A NNALES DE L ’I. H. P.
W.M. E LSASSER
La structure des noyaux atomiques complexes
Annales de l’I. H. P., tome 5, n
o3 (1935), p. 223-262
<http://www.numdam.org/item?id=AIHP_1935__5_3_223_0>
© Gauthier-Villars, 1935, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Annales de l’I. H. P. » implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.numdam.org/conditions).
Toute utilisation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit conte- nir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
223
La structure des noyaux atomiques complexes
PAR
W. M. ELSASSER
1. Introduction.
Le
grand
essor que la recherche sur les noyauxatomiques
apris
ces dernières années date de la découverte du neutron. Il y a bien
longtemps, RUTHERFORD,
afind’expliquer
d’une manièresimple
lastructure des noyaux
atomiques complexes,
avaitimaginé
l’existence d’uneparticule
lourde et nonchargée ayant
à peuprès
la masse d’unnoyau
d’hydrogène.
En 1932,CHADWICK,
se basant sur les travaux de BOTHE et deCURIE-JOLIOT,
réussit à trouverexpérimentalement
cette
particule.
Il y avait alors lieu de fairel’hypothèse
que tous les noyaux sont bâtis deprotons
et de neutrons ; lesconséquences
decette idée ont d’abord été
développées
par HEISENBERG.[I].
Ilest très
plausible
que les noyaux ne contiennent pas departicules légères,
c’est-à-dire departicules
ayant la masse d’un électron. Eneffet, d’après
la théorieélectromagnétique
de lamatière,
le rayon de l’électron doit être de l’ordrede e2 mc2
= 3. I0-13 cni et,d’après
nosconnaissances
expérimentales,
les rayons des noyauxcomplexes
lesplus légers
sont du même ordre degrandeur.
Uneparticule légère
trouverait donc difficilement assez de
place
à l’intérieur d’un noyau. Laconception
des noyauxcomplexes
considérés comme desassemblages
deprotons
et de neutrons atoujours
été confirméejusqu’à présent
et nous laprendrons
donc comme base de nos déve-loppements
ultérieurs.Afin
d’expliquer
la stabilité des noyaux, nous devons fairel’hypo-
thèse
qu’entre
neutrons etprotons
il existe àpetite
distance une forceparticulière qui
les maintient ensemble. Nous ne savonspratique-
ment rien de
précis
sur la nature de cetteforce ;
la seule chose quenous
puissions
affirmer avec certitude concerne sonorigine :
depareilles
forces nepeuvent
pas êtred’origine électromagnétique puisqu’elles
sont debeaucoup supérieures
à la force de Coulombqui
s’exerce entre deuxcharges
degrandeur e
situées à une distancede
quelques
10-13 cm(dimensions nucléaires).
Des recherches de WIGNER[2]
ont montré que ces forces doivent décroître avec unerapidité
extraordinairequand
la distance des deuxparticules augmente,
de sortequ’elles
sontpratiquement
inefficaces pour des distancessupérieures
à 3 ~ zo-1~ cm. Ce fait rend très difficile leur étudeexpérimentale.
Lesexpériences
de diffusion(qui permettent
notamment une détermination directe des interactions coulom-
biennes)
ne donnent pas des résultats utilisables dans ce cas ; pour avoir desrenseignements
sur les interactions nucléaires on est réduit àemployer
des méthodes moinsdirectes,
cequi complique
sensiblement l’examen de la structure des noyaux.
Les moyens dont nous
disposons
pouranalyser
la structure desnoyaux
complexes,
sont assez restreints encomparaison
avec ceuxqui
nous ontpermis
d’étudier lacomposition
des couches électro-niques.
Dans ce domaine nous n’avons pas de méthodequi
seraitcomparable
même de loin à laspectroscopie
enprécision
et ensimplicité.
Seules les recherches étendues d’AsTON[5]
effectuées à l’aide duspectrographe
de masse s’enapprochent ;
elles ont uneimportance
fondamentale dans lesquestions
de structure nucléaire.On trouvera une
description
détaillée des méthodesexpérimentales
et des résultats obtenus dans le livre d’AsTON. La
bibliographie
àla fin de cet article ne contient que les travaux sur la
spectrographie
des masses
[7, 8]. qui
ont paruaprès
l’achèvement(1933)
du livrecité. Un article résumant les mêmes travaux a récemment été
publié
par MATTAUCH
[6].
