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REVUE DE DROIT INTELLECTUEL

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Texte intégral

(1)

4ge ANNÉE DÉCEMBRE 1958

REVUE DE DROIT INTELLECTUEL

L' INGÉNIEUR-CONSEIL

fondée par

G. VANDERHAEGHENt

PROFESSEUR HONORAIRE DE L'UNIVERSITÉ DE BRUXELLES

dirigée par

ALFRED V ANDER HAEGHEN

DOCTEUR EN DROIT lNGÉNrEuR A. I. Lo ET A. I. M.

CHARGÉ DE COURS A L'UNIVERSITÉ DE BRUXELLES

CERTAINS PRINCIPES FRANÇAIS DE BREVETABILITÉ DOIVENT-ILS SUBIR

UNE ÉVOLUTION DÉCISIVE

? <1)

PAR

A:-mR{, BOUJU,

INGBNIECR DE L'ECOLE POLYTECHNIQUE ET DE L'ECOLE SUP!iRIEURE D'f;LEC'fRICITB, lNGBNIElTR-CONSEIL.

UN PHOBLf~ME D'ACTUALITÉ.

Lei, brevets d'invention présentent une double singularité - Appartenant

à

un domaine hybride, qui joint la technique au droit, ils ne sont, en général, bien connus en France ni des juristes, ni des techniciens. Parmi ces derniers, souvent même chez les plus distingués, ne règne-t-il pas, en effet, des idées fort éloignées des conceptions orthodoxes

?

- La loi qui régit les brevets d'invention est en vigueur depuis Ie 5 juillet 1844 ! En 114 ans, elle n'a subi que des retouches mineures.

L'institution française des brevets d'invention donne ainsi un exemple de longévité auquel nos esprits primesautiers sont peu accoutumés, et elle contraste avantageusement avec d'autres domaines ou Ie législatif est atteint d'une instabilité chronique.

Comme l'opinion publique se montre généralement sévère en France

à

l'égard de la législation française des brevets

(1) .V.D. L. R. Nous reproduisons Je texte, revu et légèrement modifié par

!'auteur, d'une étude parue dans L'Usine Nouvelle (Paris), numéro spécial de prin- tc.:nps 1958, p. 161 à 171.

(2)

- 234 -

d'invention, l'existence du paradoxe précédent permet de se demander si les critiques généralement émises sont bien justifiées, l'ancienneté de la loi étant une présomption en faveur de la solidité de ses fondements.

Mais cette ancienneté même est aussi un motif d'inquiétude : des principes de protection qui étaient valables au début de l'industrialisation le demeurent-ils

à

une époque 011 le progrès technique suit une loi de développement exponentielle et alors que de nombreuses branches de la science appliquée étaient abso- lument ignorées des législateurs du XIX

0

siècle ?

Au moment 011 plusieurs jugements récents ont paru tra- duire un retournement de la jurisprudence - d'ailleurs fort controversé par certains - et

à

la veille des bouleversements que ne manquera pas de causer, aussi dans ce domaine, l'établis- sement du Marché Commun, l'heure semble bien choisie pour faire une analyse de eet important problème.

LE BREVET : UNE ARME EFFIOACE.

Si, comme certains le prétendent, les brevets ne servaient

à

rien, la présente étude n'aurait qu'un intérêt académique.

On doit faire un sort

à

une telle affirmation.

Les atteintes portées aux droits du breveté constituent le délit de contrefaçon. La contrefaçon peut être constituée par la fabrication, la vente, et plus généralement par toute activité commerciale portant sur des objets industriels ou sur des pro- duits dont le breveté a voulu se réserver l'exclusivité. La contre- façon peut l),ussi consister en une mise en ceuvre industrielle de procédés réservés, ou dans l'usage de machines fabriquées par d'autres en violation d'un brevet.

Pour que le délit de contrefaçon soit caractérisé, deux condi- tions doivent se trouver simultanément vérifiées :

1

°

l'objet de la contrefaçon doit correspondre

à

la loi du brevet;

2° le brevet doit être effectivement valable sur le point 011 est constatée la contrefaçon.

Si ces deux conditions sont remplies, on peut affirmer que le brevet français permet bien la répression de la contrefaçon.

En effet, les sanctions prononcées par les tribunaux contre les contrefacteurs ne sont pas purement symboliques.

Ainsi, dans un récent arrêt (26 février 1957), la cour de ca.1,,1,,ation a affirmé une fois encore :

En prescrivant la confiscation de tous objets reconnus contrefaits (en

(3)

235 -

l'occurrence des engins nautiques) existant à !'époque de l'assignation en possession du contrefacteur, la cour d'appel n'a point ~xcédé la limite des pouvoirs à elle conférés par les dispositions de l'article 49 de la loi du 5 juillet 1844.

Cette tendance

à

la sévérité de la répression (qui contraste avec la mansuétude actuelle des juridictions d'assise) remonte d'ailleurs

à

plusieurs années.

Ainsi, dans un jugement définitif rendu par la 3• chambre du tribunal civil de la Seine le 7 janvier 1955, les sanctions sui- vantes étaient prévues envers les contrefacteurs

à

propos d'un joint universel :

l° Défense aux contrefacteurs de fabriquer, monter, mettre en vente et vendre les objets ainsi contrefaits.

2° Confiscation et remise

à

la partie lésée des objets recon- nus contrefaisants.

3° Désignation d'experts chargés de rechercher si les joints contrefaits présentent des malfaçons et, dans l'affirmative, de chiffrer le préjudice ainsi causé au breveté (lui-même fabricant).

4° Enquête effectuée par les experts auxquels des pouvoirs d'investigation discrétionnaires sont donnés, afin de permettre au tribunal d'évaluer en connaissance de cause le préjudice subi par le breveté du fait des contrefaçons. En particulier, ces experts pourront

« faire toutes recherches et investigations

utiles, compulser tous documents, examiner toutes comptabilités, entendre tous sachants

>>.

5° Versement par le contrefacteur d'une somme de 1 million

à

titre de provision.

6° Exécution provisoire du jugement nonobstant appel.

7° Insertion du jugement dans cinq journaux au choix du breveté et aux frais de la partie condamnée.

On comprend que dans ces conditions, la condamnation du contrefacteur peut avoir sur son exploitation des répercus- sions financières telles qu'elle entraîne sa perte. La sanction d'un procès en contrefaçon peut donc être très lourde.

Sous l'aspect de la répression de la contrefaçon et par voie de conséquence du respect des privilèges du breveté, les brevets français remplissent donc leur röle.

Sans doute le recours

à

la justice est onéreux et long, mais

il en est ainsi dans la plupart des pays, et ces frais doivent être

mis en balance avec la facilité d'obtenir un brevet français et

les sommes relativement modiques ainsi mises en jeu, comparées

à

celles nécessaires dans les pays pratiquant un examen préalable

sévère comme l' Allemagne ou les E.tats-Unis.

(4)

- 236 -

· HÉSUMÉ OU REVENDIOATIONS

?

Lorsque la contrefaçon est reconnue, elle est donc en France sévèrement réprimée.

Il importe alors d'examiner, pour répondre

à

la hantise de bien des inventeurs, s'il est facile ou non de

«

tourner

l>

un brevet frarn;ais.

En effet, pour être réellement protégé Ie breveté ne doit pas être

à

la merei d'un procédé ou d'un dispositif concurrent qui présenterait seulement quelques différences secondaires avec l'invention originale.

