J.M.
BESLE,J.P. JOUANY
INRA Unité de la
Digestion
Microbienne Theix 63122Saint-Genès-Champanelle
La biomasse
pariétale
des fourrages
et sa valorisation
par les herbivores
C’est grâce à la présence d’une population microbienne dense dans
les réservoirs gastriques des ruminants et des camélidés,
oudans le
caecumet le côlon des équidés, que les herbivores peuvent utiliser efficacement la matière organique des fourrages. Cette population microbienne
est particulièrement adaptée à utiliser les glucides pariétaux
enplus
des glucides réputés plus digestibles que sont les
oses(glucose, fructose),
les diholosides (saccharose) et les polyholosides (amidon, inuline, fructosanes).
L’essentiel de la
paroi végétale
est constituéede
glucides pariétaux (cellulose,
hémicelluloses et substancespectiques)
et delignine.
Cesmolécules sont fortement
polymérisées.
La cel-lulose est formée d’unités
glucose
liées enpl-4.
La structure des hémicelluloses est
plus
com-plexe puisqu’elles
contiennent à la fois des pentoses(arabinose - xylose),
des hexoses(glu-
cose, mannose,
galactose)
et des acides uroni- ques. Les substancespectiques
sont essentielle-ment constituées d’acide
galacturonique.
Ellessont surtout localisées dans la lamelle
mitoyenne
située entre les cellules. Lespolyo-
sides sont
potentiellement
utilisables par lesmicroorganismes
du tubedigestif
des herbi-vores
qui
lesdégradent
en moléculesplus
sim-ples
et en osesqui
sont ensuite fermentés. Lalignine
est formée de nombreux noyaux aroma-tiques portant
des atomesd’oxygène
liés à deschaînes linéaires à 3 atomes de carbone. Des liaisons existent entre les
cycles aromatiques,
ou entre chaînes
linéaires,
ou entrecycles
aro-matiques
et chaîne linéaire. La structure de laparoi
renforcée à la fois par des liaisons directes(covalentes, hydrogène)
entrepoly-
mères et par de véritables ponts formés d’autres molécules
aromatiques,
les acidesphénoliques, principalement
entrelignine
et hémicelluloses.Les
glucides pariétaux représentent
une frac-tion
importante
de la biomasse renouvelable.En France, pour une
production
annuelle(1985)
de 124 M de t. de matière sèche de four- rages et résidus deculture,
lespourcentages
provenant desfourrages cultivés,
de la surfacenon semée et des résidus de culture s’élèveni t
respectivement
à 36,5, 41,1 et 38,1 % de la matière sèche totale. Les résidus de culturereprésentent
donc un tonnageimportant.
AinsiRésumé
-Au sein de la biomasse
végétale,
lescomposés
à teneur élevée enparois
consti-tuent une source d’aliments que seuls les herbivores peuvent utiliser.
Parmi les
herbivores,
le Ruminant a été de loin leplus
étudié. Les processus dedégradation
anaérobie descomposés lignocellulosiques
dans le rumen mettent enjeu
le rôlespécifique
desmicro-organismes (bactéries, protozoaires, champi- gnons).
Lesproduits
du métabolisme microbien sont directement utilisés par l’animal hôte comme sourced’énergie (acides
grasvolatils)
ou commeprincipal
fournisseur d’acides aminés
(protéines
microbiennessynthétisées
dans lerumen)
ou de vitamines
(vitamines B).
La teneur en
lignine
élevée de certainsfourrages
est cause d’une médiocredégra-
dation par les
micro-organismes
du tubedigestif.
Il estpossible
d’améliorer leur utilisation par trois moyens.Les traitements
technologiques
sont très nombreux mais seuls ceux auxalcalis,
surtout à l’ammoniac, et, dans certains cas le
broyage
et les traitementshydro- thermiques
sontéconomiquement
rentables et sedéveloppent
dans lapratique.
Les
procédés
aux moisissures blanches doivent encore êtredéveloppés.
Lesautres traitements
chimiques (oxydants, SO z ), physiques (irradiation)
etbiologi-
ques
(enzymes,
bactériesapportant
desnutriments),
ne sont pas suffisamment rentables. Les améliorationsapportées
par les meilleurs traitements ne permet-tent pas
cependant
dedépasser
unedigestibilité
de 0,5 - 0,6 pour les résidus trèslignifiés.
Les recherches futures doiventdévelopper
d’autres voies tout enperfec-
tionnant
(efficacité, économie)
lesprocédés
actuels.L’optimisation
de l’activité microbienne dans le rumen peut être atteinte en four- nissant aux microbes les nutriments dont ils ont besoin. En outre,l’emploi
dugénie génétique
ouvre desperspectives
dans l’amélioration de laproduction
d’en-zymes microbiennes
particulièrement
efficaces àl’égard
desparois
ou en permet-tant le
développement
de certaines activités microbiennes dans des conditions de milieu peu favorables(cellulolyse
en milieu depH faible).
