leurs auteurs, et
qu'elle n'entendleur
donner ni approbation ni improbation.
Dansle
grand plaisir
quenous éprouvons d'avoir fini nos examens,
nous n'oublierons
point
nosdettes de reconnaissance. MM. le médecin-
major
Leydecker, le Dr Maunoury, les médecins de lie classe de la
MarinePiton etYergos
furent nos initiateurs, nos guides dans cette car¬
rière. Plus que des
maîtres, ils sont des amis, à qui nous sommes tout
dévoué.
Nous prions
MM. les professeurs Morache, Piéchaud, Moussous,
Lande,
Rivière, Le Dantec de croire à nos regrets de les quitter. Nous
garderons un
souvenir impérissable de leur enseignement, de leurs con¬
seils dévoués et
de la sympathie dont ils ont daigné nous honorer.
Nous remercions
M. le professeur Piéchaud du nouvel honneur qu il
nous fait, en
acceptant la présidence de notre thèse.
Enfin,nous
remercions ceux des professeurs de la Faculté de Bor¬
deaux,de la
Faculté de Paris ; ceux des officiers de l'Ecole et ceux de
noscamarades
qui ont bien voulu nous porter quelque intérêt.
M. R...
Burdeaux,21
décembre 1898.
AVANT-PROPOS
L'idéepremièredecetravail
inauguralappartient^ M. le
pro¬fesseur
ogrégëBraquehaye,aujourd'hui
chirurgienencliefdel'hôpital français
de Tunis. Nous luien manifestons ici toute notregratitude. Il nous communiqua plusieursobservations de « péritoniteblennorragique
chez la petite fille » et nous montra, avec la plusgrande bienveillance, qu'il serait inté¬ressant de réunir les observations déjà parues, de les ana¬
lyser,
d'en faireressortirlespointscommuns, les différences,et d'esquisser l'histoire de cette affection. Nous ne nous sommespoint dissimulé combien c'était là, pour un débu¬
tant, une œuvre ardue, mais un espoirnous a soutenu. En soumettant cette étude à
l'indulgence
de nos juges, nous aimons à penserqu'à défaut d'autre mérite nous aurons eucelui d'attirer l'attention sur une affection peu étudiée et peu connue ; les documents que nous avons rassemblés facili¬
teront les recherches de nos successeurs.
DIVISION DU
SUJET
Pages.
Chapitrepremier.—
Historique 7
Chapitre II. —
Etiologie. Pathogénie 13
ChapitreIII. —
Anatomie pathologique 21
ChapitreIV. —
Symptomatologie
:symptômes et complications. 27
ChapitreV. —
Pronostic 43
Chapitre VI. —
Diagnostic 47
Chapitre VII. —
Traitement 53
Observations
5 /
Conclusions
81
Index Bibliographique
83
CHAPITRE PREMIER
Historique.
La «
péritonite blennorragique
des petitesfilles»
est une péritonite consécutive à une vulvo-vaginite d'origine gono- coccique. Les auteurs l'ont peuétudiée,
et, parsuite, elle estencore mal connue. Elle semble, du reste, assez rare, bien qu'il soit certain qu'on l'ait, le plus souvent, confondue sous le terme imprécisde «péritonite idiopathique » avec d'autres affections, comme la péritonite pneumococcique, dont
l'étiologie échappait
à l'esprit. Cette rareté même nousexplique qu'on l'ait si longtemps méconnue,et nous compre¬
nons mieux notre ignorance à l'égard de cette maladie si
nousconsidérons que l'étude approfondie de la péritonite
blennorragique
de la femme, pourtantfréquente
chez celle-ci, ne date que des remarquables recherches de Wertheim, en 1892, et du travail d'ensemble de Charrier, paru la môme année (Péritonite blennorragique chez la femme, Thèse de Paris1892). La raison principale en est que le gonocoque secultive difficilement.Nous ne pouvons donc nous étonner de ce que les pre¬
mières observations de
péritonite
blennorragique chez les petites filles soient de date récente.Ce n'est qu'après les observations de Suchard, en 1887 CAnnales de la Suisse
Romande),
du Dr Ollivier (1), médecinde
l'Hôpital
des enfants malades, en 1888, en France; deHaal en 1881 ; de Krauseen 1882 ; deSweipel : de Welander; (1) Ollivier,Médecinemoderne. 25 iuin 1891.
deDuscli
(i)
;cle Pott de Halle (3) ; de Prochownick (3) en 1888;
de
Sphaëth (*)
en1889; d'Epstein (3) en 1891, en Allemagne,
qu'une
fois admise l'idée de la nature infectieuse de la
vulvo-vaginite, « on
en vint à chercher si, au cours des
vulvo-vaginites
de l'enfance, il ne pouvait pas se montrer des
complications analogues à celles que l'on peut observer au
coursou
après toutes les maladies infectieuses et en parti¬
culier de la
blennorragie. Une fois l'esprit éveillé sur ce
sujet,
les observations ne tardèrent pas et l'on vit paraître
une série
d'observations de complications faites au cours
de
vulvo-vaginites de l'enfance. On publia des observations
de
complications oculaires et l'on entrevit dès lors la rela¬
tion fréquente
entre l'ophtalmie purulente et la vulvo-vagi¬
nite »
(Martin). Puis, parurent des observations de compli¬
cations
articulaires, avec Koplik (6), de New-York ; Ollivier,
Morax
(7), Lop (s), Beclère (9), Cahen-Brach.
Enfin,
quelques auteurs allemands, anglais et américains
signalèrent des complications péritonéales.
