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View of La construction d’une figure auctoriale révolutionnaire : Paul Nizan (1929-1933)

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Texte intégral

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Résumé

En même temps qu’il signe son entrée dans le champ littéraire par la publication d son premier roman, Antoine Bloyé, en 1933, Nizan exerce une activité importante de critique, de chroniqueur et d’essayiste pour différentes revues et journaux. L’espace journalistique est le lieu au sein duquel la voix nizanienne va construire une autorité qu’elle acquiert en souscrivant aux intentions du parti communiste, en se présentant comme compétente et savante et en témoi- gnant de son statut de transfuge, c’est-à-dire de bourgeois qui refuse la bourgeoisie par fidélité à ses origines prolétariennes. La voix signe donc sa présence par un triple effort, dogmatique, intellectuel et autobiographique. L’autorité ainsi produite engendre un ton singulier qui est aussi bien repérable dans l’axiologie qui régit le système de représentation (le réel contre l’illusion) que dans certains éléments stylistiques précis. Le travail d’analyse des articles est mis en relation avec le roman de Nizan pour montrer combien son ton et son autorité y sont repérables selon des modalités identiques, la voix et le ton de Nizan opèrant de manière quasi-indépendante de son lieu d’inscription générique. Cette autorité obtenue qui consacre Nizan le conduit à pro- duire, théoriquement et activement, une redéfinition du champ littéraire.

Abstract

Nizan’s literary career started in 1933 with the publication of Antoine Bloyé. At the same time, he was very active as a critic, a chronicler and an essay-writer for several journals and newspapers. It is with the voice of a journalist that he established his authority in support of the aims of the communist party, showing himself competent and knowledgeable, and bea- ring witness of his status as a renegade, i.e. as a member of the middle class who had refused the ‘bourgeois’ values to remain faithful to his working class origins. In this context, his voice speaks in three registers: a dogmatic, an intellectual and an autobiographical one. The authority he thus establishes is ultimately heard in one single tone, which can be recognised in both the axiology that determines his system of representation (the real versus the illusory) and some specific aspects of his style. The analysis of his articles is related to Nizan’s novel in order to demonstrate how in this literary work the same tone and authority can be found again. Nizan’s voice and tone seem to assert their almost total independence from their place of origin. It is the authority acquired in this manner that opens the way for Nizan to redefine, in both his theories and his active commitments, the field of literature.

Jean-Luc M

artinet

La construction d’une figure auctoriale révolutionnaire : Paul Nizan (1929-1933)

Pour citer cet article :

(2)

Geneviève Fabry (UCL) Anke Gilleir (KULeuven) Gian Paolo Giudiccetti (UCL) Agnès Guiderdoni (FNRS – UCL) Ortwin de GraeF (Kuleuven) Jan HerMan (KULeuven) Marie HoldswortH (UCL) Guido latré (UCL) Nadia lie (KULeuven)

Michel lisse (FNRS – UCL)

Anneleen MasscHelein (FWO – KULeuven) Christophe Meurée (FNRS – UCL)

Reine Meylaerts (KULeuven) Olivier odaert (UCL)

Stéphanie vanasten (FNRS – UCL) Bart vanden boscHe (KULeuven) Marc van vaecK (KULeuven) Pieter Verstraeten (KULeuven)

Olivier aMMour-Mayeur (Monash University) Ingo berensMeyer (Universität Giessen)

Lars bernaerts (Universiteit Gent & Vrije Universiteit Brussel)

Faith bincKes (Worcester College, Oxford) Philiep bossier (Rijksuniversiteit Groningen) Franca bruera (Università di Torino)

Àlvaro ceballos viro (Université de Liège) Christian cHelebourG (Université de Nancy II) Edoardo costadura (Université de Rennes II) Nicola creiGHton (Queen’s University Belfast) William M. decKer (Oklahoma State University) Michel delville (Université de Liège)

César doMinGuez (Universidad de Santiago de Compostella & King’s College)

Gillis dorleijn (Rijksuniversiteit Groningen)

Ute HeidMann (Université de Lausanne)

Klaus H. KieFer (Ludwig-Maxilimians-Universität München)

Michael KolHauer (Université de Savoie) Isabelle KrzywKowsKi (Université de Grenoble) Sofiane laGHouati (Musée Royal de Mariemont) François lecercle (Paris IV - Sorbonne) Ilse loGie (Universiteit Gent)

Marc MauFort (Université Libre de Bruxelles) Isabelle Meuret (Université Libre de Bruxelles) Christina Morin (Queen’s University Belfast) Miguel norbartubarri (Universiteit Antwerpen) Andréa oberHuber (Université de Montréal) Jan oosterHolt (Universität Oldenburg) Maïté snauwaert (Université d’Alberta)

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David Martens (KULeuven & UCL) – Rédacteur en chef - Hoofdredacteur

Matthieu serGier (FNRS – UCL & Factultés Universitaires Saint-Louis) – Secrétaire de rédaction Laurence van nuijs (FWO – KULeuven) – Redactiesecretaris

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Interférences littéraires / Literaire interferenties KULeuven – Faculteit Letteren Blijde-Inkomststraat 21 – Bus 3331

B 3000 Leuven (Belgium)

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Paul Nizan (1929-1933)

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Paul Nizan, qui publie ses premiers articles dès 1923, ne fait paraître aucun article littéraire ou politique entre 1926 et 1928. Il faut donc attendre 1929 pour à nouveau lire de ses textes, qu’il ne signe plus désormais Paul-Yves Nizan mais Paul Nizan. Cette modification de la signature accompagne l’engagement de Nizan au sein du parti communiste, que l’on date de la fin de l’année 1927 ou de l’année 1928.

Ses collaborations à diverses revues et journaux sont ponctuées par la publication de deux essais virulents, Aden Arabie en 1931 et Les Chiens de garde en 1932. Le premier ouvrage a d’abord été publié en partie dans la revue Europe et le second trouve sa source dans un long article de 1930 paru dans la revue Bifur, « Notes- programme sur la philosophie ». Enfin, en 1933, Nizan publie son premier roman, Antoine Bloyé, qui parut lui aussi, en partie, dans la revue Europe1.

Tout lecteur de Nizan est frappé par ce qu’il convient d’appeler, avec de mul- tiples précautions, l’unité de ton chez Nizan2 ou si l’on préfère le caractère immé- diatement repérable de la voix nizanienne qui franchit ainsi les barrières génériques, assure une unité à l’ensemble des textes et construit une présence clairement identi- fiable dans les champs littéraire et politique. En effet, les différents genres qu’utilise Nizan (l’article, l’essai ou le roman), et même s’il respecte leur contrainte générique propre, n’engendrent pas des figures auctoriales hétérogènes ou incompatibles. Au contraire, en lisant l’ensemble de la production écrite de Nizan, le lecteur a le sen- timent d’une très grande cohérence, de la présence effective d’un auteur et d’une voix singulière qui transparaît malgré la diversité des formes. La force de l’écriture nizanienne est donc de construire des scénographies propres au genre dans lequel il écrit et de réussir à les faire concourir à l’élaboration d’une même posture auc- toriale : celle de l’auteur révolutionnaire. Ces « premières années » de Nizan nous offrent donc la possibilité de comprendre comment se tisse cette voix, productrice et support d’une figure auctoriale révolutionnaire singulière qui a pour nom Paul Nizan.

