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COMMENT LES PATIENTS SE POSITIONNENT PAR RAPPORT A LA DECISION MEDICALE PARTAGEE

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Academic year: 2022

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(1)

UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON I FACULTE DE MEDECINE LYON NORD

Année 2005

COMMENT LES PATIENTS SE POSITIONNENT PAR RAPPORT A

LA DECISION MEDICALE PARTAGEE

Thèse

Présentée à l’Université Claude Bernard - Lyon 1 et soutenue publiquement le 24 mars 2005 pour obtenir le grade de Docteur en Médecine

par

Laurent CAROL

Né le 23 juillet 1977 A Mâcon

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Composition du Jury

Monsieur le Professeur Jean-Louis TERRA

Monsieur le Professeur Jacques VEDRINNE

Madame le Professeur Liliane DALIGAND

Monsieur le Docteur Philippe COMTE

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A Monsieur le Président du jury

Monsieur le Professeur Jean-Louis TERRA

Pour l’honneur que vous me faites d’accepter la présidence de ma thèse, je vous exprime mon profond respect et ma reconnaissance.

Je vous remercie pour l’oeil bienveillant que vous avez posé sur ce travail, et pour les commentaires judicieux que vous avez formulé lors de sa réalisation.

(4)

Aux membres du jury

Monsieur le Professeur Jacques VEDRINNE

Madame le Professeur Liliane DALIGAND

Je vous remercie d’avoir accepté de juger mon travail sans même me connaître.

Soyez assurés de mon profond respect.

Monsieur le Docteur Philippe COMTE

Je te remercie de prendre part à l’évaluation de ce travail.

Ta constance, ta persévérance nous ont ouvert un peu la voie, tout au long de ces années d’études. Sois assuré pour cela de ma profonde gratitude.

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A mon directeur de thèse

Monsieur le Professeur Alain MOREAU

Je tiens à vous témoigner toute ma reconnaissance pour l’implication dont vous avez fait preuve tout au long des deux ans qu’a duré ce travail.

J’ai été particulièrement sensible à votre écoute, vos conseils. L’élaboration avec vous de ce travail, étape par étape, restera un très bon souvenir de mes études médicales, et sans aucun doute une des meilleures ouvertures possibles pour

« débuter » dans le métier.

Je regrette que vous ne puissiez faire partie de mon jury de thèse.

Soyez assuré de mon profond respect.

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A toi, Marine qui m’accompagne depuis cinq ans déjà, toi la femme, l’amie, la maman depuis peu. Ton soutien et ton sourire me sont précieux.

A Maëlle, ma toute toute petite, qui bouscule tout sur son passage depuis bientôt deux mois. La force de vie qui émane de toi m’étonne un peu plus chaque jour.

A mes parents, Alain et Martine, je ne vous dois peut être pas tout, mais beaucoup quand même. Je vous remercie pour votre soutien, et espère à l’avenir m’en montrer digne.

A Valentine, petite soeur, peut-être un jour repartirons nous vers quelque autre Toscane. En attendant, je t’aime très fort.

- Aux copains que la vie a déposés sur ma route :

Ceux qui me sont devenus très proches au cours de ces études et dont je partage les aventures depuis bientôt dix ans : les trois mousquetaires Pierre, Dada, et Papet (c’est tout de même pratique les surnoms, ça évite de se déprécier en société), mais aussi la première de toutes, Marjorie (souviens toi, le CCM), et puis Estelle et Lydia.

Je n’oublie pas le plus « groovy » d’entre tous, Julien « bomb the bass » Jung.

Ceux du pays natal : Nicolas (l’amigo de l’amiga), et Marianne.

- A mes maîtres :

Dr P. GIRIER. Je te remercie de m’avoir aiguillé à l’aube de ce travail. Ton enseignement lors du semestre passé à tes côtés reste pour moi un exemple.

Dr R. COCOZZA, pour m’avoir supporté au cours de ce même semestre.

Ceux qui ont su me communiquer leur enthousiasme et le goût d’apprendre dans mes jeunes années : Pr Y. MINAIRE, Pr P. RYVLIN, Dr P. DAVEZIES.

Au Dr J. SERVILLAT, avec qui la discussion ouvre souvent des horizons.

- A mes digressions

L’épisode australien, qui m’a amené son lot de vrais moments suspendus

L’épisode nancéen, qui n’a pas été que du bonheur, mais m’a remis dans un plus droit chemin

A tous les professeurs de musique qui m’ont mené à la baguette...

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REMERCIEMENTS

à Marie Cécile DEDIANNE, pour l’intérêt qu’elle a porté à ce travail et pour les efforts qu’elle a fournis dans l’organisation et l’animation de deux des « focus group »

à Evelyne LASSERRE et Axel GUIOUX, pour leur aide, et leurs remarques éclairées.

aux volontaires (membres de l’association Réseau Santé, étudiants, usagers de la maison médicale de Cessieu, pensionnaires de la maison de retraite de Virieu sur Bourbre) qui ont permis à ce travail d’exister.

à Danielle THOUY, et Florent ALBERGNE pour leur contribution au recrutement

« indirect » des volontaires.

à Marie Hélène SERVILLAT-STEINER pour sa contribution à la mise en page.

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« Cette histoire démontre ce que je pense depuis longtemps : le soin, ça n’est pas une question de compétence ou de titres, c’est une question d’attitude. Quand on veut soigner, on sait faire la différence entre un geste de soin et une démonstration de puissance. On ne peut à la fois soigner et exercer le pouvoir. Quand il y a du pouvoir, il n’y a pas de soin possible. Car le pouvoir, c’est mortel. »

Martin WINCKLER, « Les Trois médecins »

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PLAN

I. INTRODUCTION

II. MATERIEL ET METHODES II.1. Travail préparatoire

II.1.1. Définition de la question II.1.2. Recherche bibliographique II.1.3. Choix méthodologiques II.1.4. Elaboration du questionnaire II.1.5. Les tests

II.2. Population de l’étude

II.2.1. Caractéristiques de l’échantillon

II.2.2. Critères d’inclusion et modes de recrutement II.2.3. Critères d’exclusion

II.3. Exploitation des données II.3.1. Analyse

II.3.2. Contrôle de la reproductibilité des résultats

III. RESULTATS

III. 1. Analyse de l’échantillon III.1.1. Composition des groupes

III.1.2. Pertinence des données recueillies III. 2. Le groupe « association »

III.2.1. Comment les patients se positionnent par rapport à la décision médicale III.2.2. Les représentations du médecin

III.2.3. Les aspects de la communication médecin/patient qui peuvent influencer la décision

III.2.4. Les autres sources d’information que le médecin III.2.5. Conséquences sur la notion de responsabilité III.3. Groupe étudiants

III.3.1. Comment les patients se positionnent par rapport à la décision médicale III.3.2. Attitudes et capacités du médecin selon les représentations du patient

III.3.2.1. Effet favorable sur la confiance III.3.2.2. Effet défavorable sur la confiance

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III.3.3. Attitudes et capacités du patient intervenant dans la décision III.3.4. Autres sources d’information

III.3.5. Implications en terme de responsabilité III.4. Groupe rural

III.4.1. Comment les patients se positionnent par rapport à la décision médicale III.4.2. Les représentations du médecin

III.4.2.1. Les rôles et caractéristiques du « médecin traitant » III.4.2.2. Les attitudes qui diminuent la confiance

III.4.2.3. Les attentes vis-à-vis du médecin III.4.3. Les déterminants de l’attitude du patient

III.4.4. L’influence de la communication médecin/patient sur l’attitude du patient III.4.5. Les aides à la décision

III.4.6. Les conséquences sur la responsabilité III.5. Groupe personnes âgées

III.5.1. Comment les patients se positionnent par rapport à la décision médicale III.5.2. Les déterminants de la décision