L’optimisation
des fermentationspeut
être atteinte en choisissant letype
d’herbi-vore dont les
caractéristiques morphologiques
etphysiologiques
des réservoirs de fermentation sontoptimisées,
enpremier
lieu par leurposition (rumen
ou grosintestin) puis
en sélectionnant divers critères(capacité,
temps deséjour
des ali- ments,répartition
desphases liquides
etsolides, ...). Cette approche
est d’un inté-rêt considérable pour les pays
qui
s’orientent vers unsystème
d’utilisation des résidus trèslignifiés
del’agriculture.
les
quantités
récoltées en 1985 depailles
decéréales,
decolza,
deféverole-pois,
et decannes de maïs, de tournesol s’élèvent
respecti-
vement à 30, 0,3, 0,9, 7 et 0,8 Mt.
1 / Utilisation digestive des parois végétales par les herbivores
1.i
/ Anatomie du tube digestif
des herbivores
a / les ruminants
Le tube
digestif
du ruminant a laparticula-
rité de
posséder
3compartiments, appelés pré-
estomacs,
qui
sontplacés
en amont de la cail-lette, laquelle
estl’équivalent
de l’estomac dumonogastrique.
Le rumen est de loin leplus
volumineux des
pré-estomacs (environ
100litres chez le bovin
adulte) puisqu’il représente plus
de 90 % de leurvolume,
cequi correspond
à 70-75 % du contenu total du tube
digestif.
Son rôle est
important puisque
60 à 90 % de la totalité de ladigestion
a lieu dans cet organe.Les aliments y sont soumis à une attaque microbienne continue
pendant
environ 20heures et sont dans un
premier
tempsdégra- dés ;
lesproduits
de cettedégradation
sontensuite « fermentés ». C’est au cours de cette dernière
phase
que les métabolites microbienssont formés et que la
synthèse
desprotéines
microbiennes a lieu. Les aliments ne
peuvent quitter
le rumen que si la taille desparticules
atteint un seuil limite
(<
1 mm chez lemouton) qui
est le résultat de la masticationmérycique
et de la
dégradation
microbienne. Dans le casd’aliments très
lignifiés,
le temps deséjour
dans le rumen est fortement accru et, de cefait,
lesquantités ingérées
par l’animal sont réduites.b / les
herbivores
non ruminantsLe Cheval est le
principal représentant
decette
catégorie
d’animaux. C’est unmonogastri-
que herbivore dont l’anatomie du tube
digestif
se caractérise par l’existence d’un estomac de faible volume et d’un gros intestin
particulière-
ment
développé puisqu’il représente
environ65 % du volume total du tube
digestif (Jarrige
etMartin-Rosset
1984).
Cettepartie
distalehéberge
unepopulation
microbienne dont la densité estproche
de celle observée dans lerumen. Le Cheval se
distingue
du Ruminant par un temps deséjour
bref des aliments dans l’estomac et dans l’intestingrêle,
alors que l’ac- tion microbienne seprolonge pendant
environ20 à 30 heures dans le gros intestin, dont 5
heures dans le caecum. Contrairement au
Ruminant
qui mastique
peu lesfourrages
lorsde
l’ingestion,
le Cheval consacre environ 40 minutes etplus
de 3 000 coups de mâchoireavant de
déglutir
1kg
defourrage.
Les alimentsfibreux sont alors réduits en
particules
dont lataille moyenne est de l’ordre de 1,5 mm - ce
qui explique
enpartie
leur transitrapide
dans lapartie proximale
du tubedigestif.
c / les camélidés
On connaît assez mal la
physiologie
de ladigestion
chez ces animaux. D’une manière trèsschématique,
leur tubedigestif
estproche
decelui des ruminants. Il
possède
troiscomparti-
ments
placés
en amont del’équivalent
de lacaillette des ruminants. Ce dernier organe ne se
distingue
d’ailleurs de celuiqui
leprécède
que par unléger
renflement. Lacapacité
de cesréservoirs est de l’ordre de 100 litres chez les dromadaires adultes. Contrairement à la muqueuse du rumen, dont la structure interne est kératinisée et recouverte de
papilles,
celledu
premier compartiment
des camélidés est de type lisse et stratifiée bien que non sécrétoire.Ces animaux se
singularisent également
par l’existence de 2 groupes de sacsglandulaires
enforme de
cul-de-sac, placés
sur lapartie
anté-rieure
gauche
etpostérieure
droite du 1er com-partiment.