L'invention étant née, se pose ainsi la question de la portée du brevet destiné

à

la protéger.

Pour mieux examiner ce problème, consid&rons <le plus près la structure d'un brevet français.

Il comporte en général un mémoire descriptif et des dessins.

Le mémoire comprend lui-même un préambule qui situe l'inven- tion et en définit les caractéristiques fondamentales, puis l'indi- cation d'exemples de réalisation qui se réfèrent aux dessins et un résumé qui reprend les particularités essentielles de l'invention.

A propos de ce

« résumé l>,

Ie règlement d'administration publiqne précise :

Le résumé ne doit comporter que l'énoncé succinct du principe fonda- mental de l'invention et s'il y a lieu des points secondaires qui la caracté- risent. L'emploi des expressions : « Revendications », ou « je revendique >>

est expressément interdit.

Le résumé est donc énonciatif et non limitatif. Il se dis- tingue fondamentalement des revendications qui terminent les brevets dans un grand nombre de pays étrangers, non seulement parmi ceux qui pratiquent l'examen préalable, tels les pays de droit germanique ou anglo-saxon, mais aussi, par exemple, dam, des pays comme la Belgique (1) ou l'Italie.

Ces revendications définissent les particularités terhniques (structure matérielle ou procédé) dont Ie breveté entend se réser- ver l'exclusivité.

La description donnée dans Ie brevet ne sert en principe qn'à éclairer les revendications et les particularités décrites, mais non spécifiquement revendiquées, ne sont pas protégées.

Les revendications étant limitatives, il est relativement aü,é,

(1) En Belgique, les particularités de l'invention, pour être protégées, doivent être non seulement décrites, mais revendiquées. Cependant, il n'est pas nécessaire que la revendication soit exprimée sous la rubrique explicite des « Revendications ».

:Elle peut être formulée dans Ie corps de la description.

(5)

- 237---,-

avec des brevets batis de la sorte, de déterminer si une création technique déterminée tombe ou non sous le coup du brevet : il suffit de rechercher si l'une des revendications du brevet peut se lire sur la création visée.

En France, rien de tel. La

«

fonction

»

du résumé est claire- ment définie par un jugement du tribunal civil de la Seine en date du 20 février 1935 :

Il est constant qu'à la différence de l'usage exigé par certains pays ...

ou la description doit se t~rminer par une revendication claire et préeise des points sur lesquels le breveté entend faire porter son invention, la loi française interdit les expressions « reYendications )} ou « je revendique )}

qui en (matière de) brevet n'ont aucnne valeur en droit,

... que le résumé ... doit être aus~i eon eis que possihle Pt ne comporter que l'énoncé succinct du principe fondamental de l'invention et, s'il y a lieu, des points secondaires qui la caractérisent, d'ou cette conséquence que le résumé est énonciatif et non descriptif.

1° Que pour apprécier l'objet ~,t l'étendue d'un Jn•eyet le juge doit, sans s'arrêter au titre ... à la rédaction plus ou moins exacte, complète et précise du résumé, rechercher par l'examen de la description jointe à la demande de brevet. la nature de la découverte il raison de laquelle l'hffenteur a entendu s'assurer des droits privatifs.

2° Qu'il importe pen que dans le résumé le breYeté rapJHc'lle sans omission tous l~s éléments de sa eombinaison; il suffit que la description les indique pour que la protedion du brevet lui soit assurée.

3° Que si le résumé met principalement en évidence l'une des parties de l'invention, cette particularité n'empêche nullement le breveté de reven- diquer un autre point visé dans la description.

Comment dans ces conditions circonscrire l'étendue des droits d'exclusivité attachés

à

un brevet français

?

Pour y parvenir on doit procéder

à

une interprétation du texte et des dessins, en considérant que description, résumé et figures constituent un tout, dont chaque élément doit être inter- prété en fonction des autres. Le breveté, en présence d'une contrefaçon présumée, est libre alors de construire une ou plu- sieurs revendications étayées par son brevet. C'est aux juges qu'il appartient, lors de l'instance, d'apprécier si les droits revendiqués sont effectivement basés sur le brevet, compte tenu de ce que, suivant un principe général, les obscurités éventuelles du brevet doivent être interprétées contre Ie breveté. Bien entendu, les revendications ainsi construites doivent aussi répondre

à

des conditions de nouveauté et de brevetabilité.

Que penser de ce système ?

Il est parfaitement équitable et logique d'admettre que si un

brevet prévoit plusieurs variantes d'une invention, en cas de

contrefaçon, le breveté puisse ne s'appuyer que sur une partie

du brevet : celle précisément qui serre de plus près la contre-

façon.

(6)

- 238 -

O'est donc

à

bon droit que Ie tribunal civil de la Seine a pu déclarer dans un jugement en date du 28 avril 1949 :

Attendu qu'en son action introductive d'instance, la société deman- deresse indique qu'elle revendique par ce brevet des insecticides et leur procédé de préparation;

Attendu qu'à l'audience ladite société a précisé qu'en la présente instance elle n'envisageait que la partie de son brevet qui concernait le composé mentionné à l'exemple 2 ...

Attendu qu'elle est en droit d'agir ainsi, le propriétaire d'un brevet, pris pour différentes variétés d'un produit, pouvant restreindre sa reven- dication dans son action à l'objet même de la contrefaçon qui peut ne concerner qu'une partie dudit brevet ...

Mais Ie libéralisme de la jurisprudence française dans la détermination des droits du breveté va beaucoup plus loin. Ainsi un jugement du même tribunal, en date du 16 mars 1950, rap- pelle :

Il est de principe que le breveté n'est pas lié par des revendications, que tout ce que contiennent la description et les dessins est assuré d'une protection légale, si l'objet en est nouveau et brevetable.

Autrement dit, il appartient aux seuls juges d'apprécier si les revendications émises par un breveté en présence d'une contrefaçon présumée sont ou non justifiées. Une seule limite

à

ce pouvoir d'appréciation : Ie contröle de la cour suprême, comme Ie rappelle un arrêt en date du 13 octobre 1954, parmi de nombreux similaires :

Il appartient à la cour de cassation de vérifier si les juges du fond n'ont pas dénaturé le sens et la portée du brevet, en méconnaissant les éléments fondamentaux de l'invention brevetée.

On retiendra donc Ie principe actuel de la jurisprudence française :

Tout ce qui se trouve suffisamment décrit dans un brevet français est susceptible de recevoir une protection.

Un tel libéralisme est, à première vue, tout à la faveur des inventeurs.

Quitte

à

soulever certaines protestations, nous dirons toute- fois que nous n'en sommes pas persuadés et qu'un régime de revendications limitatives, qui réserverait encore aux tribunaux un large pouvoir d'appréciation, nous paraît préférable.

Les raisons qui nous amènent

à

cette opinion sont multiples.

- Raison d'ordre général. Les brevets doivent être un facteur de progrès technique et non nne entrave

à

!'industrie.

Il n'est pas souhaitable qu'un industrie! renonce

à

l'exploitation

d'un procédé ou d'un dispositif intéressant, faute de pouvoir

déterminer avec certitude s'il est susceptible ou non de porter

atteinte

à

un brevet.

(7)

- 239 -

Il n'est pas admissible non plus que, pour la même raison, d'autres industriels préfèrent ignorer systématiquement les bre- vets d'invention. Or, les faits sont nombreux qui démontrent qu'une protection excessive équivàut

à

une absence de protection.

