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Audit sur les dérives sectaires : rapport général

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Audit sur les dérives sectaires : rapport général

BELLANGER, François

BELLANGER, François. Audit sur les dérives sectaires : rapport général. In: Audit sur les dérives sectaires : Rapport du groupe d'experts genevois au Département de Justice et Police et des Transports du Canton de Genève . Genève : S. Hurter, 1997. p. 11-45

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42088

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François Bellanger, Partie générale 13

Sommaire

I. INTRODUCTION 15

II. LA NOTION DE «SECTE « . . . 19

III. LA LIBERTÉ RELIGIEUSE . . . 24

A. LA PORTÉE DE LA LIBERTÉ RELlGIEUSE . . . . 24

B. LES LIMITES DE LA LIBERTÉ RELlGIEUSE . . . . 27

C. APPLICATION DE LA LlBERTÉ RELIGIEUSE AUX GROUPEMENTS À CARACTÈRE RELlGIEUX, SPIRITUEL OU ÉSOTÉRIQUE . . . . 31

IV. L'ÉTENDUE DU PHÉNOMÈNE SECTAIRE À GENÈVE 33 V. L'INFORMATION RELATIVE AUX GROUPEMENTS À CARACTÈRE RELIGIEUX, SPIRITUEL OU ÉSOTÉRIQUE . . . 39

1. LE PROBLÈME DE L'ENSEIGNEMENT LAÏC . . . . 39

2. ABSENCE DE VÉRITABLE CONNAISSANCE DU PHÉNOMÈNE SECTAIRE . . . . 40

VI. LA PROTECTION DES VICTIMES DE DÉRIVES SECTAIRES . . . 43

VII. CONCLUSIONS . . . 44

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François Bellanger, Partie générale 15

I. Introduction

En date du 8 janvier 1996, Monsieur le Conseiller d'Etat Gérard Ramseyer, chef du Département de Justice et Police et des Transports, a mandaté Me François Bellanger afin de constituer un groupe d'étude sur la question des dérives sectaires et de rendre un rapport sur les trois objets suivants:

Répertorier et commenter l'ensemble des bases légales (droits constitu- tionnel, civil, pénal, administratif, fiscal, etc.) permettant d'agir à l'en- contre des sectes en sauvegardant aussi bien l'intérêt public que celui des personnes ou des familles victimes des sectes.

Dire, à partir de l'arsenal législatif existant, son aménagement ou son extension, quelles sont les possibilités d'action plus étendues ou plus approfondies dont pourrait disposer l'autorité.

Proposer toutes pistes nouvelles, sur la base de dispositions légales nouvelles, permettant d'atteindre les buts recherchés.

Pour couvrir l'ensemble des domaines du droit, il a été convenu de faire appel à des spécialistes en matière de droit de la famille, de droit fiscal et de droit pénal. Avec l'accord de Monsieur le Conseiller d'Etat Gérard Ramseyer, le groupe d'experts a donc été composé des personnes suivantes:

Monsieur François Bellanger, Avocat, chargé de cours suppléant à l'Université de Genève et Président du groupe d'experts.

Monsieur Maurice Harari, Avocat et ancien magistrat.

Monsieur Xavier Oberson, Professeur de droit fiscal à l'Université de Genève et avocat.

Monsieur Martin Stettler, Professeur de droit civil et Doyen de la Faculté de droit de l'Université de Genève.

En outre, Monsieur Bernard Duport, Secrétaire général adjoint au Département de Justice et Police et des Transports, a été délégué au sein du groupe d'étude par le Président du Département.

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16 François Bellanger, Partie générale

Le groupe d'experts s'est réuni à plusieurs reprises dès la fin janvier 1996 jusqu'en juin 1996. Durant cette période, le groupe a procédé à plus de vingt-six heures d'audition de membres des autorités concernées par le phénomène sectaire, de victimes ou de parents de victimes et enfin de repré- sentants de groupements généralement qualifiés de secte par le public, soit les personnes suivantes :

Madame Yvette Daoudi Beuchat, Présidente du Tribunal tutélaire;

Madame Fabienne Proz Jeanneret, Juge au Tribunal tutélaire;

Madame Marie-Laure François, Secrétaire générale du Département de l'Instruction publique;

Monsieur Jean Lehmann, Directeur général de l'Office de la jeunesse;

Madame Jacqueline Horneffer-Colquhoun, Directrice du Service de la protection de la jeunesse;

Madame Annette Pfaehler, Tutrice générale;

Monsieur Bruno Davit, Chef du Service des enquêtes, Département des finances;

Monsieur Daniel Rebsamen, Département des finances;

Monsieur Benno Gartenmann, Directeur général de l'Office du personnel;

Monsieur Bernard Bertossa, Procureur général;

Monsieur Daniel Dumartheray, Juge d'instruction chargé de l'enquête sur l'OTS;

Monsieur von Niederhausern, Inspecteur de la sûreté;

Monsieur Eric Fuchs, Directeur du Centre interfacultaire d'éthique;

Monsieur Olivier Fatio, Doyen de la Faculté de Théologie;

Le père d'une ancienne adepte de l'OTS;

Une victime de dérives sectaires;

Monsieur Jean-François Mayer, fonctionnaire à l'Office central de la défense et spécialiste des sectes;

Madame Danièle Muller, Présidente de !'Association suisse de défense de la famille et de l'individu;

Un représentant du groupement Energie Universelle et Humaine (HUE);

Deux représentants de l'Eglise de Scientologie;

Deux représentants des Témoins de Jéhovah;

Deux représentants du Lectorium Rosicrucianum;

Trois représentants du Mouvement Raëlien.

Le groupement Alliance Pierres-Vivantes à Fribourg a été contacté à

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Introduction 17

Par ailleurs, Monsieur Martin Stettler et Monsieur François Bellanger ont rencontré Madame Ivana Vrbica et Madame Silvana Morenzoni, qui dirigent le service de l'enseignement privé.

Monsieur Xavier Oberson a également rencontré Monsieur Pietro Sansonetti, Directeur des affaires fiscales au Département des finances.

Enfin, le président du groupe d'experts a eu des contacts avec les personnes suivantes:

Un ancien adepte de Sahaya Yoga;

Un membre de EIJA;

Monsieur François Lavergnat, président du Groupement de Protection de la Famille et de l'Individu en Suisse romande (GPFI);

Monsieur Blaise Martin, médecin cantonal;

Deux officiers du Service des Renseignements généraux français.

Ces auditions ont permis aux membres du groupe d'experts de prendre connaissance de nombreuses informations relatives au phénomène sectaire et d'apprécier les difficultés auxquelles sont confrontées sur le terrain les personnes qui sont aux prises avec celui-ci. Elles ont aussi mis en évidence la sensibilité des représentants de groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique face à la qualification de leur groupement comme secte ainsi que la nécessité de disposer d'une information complète pour apprécier la réelle nature d'un mouvement. Le groupe d'experts a notamment mesuré le risque que représente une chasse aux sorcières lorsque, sur la base d'infor- mations sommaires ou incomplètes, des groupements sont mis au ban de la société au motif que leurs croyances apparaissent un peu étranges. A l'in- verse, il semble parfois trompeur de se fier à la dénomination du groupe- ment. La seule référence à une activité cultuelle dans le nom du groupement ne suffit pas pour lui donner un caractère religieux.