Ces recherches nous fourniront les masses desisotopes
et leursfréquences
relatives. Ils’agit
donc ici d’un maté-riel
statistique
dontl’interprétation
doit se faire avec des méthodesappropriées
et avec laprudence qui
convient dans ces cas. Nous n’enpourrons tirer que des conclusions d’une
portée
relativement res-treinte ; mais nous verrons
qu’on peut dégager
toute une série de225
régularités empiriques,
que nous rattacherons auxproblèmes
destructure nucléaire.
Les données
expérimentales
sont un peuplus
nombreusesunique-
ment pour les noyaux très lourds et
spontanément
radioactifs. Nous discuterons ces données à la fin de notreexposé.
Outre les données
expérimentales indiquées,
nousdisposons
encorede certaines informations sur la structure
nucléaire,
fournies parl’analyse
de la structurehyperfine
des raiesspectrales
dont nouspouvons déduire les moments
mécaniques
etmagnétiques
des noyaux.Il semble
cependant
difficile à l’heureactuelle, d’employer
ceux-cipour une
interprétation théorique
et nous n’en ferons pas usage dans la suite.L’expérience
a montré que les noyaux trèslégers
ont untype
destructure
qui
diffère un peu de celui des noyauxplus
lourds et desnoyaux très lourds. Les recherches
qui
suivent serapportent
surtoutaux noyaux
qui
ne sont pas trèslégers.
2. Forces, défaut de masse, stabilité.
Nous
analyserons
tout d’abord d’unefaçon générale
lespropriétés
que nous devrons attribuer aux constituants élémentaires des noyaux. Nous supposerons
toujours
que lesprotons
et les neutronsqui
se trouvent à l’intérieur des noyauxpeuvent
être considéréscomme des
points
matériels au sens de lamécanique.
Ceci estpeut-
être une
approximation
et dans un stadeultérieur, plus avancé,
de lathéorie il se
peut qu’on
doive considérer cesparticules
comme descorps
déformables,
ayant une extension finie. Il estprobable
que les dimensions des
particules
sont de l’ordre de .grandeur
deh
= 2 . I0-14 cm. Encomparant
cettelongueur
aux dimensionsnucléaires
qui
sont dequelques
I0-13 cm, on voitqu’il
estpermis
d’assimiler en
première approximation
uneparticule
à unpoint
matériel sans structure. Aussi pouvons-nous faire abstraction des effets
relativistes,
c’est-à-direappliquer
lamécanique
de NEWTON ouplutôt
lamécanique
ondulatoire ordinaire de SCHRODINGER. Eneffet,
un raisonnement
simple
utilisant un modèle nucléaireexposé
par la suite nous montrera que les vitesses atteintes par lesparticules
àl’intérieur des noyaux ne
dépassent
pas unquart
de la vitesse de la lumière.Puisque
les termes relativistes dont il faut tenircompte
sont de l’ordre de
grandeur
de~2 ~’c2,
il sera sans doutepermis
denégliger
les corrections dequelques pourcents qu’ils comportent.
Les
expériences,
et enparticulier
celles de laspectroscopie
desbandes,
nous montrent que les protons aussi bien que les électrons obéissent auprincipe
d’exclusion de PAULI. D’autres résultats de laspectroscopie
des bandes nousindiquent
que les neutrons sontégalement
soumis auprincipe
de PAULi ;enfin,
il résulte avecgrande
certitude des mesures
spectroscopiques
que les neutrons aussi bien que lesprotons
ont unspin
1/2.
Ces faits forment une base suffisante pour la discussion des traitsgénéraux
d’une théorie de la structure nucléairequi
n’admet que lesprotons
et les neutrons comme constituants élémentaires.Comme nous avons
déjà mentionné,
il est difficile d’obtenirune indication
expérimentale
directe sur l’allure des forces entre les neutrons et lesprotons.
On obtient desrenseignements
indirectespar les mesures des défauts de masse des divers noyaux. Celles-ci
nous donnent
l’énergie
de liaison d’un noyauquand
nous connais-sons la masse du
proton
et celle du neutron.Lorsque
nousposons
(’)
l60 =16,
les masses des noyauxplus
lourds sont sensible-ment
égales
à des nombres entiers. Les meilleurs valeurs de lamasse
atomique
del’hydrogène
et de celle du neutron sont(2)
pro- bablement à l’heure actuelle mp ==1.0081,
Mx ==1.0085.