En 1887, Lowen
publie une observation de « péritonite
généralisée avec mort chez une enfant de cinq ans». Les
mucosités
vaginales contenaient des gonocoques. La
même année
lladfield, dans les Archiv. of Pédiatrie.,
relate un cas de
péritonite blennorragique
lsuivie de mort
chez une enfant
de
cinqans.
En 1888,
Sangercite
uncas probant chez une enfant de trois
ans et demi. La
mère avait été contaminée par le mari. Un
enfant vint
avant terme et contracta une ophtalmie puru¬
lente. Aussitôt
le second enfant tomba malade d'une vulvo-
(i)Dijsch,
Deutsche med. Wocli„, 1888.
(')Pottde
Halle, Congrès gynécologique de Halle, 1888.
(3) Prochownick,
Congrès gynécologique de Halle, 1888.
fi) Spaeth,
Deutsche med. Woch., 28 mai 1889.
(:i) Epstein,
Archio. fïo' Dermitologie und Syphilis, 1891.
(«) Koplik,
Neio-York médical journal, 21 juin 1890.
p)Morax,
Progrès médical, 1892.
(8)Lop,
Gazette des hôpitaux, 1892.
(9)Beclère,
Revue des maladies de l'Enfance, juin 1892.
— 9 —
vaginite et d'une
pelvi-péritonite
très nettequi guéritau bout de trois semaines.En 1889, IIiiber, de New-York, rapporte un cas très intéres¬
santde péritoniteaiguë mortelle chez une petite tille de sept
ans, atteinte de vulvo-vaginite. On crut à une perforation de
l'appendice
et l'on pratiqua une laparotomie à la suite delaquelle
l'enfant succomba.Le DrCaillé, dans la discussion qui suivit le récit de l'ob¬
servation deIlûber, rapporta qu'ilavait observé un cas chez
uneenfant decinqmois atteinte d'une vulvo-vaginite et
d'oph¬
talmie purulente. La
péritonite
fut mortelle.En 1890, LindsaySteven, médecin assistant à l'Hôpital
royal
de Glascow, décrit une « péritonite
généralisée
rapidementmortelle chez uneenfant dequatre ans, qui présentait de la vulvo-vaginite. »
En 1894, dans une thèsesur « la propagation desaffections
vulvo-vaginales
de l'enfance aux organes génitaux interneset en particulier des péritonites consécutives aux vulvo- vaginites », ArthurMartin déclareque «la pathogénie de ces péritonites est complexe, obscure, difficile à débrouiller.
Dans toute lalittératuremédicale française qui s'occupe
spé¬
cialementdes maladies des enfants, nousn'avons pu retrou¬
ver,
écrit-il,
un seul cas de péritonite consécutive à une vul¬vo-vaginite infantile. Seuls, quelques auteurs anglais, amé¬
ricains et allemands ont soulevé un peu la question ».
Il
publie les observations de Steven, de Iluber, de Sanger etune observation de « péritonite aiguë sous-ombilicale, au cours d'une vulvo-vaginite chezuneenfantdeneufans. Guérison ».Arthur admet que « les complications péritonéales au cours des vulvo-vaginitessont rares ; la chose est, dit-il, absolu"
ment certaine. Cependant elles doivent être moins rares que la littérature médicale, très pauvre sur ce sujet,
semble le
montrer. La raison tient certainement à ce que
jusqu'au
jouroù la notiond'infection n'était pas entrée dans l'esprit médical comme étant la cause de lavulvo-vaginite,on n'étaitpasporté à rechercherles complicationsde «cette
maladie.
»- 10 -
Enfin, dans ces
deux dernières années, paraissent de nou¬
velles observations,
et il semble que les auteurs s'occupent
avec
plus d'attention de cette question trop délaissée jus¬
que-là.
En 1897, Marfan,
dans
uneétude sur la « vulvo-vaginite des
petites filles
»parue dans la Revue des maladies de l'Enfance
(mars 1897), déclare avoir observé deux cas de péritonite
blennorragique
chez les petites filles. Il répartit en trois
groupes
les faits connus :
Dans un
premier
groupe,les cas de péritonite aiguë mor¬
telle, telsque ceux
rapportés par Hûber, Loven et une nou¬
velle observation due
à Bajinsky.
Dans un second groupe,
il s'agit de péritonites aiguës qui
guérissent
:tantôt
cespéritonites sont généralisées, tantôt
ce sont des
pelvi-péritonites.
Pour
représenter les deux types de ce groupe de faits, il cite
deux observations
personnelles
:1°
«Péritonite aiguë sous-
ombilicale au cours
d'une vulvo-vaginite chez une fillette de
neufans. Guérison »; 2°
«Péritonite généralisée grave au
cours d'une
vulvo-vaginite. Guérison
».C'est cette première
observation que nous
trouvons publiée dans la thèse de
Martin
[Loc. cit.).
Dans un troisième et
dernier groupe sont placés les cas de
salpingite chronique, de pelvi-péritonite adhésive subaiguë
ou chronique,
observés à l'autopsie de jeunes filles vierges.
Marfan termine cet
article
parune conclusion pratique,
qui
découle des faits exposés : « En présence d'une fillette
atteinte de
péritonite aiguë, il faut toujours chercher la
vulvo-vaginite,
qui est,
avecl'appendicite, l'infection pneu-
mococcique et
la fièvre typhoïde, une des grandes causes de
cette affection. »
Comby, dans
l'article
«Péritonite » du Nouveau Traité des
maladiesde l'enfance,
de Grancher, cite quatre observations
de
péritonite aiguë blennorragique sans épanchement, avec
guérison, chez des fillettes de quatre, six, dix et onze ans.