Dans le cadre de la présente partie générale du rapport et des différents chapitres de la partie spéciale, il ne sera en principe pas fait état des déclara- tions recueillies lors des auditions. Sous réserve de l'accord des personnes auditionnées, ces dernières sont couvertes par le secret, conformément à l'engagement pris par les membres du groupe d'experts pour permettre une totale liberté aux intervenants.

De plus, tant le rapport général que les rapports spéciaux se fondent sur la

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François Bellanger, Partie générale

groupe d'experts. Lorsqu'il est fait état de groupements ou d'actes illicites commis par ceux-ci, il s'agit uniquement de remarques générales qui ne visent aucun groupement en particulier, notamment pas les groupements dont les représentants ont été entendus lors des auditions.

Les membres du groupe d'experts ont reçu de nombreux documents de la part des représentants des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique. Ces documents visaient notamment à démontrer le caractère religieux du groupement. Ils ont permis aux membres du groupe d'experts d'acquérir une connaissance plus étendue des mécanismes officiels de fonc- tionnement de ces groupements ainsi que de leurs croyances. L'Eglise de Scientologie a également remis au président du groupe d'experts en date du 11 octobre 1996 une liste des prix des cours ainsi que les documents signés par les adeptes de ce mouvement.

Le présent rapport est le résultat du travail effectué par le groupe d'experts.

Il se décompose en cinq parties.

La première partie contient une réflexion générale sur la problématique des dérives sectaires et les constatations effectuées par le groupe d'experts. Après avoir précisé la notion de secte et l'étendue de la liberté religieuse, nous présenterons l'étendue du phénomène sectaire à Genève, telle que le groupe d'experts a pu la constater, ainsi que les problèmes liés à l'information sur les sectes et l'aide aux victimes.

La deuxième partie, rédigée par le Professeur Martin Stettler, porte sur la prévention et la protection de l'enfant contre les atteintes liées à la dépen- dance de mouvements sectaires. Elle expose les moyens de protection des mineurs, capables ou non de discernement, et présente les enseignements résultant de l'étude et les initiatives possibles concernant notamment la famille, l'enseignement public ou privé, les moyens de prévention et le fonc- tionnement des autorités judiciaires.

La troisième partie, écrite par le Président du groupe d'experts, contient un inventaire des dispositions de droit administratif qui permettent d'appré- hender les différentes manifestations du phénomène sectaire et de lutter contre les actes illicites résultant de dérives sectaires.

La quatrième partie, élaborée par Me Xavier Oberson, vérifie dans quelle mesure les lois fiscales permettent d'appréhender la réelle capacité

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La notion de «secte» 19

également les moyens à la disposition des autorités pour contrôler le respect des dispositions fiscales.

Enfin, la dernière partie de l'étude, dont la responsabilité incombe à Me Maurice Harari, a trait à l'application des dispositions pénales. Parmi les initiatives envisageables, elle contient en particulier une analyse de l'oppor- tunité de la création d'une infraction de manipulation mentale.

La notion de «secte»

Il n'existe pas en droit suisse de définition légale de la notion de «secte». Ce terme est utilisé de manière générale pour qualifier un groupement de pensée minoritaire, sans distinction par rapport à la nature de ses croyances ou de ses pratiques.

Compte tenu des drames récents liés à l'Ordre du Temple Solaire et de l'au- dience donnée régulièrement par les médias à des cas de dérive sectaire, ce terme a pris une forte connotation péjorative. Pour le public, une secte est généralement considérée comme un groupement ayant une activité néfaste et présentant un certain caractère de dangerosité. Cette qualification néga- tive est très fortement ressentie par les groupements qui estiment souvent faire l'objet d'attaques injustes, voire racistes, dès lors qu'ils sont considérés comme des sectes.

En tenant compte de ces éléments, le groupe d'experts a tenté de cerner la notion de «secte» dans la mesure où, en définissant ce terme, il délimitait l'étendue et la portée de l'analyse juridique requise par le Département de Justice et Police et des Transports. Pour atteindre cet objectif, le groupe a envisagé deux approches.

La première méthode consiste à s'inspirer de la définition traditionnelle du terme «secte» pour parvenir à une définition juridique du phénomène. Ainsi, selon le Petit Larousse 1996, une secte est un «ensemble de personnes qui professent une même doctrine philosophique ou religieuse» ou un «groupement reli- gieux clos sur lui-même et créé en opposition à des idées ou des pratiques religieuses dominantes». Cette définition correspond à l'étymologie du mot «secte», soit le fait de se couper d'un courant de pensée prédominant. Toutefois, cette

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François Bellanger, Partie générale

D'une part, restreindre la notion de «secte)> aux seuls courants de pensée séparés d'une idéologie philosophique ou religieuse traditionnelle limiterait considérablement le champ d'application de ce terme. En effet, à l'heure actuelle, le phénomène sectaire revêt une dimension nettement plus impor- tante et variée. De nombreux mouvements de pensée n'ont rien de commun avec les courants religieux traditionnels. Ils offrent ainsi souvent une théorie syncrétique qui utilise certains éléments des religions ou de la philosophie orientale ou judéo-chrétienne, sans qu'il soit possible de les rapprocher plus particulièrement d'un courant de pensée. La situation est similaire pour les mouvements guérisseurs ou les groupements se trouvant dans la mouvance technologique, qui proposent des doctrines trop éloignées des religions tradi- tionnelles pour qu'il soit possible de parler de coupure par rapport à celles-ci.

D'autre part, présenter les sectes comme étant forcément un courant de pensée issu d'une religion reviendrait à assimiler presque automatiquement les sectes à des religions. Or, si une secte peut parfois avoir un caractère reli- gieux, cela n'est pas toujours le cas. A l'inverse, les représentants de mouve- ments à caractère sectaire n'auraient qu'un pas à franchir pour affirmer que toute religion n'est qu'une secte et les mettre ainsi à leur niveau.

La seconde méthode se caractérise par le fait qu'elle s'intéresse au phéno- mène non pas par rapport à sa dénomination, mais en relation avec les actions ou les pratiques des groupements. Ainsi, la définition d'un mouve- ment comme secte ou religion importe peu dès que son activité entraîne la commission d'actes illicites par ses dirigeants ou ses membres.

L'avantage de cette méthode est de permettre d'appréhender les conséquences du phénomène sectaire sans imposer de procéder à une définition préalable de la notion de secte du point de vue juridique. Une telle définition non seule- ment serait très difficile à élaborer, mais elle heurterait probablement la liberté de conscience et de croyance, garantie par les articles 49, alinéa 1, de la Constitution fédérale1 et 9 de la Convention européenne des droits de l'homme2En effet, la liberté religieuse assure à tout citoyen le droit de croire comme de ne pas croire à une entité, quelle qu'elle soit, qui se «situe au-dessus et au-delà de notre société»3Plus encore, elle garantit à chacun le droit d'avoir sa propre vision du monde et de choisir ses valeurs éthiques ou morales4. 1 RS 101; ci-après «Cst. féd.».