Ledéfaut de masse d’un atome
d’oxygène
construit àpartir
de pro- tons et de neutrons est alors 1,33 unités de masse ou 124 millionsvolts,
cequi correspond
à uneénergie
de liaison moyenne parparti-
cule de 7,7 millions volts. Cette dernière
grandeur
reste trèsapproxi-
mativement constante pour tous les noyaux
lourds ;
elle crolt encoreun
petit
peujusqu’au
domaine des terres rares où elle est environ8,3
millions volts et s’abaisse ensuitelentement ;
pour les subs-tances radioactives elle est de nouveau à peu
près
7,7 millions volts. Le fait quel’énergie
de liaison moyenne parparticule
restetrès
approximativement
constante doit être considéré comme unphé-
nomène fondamental de la structure nucléaire. Il montre que les (i) Il est commode de comparer les atomes électriquement neutres entre eux au lieu de com-
parer les noyaux. Nos chiffres se rapportent toujours aux atomes.
(2) H. BETHE, Phys. Rew., 47, 633, 1935.
227
iorces
agissant
entre les constituants du noyau sont d’une autre nature que, parexemple,
les forces coulombiennes attractives entre deuxcharges électriques.
Dans ce dernier cas,l’énergie potentielle
varie comme it22
(où
M est le nombre departicules)
si le volume nucléaire est maintenu constant, tandisqu’en réalité,
ainsi que nousvenons de le voir elle est
proportionnelle
à M. Pour cette raison HEISENBERG[z, 4]
asupposé
que les forcesagissant
dans les noyau x ont un caractère semblable aux forces de valencechimiques
etqu’elles
sont comme celles-cicapables
d’une saturation.D’après HEISENBERG,
ces forcescorrespondent
àl’échange
de lacharge
entreun
proton
et un neutron et lesystème proton-neutron
serait compa- rable à l’ion d’une moléculed’hydrogène,
où un électron oscille entre les deuxprotons. MAJORANA [3] plus
tard a mis cettehypo-
thèse sous une forme
quelque
peu différente etplus appropriée
auxphénomènes
de la structure nucléaire. Selon cetteconception
on doits’attendre surtout à une forte interaction entre neutrons et
protons,
tandisqu’en première approximation
on n’aurait pas d’interaction dutype
neutron-neutron ouproton-proton.
Par contre, GUGGENHEI-MER
[II]
aindiqué
que les forces entreparticules
de mêmeespèce jouent probablement
un rôle essentiel dans la structure nucléaire.Jusqu’ici
on n’a pas pu trouver desarguments
tout à fait décisifs pourou contre la validité d’une de ces
hypothèses
et à l’heure actuelle laquestion
reste encore obscure.Jusqu’ici,
nous n’avonsparlé
que du défaut de masse et del’énergie
de liaison moyenne d’une
particule.
Unegrandeur
propre à nous donnerplus
de détails sur la structurenucléaire,
estl’énergie
deliaison de la dernière
particule,
c’est-à-direl’énergie qu’il
fautappli-
quer afin d’arracher à un noyau donné un
proton
ou un neutron. Nousdistinguons
doncl’énergie
de liaison du dernierproton
Ep etl’énergie
de liaison du dernier neutron E~. Il est commode de
compter
ces deuxgrandeurs
avec lesigne positif
. Deplus,
nousprécisons
que Ep nereprésente
pasl’énergie
de liaison d’unproton isolé,
mais le travailqui
doit être effectué afin de retirer d’un atome donné un noyau
d’hydro- gène.
Par la suite nousdésignerons,
d’nnefaçon générale,
par P lenombre de
protons
que contient un certain noyau et par N le nombre de neutrons. Soit M = P + N le nombre total departicules
dansun noyau. A peu
d’exceptions près,
il existe des noyaux stables pourchaque
M inférieur 31 = 20g,qui correspond
au bismuth. Il vFig. f.
Noyaux stables x Noyaux radioactifs
- Limites de stabilité par rapport aux transfonnations ~.
- - - Limite de stabilité par rapport aux transformations a.