Il serait facile de donner des exemples de nombreux cas ou le domaine protégé ne peut être défini avec certitude :

- Un brevet décrit un servo-mécanisme en termes de structure mais non de procédé. La réalisation donnée à titre d'exemple ne comporte que des moyens électro-mécaniques. Ce brevet protège-t-il aussi une réalisation mettant en ceuvre une même « chaîne fonctionnelle », mais dans laquelle tous les moyens seraient électro-pneumatiques ?

- Un brevet décrit une machine. Un groupe d'organes de cette machine apparaît comme un moyen nou,eau, mais n'est pas défini comme tel. Ce moyen est-il protégé seulement dans le cadre de la machine, ou de façon absolue ?

- Un brevet décrit un procédé chimique nouveau. Ce procédé conduit à un produit nouveau, mais Ie produit n'est pas explicitement défini dans Ie brevet. Est-il néanmoins protégé par ce brevet indépendamment du procédé particulier de fabrication ?

Bien entendu on peut dans chaque cas répondre par la négative et invoquer le fait que le brevet créant un monopole est de droit étroit et doit par suite être interprété restrictivement. Mais si un breveté introduit dans de telles conditions une instance en contrefaçon, peut-on affirmer qu'il ne se trouvera pas un tribunal pour admettre des revendications ainsi amplifiées ?

- Intérêt pour l'inventeur. On peut penser que si les idées inventives principales dont la protection est désirée appa- raissaient dairement dans la majorité des brevets français, Ie marché des cessions et des licences serait plus actif qu'il n'est.

Mais surtout, si l'inventeur savait qu'avant de déposer Ie brevet il lui faut dégager les idées essentielles et les ordonner dans un ordre hiérarchique, il est certain que bien des inventions gagneraient en force et en vitalité.

N'est-il d'ailleurs fréquent que l'ingénieur-conseil en pro- priété industrielle, dont la táche essentielle consiste précisément

à

dégager la

« philosophie »

de l'invention pour définir l'idée inventive-clé, fasse découvrir

à

l'inventeur des prolongements insoupt;.onnés de son invention, auxquels celui-ci n'avait pas initialement songé

?

- Raison d'ordre juridique. Le brevet est un 0011.trg,t d'adhé- sion passé entre l'inventeur et la société.

Le législateur a fort bien préciia;é que

«

l'insuffisance de description

»

qui empêche le technicien qualifié de reproduire l'invention entraîne la nullité du brevet, c'est-à-dire la rupture du contrat puisque l'inventeur dans ce cas n'apportait rien

à

la société.

Il importerait d'être logique et de pousser plus avant l'assi-

(8)

- 240 -

milation du brevet au contrat, en obligeant le breveté non seulement

à

décrire complètement et loyalement l'invention, mais encore

à

préciser les particularités de celle-ci dont il reven- dique explicitement la protection.

' Dans un contrat, les engagements réciproques des parties ne doiYent-ils pas en effet être nettement définis? C'est d'évi- dence une des conditons nécessaires au bon respect des conven- tions passées.

Avec le système actuel, bien des brevets français définissent seulement un être technique. L'être juridique n'est qu'ébauché, et c'est aux tribunaux lors d'une instance qu'il appartient d'en préciser les formes.

Sans doute objectera-t-on qu'un système de revendications limitatives peut conduire

à

des injustices. Car, bien souvent, avec la mise en pratique de l'invention, telle caractéristique qui avait été jugée fondamentale s'édipse au profit d'une autre dont l'intérêt n'était pas apparu initialement.

Il conviendrait donc de permettre un certain libéralisme dans l'appréciation des revendications lors d'un procès. Ce libé- ralisme est d'ailleurs de règle même dans les pays comme l' Alle- magne ou les revendications font l'objet de discussions sévères au cours de l'examen de la demande de brevet.

Un formalisme trop rigoureux dans l'interprétation des revendications peut en effet conduire

à

rendre illusoire la protec- tion attachée

à

un brevet.

Mais entre un libéralisme dans l'interprétation des revendi- cations et un régime qui n'impose pas de revendications, il y a une différence fondamentale.

Au lieu d'obliger l'inventeur comme c'est le cas actuellement, sous peine de niûlité,

à

déposer son brevet avant toute divulga- tion de l'invention, on pourrait aussi envisager de l'autoriser

à

n'effectuer son dépöt qu'au bout d'un certain délai permettant expérimentation et mise au point. Un tel régime est d'ailleurs adopté en Allemagne et aux Etats-Unis, ou les inventeurs dis- posent respectivement de

{i

mois et de 12 mois de délai. Nous reviendrons plus loin sur cette pratique pour la rejeter en raison d'inconvénients majeurs.

- Raison d'ordre international. A l'heure de l'Europe et du Marché Commun, il importe d'unifier dans la mesure du pos- sible les systèmes. Or, dans ce domaine, le régime français apparaît comme une singularité.

Le fait que l'invention soit souvent définie en des termes

pen rigoureux dans un brevet français a une double conséquence

fàcheuse :

(9)

- 241 -

Si Ie brevet est étendu

à

l'étranger, il en résulte parfois de sérieuses déconvenues pouvant aller jusqu'au rejet du brevet dans les pays

à

examen préalable.

- Quoique la protection qu'il confère soit plus étendue que celle attachée aux brevets

à

revendications, le brevet français manque de prestige, non seulement aux yeux de bien des Français mais aussi de la plupart des étrangers.

En conclusion, il serait souhaitabl~ que Ie brevet français comporte, au lieu d'un résumé énonciatif, des revendications limitatives, la protection étant seulement acquise pour les parti- cularités visées par ces revendications.

UNE CONDITION IMPÉRIEUSE : LA NOUVEAU'l'É.

La vénérable loi de 18±4 définit les catégories suivantes d'invention, susceptibles d'être protégées par les brevets

- L'invention de nouveaux produits industriels.

- L'invention de nouveaux moyens, ou l'application nou- velle de moyens connus pour l'obtention d'un résultat ou d'un produit industrie!.

Une longue jurisprudence et les multiples études critiques exécutées par d'excellents esprits, ont permis de dégager le sens et la portée des termes

« produits Jl, «

moyens

>>, « application ))'

auxquels on doit joindre la

« combinaison ))' puisque la «

combi- naison nouvelle de moyens connus

>>

est également reconnue comme brevetable par la doctrine et la jurisprudence.

Ces termes ont ainsi acquis des sens bien définis en droit de propriété industrielle, sens parfois éloignés de leur acception usuelle, mais il n'entre pas dans notre propos d'en faire ici l'exégèse. Qu'il soit dit seulement que ces catégories d'inventions brevetables ne s'excluent d'ailleurs nullement les unes les autres et constituent un cadre dont Ie temps a justifié la solidité.

Nous retiendrons plutöt l'insistance avec laquelle la loi met en évidence l'importance déterminante de la nouveauté.

Cette particularité essentielle de la loi française est reprise

à

l'article 30 :

Seront nuls et de nul effet, les brevets délivrés dans les cas sui vants :

!d la découverte, invention ou application n'est pas nouvelle.

La nouveauté étant elle-même définie comme suit

à

l'arti- cle 31 :

Ne sera pas réputée nouvelle toute découverte, invention ou application qui, en France, ou à l'étranger, aura reçu une publicité suffisante pour pouvoir être exécutée.