2 RS 0.101; ci-après «CEDH>).

3 J.-F. AUBERT, Traité de droit constitutionnel, Neuchâtel 1967/1976, N° 2014.

4 J.-P. MÜLLER, Die Grundrechte der schweizerischen Bundesverfassung, 2' éd., Berne 1991, p.

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La notion de «secte»

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A l'intérieur de ce cadre juridique, vouloir élaborer une définition des

«sectes» signifierait soit établir une distinction entre les religions, les sectes et les autres croyances, soit distinguer les religions des sectes. Dans les deux cas, cela reviendrait à créer des catégories de croyances. Certaines seraient admissibles, car elles auraient été classées comme des religions ou comme des croyances non sectaires, alors que d'autres feraient l'objet d'une approche spécifique en raison de leur qualification de «secte». Une telle . approche ne pourrait qu'entraîner une limitation de la liberté religieuse ou · de la liberté de pensée en établissant une distinction entre les croyances . acceptables et les autres. Or, dès que l'on crée des catégories, il faut établir des critères permettant de répartir les croyances entre les différents groupes.

En procédant à la répartition, il faut obligatoirement porter des jugements de valeur et éventuellement mettre en cause telle ou telle croyance. A notre avis, cela n'est pas acceptable. Le simple fait de procéder à une telle réparti- tion constituerait une atteinte disproportionnée à la liberté de conscience et de croyance, car le fondement même de cette liberté est l'absence de distinc- tion entre les croyances.

Or, le but du présent rapport n'est pas d'établir un contrôle des différentes croyances. Bien au contraire, selon le mandat du Département de Justice et Police et des Transports, il s'agit de prévenir et de réprimer les atteintes aux droits des personnes perpétrées au nom ou sous le couvert d'une croyance.

Le champ de l'étude se limite donc aux dérives sectaires, soit aux actes illi- cites commis par des mouvements sectaires à caractère dangereux.

En conséquence, le groupe d'experts a opté pour une approche pragmatique qui s'attache exclusivement aux symptômes des dérives sectaires. Il a donc renoncé à définir la notion de secte. Dans le même sens, le groupe d'experts a estimé qu'une définition légale des <(sectes» dans une législation consacrée spécifiquement à ce phénomène serait inappropriée. D'une part, comme nous l'avons déjà indiqué, une définition légale de la secte correspondant à la réalité du phénomène sectaire serait difficile, voire impossible à trouver.

De plus, intégrée dans une réglementation spéciale, une telle définition aboutirait probablement à provoquer un phénomène d'intolérance beau- . coup plus important que celui qui existe déjà à l'heure actuelle.

Dans le présent rapport, il sera donc fait référence aux différents mouvements généralement mentionnés en relation avec les sectes sous la dénomination de

<(groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique». Cette terminologie vise à englober toutes les manifestations possibles des différentes croyances,

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François Bellanger, Partie générale

1 Les actes illicites liés au phénomène sectaire seront qualifiés de «dérives sectaires». Nous visons par ces termes les comportements illicites qui résul- tent de la croyance ou du fonctionnement d'un groupement. Tel sera, par exemple, le cas de manipulations mentales lors de séances d'endoctrine- ment des adeptes ou d'atteintes à l'intégrité physique des membres. Dans une telle hypothèse, le fait que les actes illicites sont la base même du fonc- tionnement du mouvement lui donne son caractère dangereux et ne lui permet pas de se prévaloir de la liberté de conscience et de croyance. Les libertés individuelles protègent principalement les individus contre l'activité de l'Etat et n'ont pas pour but de justifier des actes contraires au droit5. Un acte illicite, même commis au nom d'une religion, reste un acte illicite et doit être sanctionné. Si la pratique d'un groupement l'amène à commettre fréquemment des actes illicites, il est normal qu'il soit considéré comme dangereux. Cela n'a rien à voir avec la religion elle-même. Il ne s'agit alors pas d'une chasse aux sorcières, mais uniquement du respect des droits d'autrui et de l'ordre public.

S'agissant de la définition des symptômes des dérives sectaires, le groupe d'experts a fait sienne la liste établie par le Rapport sur les sectes de la Commission parlementaire française, soit:

«- la déstabilisation mentale;

le caractère exorbitant des exigences financières;

la rupture induite avec l'environnement d'origine;

les atteintes à l'intégrité physique;

l'embrigadement des enfants;

le discours plus ou moins antisocial;

les troubles à l'ordre public;.

l'importance des démêlés judiciaires;

l'éventuel détournement des circuits économiques traditionnels;

les tentatives d'infiltration des pouvoirs publics»6.

Cette approche respecte les droits des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique.

En effet, elle ne les met pas en cause, à moins qu'ils ne soient responsables des actes illicites commis par leurs membres. Ainsi, il peut se produire que certains membres d'un groupement commettent un acte illicite sans que cet

5 Voir, infra, le point III.B.

6 Rapport, pp. 12-13.

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La notion de «secte»

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acte soit imputable au mouvement en cause ni, en particulier, à ses pratiques ou à son mode de fonctionnement. Dans ce cas, il appartient bien entendu au groupement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces actes ne se reproduisent pas, par exemple en condamnant l'attitude de la personne en cause et en l'excluant.

En revanche, l'importance des démêlés judiciaires d'un groupement constitue dans ce sens un indice objectif important de son caractère dangereux. En effet, si les responsables d'un mouvement font l'objet de plusieurs condamnations à l'issue de procédures distinctes, il ne peut plus être question d'un <(accident» dû à des membres peu scrupuleux du mouvement. Il existe alors des indications claires que les pratiques du mouvement entraînent de manière régulière des violations du droit. Dans ce cas, si les responsables du mouvement admettent cette situation et acceptent de continuer leur activité au moyen d'actes illicites, alors ils doivent en subir les conséquences.

En toute hypothèse, toute qualification d'un groupement à caractère reli- gieux, spirituel ou ésotérique comme mouvement sectaire à caractère dangereux doit reposer sur des éléments objectifs. En aucun cas, une infor- mation non contrôlée ou fragmentaire ne devrait suffire. Le groupe d'ex- perts a ainsi pu constater qu'il peut exister parfois un décalage important entre les caractéristiques dangereuses attribuées à certains mouvements et la réalité des faits. A l'inverse, il est important de relever qu'un groupement apparemment parfaitement innocent peut assez rapidement dévier et adopter des comportements illicites. En conséquence, une grande prudence s'impose dans ce domaine, et les jugements hâtifs doivent impérativement être évités.

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François Bellanger, Partie générale

III. La liberté religieuse

A. La portée de la liberté religieuse

La liberté religieuse résulte en Suisse de la combinaison de deux dispositions constitutionnelles, les articles 49 et 507

Globalement, ces deux dispositions garantissent le droit d'avoir une convic- tion religieuse ou métaphysique et de la diffuser, de l'exprimer et de la mettre en pratique, ou d'adopter des comportements qui sont l'expression directe de cette conviction8, moyennant le respect de certaines limites9Elles protègent ainsi les différentes manières pour un individu10 de concevoir les rapports de l'homme à la divinité ou au transcendant11Selon le Tribunal fédéral, «la croyance doit cependant avoir une certaine signification essentielle ou métaphysique et elle doit être liée à une conception du monde de caractère global.

