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Eléments de réflexion sur la question du contrôle des ressources dans les sociétés de chasseurs cueilleurs de la préhistoire récente.

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Academic year: 2021

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Évolution des structures e t dynamiques sociales

Éléments

de

sur

la

question

du

cont

dans

les

sociétés

de

de

la

préhistoire

Anne Bridault (UMR ArScAn - Archéologie environnementale)

I nvitée à venir présenter, dans le c a d re d e c e séminaire, le point de vue d 'u n e préhistorienne travaillant sur l'exploitation des ressources animales, il m 'est app a ru im portant de co m m e n ce r par souligner le fait que l'expression « contrôle des ressources » est peu utilisée pour les sociétés « pré-néolithiques », celle de « gestion » é ta n t en revanche plus répandue, voire préférée. Pourquoi ? Le term e gestion est certes plus neutre car il ne présume pas des objectifs. L'idée d'organisation y est implicite e t par-là m êm e celle d e prises de décision, au moins individuelles, voire au niveau du groupe, supposant alors une volonté ou un ob je ctif communs. Le term e contrôle, q u ant à lui, co n tie n t l'id é e d e maîtrise, de dom ination e t d o n c d e pouvoir sur les choses ou les êtres. L'expression « contrôle des ressources » serait-elle de fa it réservée à des sociétés définies par des formes de com plexité caractérisée au niveau de l'organisation sociale, é conom iqu e e t politique ? Les sociétés pré­ néolithiques, en particulier celles d e la fin du Paléolithique supérieur e t du Mésolithique, en raison de nombreux aspects d e leur m ode vie, ont é té com parées aux sociétés d e chasse-collecte actuelles e t sub-actuelles. Or la co n ce p tio n d e ces dernières s'est considérablem ent transformée : d 'a b o rd com m e un stade de l'histoire hum aine inclus dans une perspective évolutionniste, puis com m e un typ e d'organisation sociale caractérisée par le m odèle d e la b a n d e nom a d e (cf. infra, tabl. 1), relayé par celui des sociétés chasseurs-cueilleurs com plexes (King, 1978 ; Koyama & Thomas 1981 ; Price & Brown 1985 ; cf. infra, tabl. 2) pour aboutir à une c o n ce p tio n aujourd'hui très m ultiforme (Lee & Daly, 1999a). Les interprétations des sociétés préhistoriques en référence à ces modèles ont été discutées par plusieurs auteurs (ex. Hayden 1981 ; Testard 1982 ; Rowley- C onw 1986 ; G am ble 1999 ; Lee & Daly 1999b). C 'est sur l'analyse de G am ble (ibid.) que je m 'appuierai pour examiner deux des principales définitions des sociétés de chasse-collecte, afin d 'é va lu e r dans quelle mesure la notion de contrôle des ressources est ici pertinente et dans quelle mesure il est possible de l'aborder dans l'analyse des sociétés préhistoriques.

Bandes nomades et sociétés complexes : deux définitions des sociétés de chasse-collecte

Lors du colloque « Man the Hunter », Lee e t De Vore (1968) proposent, sur la base d'observations de terrain, une définition de l'organisation sociale d e la plupart des groupes d e chasseurs-cueilleurs, dans laquelle l'unité d e base est la b a n d e (tabl. 1), c'est-à-dire un petit groupe nom ade d e 15 à 50 individus liés par des relations d e parenté (Lee & Daly 1999b). La flexibilité e t la fluidité d e leur com position est alors posée com m e une caractéristique saillante d e leur organisation sociale. C e tte définition rom pt a ve c celle de Service (1966 : 71), selon laquelle les bandes sont territoriales et suivent un m ode de résidence virilocale. De façon générale, la notion d e territoire reste assez va g u e e t renvoie à une zone plus ou moins délim itée exploitée régulièrem ent au long de l'a n n é e par ch a q u e groupe.

