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Documents anciens en anthropologie sur le vivant : quelques réflexions historiques et méthodologiques
GLOOR, Pierre-André
Abstract
Une brève récapitulation historique des débuts de nos connaissances sur la taille, l'indice céphalique et la couleur des yeux fait apparaître des disparitions de données, des hésitations techniques, des tensions psychologiques, en tout une perte de temps. On expose divers projets de réforme de l'activité anthropologique, tendant à une revalorisation des documents anciens.
GLOOR, Pierre-André. Documents anciens en anthropologie sur le vivant : quelques réflexions historiques et méthodologiques. Archives suisses d'anthropologie générale , 1980, vol. 44, no. 1, p. 61-68
Available at:
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Documents anciens en anthropologie sur le vivant:
quelques réflexions historiques et méthodologiques
par
Pierre-André GLOOR
I. Introduction
Toute tentative méthodologique renvoie à un doute, une rev1S1on de faits, de techniques, de théories; à une critique de nos devanciers (qui ne sont plus là pour se défendre), sans méconnaître la valeur de ce qui a été accompli; donc à s'exposer à un jugement présent et futur - ceci dans l'hypothèse optimiste d'être relu.
La définition d'une ancienneté est délicate. On pourrait parler de documents très anciens, remontant à Sumer et à l'Egypte: statues, peintures, monnaies, médailles, jusqu'à la Renaissance. On penserait aux oeuvres de précurseurs isolés de l'anthropologie, avant l'activité régulière de sociétés savantes (1859); à l'influence de découvertes décisives:
l'anthropologie avant et après Darwin, avant et après la reconnaissance des lois de Mendel. Une autre césure correspondrait à un degré d'accumulation des connaissances qui rend impossible une connaissance de« toute» l'anthropologie; dès ce moment on a des spécialistes portés à méconnaître, voire à oublier, les recherches des grands ancêtres et quelquefois amenés à «redécouvrir l'Amérique».
Un bref historique de nos connaissances sur les trois principaux paramètres raciaux classiques, et de quelques découvertes connexes, permet de rendre hommage à l'activité infatigable de nos devanciers et de mettre en lumière des points moins réjouissants: pertes de données, hésitations techniques, facteurs psychologiques perturbants, notion d'un temps irrémédiablement perdu, qui nous encourage à préparer quelques réformes et à nous méfier de quelques pièges.
Dans cette intention, le terminus a quo de cette étude a été fixé à l'apparition d'observations chiffrées; le terminus ad quem serait le début de notre siècle, époque d'un bilan, mais aussi d'un développement ralenti.
Il. Trois paramètres raciaux: survol historique
A) LA TAILLE
Dans l'armée royale française, on a noté des signalements individuels dès 1716 (Houdaille 1970, Aron, Dumont et Le Roy Ladurie 1972 ont attiré l'attention sur les archives militaires). Il a existé, au l er Empire, des statistiques départementales sur la taille des recrues 1; puis une étude de 100.000 conscrits divisés en neuf classes centimétriques2 •
1 Où sont-elles? Villermé puis d' Angeville les ont consultées et citées mais pour quelques départements seulement. Barblan ( 1973) a rééJ:abli celles du Département du Léman pour la taille et la couleur, après Carret (1883) qui avait étudié le Département du Mont- ':Jlanc '.taille).
2 Hargenvilliers (1817); Quételet (1835), a calculé la courbe de répartition théorique de cette série (Baxter 1875).
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La première carte de France sur les exemptions par défaut de taille dans les départements paraît en 1837 (D'Angeville, auteur ignoré pendant 130 ans). En 1856, Coolidge étudie aux Etats-Unis 1800 soldats (taille et couleur des yeux et des cheveux); cette étude est suivie dans le même pays par les grandes statistiques de la Guerre de Sécession. Suivent les travaux classiques, en France, de Chenu, Boudin, Broca, Lagneau et des trois Bertillon.
Dès 1829, Villermé fait état d'une inégalité de taille socio-professionnelle; Quételet (1835), d'une supériorité des villes sur les campagnes environnantes; aux Etats-Unis, on note la taille relativement grande des Européens immigrés, de même que la taille remarquable des habitants des états de l'Ouest récemment peuplés. A la suite du chirurgien Tenon3, on parle d'une baisse de taille des Français dès les guerres de la Révolution et de l'Empire, des disettes et épidémies concomitantes; bien plus tard (1896) Hovelacque décrit au contraire une hausse dès 1792, dans un canton des Alpes- Maritimes 4. Il se peut bien qu'une tendance séculaire à l'augmentation, contrariée par une baisse accidentelle, ait contribué à faire admettre une stabilité, peut-être une augmenta- tion apparente à la suite d'une accélération de la croissance.