III.5.2.1. La perception du médecin par le patient III.5.2.2. Les attitudes du patient

III.5.3. Les déterminants dans la communication médecin/patient III.5.4. Les aides à la décision

III.5.5. Les conséquences sur la responsabilité

IV. DISCUSSION

IV. 1. Les critiques sur la validité de l’étude

IV. 2. Analyse transversale des dimensions étudiées IV.2.1. Les différents schémas de décision

IV.2.1.1. Schéma où prédomine l’autonomie du patient IV.2.1.2. Schéma se rapprochant du modèle délibératif IV.2.1.3. Schéma à prédominance paternaliste

IV.2.1.4. Rejet d’un modèle informatif pur IV.2.2. Les déterminants de la décision du patient

IV.2.2.1. La confiance dans le médecin

IV.2.2.2. Les attitudes face à la prise de risque IV.2.2.3. Les représentations du médecin

IV.2.2.4. Incidences de la communication médecin-patient IV.2.2.5. Les autres sources d’information

IV.2.3. La responsabilité

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IV. 3. Comparaison à la littérature IV.3.1. Résultats concordants

IV.3.2. Résultats différents ou inattendus

IV.3.2.1. Les schémas de la communication

IV.3.2.2. Une autonomie du patient adaptée à la situation ?

V. CONCLUSIONS REFERENCES ANNEXES

1. Questionnaire « Les dimensions de la décision »

2. Cas clinique « A propos d’un cas d’hypertension artérielle » 3. Cas clinique « Exemples portant sur des cas de cancer » 4. Plaquette de présentation

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Liste des abréviations utilisées

ECAM : Ecole Catholique des Arts et Métiers

ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé CCNE : Comité Consultatif National d’Ethique

cmHg : centimètre de mercure g/l : gramme par litre

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I. INTRODUCTION

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Droits de la personne malade, obligation faite aux médecins d’informer et d’obtenir un consentement libre et éclairé : depuis une quinzaine d’années, plusieurs textes ([1], [2])1 ont affirmé ou réaffirmé l’importance d’une implication des patients dans la gestion de leur santé et « le droit de chacun à être traité dans le système de soins en citoyen libre, adulte et responsable » [3]. Il faut notamment citer la loi du 4 mars 2002, relative à « l’information des usagers du système de santé [et à] l’expression de leur volonté ». Selon l’article L.1111-4, « toute personne prend, avec le professionnel de santé [...] les décisions concernant sa santé. [...] Aucun acte médical ou aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne ». L’hypothèse selon laquelle cette évolution devrait s’accompagner de la part des usagers du système de soins d’une volonté de participer aux décisions les concernant a servi de point de départ à cette étude.

La relation médecin malade, et plus précisément l’interaction médecin malade du point de vue des patients, sont les champs d’investigation de ce travail. Comment deux entités, qui semblent parfois si antagonistes, interagissent-elles pour aboutir à une prise de décision ? D’un côté, le patient, ses craintes, ses croyances, ses besoins (ce que nous pouvons résumer par la dimension patient). De l’autre, le médecin, son savoir, ses préjugés, ses motivations.

La revue bibliographique a conforté le bien-fondé de cette recherche pour trois raisons. Premièrement, elle montre le peu de références sur la question, tout au moins dans la littérature française (cf. chapitre Matériel et Méthodes).

Deuxièmement, les données disponibles suggèrent un désir d’implication des patients dans la prise de décision [4], corrélé à un indice de satisfaction [5]. Ce désir d’implication serait plus important chez les patients jeunes, et à haut niveau d’étude [6]. Troisièmement, elle pose la question de la capacité des médecins à s’adapter : de jeunes médecins, dans une étude anglaise [7], déclarent ne pas avoir les compétences requises pour faire participer les patients à la décision médicale, tandis que Doumenc et coll. (1993) mettent en évidence des discordances entre les besoins des patients et leur perception par les médecins [8].

1 Liste non exhaustive.

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La réflexion et l’élaboration de ce travail ont été structurées autour de trois modèles de relation médecin malade, comme définis par Charles et coll. (1999) [9] :

- le modèle paternaliste. Ses principes ont été formalisés par Parsons en 1951 [10].

Le médecin, animé par une morale du bien à faire, prend les décisions seul, car il sait ce qui est le mieux pour son patient. Il repose sur ce que S. Rameix nomme le principe de bienfaisance [11], et sur une communication à sens unique.

- le modèle informatif. A l’inverse du précédent, il se fonde sur le principe d’autonomie du patient. Le médecin adopte une position neutre, présente une information la plus complète et objective possible sur les différentes options thérapeutiques1. Le patient une fois informé, décide. La communication est également à sens unique dans ce modèle.

- Le modèle délibératif. Il repose sur le concept de décision médicale partagée, que nous devons définir dès maintenant. Nous retiendrons la définition donnée par Frosch et Kaplan (1999) [6] : la décision médicale partagée est un processus décisionnel dans le domaine du soin, fondé sur un accord mutuel entre médecin et patient, et qui prend en compte les risques chiffrés des différentes options thérapeutiques et les préférences du patient. Ce modèle suppose une communication à double sens entre médecin et patient.

L’objectif de ce travail est de savoir comment des personnes, usagers potentiels de la médecine, se positionnent vis-à-vis de la décision médicale partagée. Il s’agit d’une étude qualitative, basée sur une méthode d’entretien de groupe approfondi, que les anglo-saxons appellent « Focus group » (cf chapitre Matériel et Méthodes).

Elle devrait permettre aux professionnels de santé de disposer d’éléments de réflexion concrets pour la pratique médicale, à travers une meilleure connaissance de la dimension patient.

1 Cette modélisation est bien sûr schématique. En effet, on peut douter de la capacité du médecin à faire abstraction de sa propre subjectivité et donc à présenter différentes options sur un pied d’égalité.

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II. MATERIEL ET METHODES

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II. 1. Travail préparatoire II. 1. 1. Définition de la question

La première étape du travail a consisté à définir le plus clairement possible la question à laquelle nous voulions répondre. Nous avons été aidés en cela par Evelyne LASSERRE et Axel GUIOUX du Département de Sciences Humaines de l’Université Lyon 1. Ils nous ont permis de voir le sujet d’une façon moins réductrice : de « les patients veulent-ils participer à la décision médicale ? », nous avons abouti à

« comment les patients se positionnent par rapport à la décision médicale partagée ? ». Nous sommes donc passé d’une question fermée à une question ouverte. Le but était d’induire le moins possible les réponses des participants, et de laisser émerger le plus grand nombre d’idées. Il fallait également éviter dans l’intitulé de la question de sous-entendre un jugement de valeur à travers le mot « veulent ».

Une fois la question cernée, nous avons cherché à rassembler les thèmes associés qui influencent la démarche décisionnelle en médecine. Ainsi, nous avons retenu la gestion du risque, les aides décisionnelles, les implications médico-légales.

II. 1. 2. Recherche bibliographique

Elle a été réalisée tout d’abord sur Internet, via le moteur de recherche PUBMED, en saisissant les mots clé « shared decision making ». La fonction « related articles » a ensuite été utilisée à partir de la référence [7]. Cela a permis d’augmenter la pertinence de la recherche tout en augmentant le nombre de références.

Nous avons ensuite consulté les index de « La Revue du Praticien - Médecine Générale ». Cela nous a permis de trouver des études françaises sur des sujets connexes. Cette recherche a permis de trouver les points de repères nécessaires à l’élaboration de l’étude.