(10)

- 242-

Ces principes ont une première conséquence bien souvent ignorée, ou enfreinte, par les inventeurs, et qui a été déjà rap- pelée plus haut : la nullité d'un brevet dont l'invention a été divulguée avant dépót, même si la publicité provient de l'inven- teur lui-même.

C'est ce qu'on peut appeler la nullité d'ordre interne. Il n'est pas rare qu'elle soit invoquée au cours dei:, procès en contrefaçon pour faire échec aux droiti:, du breveté. Dans ce domaine encore, les tribunaux out un pouvoir souverain d'appréciation.

Ainsi, dans un arrêt en date du 9 avril 1957, la cour de Paris eut à se prononcer sur un cas de ce genre concernant

un

dispositif pour l'alimentation des arcs électriques dans les appareils de projection cinématographiques :

Considérant que si le breveté a réalisé deux mois avant le dépöt de son brevet une installation semblable au cinéma M: .•• , de Bruxelles, il n'a pu être établi que cette installation ait été faite dans des conditions de publi- cité telles qu'elles puissent être retenues comme constituant une divulgà- tion.

La cour a décidé que le moyen de nullité ainsi invoqué contre le brevet devait être écarté.

La cour de cai:,sation eut à se prononcer le 3 juillet 1950 sur un arrêt de la cour d'appel de Paris déclarant nul pour divulga- tion antérieure au dépöt un brevet français déposé le 3 décem- bre 1929, portant sur des perfectionnements aux cartes perforées pour machines tabulatrices.

La cour confirma la nullité du brevet :

Attendu que se fondant sur trois catégories de témoignages, les motifs de l'arrêt énoncent notamment que l'invention a été révélée et mise en pratique par L ... dès la fin de l'année 1925 et que les cartes ultérieurement brevetées commencèrent à apparaître sur le marché en 1927.

Attendu que par une appréciation souveraine de ces faits ... la cour d'appel a considéré que la preuve était apportée de l'existence d'une publi- cité opérée avant la demande du brevet et suffisante pour permettre à un homme du métier de réaliser complètement l'invention en matière surtout de cartes perforées dont le simple aspect faisait apparaître toutes les carac-

téristiques du procédé nouveau.

Que penser de cette sanction ? On doit admettre qu'elle est conforme à la conception du brevet-contrat. La société reconnaît

à

l'inventeur un privilège pour l'amener à révéler la nature de son invention. Si l'inventeur procède à la divulgation sans avoir auparavant manifei:,té son désir d'obtenir un privilège en déposant un brevet, la société n'a plus de motif de lui réserver un privilège.

Dans ce domaine le système français est donc rigoureux,

cette rigueur compensant le libéralisme avec lequel le texte du

brevet est interprété.

(11)

- 243 -

Certains peuvent déplorer cette sanction et lui préférer le régime américain qui accorde, comme il a été vu, un délai d'un an

à

l'inventeur, pom· achever la mise au point de son invention, l'acte de naissance de celle-ci étant constaté par

un

affidavit signé par deux témoins.

Il faut toutefois reconnaître que cette procédure peut donner et donne, en fait, naissance

à

de nombreuses contestations faisant appel

à

des témoignages souvent douteux. C'est pourquoi dans ce domaine le régime français actuel apparaît tout compte fait comme préférable car il assigne

à

la date de naissance de l'invention un caractère certain.

D'ailleurs, un tel régime est adopté dans de nombreux pays : Autriche, Hollande, !talie, par exemple.

J<5CHFJC AU BREV:E!T : LES ANTÉRIORIT:BJS.

Bien que Ie brevet français soit délivré sans autre mesure qu'un examen de forme, donc sans aucune appréciation quant

à

la nouveauté, la réalité ou Ie mérite de l'invention, il s'agit quand même aux yeux des juges d'un titre possédant,

à

priori, une valeur comparable

à

celle des brevets qui ont satisfait aux examens les plus difficiles.

Ce second aspect fondamental de la jurisprudence fran- çaise a encore été rappelé par le tribunal civil d' Annecy, le 25 novembre 1954 :

Attendu que Ie brevet constitue un titre officie! auquel provision est due, la nouveauté de l'invention est présumée jusqu'à preuve du contraire, cette preuve étant à la charge de celui qui est accusé de contrefaçon.

Autrement dit, le breveté n'a pas

à

fournir la preuve de la nouveauté de l'invention. C'est le présumé contrefacteur qui doit démontrer !'absence de nouveauté en produisant des antériorités.

On appelle ainsi tout fait ou document se rapportant

à

l'in- vention et antérieur

à

la date d'origine du brevet.

Pour qu'une antériorité soit recevable,

il faut (mais il ne

suffit pas

!)

qu'elle satisfasse

à

une condition de date qui dépend de sa nature :

- s'il s'agit d'un brevet français, celui-ci doit avoir été déposé avant le brevet contesté. Peu importe donc que le premier brevet ait été encore au secret lors du dépót du second.

- s'il s'agit d'un document autre qu'un brevet français (et par exemple un brevet étranger, ou un ouvrage imprimé), il faut que sa date de publication soit antérieure

à

la date d'origine du brevet contesté.

7

(12)

- 244-

Il s'ensuit que si un tiers possède un document antérieur

à

l'invention brevetée, mais secret, ce document ne peut annuler le brevet. Il constitue seulement en faveur de la personne consi- dérée un droit de possession antérienre qui lui permet à elle, et à elle seule, d'échapper à la loi du brevet : c'est l'exception de possession personnelle.

La date jouant un röle déterminant, on s'explique aisément que les tribunaux soient exigeants quant au caractère certain de la date du document allégué par les défendeurs.

O'est ce que rappelle un arrêt de la cour de Chambéry en date du 31 octobre 1955 au sujet d'un brevet portant sur un séparateur pour accumulateur, et qui avait été déposé en octobre 1948.

L'arrêt indique tout d'abord que les défendeurs croient avoir trouvé une antériorité complète dans un séparateur fabriqué en « polystérol » par la firme all(:!mande R.S. dont elle verse au débat : 1° un prospectus indi- quant comme date de lancement la fin de 1947; 2° l'attestation de la firme M ... qui, en mai 1948, aurait reçu des appareils en polystérol de la firme R.S. pour les monter dans des batteries de démarrage commandées par les forces d'occupation des Etats-Unis.

La cour ne voulut pas admettre cette preuve

Attendu que l'appareil fabriqué par la firme R.S. n'est invoqué qu'avec la preuve tirée d'un prospectus et d'une attestation imprécise auxquels , ne saurait s'attacher la valeur d'un titre véritable ayant date certaine, dont C<:!UX qui se prévalent de cette antériorité avaient la charge d'établir l'existence en même temps que celle de la publicité suffisante donnée en France à l'invention.

Les défendeurs ayant pressenti que la cour serait susceptible de juger dans Ie sens indiqué avaient sollicité par expertise la vérification des documents et des procédés techniques auxquels ils se rapportent.

Là encore, ils furent déboutés.

Attendu qu'il n'appartient pas à la juridiction saisie d'un tel litige d'ordonner, pour fournir à la partie intéressée la preuve dont elle a besoin, une expertise dont le but ne pouvait être éventuellement en l'espèce, que de vérifier sur certains points des documents pertinents versés par elle aux débats.

C'est · en raison de cette sévérité qu'en général les docu- ments invoqués à titre d'antériorités, lors des procès en contre- façon, sont de préférence constitués par des brevets d'invention, car pour ceux-ci les dates on l'authenticité ne peuvent être aucunement contestées.