229
a lieu de supposer que les lacunes
qui
existent encore seront rem-plies
au cours dutemps (peut-être
àl’exception
deSHe.)
Des noyauxayant le même M, mais différents P et N
s’appellent,
comme onsait,
des isobares. Des noyaux isobares
peuvent
se transformer les unsdans les autres par une ou
plusieurs
transformations(j. Lorsque
nousreprésentons
les noyaux connus par despoints
dans undiagramme
dont P sont les abscisses et N les. ordonnées
(fig. I),
les noyauxstables se trouvent situés à l’intérieur d’une bande étroite de direc- tion à peu
près diagonale.
Les noyauxqui
se trouvent en dehors decette bande sont instables et se transforment par
émission ~
ennoyaux situés à l’intérieur de la bande. Les
grandeurs
Ep et Exvarient en fonction des deux variables
indépendantes
P et N.Lorsque
Naugmente,
P étant constant, Epaugmente
engénéral ; lorsque
Paugmente,
N étant constant, ENaugmente
engénéral :
0394ET 0394N > 0, 0394FN 0394P > 0,
Lorsqu’à
la suite d’additions successives de neutrons,Ep
a sensible-ment
surpassé EN ,
ungain d’énergie
seproduit,
si un ouplusieurs
neutrons du noyau sont
changés
enprotons
par des transformations~~ - ; lorsque,
par contre, EN est sensiblementplus grand
queEp ,
on gagne de
l’énergie
si un ouplusieurs protons
du noyau sontchangés
en neutrons par des transformationsl~ ~ .
A l’intérieur de la bande destabilité,
Ep et Ex seront en moyenneapproximative-
ment
égaux.
Dans lasuite,
nous étudierons deplus près
la variationde Ep et
EN
en fonction de P et N.La
largeur
de la bandeprécédente,
définie àpartir
de la stabilité parrapport
aux transformations.5,
sera diminuée par Jê fait quecertains noyaux stables pour des
transformations ~ peuvent
en réalitése
décomposer
avec émission ~. Mais cette diminution ne devientprobablement importante
que pour des noyaux assez lourds(environ
à
partir
des terresrares).
Ce sont alors lesisotopes
lesplus légers
d’un élément
qui
sedécomposent.
La limite de stabilité des élémentslourds par
rapport
auxdécompositions ~
estindiquée
par la droitepointillée
dansfig.
I. Pour les noyaux d’unpoids
moyen,l’énergie
deliaison est, comme nous l’avons vu, un peu
plus grande
quel’énergie
de liaison moyenne d’une
particule
à l’intérieur de laparticule
~, desorte
qu’une petite
variation del’énergie
de liaison fournitl’énergie
nécessaire à une transformation
5,
mais non celle d’une émission ~.De
plus,
cette dernièreénergie
doit avoir une valeur minimum(qui dépend
deP)
à cause de la traverséepréalable
d’une barrière depotentiel
deGamovv ;
au-dessous de cette valeur leprobabilité
d’émission serait
négligeable.
Autrementdit,
lapossibilité
d’unetransformation
nedépend
que de ladifférence
Ep - EN ,tandis
que lapossibilité
d’une transformation ~dépend
de la valeur absolue del’énergie
de liaison dequatre particules.
C’est enpartie
à la suite deces faits que certaines
régularités
se dessinent assez nettement dansle domaine des noyaux de
poids
moyen et deviennent moins visibles peur les noyaux très lourds.3. - Nombres quantiques. Un modèle élémentaire.
Afin de connaître de
plus près
la structure des noyaux, nous devons.nous efforcer à étudier le
type
de mouvement desparticules qui
lesconstituent. Considérons donc une
équation
deSchrôdinger
pour unsystème
de P + Nparticules
et cherchons des énoncés d’ordregénéral qui pourraient
s’en déduire.L’emploi
de la méthode duchamp
self-consistent de Hartree(i)
est toutindiqué
dans ce cas.Des considérations
théoriques
trèsgénérales (2)
montrent que dans laplupart
des caspratiques
cette méthode donne une très bonneapproximation
de la solution exacte del’équation
deSchrôdinger.
Nous pouvons admettre que cela soit encore vrai pour les noyaux.