Elle doit donc amener le fidèle à appréhender les questions fondamentales avec une optique influencée par ses convictions religieuses. Sinon la garantie constitutionnelle équivaudrait à une liberté générale de pensée et d'action sans limites précises. La garantie constitutionnelle de la liberté religieuse ne protège pas seulement les confes- sions des Eglises ou communautés chrétiennes occidentales; le champ de protection s'étend à toutes les religions, indépendamment du nombre d'adeptes en Suisse».12 De manière générale, la religion doit cependant être identifiable; à défaut, les garanties n'auraient guère de sens13

7 Sur la portée historique de ces deux dispositions, voir notamment A. FAVRE, Droit constitu- tionnel suisse, Fribourg 1970, pp. 273 ss, ainsi que F. FLEINER/Z. GIACOMETTI, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich 1949, pp. 310 ss. Voir également en général sur cette question F. CLERC, Les principes de la liberté religieuse en droit public suisse, thèse, Paris 1937;

R. STUDER, Ausgewéihlte Fragen der Glaubens- und Gewissensfreiheit anhand der Bundesrechtlichen Rechtsprechung, thèse, Bâle 1977.

8 Dans ce sens, l'article 9 CEDH ne protège pas les professions de foi religieuse qui servent en réalité d'arguments de vente dans des annonces à caractère commercial (Décisions et Rapports de la Commission européenne des droits de l'homme (ci-après «DR»), 1979/16, pp. 68/78).

9 ATF 118/1992 la 46/56, U,rein Scientology Kirche Zürich gegen U,rein infoSekta.

10 U. HÀFELIN/W. HALLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 3' éd., N° 1196.

11 En revanche, le sentiment religieux en général n'est pas protégé (ATF 116/1990 la 316/318, A.).

12 ATF 119/1993 la 178, A. et M., dans JdT 1995, pp. 290/295, X. et Eglise de Scientologie.

13 DR 1978/11, pp. 55/57, X., dans lequel la Commission n'a constaté aucun fait permettant de

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La liberté religieuse

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La liberté religieuse est également garantie par l'article 9 CEDH14, qui prévoit que toute personne dispose de la liberté de pensée, de religion et de croyance, ce qui implique notamment le droit de changer de religion ou de conviction ainsi que le droit de manifester sa religion ou croyance, individuellement ou collectivement, en privé ou en public, par le culte, l'enseignement, la tentative de convaincre son prochain, les pratiques et l'accomplissement des rites15Le Tribunal fédéral a toutefois jugé que les garanties constitutionnelles résultant des articles 49 et 50 Cst. féd. et l'article 9 CEDH ont la même portée16. La disposition conventionnelle ne donne donc pas des garanties supplémentaires;

elle guide cependant l'interprétation des articles 49 et 50 Cst. féd.

Considérés individuellement, les articles 49 et 50 Cst. féd. ont chacun un rôle spécifique.

L'article 49 Cst. féd. établit à son alinéa 1 que «la liberté de conscience et de croyance est inviolable». L'article 49, alinéa 2, Cst. féd. précise en outre que

«nul ne peut être contraint de faire partie d'un enseignement religieux, d'accomplir un acte religieux, ni encourir des peines, de quelque nature qu'elles soient, pour cause d'opinion religieuse». Le choix de la forme que doit revêtir, pour être valable, une déclaration de sortie d'une communauté est cependant laissé au soin des communautés religieuses17De plus, le fait d'adhérer à une Eglise implique celui d'accepter ses règlements autonomes. Si ceux-ci prescrivent des obligations financières, l'individu peut exercer sa liberté de religion en quittant l'Eglise. En revanche, il ne peut se prévaloir de sa liberté pour rester au sein de l'Eglise tout en étant dispensé de ses obligations18.

De même, au sein d'une Eglise officielle, un ecclésiastique souscrit tant des obligations religieuses que des obligations envers l'Etat. Si les exigences de l'Etat sont en conflit avec ses convictions, il a le choix de renoncer à sa fonc- tion de pasteur au sein de l'Eglise officielle. Pour la Commission européenne des droits de l'homme, il s'agit «d'une ultime garantie de son droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion» 19.

14 L'article 5, litt. d, de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (RS 0.104), souvent cité par certains groupements, vise le libre exercice d'une religion sans discrimination raciale. Il ne confère pas une garantie supplémentaire par rapport à l'article 9 CEDH quant au droit d'exercer une religion en tant que telle.

15 Arrêt du 25 mai 1993, en la cause Minos Kokkinakis c. Grèce, RUDH, 1993, pp. 251/253.

16 ATF 114/1988 la 129/134, M. R.; ATF 116/1990 I 252, Comune di Cadra, dans JdT 1992 I, pp. 5/10-11.

17 ATF 93/1967 I 350/353, Evangelisch-reformierte Kirche Basel-Stadt.

18 DR 1984/34, pp. 42/48, E. & G.R.; DR 1985/40, pp. 284/286, Jean & Bertha Gottesmann.

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François Bellanger, Partie générale

Telle que garantie par l'article 49, alinéas 1 & 2, Cst. féd., la liberté de conscience et de croyance est un droit imprescriptible et inaliénable20, dont sont titulaires les personnes physiques21 ainsi que les personnes morales qui poursuivent, à teneur de leurs statuts, des objectifs religieux ou ecclésias- tiques, dans la mesure où elles contestent des actes étatiques qui touchent directement les intérêts des membres de l'Eglise protégés par cette liberté et dont la sauvegarde fait partie des tâches de la communauté ecclésiastique22

Conformément à la conception traditionnelle des libertés fondamentales, cette liberté protège ainsi le citoyen contre les ingérences de l'Etat qui pour- raient gêner ses convictions religieuses23Elle implique en particulier le droit de croire comme de ne pas croire, ainsi que celui de modifier en tout temps ses croyances religieuses24L'Etat doit donc conserver une neutralité reli- gieuse. Cela n'exclut toutefois pas qu'il accorde certains avantages aux Eglises reconnues, comme communautés de droit public, notamment en matière d'impôts25.

En revanche, la liberté de conscience et de croyance ne déploie pas d'effet horizontal direct entre les particuliers. Elle peut uniquement avoir un effet horizontal indirect dans le cadre de l'interprétation de certaines dispositions légales26, par exemple l'article 261 du Code pénal sur l'atteinte à la liberté de croyance et de culte27

La liberté de conscience et de croyance est complétée par la liberté de culte prévue par l'article 50 Cst. féd. Cette disposition garantit le libre exercice des cultes pour autant qu'il reste dans les limites de l'ordre public et des bonnes mœurs. Elle concerne essentiellement l'exercice d'actes cultuels sur le domaine public. En effet, chacun doit pouvoir exercer sa religion, mais cette activité ne doit pas heurter le sentiment de personnes ayant une autre reli- gion. Dans le même sens, l'article 9, § 1, CEDH ne garantit pas toujours le

20 ATF 116/1990 I 252, Comune di Cadra, dans JdT 1992 I, pp. 5/10.

21 Toute personne physique dispose de cette liberté dès l'âge de 16 ans révolus. Avant ce moment, le ou les titulaires de l'autorité parentale disposent, dans les limites fixées par l'article 49, alinéas 1 & 2, Cst. féd., de l'éducation religieuse de leurs enfants.

22 ATF 97/1971 I 221/228, Neuapostolische Kirche in der Schweiz; JAAC 1983, p. 580; DR 1979/16, pp. 68/76, X. et Eglise de Scientologie.