Mais même en se limitant aux seuls brevets, sans parler du

nombre très important de livres on de revues techniques, la

quantité d'antériorités susceptibles d'être opposées à un brevet

français est considérable.

(13)

- 245 -

Il suffit de signaler en effet que pendant l'année 1956 il a été déposé dans Ie monde 366.412 demandes de brevets, dont 29.000 en France et 75.000 aux U.S.A.

Si l'on sönge que les Etats-Unis ont délivré depuis 1836 près de 2.900.000 brevets et la France, depuis 1844, près de 1.200.000, on apprécie par là quelle source de documentation technique, quelle réserve d'antériorités

« en puissance )) consti-

tuent les brevets d'invention.

On comprend mieux aussi Ie caractère aléatoire de toute recherche d'antériorités, si étendue et si scrupuleuse soit-elle.

Mais du fait même de !'abondance des documents antérieurs, des recherches, même limitées, permettent bien souvent de trou- ver des antériorités présentant des analogies plus ou moins poussées avec l'invention ou Ie brevet en cause. Il se pose alors un problème fondamental :

Quelle est l'incidence de ces antériorités sur la breveta- bilité de l'invention ?

L'interprétation des antériorités est en effet la pierre d'achoppement de toute législation sur les brevets.

Dans les pays avec examen préalable, Ie débat est tranché au premier degré par les examinateurs qui ont précisément effectué des recherches et opposé les antériorités aux demandes de brevets.

Dans les pays sans examen, tels que la France, Ie débat n'est tranché qu'au cours des instances judiciaires, soit lors des actions en contrefaçon (oû les présumés contrefacteurs plai- dent la nullité du brevet pour échapper aux sanctions) soit lors des actio~s en nullité qui peuvent être introduites contre tout brevet délivré par quiconque y a intérêt.

LE DOGME DE L'ANTÉIUORITÉ DE TOUTE PIÈCE.

Avant de faire une étude critique du système françaii,, qui détermine en fait les critères de brevetabilité, il importe de bien préciser par quelques exemples la position traditionnelle de la jurisprndence.

S'il est un principe maintes et maintes fois exprimé par les tribunaux et les cours, c'est bien celui de

« l'antériorité de

toute pièce )).

Ainsi la cour de Paris déclare Ie 21 mai 1955 :

Seule une antériorité reproduisant la combinaison de tous les éléments du brevet, assemblés dans Ie même ordre, serait de nature à détruire Ie caractère original.

(14)

- 246 -

C'est encore la cour de Grenoble le 25 mai 1955 :

Pour qu'une antériorité soit opposable à la nouveauté d'un brevet, il faut qu'elle soit compacte, entière et de toute pièce, qu'elle contienne à elle seule tous les moyens de l'invention, combinés et agencés de la même manière.

C'est encore la cour de Paris le 19 mai 1956 qui stipule :

Les antériorités invoquées à l'appui d'une action en nullité de brevet doivent en principe être prises « telles quelles ». On ne peut isoler arbi- trairement pour les opposer à une combinaison donnée certains éléments d'une combinaison antérieure, en les séparant à la fois des autres et de la fonction qu'ils sont destinés à jouer.

Quelques exemples pratiques, empruntés à des cas réels, permettent de mieux situer le point de vue des juges, qui jusqu'à une date récente, considéraient la nécessité de l'antériorité de toute pièce comme un dogme intangible et fondamental.

I. - Le premier exemple sera constitué par un jugement définitif du tribunal civil de la Seine en date du 7 janvier 1955, au sujet d'un joint universel qui décrit le système B breveté :

Un joint universel (fig. 1) comportant deux mitchoires 11, 12 et un

FIG. 1. - JOINT UNIVERSEL BREVETÉ.

croisillon 13, et conçu de manière à présenter un prix de fabrication notablement réduit, et à pouvoir transmettre par unité de poids une puis- sance sensiblement plus élevée que les autres joints connus :

Ce joint est plus particulièrement caractérisé en ce que le croisillon est

(15)

- 247 -

supporté par les màchoires (fig. 2) à l'aide de coussinets à aiguilles 38 en forme de chapeau, lesdits coussinets étant maintenus par des logements ménagés dans les extrémités des màchoires, soit à l'aide d'une plaque de recouvrement 55 comportant une saillie 78 qui vient s'emboîter dans

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FIG. 2. - JOINT UNIVERSEL BREVETÉ (DÉTAIL).

une fraisure 77 du chapeau du coussinet, soit à l'aide d'un segment de retenue 44 (fig. 3) en forme de ressort s'engageant dans une gorge 15 pratiquée à l'intérieur desdits logements; que le brevet litigieux précise en outre que Ie croisillon est muni, sur chacun de ses tourillons, d'une cuvette 41 contenant un bourrage assurant l'étanchéité entre le croisillon et le chapeau formant coussinet; qu'il est en outre prévu que les tourillons du croisillon comportent une cavité interne 39 formant réservoir à lubri- fiant et que les cavités internes ainsi ménagées peuvent communiquer par des canaux axiaux combinés avec un graisseur et une soupape unique de sortie d'air et de trop-plein de lubrifiant.

Les défendeurs plaidèrent la nullité du brevet B pour défaut de nouveauté en raison de deux antériorités A•, A•, qui furent analysées et rejetées dans ces termes par le tribunal :

L'antériorité A, décrit (fig. 4) un joint de cardan comportant deux fourches 10, 14, destinées à être reliées respectivement à un arbre menant 9 et à un arbre mené 13, chacnne des fonrches comportant deux tourillons alignés 8 qui s'articulent dans une bague on_ boîte 2 de forme prismatique,

(16)

- 248 -

assurant la liaison entre les d~ux fourches; mais attendu que ledit brevet ne décrit pas, combinées de la même manière, toutes les caractéristiques du joint B, que si l'on retrouve, en effet, dans le brevet A, un tourillon recouvert d'un coussinet à aiguilles, on n'y retrouve pas les autres caracté- ristiques et notamment le croisillon et la cuvette étanche; qu'il s'ensuit que le résultat d'ensemble est radicalement différent, si bien que cette prétendue :mtériorité est inopérante.

L'antériorité A, décrit (fig. 5) un joint de cardan comportant, d'une

FIG. 3. - .ÎOIXT UNIVERSEL (DF.'l'AIL).

FIG. 4. - JOINT l:NIVERSEL : ANTÉRIOUl'l'É A.1.

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part, deux brides ou chapes 5, 6 destinées à être reliées respectivement à un arbre menant 10 et à un arbre mené 11 et d'autre part, un croisillon 7 comportant quatre tourillons 8 s'articulant dans des bloes destinés à être

1!1

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(17)

- 249 -

fixés aux brides ou chapes par le moyen de boulons 20 ou par l'intermé- diaire d'un assemblage à rainures et languettes 17, 18; mais attenclu que le brevet A, ne saurait être utilement retenu comme antériorité; qu'en effet le croisillon est d'une forme différente; qu'il n'existe pas, d'autre part, de cuvette étanche; qu'enfin une clifférence essentielle réside dans le mode de liaison entre le tourillon et la miîchoire : dans le brevet B Ie tourillon se relie à une miîchoire cle toute pièce, en s'introduisant dans un alésage de la miîchoire, et par l'intermécliaire cl'un coussinet à aiguilles;

dans le brevet A, au contraire, la miîchoire n'est pas d'une seule pièce et les bloes dans lesquels s'articulent les tourillons s'assemblent à la chape par un système compliqué de vis et cle rainures; que l'on n'y retrouve pas de coussinets en forme de chapeau cylindrique destinés à être logés dans les alésages alignés d'une miîchoire en nne seule pièce; que le brevet A, ne décrit donc pas !'ensemble des moyens indiqués au brevet B.