Leur rôle est mal connu. L’ensemble despré-estomacs
abrite unepopulation
bacté-rienne
importante qui
rassemble les mêmesgroupes
morphologiques
que le Ruminant. Laprésence
d’unepopulation
deprotozoaires
estmaintenant bien établie. En revanche nous ne
disposons
d’aucune donnée concernant l’exis- tence dechampignons anaérobies,
de myco-plasmes
et debactériophages qui
sont normale-ment rencontrés dans le rumen
(Jouany
etKayouli 1989).
1.
2
/ L’écosystème microbien responsable de la digestion
des parois
Le modèle « ruminant » est le mieux
adapté
pour décrire la
digestion
microbienne et les agentsqui
en sontresponsables puisque,
d’unepart
il estbeaucoup
mieux connu que celui des autres herbivores et que, d’autrepart
les don-nées obtenues chez ces animaux peuvent être
en
grande partie extrapolées
aux autresespèces
animales
qui
sont elles aussicapables
d’utiliserles
composés lignocellulosiques.
Le rumen
peut
être considéré comme un fer-menteur semi-continu où vit une
micropopula-
tion caractérisée par sa variété et sa densité. La
population
bactérienne estcomprise
entre 10°et 10’° cellules/ml de contenu
(figure la).
Elle est
composée
essentiellement de bacté- ries anaérobies strictes comprenantplus
de 200espèces
actuellement isolées. Une trentaine d’entre elles sont considérées comme des bac- tériesauthentiques
du rumen. Lesbactéries,
à ellesseules,
constituentplus
de la moitié de labiomasse microbienne totale
(Jouany 1978)
etreprésentent
lacatégorie
de microbes laplus complexe
et laplus importante.
On peut les classer selon leuraptitude
àdégrader
ou fer-menter les substrats
(bactéries cellulolytiques, amylolytiques, pectinolytiques, uréolytiques, protéolytiques ...), ou
bien selon leurréparti-
tion dans le rumen
(bactéries
adhérant forte- ment auxparticules solides,
bactéries faible- mentattachées,
bactéries fixées à laparoi
durumen, bactéries libres dans le
liquide).
Bienque le métabolisme de
chaque espèce
soitgénéralement simple,
les bactéries intervien-nent dans des chaînes
métaboliques
com-plexes,
selon des processus decomplémenta-
rité liés à la diversité des
espèces présentes.
Les
protozoaires
du rumen sont surtout des ciliés anaérobies(figure 1b).
On rencontreéga-
lement desflagellés
mais leur rôle est malconnu. La
plupart
utilisent l’amidonqu’ils
stockent sous forme de réserves et
qu’ils
fer-mentent ensuite lentement. Les ciliés appar- tiennent à la famille des Isotrichidae
qui
fer-mentent certains
glucides solubles,
mais l’éven- tail des sucres métabolisés varie selon les genres considérés. Laplupart
des autres ciliés(famille
desOphryoxolicidae) ingèrent
des par- ticules solides(fibres
ougrains d’amidon) qu’ils digèrent
selon des processus lents. Des études réalisées au cours des 10 dernières années ont montré que lesprotozoaires
ciliésont un rôle
quantitatif important
dans la cellu-lolyse (Jouany 1978).
Ilsproduisent
des cellu- lases(Bonhomme
et al1986)
et des hémicellu-lases actives
(Williams
et Coleman1985).
Lesciliés ont
également
une activitéprotéolytique (Ushida
et al1986)
àl’égard
desparticules
ali-mentaires et
bactériennes,
ces dernières consti-tuant la
principale
source de la couverture de leurs propres besoins azotés.Les
champignons
anaérobies(figure ic)
ontété isolés
depuis
peu(Bauchop 1979).
Desétudes récentes ont mis en évidence un rôle évident dans la
cellulolyse.
Ainsi des études in vitro(Hillaire
etJouany 1989)
ont montré quela
quantité
de matière sèche depaille qui dispa-
raît
pendant
48 heures d’incubation dans lejus
de rumen estaugmentée
de 33 %lorsque
l’oninocule des
champignons
dans un milieuqui
n’en contenait pas. Les
champignons
se fixentsur les tissus vasculaires des
tiges
et desfeuilles,
et même sur lapaille
de blé. Ils déve-loppent
unmycélium
à l’intérieur des tissus àpartir
des fractures occasionnées au cours de la mastication des aliments ou de leurbroyage,
oubien par les orifices naturels tels que les sto- mates
(Grenet
etDemarquilly 1987).
1.