B) L'INDICE CÉPHALIQUE
En 1836, le psychiatre Parchappe établit une différence de taille et de dimensions céphaliques entre dix «manouvriers» et dix savants ou hommes de lettres5; Broca veut vérifier et obtient le même résultat sur 20 infirmiers et 18 médecins; l'indice céphalique (lancé dans l'intervalle par Retzius) était inférieur de 0.66 et de 0.55 point chez les intellectuels, Broca mettant ces phénomènes en rapport avec l'éducation reçue 6. Ces deux auteurs ont donc fondé l'anthropologie «de classe» comme on disait à la fin du 19• siècle, ou l'étude des catégories socio-professionnelles.
En 186'1, Durand de Gros provoquait une longue série de débats tendus à la Société d' Anthropologie de Paris: silicicoles plus petits que les calcicoles, indice céphalique plus bas chez les urbains, accroissement dudit indice dans le temps chez les Aveyronnais; et il pose une question non résolue depuis 110 ans: transformation d'une population sous l'influence du milieu ou substitution d'une population à une autre.
Les auteurs classiques qui ont suivi (Beddoe, Collignon, Oloriz, Livi) tablaient sur une fixité de l'indice; Deniker, aussi imbu de cette notion, a froidement recours à des moyennes de séries crâniennes (augmentées de deux unités selon Broca) pour combler les lacunes de sa cartographie européenne. Il a fallu beaucoup de temps pour voir admise la notion d'une brachycéphalisation géographiquement étendue, qui à son tour a servi de résistance à la reconnaissance d'une débrachycéphalisation (Pittard 1935).
c) LA COULEUR
Les premiers renseigne~ents à ce sujet 7 sont aussi anciens que ceux qui concernent la taille et ont déjà été réétudiés. Mais c'est Parent-Duchatelet, médecin-légiste, qui innove dans ce domaine (1837): le signalement de 12.000 prostituées de Paris lui livre la première statistique sur la couleur, la première sériation centimétrique de la taille, la première étude
3 Villermé et Quételet; il aurait existé un mémoire sur ce sujet; sera-t-il retrouvé? Vacher de Lapouge a étudié les effets de la guerre de 1870-71 dans !'Hérault.
4 Il a fallu attendre 47 ans une confirmation: Kiil a trouvé une augmentation en Norvège dès 1741 (cit. Sutter et coll. 1958).
5 Des malades mentaux avaient déjà été mesurés par Esquirol, pour évaluer la «microcéphalie des dégénérés», question qui réapparaît de temps à autre; son avatar actuel est «l'hérédité de l'intelligence».
6 Vacher de Lapouge 1909.
7 La couleur des cheveux est ici laissée de côté.
de femmes (et de beaucoup la plus nombreuse). Les grandes séries de la Guerre de Sécession (couleur de 660.000 hommes), avec à nouveau des surprises concernant certains groupes d'immigrés fort clairs, stimulent les chercheurs européens: Beddoes en Angleterre, Virchow en Allemagne (recherches sur les enfants, devenues internationales).
En France, Topinard en 1889 coiffe sur le poteau son concurrent A. Bertillon 9; en Suisse, nous devons à A. de Candolle, botaniste et sociologue, des innovations: enquête sur l'hérédité de la couleur des yeux, problème non résolu; sur la sélection sexuelle d'après la couleur et une ébauche d'étude démographique (1884), ces deux derniers sujets étant demeurés négligés. Bien entendu, la proportion dans une population d'yeux de diverses teintes, classées selon des systèmes disparates, a été elle aussi considéréee comme fixe, jusqu'à la seconde moitié du 20° siècle.
Ce caractère pratiquement indépendant de l'action du milieu, héréditaire - bien qu'un mécanisme génétique précis nous échappe encore- avec centre de dépigmentation et dines le long d'axes divergents, qui n'est pas dévalué par les généticiens, quelquefois critiques sévères des traits «phénotypiques» (Boyd), mérite une attention privilégiée.
m.
Pertes de données, perte de tempsEssayons de cataloguer divers malheurs:
A) DESTRUCTIONS.