II. 1. 3. Choix méthodologiques

Sans véritables travaux de référence à l’échelle française sur la question, il nous est apparu nécessaire de recourir à une méthode capable de faire émerger le plus grand

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nombre d’idées parmi les personnes interrogées. Nous avons fait le choix d’une étude qualitative1. Après examen des références bibliographiques, en particulier l’étude de Elwyn et coll. (1999) [7], la méthode qui répondait le mieux à nos critères était celle des « focus group » [12]. C’est une technique d’entretiens de groupe approfondis. Son objectif est de recueillir les opinions des participants. Les réactions des participants sont stimulées par la dynamique de groupe. Il est possible de faire préciser les propos de chacun lors la discussion, afin d’éviter les contresens. Cette méthode n’a pas de caractère limitatif, toutes les idées exprimées sont valables à priori.

La réalisation proprement dite d’un focus group repose sur :

ƒ un groupe de six à huit volontaires.

ƒ deux investigateurs : le premier joue le rôle de modérateur du groupe, répondant aux éventuels questions des participants, recentrant le propos en cas de hors sujet, utilisant les techniques de reformulation pour assurer une bonne compréhension des propos des participants. La deuxième personne assure l’enregistrement audio-phonique des entretiens ainsi que la retranscription manuscrite d’éléments non verbaux (approbation, émotion, agacement...) pouvant être pris en compte dans l’étape d’analyse pour la pondération des idées exprimées.

ƒ un questionnaire (cf chapitre suivant). Il regroupe l’ensemble des dimensions à aborder au cours de l’entretien. Seul le modérateur dispose de ce questionnaire, il lui incombe de vérifier que l’ensemble des questions est abordé au cours de l’entretien.

II. 1. 4. Elaboration du questionnaire

Il faut préciser que nous ne disposions pas de modèle pré-établi. L’élaboration de ce questionnaire a eu lieu en plusieurs étapes. Nous avons dû recourir à deux tests (nous y reviendrons au chapitre II.1.5).

1 Nous avons délaissé d’emblée l’idée d’aboutir à des résultats « statistiquement » significatifs. Cela pourrait être l’objet d’études quantitatives ultérieures.

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L’objectif de ce questionnaire est de définir les dimensions à aborder lors des entretiens. C’est un canevas, le modérateur peut poser directement les questions ou les laisser émerger d’elles-mêmes en cours d’entretien.

Nous avons défini huit questions. Elles correspondaient aux dimensions qui nous semblaient importantes à aborder à travers le concept de décision médicale partagée. Nous nous sommes inspirés des travaux de Deber et coll. (1996) [4]. Les dimensions étaient :

ƒ le partage de la décision, la prise en compte par le médecin des préférences du patient, et la possibilité d’un désaccord entre les deux

ƒ la perception par le patient de l’hésitation du médecin

ƒ les aides à la décision et les autres sources d’information que le médecin

ƒ la gestion de la peur et de la responsabilité associées à une prise de décision.

Le questionnaire est reproduit en Annexe 1.

II. 1. 5. Les tests

Cette étape préalable a comporté deux phases :

ƒ Un « pré-test » a été soumis à un groupe de volontaires. Le débat était lancé à partir du questionnaire seul. Le but était de vérifier la clarté des questions. Cela a permis de se rendre compte que 1) les termes des questions formulées étaient compréhensibles, et engageaient bien les participants sur le bon champ de réflexion, et 2) les participants étaient gênés pour répondre aux questions. En effet, ils souhaitaient constamment savoir dans quel type de maladie on se situait (bénigne, chronique, mortelle). Il apparaissait donc difficile de lancer d’emblée les débats dans le champ de la réflexion abstraite. Nous avons donc élaboré à l’issue de ce pré-test des cas cliniques, afin de proposer aux futurs participants un support de réflexion. La forme initiale de ce support comportait trois cas cliniques abordant respectivement une maladie bénigne (l’angine), une affection chronique (l’hypertension artérielle), et une maladie potentiellement mortelle (le cancer).

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Nous avons exclu les cas d’urgence vitale (infarctus du myocarde par exemple) qui ne nous semblait pas correspondre à notre champ de réflexion1.

ƒ La deuxième phase consistait à réaliser un focus group en conditions réelles.

L’utilisation des cas cliniques a induit deux problèmes. D’une part, nous avons remarqué que ces cas cliniques pouvaient bloquer la discussion, en enfermant d’emblée les participants dans un exemple trop précis et pas forcément parlant pour chacun. D’autre part, les participants ont demandé beaucoup d’explications complémentaires sur les cas cliniques, pour se cultiver. Cela posait le problème du hors sujet et de la difficulté à recentrer l’entretien. De plus, cette discussion technique « approfondie » a abouti à une perte d’intérêt du cas clinique sur l’angine2.

Ce deuxième test a entraîné de nouvelles modifications : la refonte des cas cliniques sur le cancer et l’hypertension artérielle, avec le souci d’y inclure des données chiffrées et des explications3 afin qu’ils puissent d’avantage « se suffire à eux- mêmes », et la suppression du cas clinique sur l’angine. Le modérateur insisterait dans ses relances sur le caractère non limitatif de ces cas cliniques.

Les deux cas cliniques retenus pour cette étude sont présentés dans les Annexes 2 et 3. Ils ont été remis en début d’entretien à chacun des participants des quatre

« focus groups » qui constituent le corps de cette étude.

1 Ceci est un choix arbitraire : sur quels arguments priverait-on de son autonomie une personne sous prétexte de l’urgence à traiter ? Néanmoins, notre recherche tente de s’inscrire dans une pratique quotidienne de médecine générale, et ce choix ne nous paraît pas aberrant. A noter que dans la littérature, l’urgence de la situation s’accompagne d’un renoncement à l’autonomie de décision par le patient [4].

2 En effet, une fois qu’on a expliqué la possibilité de réaliser un test de diagnostic rapide, la décision de traitement ne semblait plus représenter un enjeu particulier (« on se conforme au résultat du test »).

3 Nous avons pour cela utiliser des recommandations de l’ANAES [13,14,15]

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II. 2. Population de l’étude

II. 2. 1. Caractéristiques de l’échantillon

Tout d’abord, nous ne pouvons prétendre avoir accès à un échantillon représentatif des usagers du système de soins français. Ceci dit, nous n’avons ni la prétention ni la contrainte de produire des résultats statistiquement significatifs au travers de cette étude qualitative.

Nous avons fixé arbitrairement le nombre de « focus groups » à quatre1. Chaque groupe doit en principe être composé de six à huit participants.2 Nous avons décidé de recruter chaque groupe selon un critère particulier3 : des personnes âgées, des membres d’une association de malades, des étudiants, et des personnes vivant en zone rurale. D’une part, dans la littérature, ces critères influençaient l’attitude des patients [6]. D’autre part, il nous paraissait intéressant de faire émerger des différences entre ces groupes, qui pourraient faire l’objet d’une validation et d’un approfondissement ultérieurs par étude quantitative.

II. 2. 2. Critères d’inclusion et modes de recrutement

Les participants ont été recrutés sur la base du volontariat. Du fait de l’hétérogénéité des groupes, la méthode de démarchage n’a pas été standardisée. Nous avons utilisé deux modes de recrutement :

ƒ un mode de recrutement direct où les participants étaient rencontrés « en personne ». Cela a été le cas pour des étudiants sur le campus de l’Université Lyon 2.

1 Le nombre total de groupes n’est en principe pas fixé définitivement en début d’étude. En théorie, il faudrait en réaliser jusqu’à arriver à « saturation », c’est-à-dire ne plus obtenir de nouvelles idées sur le sujet. En pratique, cela est difficilement réalisable dans un temps réduit, par un thésard seul.

L’organisation, la réalisation et la retranscription (le recueil des données) des quatre groupes se sont déroulés entre janvier et septembre 2004.

2 Cet objectif théorique vise à assurer un minimum de dynamique de groupe (au moins six personnes), et à éviter une trop grande confusion (pas plus de huit personnes).

3 Certains critères découlaient de la volonté de se comparer aux données de la littérature, notamment sur l’âge et le niveau d’étude. Les deux autres critères sont « originaux » : implication dans les problèmes de santé, et distinction entre population urbaine et rurale.