«Plusieurs onteu des menaces
de péritonite ou môme des
— il — •
péritonites
confirmées,
maisjamais la péritonite n'a abouti à la suppuration». Cependant celle-ci arrive parfois et«quand la suppuration a envahi le péritoine, on ne peut guère espérer la résolution complète: mais, le pus peut s'en¬
kyster, se résorber lentement ou bien s'ouvrirau dehors. »
En 1897, parait la première étude « sur un cas de péritonite
blennorragique
généralisée chez une enfant » (Méjia, Thèse de Paris). Méjia cite les observations deSteven, de Hùber et publie une observation très complète de péritonite blennorra¬giquegénéralisée mortelle chez uneenfant de cinq ans. Le péritoine renfermait des gonocoques. Pourquoi Usons-nous dans cette thèse que « bienrares sont les cas de péritonite véritable? » Nousn'avons, en effet, ajoute-t-il, au cours de
nos
recherches,
trouvé d'autres observationsqueles suivan¬tes... et il cite l'observation de Steven et celle de Ilùber? Et cependant, en 1897, bien d'autres observations avaient été publiées : Dans ces deux observations, continue-t-il, « il n'est nullement question d'examen
bactériologique
et seul, pour¬tant, cet examen permetde faire d'une manière formelle le diagnostic de péritonite blennorragique ». Assurément oui,
répondrons-nous,
l'examenbactériologique
confirmele diag¬nostic et le rend d'une précision scientifique,mais ce diag¬
nosticest difficile et, dans certains cas, il est d'une valeur toute relative. En effet, si le gonocoque trouvé dans l'exsu- dat péritonéal prouve la nature
blennorragique
d'unepérito¬
nite, il ne faut pas conclure de son absence que la périto¬
nite n'est pas gonococeique. Outre que le gonocoque est d'une culture difficile, il peut avoir disparu du liquide sus¬
pect, laissant la place à d'autres agents infectieux.
La
vulvo-vaginite,
qui précède toujours la péritoniteblen¬
norragique est un signe d'une grande valeur. Il est d'autant plus précieuxque nous connaissons,
d'après
les recherchesde Pott deHalle, de Prochownick, de Cseri, de Dupré, de
Cahen-Brach,
de Cassel. deLoborde, la fréquence des vulvo- vaginites gonococciques. 80 fois sur 109 les vulvo-vaginitesde l'enfancesont d'origine blennorragique.
Enfin,
la présence assez commune, dans les observations
quenous
avons.citées, de complications telles que l'urétrite,
l'arthrite,
l'ophtalmie rend ces observations encore plus dé¬
monstratives.
Pour terminer
cette vue d'ensemble et cet essai de « mise
au
point
»,il nous reste à citer une observation très instruc¬
tive deM. le
professeur agrégé Braquehaye, sur « une péri¬
tonite
blennorragique chez une fillette de quatre ans et
demi ». La
situation de la malade était presque désespérée.
Une
laparotomie amena la guérison, qui survint après deux
poussées (J'arthrite. Cette observation a été publiée dans les
Annalesde
la Société de Chirurgie, de Paris (juillet 1898).
Nous devons
deux nouvelles observations inédites à l'obli¬
geance
de M. Braquehaye.
Nousen
ajoutons une toute récente, prise dans le service
du Dr Monod,
médecin de l'Hôpital des Enfants.
M. le
professeur Brouardel, doyen de la Faculté de méde¬
cinedeParis
et M. le Dr Vibert, médecin légiste, ont daigné
nousdonner
leur opinion sur ce sujet et nous tenons à leur
en assurer
toute notre gratitude.
M. le
professeur Brouardel a observé un cas d'embolie
mortelle
ayant
sonpoint de déport dans une phlébite des
veines du
petit bassin consécutive à une blennorragie chez
unejeune
fille violée : « J'ai souvent interprété, nous écrit-il,
des
pelvi-péritonites comme devant être de nature blennor¬
ragique;
mais je n'ai jamais pu le démontrer. »
M. le D1' Vibert
n'a point observé personnellement de péri¬
tonite
blennorragique
;mais, il est à sa connaissance «que
deux casde
mort
parcette cause ont été vus à la Morgue de
Paris. »
CHAPITRE II
Etiologie. Pathogénie.
La
péritonite blennorragique
aété constatée chez des
petites filles,
depuis l'âge de cinq mois (Caillé).
Le gonocoque de
Neisser
enest l'agent pathogène. Au go¬
nocoque
s'associent souvent des microbes pyogènes. Long¬
temps on a cru que
le
gonocoque nepouvait vivre que sur
l'épithéliumcylindrique. Les recherches de Touton, Dinkler,
Jadassohn, Wertheim, Menge,
etc., ont prouvé que le gono¬
coque
pénétrait aussi dans les épithéliums pavimenteux et,
par conséquent,
dans le péritoine, qui est un épithélium
pavimenteux
simple,
unendothélium.
Les infections mixtes sont fréquentes ;
mais le gonocoq'ue
à lui seul peut
faire
suppurerle péritoine. Ceppi, en 1887,
trouve des gonocoques,
à l'état de pureté, dans un exsudât
péritonéal.
Il est regrettable que,
dans la plupart des observations
que nous avons pu
recueillir, l'examen bactériologique ait été
négligé. Dans
quelques-unes, plus complètes, le gonocoque a
été trouvé soitseul (Obs. de
Comby), soit associé au strepto¬
coque
(Obs.
deBajinski). Nous
necitons point le bacterium
coliqui a étéobservé par
Méjia dans du pus pris à l'autopsie,
car l'on sait que ce
bacille
semultiplie rapidement et en¬
vahit tout l'organisme
après la mort.