23 ATF 101/1975 I 392/397, Einwohnergemeinde Hünenberg.

24 ATF 116/1990 I 252, Comune di Cadra, dans JdT 1992 I, pp. 5/1 O.

25 ATF 113/1987 la 304/307, NehalAhmed Syed.

26 ATF 118/1992 la 46/56, Tfrein Scientology Kirche Zürich gegen Tfrein infoSekta.

27 ATP 1 ')()/1 00.1. T -::i ??()/')?i:::;; .'\;r1.Pnt-11l11a'\J T<"1.rrhP 71ïrirh

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La liberté religieuse

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droit de se comporter en public de la manière dictée par ses convictions reli- gieuses. Ainsi, le fait de diffuser des idées religieuses opposées à l'avortement aux abords d'une clinique pratiquant des interruptions de grossesse n'est pas l'expression d'une conviction au sens de l'article 9, § 1, CEDH28

Les limites de la liberté religieuse

Les limites de la liberté de conscience et de croyance sont précisées par les alinéas 3 et 4 de l'article 49 Cst. féd.29

En premier lieu, les règles et conditions de nature religieuse ou ecclésiastique ne peuvent pas restreindre l'exercice des droits civils ou politiques.

Autrement dit, d'une part, le droit ecclésiastique ne doit pas avoir d'effet sur le droit de l'Etat et, d'autre part, la liberté civile ne peut pas être restreinte pour des motifs religieux. Selon Jean-François Aubert, l'Etat n'aurait ainsi pas le droit d'interdire toute activité le dimanche30

En second lieu, une opinion ou une croyance religieuse ne constitue pas un motif suffisant pour s'affranchir de l'exercice des devoirs civiques, qui incluent l'obligation de suivre l'enseignement obligatoire31, sous réserve notamment de l'existence d'un intérêt public pertinent et du respect du principe de proportionnalité32

De même, l'exercice de la liberté de culte est limité par les exigence de l'ordre public et des bonnes moeurs. Dans ce sens, l'article 50, alinéa 2, Cst.

féd. précise que «les cantons et la Confédération peuvent prendre des mesures pour le maintien de l'ordre public et de la paix entre les membres des diverses commu- nautés religieuses ... ». Dans l'arrêtVogel du 3 mars 1923, leTribunal fédéral a notamment relevé que l'on doit pouvoir exiger de toutes les communautés religieuses et de leurs adhérents un certain degré de tolérance réciproque à l'égard des manifestations de culte extérieures. Pour que la paix confession-

28 DR 1995/SOB, pp. 147/150-151, Monsieur van den Dungen.

29 L'article 49, alinéa 5, Cst. féd. règle quant à lui la question des impôts ecclésiastiques en interdisant le prélèvement obligatoire d'impôts affectés aux frais de culte d'une communauté, si la personne sur qui les impôts devraient être prélevés le refuse ou n'appartient pas à la communauté. Cette disposition n'est pas pertinente dans le cadre de la présente étude.

30 Traité de droit constitutionnel, précité, N° 2019.

31 ATF 66/1940 I 157/158, Clémençon.

32 ATF 117/lQQl fa 11li'll'i-11Q.R8r T-r S

(16)

28

François Bellanger, Partie générale

nelle soit troublée, il faut un risque concret de perturbation ou de menace en raison d'une manifestation en public et que ce risque entraîne un état de tension préjudiciable. Tel sera le cas pour des manifestations qui apparaissent au regard de l'ensemble des circonstances comme une provocation ou une manœuvre de prosélytisme33.

En outre, la liberté de culte est astreinte «aux mêmes limitations que la liberté de croyance; de même que l'individu ne doit pas, en affirmant et en propageant sa croyance, lui donner une forme d'expression illicite, ainsi les communautés reli- gieuses doivent s'abstenir, dans l'accomplissement des actes du culte, de toute atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs »34La législation scolaire canto- nale fait partie de l'ordre public35

Les dispositions constitutionnelles imposent donc des limitations aux mani- festations extérieures des convictions religieuses36Elles interviennent dès que l'on quitte la sphère intime pour appréhender l'interaction entre les convictions religieuses d'une personne ou d'une communauté et la société ou des tiers.

Ces limites générales à la liberté religieuse doivent être interprétées à la lumière de l'article 9, § 2, CEDH, qui précise que «la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocra- tique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui». En effet, appelé à se prononcer sur la notion de «devoirs civiques» prévue à l'article 49, alinéa 5, Cst. féd., le Tribunal fédéral a jugé que ces devoirs doivent correspondre aux

«mesures nécessaires» visées par l'article 9, § 2, CEDH37.

La Cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée sur cette notion dans une affaire qui concernait les Témoins de Jéhovah. En Grèce, à la suite d'une plainte, deux membres des Témoins de Jéhovah ont été condamnés pour infraction de prosélytisme. Saisie de cette affaire et suivant le rapport de la Commission, la Cour a estimé que cette condamnation violait l'article 9 CEDH dans la mesure où l'interdiction du prosélytisme

33 ATF 49/1923 I 128/154-156, UJgel.Voir également l'ATF 108/1982 la 41/44.

34 A. FAVRE, Droit constitutionnel suisse, Fribourg 1970, p. 284.

35 ATF 114/1988 la 129/134, M. R.

36 G. MALINVERN!, La Convention européenne des droits de l'homme; La liberté de pensée, de croyance et de religion, FJS 13 7 9, p. 4.

(17)

La liberté religieuse

29

dans le cas particulier n'était pas une mesure nécessaire dans une société démocratique au sens de l'article 9, § 2, CEDH.

L'argumentation de la Cour est intéressante, car elle établit une distinction entre deux formes de prosélytisme, soit le témoignage chrétien et le prosély- tisme abusif. Selon la Cour, «le premier correspond à la vraie évangélisation qu'un rapport élaboré en 1956, dans le cadre du Conseil œcuménique des Eglises, qualifie de "mission essentielle" et de "responsabilité de chaque chrétien et de chaque Eglise". Le second en représente la corruption ou la déformation. Il peut revêtir la forme d' "activités {offrant] des avantages matériels ou sociaux en vue d'obtenir des rattachements à [une] Eglise ou [exerçant} une pression abusive sur des personnes en situation de détresse ou de besoin", selon le même rapport, voire impliquer le recours à la violence ou au "lavage de cerveau"; plus généralement, il ne s'accorde pas avec le respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion d'autrui.»38 En dépit de ce long considérant, la Cour s'est gardée de définir in abstracto la notion de prosélytisme abusif. Elle a uniquement estimé que, dans le cas particulier, la justification de la condamnation des deux Témoins de Jéhovah par un besoin social impérieux n'était pas démontrée. En conséquence, elle a jugé la mesure disproportionnée et contraire à l'article 9 CEDH39 Dans une autre affaire, la Commission a considéré que les Etats jouissent d'un grand pouvoir discrétionnaire pour réglementer les questions d'urba- nisme. Une réglementation relative à l'aménagement du territoire vise en partie à protéger l'ordre public et la santé au sens de l'article 9, § 2, CEDH, dans la mesure où elle «passe généralement pour nécessaire dans la société contem- poraine afin d'empêcher tout développement anarchique»40En conséquence, une limitation de la liberté religieuse pour des motifs d'urbanisme est admissible dès lors qu'elle est proportionnée et répond à un intérêt légitime.