3 / La dégradation des glucides pariétaux dans le
rumen(figure 2)
Les bactéries du rumen se fixent sur les par- ticules alimentaires
qu’elles dégradent
à l’aided’enzymes
extracellulairesqui
diffusent peu dans le milieu. Leshémicellulases,
par contre,sont
présentes
enplus grande quantité
dans laphase liquide
du rumen(Dekker 1976).
L’atta-chement des bactéries
qui
se fait par l’intermé- diaire duglycocalyx (enveloppe glycoprotéique
de la cellule
bactérienne)
où sont localisées les cellulases ethémicellulases,
est unpréalable
àla
digestion
bactérienne desparois.
Les étudesmicroscopiques
ont montré que lesbactéries,
contrairement aux
champignons
anaérobies(Grenet
etBarry 1988),
se fixent peu ou pas sur lesparois lignifiées.
L’équipement enzymatique
de lapopulation
microbienne du rumen lui
permet d’hydrolyser
La
dégradation
desglucides pariétaux dans
le rumendiminue beaucoup quand
la teneur enlignine
dufourrage augmente :
de80-96
%
pour unfourrage jeune,
ellepasse à 40-50
%
pourune
plante âgée.
les
polymères glucidiques
desparois végétales.
L’hydrolyse
de lalignine
n’a pas été démontrée.Les endo-cellulases
coupent
au hasard les par- ties internes des chaînes linéaires depl-4 glu-
cose pour former des molécules dont le
degré
de
polymérisation
estplus
faible. Les exocellu-lases attaquent le côté non réducteur de la chaîne et libèrent du cellobiose
qui
est ensuitehydrolysé
par les cellobiases pour donner duglucose.
Ce mode d’action nécessite lapénétra-
tion des enzymes à l’intérieur des structures fibreuses d’où la nécessité de voies d’accès suf- fisamment
larges
dans les fibres. Lalignine
aurait un double effet
négatif,
en réduisant lapénétration
dans les fibres(des
enzymes desmicroorganismes)
et en inhibantchimiquement
l’activité
enzymatique.
Ceci
explique
que ladégradation
desglu-
cides
pariétaux
desfourrages
diminuelorsque
leur teneur en
lignine
augmente(figure 3).
Ainsi, la
digestion
dans le rumen desglucides pariétaux
passe de 80-96 % pour unfourrage jeune
peulignifié,
à 40-50 % pour uneplante âgée (paille).
Lesprincipaux
facteursqui agis-
sent sur cette
digestion
sont :- la concentration en
lignine
duvégétal qui
est leprincipal
facteur limitant de ladigestion
desautres constituants
pariétaux.
Laprésence
desilice,
de cutine et de tanins diminueégalement
la
digestibilité
desfourrages (Van
Soest1982) ;
- la forme
physique
de l’aliment ainsi que lestraitements
physico-chimiques qu’il
a pu subir(broyage, chauffage, aplatissage, aggloméra-
tion ; attaquechimique
oubiologique ;
modede
conservation).
Certains de ces facteurs modi- fient la densité desparticules
et leurgonfle-
ment dans le
liquide
du rumen, cequi
altère leur temps deséjour
et leur accessibilité auxenzymes
microbiennes ;
- la nature de la ration,
plus particulièrement
les
compléments énergétiques, azotés,
ainsique les apports de minéraux
(phosphore,
sou-fre) qui
conditionnent directement la crois-sance microbienne et la
production
desenzymes
- les
caractéristiques
du « fermenteur rumen »qui dépendent
de l’animal :espèce,
type,âge,
état
physiologique.
Les oses
produits
au cours de ladégradation
des
polymères pariétaux
sont fermentés en anaérobiose selon des voiesmétaboliques
conduisant à la formation d’acides gras à chaîne courte
(acides acétique, propionique, butyrique, valérique, caproïque)
et de gaz(CO Z
et
CH 4 ).
Des acides ramifiés sontégalement produits
àpartir
de la fermentation des acides aminés(acide isobutyrique
àpartir
de lavaline ;
acideisovalérique
àpartir
de la leu-cine).
L’acide
acétique
est leprincipal
acideproduit
à
partir
de la cellulose dans le rumen(tableau 1).
Ils’accompagne parfois
de la formationd’hydrogène qui,
sous formelibre,
peut avoirune action inhibitrice à
l’égard
des cellulases.L’hydrogène
est utilisé par les bactéries métha-nogènes
dans laproduction
de méthane. L’ami- don favorise laproduction
d’acidepropionique
et de
CO z ,
tandis que lesglucides
solublesorientent les fermentations vers la
production
de
butyrate.
1.