Dans les cas où le gonocoque a
été recherché en vain, il
nes'ensuit pas
nécessairement qu'il n'existait point. Dans
uneobservation de
péritonite généralisée, M. le professeur
agrégé Braquehaye nous rapporte qu'il fit, après laparoto¬
mie, des
recherches bactériologiques : « l'écoulement vagi¬
nal fourmillait de gonocoques ».
La péritonite était, sans
aucun doute, la
conséquence directe de la vulvo-vaginite et,
cependant, il fut impossible de trouver des gonocoques dans
le
liquide péritonéal. Quelques débris de fibrine gardés pour
l'examen, de
môme
quela sérosité roussâtre retirée du petit
bassin, sont
restés stériles.
Le gonocoque
est difficile à cultiver et beaucoup d'auteurs
sesont refusés à
admettre l'existence d'une maladie qu'ils
ne
pouvaient
prouverpar des faits bactériologiques. C'est
ainsi que
bon nombre de péritonites blennorragiques ont
dû êtrerangéessous
la rubrique de péritonites idiopathiques.
« Il estintéressantde noter,
écrit Epstein, que certains au¬
teurs attribuent aux
filles
uneprédisposition particulière à
la
péritonite idiopathique.
»En 1842, Duparquea
décrit sous le nom de « péritonite
aiguë »
des jeunes filles, une forme de péritonite, qu'il a
principalement observée chez des filles allant à l'école. Mais,
mômedans lesétats
inflammatoires circonscrits et moins
bruyants
de l'abdomen, dans les états, qui, par exemple,
donnent
l'impression d'une pérityphlite, il sera aussi indi¬
qué
de
sedemander s'il n'y a pas relation avec une vulvo-
vaginite
ancienne encore en train d'évoluer. Chez plusieurs
filles de huità dixans, que
j'avais soignées quelques années
auparavant
pourune vulvo-vaginite, j'ai observé l'apparition
à la suite d'une fatigue
physique (marche prolongée, danse,
patinage), de douleurs diffuses très vives au-dessus du pu¬
bis etdans la région
hypogastrique. Ces douleurs s'accom¬
pagnaient quelquefois d'un court mouvement fébrile, de fré¬
quents
besoins d'uriner et persistaient un temps assez
long. »
Dans les observations
où le contrôle bactériologique man¬
que, nousremarquons
toujours la présence d'une vulvo-va¬
ginite,
accompagnée parfois de complications, telles que
l'urétrite
(Obs. de Bajinsky) ; l'ophtalmie purulente (Obs. de
- 15 —
Caillé); la
polyarthrite (Obs.
deLoven);
et l'on sait,d'après
les recherchesde Pott de Halle; de Prochownich, de Spaëth,
de Laborde, de Dupré
(*■),
deCahen-Brach,
de Cassel, de Cseri, deWeil, qui, en 1889, a communiqué à la Société de biolo¬gie le résultatde recherches
bactériologiques
par lesquellesil démontrait
expérimentalement
la spécificitégonococcique
de la vulvo-vaginite infantile ; l'on sait que, dans la très grande majorité des cas, les vulvo-vaginites ont une origine
blennorragique.
Il apparaît donc clairementque la vulvo-va¬ginite est la première
étape
de l'infection gonococcique, quise transmettra au péritoine.
Comment sepropage cette infection?
D'après
Martin, dans certains cas, la voielymphatique
conduiraitau petit bassin une infection siégeant au vagin
ou à l'utérus. « Chez l'enfant, quand l'écoulement est seule¬
ment limité à la vulve etau vagin, quand, en unmot, il va
vulvo-vaginite,
les ganglions inguinaux sont souvent très volumineux et parfois douloureux ; alors qu'un examen du systèmelymphatique
del'enfant et, en particulier, du creuxaxillaire, permet de rejeter une
adénopathie
généralisée d'uneautre nature ». De ce fait de l'inflammation des gan¬glions inguinaux dans la vulvo-vaginite, on serait tenté
« paranalogie de supposer que l'infection de la muqueuse du col et de l'utérus peut, par voie
lymphatique,
allerse propager aux ganglions pelviens et amener ainsi les acci¬dentspéritonéaux. »
Cette supposition, qui est de Martin, ne nous parait guère admissible pour cette raison que les
lymphatiques
de la vulve n'ont pas de relations avecles régions profondes. C'est du restel'opinion
de Marfan, qui s'est occupé de la ques¬tion dans un article sur la vulvo-vaginite
blennorragique
des petites filles.
Déplus, procédons,
nousaussi, paranalogie. Dans la blen¬norragie urétrale de l'homme avec complication
d'épididy-
(') Thoinot,Attentats aux mœurset perversions génitales.
mite, ne voyons-nous pas
les ganglions inguinaux aussi
souvent très volumineux
et, parfois, douloureux ? Et, pour¬
tant, nous savons que ce
n'est point par les lymphatiques
que se propage
l'infection, mais, par la continuité des mu¬
queuses.
Nous necroyons
donc point à
cemode d'infection par les
lymphatiques, et,
avecMarfan, avec Comby, nous dirons que
« les inflammations
gonococciques des
organesgénitaux
(vulvite, vulvo-vaginite) peuvent gagner par l'utérus et la
trompe la
séreuse péritonéale
».La marche ascendante de
l'affection est très
probable.