Attendu dans ces conditions que la validité du brevet B ne saurait être sérieusement contestée en l'état, puisqu'il n'est pas démontré que les mêmes caractéristiques de structure groupées et utilisées de la même façon, en vue du même résultat, étaient connues antérieurement, d'une façon certaine.

Une analyse conscieneieuse des documents opposés amène ainsi le tribunal

à

conclure que les structures qui s'y trouvent dérrites, sont dans leur réalisation pratique, différentes de celle revendiquée. Cette constatation de différence suffit

à

entraîner la brevetabilité du brevet litigieux, sans que le tribunal se demande ni si les différences ainsi constatées sont fondamen- tales ou simplement constructives ni si Ie dispositif breveté est, techniquement parlant, supérieur

à

ceux opposés.

Sur cette dernière question du progrès teclmique, un juge- ment du tribunal civil d' Annecy (25 novembre 1954) confirmé par la eour de Chambéry (Ie 31 octobre 1955) prend soin de rappeler,

à

propos de la brevetabilité d'un produit industrie!

nouveau, que celle-ci est acquise :

« quels que soient le mérite, l'importance ou l'utilité de l'invention, qu'il en résulte ou non un progrès )), pourvu qu'il s'agisse bien d'un nou- veau produit industrie!, c'est-à-dire :

d'un corps certain, se distinguant de ses similaires par des caractères certains et essentiels et des avantages nouveaux.

II. - Le litige visé par les attendus précédents est intéres- sant

à

plus d'un titre, tant pour la question de l'appréciation des antériorités étudiée plus spécialement ici, que pour la déter- mination de la brevetabilité dans le cas ou l'invention consiste en un changement de la matière constituant certains organes, en eux-mêmes connus.

Ce litige portait sur un séparateur B (fig. 6) pour accumula-

teurs électriques, constitué par une plaque d'une matière plas-

tique, le polystyrène,

(18)

- 250-

susceptibie d'être injectée sous pression dans un mouie et de réaliser ainsi par I'opération même une perforation polygonale.

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81 811

FIG. 6. - SÉPARATEUR BREVETÉ.

Le texte du brevet B faisait d'ailleurs ressortir deux parti- cularités techniques :

1

°

La substitution de perforations polygonales à des perfo- rations circulaires, permet d'obtenir P.OUr les perforations une surface atteignant 65 p. c. de celle du séparateur.

2° Seule une matière comme Ie polystyrène permet Ie mou- lage par injection de surfaces à arêtes vives, telles que des plaques perforées de trous carrés.

Les défendeurs plaidèrent la nullité du brevet pour Ie pre- mier motif qu'il s'agissait d'un simple changement de matière (on avait déjà réalisé des séparateurs en chlorure de polyvinyle), ne produisant pas de résultat!, autres que ceux dont on pouvait prévoir la réalisation comme conséquence normale des propriétés des corps employés.

La cour rejeta cette thèse,

Attendu que B en utilisant Ie polystyrène pour la fabrication de ses séparateurs, n'a pas seuiement opéré un changement de matière, mais réussi à combiner les qualités propres du poiystyrène avec Ie procédé de fabrication par injection en vue de réaliser une perforation maxima,

(19)

- 251 -

conforme à la loi géométrique sans doute bien connue selon laquelle on peut inscrire dans une surface donnée plus de polygones que de cercles, mais, dont il s'agissait de trouver l'application en pratique en la faisant concor- der avec les autres données.

Le deuiième motif de nullité invoqué était basé sur plusieurs antériorités, dont l'une A

1

(fig. 7) concernait la fabrication par

FIG. 7. - SÉPARA'fEUR : ANTÉRIORI'fÉ A.1.

moulage de plaques a perforées suivant

b

et constituées par des produits de polymérisation du groupe vinylique, et dont l'autre A• visait un séparateur 1 (fig. 8) obtenu par moulage

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FIG. 8. - SÉPARATEUR : ANTÉRIORITÉ A.2.

de matières constituées par du chlorure de vinyle

«

ou toute

autre matière plastique appropriée » et tendant

à

réaliser par des

protubérances en forme d'auvents 2 un perfectionnement de

l'objet.

(20)

- 252 -

L'importance doctrinale du problème posé justifie de mettre en parallèle certains attendus du jugement et de l'arrêt, qui conclurent tous deux au rejet de la thèse des défendeurs.

JuoEMENT. - Une antériorité doit « être de toute pièce», c'est-à-dire doit contenir à elle seule tous les moyens et principes de l'invention, combinés ou agencés de la même façon dans le même but poursuivi et permettant d'obtenir le même résultat; plusieurs antériorités contenant chacune seulement une ou certaines caractéristiques brevetées ne pour- raient être retenues comme entraînant la nullité du brevet.

ÀRRÊ:r. - .Attendu que pour admettre l'antériorité des brevets opposés par les défendeurs, il serait nécessaire qu'elle fû.t complète en révélant les mêmes moyens que le brevet litigieux, réunis de la même façon, en vue du même résultat. Or, attendu que si ces titres visent l'emploi de matières plastiques en général, ou même de produits dérivés des groupes vinyliques, aucun d'eux ne prévoit l'utilisation du produit très spécial que constitue Je polystyrène, en l'associant à son aptitude toute particulière à réaliser la fabrication par injection, éminemment propice à la perforation polygo- nale recherchée pour la perfection des échanges électrolytiques

l<Jt après analyse des antériorités A,, A, :

JuoEMENT. - .Attendu qu'ainsi dans aucun des brevets antérieurs pré- sentés on ne retrouve tous les éléments revendiqués par B disposés de semblable façon et concourant au même résultat industrie!;

Attendu qu'ainsi, s'il est exact qu'avant le brevet B l'on .savait que la perforation polygonale, en application d'une loi géométrique bien connue, permettait une meilleure porosité, que les matières plastiques, et en parti- culier le polystyrène, pouvaient être opportunément employées, qu'enfin le procédé de l'injection pouvait être utilisé pour la fabrication des sépa- rateurs d'accumulateur, la combinaison de ces divers éléments, c'est- à-dire leur assemblage de façon telle que la disparition de l'un d'eux entraînerait un résultat différent, n'avait jamais été antérieurement réalisée, pom· parvenir effectivement, eonforrnément au but poursuivi, à un produit industrie! présentant les mêmes avantages que c<:>lui ohjet du brevet en cause.

ARRiT. - Attendu dès lors que par la combinaison d'applications scien- tifiques connues mais harmonisées selon des modalités et dans un but dont il n'est pas établi que des brevets antérieurs aient réalisé la synthèse totale, B a bien fait une ceuvre inventive garantie par le titre qu'il a régu- lièrement obtenu et dont il était fondé à demander la protection ainsi que la sanction par la demande à laquelle les premiers juges ont judicieu- sement fait droit.

III. - Le troisième exemple sera fourni par un jugement définitif du tribunal civil de la Seine en date du 18 juin 1955 et concernant un hélicoptère-jouet.