La méthode de Hartree consiste à
exprimer
la force totale exercéesur une
particule
par toutes les autres, à l’aide d’unpotentiel
moyenapproximativement
le même pour toutes lesparticules (3) .
Cepoten--
tiel moyen se calcule à
partir
de larépartition
moyenne desparti-
cules.
Quant
à ce derniercalcul,
nous pourrons le faireapproxima-
tivement dans notre cas
puisque
nous savonsquelque
chose - bienque très peu - sur la loi de force nucléaire. WIGNER
[2]
a montréque les forces
agissant
dans les noyaux(abstraction
faite desforces coulombiennes entre
protons
que l’on peutnégliger
en pre-(I) HARTREE. - Prot. Cambr. Pl2il. Soc., 24, p. 89, III, 426 (I928) ; 25, 225, 3I0 (1929) ; GAUNT
Proc. Cambr. Pltil. Soc., 24, 328 (Ig28).
(2) MILLER and PLESSET. -- Phys. Rev. 46, 618, (1934)-
a,;,~ L. BRiLLOL’tN. - La méthode de champs self-consistent et : Les champs self-consistents de HARTREE et de FOCK. Actualités Scientifiques et Industrielles, n° 7 I et n° 159 ; Paris, Hennann-
& C0.
mière
approximation)
ne sontappréciables
que dans des distancesqui
sontpetites
parrapport
aux dimensions nucléaires. On peut, d’autrepart
admettre que la matière estrépartie
à l’intérieur des noyaux avec une densité à peuprès
unif orme.(Les expériences
montrent que les rayons nucléaires croissent avec la racine
cubique
du nombre de
particules,
de sorte que la densité moyenne de la matière nucléaire est constante ; onpeut
alors supposer que larépartition
dela densité à l’intérieur du noyau tend
également
vers une valeur li-mite
constante).
Il sembledonc j ustifié
deprendre
enpremière approxi-
mation comme
potentiel agissant
sur une seuleparticule
une valeurconstante - U à l’intérieur d’une
sphère r
=== ro et une valeurégale à
zéro à l’extérieur de cette
sphère.
Cettehypothèse comprend
enparticulier
lasymétrie sphérique
dupotentiel,
cequi
est sans doute unebonne
approximation
dans le cadre du modèle de Hartreelorsque
lenombre total de
particules
estgrand.
Les valeurs propres et les fonctions propres de ceproblème
sont faciles à calculer[15],
surtoutquand
on yapplique
encore unepetite simplification mathématique (en exigeant que
soitrigoureusement
zéro pour 1 ~vo) .
On a alorspour r ~ r0:
03A8n,l(r)
=2 r0je+I 2 (Xn) I r Je+ I 2(Xnr r0)
où J est une fonction de Bessel de l’ord-re
l + I 2. Ici,
est le nombrequantique
azimutal(l
= o, r, 2,...correspond
auxtermes
s,p, d, ... ) .
Les Xn sont les zéros des fonctions de Bessel.
Quant
aux valeurspropres, nous nous bornons à
indiquer
la successionénergétique
destermes les
plus profonds.
Enemployant
laterminologie
habituelledes
spectroscopistes,
elle est la suivante :1 S,
3d,
2s,4A
, 3p, 5g,4d,
6h, ...On voit que cette suite progresse surtout selon les nombres
quantiques azimutaux,
cequi
ladistingue
du cas d’unpotentiel
coulombien où c’estprincipalement
le nombrequantique principal qui
déterminel’énergie. L’application
ultérieure de notre méthoded’approxima- tion,
se fait maintenant enplaçant
successivement sur les niveaux ainsi trouvés desparticules,
commel’exige
leprincipe
de Pauli.La
multiplicité
d’un terme ayant le nombrequantique
azimutall estde
2(2l
+1) ,
où le facteur 2provient
des deux orientationspossibles
du
spin.
Parconséquent, 2(?l
+1)
est le nombre departicules
appar- tenant à un certain niveauénergétique.
Les schémas de niveaux doivent être déterminés et les casesremplies séparément
pour les neu-trons et pour les
protons.
On doit s’attendre à ce que le rayon ro et lepotentiel -U
de notre modèle varient d’un noyau à l’autre et que U soit différent pour les neutrons et pour lesprotons. Néanmoins,
on pourra admettre que laforme caractéristique
de notrepotentiel (cc potentiel
de trou
»)
se retrouveraapproximativement
dans tous les noyaux,malgré
la variationde 1’0
et de U, et dans ce cas la succession éner-gétique
des termes seratoujours
la même(1) .