4
/ L’utilisation des métabolites microbiens par le Ruminant
Contrairement au
monogastrique qui
tire sonénergie
surtout àpartir
duglucose,
le Rumi-nant
puise
l’essentiel de ses besoinsénergéti-
ques dans les acides gras volatils
(AGV)
issusde la fermentation des
glucides (tableau 2).
Dans le cas de
régimes
à base defourrage,
lesAGV fournissent de 70 à 80 % de
l’énergie
totale absorbée
(Vermorel 1978).
Le reste pro-vient du métabolisme des acides aminés
gluco-
formateurs
(alanine, arginine,
acideaspartique, asparagine, cystéine,
acideglutamique, gluta-
mine,glycocolle)
et deslipides.
Avec desrégimes
riches en céréales à amidon lentementdégradé (riz, maïs)
leglucose
apportejusqu’à
15 % de
l’énergie absorbée,
mais la fourniturede ce dernier au niveau intestinal est
générale-
ment faible avec les
régimes
à base de blé etd’orge.
Lepropionate
estprincipalement
utiliséau niveau du foie comme
précurseur
deglu-
cose selon un processus
appelé
«néoglucogé-
nèse ». La
néoglucogénèse
est donc unphéno-
mène essentiel chez le Ruminant dont le besoin
en
glucose, rapporté
aupoids métabolique,
estvoisin de celui du
monogastrique.
En outre, l’acétate est leprincipal précurseur
del’acétyl
CoA,lequel
intervient dans les voies essen-tielles du métabolisme cellulaire de l’animal
(synthèse
des acidesaminés,
des acidesgras).
L’énergie
de la fermentation des oses est uti- lisée sous forme d’ATP par les bactéries poursynthétiser,
àpartir
de structures carbonées etd’ammoniaque,
desprotéines
microbiennesqui
seront utilisées dans l’intestin
grêle
du Rumi-nant. Ces
protéines,
dont lacomposition
en acides aminésindispensables
estéquilibrée, peuvent
constituer l’essentiel desapports
d’azote a-aminé pour le Ruminant dans le cas
de
régimes
riches en azote nonprotéique.
Avecune alimentation à base de
fourrage,
la part quereprésente
l’azote microbien dans l’azote a-aminé duodénal est de l’ordre de 60 à 70 %
(tableau 3).
2 / Les moyens d’améliorer la valeur alimentaire
de la biomasse
La valeur alimentaire de la biomasse
dépend
de son
énergie
nette et des nutriments(qualité
et
quantité) disponibles
pour l’animal. Trèsschématiquement,
elle sera fortement liée auxcritères de
digestibilité
etd’ingestibilité
de l’ali-ment,
lesquels peuvent
avoir des valeurs faibles dans le cas d’aliments trèslignifiés (résidus
deculture)
pourlesquels
la fractionglucidique
réellement utilisée n’atteint
parfois
pas la moi- tié dupotentiel
utilisable. Cesfourrages
sont enoutre pauvres en azote et
parfois
aussi en cer-tains minéraux essentiels. Il existe
plusieurs
moyens pour améliorer leur valeur alimentaire :
en
réduisant,
par des traitementsdivers,
larésistance des
parois végétales
et en augmen- tant leur teneur en éléments utilisables(glu- cides, azote) ;
en améliorant lepouvoir hydroly- tique
desmicroorganismes ;
en modifiant lepotentiel
fermentaire lié à l’animal.2.
1 / Traitements technologiques
des fourrages très lignifiés
Ceux-ci sont décrits en détail dans
quelques
ouvrages
(Sundstol
et Owen 1984 ; les ateliers del’OCDE,
1981, 1984,Demarquilly 1987)
etdans de nombreuses revues
(Jouany
1975 ; Mil- let et al 1975 ; Han 1978 ; Fan et al 1983 ; Che- nost etDulphy 1987).
Nousprésenterons plus particulièrement
lesconséquences
des traite-ments sur l’utilisation des
fourrages
par l’ani-mal,
en nous limitant àquelques
résidus de culture. Les mécanismes d’action sur lesparois
seront seulement résumés.
a /
Méthodes physiques
Le
broyage agit
différemment suivant sonintensité.
Lorsqu’il
est relativementgrossier (broyeurs
à marteau, àcouteau),
il nejoue
quesur la surface
d’attaque
dufourrage.
L’effet estalors limité car la solubilité
cellulasique
n’estguère augmentée. Lorsque
lebroyage
est ultra-fin
(broyeur
à billes ou mieux, vibrant àbilles),
les structures
peuvent
être rompues au niveau moléculaire. L’effet barrièrephysique
de lalignine
serait alorspartiellement
levé(Morrison 1983).
Le coût
énergétique
dubroyage augmente cependant exponentiellement
avec la finesse desparticules.