1. Pour le détail bibliographique, nous renvoyons à l’ouvrage de Robert S. tHornberry, Les Écrits de Paul Nizan (1905-1940). Portrait d’une époque. Bibliographie commentée et suivie des textes retrouvés, Paris, Champion, « Histoire du livre et des bibliothèques », 2001.

2. Sur ce point, nous renvoyons à Jérôme Meizoz, « “Postures” d’auteur et poétique (Ajar, Rousseau, Céline, Houellebecq) », dans Vox Poetica, 2004. [En ligne], URL : http://www.vox-poetica.

org/t/meizoz.html. Le « ton » peut être compris ici comme la manifestation de l’ethos du locuteur dans son discours. En ce sens, il participe de la posture auctoriale telle que Jérôme Meizoz la défi- nit (voir Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Slatkine Érudition, 2007 et La Fabrique des singularités. Postures II, Slatkine Érudition, 2011). Pour une mise au point sur l’usage des

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1. a

utoritéde lavoix

Nizan publie ses premiers textes en tant que journaliste communiste en 1929 dans La Revue marxiste et dans La Revue de psychologie concrète qu’il contribue à créer en compagnie de certains membres du groupe « Philosophies »3. La voix de Nizan prend donc corps au sein d’un espace éditorial qui ne lui préexiste pas mais qu’il construit. Les premiers articles de cette année-là se divisent en trois catégories : des articles techniques4 ayant trait à la « rationalisation »5, un article qui s’insère plus précisément dans le champ de la philosophie6 et enfin deux articles plus spécifique- ment littéraires7. Les deux articles consacrés à la rationalisation sont exemplaires d’une énonciation individuelle soutenue par le groupe des communistes : le locuteur se dote d’une autorité en témoignant d’une souscription au groupe politique même, et de son insertion dans l’espace du parti. En effet, après avoir expliqué le phéno- mène de la rationalisation, Nizan insiste sur le rôle déterminant des communistes qui résistent seuls aux entreprises de rationalisation : « il importe que les commu- nistes […] fassent constamment le point, surveillent les conséquences directes ou indirectes que ces mesures ont ou peuvent avoir pour le prolétariat »8. Les commu- nistes doivent effectuer un constant travail critique en distinguant « les phénomènes qui ne signifient rien pour le prolétariat, et ceux qui signifient un accroissement immédiat ou lointain d’exploitation »9. Nizan attribue ainsi une position singulière au groupe communiste qui s’oppose avec force et véhémence à celle des socialistes parce que « la base sociale [du parti socialiste] comprend cette aristocratie ouvrière qui naît sur la base technique de la rationalisation capitaliste, et la petite bourgeoisie hésitante, docile et inquiète de son destin »10. Ce passage circonscrit donc à la fois un locuteur (le groupe politique qui, seul, fait preuve d’une vigilance critique), un destinataire (le prolétariat), et un ton particulier, présenté ici comme étant propre au groupe et où s’entend une virulence qui signe cette vigilance de parti pris. La parole

3. Les articles de Paul Nizan cités dans la présente contribution ont fait l’objet d’une réédi- tion dans Paul nizan, Articles littéraires et politiques. Volume I (1923-1935), édition établie par Anne MatHieu. Préface de Jacques deGuy, Nantes, Joseph K., 2005. Nous abrègerons désormais cette référence en ALP, après mention des références de la parution originale.

4. Cf. Paul nizan, « Rationalisation », dans La Revue marxiste, 1er février 1929 (ALP : pp. 74- 81), id., « Rationalisation », dans La Revue marxiste, 1er mars 1929 (ALP : pp. 85-88) et id., « Ovide Decroly et Raymond Buyse- La Pratique des tests mentaux », dans La Revue de psychologie concrète, juillet 1929 (ALP : pp. 100-102). À ceux-ci s’ajoutent des comptes rendus d’ouvrages d’ordre économique et politique : id., « André Philip- Socialisme et rationalisation. Avant-propos à l’ouvrage Henri de Man et la crise doctrinale du socialisme », dans La Revue marxiste, 1er février 1929 (ALP : pp. 82-84), id., « Pierre Las- serre- Georges Sorel, théoricien de l’impérialisme », dans La Revue marxiste, 1er mars 1929 (ALP : pp. 89-90), id., « Bertrand Nogaro- La Vie économique », dans La Revue marxiste, 1er mars 1929 (ALP : pp. 93-94), id., « Jean Luchaire- Une génération réaliste », dans La Revue marxiste, 1er mai 1929 (ALP : pp. 95-96).

5. « Le bouleversement de l’économie capitaliste au lendemain de la guerre, les efforts qu’elle tentait pour surmonter ses crises successives, une stabilisation partielle qui ne signifie pas stabilité et laisse place à tous les accidents, ont mis au premier plan le problème général de la réorganisation capitaliste, posé dans le triple domaine de la banque, de l’industrie et du marché. On désigne ce pro- blème par le nom de « rationalisation » : les termes d’organisation du travail qu’on confond souvent avec lui doivent être évités, puisqu’ils n’embrassent qu’une partie des mesures que propose la ratio- nalisation » (id., « Rationalisation », dans La Revue marxiste, 1er février 1929 (ALP : p.74)).

6. id., « François Arouet- La fin d’une parade philosophique : le Bergsonisme », dans La Revue marxiste, 1er mars 1929 (ALP : pp. 90-92).

7. id., « Jean Prévost- Dix-huitième année », dans La Revue marxiste, 1er mai 1929 (ALP : pp. 95- 96), et id., « François Duhourcau- Les voix intérieures de Maurice Barrès, d’après ses cahiers », dans La Revue marxiste, 1er mai 1929 (ALP : pp. 97-99)

8. id., « Rationalisation », dans La Revue marxiste, 1er février 1929 (ALP : p. 75).

9. Ibid.

10. Ibid.

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communiste est donc moins représentée comme une émanation du prolétariat que comme une parole construite pour le prolétariat. Au sein de ce dispositif énoncia- tif, de cette scénographie, le « je » trouve immédiatement sa place, à la fois dans l’emploi du pronom personnel de la première personne du pluriel (« nos adversaires […] ») et dans l’usage de la première personne du singulier à travers lequel l’énon- ciateur s’inscrit expressément dans l’espace énonciatif ainsi construit : « je voudrais présenter quelques remarques à propos d’une question que posent les enquêtes citées plus haut. Celle-ci : quelle peut être, du point de vue des accroissements de rendement, l’importance des œuvres sociales ? »11. La voix singulière qui se déploie alors dans l’espace de la revue manifeste à la fois ses compétences scientifiques et techniques propres à l’exercice de cette vigilance critique et ce ton de « parti pris », qui traduit cet attachement au groupe des communistes12.