.Quant
àl’énergie
de liaison de la dernièreparticule,
elle variera engénéral
de manière continue d’un noyau à l’autre par suite de la varia- tionde ro
et U ; maislorsqu’un
niveau estcomplet,
laparticule
suivante devra se fixer sur le niveau
plus
élevésuivant ;
il se pro- duira alors une diminution discontinue del’énergie
de liaison. C’est eneffet ce
qu’on observe,
ainsi que nous allons le montrer dans le pa-ragraphe
suivant. En ce sens,précisément,
nousparlerons
de couchesde neutrons et de
protons.
Nous voudrions ’encore insister toutparticulièrement
sur le nombre très réduitd’hypothèses arbitraires,
nécessaires pourgarantir
la validité de ces dernières conclusions. Il suffitd’exiger
que la construction d’un modèle self -consistent de Hartree soitpossible
et deplus qu’on puisse remplacer
lepotentiel
moyen par un
potentiel
àsymétrie sphérique.
Trèsprobablement,
si la
première
condition estremplie,
la seconde le seraégalement,
sauf toutefois dans le cas des noyaux très
légers.
4. Critères de stabilité. Couches de neutrons.
(2)
Essayons
maintenant de classer les donnéesexpérimentales
fourniespar le
spectrographe
de masses d’AsTON. En nous basant sur les(1) A cette approximation, les fonctions propres et la succession des valeurs propres ne dé-
pendent pas de U ; la valeur de U intervient seulement comme constante additive des valeurs propres.
(2) La notion de couches neutroniques a été introduite par A. LANDE (Phys. Rev. 43, 620, 624, 1933). Son point de vue diffère cependant sensiblement du nôtre, puisque Landé admet que les neutrons du noyau ne sont pas tous équivalents entre eux, mais se divisent en deux classes,
les uns liés dans des particules x et les autres « libres » ; seuls ces derniers participeraient à la forma-
tion des couches. On trouvera une critique de cette conception dans le paragraphe 9.
raisonnements du
paragraphe précédant,
nous allons tâcher d’endégager
desrégularités.
Sur lafigure
1, on areprésenté
tous lesnoyaux stables connus
jusqu’ici,
par despoints
dans unsystème
de coordonnées où le nombre P deprotons
est en abscisses et le nombre N de neutrons en ordonnées(~).
Les noyaux des familles radioactives sontreprésentés
par descroix,
les noyaux ins- tablesproduits
par activation artificielle ne sont pasindiqués.
Remarquons
d’abord un fait connudepuis longtemps
et que HARKiNS[gj
a découvert lepremier :
il existebeaucoup plus
denoyaux
ayant
P et Npair qu’ayant
P et Nimpair.
Nous reviendrons dans leparagraphe
9 sur lasignification
de ce fait trèsimportant
pour la théorie de la structure nucléaire. Pour le moment, nous en concluonsavec GUGGENHEIMER
[iy1 qu’on
nepeut
comparer entre eux que des noyaux de mêmeparité (en
P ou enN),
mais non des noyaux ayantP
pair
à ceux ayant Pimpair
et nonplus
des noyaux ayant Npair
àceux
ayant
Nimpair.
On reconnaît tout de suite que les élémentspairs
onten
général
ungrand
nombred’isotopes
tandis que les élémentsimpairs
en ont au maximum deux.
Puisque
la structure des noyaux esten
première approximation symétrique
parrapport
auxprotons
etaux neutrons, on devra
considérer,
outre les noyauxisotopes
situéssur la même droite verticale P == const., des noyaux situés sur la même droite horizontale N = const. En suivant
GUGGENHEIMER,
nous lesappellerons
isotones. Des noyauxisotopes
ont le même P, N étantvariable,
des noyaux isotones ont le même N, P étant variable.Il existe en
général plus
d’isotones pour Npair
que pour Nimpair.
Dans le dernier cas, on a un nombre maximum de deux isotones.
Dans la
suite,
nousemployons
lesymbole (P,N)
pour caractériserun noyau. Les noyaux très
légers, jusqu’à (18, 18) environ,
montrentun
arrangement
trèsrégulier.