Ainsi, dans la réalisation d’ali- ments pour animaux, la taille des brins reste de l’ordre dequelques
millimètres. L’animal réduit alors lefourrage plus rapidement -
en masti-quant
moins - à l’état de finesparticules
sus-ceptibles
de passer du rumen vers l’intestin. La comminutionaugmente cependant
aussi lavitesse de
dégradation,
d’où une diminution depH qui
est d’autantplus importante
que le pou- voir tampon dufourrage
est faible et quel’ap-
Le
broyage
fractionne
efficacement le matériaulignocellulosique
mais
l’amélioration
dela valeur
alimentaire est
faible
face à un coût élevé.port
de salive est moindre. Cesphénomènes expliquent
que lebroyage
entraîne à la fois uneaugmentation
desquantités ingérées
et unediminution de la
digestibilité. L’augmentation
del’ingestibilité
est d’autantplus
forte que lefourrage
est de mauvaisequalité.
Ladigestibi-
lité est
plus
diminuée pour lesgraminées qui
sedégradent plus
lentement que pour leslégumi-
neuses. L’addition d’une
quantité
minimale de brinslongs permet
d’éviter les troublesdiges-
tifs
(arrêt
de rumination,météorisation).
Lebroyage
améliore le bilan nutritionnel si l’on considèrel’augmentation
de laquantité ingé-
rée.
L’intérêt
économique
dubroyage
est cepen- dant discutable si l’on considère le coût desopérations.
Le traitement à la vapeur est connu
depuis
1930 pour sa
capacité
à augmenter ladégrada-
bilité des
pailles (Mangold 1930)
mais ce n’estque
depuis
1970qu’il
est industrialisé auCanada
(procédé STAKE)
pour êtreappliqué
aubois de tremble
(voir
revue de Donefer1976).
Dans ce dernier
procédé,
le traitementhydro- thermique (température supérieure
à 180&dquo; C oupression supérieure
à 9kg/cm’,
durée dequel-
ques
minutes)
estcomplété
par une détente brutale(explosion) qui
contribue à déstructurer les fibres et à réduire la taille desparticules.
Jusqu’à
150’ C(figure 4),
la vapeur et la pres-sion détruisent une
partie
des liaisons cova-lentes des
hémicelluloses,
cequi
entraîne :1&dquo;)
la libération de groupements acides
(acétique, phénoliques, uroniques),
lepH
descendjusqu’à
4 - 5 ;
2°)
la solubilisation d’unepartie
des hémicelluloses(jusqu’à
80%)
et leurdégrada-
tion
partielle
en diversproduits qui peuvent
se condenser avec lalignine.
Au-dessus de 150° C, lalignine
commence à êtreattaquée ;
à 180&dquo; C elle fusionne engouttelettes
visibles au micro-scope
(Dupuy 1980).
Descomposés phénoli-
ques sont solubilisés
(jusqu’à
5,5 % de la matière sèche avec labagasse).
Les pertes en matière sèche peuvent atteindre 20 %(Walker 1984).
Une installation
importante
a été construiteen Floride pour traiter de la
bagasse.
Celle-cipeut
alors êtreincorporée
à raison de 30 % .dans des
régimes
de bouvillons sans que lesperformances
soient affectées. Alors que lesessais in vitro
prévoient
rlps il11.!IllPntations dedigestibilité
de lamulii!rn si!c;ln: (1)I!’VIS)
de 22points (soit
15points
en tenant compte des pertes en MS durant le traitement(Rangnekar
et al
1982)
de nombreux essais dans les Caraïbes ont donné des résultats variables et souvent bien inférieurs à cequi
étaitprévu.
Cela tient en même temps à la variabilité du matériau de
départ,
et auxcomposés phénoli-
ques libérés
qui peuvent
avoir un effet inhibi-teur
(Donefer 1976).
L’effet du traitement est encore net dans le
cas des cannes de maïs et avec la
paille
de blé.Les
augmentations
dedigestibilité
de la matièreorganique (DMO)
sur moutonsatteignent
res-pectivement
18 et 4points (Oji
et Mowat 1978 ;Knipfel
et al1981). Toutefois,
pour ces 2 subs- trats, le traitement à la vapeur ne sembleguère plus
intéressant que le traitement à l’ammo- niac. Avec lapaille
de riz, le bilan devientnéga- tif,
sans doute à cause de la richesse en silice de cefourrage.
Des recherches sont encore à effectuer pour établir les conditions
optimales
de ce traite-ment et pour évaluer son intérêt. Etant donné
son coût, il ne
s’appliquerait
actuellement que dans le cas où leprix
del’énergie
est très faible(sucrerie
de canne utilisant comme combusti-ble de la
bagasse)
ou dans celui où l’on valori- serait fortement lesco-produits (transformation
des hémicelluloses en furfural ou en
xylitol).