Cette autorité, donnée par une instance légitimante, extérieure au champ lit- téraire et à laquelle le locuteur souscrit, est renforcée par les signes de compétence intellectuelle et dogmatique dont le « je » fait preuve dans ses articles. Le locuteur manifeste ainsi une autorité qui lui est propre. Son usage des signes du savoir met en scène sa compétence : celui qui parle connaît les dossiers dont il traite et les faits de façon précise. Le recours à la citation est un des signes les plus évidents de la soumission du locuteur à cette autorité extérieure. Dans le premier article sur la rationalisation, Nizan cite entre autres le Lederarbeiter Zeitung du 6 juillet 1928, fait référence aux chiffres d’une étude « parue dans les Cahiers du Bolchevisme de juin 1928 »13, mentionne la préface aux Principes d’organisation scientifique de F. W. Taylor, de 1927, ou encore effectue des renvois à des enquêtes précises (« je renvoie, pour les revendications concrètes à opposer, aux résolutions du Congrès fédéral de Bor- deaux (1927) où les demandes essentielles sont exprimées »14). La contradiction sa- vante renforce cette impression de compétence et accroît encore l’autorité de celui qui parle. Si l’on se réfère à une note de lecture comme celle que Nizan consacre au livre de Bertrand Nogaro, La Vie économique, on y décèle les traces de ce savoir marxiste qui fait autorité et que la dernière phrase rend cinglante :

L’auteur [Bertrand Nogaro] écarte immédiatement les préoccupations d’expli- cation théorique : par exemple, traitant de la question des salaires il met de côté le prix du travail et considère seulement comme objet d’étude le salaire 11. Ibid., p. 36.

12. Les relations entre Nizan et le parti communiste durant ces années-là sont détaillées par James Steel, qui souligne le caractère discipliné de l’écrivain : « Ainsi est-on sensible dans le parti au côté “très discipliné” de Nizan et à sa volonté de se placer à son entière disposition. Cette discipline ne devait jamais se démentir tout au long des années 1930. Il est frappant de constater que le nom de Nizan est mêlé à trois épisodes qui signalent la mainmise du parti sur l’intelligentsia révolutionnaire en France, dès la fin des années 1920 : La Revue marxiste (1929), Bifur (1929-1931), et la création, en 1932, de l’A.E.A.R. (Association des écrivains et artistes révolutionnaires) sous la direction de Paul Vaillant-Couturier et dont les deux secrétaires de rédaction seront Aragon et Nizan ! » (James steel, Paul Nizan : un révolutionnaire conformiste ?, Paris, Presse de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1987, p. 90). Annie Cohen-Solal rapporte des propos similaires lorsqu’elle affirme que l’orthodoxie de Nizan le marginalise au sein de La Revue marxiste dont les autres membres sont « plus anarchistes, plus autonomes, et […] acceptent mal cette ligne dure classe contre classe » (Annie coHen- solal avec la collaboration d’Henriette nizan, Paul Nizan, communiste impossible, Paris, Grasset, 1980, p. 81). Rappelons aussi pour témoigner de cet engagement que Nizan sera le candidat du Parti Com- muniste aux élections municipales de Bourg en 1932. Depuis sa nomination dans cette petite ville, ses activités de militant sont multiples (cf. James steel, op. cit., pp. 93-112). L’évocation de ces faits souligne simplement que les actes de Nizan viennent donner du crédit à ses écrits et, ainsi, accroître le degré de légitimité de sa parole.

13. Id., « Rationalisation », art. cit., (ALP : p. 79).

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en soi, regardé comme revenu d’un certain type, comme la rémunération d’un service au même titre que le revenu d’un prêt est la rémunération du service rendu par le prêteur à l’emprunteur. L’essentiel est escamoté.15

Dans son compte rendu du livre de Georges Politzer, Nizan écrit que cet ouvrage est « utile sans doute », mais que « là où il s’agit de définir le sens social du bergso- nisme, Arouet ne va pas au fond. On se sent en présence d’un essai d’interprétation marxiste arrêtée à mi-chemin »16. Pas assez « savant », donc. La compétence et le savoir autorisent le critique à distinguer les véritables écrivains marxistes : il s’arroge ainsi une position dominante au sein de l’espace journalistique. À travers lui parle la voix marxiste. Nous retrouvons cette position énonciative dans nombre d’articles postérieurs de Nizan, qui témoigne toujours de cette connaissance du marxisme.

Lors de sa première collaboration à la revue Europe par exemple, en mai 1930, il critique le livre de Charles Turgeon, Critique de la conception socialiste de l’Histoire, en soulignant la « légèreté » d’un professeur qui engage une étude sur les fondements du marxisme avec seulement « les livres connus de Labriola, celui de Croce, avec les écrits de Loria, un article de Dalla Volta et un compte rendu d’Andler sur Labriola »17 et sans référence au Feuerbach ni à l’Anti-Dürhing d’Engels : « M. Turgeon étudie encore quelques sources du marxisme en se donnant l’air d’être exhaustif, alors qu’il ignore le plus grand nombre des sources »18.

À cette manifestation d’une autorité donnée par les preuves d’une connais- sance précise du marxisme19 s’ajoute celle du philosophe20 qui lutte contre la philo- sophie de son temps. La scénographie auctoriale nizanienne s’infléchit alors quelque peu. Le long article intitulé « Notes-programmes sur la philosophie » qui paraît en décembre 1930 dans le revue Bifur, et qui est considéré comme la source de Chiens de garde, interroge la pertinence de l’activité philosophique en 1930 : « Les jeunes gens qui débutent dans la philosophie vont-ils longtemps encore se contenter de travailler contre les hommes ? »21. Il importe aux yeux de Nizan de désolidariser la pratique de la philosophie de l’humanisme, ou du moins d’un humanisme véritable, c’est-à-dire qui ne réduise pas l’homme à la seule classe de la bourgeoisie. Il y a en effet « des gens qui croient que tous les travaux formellement philosophiques profitent à l’espèce humaine […]. Mais il ne faut pas croire qu’une thèse sur Duns Scot, sur l’invention mathématique mérite à son auteur la médaille de sauvetage et la gratitude des peuples »22. Et Nizan de conclure en affirmant qu’« il faut une naïveté considérable pour croire qu’un agrégé de philosophie est nécessairement un terre- neuve, ou même une personne respectable »23. L’autorité de la parole nizanienne

15. id., « Bertrand Nogaro- La Vie économique », art. cit., (ALP : p. 93).

16. id., « François Arouet- La fin d’une parade philosophique : le Bergsonisme », art. cit., (ALP : p.

92). 17. id., « Charles Turgeon- Critique de la conception socialiste de l’Histoire », dans Europe, 15 mai 1930 (ALP : p. 105).

18. Ibid., p. 106.

19. Il publiera en 1934 une édition de textes sous le titre Marx philosophe, dans Morceaux choisis de Marx (avec une introduction d’Henri leFebvre et Norbert GuterMan), Paris, Gallimard, 1934.

20. Rappelons simplement que, ancien élève de l’École Normale Supérieure, Nizan a obtenu l’agrégation de philosophie en 1929.

21. Paul nizan, « Notes-programme sur la philosophie », dans Bifur, décembre 1930 (ALP : p. 119).

22. Ibid., p. 120.

23. Ibid.

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trouve ici son fondement dans son appartenance à un groupe qu’il a renié : le statut de transfuge24 lui donne autorité et crédibilité pour déconstruire la représentation qu’une certaine philosophie donne d’elle-même pour se justifier.