Il est également compatible avec l'article 9, § 1, CEDH, d'imposer le port du casque à des motocyclistes pour des motifs de sécurité, même si cela impose aux pratiquants de certaines religions de retirer leur turban41

En revanche, après un divorce, le refus de confier la garde de ses enfants à une mère de famille au seul motif qu'elle fait partie des Témoins de Jéhovah

38 Arrêt du 25 mai 1993, en la cause Minos Kokkinakis c. Grèce, RUDH, 1993, pp. 251/254-255.

39 Arrêt du 25 mai 1993, en la cause Minos Kokkinakis c. Grèce, RUDH, 1993, pp. 251/255.

40 DR l 994/76B, pp. 91/106, ISKON

41 T""'>I.~ .. ,-..,....,,..., .. ,, ,....,... .. /r.,-.,,- ,..,..

(18)

30 François Bellanger, Partie générale

constitue une différence de traitement discriminatoire si elle ne repose pas sur une justification objective et raisonnable42.

Les conditions classiques en droit suisse pour une limitation d'une liberté fondamentale sont l'existence d'une base légale et d'un intérêt public, le respect des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, ainsi que l'absence d'atteinte au noyau fondamental de la liberté43En matière de liberté religieuse, pour respecter le cadre légal fixé par l'article 9, § 2, CEDH ainsi que par les articles 49, alinéas 3 & 4, et 50, alinéa 2, Cst. féd., il devra s'agir d'un intérêt public prépondérant, soit principalement d'un motif de police ou d'un motif de protection des droits et libertés d'autrui. Ces deux notions incluent l'intérêt public au maintien de l'obligation scolaire44 En conséquence, pour autant que les autres exigences soient réalisées, sont notamment admissibles des restrictions à la liberté religieuse pour les motifs suivants:

Limitation d'activités de propagande religieuse pour protéger la tran- quillité publique45

Protection des mineurs.

Contrôle de l'obligation pour les mineurs de suivre un enseignement scolaire.

Protection de la santé publique, notamment dans la mesure où la pratique religieuse implique un diagnostic médical ou un acte thérapeutique.

Protection de l'intégrité physique et psychique des adeptes.

Protection de la liberté des adeptes d'un groupement religieux de le quitter à tout moment.

Loyauté dans les transactions commerciales.

Sécurité publique.

Respect de la réglementation en matière de police des étrangers46

42 Cour européenne des droits de l'homme, 1993, vol. 255/A, pp. 44/58, Hoffmann.

43 J.-P. MÜLLER, «Introduction aux droits fondamentaux», dans Commentaire de la Constitution fédérale, Bâle/Berne/Zurich 1987, N°' 113 ss.

44 ATF 11711991 la 311/318, E. & H. S

45 Arrêt du 25 mai 1993, en la cause Minos Kokkinakis c. Grèce, RUDH, 1993, pp. 2511255. Voir cependant les critiques formulées par U. HAFELIN contre ce type de restriction dans Commentaire de la Constitution fédérale, Bâle/Berne/Zurich, N°' 141-142 ad article 49 Cst. féd.

46 TAAr 1 Qf;n n 'iR? ·TA Ar 1 O'iR n 1 r:,7

(19)

La liberté religieuse

C. Application de la liberté religieuse aux groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique

31

Dans la mesure où leur philosophie présente les critères requis par la juris- prudence pour constituer une croyance au sens de l'article 9 CEDH ou des articles 49 et 50 Cst. féd., les groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique bénéficient de la liberté religieuse, sans qu'il soit nécessaire de qualifier ces groupements de religion ou de secte. Partant, les manifestations de ces croyances doivent respecter les limites générales à la liberté religieuse autorisée par les articles 49 et 50 Cst. féd., ainsi que 9, § 2, CEDH47. Des comportements qui constitueraient, par exemple, une atteinte illicite à l'in- tégrité psychique ou physique des adeptes ne seraient pas admissibles, sous prétexte qu'ils sont accomplis au titre de pratique religieuse.

Les groupements qui ne bénéficieraient pas de la liberté religieuse sont en toute hypothèse couverts par la garantie de la liberté d'expression qui comprend le droit de recevoir ou de communiquer des informations et des idées. A l'instar de la liberté de conscience et de croyance, la liberté d'ex- pression peut être limitée moyennant le respect des conditions usuelles, que nous avons exposées au point précédent.

La position spécifique des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique a été prise en compte dans la Recommandation 1178, adoptée le 5 février 1992 par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe48

L'Assemblée a estimé que la liberté religieuse garantie par l'article 9 CEDH

<(rend inopportun le recours à une législation majeure pour les sectes qui risquerait de porter atteinte à ce droit fondamental et aux religions tradi- tionnelles». Toutefois, elle a recommandé l'adoption des mesures législatives ou éducatives suivantes :

<Ü. Le programme du système général d'éducation devrait comprendre une information concrète et objective sur les religions majeures et leurs prin- cipales variantes, sur les principes de l'étude comparative des religions et sur l'éthique et les droits personnels et sociaux;

ii. une information supplémentaire équivalente sur la nature et les activités des sectes et des nouveaux mouvements religieux devrait également être

47 Dans ce sens, V. COUSSIRAT-COUSTÈRE, (<Article 9 § 2», dans La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par article, Paris 1995, p. 362.

48 Conseil de l'Europe, Annuaire de la Convention européenne des droits de l'homme, 1992,

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32

François Bellanger, Partie générale

largement diffusée au grand public. Des organismes indépendants devraient être créés pour collecter et diffuser cette information;

iii. une législation devrait être adoptée si elle n'existe pas déjà, accordant la personnalité juridique aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux dûment enregistrés, ainsi qu'à tous les groupements issus de la secte mère;

iv. afin de protéger les mineurs et de prévenir les cas d'enlèvement ou de trans- fert à l'étranger, les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait devraient rati- fier la Convention européenne sur la reconnaissance des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (1980) et adopter une législation leur permettant de lui donner effet;

v. la législation existante concernant la protection des enfants devrait être appliquée plus rigoureusement. De plus, les membres d'une secte doivent être informés qu'ils ont le droit de la quitter;

vi. les personnes employées par des sectes devraient être déclarées auprès des organismes sociaux leur garantissant une couverture sociale, et une telle couverture sociale devrait aussi être prévue pour ceux qui décident de quitter les secteS.f>

Le groupe d'experts constate que la position qu'il a adoptée en renonçant à définir la notion de secte ou de religion est compatible avec les règles rela- tives à la liberté religieuse et correspond à la position adoptée par la Recommandation 1178.

Au surplus, les propositions énoncées ci-dessus, qui n'entraînent pas une restriction excessive des droits des groupements à caractère religieux, spiri- tuel ou ésotérique, tout en développant la protection des enfants, des adeptes et du public, doivent êtres suivies. Elles seront reprises dans le cadre des différentes parties du rapport.

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L'étendue du phénomène sectaire à Genève 33

L'étendue du phénomène sectaire à Genève

II est très difficile d'apprécier l'ampleur réelle du phénomène sectaire à Genève. En effet, il n'existe aucune statistique officielle du nombre de grou- pements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique, ni des mouvements sectaires à caractère dangereux installés ou actifs dans le canton. Cette situa- tion s'explique par plusieurs motifs.

En premier lieu, Genève ne dispose pas d'un service de police équivalent aux Renseignements généraux français, dont la seule fonction est de collecter des informations sur le terrain. A titre de comparaison, les Renseignements généraux français disposent d'une section «secte» depuis quinze ans. Cette unité est particulièrement active depuis environ cinq ans. Sa méthode de travail se fonde essentiellement sur la surveillance et les contacts officieux.