La
disposition anatomique des organes génitaux de l'en¬
fantrend l'infection
ascendante,
parvoie de continuité, par¬
faitement
possible. L'utérus, chez la petite fille, malgré les
différencesde
proportions qui le distinguent de ce qu'il sera plus tard, peut permettre aux organismes de remonter jus¬
qu'à l'orifice des trompes. Au moment de la puberté, le col
ne
grossit guère, c'est surtout le corps qui se développe.
L'orifice du col est petit,
circulaire, à bords
asseznets et la
cavité utérine, bien que
petite, n'en existe
pasmoins. Les
trompes, assez peu
développées, sont parfaitement perméa¬
bles. Le
premier stade de l'infection est la vulvite; le second,
lavaginite.
L'hymen n'est, le plus souvent, qu'une faible bar¬
rière
qui,
unefois franchie par le pus, le retient et favorise
l'infection.
Presque
toujours, le vagin est intéressé. Il suffît d'intro¬
duire dans le canal
kvaginal la sonde du laveur,
pourvoir
sortir autour de la
sonde, chassé
parle courant à travers
l'orifice de l'hymen,
du
pus en assezgrande quantité.
La métrite suit la
vaginite. Bien
queplusieurs auteurs prétendent
quesi la muqueuse vulvaire et la muqueuse
vaginale
sont
unmilieu favorable à la végétation du gono¬
coque
chez l'enfant, parce qu'ils sont pourvus d'un épithé-
lium fin et délicat à cetâge
(Méjia), la
muqueuseutérine,
au contraire, se laissedifficilement envahir; il n'en est pas
moins prouvé que
la métrite blennorragique des petites
fillesexiste et n'est
point très
rare.— il -
Des observationsont établi que l'on s'était trouvé
parfois
en présence de métrites, chez des petites tilles dont les dou¬
leurs
abdominales,
malinterprétées,
avaient déterminé des erreurs de diagnostic regrettables.La métrite des vierges est maintenant bien connue. On trouve dans la thèse de V. de Peufeilhoux plusieurs obser¬
vations de métrites gonococciques chez des vierges. Et il ne faut pointentendre par là ce
qu'on
a pu appeler la métrite desdemi-vierges,
succédant à des rapportsincomplets
avec un homme atteint deblennorragie
urétrale, mais bien une métrite consécutive à une vulvo-vaginiteblennorragique
de l'enfance
d'origine
non vénérienne.Currier suppose, non sans raison, qu'ungrand nombrede
casd'arrêt de
développement
et de déformation de l'utérus quis'accompagnent
de troublesdysménorréiques
et de stérilité peuvent relever d'unevulvo-vaginite
datant de la première enfance.De
l'utérus,
l'affection suit sa marche envahissante vers lepéritoine,
en passant par les trompes eten atteignant les ovaires.Isolées,
lasalpingite
et l'ovarite sont rares; le plussouvent, elles sontcompliquées
de péritonite. Cependant, M. Cheadle,a rapporté un casde pyosalpinx (a case of double pyosal- pinx in a child one yearand nine months old (Lancet 1891).
M. Marx affirme qu'en pratiquantle toucher rectal des fil¬
lettes atteintes de
vulvo-vaginite,
on constate souvent del'empâtement
dans les culs-de-sacs latéraux, et il croit avoir été en présence de sapingites avec ovarites consécutives. Ce qui rend cette opinion plausible, c'est que, dans les autop¬siesde
fillettes,
on trouve parfois du pusenkysté
dans lestrompes.
Lesquelques autopsies qui ontpu être faites démontrent avec évidence la présence de salpingites, quelquefois, plus rarement d'ovarites.
(V.
Obs. Loven, Hûber, Méjia, Bajinski,etc.)
Des
trompes,
l'infection passe au péritoine, comme de l'u-Ro. 2
térus elle
était passée aux trompes. L'ostium abdominale est
aussi
perméable que l'ostium uterinum. Or, la muqueuse
tubaire se
continue à travers l'ostium uterinum d'une part,
aveccellede
l'utérus de l'autre; au niveau de l'ostium abdo¬
minale,elle
traverse cet orifice et s'étale alors sur la face
internedes franges
du pavillon. C'est le long des bords de
ces franges ou,
plus exactement, à 0inm12 ou 0mm15 au delà
deces bords
(Tourneux et Hermann), sur la face externe du
pavillon par conséquent, que se fait la transition entre l'é¬
pi thélium cilié de la muqueuse tubaire et l'endothélium de
la séreuse
péritonéale. Cette transition est assez brusque.
Le
péritoine atteint, l'inflammation peut effleurer la
séreuse : il y a
plutôt péritonisme que péritonite ; ou abou¬
tir à la
suppuration, qui, tantôt se généralise à la totalité du
péritoine, tantôt se localise en un point de la séreuse.
La
péritonite peut affecter ainsi diverses formes, que nous
désignerons sous
les noms de :
1° Péritonite
généralisée aiguë bénigne ;
2° Péritonite
généralisée aiguë grave ;
3° Péritonite
localisée.
Ilest une
dernière forme dont l'évolution est lente et insi¬
dieuse. C'est la
péritonite chronique.
Tellesnous
semblent être l'étiologie et la pathogénie de la
péritonite blennorragique. ' L'infection débute par une vulvo-
vaginitè,
qui,mal soignée le plus souvent, ou traitée trop
tard,
s'étend
parvoie ascendante à l'utérus, aux trompes, au
péritoine.
Cette
propagation de l'infection aux organes génitaux in¬
terneset au
péritoine est rare si on la compare à l'abon¬
dancedes
vulvo-vaginites de l'enfance.
On en trouve
la raison dans l'état complet de repos des or¬
ganes
génitaux de la petite fille. Ils ne sont soumis à aucune
sorte de fatigue.