Ce statut de transfuge se manifeste lorsque l’on compare l’ouverture d’Aden Arabie, dont les premières parties paraîtront d’abord dans la revue Europe, et cet article. En effet, la célèbre ouverture de l’essai (« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ») inclut le locuteur dans cette jeune génération alors que l’article de la revue Bifur le place à l’extérieur de ce groupe des

« jeunes gens [qui] pensent que la Philosophie est la mise en œuvre de la bonne volonté »25. Mais, dans les deux cas, nous entendons la parole de celui qui sait com- ment cela se passe de l’intérieur et qui, maintenant, est revenu de cette illusion : il possède donc le savoir nécessaire qui offre à sa parole toute l’autorité requise pour rendre crédible la dénonciation de ces « philosophies inventées par les bourgeois au pouvoir » et qui « conviennent aux oppresseurs »26. Un travail similaire est per- ceptible dans sa critique du livre d’Alain intitulé Propos sur l’éducation. Nizan maîtrise suffisamment les codes du système scolaire et universitaire (Aden Arabie l’a prouvé) pour s’en prendre à cette figure philosophique que représente Alain. Toutefois cet article témoigne d’un usage encore plus particulier de sa propre position énoncia- tive parce qu’il déconstruit et dénonce ce qu’il convient d’appeler ici la « posture » d’Alain :

Il [Alain] imite assez bien la puissance, la force, la solidité de la méditation. Son apparence physique même fait croire facilement en lui. Il joue le penseur, avec tout son corps. Sa voix, les détours pesants de sa parole, donnent l’impression du plus noble effort à des jeunes gens qui le suivent avec passion.27

La position qu’Alain se construit dans le champ philosophique serait tout aussi hypocrite selon Nizan : ce philosophe qui ironise sur les professeurs de la Sor- bonne passerait pour un penseur radical (« tout lui sert à justifier des pensées de comité radical, et à les déguiser : Platon, Hegel et Descartes, qu’il nomme “Prince de l’entendement” »28) et construirait un espace philosophique singulier qui aurait une influence importante sur les jeunes professeurs ; mais, à en croire Nizan, Alain

« pense comme les petits bourgeois français » mais « comme il a du style, on ne s’en aperçoit pas immédiatement »29. Seul un transfuge ne se laisse pas duper par la posture de philosophe d’Alain, par la manière qu’il a d’occuper le champ phi- losophique, et la critique implacable qu’il en livre lui permet d’élaborer sa propre posture auctoriale.

L’autorité de la voix nizanienne trouve, pour finir, ses fondements dans l’af- firmation de sa fidélité à ses ancêtres, qu’il représente comme prolétariens et par

24. Nizan emploie la notion de transfuge dans un article consacré à René Trintzius publié en 1932 dans L’Humanité. Le transfuge se définit bien comme celui qui trahit la classe bourgeoise (Nizan lui-même s’est présenté dans l’article « Secrets de famille » comme un « bourgeois qui trahit la bourgeoisie »).

25. Id., « Notes-programme sur la philosophie », art. cit., (ALP : p. 121).

26. Ibid., p. 127.

27. Paul nizan, « Alain : Propos sur l’éducation », dans L’Humanité, 30 décembre 1932 (ALP : p. 164).

28. Ibid.

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conséquent révolutionnaires. L’article intitulé « Secrets de famille » témoigne de cette position réelle, familiale, de transfuge : « Je faillis être de peu un bourgeois. Je fus candidat à la bourgeoisie. Je suis aujourd’hui ce mauvais exemple, ce mauvais clerc, un bourgeois qui trahit la bourgeoisie au moment même d’y pénétrer »30. Il construit ainsi une filiation qui l’arrache au monde bourgeois duquel il semblait procéder et témoigne au contraire de cette appartenance au monde des soumis :

Ma famille est composée d’existences passives. Elle est légère à mes épaules comme le vent et la poussière des morts. Mes arrière-grands-pères ne m’ont légué ni biens, ni leçons de bourgeoisie, aucun devoir, aucun savoir, aucun res- pect […]. Les hommes desquels je procède ne commandaient point : ils étaient éternellement commandés et conseillés, redressés et avertis par des patrons, par des prêtres, par des magistrats et par des officiers. […] Ma grand-mère portait des dépêches la nuit dans les bois qui sont derrière Elven, elle gagnait un franc pour ses quinze kilomètres.31

Nizan réinscrit son père dans cette filiation des dominés en l’arrachant à son tour au monde bourgeois au sein duquel il semblait être intégré puisqu’il en fait « un ingénieur capable et [un] bourgeois maladroit »32. En se déclarant ainsi membre de cette communauté pour laquelle il parle, il conquiert une légitimité indiscutable qui lui octroie toute son autorité : « un pas en arrière et je suis de plain-pied avec eux, je marche à leur pas, je suis dans la tradition sévère du prolétariat »33. Il présente son attitude révolutionnaire comme le seul véritable héritage familial en affirmant que

« le sens de cette tradition [qu’il a] reçue dans [son] enfance est celui de la révolte »34. Tout l’article oppose ainsi le traître qu’il aurait pu être à ce qu’il est véritablement et qui se manifeste dans ses articles qui dénoncent une culture bourgeoise qui, vaine- ment, a essayé de lui « faire croire à la coïncidence du bourgeois et de l’humain »35. L’autorité et la légitimité de la parole nizanienne se construisent donc au sein de l’espace journalistique et sont ponctuées par la publication des essais qui s’inscrivent dans la lignée des articles dont ils sont eux-mêmes issus. Autorité et légitimité émanent toutes deux d’une souscription de la parole individuelle à une parole dogmatique qui l’« excède », qui lui transfère alors toute son autorité, de la manifestation d’une compétence propre (qui justifie que l’auteur puisse parler au nom d’un parti) et de la fidélité à une filiation prolétarienne et révolutionnaire. Ce travail énonciatif dessine une véritable scénographie qui va définir la situation de parole du roman de Nizan, Antoine Bloyé. Ce livre raconte l’histoire d’un individu qui se fait remarquer au sein du système scolaire par ses qualités intellectuelles, ce qui le conduit à quitter son milieu d’origine modeste pour devenir un ingénieur, membre de la bourgeoisie. Ce récit biographique met en scène la dépossession de soi et la trahison des siens que constitue l’ascension (et la déchéance) sociale du personnage.

On considère que ce récit est une fictionnalisation de la vie du père de Nizan36. Mais

30. Id., « Secrets de famille », dans Monde, 14 mars 1931 (ALP : p. 132).

31. Ibid.

32. Ibid.

33. Ibid., p. 132.

34. Ibid.

35. Ibid., p. 134.

36. Comme le rappelle Anne Mathieu dans les repères biographiques qu’elle établit au début de son édition des articles de Nizan, Antoine Bloyé est peut-être né d’une conversation, avec Jean Bruhat, sur Pierre Nizan (ALP, p. 24).