On ydistingue
deux(plus
exactementtrois)
groupes. Un de ces groupes commence par l’hélium(2,2)
et finit par
l’oxygène (8,8),
l’autre va del’oxygène jusqu’à
l’ar-gon
(18,18).
Onpeut ajouter
un autre(premier)
groupe, les iso-topes
del’hydrogène.
Les éléments du groupe He - 0 ont chacun deuxisotopes,
unpremier
«diagonal
», P = N, et un autrequi
contientun neutron en
plus (à l’exception
du He et du Be. Le groupe suivant (3) D’après MATTAUCH ([61] et Zeits. f. Pl2ys., 31, ;6z, 1934), certains isotopes indiqués par Aston n’existent pas en réalité, mais sont dûs à la formation d’hydrides. Nous avons cru utilede reproduire dans la figure r tous les isotopes trouvés expérimentalement.
se
comporte
un peudifféremment,
ses élémentspairs
ont chacuntrois
isotopes
et les élémentsimpairs
unisotope.
Cesrégularités
ontété
signalées
etinterprétées
par BARTLETT[13].
On remarquera que les trois groupes successifs contiennent 2,6,
10 neutrons et autant deprotons.
Les nombres sont de la forme2(2l
+1)
avec l - o, 1 , 2. Ennous
rapportant
aux considérations duparagraphe précédent,
nouspourrons supposer que ces valeurs l
représentent
les nombres quan-tiques
azimutaux desparticules correspondantes.
Il n’est pas encorepossible d’expliquer
en détail lesrégularités
trouvées. Nousn’y
voyonstout d’abord que le
signe
d’une variation discontinue desénergies
deliaison à certains
endroits,
cequi
s’accorde avec notreconception
descouches. Il faut remarquer que les considérations du
chapitre précé-
dent ne
s’appliquent qu’en partie
aux noyaux trèslégers, puisque
laméthode du
potentiel
moyen n’est utilisable avec des chances de succès que dans le cas d’ungrand
nombre departicules.
De telles
régularités
extrêmementsimples
ne se trouvent que dans lapremière partie
«diagonale
)) de notrediagramme
P-N. Pour les noyaux au delà de(18,18),
le nombre des neutrons est sensiblementplus grand
que celui desprotons.
Nous allons maintenant considérer les noyauxplus
lourdsjusqu’au
début des terres rares(environ (58,82)).
On reconnaît sur la
figure
1 que ces noyauxs’arrangent
enplusieurs
groupes
(1 ) . Anticipant
sur le résultat que nous allons trouver, nous pouvons affirmer que ces groupesproviennent
de l’existence de couchesneutroniques.
Les droites auxiliaires dessinées dans lafigure indiquent
les Li~cites c~e stabilité des groupes. Les noyaux situés à l’extérieur de
ces limites ne sont pas
stables,
ilschangent
à la suite de transforma-tions 03B2 spontanées
en noyaux situés à l’intérieur des limites. Les limitesindiquées
serapportent
aux noyauxpairs.
Pour les noyauximpairs
on devrait tracer les droitescorrespondantes,
maisqui
sontmoins écartées. On remarquera surtout que les deux limites de.
stabilité d’un groupe sont
approximativement parallèles,
tandis que leur inclinaison varie d’un groupe à l’autre. Celasignifie
évidemmentque le nombre de neutrons que l’on
peut
fixer parproton est
fonc-tion de la couche. C’est ce que nous avons
déjà
pu constater pour les troispremières
couches. Ce fait ne semble paspouvoir s’expli-
(i) Ce fait a d’abord été constaté par BARTOX [12]. Quelques indications d’ordre qualitatif con-
cernant l’existence des couches neutroniques ont été données par G. Gamow [14].
235
quer de manière satisfaisante à l’aide de nos connaissances ac-
tuelles. Nous allons maintenant tâcher de vérifier
qu’il s’agit
bien ici de couchesneutroniques.
En suivant les idées duparagraphe précédent,
nous mettrons en évidence les discontinuités
correspondantes
dans lesénergies
de liaison.Si
l’énergie
de liaison des neutrons diminue fortement àpartir
d’un certain neutron, il sera
plus
favorable dupoint
de vueénergé- tique d’ajouter
au noyau desprotons
au lieu de neutrons. Ceci s’ex-primera
dans lediagramme
de lafigure
I par undéplacement
de labande de stabilité à droite
(vers
les Pcroissants).