A l'heure actuelle, à Genève, seul un inspecteur de la sûreté, chargé des enquêtes administratives, s'occupe de manière accessoire des questions liées aux sectes. Il ne peut donc pas surveiller l'ensemble des mouvements à caractère dangereux. Il mène des enquêtes et est parfois contacté par des groupements ou d'anciens adeptes. Il obtient des informations auprès des organismes privés qui, d'une part, ont des contacts plus nombreux avec d'anciens adeptes ou des familles d'adeptes et, d'autre part, entretiennent des relations avec des associations analogues dans d'autres pays. Au surplus, il participe à des réunions intercantonales informelles permettant l'échange d'information entre des policiers s'occupant de ces problèmes.

En revanche, en dehors des dispositions prises dans le cadre de la Commission Transports et Sécurité du Comité régional franco-genevois à l'initiative du Département de Justice et Police et des Transports, les autorités de police genevoises n'ont aucun contact institué avec leurs homologues fran- çais dans le domaine général de la prévention des dérives sectaires.

Il convient enfin de relever qu'en l'état actuel du droit, les groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique, qui bénéficient de la liberté de croyance comme de culte, ne peuvent donc faire l'objet d'enquêtes préven- tives. Les autorités de police doivent limiter leur action aux faits qui risque-

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34 François Bellanger, Partie générale

En deuxième lieu, le phénomène sectaire ne peut pas être apprécié unique- ment à l'échelle de Genève. Il faut prendre en considération le contexte régional, car de très nombreux groupements sont installés en France voisine ou dans les cantons romands tout en ayant des adeptes à Genève. Une analyse du mouvement sectaire doit donc se fonder sur une approche globale en fonction non seulement de la localisation d'un groupement à Genève, mais de l'influence qu'un groupement installé en France voisine ou dans un autre canton peut avoir. Ainsi, le groupement EIJA nous a été présenté comme étant très actif des deux côtés de la frontière.

En troisième lieu, le domaine des groupements à caractère religieux, spiri- tuel ou ésotérique est en constante évolution. Chaque semaine voit l'appa- rition ou la disparition de groupements. Des organisations étrangères tentent régulièrement de s'implanter à Genève, notamment en organisant des conférences. Le succès de ces opérations semble toutefois limité. Par exemple, le groupement «Sant Kirpal Singh - Unity of Man>) a organisé le 7 août 1996 une conférence gratuite sur le thème «Dangers de la guérison spirituelle, du yoga et des pouvoirs occultes», mais n'a eu au plus qu'une dizaine de participants, dont trois représentants des associations de défense des familles.

En quatrième lieu, les mouvements à caractère dangereux utilisent fréquem- ment des changements de nom ou de structure juridique pour échapper aux attaques dirigées contre eux. Ils se servent également de nombreuses couver- tures, soit d'organisations, apparemment sans lien avec leur mouvement, pour faire du prosélytisme, accroître leurs ressources financières ou déve- lopper leur influence dans les milieux politiques ou économiques. L'absence de transparence dans ce domaine rend souvent assez difficile l'identification des commanditaires réels de ces organisations. De surcroît, lorsqu'un lien direct est mis au jour, les responsables n'hésitent pas à transformer leurs structures, soit en créant une nouvelle organisation, soit en changeant le nom de celle qui a été identifiée.

Compte tenu de ces éléments, il est difficile de comparer les informations à disposition pour tenter d'apprécier la portée du phénomène sectaire à Genève. Les seules statistiques établies par les autorités sont approximatives.

Selon la sûreté, il existe à l'heure actuelle environ 80 groupements à carac- tère religieux, spirituel ou ésotérique à Genève et en France voisine. Ce chiffre évolue toutefois constamment.

(23)

L'étendue du phénomène sectaire à Genève

35

Le Ministère public ne dispose quant à lui d'aucune statistique spécifique aux procédures pénales liées à des phénomènes sectaires, car les registres nominatifs sont tenus en fonction des personnes physiques concernées et non pas selon les groupements auxquels celles-ci appartiennent.

Par ailleurs, deux associations de défense des familles sont actives à Genève et en Suisse romande: le Groupement de Protection de la Famille et de !'Individu (GPFI) et l'Association Suisse de Défense de la Famille et de

!'Individu (ASDFI). Ces deux associations effectuent un travail important de recherche sur les mouvements sectaires et leurs activités à Genève et en Suisse romande. Elles disposent également d'un réseau de relations sur le plan international qui leur permet d'obtenir des informations ou des docu- ments sur des mouvements déjà implantés dans d'autres pays ou sur les événements importants relatifs à des mouvements internationaux qui ont une présence à Genève. Ces relations donnent à ces deux associations accès à des informations dont ne peut pas disposer la sûreté, dès lors que son acti- vité est purement locale. Elles ont remis au groupe d'experts leurs statis- tiques et leurs analyses relatives au phénomène sectaire.

Le gro'upe d'experts reproduit ci-après, uniquement à titre d'infor- mation, ces statistiques et ces analyses sans se prononcer sur leur fiabilité et leur contenu ni quant à la qualification des différents groupements.

Selon les données fournies par Monsieur et Madame François Lavergnat, le GPFI aurait recueilli des informations concernant une soixantaine de grou- pements actifs à Genève et dans la région. Ils considèrent qu'une trentaine d'entre eux seraient dangereux dans la mesure où ils pratiqueraientJa mani- pulation mentale et viseraient la.jeunesse. A l'intérielir de ce sous-groupe,

!'Association va jusqu'à considérer qùe treize organisations seraient particu- lièrement dangereuses, à savoir:

La Scientologie;

Les Témoins de Jéhovah;

Le Mouvement Raëlien suisse;

Moon (Suisse);

L'Eglise Universelle du Royaume de Dieu;

La Mère divine, les Missionnaires, IVI;

La Nouvelle Acropole;

La Soka Gakkai suisse;

T 'D~J;n~ ,-l,. ~~~~ . . - ·

(24)

36 François Bellanger, Partie générale

Pierre Vivante, dite Eglise Evangélique du Réveil;

La Méditation Transcendantale;

• Mahatayana;

EIJA.

Le GPFI déclare porter une attention particulière à l' AMORC (Ordre Rosi- Crucien et Ordre Martiniste Traditionnel) qui aurait plus de six millions de membres dans le monde. Il s'inquiète d'autres associations qui n'auraient pas de doctrine spéciale, mais pourraient conduire leurs adeptes vers le sectarisme.

Il cite Narconon qui s'occupe des toxicomanes et est liée à la Scientologie. Il mentionne également le Patriarche etVita Nova qui sortiraient les jeunes de la drogue pour les rendre ensuite dépendants de leur organisation.

Enfin, le GPFI relève le danger des mouvements pédophiles et sataniques, d'une part, et des pratiques chamaniques, découlant de coutumes indiennes, qui se développeraient dans les squats, d'autre part.