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le texte n’est pas autobiographique et la narration à la troisième personne crée une distance qui laisse place à la fonction explicative et engagée du roman : en atténuant la fonction de témoignage autobiographique, elle donne une perspective historique et sociale au trajet de Bloyé, qui devient alors exemplaire et non singulier. D’inspira- tion marxiste, le roman lie le trajet individuel à la situation socio-historique ; l’évo- lution des conditions techniques, politiques et sociales explique le trajet d’Antoine Bloyé. S’il échappe aux misères de la condition ouvrière en intégrant l’école des Arts et Métiers, il ne le doit pas à ses seules qualités intellectuelles, qui le font remarquer à l’école, mais bien plutôt aux projets des « principaux maîtres de la bourgeoisie française »37:

Loin de lui, avant même qu’il fût né, dans des bureaux, dans des assemblées d’actionnaires, des parlements, des corps savants, depuis trente ans se faisaient entendre les exigences des usiniers : l’industrie réclamait de nouveaux maté- riaux humains, elle sentait grandir le besoin qu’elle avait d’hommes capables de lire un dessin, de diriger la fabrication d’une pièce, de commenter des ordres venus de haut, de mettre en place ces projets modestes et ces inventions de détail qui nourrissent le progrès industriel et accroissent la production. Ce n’était point pour l’amour des hommes que le parlement avait voté, le 15 mars 1858, un texte de loi sur l’enseignement professionnel ; l’enseignement spécial n’avait pas été une fantaisie dans une époque où la puissance des machines, les stocks de matières premières et de produits fabriqués, la vitesse des locomo- tives augmentaient tous les ans.38

Tout le roman montre comment un être est dépossédé de lui-même par les engre- nages de la société et de l’histoire qui lui ôtent, in fine, le temps même de penser, de se penser : « mille grandes machineries dévorantes entraînent ainsi les hommes dans leur rotation : les banques, les mines, les grands magasins, les navires, les réseaux, presque personne ne respire »39. Raison pour laquelle le livre s’ouvre sur une citation de Marx qui expose la raison essentielle de cette aliénation40. La construction du livre fait donc écho aux articles nizaniens : tout lecteur y reconnaît une unité de pen- sée et de vision, qui traduit cette souscription à la pensée marxiste et communiste.

Nous ne considérons toutefois pas Antoine Bloyé comme un roman à thèse mais bien plutôt comme un roman engagé. Les aspects et les enjeux de cette question ont été développés dans l’ouvrage majeur de Susan Suleiman, Le Roman à thèse ou l’autorité fictive41 et repris par Reynald Lahanque dans sa thèse intitulée Le Réalisme socialiste en France (1934-1954)42 pour qui :

S’il n’est pas douteux que l’on puisse les [les présupposés critiques] reformu- ler en termes marxistes, […] la complexité du texte, l’entrecroisement de ses

37. Paul Nizan, Antoine Bloyé (1933), Paris, Grasset, « Les Cahiers rouges », 1996, p. 68. On pourra lire sur cet aspect Michel besnier, « Antoine Bloyé, roman du déterminisme », dans Europe, n°

784-785, août-septembre 1994, pp. 66-72. L’auteur y analyse avec précision la manière dont l’écriture de Nizan (outils grammaticaux, système de métaphores et de comparaisons, usage des maximes et des sentences…) construit l’image d’un déterminisme inéluctable.

38. Ibid., p. 68.

39. Ibid., p. 124.

40. «Wenn der Kommunismus nun sowohl die “Sorge” des Bürgers wie die Not des Proleta- «Wenn der Kommunismus nun sowohl die “Sorge” des Bürgers wie die Not des Proleta- riers aufheben will, so versteht es sich doch wohl von selbst dass er dies nicht tun kann, onhe, die Ursache Beider, die “Arbeit”, aufzuheben».

41. Susan Robin suleiMan, Le Roman à thèse ou l’autorité fictive, Paris, P.U.F., « Écriture », 1983.

42. Reynald laHanque, Le Réalisme socialiste en France (1934-1954), thèse de doctorat d’État, s.

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lignes de force sémantiques, le débordement et la tension décrits par S. Sulei- man, invitent à sortir de ce cadre interprétatif. […] C’est peut-être là sa ruse principale, à savoir : non pas que la lecture marxiste s’impose par la bande (ses présupposés et ses conséquences demeurent tacites), mais qu’elle n’interdise pas une lecture tout autre, pour laquelle le destin humain ne se réduit pas à un destin social.43

Antoine Bloyé utilise des éléments scientifiques précis qui sont donnés par l’histoire et l’économie pour expliquer comment un individu est dépossédé de lui-même et mis au service d’une simple production économique. Or, cette démonstration construit un engagement plus qu’une thèse : le récit vise à ouvrir les yeux à son lectorat (les fils de bourgeois qui veulent aussi trahir leur classe) et, en ce sens, fait œuvre de propagande. Il existe donc une similitude dans les scénographies journalistiques et romanesques élaborées par Nizan en fonction de la conception idéologique qu’il promeut.

Pour autant, le romanesque élabore un dispositif spécifique, dépendant de la dimension fictionnelle du récit, qui soulève des problèmes particulièrement com- plexes Ce recours à la fiction pour donner forme à un système idéologique peut s’expliquer, d’abord, par la volonté qu’a Nizan d’occuper l’espace proprement lit- téraire et non plus simplement politique : il convient donc de choisir une forme reconnue, en l’occurrence la biographie, et de produire une différence énonciative (le narrateur est hétéro-diégétique et extra-diégétique pour reprendre le vocabulaire de Gérard Genette) qui témoigne de cette insertion dans la littérature. Il est à ce titre frappant de voir combien Antoine Bloyé joue avec les codes du roman fleuve pour les subvertir (on peut penser à Jean-Christophe de Romain Rolland) : ici aussi, il sera question de fleuve, d’eau et de familles mais tout va vers l’assèchement, la technique et la ligne droite du rail. La différence énonciative et l’intertexte littéraire ou philo- sophique (la question de la mort) donne sa dimension proprement romanesque au récit.

Un autre aspect de ce problème dépasse le cas de Paul Nizan. En effet, Phi- lippe Geneste dans sa postface à la réédition du livre de Harry Martinson, Même les orties fleurissent44, s’interroge sur l’effacement de la première personne dans une certaine littérature prolétarienne dont le substrat est autobiographique, comme c’est le cas ici, et note que les modifications du nom, par exemple, traduisent une

« dé-rive d’auteur, [le] passage de la vie expériencielle à la vie littéraire, d’une rive à l’autre de la même vie »45. Nous entrons alors « dans la modeste dimension de la vie, où l’être est un élément du monde, un membre du genre humain, et un fabricateur de reflets à l’intérieur desquels il s’enfouit lui-même »46. La modifica- tion fictionnelle traduit ce changement de rive qui offre au lecteur le plaisir de la fiction.

Toutefois ce passage vers l’énonciation littéraire chez Nizan n’est pas sans ambiguïté : il n’efface pas le dispositif énonciatif construit dans les textes journalis- tiques mais l’insère au sein de la scénographie d’Antoine Bloyé qui s’affiche d’abord

43. Ibid., p. 231.

44. Philippe Geneste, « Postface », dans Harry Martinson, Même les orties fleurissent (1935), traduit du suédois par C. G. bjurströM et Jean queval, Marseille, Agone, 2001.