Cephénomène
estparticulièrement
accentué vers N = 50 et N = 82.Lorsqu’on
consi-dère une série d’isotones en
partant
de l’isotone situé leplus
àgauche (avec
leplus petit P),
ce noyau ne pourra, engénéral,
s’attacherque des
protons. Après
l’addition de deuxprotons,
il pourra s’incor- porer de nouveaux neutrons. Aux endroits N = 50 et N =82,
et làseulement,
il faut quequaire protons
soientintégrés
au noyau avant que de nouveaux neutronspuissent
être stables[y~ .
Nous montrerons.plus
tard que l’absenced’isotopes
constatée neprovient
pas de l’in-suffisance des méthodes
expérimentales employées.
Cettehypothèse peut
être écartée par desarguments
que nous examineronsplus
loin.Ainsi il est
probable
dans ces cas que des limites de couches sont situéessur les droites N == 50 et N =
82,
causant une diminutionbrusque
del’énergie
de liaison des neutrons. Encomparant
ces discontinuités à la succession des niveaux déduite de notre modèle élémentaire du para-graphe précédent,
on sera amené à supposer l’existence d’unsystème
de couchesneutroniques
dont les limites sontindiquées
par les flèches àgauche
de notrediagramme.
Cette succession résulte de notre modèlelorsqu’on
ysupprime
les deux niveaux « intérieurs D 2s et3p.
Onobtient alors le schéma suivant
fi8] :
Nous arrêterons ici
l’analyse
du système de couches pour les236
noyaux lourds, et nous ne la
reprendrons qu’à
la fin duparagraphe
suivant avec des moyens accrus.
5. Suite. Propriétés périodiques.
Un examen
plus approfondi
des donnéesexpérimentales [18, 19J,
amontré
qu’il
existe encore un certain nombre dequantités présentant
une allure
systématique
semblable à celle des limites de stabilité duparagraphe précédent.
Defaçon générale,
nousparlons
depropriétés
«
périodiques ))
enemployant
le terme opériodique
dans le même sensgénéralisé qu’on
lui donnequand
onparle
dusystème périodique
des éléments. Dans la
figure
2, on trouvera le nombre d’isotones desFig. 2 et 3.
Courbe supérieure : nombres d’isotones pour N pair.
Courbe inférieure : nombres d’isotopes des éléments pairs.
noyaux à N
pair
en fonction de N ; on noteraparticulièrement
lesmaxima pour N = 50 et N = 82 et la chute
brusque après
ces valeurs.Les groupes de noyaux
correspondant
aux couchesneutroniques
sont caractérisés par une
propriété remarquable,
à savoir ledéplace-
ment de la bande de stabilité vers les P croissants
qui
a lieuchaque
fois
qu’une
coucheneutronique
estcomplète,
et dont nous avonsdéjà expliqué
lasignification physique.
On saisit cephénomène
avec unenetteté
particulière
dans lafigure
4, où lespoids atomique chimiques
237
des éléments sont
portés
en fonction de P. Aux fins d’une meilleurereprésentation
on a choisi comme ordonnée non pas lepoids atomique
Mch
lui-même,
mais lagrandeuràich- 2P qui correspond
à l’excèsdu nombre moyen de neutrons sur le nombre de
protons.
I,es droites N = const., ne sont alorsplus horizontales,
maisobliques.
Dans ce casencore, il faut
porter séparément
les élémentspairs
et les élémentsimpairs.
Les courbes utilisent autant quepossible
lespoids atomiques
FIG. 4.
Poids atomiques chimiques.
- Eléments impairs ; - - - Eléments pairs.
déterminés par ASTON au lieu des valeurs
chimiques
internationales. Il ya lieu de supposer que les
premières
valeurs sontplus
exactes ;aussi,
nos courbes montrent-elles une allure
beaucoup plus régulière qu’elle
ne le serait avec les autres. Il n’est
plus difficile, maintenant,
de con-tinuer le
système
de couchesjusqu’à
lafin ;
on reconnaît que les courbes ont des discontinuitésqui
seprolongent jusqu’au
noyaux lesplus
lourds.Nous ne connaissons pas les