Absence de rapports sexuels ; point de pro¬
cessus
congestif comparable à celui quia pour résultat le
fluxmenstruel.
Or, l'on sait que la menstruation a une in¬
fluence
considérable
surle développement de la métrite.
— 19 —
Pas
davantage
de parturition, qui, chez lafemme,
est la plus grande cause d'extension de lablennorragie,
en lais¬sant dans la cavité utérine une vastesurface
d'absorption.
On ne peut
s'empêcher
decomparer à ce sujetl'état desor¬ganes génitauxinternes chez le petit garçon. Le testicule, chez lui,
n'ayant
à remplir aucunefonction,
est assez rare¬ment le siège de tuberculose ou d'inflammation ourlienne.
L'état de repos des organes de la petite fille qui est un
'
puissant moyen de défense contre l'envahissement du gono¬coque noussemble donc expliquer la rareté relative de la complication péritonéalede lavulvo-vaginite.
CHAPITRE III
Anatomie
pathologique.
Leslésions
anatomo-pathologiques
de lapéritonite
blen- norragique, dans sa forme aiguë ou dans sa forme chroni¬que, n'ont encoreété l'objet d'aucune étude d'ensemble. Li¬
vré à nous-mème, nousessaierons, après avoir réuni les ré¬
sultats des autopsies et les découvertes faites au cours des
laparotomies,
peu nombreuses les unes et les autres, d'endégager
quelques conclusions.1° Forme aiguë
Lesobservations de Loven,d'Huber, de Bajinski, de M Bra-
quehaye
vontnous documenter.Tout d'abord celle de Loven : « Les parois du petit bassin
sont couvertes d'un exsudât purulent
épais.
La muqueuse vaginale et-celle de l'utérus sont tuméfiées, érodées, conges¬tionnées. Les deux trompes renferment du pus jaune,
épais.
Les ovaires sont tuméfiés; le gauche est le siège d'un abcès.
Les mucosités vaginales contiennent des gonocoques ; dans
le puspéritonéal on trouvedes
streptocoques.
»Puis,l'observationde Hiiber: «Bull ouvrit l'abdomen par une incision latéraleau-dessus du côlon.Un
liquideséro-purulent
fut trouvé en grande quantité dans la cavité abdominale, les intestins étaient distendus par les gaz, congestionnés, et
çà
etlà tapissés de
lymphe. L'appendice
fut recherchéet décou-22
vert
après-quelque difficulté. Il présentait un aspect parfai¬
tement normal et aucune
concrétion fécale, aucun corps
étranger ne
pouvaient être découverts à travers la paroi. La
trompe
droite de Fallope cependant, avec ses extrémités
frangées,
était enflammée et épaissie. »
Bajinski, à l'autopsie d'une fillette morte de péritonite
généralisée, trouva
«une collection purulente dans l'espace
deDouglas, une
salpingite purulente et, dans les ovaires,
deux petits
abcès; dans le pus de ces abcès,' on trouva des
gonocoques
et des staphylocoques. »
Méjia
constate à l'autopsie, dans un cas de péritonite
généralisée, les lésions suivantes : « A l'ouverture de l'abdo¬
men s'écouleun flot de pus,
dont
unepartie est recueillie à
l'aide d'une pipette.
Ce
pusest très liquide, séreux, conte¬
nantdes flocons fibrineux.
La quantité nous a paru être de
150 à 200 grammes.
Les
ansesintestinales sont distendues
par
des
gaz, rouges,recouvertes de fausses membranes fibri-
neuses, qui les
agglutinent entre elles, mais faiblement.
L'intestin,
extrait de la cavité abdominale, ne présente
aucune altération autre que
cette inflammation.péritonéale.
Nousremarquons, en
particulier, que l'appendice est abso¬
lumentnormal. Le
petit bassin présente peut-être des fausses
membranes, des
dépôts fibrineux plus épais, des adhérences
un peu
plus solides. Les trompes et les ovaires sont des
deux côtés englobés
dans des dépôts fibrineux. Les trompes
ont un calibreà peu
près normal. Pourtant, en les compri¬
mant de dedans en
dehors,
onfait sourdre, par l'orifice de la
trompe, une
goutte de pus crémeux jaunâtre. L'utérus, sur
unecoupe
transversale et verticale, nous montre, seulement
au-dessous du
muscle sain, une épaisse couche de pus dans
laquelle baigne la muqueuse congestionnée, violemment
enflammée. Lesautres
viscères: foie, rate, reins, cœur, cer¬
veau, poumons,
etc., ne nous ont présenté aucune altération
qui mérite d'être notée. Nous avons constaté seulement l'in¬
flammation
péritonéale à la surface du foie et de la rate et
un certain degré
de congestion et d'œdème des lobes infé-
rieurs des deux poumons. Notons enfin queles ganglions môsentériques, un peu rouges, nous ont paru
plus
volumi¬neux qu'à l'état normal. »
Enfin M. le le DrBraquehaye, dansunelaparotomie, remar¬
que que«les anses intestinales, rougeset extrêmement dis¬
tendues, font hernie...: il existe à leur surface des
dépôts
fîbrineux, surtout abondants vers le petit bassin... ; iln'y
a rien dans l'appendice. Par contre, la rougeur est marquée dans le petit bassin, surtout à gauche. Il y a là une ou deux cuillerées de sérosité roussàtreressemblant à du bouillon: unepartie est recueillie dans des pipettes..., on garde aussi, pour l'examen, quelques débris defibrine. Ceux-ci, de même que leliquide roussàtre, sont restés stériles. »D'après
ces observations, essayonsd'esquisser
lamarche
de l'inflammation.