D'après le brevet litigieux B, ce jouet est constitué par la combinaison des éléments suivants (fig.

9) :

- Un corpi, A en forme de fuselage, muni d'un gouver-

nail H;

(21)

- 253 -

-'- Une hélice dont les pales sont reliées

à

leur périphérie par un cercle D formant volant ;

T

l<'IG. 9. - HÉLICOPTÈRE-JOl:ET BREVETÉ ET SON MO'fEUR DE LANCEMENT.

Un axe d'hélice C monté pivotant dans le corps du jouet et ne Ie dépassant pas, terminé par un manchon de guidage P et d'entraînement

à

rampes hélicoïdales;

-- Un moteur

à

ressort séparable (fig. 10) dont l'arbre M

f/

l

FIG. 10. - HÉLICOP'I'ÈHE_-JOUET : ANTÉRIORITÉ A.1.

(22)

254 -

porte des saillies O destinées

à

se loger dans les encoches héli- coïdales P' du manchon P.

A l'appui de la nullité du brevet B, les défendeurs invo- quèrent diverses antériorités de jouets volants, dont l'une, A, (fig. 10) décrit un appareil comprenant

«

un corps 1 en forme d'hélicoptère avec gouvernail 4, une hélice

à

pales libres 2, un dispositif de lancement constitué par une bobine 7

à

ficelle 8 )).

La seconde antériorité A2 (fig. 11) décrivait :

«

un héli-

FIG. 11. - HÉLIC0PTÈRE-J0UET : ANTÉRIORITÉ A.2.

coptère-jouet comprenant un corps 5 en forme d'hélicoptère, avec gouvernail 4, une hélice 11 aux pales reliées par un anneau extérieur 9, un système de lancement par bobine 6 et ficelle, solidaire de l'hélice )).

Une troisième antériorité A• (fig. 12) prévoyait

<<

un héli- coptère se transformant automatiquement eu autogire

à

l'atter- rissage comprenant un fuselage 3 muni d'un gouvernail 4, une hélice 9

à

pas variable dépourvue d'anneau circulaire, un système moteur )) (comprenant un système

à

ressort 20 susceptible d'entraîner l'arbre 17 du support).

Les diverses antériorités furent rejetées pour les motifs suivants :

Attendu que, si chacun de ces brevets antériorise_ un ou plusieurs éléments de la combinaison revendiquée, aucun d'eux n'antériorise !'en- semble de cette combinaison;

Attendu que, plus particulièrement, aucun des brev~ts invoqués n'uti- lise la liaison de la partie volante à la partie motrice du jouet par l'action des rampes hélicoidales de l'axe de la première sur les saillies de l'axe de la deuxième; que gràce à cette liaison hélicoidale, la partie motrice du jouet communique à la partie volante non seulement un mouvement de rotation commun à tous les brevets, mais également un mouvement de translation propre au brevet B qui assure nécessairement l'envol automa- tique de l'hélicoptère proprement dit, quelle que soit l'inexpérience de l'utilisateur ou l'inclinaison qu'il donne · à l'appareil; qu'en dehors de toute autre considération, cette introduction de la liaison hélicoidale apparaît en .l'espèce comme l'application nouvelle d'un moyen connu pré- vue par la loi de 1844, et constitutive de l'invention brevetable.

(23)

- 255 -

O'est donc en définitive Ie mode particulier de liaison entre Ie système entraîneur et l'arbre de l'hélice qui fut jugé breve- table.

FIG. 12. - liÉLICOPTÈRE-,JOUET : ANTÉRIORITÉ A.3.

Mah, on doit noter que l'antériorité A• prévoyait une variante dans laquelle l'hélicoptère comportait un système d'entraînement de l'hélice visé (fig. 13), ou l'axe 2 porte des vis en saillie 28 destinées à pénétrer dans la griffe 18 portée sur l'arbre de la,ncement, ce dernier pouvant être maintenu par un système d'arrêt.

Bien que la description de l'antériorité A• ait donné peu

de détails sur la structure et l'effet technique du système de

lancement, il apparaît cependant au technicien qu'il s'agit là

de moyens ayant sensiblement une équivalence fonctionnelle

avec ceux brevetés.

(24)

Mais l'équivalence de fonction n'est pas en général consi- dérée comme suffisante par les juges.

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3

FIG. 13. - HÉLJCOPTÈRE·,JOUET : ANTÉRIORITÉ A.3. : VARIANTE DE LA LIAISON ENTRE L'HÉLICOPTÈRE

ET LE SYSTÈME DE LANCEMEN'.l'.

Les quelques exemplel3 précédents démontrent clairement la sévérité avec laquelle les tribunaux peuvent apprécier les anté- riorités alléguées à l'encontre d'un brevet.

Il en résnlte que jusqu'à une époque récente, Ie nombre de brevets annulés lors des instances judiciaires était beaucoup plus faible que celui des brevets confirmés.

C'est la conséquence logique du principe de l'antériorité de toute pièce. On conçoit aisément, en effet, que malgré la prolifération des brevets et de la littérature technique, il est fort peu probable que les réalisations d'auteurs difjérents, même si elles procèdent d'une idée de base identique, se traduisent par une identité technologique dans leur forme d'emécution pra- tique.

UN COUP DE THÉA'I.'RE.

La position de la jurisprudence paraissait aussi immuable que la loi de 1844, lorsque deux jugements

« révolutionnaires >>

rendus par Ie tribunal ei vil de la Seine les 22 mars et 13 avril 1956 firent état pour l'appréciation des antériorités de principes nou- rnaux et pourrait-on dire radicalement opposés aux précédents ...

Voici les faits. Dans la première instance, Ie tribunal avait à se prononcer sur la brevetabilité d'un « coq à repasser

>>

et plus précisément d'un coq électrique 13 pour repassages fins, carac- térisé en ce qu'il est muni d'une béquille orientable 14 (fig. 14) permettant de l'utiliser dans quatre positions stables (fig. 15), différentes de celles que lui donne son socle 4.

Le breveté faisant valoir à l'appui de la brevetabilité qu'il s'agissait :

d'un produit industrie! nouveau dont la création résulte de la combi-

(25)

-- 257 -

naison de moyens connus : socle rectangulaire 4, béquille 14, articulation 15 de cette béquille.

14-

FIG. 14. - COQ ÉLECTRIQUE BREVE'l'É.

4

FIG. 15. - COQ ÉLECTRIQUE : LE M~ME APPAREIL DANS UNE POSITION D'UTILISATION.

Après analyse du dispositif, Ie tribunal reconnaît qu'il s'agit bien là d'une combinaison nouvelle créatrice de produit.

Cette senle constatation dans Ie cadre de la jurisprudence antérieure aurait suffi pour entraîner sans antre discnsE>ion la brevetabilité de la création industrielle en cause.

Mais voici que Ie tribnnal soulève une autre question d'une · portée fondamentale :

Attendu pourtant que la nouveauté ne postule pas nécessairement l'existence chez Ie breveté d'une idée inventive, indispensable en vertu de

(26)

- 258 -

l'article l•r de la loi du '5 juillet 1844 à la naissance des droits réservés à l'inventeur en récompense de son mérite;

Attendu que, des documents produits par les défenderesses, il ressort que la béquille équipant un modèle de jeannette et divers modèles de fers connus du domaine public n'est pas orientable; qu'en ce qui concerne ces derniers, elle ne leur procure qu'une stabilité précaire; que ceux qui la leur ont appliquée n'ont d'ailleurs cherché à en faire qu'un « reposoir i) ou « repose-fer ,,, organe destiné à supporter le fer pointe en l'air lorsqu'il n'est pas utilisé et à l'isoler thermiquement, et que ni le but ni le résultat de ce dispositif ne se rapportent à un mode de repassage quelconque.