On doit craindre qu'il s'en soit produit en nombre; exemples anciens et récents:
La non-conservation des fiches perforées de Anthropologia H elvetica est fâcheuse mais réparable;
la disparition d'une partie du grand fichier anthropométrique de Bertillon 10 pourrait être bien plus grave, vu la structure très particulière de ce type de collection. Le matériel et les manuscrits de Mydlarski, soit une étude d'ensemble sur la Pologne au cours de dix-huit ans de travail, ont été mis au pilon par l'occupant allemand.
B) OEUVRES OUBLIÉES.
L'ouvrage socio-économico-médico-anthropologique de A. d'Angeville, publié à Bourg-en- Bresse en 1837, n'eut pas de lecteurs, nous dit Le Roy Ladurie qui a assuré sa réédition en 1969.
C) TRAVAUX NON PUBLIÉS.
Il a fallu trois quarts de siècle pour que réapparaisse, grâce à Billy, l'enquête anthropologique de Carret sur la Savoie, une part de la documentation ayant été perdue dans l'intervalle. Bouchereau (1901) n'a pas publié une étude de l'Aveyron, heureusement demeurée dans les notes de Vallois.
D) ETUDES INCOMPLÈTES.
Le démographe Sutter nous a donné des relevés de taille, de 1801 à 1954, des élèves de l'Ecole Polytechnique de Paris; mais la couleur des yeux, aisée à étudier en même temps, ne suscitait pas d'intérêt 11 chez ce chercheur.
8 Il est réputé avoir personnellement noté et mis en statistique plus de 100.000 sujets.
9 Dont la méthode particulière tombe malheureusement en discrédit.
l O Ce fichier, à Paris. centralisait toutes les fiches établies en France et comptait plusieurs millions de documents individuels. classés non alphabétiquement mais d'après la combinaison de quatre critères; l'élimination partielle peut dépareiller la série entière. Un lot de fiches a été déposé au Musée de l'Homme.
11 Il faut recommencer: travail en cours.
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E) SUJETS PEU EXPLOITÉS.
Kollmann espérait bien que la documentation sur la couleur, portant sur plus de 400.000 enfants suisses, serait reprise; il y a eu deux travaux complémentaires.
F) ÛEUVRES REJETÉES.
L'anthropométrie policière, science appliquée et fille pourtant bien légitime de l'anthropologie, a été dédaignée. Susciter de l'intérêt pour cette masse de données, la plus riche qui soit pour le J 9< siècle, n'est pas facile.
G) DISCORDANCES TECHNIQUES.
Broca puis Martin ont voulu standardiser l'instrumentation et les modes de mensuration et d'examen. Il y a eu de forts accrocs dans l'étude de l'indice céphalique 12; l'anarchie de l'évaluation de la couleur des yeux complique l'étude des variations diachroniques au point de rendre certains anthropologistes systématiquement méfiants à l'égard de toute tentative de comparaison.
H) FACTEURS PSYCHOLOGIQUES.
L'anthropologie a peu attiré l'attention des sociologues et des psychanalystes, alors que les sujets intéressants foisonnent. Il y a eu des pressions extérieures: la surveillance policière sous Napoléon III;
la volonté d'Hitler d'obtenir une mise au pas. Il y a eu bien sûr des tensions internes, puisqu'en anthropologie l'observateur est juge et partie et qu'un raisonnement objectif est bien souvent oblitéré par des réactions émotives.
Le meilleur exemple est ici la dispute entre « anthroposociologues » et orthodoxes, de 1896 à 1909.
La défaite des hérétiques a porté un coup (très léger) au racisme nordique mais au prix fort. Des sujets de recherche ont été frappés de tabous pour trente à cinquante ans: morphologie des migrateurs ( du moins européens), des urbains, des catégories socio-professionnelles, de la sélection sexuelle, de la démographie des types somatiques. Tout cela est réétudié, sans déchaînement passionnel, mais sans mention des devanciers.
Une résistance aux nouveautés, ou une édulcoration de celles-ci, étaient probablement inévitables: transformisme, mais croyance à une stase del' évolution de notre espèce; sous- estimation des effets de la sélection naturelle, au profit des sélections sociales (Broca).
Dans ces conditions, la description de variations diachroniques provoque des rejets émotifs:
a) la négation hypercritique s'en prend aux comparaisons entre séries en soulignant des incompatibilités: d'âge moyen, de structure sociale, de provenance géographique des sujets, de méthodes diverses 13.
b) les explications stéréotypées sont en partie valables mais dogmatiques et invoquées automatiquement. A la morphologie particulière des urbains, on a voulu opposer la péréquation des indices, brassage confus. Si une différence de taille est constatée, survient la Loi de Pittard pour rendre compte d'autres différences supposées corrélatives à la taille.