L’irradiation aux rayons gamma ou aux élec-
trons
permet d’attaquer
lesparois lorsque
lesdoses
dépassent
10 Mrad. Laradiolyse
croîtensuite
exponentiellement jusqu’à
250 Mrad.L’augmentation
de ladégradabilité
des subs-trats évolue en
parallèle
à laradiolyse ;
elle estdue
principalement
à la solubilisation des constituantspariétaux
car laparoi
insoluble résiduelle n’estguère
modifiée. Au-dessus de 250Mrad,
ladigestibilité
in vitro(DIV)
dimi-nue, à cause soit de la résistance accrue du résidu
pariétal,
soit de laprésence
de subs-tances inhibitrices
(Walker 1984).
Les
quelques
essais réalisés sur animauxmontrent que, pour des doses de 50
Mrad,
lesdigestibilités
despailles
de riz et de blé dimi-nuent
respectivement
de 12 et 5points
et lesquantités ingérées
ne sontaugmentées
que pour lapaille
de rizcomplémentée (Mc
Manuset al
1972).
Lescaractéristiques
fermentaires(proportion
d’acides grasvolatils,
faciès micro-bien),
sontprofondément
modifiées et fontsoupçonner la
présence
de facteurstoxiques.
Des résultats
positifs (digestibilité
de lapaille
de blé
augmentée
de 10points)
ontcependant
été obtenus par
Hennig
et al1982).
Etant donné son coût et le doute que l’on
peut
avoir sur son intérêtnutritionnel,
ce traite-ment ne peut
guère
êtreenvisagé
dans laprati-
que.
b / Méthodes
chimiques
Les méthodes
chimiques qui
ont été propo- sées pour améliorer ladégradabilité
desparois
dérivent de la chimie du bois. Parmi les nom-breux
produits (voir
revue d’Owen et al1984),
on
distingue
deuxcatégories principales
dontl’intérêt est souvent
complémentaire.
Les alcalis
La soude et l’ammoniac sont les alcalis les
plus
utilisés(voir
Chenost etDulphy 1987),
sur-tout dans les pays scandinaves. Le
premier
l’a étéprincipalement pendant
la 2eguerre mon-diale, puis
de nouveau àpartir
de 1950. A par- tir de la fin des années 70, la soude a été pro-gressivement remplacée
par l’ammoniac. En France letonnage
depaille
traitée à l’ammo-niac, nul en 1980, est
passé
à 120 000 tonnesen 1986. Les doses utilisées dans la
pratique
sont relativement faibles
(soit
enkg/100 kg
defourrage
sec : 4-6 pour lasoude,
3-5 pour l’am-moniac).
A ce niveaud’incorporation,
le moded’action des deux alcalis est très
proche.
Ilsagissent principalement
en coupant les liaisons alcali-labiles(surtout
de typeshydrogène
etester) qui
relient lesglucides
entre eux et à lalignine (figure 4).
Cela entraîne la solubilisa- tion d’unepartie
des acides(acétique,
p-cou-marique
et surtoutférulique) (Besle
et al1988)
et d’une
petite
fraction d’hémicelluloses.Les réactions
d’hydrolyse
ont pour consé- quencesimportantes : 1° )
legonflement
enmilieu aqueux
qui
favorise lapénétration
descellulases ; 2° )
la diminution de la résistancephysique
desparois qui
facilite le travail de mastication par l’animal.Un avantage du traitement à l’ammoniac est
d’apporter
de l’azote : de 20 à 30 % de la quan- titéappliquée
reste fixée sur lefourrage,
lateneur en azote de la
paille
est doublée ou tri-plée. L’apport
azoté est sous forme de selsd’ammonium,
d’amide et decomplexes
malconnus. Le tiers de l’azote fixé est
insoluble,
dont unepartie
reste liée à lalignocellulose (Gordon
et Chesson1983).
L’efficacité des alcalis pour améliorer la
digestibilité
estaugmentée
enpremier
lieu par la teneur en alcalijusqu’à
une doselimite, puis
par la
température,
l’humidité et lapression.
Les
techniques
de traitement à la soude ont considérablement évoluédepuis l’application
du
procédé
par voie humideproposé
par Bek-man et al
(1923).
Ce dernier avait pour inconvé- nients un coût élevé ensoude,
en main d’oeu-vre et
provoquait
unepollution importante
par les eaux delavage.