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Anne Bridault

Tableau 1 : Définition des sociétés d e chasseurs-cueilleurs selon le m odèle d e « la b a n d e » no m a d e (années '60)

L. H. Morgan (1877) Sauvagerie -> barbarie -> civilisation

G. Childe (1954 ) Sociétés primitives -> sociétés barbares -> révolution urbaine civilisation

E.R. Service (1966, 1971) Bands-> Tribes -> Chiefs -> States

Band = Système patrilocal ferm é - possession d e la terre- exogam ie en dehors du groupe local

R. Lee & I. De Vore (1968) " N om adic style m o d e l "

- Systèmes sociaux ouverts a v e c des territoires en partie partagés e t qui se recoupen t - petits groupes (15-50 individus) ou « bandes »

- organisation en cam ps d e base

- Nécessité première de mobilité restreint de fa it les possessions personnelles - sociétés « égalitaires »

- fluidité des groupes, par scission, segm entation,,, cf. résolution des conflits - Environnement considéré co m m e une réserve d e ressources => surplus rares Cf. Sahlins (1972) volonté d e ne pas produire d e surplus

-- Division sexuelle des tâches

- C oopération entre bandes dans la chasse - Partage des ressources

- Réseaux d'alliances e t de partenaria t pour parer à des situations de pénurie de ressources

- Rarement d e droits exclusifs sur les ressources

Parallèlement Sahlins (1968, 1972) s'a tta ch e à définir la logique économ iqu e qui prévaut dans les sociétés de chasse-collecte. Il m ontre que celle-ci est orientée vers la satisfaction des besoins minimaux d e la famille, ce qui est facilem ent réalisable. Ces économ ies « primitives » ne sont pas systém atiquem ent orientées vers la production d 'u n surplus, ainsi lorsque les besoins sont satisfaits, le travail stoppe jusqu'à c e que les biens vivriers soient épuisés. Il m ontre égalem en t que la part du tem ps consacré à l'acquisition d e la subsistance n'est pas aussi im portante q u 'o n le supposait, la part significative d e tem ps libre est largem ent consacrée aux relations sociales. C 'est en c e sens que ces sociétés connaissent un é ta t d 'a b o n d a n c e (affluentsociety), dans un niveau d e vie minimum e t non d e pauvreté.

De c e tte première définition, il ressort que la mobilité, le partage, la coopératio n entre bandes, le p a rte n a ria t e t l'a b se n ce d e p ro d u ctio n de surplus sont a u ta n t d e facteurs susceptibles d e limiter l'ap propriation personnelle d e ressources ou l'usage social d e biens alimentaires, voire le contrôle d 'u n territoire.

C ependant, sur la base d e données d'observations tirées d'autres contextes, en particulier des peuples d e la c ô te nord-ouest am éricaine, une co n ce p tio n alternative ém erge dans les années 1980, celle de chasseurs-cueilleurs complexes. Ainsi que le souligne G am ble (1999 : 25-26), la com plexité définie par Price & Brown (1985) com m e « which is com posed of m any interrelated parts » est devenue un fa cte u r social majeur à partir du d é b u t du Paléolithique supérieur européen (soit vers 35000 ans), synonyme de révolution sociale. Les critères généralem ent retenus pour caractériser c e tte com plexité sont d 'a b o rd :

- une exploitation intensive de ressources abondantes e t prédictibles im pliquant l'utilisation d'outillages spécialisés, d 'é q u ip e m e n t spécifiques e t de technologies investies,

- des stratégies spécifiques (ex. logistical strategy au sens d e Binford 1980) e t une m obilité réduite des groupes,

- des densités d e popula tion significativement plus élevées.

Ces mêmes caractéristiques sont a utant d e facteurs favorisant l'é m e rg e n ce d 'u n e com pétition pour l'a ccè s à un statut individuel p ouvan t s 'a cco m p a g n e r d 'u n e différenciation socio-économ ique. C ette com plexité est susceptible d e s'exprimer égalem ent dans la culture m atérielle au niveau des sites, du mobilier funéraire ou d e l'a rt (tabl. 2).

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Évolution des structures e t dynamiques sociales

Tableau 2 : Définition des chasseurs-cueilleurs com plexes (années '80)

Indicateurs d e la com plexité

- Exploitation intensive des ressources (éventuellem ent stockage), - Technologie investie ou spécialisée,

- M obilité réduite,

- Taille maxim ale des sites a ve c forte circulation des artefacts e t variabilité des sites (cf. organisation logistique),

- Territorialité (ex. sites cérémoniels permanents, zones stylistiques), - Différenciation d e statut individuel (ex. mobilier funéraire),

- Biens d e prestige (sens différents selon les auteurs) : outils élaborés, coquillages, parures en ossements, métal, sculpture, certains bateaux, vêtem ents spéciaux, pipes, 1 “ “ céramiques, 1ers animaux ou végétaux domestiques (gourde, pim ent en Méso- Amérique).