45. Ibid., p. 293.

46. Ibid., p. 294.

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comme fictionnelle (le jeu avec les prénoms nous semble être significatif de cette hésitation volontaire entre l’autobiographique et le fictionnel). Ainsi l’écriture ro- manesque manifeste elle aussi les signes d’une parole de transfuge : le narrateur redonne la voix à la révolte intérieure d’Antoine, révolte qui a été détruite. Lorsqu’il est aux Arts et Métiers :

Il [Antoine] se révolte, il sent toutes ces choses en lui sans emploi, tous ces pouvoirs, ces désirs qui voudraient des vacances pour s’épanouir, il devine que des forces ennemies conspirent contre l’épanouissement des jeunes hommes de sa classe […]. De quel côté est-il placé ? Il se sent envahi par les colères ouvrières, mais il est cependant suspendu au bord d’une vie où il sait qu’il commandera des ouvriers : comment s’y reconnaître ?47

Ces pensées étouffées et révoltées accompagnent l’ascension et la déchéance sociale du personnage ; chez Madame Martin, dont les ancêtres étaient déjà des commer- çants de Paris, Antoine pensait « comme ces gens sont compliqués […]. Tant d’in- dulgence pour les aristocrates, tant de sévérité pour eux-mêmes, j’aurai du mal à m’y reconnaître »48. La naissance de son fils laisse encore surgir en lui ce sentiment de révolte, cette prise de conscience qu’il s’est sacrifié pour rien :

Toutes ces pensées souterraines qui coulent au fond de tous les hommes, il leur permet de paraître au grand jour. Il pense soudain :

« Mon fils me vengera… »

Car Antoine est un homme qui a des revanches à prendre, qui n’est pas épa- noui dans sa vie, qui sait qu’il ne prendra pas lui-même sa revanche contre sa vie.49

De la même manière, les premiers événements politiques révolutionnaires lui font éprouver son erreur car, en regardant les communistes défiler, il comprend que « la vérité de la vie était du côté des hommes qui regagnaient leurs maisons obscures, du côté des hommes qui n’avaient pas “réussi” »50. La voix narrative donne la place à celle qui aurait dû être celle d’Antoine, s’il avait eu le courage de trahir la classe bourgeoise qu’il a intégrée, au lieu de rompre avec ses origines prolétariennes… La voix narrative possède donc une double fonction, qui consiste à éclairer les raisons

« scientifiques » et idéologiques pour lesquelles Antoine Bloyé a été dépossédé de lui-même, tout en faisant entendre les pensées révolutionnaires qu’il a étouffées et qui témoignent de son appartenance au monde de la « communion ». La parole narrative romanesque et la parole journalistique se font ainsi écho : elles obéissent à une même scénographie puisqu’il s’agit toujours de faire preuve d’une lucidité d’analyse critique et de témoigner et de prouver une appartenance au monde des révoltés. La voix narrative recueille la parole révolutionnaire et produit cet effet d’appartenance en laissant émerger la parole étouffée du personnage ; elle évoque et convoque la voix du journaliste Nizan et elle devient, ainsi, une signature auctoriale de Paul Nizan et produit un effet de présence de l’auteur par la constitution d’un ton identifiable.

47. Paul Paul nizan, Antoine Bloyé, op. cit., p. 74.

48. Ibid., p. 91.

49. Ibid., p. 169.

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2. l

e tonde

n

izan

Dans cet article, nous avons distingué par commodité les notions de voix et de ton. Par voix, dans la première partie de l’article, nous nommons l’effet que pro- duit le texte (quel que soit son genre) et qui donne un sentiment de présence d’un sujet parlant défini ici comme auteur de l’article et, à propos du roman de Nizan, comme narrateur. La voix, en ce sens, donne une manière d’être au sujet et, d’une certaine façon, lui confère même son identité : elle fabrique l’auteur que le lecteur se figurera. Mais, dans un mouvement réflexif, le sujet qui parle (le journaliste et le narrateur) énonce l’espace originaire de cette voix : il dit ce qui la fonde, c’est-à-dire les principes en fonction desquels il écrit. L’un des principes de la littérature enga- gée serait, peut-être, de réduire l’hésitation que le lecteur pourrait percevoir entre l’énoncé idéologique et la voix qui l’affirme, entre le dire et le dit : la littérature enga- gée vise à effacer cette différence à l’intérieur de laquelle on entendrait une critique, une mise à distance, de l’énoncé idéologique. D’une certaine façon, la voix resterait potentiellement ambiguë.

La notion de ton élimine cette place laissée au doute et au scepticisme, lorsqu’on le définit comme une « vocalité spécifique qui permet de le [le discours écrit] rapporter à une source énonciative, […] un ton […] atteste ce qui est dit ; le terme de “ton” présente l’avantage de valoir aussi bien à l’écrit qu’à l’oral : on peut parler d’un ton d’un livre »51. Le ton affirme donc de manière évidente aux yeux du lecteur l’ethos du locuteur : il rend présent les valeurs en fonction desquelles il écrit. Ainsi, lorsque nous parlons du ton de Nizan, nous insistons sur la clarté et l’évidence idéologique en fonction de laquelle le texte est écrit. Toutefois, ces deux notions ne sont pas imperméables et nous montrerons, dans cette seconde partie de l’article, que la voix de Nizan cherche à se transformer en ton. Cette production d’un ton est d’une grande importance dans le champ littéraire car elle permet d’identifier les textes, même hétérogènes, et d’accroître la reconnaissance de l’auteur, nécessaire pour lui permettre de gagner une autorité dans ce même champ.

L’inscription des discours journalistique et romanesque dans l’idéologie marxiste et communiste les soumet à des valeurs qui régissent leur représentation.

S’opposeront donc les discours réalistes et concrets nizaniens aux discours illusoires produits par les ennemis, aux visages multiples. L’écriture nizanienne se présente d’abord comme réaliste et en lutte contre les discours factices et mystificateurs.

L’auteur s’appuie, pour ce faire, sur « Marx [pour qui], le matérialisme dialectique, héritier du matérialisme classique52 revendique l’homme réel pour objet, arrache les voiles illusoires que l’idéalisme jetait sur les réalités de la vie humaine »53. Dans un article consacré, en 1929, à Jean Luchaire (Une Génération réaliste), Nizan cite l’auteur qui refuse l’adéquation posée entre réalisme et matérialisme (« Réalisme ne signifie pas matérialisme. Si une politique qui préfère l’utopie aux faits se perd dans les nuages, une politique réaliste qui ne serait pas au service de l’idéal s’enliserait vite ») :

51. Dominique MainGueneau, « Ethos, scénographie, incorporation » dans Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos, s. dir. Ruth aMossy, Paris-Lausanne, Delachaux et Niest- lé, 1999, p. 78.

52. Rappelons que Nizan publiera en 1936 un choix de textes intitulé Démocrite, Épicure, Lu- crèce. Les matérialistes de l’Antiquité.