S'agissant de l'ASDFI, les statistiques à disposition se fondent sur le nombre d'appels quel' Association a reçus de la part d'adeptes ou de leur famille. Les données au 30 juin 1996 sont les suivantes, sur une base de 211 appels télé- phoniques ou lettres:

Groupes chrétiens . . . 31

Témoins de Jéhovah . . . 12

Scientologie . . . 16

Vente Pyramidale (Herbalife, Amway, NSA) . . . 20

HUE (Energie Universelle et Humaine) . . . 4

Fraternité Blanche Universelle . . . 2

Mahatayana . . . 2

Mahikari . . . 5

Osho (Bhagwan) . . . .5

Mouvement Raëlien . . . 9

Rose Croix (en général) . . . 4

Rose Croix d'or (Lectorium Rosicrucianum) . . . 5

Sahaja Yoga (Shri Mataji) . . . 3

Soleil (Fondation, Dr. Tal Schaller) . . . 3

Templiers . . . 3

Autres groupes faisant l'objet d'un unique appel . . . 48

Demandes d'ordre général . . . 38

Appels erronés . . . 1

(25)

L'étendue du phénomène sectaire à Genève 37

Par ailleurs, cette association insiste sur deux problèmes particuliers qui ne ressortent pas des statistiques. D'une part, selon elle, les sectes guérisseuses présentent des dangers importants, notamment lorsqu'elles utilisent des médecins, des thérapeutes ou des naturopathes pour recruter leurs adeptes.

D'autre part, les responsables de cette association auraient été confrontés à deux cas de violence, l'un concernant une secte satanique et l'autre une secte évangélique.

Il est important de relever que lors des auditions des représentants de cinq groupements cités, soit par le GPFI ou l' ASDFI, les personnes entendues par le groupe d'experts ont vigoureusement protesté contre le qualificatif de ((secte» qui leur est généralement attribué.

Les représentants des Témoins de Jéhovah, de l'Eglise de Scientologie et du Mouvement Raëlien suisse ont exposé que leur groupement est une religion.

A l'appui de cette information, des membres de l'Eglise de Scientologie nous ont notamment remis une abondante documentation, comprenant des attes- tations d'experts sur les questions religieuses et un avis de droit d'un avocat genevois, selon lequel la Scientologie est une religion, dont le but est de créer une société sans guerre, criminalité ou démence. Ils se réfèrent également à la reconnaissance de la Scientologie comme religion dans plusieurs pays, dont notamment le Canada, l'Italie, l'Autriche et l'Afrique du Sud.

Le caractère extrêmement onéreux de la formation scientologue est contesté. Le coût de la formation complète pour un OTVIII serait de Fr. 150 000 à Fr. 200 000 selon le GPFI, alors que les représentants de l'Eglise de Scientologie affirment qu'une formation complète coûterait environ Fr. 15 000 sur cinq ans. A l'appui de ces affirmations, ils nous ont remis le 11 octobre 1996 une liste des prix des cours qui va dans le sens de ce dernier montant.

Par ailleurs, il y aurait à Genève 1 OO membres actifs à plein temps au sein de la Scientologie (2 000 membres sur le plan suisse), 400 membres actifs à temps partiel (5 000 membres sur le plan suisse). 10 000 personnes auraient par ailleurs été contactées à Genève par ce mouvement.

Les Témoins de Jéhovah ont mis en garde les membres du groupe du travail contre les déclarations faites par des gens déçus ou les attaques des médias.

Ils estiment que leur activité religieuse est parfaitement transparente et insis-

tPnt ""'" ],, f<>it n11P tcn1tP nPr.,nnnf" nf"nt lihrf"mf"nt 011itter les Témoins.

(26)

38 François Bellanger, Partie générale

Certes, les personnes qui sortent du mouvement perdent tout contact avec celui-ci, mais il s'agit d'une conséquence de leur choix. Celle-ci n'est pas imputable au mouvement lui-même. Les Témoins compteraient 19 congré- gations à Genève.

Les représentants des Raëliens, quant à eux, ont insisté sur la nécessaire tolé- rance à l'égard des nouvelles religions. Ils se sont plaints de ce qu'ils consi- dèrent comme un racisme à leur encontre. Du point de vue financier, ils contestent les attaques formées contre eux. Certes, les membres du mouve- ment sont appelés à verser de 3 à 7 % de leur revenu net à celui-ci, mais ils ne sont pas obligés de le faire. Au surplus, la structure du mouvement, une association, est bénévole. A Genève, le mouvement raëlien aurait environ 200 membres.

Quant aux autres groupements, les deux membres du Lectorium Rosicrucianum entendus par le groupe d'experts ont insisté sur le caractère spirituel de leur groupement. Il s'agit d'une école spirituelle appartenant au mouvement gnostique chrétien, qui compterait environ 80 membres à Genève et 800 membres en Suisse. Ces personnes ont notamment insisté sur la transparence de leur organisation ainsi que sur le caractère très modique des cotisations. Ils ont mis en évidence les dangers de l'amalgame: ils ne veulent pas être confondus avec la Rose-Croix AMORC qui compterait 200 000 adhérents en France.

Le représentant de HUE, Energie Universelle et Humaine, a également contesté toute qualification de son organisation comme secte. Il a expliqué que la structure associative était parfaitement transparente et sans but lucratif. Il s'agit uniquement de transmettre un savoir sans prétention de vouloir guérir des maladies. Les documents qui ont été remis au groupe d'experts allaient également dans ce sens.

Enfin, le Président du groupe d'experts a été contacté par un membre du groupe EIJA qui a exposé que ce groupement, désormais dissous en Suisse, n'est pas une secte. Selon cette personne, il s'agit d'une organisation trans- parente sur le plan financier qui se limite à faire des travaux de méditation dans un but bénéfique. En particulier, les membres du groupe suisse auraient médité en commun de manière à envoyer des énergies permettant de purifier l'eau du lac Léman.

Au terme des auditions, le groupe d'experts a acquis la conviction qu'il faut être extrP.mPmPn't n1·T1rL:,,nt- rl<:inc 1'".lnrihr1:1.::i. rlcw rl~f"f"I....,.c....-..+-...., """..,.,...,,,,._,...,....,...,+"' ;::..

(27)

L'information relative aux groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique

3 9

caractère religieux, spirituel ou ésotérique. Selon les sources, les informa- tions peuvent être complètement différentes, et il est difficile d'avoir une image réelle de la nature ou des modes de fonctionnement d'un groupe- ment. D'une part, les associations de protection des familles dépeignent généralement les groupements de manière très négative, sur la base d'infor- mations parfois fragmentaires, de témoignages d'anciens adeptes ou de plaintes de parents. D'autre part, les groupements tâchent de donner la meilleure image possible de leur activité.

Dans ce contexte, les membres du groupe d'experts n'ont pu que constater la difficulté d'obtenir une information objective. Pour apprécier la réalité des faits, il apparaît impératif d'effectuer un travail important, de manière à récolter le maximum d'informations, tant auprès des associations de défense que des groupements eux-mêmes. En toute hypothèse, il faut éviter les amalgames.

L'information relative aux groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique

Le groupe d'experts a constaté un double manque d'information à l'égard:

des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique. Ce problème;

est lié à l'enseignement laïc, d'une part, et à l'absence de connaissances:

quant à la réalité du phénomène sectaire, d'autre part.

1. Le

problème de l'enseignement laïc

L'école publique genevoise est laïque, conformément à l'article 163 Cst. gen.

qui fixe l'obligation de séparer l'instruction religieuse des autres parties de l'instruction. Dans ce sens, l'article 6 de la Loi sur l'instruction publique49 impose à l'enseignement public de garantir le respect des convictions poli- tiques et confessionnelles des élèves et des parents.

Les auditions effectuées par le groupe d'experts ont mis en évidence une certaine relation entre le déficit culturel résultant du caractère strictement

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