Une idée malencontreuse de Durand de Gros a servi d'arme contre la théorie de substitution de populations: l'absence de migrations notables pour une région consi- dérée 14. Plus récemment a surgi comme explication passe-partout l'hétérose (ou vigueur hybride), mal nommée et discutable.
12 Ce qui a gêné considérablement Deniker; ce dernier a recouru à des corrections approximatives discutables. rarement fondées sur une double mensuration des mêmes sujets par deux méthodes.
13 Cette réaction pourrait être mise en rapport avec le souci de manier des grOUJ?CS «représentatifs». souci légitime pour autant qu'il ne bloque pas l'intérêt, légitime lui aussi, qu'il y aurait à étudier des groupes selectionnés.
14 Alors que le problème, posé par les «anthroposociologues», est celui d'une évolution démographique différente de catégories d'une même population, sur place. Le phénomène est bien connu dans les pays où deux ou plusieurs groupes peuvent être grossièrement délimités par la couleur de la peau (par la langue ou la religion aussi: par exemple la «revanche des berceaux» des Canadiens français).
IV. Rôle actuel des documents anciens.
Les variations diachroniques nécessitent la revision de toutes les données existantes, et donc le réexamen du contenu quelquefois poudreux et jauni des bibliothèques et des archives. La méthodologie de l'examen de la taille est au point de longue date; pour l'indice céphalique, ce sont surtout les fichiers anthropométriques qui entrent en ligne de compte, avec correction systématique de la méthode de Bertillon. La couleur des yeux mal codifiée prendra plus de temps et de peine mais est abordable; dans certains cas la multiplicité des observateurs est une garantie contre une erreur. Le calcul de moyennes de coloration atténue les différences provenant de méthodes diverses; il faudra procéder à des recherches de correction systématique et se contenter, dans un premier temps, de décrire des tendances évolutives, en attendant des résultats plus précis et étoffés. Ainsi nous disposons maintenant des moyens d'étudier assez en détail la plus grande partie du 19• siècle, si riche en bouleversements socio-économiques, et présentant une crise de l'aspect phénotypique (peut-être aussi génotypique) de la population de la France, de la Suisse, de l'Allemagne, de l'Italie, pour le moins en ce qui concerne la diminution ou la stabilité de la taille et le début, vers 1880, de l'augmentation actuelle; l'augmentation, le maximum et la diminution de l'indice céphalique; le foncement de la couleur des yeux, avec peut-être un rééclaircissement. Nous pouvons également (taille et couleur) étudier maintenant le 18· siècle, époque de prodromes des grands changements précités.
V. Projets de réformes. Conclusion.
Après avoir taillé, il faut recoudre et se demander quels sont les renseignements du passé et quelles modifications pourraient être souhaitables. On pourrait songer, sur le plan de l'activité formelle:
a) A des problèmes de sauvegarde et de sécurité de notre documentation sous forme, d'une part, de sa centralisation dans les instituts d'anthropologie et, d'autre part, sa dispersion; il vaut la peine, en effet, de faire quelques dépenses de tirés à part qui seraient envoyés dans plusieurs pays étrangers. Il faut aussi penser à des actions individuelles pour éviter les destructions, notamment en sauvant les notes personnelles d'anthropologistes décédés, ainsi qu'en inventoriant des documents non utilisés dans des instituts.
b) A un complément d'information par l'obtention de données non publiées; en Suisse, il s'agirait avant tout de retrouver la documentation de l'enquête de Kollmann et d'obtenir enfin les statistiques complètes de recrutement militaire.
c) Aujour heureux entre tous où, l'électronique aidant, nous accéderions, à l'aide d'un terminal, à toute l'information anthropologique existante; en attendant, la constitution de banques de données est un grand pas dans cette direction.
d) A la publication d'intentions et de programmes de recherche. Dans les Archives suisses d' Anthropologie générale, un chercheur annonçant ses projets ne s'engagerait nullement à les mener à bien mais, dans un cas favorable, il pourrait bénéficier de remarques, conseils ou demandes particulières de la part de collègues intéressés par son but ou travaillant dans des secteurs voisins15. Cela permettrait d'éviter bien du temps perdu par le mode artisanal et solitaire du chercheur traditionnel: enquête, calculs, publications, échos éventuels et corrections en vue d'un nouveau travail.
e) A des publications plus nombreuses et plus courtes, vu les longs délais de parution et les frais qui ne diminuent pas. L'ancien usage de double publication dans l'ex-Bulletin de
15 Le cas précité de l'enquête Sutter, sur les Polytechniciens, est typique; un anthropologiste pressenti aurait pu intervenir pour compléter utilement le programme.