Attendu qu'en l'état des éléments de fait ainsi soumis au tribunal, la question est posée de savoir si le coq litigieux pouvait être réalisé par le jeu normal de l'habileté d'un simple technicien ou s'il manifeste par rapport à la technique existante, lors de sa conception, un écart imprévu mettant celle-ci hors de la portée de l'homme de l'art.

En conséquence de quoi, Ie tribunal commet un expert, ingénieur-conseil, en lui confiant pour mission :

de rechercher si le coq à repasser à béquille orientable, protégé par les titres sus-indiqués, constitue un perfectionnement normal et prévi- sible de la technique antérieure pouvant être réalisé par un spécialiste de la fabrication de ce genre d'appareils, ou si l'écart existant entre lui et les produits qu'elle permettrait d'obtenir, soit dans la conception, soit dans les avantages obtenus, est suffisant pour y faire voir une invention dépassant la portée d'un tel spécialiste.

La question ainsi posée

à

l'expert l'est en des termei, qui permettent de définir un nouveau critère de brevetabilité, sui- vant lequel, en plus de la nouveauté, l'invention exigerait pour pouvoir être protégée un niveau inventif minimum.

Le deuxième jugement concerne un moulin

à

café élec- trique B, ou mixeur, caractérisé en ce que :

1 ° Les flasques inférieur et supérieur du moteur s'évasent respectivement en socle et récipient de l'appareil;

2° Le carter latéral du moteur sert d'organe de préhension manuelle.

Le jugement rendu par Ie tribunal est particulièrement significatif du nouvel état d'esprit des juges :

Attendu que la défenderesse soutient notamment que ces disposition!'I sont banales, partant non brevetables.

Attendu qu'il résulte des articles 1er et 2 de la loi du 5 juillet 1844 que seule est protégée l'innovation qui est Ie fruit d'une invention.

Attendu qu'il n'y a pas d'activité inventive Iorsque le dispositif nouveau est le développement normal de la technique courante, à la portée de l'homme de métier.

Attendu, en premier lieu. que traditionnellement le moulin à café amovible s'appuie sur un socle que surmonte, outre divers organes, un récipient de broyage.

Attendu, en deuxième lieu, qu'il n'est pas contesté qu'à la date des brevets et addition, !'industrie ordinaire empToyait déjà les flasqnes d'un

(27)

- 259 -

moteur comme socle et comme système d'utilisation de divers appareils : ventilateurs, sirènes, pompes.

Attendu, en troisième lieu, qu'il est constant que l'affectation du carter à moteur à la préhension existait à la même époque dans divers appareils él_ectriques (chignoles, rasoirs) : que si eet organe est de section plus étroite que celle du socle et du réservoir qu'il unit, c'est à la fois en raison des normes du moteur et pour l'adaptation nécessaire de chacun de ces trois éléments à sa fonction : stabilité, commodité, capacité.

Qu'ainsi, en étendant au moulin à café électrique des agencements offerts par l'expérience industrielle dans son développement normal, sans idée intuitive, difficulté vaincue, ni avantage imprévisible, la défenderesse n'a pas manifesté une activité inventive au sens des articles l•r et 2 de la loi du 5 juillet 1844; d'oii il suit que son action n'est pas fondée.

Dans cette nouvelle conception pour qu'une invention soit brevetable, il ne suffit donc pas qu'elle soit nouvelle (c'est-à-dire qu'elle se distingue morphologiquement des antériorités con- nues), il faut encore que cette différence n'apparaisse pas comme une conséquence naturelle de la mise en reuvre des connaissances professionnelles d'un technicien compétent placé devant un pro- blème particulier.

Il faut que cette différence par rapport au domaine connu se traduise par un résultat surprenant, non envisagé à première vue, on qu'elle témoigne d'une véritable création inventive.

Les conséquences pratiques d'une telle doctrine apparaissent nettement dani, un arrêt de la cour de Paris en date

du 9

avril 1957, à propos d'une action en nullité intentée contre un brevet B pour un dispositif pour l'alimentation des arcs électriques dans les appareils de projection lumineuse.

L'objet fondamental de ce brevet réside dans :

L'utilisation d'une source auxiliaire D (fig. 16) permettant d'allumer A

G

FIG. 16. - DISPOSITIF D' ALLUMAGE BREVETÉ PûUR ARCS ÉLECTRIQUES.

(28)

- 260-

un denxième are A2 sans recourir à la .source G alimentant le premier are A, en service, donc sans réaction sur le fonctionnement de celle-ci;

que ce résultat est recherché par l'emploi soit d'une batterie d'accumu- lateurs soit d'une s_econde génératrice, avec un appareillage B, C,, C2 permettant, par la mise en parallèle momentanée de cette source de secours avec la génératrice principale, de passer sans interruption de circuit, à l'alimentation définitive par cette dernière.

Se basant sur l'avis rendu par un expert électricien, la cour, considérant que la partie du brevet revendiquée est constituée :

par un schéma de montage très simple qui permet, lorsqu'un premier are A, est allumé et qu'on veut allumer le second A2 d'adjoindre momen- tanément au courant fourni par la génératrice G celui qui est procuré par une batterie d'accumulateurs D au moyen d'un inverseur manuel B (placé en B,) puis de fermer l'interrupteur C, qui relie ce second are à la génératrice; enfin, une fois Ie deuxième are stabilisé, de manreuvrer l'inverseur B pour débranC'her la batterie et un deuxième interrupteur C, de façon à mettre Ie premier are hors circuit; qu'on trouve seulement dans ce schéma la juxtaposition de moyens connus (double source de courant, deux interrupteurs et un inverseur), sans aucune réalisation inventive véritable; que tout monteur électricien auquel le même problème aurait été posé, à savoir passer d'un are à l'autre à l'aide d'une source auxiliaire, C'elle-ci demeurant momentanément couplée sur la génératrice principale, pourrait réaliser le schéma proposé par le breveté qui ne dépasse pas la technique industrielle courante et ne saurait dès lors faire l'objet d'un brevet valable; qu'il y a lieu en conséquence d'~n prononcer la nullité.

NÉCESSITÉ D'VN ,TUGEMENT DE VALEUR

Après le premier coup de théatre, en survint un second la cour d'appel de Paris a récemment reformé les deux jugements

«

révolutionnaires

»

précités.

Pour le moment, l'unité doctrinale de la jurisprudence est donc rétablie. Il n'en reste pas moins que le fameux dogme de l'antériorité de toute pièce a reçu un choc sévère.

Quelle attitude adopter dans ce débat fondamental

?

Les exemples concrets analysés plus haut permettront d'abord aux non-spécialistes de propriété industrielle, de se faire une opinion en toute liberté en appréciant les conséquences pratiques des deux doctrines en con.flit.

A qui doit-on donner raison

?

Au jugement concernant l'hélicoptère-jouet ou

à

celui visant le dispositif d'alimentation pour arcs électriques

?

Ceci posé, il doit être noté que ce nouveau revirement juris- prudentie! fut salué par la majorité des spécialistes français de la propriété indnstrielle comme un retour

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