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ƒ un mode de recrutement indirect où une plaquette de présentation (présentée en Annexe n°4) a été remise à une personne intermédiaire chargée de recruter des participants. C’est ainsi que nous avons procédé avec un des responsables de Réseau Santé, une association d’usagers de la médecine de Lyon, avec un étudiant membre du bureau des élèves de l’Ecole Catholique des Arts et Métiers (ECAM) de Lyon, avec les usagers de la maison médicale de Cessieu (Isère), et avec une infirmière travaillant à la maison de retraite de Virieu sur Bourbre (Isère).

Une date était fixée en accord avec les participants à partir du moment où l’on obtenait au moins six volontaires.

II. 2. 3. Critères d'exclusion Ils comprennent :

ƒ les personnes pour qui la décision nécessiterait l’implication d’un tiers représentant légal : les personnes mineures, les adultes sous tutelle.

ƒ les médecins et étudiants en médecine, du fait de la difficulté dans leur cas de séparer opinion personnelle et opinion médicale.

II. 3. Exploitation des données II. 3. 1. Analyse

Cette étape a comporté trois phases :

ƒ Chaque séance était retranscrite mot à mot à partir de l’enregistrement audio phonique, afin d’en obtenir le verbatim. Les propos de chaque participant ont été accompagnés des aspects non verbaux notés par l’observateur au cours de la séance.

ƒ Le verbatim ainsi obtenu était traduit sous forme d’occurrences. Il s’agit d’une étape de synthèse où chaque réplique a été retranscrite sous la forme d’une idée qui les résumait. Cette étape était réalisée de façon linéaire « au fil du texte ».

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C’est aussi le moment où ont été éliminés les propos jugés hors sujet. Un propos était considéré hors sujet quand il ne correspondait à aucune des dimensions recensées dans le questionnaire.

ƒ Les occurrences sont rangées dans les grandes dimensions étudiées, correspondant aux différents items du questionnaire charpentant les entretiens.

Cette étape aboutit à une analyse thématique, qui permet d’obtenir une vision transversale de chaque thème une fois l’ensemble des groupes réalisés.

II. 3. 2. Contrôle de la reproductibilité des résultats

Cette analyse a été réalisée de façon simultanée et non concertée pour chaque groupe retranscrit par deux personnes (en pratique le modérateur du groupe et le retranscripteur). Les résultats obtenus étaient ensuite comparés, et pour être validées, les deux analyses devaient aboutir à des résultats similaires.

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III. RESULTATS

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III. 1. Analyse de l’échantillon III. 1. 1. Composition des groupes

Nous les décrivons dans l’ordre chronologique de réalisation :

ƒ le groupe « Association » réalisé auprès de membres de l’association Réseau Santé. Il devait comporter douze volontaires, il a finalement regroupé 7 personnes, 5 femmes et 2 hommes. La cause des cinq défections n’est pas connue.

ƒ le groupe « Etudiants »1. Il comportait 7 personnes (sur 8 prévues), 3 femmes et 4 hommes. Six d’entre eux étaient des élèves de l’ECAM, la septième avait été recrutée sur le campus de l’Université Lyon 2. Là encore, la raison de la défection n’est pas connue. Il faut dire que les résultats ci-après sont ceux du deuxième groupe organisé. En effet, un premier essai infructueux (cinq défections sur sept volontaires attendus) ne permettait pas de réaliser le focus group.

ƒ le groupe « Rural ». Il fut composé de quatre personnes, uniquement des femmes. C’est le seul groupe où nous n’avons pas atteint l’objectif des six participants minimum.

ƒ le groupe « Personnes âgées ». Il comportait sept personnes, là aussi uniquement des femmes.

III. 1. 2. Pertinence des données recueillies

L’ensemble des données recueillies a été traduit en verbatims, puis en occurrences.

Il n’y a pas de propos considérés comme hors sujet.

1 C’est le seul groupe pour lequel a été partiellement utilisé un recrutement direct : démarchage à la cafétéria de l’Université Lyon 2-Parilly, à l’heure du déjeuner. Une quarantaine de personnes environ a été abordée. Parmi elles, quatorze se sont portées volontaires. Une fois la première date arrêtée, il restait trois personnes disponibles ayant répondu favorablement à l’invitation. Aucune d’entre elles n’est venue (la raison de ces défections n’est pas connue). Pour la deuxième tentative, toujours parmi les quatorze volontaires, il restait une personne acceptant effectivement l’invitation, et qui cette fois s’est présentée comme convenu. Cela donne une petite idée de l’écart entre population cible et échantillon étudié.

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III. 2. Le groupe « Association »

III. 2. 1. Comment les patients se positionnent par rapport à la décision médicale

Certaines personnes revendiquent une autonomie : elles prennent une décision, sans forcément en « référer » au médecin. Cette décision peut être prise en dehors du cadre de la consultation, soit en préambule (« la négociation elle était déjà à l’intérieur de moi-même, je me fixe des objectifs »), soit après (« t’as toujours le choix de dire OK, ou bien de prendre l’ordonnance et de ne pas acheter le médicament, de pas le prendre »).

Cette décision peut reposer sur :

ƒ des croyances (« j’ai un peu mes idées à moi aussi... j’ai toujours été pour les méthodes naturelles. Donc j’écoute pas forcément le médecin de médecine générale, bien que je pense qu’ils aient une certaine sagesse. Mais moi j’en ai une autre »).

ƒ des préférences qui orientent le choix des patients vers différentes options de traitement. Lors de l’évocation du cancer à travers le cas clinique, une distinction est apparue entre les participants. Les plus jeunes du groupe accordaient plus d’importance au maintien de leur qualité de vie, alors que les plus âgés semblaient privilégier une plus longue espérance de vie.

ƒ des craintes (« j’aurais tendance à préférer la chirurgie que la radiothérapie [...]

j’ai pas confiance en la radiothérapie [...] c’est moins naturel... y a un risque de cancer qui est plus important »).

ƒ le rejet des certitudes du médecin (« c’est un gros problème de la médecine [...]

on est souvent face à des gens qui vous disent « c’est sûr que » et qui auraient tendance à vous enlever la décision »)

ƒ la recherche d’informations : lectures (« j’essaie de lire des choses qui m’ouvrent un peu les yeux »), association de malades (« si je suis à « RESEAU SANTE », c’est déjà que j’ai quand même ce souci de la santé, d’écouter les gens qui ont vécu la même chose »).

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ƒ l’effet attendu et ressenti du traitement (« si j’ai un effet secondaire [ou] si je vais mieux, j’arrête le traitement »). Le patient peut parfois adopter une attitude

« irrationnelle » du point de vue strictement biomédical (« se soigner en mettant le médicament dans sa poche » ).

Cette autonomie rencontre des limites :

ƒ le manque de compétence du patient (« le milieu médical, c’est pas ma compétence, donc je suis obligée de faire confiance au médecin »).

ƒ l’implication personnelle en tant que malade, qui rend plus difficile la demande d’information (« ça m’était plus facile de demander car je n’étais pas en cause moi même »).

ƒ la gravité de la situation. Des nuances sont apparues lors de l’entretien. Soit elle est directement et implicitement ressentie par le patient, et celui-ci adoptera spontanément une attitude de dépendance. Soit la réflexion est encore présente, et c’est alors une question posée au médecin (« est-ce qu’il y a un risque immédiat ») qui va permettre au patient de prendre conscience du pronostic. Le patient, sauf en cas de risque immédiat (« que quelque chose se déclenche entre ce soir et demain matin ») souhaite prendre un temps de réflexion, chercher des alternatives.

ƒ l’état psychologique du patient : ce désir d’autonomie est une démarche qui semble coûteuse en énergie, en investissement personnel pour le patient (« tout dépend à quel stade on va être, et tout dépend aussi moralement, comment on est. Le moral compte »).