Il y a d'abord vulvo-vaginite. Lamuqueuseestrouge, vascu-
larisée,
rugueuse, tuméfiée. « La vascularisation exagérée etl'hypertrophie
des papilles sont les lésions ordinaires, le vagin ne renfermant pas de glande et le tissu papillaire étant parsuite le seul exposé ». La muqueuse vulvaire etla muqueuse vaginale sontchez l'enfant un milieu favorable à lavégétation du gonocoque, parce qu'elles sont pourvues d'un épithélium fin et délicat à cet âge. La situation, en général superficielle du gonocoque, explique sa propagation facile parla muqueuse.L'inflammation gagne ensuite l'utérus, dont la muqueuse
«congestionnée, érodée » se recouvre d'une
épaisse
couchede pus.
Puis les trompes à leur tour se prennent. Parfois leur calibre reste normal, le plus souvent à l'inflammation se
joint un épaississementnotable des parois, et si on les com¬
prime, on fait sourdre un pus crémeuxjaunâtre.
Une collection purulente peut s'enkyster dans la trompe.
Que ce pyosalpinx vienne à s'ouvrir spontanément dans le
ventreet la péritonite éclate d'emblée.
Les ovairessont souvent tuméfiés, à leur intérieur se for¬
ment des abcès.
— 24 —
Lesgonocoques
arrivent dans le péritoine en suivant la
trompe
jusqu'au pavillon et en s'écoulant dans le péritoine
avec le pus.
Lorsque
le péritoine est enflammé, si l'on fait une laparo¬
tomie, on
constate le plus souvent la présence d'une collec¬
tion
purulente; parfois, c'est «un liquide séreux contenant
des flocons flbrineux»;
parfois, c'est une « sérosité roussûtre
ressemblantà du
bouillon
».La quantité en est variable :
de 10 à 150 grammes.
Cette présence
de liquide est un fait très important.
Chez la femme, au
contraire,
«ce qui frappe, à l'ouverture
du ventre,écrit
Charrier, c'est l'absence de liquide. Ce n'est
pas une
péritonite à épanchement floconneux, fétide,
comme dans la
pu.erpéralité, c'est une péritonite sèche.
Quand on
examine,
eneffet, le paquet intestinal, il ne paraît
pas
malade et il n'existe pas des adhérences molles, blan¬
châtres, qui
collent les anses entre elles et les immobilisent
comme dans les autres
péritonites infectieuses. Non, il faut
soulevertout le
paquet intestinal et mettre à jour l'excava¬
tion pelvienne.
On est frappé alors par l'aspect de nom¬
breuses adhérences,
plus
oumoins anciennes. »
Chez la petite
fille, les parois du petit bassin sont cou¬
vertesd'un exsudât
purulent, épais
;il est tapissé de fausses
membranes, de
dépôts flbrineux adhérents. Les intestins
sont distenduspar
les
gaz,congestionnés, et, çà et là, tapis¬
sésde
lymphe, de fausses membranes qui les agglutinent.
L'appendice
atoujours été trouvé normal ; c'est là une cons¬
tatation
importante, puisqu'elle fait écarter de suite, après
laparotomie, le diagnostic d'appendicite. Les symptômes de
l'appendicite, affection fréquente chez les enfants, peuvent se
confondreavec ceux
de la péritonite: l'appendicite causant
môme souvent une
péritonite.
Toutesces lésions que nous
venons de décrire sont celles
de la
péritonite généralisée grave.
Il peut
arriver
quele péritoine soit à peine effleuré par l'in¬
fection. L'agent
infectieux impressionne la séreuse, soit par
— 25 —
lui-même,
soit par ses toxines, mais sans déterminer d'ex- sudat appréciable à nos moyensphysiques
d'exploration : c'est la péritoniteblennorragique
généralisée bénigne.Il peut aussi seproduire que le péritoine ne soit atteint qu'en partie; l'inflammation selocalise,
s'enkyste
pour ainsidire: c'estla péritonite localisée.
2° Forme chronique
Parfois, la péritonitepasse
inaperçue
de la malade et deson entourage ; ellene serévèle que
longtemps après,
parhasard,
au coursd'uneautopsie. Desadhérencespéritonéales
avec ou sans
salpingite
sont les seules lésions qu'on ait observées danscette forme de péritonitechronique.
Nous sommes presque aussi ignorants des lésions consé¬
cutives à la péritonite
blennorragique,
d'unefaçon
géné¬rale. Nous pouvons penser que, comme chez la femme, la rétraction et
l'atrophie,
la transformation fibreuse destrompes,
l'oblitérationde leur conduit, « peut-être même des paramétrites atrophiantes», telles que Rennd en signale, doivent seproduire quelquefois, amenantavec elles la stéri¬lité. Aucune autopsie n'a pu démontrer la présence de ces lésions etfaire la lumièresur cettequestion.
Demême, en ce quiconcerne le processus de l'inflamma¬
tion. Il semble, sans qu'on en soit certain, que ce soit un processus de propagation, l'inflammation
spécifique
gagnant deproche en proche ; il se peut quedans ce parcours, assezlong,
l'agent pathogène de la blennorragie disparaisse des sécrétions qu'il a déterminées, ou se modifie: il sepeut aussi que las microbes du vagin, commedans une expé¬rience de
Charrier,
deviennent des microbes pathogènes. Le gonocoque s'unirait à eux ou leur céderait pour ainsi dire la place, et l'ons'expliquerait
ainsi qu'on ait trouvé dans le liquidepéritonéal le gnocoque, parfois seul, parfois associéau
streptocoque.