53. Paul nizan, « François Arouet – La fin d’une parade philosophique: le Bergsonisme », art. cit., (ALP : p. 91).

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une telle distinction est « à combattre sans merci »54. En 1933, il écrit encore que « l’humanisme réaliste de Marx est simplement plus complet que leur fausse révolu- tion de l’esprit […]. Aussi Marx disait qu’être radical, c’était “prendre les choses par la racine” et changer les conditions matérielles avant de changer l’esprit »55. Ceux qui ne sont pas prolétaires ne peuvent comprendre le Prolétariat : « ils ne sont donc pas matérialistes, il n’y a pas dans leur situation une nécessité telle qu’elle les oblige comme les prolétaires à analyser réellement les contradictions du monde »56. Le matérialiste, qui est le réaliste, c’est-à-dire celui qui se soucie de l’homme réel et ne se perd pas dans l’analyse d’idéalités, pense et décrit cette réalité, ce monde concret et matériel. Seul le communiste peut accomplir cette tâche car « le petit bourgeois tremble trop devant le prolétariat pour reconnaître que le concret est du côté de la dialectique de Marx, de l’action dans le monde réel, de la dialectique, de l’action qui pourraient toutes le sauver de sa maladie mortelle »57. L’idéalisme se contentait de poser des questions à « l’idée de l’homme »58 et il essayait de les résoudre « par des opérations purement logiques »59 quand la seule réponse est factuelle : « la Révolu- tion se dresse soudain comme le terme de la philosophie »60.

Toute la critique du bergsonisme présente chez Nizan traduit cette volonté d’en finir avec des illusions qui éloignent l’homme de lui-même : « Les mythes séduisants du bergsonisme sont justement destinés à les détourner de la redoutable contemplation de leur vallée de larmes »61. Nizan réaffirme l’importance de la vie matérielle, et libre : « je ne crois pas que la vocation des hommes soit une vie où tous les pouvoirs naturels sont offensés, où toutes les tentations humaines sont étouf- fées. C’est ce que dit Marx dans le Manifeste […] »62. Ou encore, un peu plus loin :

Démontrez-moi dialectiquement avec vos raisons raisonnantes et vos raisons raisonnées, avec vos manies d’économes et d’actuaires que nous avons tort de vouloir respirer, dormir, nager, avoir chaud l’hiver, aimer les femmes que nous aimons, marcher où nous voulons.63

L’ennemi est donc ce producteur d’illusions aliénantes qui arrachent l’homme concret à lui-même. Ses visages sont multiples et il faut dénoncer ces illusions avec attention et vivacité. Le patronat crée des mythes pour « séduire, tenter et corrompre les plus faibles des ouvriers »64. Mais Nizan s’en prend aussi aux chefs socialistes qui « tentent de sauver la face, [qui] tentent de crever en beauté » : « Ils bâtissent des mondes imaginaires. Leur impuissance, leur complaisance leur font abandonner la lutte réelle. Ils tombent d’une chute nécessaire dans l’idéalisme bourgeois »65. La culture bourgeoise et capitaliste est condamnée, et la philosophie elle-même n’est

54. Id., « Jean Luchaire – Une génération réaliste », art. cit. (ALP : p. 96).

55. Id., « Sur un certain front unique », dans Europe, 15 janvier 1933 (ALP : p. 191).

56. Ibid., p. 192.

57. id., « Approches du fascisme », dans La Jeune révolution, juillet-août 1933 (ALP : p. 256).

58. id., « François Arouet- La fin d’une parade philosophique : le Bergsonisme », art. cit. (ALP : p. 91).

59. Ibid.

60. Ibid.

61. Ibid.

62. Id., « Notes-programme sur la philosophie », art. cit. (ALP : p. 128).

63. Ibid., p. 129.

64. id., « Rationalisation », art. cit., (ALP : p. 80).

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pas épargnée non plus : « il n’y a aucune raison de croire que la philosophie échappe aujourd’hui aux caractères traditionnels de la philosophie […]. Je dis qu’elle sert à voiler les misères de ce temps, le vide spirituel des hommes, […] et sa réalité pré- sente »66.

Dans un très important article consacré au livre d’Emmanuel Berl, Mort de la morale bourgeoise, Nizan s’interroge sur la façon dont le prolétariat doit traiter la conception bourgeoise de l’histoire, qui légitime sous les mythes que seraient l’âme, la justice et autres termes similaires, une réalité matérielle intolérable. Il analyse que si « le bourgeois, pour quelque temps encore abrité par les quatre murs de sa chambre, peut se croire comblé et protégé par les inventions, les mythes et les pro- messes de son vocabulaire »67, sa culture, son idéalisme ne sont plus qu’un « refuge où elle [la bourgeoisie] oublie ses inquiétudes »68. Bientôt, selon Nizan, le prolétariat sera confronté à « une culture et une philosophie du capitalisme nouveau [qui] vont naître, devant lesquels il sera mis »69 :

Faire lire Racine aux ouvriers ? Ou Virgile ? Questions déjà périmées. […] Plus d’histoire ; je vois de jeunes hommes de la finance ricaner en pensant à Racine, mais admirer Paul Klee. La culture opposée au peuple et tendue à ses désirs ne sera plus faite d’allusions historiques, mais de délicatesses nouvelles où l’élé- gance des mathématiques fera bon ménage avec les marchands de tableaux.70

La fin de l’article consacré à Emmanuel Berl s’attarde sur la « posture » même de Berl que Nizan considère comme trop simplement négatrice car, « matérialisme n’égale pas Négation. […] Le matérialisme affirme. L’esprit est ce qui nie et ensuite ce qui pose »71. Il cite alors les derniers mots du livre (« le matérialisme est pour moi le courage dans la pensée et l’irrévérence dans le cœur »72) pour préciser ce que serait une voix, un ton, véritablement matérialiste. En effet, pour Nizan, Berl se satisfait de la posture traditionnelle des intellectuels qui « furent les hommes situés au-delà de la Révolution »73, mais « le peuple est en deçà. Il n’aime pas qu’on lui dise que la Révolution n’est plus à faire, car elle ne l’est point pour son corps et sa vie. E. Berl ne peut plus aligner seulement des refus »74 ; Nizan écrit que « l’amitié qu’on a pour lui, le son même de sa voix obligent à lui demander de ne plus s’attar- der entre les décombres de la bourgeoisie et les chantiers du prolétariat »75. Le ton révolutionnaire, la voix révolutionnaire, doit donc traduire à la fois le courage, l’irré- vérence et l’engagement au côté du prolétariat : il traduit la soumission à ce mode de représentation (dire le réel et refuser les illusions), il manifeste la présence de l’ethos dans la parole, un ethos que l’on pourrait qualifier de révolutionnaire, de matérialiste ou marxiste révolutionnaire. Le ton opère comme une signature et non comme un

66. Id., « Notes-programme sur la philosophie », art. cit., (ALP : p. 126).

67. id., « Emmanuel Berl- Mort de la morale bourgeoise », dans Europe, 15 juillet 1930 (ALP : p.

111).

68. Ibid.

69. Ibid., p. 112.

70. Ibid.

71. Ibid., p. 113.

72. Ibid.

73. Ibid.

74. Ibid.

75. Ibid.

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supplément du discours, « une manière d’investir le discours d’une émotion centrale du sujet capable de colorer l’ensemble de ses énoncés »76.