ƒ le manque de temps est une difficulté pour le patient (« y a le problème du temps aussi. C’est souvent, il faut faire très vite ») (« je pense que y a plein de cas où les gens peuvent prendre une semaine pour réfléchir et avoir tous les éléments pour décider, sans avoir à décider tout de suite en sortant de chez le médecin »).

L’attitude face à la prise de risque semble être un autre déterminant important des décisions du patient . Deux attitudes ressortent dans cet entretien :

ƒ l’acceptation du risque, en l’occurrence de ne pas se traiter : celle-ci repose sur deux conceptions différentes : la première repose sur une prise de risque passive, par défaut, avec l’acceptation du risque d’être confronté à une complication (« je

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ne veux pas prendre un médicament alors que après tout on est encore dans l’incertitude et ce n’est que des suppositions »). Dans une situation de prévention comme l’hypertension artérielle, cela fait intervenir les notions de plaisir, de confort qui vont être privilégiées par opposition aux contraintes d’un traitement. La deuxième conception s’appuie sur une prise de risque active, délibérée (« je n’aurais pas pu faire certaines choses de la même façon si je m’étais bourré de calmants [...] la douleur que j’ai subie un certain temps, alors qu’on me disait qu’il fallait pas, c’est un des éléments qui m’a permis de sortir de ce truc-là »).

ƒ la recherche du risque minimum, qui se traduira par une acceptation apparemment sans discussion des traitements (« je prends les médicaments, pas

« bête et disciplinée » mais en sachant très bien que j’aurais plutôt envie de passer à côté d’un accident cérébral ou d’une insuffisance rénale [...] et pour le diabète c’est pareil. Donc je me soigne parce que il n’y a pas d’autre solution, si on veut pas s’abîmer la vue et j’sais pas quoi, tout ce qui y a avec le diabète»).

Cet item a été exprimé plutôt par les personnes les plus âgées du groupe.

Notons qu’une même personne peut adopter des comportements différents selon la situation. Par exemple, la personne qui se dit obligée de faire confiance au médecin à cause de son manque de compétence technique prend l’initiative de consulter un spécialiste endocrinologue pour faire vérifier son diabète, à un moment où elle se sent moins bien physiquement. Elle le fait sans demander l’avis de son médecin traitant, quitte à revenir lui en parler après (« Je fais confiance entre guillemets à mon généraliste car il y a des choses que j’ai été faire vérifier par d’autres [...] Je lui en ai parlé après, mais la décision venait de moi, de m’informer un peu mieux sur le diabète. J’en étais à un point vraiment fatiguée, alors j’ai pris les choses en main»).

Cette attitude est d’autant plus singulière qu’elle correspond à une augmentation de l’autonomie du patient dans une situation de plus grande gravité ressentie.

L’information est une attente importante des participants, et c’est un préalable indispensable à leur prise de décision. Le médecin n’est pas la seule source d’information. Les composants de l’information attendus de la part du médecin, cités lors de l’entretien sont :

ƒ des explications sur la maladie (« ça commence par l’explication de la maladie.

Ca commence par là : expliquer »), ses causes.

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ƒ une liste exhaustive des options thérapeutiques disponibles, méthodes

« expérimentales » comprises.

ƒ pour chaque option, les bénéfices attendus mais aussi les risques, les complications possibles, le taux d’échec.

L’information reposerait aussi, pour les participants, sur une recherche de leurs propres sources d’information. Cette démarche nécessite du temps, et semble peu compatible avec une prise de décision dans le temps de la consultation. Cela indique également que les patients auraient besoin, au moins en partie, d’une information qui ne correspond pas au savoir biomédical. Nous mettrons cela en perspective avec le « manque de temps » évoqué auparavant comme limite de leur autonomie.

L’information donnée par les médecins est source d’insatisfaction chez les patients si elle leur semble :

ƒ trop partielle : ils ne se sentent pas assez informés sur les risques, les effets secondaires des traitements. Le manque d’information diminue la confiance du patient, et entraîne chez lui de la frustration.

ƒ manipulée (« est-ce que les médecins noircissent pas le tableau ») dans le but de leur imposer un traitement.

ƒ inadaptée à leurs attentes : comme dans l’exemple donné par une personne en demande « d’explications sur sa maladie » : « Moi j’ai une polyarthrite [...] on ne m’a jamais dit que c’était une maladie qu’on ne guérissait pas. J’ai été vraiment frustré de ce contact, de ne pas savoir ce qu’était ma maladie. Je l’ai appris par la suite par moi-même, par les associations. On reste frustré de ne pas savoir ce qu’on a. »

Un modèle de décision partagée est évoqué, plutôt comme un idéal (« dans l’utopie peut-être d’une situation idéale, est-ce que si la décision était prise à deux, sans à priori de part et d’autre, que ce soit du patient ou du thérapeute »). Il est fondé sur un

« dialogue » où les informations circulent dans les deux sens, le médecin alternant les rôles d’émetteur et de récepteur. Le patient attend que le médecin s’implique personnellement dans le choix, tout d’abord en présentant les différentes options (« la question de base, moi j’y reviens parce qu’elle me tient à cœur, c’est que

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encore faut-il qu’on vous dise qu’il y a plusieurs solutions »), puis en les hiérarchisant (« quand on dit décision prise à deux, c’est : « voilà, je pense, ce qui est le mieux ». Il faut qu’il y ait ce petit dialogue »).

Ce modèle où le patient participe à l’élaboration d’une décision trouve une justification dans les propos d’une des participantes, pour qui un patient actif dans le processus de soins, qui augmente ses connaissances sur sa pathologie, aura de meilleures chances de guérison (« Plus il en sait sur sa pathologie, plus il semblerait qu’il puisse lutter contre. Parce que s’il sait pas, il subit, il est passif ! Et que plus il va augmenter son niveau de connaissance et plus il... c’est peut-être que psychologique... mais après tout pourquoi pas mettre cette chance-là aussi de notre côté... de pas être là comme ça les bras ballants, d’être acteur de son mal et de sa pathologie »).

Ce mode d’interaction repose sur la notion de confiance (« on peut accepter une proposition de soins finalement de quelqu’un qui aura su nous inspirer de la confiance et pis c’est tout ! »). Cette confiance est un critère clé, dont les caractéristiques et les définitions énoncées lors de l’entretien sont les suivantes :

ƒ c’est un passage obligé pour le patient et le médecin. Pour le patient, si tant est que tout soin nécessite une position extérieure (« De toute façon [...] y a un moment où tu es obligé de faire confiance [...] je suis pas sûr que tu sois apte à te soigner toi-même »). Pour le médecin, car le patient n’ira pas consulter un médecin en qui il n’a pas confiance.

ƒ c’est une information transparente donnée par le médecin qui répond le mieux possible aux attentes du patient : « je pouvais faire confiance à la personne [...]

qu’effectivement elle ne m’avait rien caché ».

ƒ c’est indépendant du type de pratique du médecin. Le recours à des médecines alternatives a été évoqué, mais la forme d’exercice n’intervient pas directement dans la confiance. Celle-ci reste attribuée au médecin en tant que personne.

ƒ c’est une écoute de la part du médecin : celui ci doit d’abord percevoir les attentes du patient, y compris dans les non dits, quitte à susciter les questions à la place du patient (« c’est pas parce qu’on dit rien qu’on ne demande rien »). Il doit ensuite appréhender le caractère singulier de la plainte du patient (« le

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malade, il dit « J’ai mal de telle façon » : essayer de comprendre ce qu’il veut dire, c’est ça aussi la confiance») et accepter de se pencher sur la complexité de son cas particulier.