On lui a substitué les méthodes par voie semi-humide(300
ml d’eaupar
kg
depaille) puis
par voie semi-sèche. Dansce dernier
procédé (Rexen
etVestergaard-
Thomsen
1976)
on introduit dans une filière de lapaille
et une solution de soude concentrée(30 %),
soit un minimum d’eau. On obtient desgranulés
à 15-25 %d’humidité,
immédiatement utilisables par l’animal. LesNorvégiens
propo- sent aussi la méthode par immersion : lapaille
en grosse balle
rectangulaire
estplongée
dansune solution de soude à 1,5 %
pendant
1 heurepuis égouttée (1-2 h)
et laissée 3-6jours
à tem-pérature
ambiante avant d’être donnée aux ani-maux. La concentration en soude est à nouveau
ajustée
à 1,5 % dans le bac avant un nouveaucycle (Homb 1984).
L’ammoniac a pour avantage de ne pas demander
d’opération
demélange
avec lapaille
comme dans le cas de la soude. On utilise maintenant surtout le gaz
anhydre,
soit par une méthodeartisanale,
ditenorvégienne (injection
dans une
meule),
soit par unsystème d’injec-
tion directe dans
chaque
balle rondequi
est immédiatementdisposée
dans unegaine plasti-
que. On peut aussi utiliser un four
qu’il
n’estpas nécessaire de chauffer car la réaction, exo-
thermique,
de fixation de l’ammoniac suffit enété pour amener la
température
à 70° C et àréduire la durée de la réaction à 48 h
(Cordesse 1982).
L’ammoniac peut aussi être
généré
àpartir
d’urée. Cette source d’ammoniac al’avantage,
sur la
précédente,
d’être universellementrépandue,
facile àtransporter
et àmanipuler,
etmoins coûteuse dans de nombreux pays. L’urée est
hydrolysée
par une uréase contenue dans lefourrage,
ouapportée
ensupplément (par exemple graines
desoja broyées).
L’urée seuleen solution demande à être
mélangée
au four-rage avec
beaucoup
d’eau. Unetechnique
inté-ressante consiste à
employer
unhomogénéisat
urée-uréase en
aspersion
soit sur lits de balles(cubiques
ourondes),
soit aubottelage.
L’addi-tion
d’enzymes permet
d’économiser del’eau,
del’énergie,
de la main d’oeuvre. Lespailles
ainsi traitées sont
plus
riches en azote et appor- tent autant de matièreorganique digestible
quequand
elles le sont par l’ammoniacanhydre (Besle
et al1989).
En France le coût du traite-ment est du même ordre que celui à l’ammo- niac
anhydre,
pour undanger
et unrisque
depollution
moindres. Des travaux sont en cours, notamment en France, pour mécaniser le pro- cédé auchamp,
dans les pays méditerranéens et enAfrique
pouradapter
les conditionsopé-
ratoires au milieu
(équipes
de Chenost à l’INRA et duCEMAGREF).
Parmi les
alcalis, signalons
aussi leshydro- xydes
de calcium et depotassium.
Lepremier
n’est efficace que combiné à la soude
(rapport 3/1),
le second donne les mêmes résultats que lasoude,
à molaritéégale,
mais estplus
coû-teux
(Owen
et al1984).
On
observe,
avec lesfourrages
traités auxalcalis,
uneaugmentation
à la fois de ladigesti-
bilité et de
l’ingestibilité
liée à la réduction du temps deséjour
dans le rumen.La valeur
énergétique
que l’on peut atteindredépend
de la nature del’alcali,
des conditionsopératoires
et de la nature dufourrage.
On peut classer les alcalis et lestechniques
dans l’ordre décroissant d’efficacité suivant : soude voie humide > soude voie semi-sèche > ammoniacanhydre !
urée >hydroxyde
de calcium(tableau 4). L’augmentation
dedigestibillité
estd’autant
plus
forte que lefourrage
traité est demauvaise
qualité (Chenost
etDulphy 1987).
Elle décroît pour les différentes
pailles :
riz >blé >
orge >
avoine. A l’intérieur d’une même variété, la variabilité de laréponse
estplus
liéeà la valeur alimentaire du
fourrage
initialqu’à
latechnique
de traitement(Mason
et al1988).
Une
paille
dequalité
sera mieux valorisée tellequelle,
biencomplémentée,
que par un traite- ment coûteux.Chaque type
de traitementpossède
aussi sesparticularités
etproblèmes
d’utilisation par l’animal. Ainsil’ingestion
de soudepeut
créer desproblèmes
liés à l’excès de sodium. L’azote fixé par traitement à l’ammoniac(quelle
que soit lasource)
n’est utiliséqu’en partie :
de 34 àLes traitements aux
alcalis brisent en
partie
les liaisons entre lalignine
et les hémicelluloses.
L’avantage
del’ammoniac
parrapport
àla soude
est
d’apporter de
l’azote