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la Société suisse d' Anthropologie et d'Ethnologie et dans les Actes de la Société helvétique des Sciences naturelles, avec stricte limitation à deux pages, nous contraignait à une décantation - exercice utile - et dont il faudrait peut-être discuter la réintroduction.
En ce qui concerne le contenu, il faudrait penser:
f) A un renforcement de l'intérêt pour l'histoire de l'anthropologie chez les étudiants.
g) A un réexamen de la documentation avec l'idée suivante: si des travaux anciens ont été et demeurent de peu de valeur, d'autres, peu utilisables et négligés, peuvent nous apporter quelque chose actuellement. Ceci est valable même pour des publications à première vue éloignées de l'anthropologie 16, ainsi que pour les oeuvres d'auteurs racistes, donc suspects d'emblée 17.
h) A l'établissement d'une liste de vieux problèmes non résolus, «goulots d'étrangle- ment» pour la recherche actuelle.
i) A un grand projet international; les anthropologistes d'autrefois ont été certainement stimulés par de grands buts: la taxonomie; le cadastre de l'Europe pour la répartition géographique des principaux caractères.
Pour l'instant, nous risquons d'être embarqués dans une question largement discutée - mais mal posée - probablement peu utile et sûrement susceptible de faire des dégâts:
l'hérédité de l'intelligence, nouvelle mouture du deux fois millénaire problème des corrélations psycho-physiques, jalonné par la physiognomonie grecque et arabe, la phrénologie, la théorie du criminel-né de Lombroso 18, l'anthroposociologie, les typologies caractérologiques. Si cette dispute évolue aussi mal qu'on peut le craindre, nous aurons encore des pertes de temps et l'établissement de sujets tabous.
En conclusion, et bien conscient du caractère partiel - et même partial - de cette évaluation méthodologique, l'auteur souhaite que l'anthropologie en évolution demeure cohérente en conservant ses racines; le passé est vivant et il nous interpelle quand nous avons sous les yeux un document ancien.
ANNEXE: PROJETS DE RECHERCHE
GLOOR, P.-A., Lausanne. France du 19• siècle: évolution de la taille, de l'indice céphalique et de la couleur des yeux. 2065 hommes, fichier anthropométrique, Lausanne et Berne.
GLOOR, P.-A., Lausanne. France, 1s•-19• siècles: évolution de la taille et de la couleur des yeux. 10.000 Polytechniciens, classes 1794-1874. Fichier militaire de Vincennes.
RÉSUMÉ
Une brève récapitulation historique des débuts de nos connaissances sur la taille, l'indice céphalique et la couleur des yeux fait apparaître des disparitions de données, des hésitations techniques, des tensions psychologiques, en tout une perte de temps. On expose divers projets de réforme de l'activité anthropologique, tendant à une revalorisa- tion des documents anciens.
16 Parent-Duchatelet, précité, avait fait œuvre pornographique dans le sens ancien et précis du terme: un ouvrage sur la prostitution; de plus, précurseur de la sociologie, il écrivait bien en avance sur son temps. Il y avait de quoi couler cette étude, ce qui a bien failli se produire.
17 J'ai rencontré une mention d~un auteur de cette catégorie, «examiné avec précaution»; comme si, pour l'auteur de cette mention, il existait des lectures à faire sans précaution?
18 Réapparue récemment avec la formation chromosomique XYY.
ZUSAMMENFASSUNG
Alte anthropologische Dokumente, einige anthropologische und methodologische Überlegungen.
Eine kurze historische Zusammenfassung der Anfânge unseres Wissens betreffend Kôrpergrôsse, Langen-Breiten-Index und Augenfarbe zeigt verlorene Fakten, technisches Zôgern, psychologische Spannungen auf, jedenfa11s ein Zeitverlust. Verschiedene Reformprojekte der anthropologischen Tatigkeit, die zur Wiederaufwertung alter Dokumente tendieren, werden vorgeschlagen.
SUMMARY
Ancient documents of anthropology. Sorne historical and methodical ideas.
A short historie recapitulation of our first knowledge of stature, cephalic index and eye-colour shows the loss of facts, technical hesitations, psychological tensions, on the whole a loss of time. Various projects of reformation of anthropologie activities, tending
towards revalorisation of old documents, are shown. ·
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