ƒ c’est une attitude réciproque : le médecin doit respecter les préférences du patient, l’accompagner dans sa décision, y compris si celle-ci va à l’encontre de ce que le médecin pense être le mieux pour lui (« la confiance, faut qu’elle soit réciproque... [le médecin] a fait confiance à mes capacités [...] et finalement ça a eu encore plus d’effets bénéfiques qu’il le pensait lui-même »).

ƒ c’est un moment d’échange privilégié (« C’est une relation pas qualifiable. C’est un instant de confiance, d’échange, de regard. Pour ma part, c’est l’instant qui va me faire prendre la décision, pas la réflexion »). Il y a donc une possibilité de prise de décision dans l’instant plutôt que dans le temps de la réflexion. Notons que cela contraste avec d’autres conceptions évoquées auparavant, fondées sur ce temps de réflexion et la recherche systématique d’information.

Les trois derniers items montrent l’importance d’une communication à double sens, et pas seulement unidirectionnelle comme dans un modèle médecin émetteur / patient récepteur.

Ce modèle semble rendre acceptables au patient des éléments qui autrement seraient rédhibitoires :

ƒ la subjectivité du médecin : elle semble dans ce cas recherchée par le patient qui attend qu’il lui dise « moi, je pense que ». Alors qu’elle est inacceptable dans une relation de type paternaliste (« il [le médecin] sait ce qu’il sait, mais après tout, est-ce qu’il sait ? Alors il sait plus, c’est sûr qu’il a des connaissances aujourd’hui, mais après tout [...] et puis aussi il a ses croyances »).

ƒ l’absence d’alternative de traitement (« Mais parfois, il peut ne pas y avoir d’alternative, c'est-à-dire que il se peut très bien selon un diagnostic, on dise :

« sincèrement, si vous me demandez mon avis, je pense que c’est ça qui est mieux, maintenant, et dans cette situation ». Des fois il n’y a pas d’alternative, et je pense que là bon, pourquoi lutter ? »).

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ƒ l’hésitation du médecin. Lorsqu’elle est expliquée au patient, elle engendrerait plutôt sa confiance (« Ah non, moi l’hésitation du médecin, moi, ça me fait l’effet inverse »).

ƒ l’acceptation de l’échec, et l’évolution vers une responsabilité partagée (« cette décision prise ensemble, en adultes, ça aurait un effet [...] « je te tape pas dessus parce que, en trouvant toutes les excuses du monde, on [l’]avait prise ensemble, et ben ça a pas marché»).

La limite évoquée pour ce modèle est une attitude trop subjective, sans distance professionnelle, qui entraînerait une implication trop personnelle du médecin. Du même coup, le médecin pourrait être gêné dans sa prise de décision (« parfois on a l’impression que c’est peut-être une façon [pour le médecin] de se protéger, de dire

« je parle pas vraiment au patient » [...] c’est peut être une implication qui [...] peut parasiter le diagnostic ou une décision »).

III. 2. 2. Les représentations du médecin

- Les médecins, en général, ont changé : ils sont plus ouverts d’esprit qu’avant.

- L’âge du médecin semble intervenir : les patients craindraient plus les médecins âgés (« si ça avait été un médecin plus âgé, j’aurais peut être craint de faire ça dans son dos, et puis de lui dire après surtout »), alors que la relation est plus détendue avec un jeune médecin (« c’est un jeune médecin, je n’ai rien contre les jeunes mais à mon âge, ça me fait penser plutôt à un de mes fils et la relation est bien sympa, je suis très décontractée avec lui »), le patient ose lui parler plus facilement.

- Le sexe du médecin interviendrait également, pas comme un jugement de valeur, mais là encore comme un facteur qui agit comme une aide ou un frein à la communication. Dans l’exemple ci-après, c’est une femme qui parle : « j’avais à faire à une femme peut-être aussi, je sais pas... J’ai une relation plus facile avec les femmes ou les jeunes filles qu’avec les hommes ».

- Le choix de « son » médecin : une des participantes évoque le médecin comme

« une personne qui nous ressemble », à laquelle on peut s’identifier. Elle emploie le terme d’ « empathie » du patient à l’égard du médecin. Cela suggère que, comme on

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parle d’une attitude empathique du médecin vis-à-vis de son patient, il pourrait exister une attitude empathique en miroir du patient qui comprendrait aussi son médecin. Cela fait également référence au transfert sur le médecin.

Les reproches énoncés à l’égard des médecins ont été :

ƒ les attitudes autoritaires, paternalistes du médecin.

ƒ la certitude du médecin. Elle entraîne la méfiance et le doute du patient.

ƒ les médecins « expéditifs ». Certains patients ont exprimé une crainte envers des médecins qui vont proposer d’emblée la solution la plus radicale (« le chirurgien »). Cet item a été cité lors de l’entretien par les personnes les plus âgées du groupe.

ƒ le manque d’ouverture d’esprit du médecin, qui l’empêche d’accepter que le patient cherche et utilise d’autres méthodes de soins que celles que lui préconise.

ƒ les divergences d’avis entre médecins, qui entraînent la confusion du patient.

ƒ la subjectivité du médecin, quand elle n’est pas reconnue.

Les autres critères de qualité attendus de la part du médecin sont :

ƒ être compétent : établir un diagnostic, savoir mettre des mots sur les symptômes du patient.

ƒ utiliser un vocabulaire compréhensible et adapté à chaque patient.

ƒ aborder le patient dans sa globalité, savoir le replacer dans son contexte de vie.

ƒ ne pas considérer le patient comme un objet (« ça donne l’impression de n’être que l’outil de leur technique »).

III. 2. 3. Les aspects de la communication médecin/patient qui peuvent influencer la décision

- Un des participants insiste sur l’importance de la communication non verbale du médecin (son attitude, son regard) : cela met le patient en confiance, le rend

« réceptif ».

- Le lieu : disposer d’un espace agréable et intime est important.

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III. 2. 4. Les autres sources d’information que le médecin

Les participants ont évoqué comme nous l’avons vu précédemment le besoin d’une information autre que celle relevant du savoir biomédical. Les recours cités ont été :

ƒ les expériences vécues par d’autres malades, au sein des associations de malades. Celles-ci fondent des à priori qui sembleraient influencer les décisions ultérieures.

ƒ les lectures («lire des choses qui m’ouvrent un peu les yeux»). Cet item est resté assez flou.

ƒ le rôle de l’entourage a été évoqué lors de l’entretien. Les points de vue quant à son poids dans la décision ont été divergents. L’opinion qui semblerait se dégager est la suivante : l’entourage peut aider le patient à assumer sa décision grâce son soutien (ou au contraire augmenter sa difficulté s’il s’y oppose). Le patient n’attend pas que l’entourage participe à la prise de décision.

III. 2. 5. Conséquences sur la notion de responsabilité

Comme nous l’avons vu précédemment, une démarche de décision partagée entraînerait un partage des responsabilités, et une plus grande acceptation de l’échec.

III. 3. Groupe « Etudiants »

III. 3. 1. Comment les patients se positionnent par rapport à la décision médicale

Trois conceptions ont été évoquées lors de l’entretien.

ƒ Un premier modèle a été décrit par l’un des participants : son autonomie de décision prédomine. Sa démarche était fondée sur une évaluation personnelle du risque. Pour l’exemple de l’hypertension, son critère de décision était le délai d’apparition supposé des complications, en l’occurrence différé de plusieurs années.