C'est encore, on le voit, un des points obscurs d'une ques¬
tiondélaissée par tous les auteurs.
CHAPITRE IV
Symptômes.
*
La péritonite
blennorragique
des petites filles s'offre ànous sous des aspects divers. Pouren faciliter l'étude, nous
distinguerons
trois formes principales.I. Une formede péritonite généralisée aiguë, tantôt grave, tantôt
bénigne.
II. Une forme de péritonite localisée.
III. Une forme de péritonite
chronique
subaiguë.Nous essaierons, tout d'abord, d'esquisser la symptoma- tologie de la péritonite
blennorragique
généralisée.I. Péritonite
blennorragique
généralisée aiguë.Nous savonsque les accidents péritonéaux éclatent dans le cours de la
vulvo-vaginite;
mais nous ignorons l'époqueexacte de leur apparition. Assez souvent, en effet, l'écoule¬
ment vaginal passe méconnu des parents, ou, quand ceux-ci s'en aperçoivent, ils n'yattachent aucune importance. « Il suffît d'avoir observé ce qui se passe aux consultations des
hôpitaux d'enfants,
écritMarfan (loc. cit.), pour n'en être pas surpris. On voit des parents demander uneconsultation sur- unpointquelconque
de la santéde leursfillettes, chez lesquel¬les le médecin découvre accidentellementla présence d'un écoulementvaginal, parfois très abondant et datant.souvent de plusieurs semaines. »
Nous ne nous étonnons donc pas de ne point voir relaté
— 28 -
dans les
observations le début précis des accidents périto-
néaux. Ce
début, du reste, est assez obscur et la péritonite
commence un
certain temps avant les douleurs. Quoi qu'il en
soit, la
douleur est le premier signe qui éveille l'attention et
c'est par
elle
quenous commencerons l'étude des symptômes
locaux de la
péritonite blennorragique généralisée des
petites filles,
1°' FORME
G RAME.
Symptômes locaux
douleur.
L'enfant se
plaint de
«souffrir du ventre »; mais ce n'est
point cette douleur brutale, profonde, angoissante, surve¬
nant après une
période plus ou moins longue des troubles
utérins,
qui, chez la femme, annonce la péritonite blennor¬
ragique.
Chez la petite fille, au contraire, la douleur est
d'abord peu
intense. Elle continue à marcher, mais, prise de
tristesse et
d'inquiétude, elle abandonne ses jeux. Bientôt,
très
rapidement, les douleurs abdominales augmentent et se
localisent: la
petite malade réclame le lit. A ce moment, si
on l'examine, on
la trouve pâle, agitée; le pouls est rapide;
on note une
tendance à l'hyperthermie, mais ce qui frappe
surtout
l'attention, c'est l'état de l'abdomen. Par une palpa-
tion, môme
très délicate, on fait naître dans les fosses
iliaques
de vives douleurs, qui, parfois, s'étendent aux deux
fosses iliaques
et à la région sous-ombilicale, parfois nais¬
sent de la losse
iliaque gauche ou s'irradient de la fosse
iliaque
droite à la région sous-hépatique. D'autres fois, les
douleurssont
péri-ombilicales; le plus souvent, elles s'éten¬
dent è toute
la région abdominale. Dans deux cas, nous
trouvons notées
des douleurs de l'épaule gauche.
tympanisme.
La
palpation permet de sentir un abdomen très ballonné,
saillant;
quelquefois, les anses intestinales font saillie a
travers la paroi. La percussion révèle un tympanisme sou¬
vent énorme. Exceptionnellement, comme clans l'observa¬
tion de Méjia, elle permet de sentir une certaine fluctuation dans les régions inférieures, vers
l'hypogastre
et les fosses iliaques.Les douleurs vont en augmentant et persistent jusqu'à la
fin. Il en est de môme du tympanisme et de la distension de l'abdomen.
L'évolution de ces deux symptômes, douleur et tympa¬
nisme, est bien décrite dans quelques observations, cle Steven, Hûber, Marfan, Méjia, Braqueliaye.
Tout d'abord celle de Steven
(1).
« Le 12 mai 1890au matin,1 enfant prit son déjeunercomme d'habitude; elle avait été à la selle avant le repas, et semblait aussi bienqu'à l'ordinaire.
A dix heures du matin, elle vintse plaindre à sa
mère
demal au ventre, et sa mère,- pensant
qu'elle
avaitbesoin
d'allerau cabinet, l'y conduisit; mais elle n'eut pas de
selle
et urina seulement un peu. Durant la matinée,
l'enfant fit
unemarche d'un demi-mille, pouraller
chez
sagrand'mère;
mais là, les souffrances abdominales devinrent si aiguës, qu'on lui administra deuxgouttes de laudanum—
L'après-
midi, le mal empira et l'on fit rechercher le DrHoadrick
entre cinq et six heures du soir. Il trouva l'enfant pâle et un peu abattue; il yavait unesensibilité
extrême dans le côté
droitde l'abdomen. La température
était de 104°
F.,le pouls
était assez
fréquent....
Le lendemain, 13mai,
aumatin,
l'enfant n'était pas mieux.... Dans la soirée, elleétait très inquiète
et par instant faisait des efforts pourvomir.
Le pouls était à 120°... L'abdomen était uniformément distendu, et lapercussion montrait dutympanisme extrême. La
pres¬sion du ventre au-dessous de l'ombilic etsur le côté droit de l'abdomen produisait une
souffrance" considérable....
Le joursuivant, le 14,je reçus unenote du Dr Headrick m'infor-
mant que l'enfantavait succombé. «
(')Ces observationssontpubliées en détailà la fin denotre thèse.