Facteurs favorisant la com plexité

- L 'a bondance des ressources ou d e ressources saisonnières, regroupées, peu sujettes aux fluctuations e t /o u prédictibles,

- Réduction d e la m obilité des groupes, - A ugm entation des densités population.

Aujourd'hui l'a c c e n t est mis sur la grande variété des m odes d'e xploitation des ressources chez les chasseurs-cueilleurs (Lee & Daly 1999a), y compris sur des pratiques qui m e paraissent représenter des formes de contrôle des ressources. On pe u t citer l'existence d e manipulations intentionnelles visant à modifier leur h a bitat en favorisant par exem ple la croissance des plantes sauvages (com m e le repiquage des saules par les indiens Shoshone d e Californie, ligneux utilisé dans la fabrication des paniers). On pe u t aussi souligner l'existence d e formes hybrides d'e xploitation qui prêtent à débat, te n a n t à la fois de la co lle cte systématique e t de l'horticulture. Certains auteurs ont parlé « d'agroforestry » (D. Posey 1983), d'autres d e « dom iculture » (Chase 1989 ; Yen 1989) pour nom m er la m anipulation, non d 'u n e espèce en particulier, mais d 'u n environnem ent à travers une séries d e pratiques et d'a ctivités intentionnelles com m e non-intentionnelles, parfois p e n d a n t des générations.

En guise de conclusion...

Dans la perspective d 'u n e a pplicatio n archéologique, il fa u t souligner la difficulté qu'il y a à dém êler facteur de com plexité e t critère de com plexité. Si l'on prend l'exem ple des modalités d'e xploitation des ressources qui peuvent être indicatrices d e com plexité sociale, la première é ta p e pourrait consister à caractériser les stratégies développées par les groupes relativem ent aux objectifs poursuivis, puis tenter d'é valuer si elles sont liées e t en quoi, à des stratégies de pouvoir ou de com pétition. La d ém arche que j'a i a d o p té e vise à discuter en quoi les sociétés évoluent et tirent parti d 'u n e situation d 'a b o n d a n c e des ressources e t à montrer en quoi il y a intensification ou exploitation intensive des ressources (Bridault 1993, 1994, 1998). Dans c e cas la question d e ia production d e surplus est à envisager : l'idéal serait d e pouvoir préciser s'ils sont produits à certains moments d e l'année, s'ils sont destinés à parer aux risques d e soudure saisonniers, et à com penser ainsi des discontinuités d'approvisionnem ent, dans l'o b je c tif de garantir ainsi la reproduction d'u n type d e système d e subsistance. Ces surplus sont-ils encore destinés à être redistribués (et sous quelle form e ?) dans le but principal d'entretenir des réseaux d e relations sociales, les donateurs s'assurant une sécurité pour l'avenir e t d 'u n prestige social e t politique dans le présent ?

S'il y a d o n c des conditions ta n t écologiques que sociales favorisant des formes d e contrôle des ressources, il a p paraît qu'il existe aussi des facteurs limitant ce contrôle : par exemple, il existe une part non contrôlable des fluctuations stockastiques des ressources généran t des risques ou des situations d e crises fa c e auxquels des réponses sociales com m e le partage, les relations d 'a llia n c e ou de partenariats ou encore des formes d e coopératio n p euven t agir en retour com m e un frein à l'é m e rg e n ce du contrôle des ressources. Autrem ent dit, la prim auté de la coopératio n interindividuelle ou inter groupe, particulièrem ent essentielle dans les sociétés d e chasse-collecte, pourrait être un fa cte u r lim itant l'é m e rg e n ce d e stratégies de pouvoir. C'est peut-être par c e tte d ialectiqu e entre lignes de force antagonistes que s'exprime au mieux la spécificité des systèmes de chasse-collecte.

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Anne Bridault

Éléments bibliographiques

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Figure

Tableau  1  : Définition des sociétés d e  chasseurs-cueilleurs selon le m odèle d e   « la b a n d e  » no m a d e (années  '60)

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