Puisque le risque n’est pas immédiat, il devient acceptable de ne pas se traiter tout

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de suite (« on me dit : 10 à 20% de chance d’avoir un accident quelconque chez l’homme dans les 10 prochaines années, donc moi je dis je me donne 6 mois [...] je me permets d’essayer autre chose, 6 mois c’est pas grand chose »). Il restait néanmoins ouvert à l’avis du médecin. Celui-ci peut justement l’aider à prendre conscience du risque immédiat (« si mon médecin me dit : « Y a un fort risque, on ne sait pas », là c’est sûr, j’élimine [la tumeur chirurgicalement] »). De plus, il a émis des réserves sur les statistiques : on considère une moyenne, donc les chiffres ne lui sont pas adaptés. En étant consciencieux, il aura forcément de meilleurs résultats (« ce taux de survie, c’est global, si on prend le nombre de gens qui ont suivi scrupuleusement les indications qu’on leur a faites, tout de suite il va augmenter [...]

y a forcément un bon nombre de gens qui suivent pas les indications. Moi je vais me dire déjà, ce chiffre il est pas adapté à moi »). Dans l’exemple sur le cancer de la prostate, il choisirait la radiothérapie plutôt que la chirurgie, en se disant que son sérieux augmenterait ses chances de guérison. Il s’est montré critique à l’égard des possibilités de manipulation de l’information par le médecin (« l’art de la rhétorique »).

Il a été le seul à évoquer l’hésitation du médecin comme une opportunité laissée au patient de faire un choix (« c’est plus de l’incompétence mais de la liberté, de la prise de liberté du patient. Ce qui n’est pas forcément plus mal [...] un médecin qui doute, qui ne sait pas, qui dit : écoutez, je ne vois vraiment pas comment je pourrai prendre une décision, c’est à vous de la prendre »).

En cas de désaccord, le médecin serait responsable, puisque contrairement au patient, il est censé avoir la connaissance et être objectif. Ce serait donc sa faute s’il n’a pas réussi à convaincre le patient.

Enfin, il a évoqué le dépistage plutôt comme une contrainte, liée à la difficulté d’accepter un traitement alors qu’il ne se sent pas malade et à la nécessité de renouveler l’ordonnance.

ƒ Le deuxième modèle énoncé a les caractéristiques suivantes : le patient est limité par ses peurs1 et son manque de compétence dans le domaine biomédical. La

1 Les composants de la peur cités étaient : les conséquences de la maladie, proportionnelles à la gravité ressentie de celle-ci, la symbolique de certains mots ( « traitement à vie » lié à la dépendance,

« cancer » lié à la mort), la responsabilité de la décision.

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confiance que le médecin lui inspire va lui permettre de se rassurer (importance d’un médecin « qui nous correspond »). Il attend une information objective1, fondée sur les données de la science ou sur l’expérience professionnelle du médecin. Pour les participants se retrouvant dans ce modèle, les statistiques ont de l’intérêt : cela leur permet de peser les conséquences de chaque option thérapeutique. Cette information va lui permettre d’augmenter ses connaissances et de se sentir capable de décider (« devenir expert sur soi même »). Le conseil du médecin est très important pour orienter le patient dans son choix, et son soutien va l’aider à assumer ce choix. Pour résumer, on pourrait parler de « décision médicalement assistée » : la décision revient en apparence au patient, même si elle reste très dépendante de l’intervention du médecin (« il faut toujours que le patient ait l’impression d’avoir pris lui même la décision »).

Chez ces participants, l’hésitation du praticien fait peur car elle est synonyme d’incompétence (« un médecin [...] on croit quand même qu’il a la solution miracle »).

Pourtant, ils sembleraient préférer une relation transparente où le médecin fait part de ses doutes. Ils ne veulent pas être manipulés par le médecin. Pour preuve, un médecin trop sûr de lui aura l’air suspect et les motivera à demander un deuxième avis. En cas de désaccord avec le médecin, le patient aura tendance également à demander un deuxième avis.

ƒ Enfin, le troisième modèle décrit est plus proche du modèle paternaliste. Le médecin est le mieux placé pour décider, le patient doit accepter son aide, s’en

« remettre totalement » à lui car il n’a ni le recul ni l’expérience suffisants pour décider. Lorsque le patient consulte, il fait implicitement confiance au médecin. Il accorde de l’importance à la réputation du médecin, d’autant plus que la situation est grave (« pour une grosse opération, je ferais plus confiance à quelqu’un dont je sais qu’il a des bonnes compétences »). Le médecin ne peut pas imposer sa décision au patient car celui-ci ne l’accepterait pas, mais il lui semble licite que le praticien mette tout en oeuvre pour le convaincre, en utilisant notamment ses compétences en communication (les autres participants ont dénoncé une possible manipulation).

1 Par opposition à l’avis personnel du médecin (« moi, je serais vous... »). Ces participants ont insisté sur ce point. Il garantit leur « liberté de choix ».

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Pour ces participants, le dépistage a été plutôt évoqué comme une opportunité. Le médecin ne doit pas se focaliser uniquement sur la plainte du patient.

Ce modèle n’exclut pas une participation active du patient (« acteur de sa maladie»).

Un des participants a insisté sur l’importance pour le patient de la recherche active d’information. Cela aurait, selon lui, un effet bénéfique sur son moral et sur la guérison en générale. Cela n’a cependant pas d’implication dans la décision.

Dans ce modèle, la « faute » d’un désaccord serait plutôt à la charge du patient, qui n’aurait pas fait l’effort de comprendre, de s’intéresser suffisamment. En cas de conflit, le médecin serait en droit de refuser d’assumer une décision du patient qui lui semble dangereuse. Cela pourrait être le moyen d’obliger le patient à réfléchir.

Notons que dans ces trois modèles, l’information circule à sens unique. Le patient participe plus ou moins à la décision, mais le médecin n’a rien à apprendre de lui.

III. 3. 2. Attitudes et capacités du médecin selon les représentations du patient III. 3. 2. 1. Attitudes et capacités du médecin qui auraient un effet favorable sur la confiance

ƒ Dans le premier modèle (autonomie du patient)

- proposer une information personnalisée (par opposition aux statistiques impersonnelles).

- répondre aux interrogations du patient sur les traitements1. Recevoir de l’information sur les effets indésirables ne remet pas forcément en cause l’acceptation du traitement.

ƒ Dans le deuxième modèle (patient limité par ses peurs et son incompétence) : - faire preuve d’objectivité, se limiter à parler de son expérience

professionnelle.

1 Les questions citées étaient : Quels sont leurs effets indésirables ? Sont-ils transitoires ou permanents ? Peut-on interrompre le traitement après l’avoir commencé ? Existe-t-il des alternatives non médicamenteuses ?

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- dire la vérité, dans un vocabulaire choisi avec tact (« dire la vérité mais pas de façon choquante »).

- essayer de convaincre le patient, et en dernier ressort ne pas imposer, accepter le choix du patient.

- rassurer le patient face à l’inconnu.

ƒ Dans le troisième modèle (paternaliste) :

- être compétent, avoir une bonne réputation : c’est d’autant plus important que la gravité de la maladie augmente ou nécessite des actes techniques.

- faire preuve de détermination : l’avis du médecin a d’autant plus de poids qu’il fait preuve d’une grande conviction.

- savoir se « vendre » : c’est le résultat qui compte.

III. 3. 2. 2. Attitudes et capacités du médecin qui auraient un effet défavorable sur la confiance

Elles comprennent aussi bien :

ƒ l’hésitation du médecin. Globalement, elle fait peur car le médecin est censé savoir, avoir des idées précises (« le doute du médecin est contagieux »). Elle est synonyme d’incompétence, de démystification du médecin1.

ƒ la certitude du médecin. Elle est inacceptable si elle lui sert à cacher ses doutes.

Cela revient à mentir au patient, à le manipuler, à choisir à sa place. Le patient a d’ailleurs la faculté de sentir que le médecin lui cache des choses.

ƒ la subjectivité du médecin. L’avis personnel du médecin intervient seulement si le patient lui demande. Les participants ont été inquiets quant au risque de manipulation de l’information qui réduirait l’autonomie de décision du patient2.