Cette tonalité est bien évidemment perceptible dans le roman nizanien qui dénonce l’illusion de l’ascension sociale. Dans le cadre de cet article, nous évoque- rons trois éléments significatifs77 présents dans les deux types de texte. En premier lieu, le roman conserve l’usage de la maxime. Dans l’extrait suivant, la maxime per- met de donner un sens moral et général à une partie du récit qui dévoile le monde factice à l’intérieur duquel les Bloyé vivent : « ces petits contentements-là font ou- blier assez bien les hommes parmi lesquels on est né et qui continuent leur marche dans leur nuit… »78. Ailleurs, l’écriture généralise le destin du personnage pour en faire un exemple : « à sa mort, des fiches déposées au service des pensions de la Compagnie, rue de Londres, tiendront lieu des mémoires que les hommes de son espèce n’écrivent pas »79. La maxime contribue à construire une vision communiste du monde en faisant émerger la valeur humaine de ce qui n’aurait pu être qu’une situation particulière, c’est-à-dire réelle et politique, celle du cas Bloyé.

En second lieu, l’un des traits remarquables de la parole journalistique ni- zanienne reste son emportement, que les procédés d’accumulation et rythmiques traduisent. Or, le procédé d’accumulation, qui sert dans les articles à dénoncer les ennemis, possède la même fonction dans le roman :

Mille grandes machineries dévorantes entraînent ainsi les hommes dans leur rotation : les banques, les mines, les grands magasins, les navires, les réseaux, presque personne ne respire, il faut trop d’attention pour travailler aussi promptement que leurs engrenages, pour éviter les courroies, les moteurs.80

La répétition de termes parcourt régulièrement l’ensemble de la production de Ni- zan et lui imprime un rythme particulier. Un même terme peut parfois être repris avec une même valeur sémantique : « Une année une grève éclata, une grève qu’on avait senti venir de loin »81. Ailleurs, l’on observe des reprises qui modifient le sens et le connotent politiquement : « Tous les besoins, toutes les colères avaient fini par prendre une forme simple et claire pour les chauffeurs de machines, les nettoyeurs de dépôt et les facteurs des gares »82. La répétition de la tournure syntaxique ini- tiale rassemble les raisons de la colère qui sont d’origine sociale et qui ne peuvent conduire qu’à une révolte. Le rythme ternaire réunit dans un même mouvement, par-delà les différences de fonction, les membres d’une même classe, face à laquelle justement Bloyé agit comme un traître. On perçoit donc combien le rythme dans le roman ne se sépare du sens politique qu’il imprime à la phrase. Le travail stylis- tique reste régi par une intention politique et n’obéit pas à un seul souci esthétique.

L’usage de ces procédés est motivé par l’intention propagandiste de la littérature sans que, pour autant, le travail sur la langue lui-même soit nié : le fait que chacun

76. Jérôme Meizoz, art. cit.

77. Pour une étude précise des traits stylistiques de la parole journalistique nizanienne, nous renvoyons à Anne MatHieu, Aspects de la véhémence journalistique et littéraire : Paul Nizan, Jean-Paul Sartre, thèse s. dir. Régis antoine, Université de Nantes, 1999.

78. Paul nizan, Antoine Bloyé, op. cit., p. 206.

79. Ibid., p. 178.

80. Ibid., p. 124.

81. Ibid., p. 206.

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des termes – facteurs, chauffeurs, nettoyeurs – s’achève par le même suffixe suffit à les rassembler.

Enfin, la figure de l’ironie traduit aussi la permanence de la présence de la parole nizanienne dans le roman. Sa description du rire du vicaire qui « tomba de son visage comme un masque de carnaval »83 et laissa éclater « le mépris d’un mar- chand pour un chaland qui refuse la marchandise »84 évoque le début de « L’église dans la ville » (1933). Ce phrasé traduit la lucidité et l’engagement du narrateur et le lecteur, naturellement, y reconnaît celui du journaliste Nizan (pour autant qu’il soit familiarisé avec son ton, du moins). Une même voix, un même ton réunissent ces différents textes. Indépendamment du lieu générique où ils se déploient, ils pro- duisent un effet de présence auctoriale. Cette unification tonale, qui ne réduit pas les différences imposées par le genre utilisé et le lieu de publication85, renforce la pré- sence de Nizan aussi bien dans le champ politique (quel que soit le type de texte, il manifeste une souscription au marxisme) que dans le champ littéraire (il est capable de produire un roman qui est reconnu par le champ littéraire puisqu’il obtient une voix lors de l’attribution du prix Goncourt).

À l’intérieur d’un champ littéraire où les positions tenues sont complexes et conflictuelles86, le travail de construction d’une voix auctoriale qui excède les caté- gories génériques contribue à l’acquisition, dans ce champ particulier, d’un pouvoir qui se trouve accrû par le travail de redéfinition de ce champ même par Nizan.

En effet, ce travail de constitution de soi dans et par l’institution littéraire conduit Nizan à envisager une autre représentation de l’espace littéraire, à en proposer une nouvelle configuration qui puisse, à son tour, faire autorité – si elle est accompagnée d’une action réelle dans les domaines littéraire et politique.

3. M

odifier leChaMplittéraire

Cette position prise au sein de l’espace littéraire conduit Nizan à définir le statut de l’écrivain révolutionnaire et prolétarien. En effet, le statut social de l’écri- vain ne suffit pas à déterminer la fonction de son livre, c’est-à-dire la situation qu’il occupe dans le champ littéraire. Dans un virulent article consacré à Eugène Dabit (sur Petit Louis) publié en 1930, Nizan évoque le « cas Dabit »87 dont le der- nier livre publié chez Gallimard « fait décidément la preuve qu’il ne suffit pas de

83. Ibid., p. 124.

84. Ibid.

85. Sophie Coeuré a montré dans un article consacré aux récits de voyage en U.R.S.S. écrits par Nizan combien son travail d’écriture tenait compte du journal ou de la revue au sein desquels il allait publier son texte, et donc de son lectorat : « Réutilisant sans complexe les mêmes anecdotes vécues auprès d’anciens combattants de la guerre civile, d’ingénieurs ou de garde frontières, l’auteur épargne aux lecteurs d’Europe et de Vendredi les citations de Staline et Gorki qu’il multiplie dans la revue des Amis de l’U.R.S.S.. Dans Russie d’Aujourd’hui, directement lié au P.C. et à l’ambassade sovié- tique via les A.U.S., et dont le lectorat se voulait populaire, l’écriture se simplifie, les personnages dis- paraissent, le questionnement métaphysique sur le destin de l’homme s’estompe et la démonstration politique se fait plus claire » (p. 107) (voir Sophie coeuré, « Les récits d’U.R.S.S. de Paul Nizan : à la recherche d’un réalisme socialiste de témoignage », dans Sociétés & représentations, n° 15, décembre 2002, pp. 97-111).

86. Jean-Michel Péru, « Une crise du champ littéraire français », dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 89, 1991, pp. 47-65. On lira aussi avec intérêt Jean-Charles aMbroise, « Écrivain prolétarien : une identité paradoxale », dans Sociétés contemporaines, n° 44, 2001, pp. 41-55.

87. Paul nizan, « Eugène Dabit - Petit Louis », dans L’Université syndicaliste, décembre 1930 (ALP : p. 115).

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