1 L’à priori positif sur l’hésitation du médecin, exprimé dans le premier modèle, est resté isolé.

2 Une nuance toutefois : le degré d’implication personnelle du médecin peut augmenter avec son degré d’ « intimité » avec son patient (ex : « mon médecin traitant qui est un ami »).

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III. 3. 3. Attitudes et capacités du patient intervenant dans la décision

Certaines valeurs propres au patient sembleraient influencer sa décision. Les deux exemples cités étaient :

ƒ la confiance dans les progrès de la science médicale. Une participante a justifié son choix de l’option « tumorectomie puis surveillance » dans l’exemple sur le cancer du sein, car plus elle attend, plus elle aura de chance de bénéficier d’un nouveau traitement plus efficace ou moins risqué.

ƒ l’attachement à son intégrité corporelle et la peur de la dépendance. Un des hommes participant a orienté son choix vers le traitement le moins délabrant dans l’exemple sur le cancer prostatique, en préférant diminuer le plus possible le risque de complications immédiates. Cette même personne a évoqué l’acceptation difficile du terme « traitement à vie » qui est assimilé à l’idée de handicap.

L’âge influencerait également la décision. Les jeunes auraient une perception spécifique du risque. Les participants ont expliqué cela par des caractéristiques propres à l’âge. En effet, les jeunes seraient plus inconscients (« on n’a pas les mêmes responsabilités que nos parents »), privilégieraient dans leur décision l’espérance de vie (par le choix de traitements efficaces), auraient envie de participer activement1, et ne seraient pas confrontés directement à la mort. Cela leur semble en opposition avec des adultes plus âgés qui auraient tendance à privilégier le confort de vie, à adopter une attitude fataliste devant la maladie et à se méfier des médicaments qu’ils ne trouvent pas naturels.

Le recours à un deuxième avis médical a été évoqué à plusieurs reprises comme une aide. L’hésitation du médecin, le désaccord entre le médecin et le patient, la trop grande certitude du médecin et la gravité de la maladie incitent le patient à demander ce deuxième avis. La multiplication des avis devient par contre source de difficultés en cas de divergences entre médecins.

1 Le patient « acteur » (cf. le troisième modèle du §1)

(40)

D’autres facteurs ont été cités, sans que leur implication dans la décision ne puisse être clairement établie :

ƒ les à priori et croyances du patient. Certains, comme l’accoutumance à des traitements chroniques, sont source d’inquiétude. D’autres, telles les hypothèses diagnostiques personnelles échafaudées avant la consultation, sont évoqués comme un moyen de réassurance. Elles seraient un moyen pour le patient de

« se sentir plus maître de [lui] » (« on soigne mieux ce qu’on connaît »).

Néanmoins, les participants n’ont pas estimé avoir la capacité de remettre en cause le diagnostic du médecin.

ƒ les « affinités » du patient : une des participantes a évoqué la confiance dans son médecin habituel, qui la connaît depuis longtemps et qui lui correspond, ainsi que la préférence d’un médecin qui lui montre de la sympathie et de l’intérêt plutôt qu’une attitude froidement professionnelle.

III. 3. 4. Autres sources d’information

Les expériences de l’entourage, notamment les cas similaires, éveillent la curiosité du patient. L’entourage joue un rôle ambivalent. Le patient sera rassuré de trouver des exemples de cas similaires où le choix qu’il ferait a eu des effets bénéfiques. A l’inverse, il serait angoissant que le choix effectué ne corresponde pas à ses préférences. L’avis de l’entourage a cependant moins de poids que celui du médecin.

III. 3. 5. Implications en terme de responsabilité

Les participants ont exprimé leur souci d’une possible manipulation de l’information par le médecin. Ils ont évoqué deux cas de figure :

ƒ la peur du risque médico-légal. Le médecin prend un risque en acceptant une décision par laquelle le patient se met en danger. Il pourrait chercher à influencer le patient dans son choix pour « se couvrir ».

ƒ le souci de sa réputation. Le médecin chercherait à « améliorer ses statistiques de guérison » en orientant le patient vers les traitements « les plus radicaux ».

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L’attribution d’une faute en cas d’impossibilité de parvenir à un compromis a également été abordée. Les avis ont divergé. Pour certains1, la faute reviendrait de principe au médecin. En effet, lui (avec son « savoir » et son « objectivité ») et le patient ne dialogueraient pas sur un pied d’égalité. D’autres2, au contraire, désengageraient la responsabilité du médecin dès lors que le patient prendrait une décision potentiellement dangereuse pour lui même3.

L’information donnée par le médecin au préalable aurait un effet favorable sur l’acceptation d’un effet indésirable ou de l’échec d’un traitement.

III. 4. Groupe « Rural »

III. 4. 1. Comment les participants se positionnent par rapport à la décision médicale

Les participants ont évoqué un mode de fonctionnement proche de la définition de la décision médicale partagée.

Ils s’appuient sur un schéma de type délibératif.

Les participants ont insisté sur l’importance du respect de leur autonomie de décision. Les justifications apportées ont été les suivantes :

- le patient veut décider car c’est lui qui est concerné en premier lieu.

- le patient peut décider à partir du moment où le médecin explique.

- si le médecin présente plusieurs options de traitement, il lui semble logique de pouvoir choisir.

- c’est une façon pour le patient de se sentir « acteur », c’est-à-dire de participer activement à la prise de décision à toutes les étapes du processus de soins. Ceci en phase avec une évolution plus générale de la société. Pour les participants,

1 Cette conception a été énoncée par le tenant du premier modèle du §1.

2 Les partisans du troisième modèle du §1, le plus proche du modèle paternaliste.

3 Ils sembleraient reprendre en cela une conception du soin fondée sur le principe de bienfaisance, ce qui est concordant avec le modèle paternaliste.

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cela semble correspondre à une démocratisation de la relation médecin malade.

Les patients ont maintenant « le droit à la parole » et peuvent contester les paroles ou les actes du médecin1. Cette évolution implique logiquement un changement du médecin (« maintenant, on peut remettre en cause ce qu’a dit le médecin, je vois pas comment un médecin pourrait prendre une telle responsabilité : [décider] tout seul »).

Le patient recherche le conseil du médecin. Il ne veut pas supporter seul la responsabilité de la décision. Il attend que le médecin s’implique dans cette décision et son avis personnel a du poids2. Il peut même le lui demander explicitement pour l’impliquer davantage («je lui ai carrément demandé : « Et si c’était vous, qu’est-ce que vous feriez ? » [...] ça me parlera plus que des statistiques, et mon mari ça l’a aidé à prendre sa décision, alors je sais que je le referai »). Le médecin apparaît alors plus humain que s’il communique une information uniquement fondée sur des statistiques. Son avis personnel a néanmoins des limites puisqu’il n’est pas touché personnellement par la maladie.

La consultation pourrait alors permettre de trouver un compromis acceptable pour le patient entre ses préférences et l’opinion du médecin. L’ouverture du médecin à la discussion permettrait cette recherche d’un compromis en produisant des options inédites, moins standardisées (« un médecin qui [...] est prêt à entendre ce que l’autre a à dire, et [...] on peut voir ensemble les éventualités qui peuvent s’ouvrir pour solutionner le problème »). Néanmoins, l’impossibilité de parvenir à un accord a été abordée. Le patient peut prendre une décision qui va à l’encontre de celle du médecin. Dès lors, il attend un soutien, sans jugement de la part du médecin.

Ils rejettent un modèle de type paternaliste.

Un médecin fermé à la discussion entraîne une rupture de la relation («soit c’est quelqu’un qui est fermé « C’est moi et je suis le seul chef à bord », eh bien je prends

1 Contrairement au passé : « avant [...] c’était Dieu le médecin, [...] dans un village y avait le curé, le maire et le docteur, [...] ce qu’il disait c’était forcément vrai ».

2 Par opposition aux statistiques qui paraissent impersonnelles dans les propos des participants.

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