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Dyade d'attachement et violence psychologique chez des couples en psychothérapie

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Academic year: 2021

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Dyade d'attachement et violence psychologique chez

des couples en psychothérapie

Mémoire doctoral

Vincent Bellemare

Doctorat en psychologie

Docteur en psychologie (D. Psy.)

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Dyade d’attachement et violence

psychologique chez des couples en

psychothérapie

Mémoire doctoral

Vincent Bellemare

Sous la direction de :

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Résumé

La violence conjugale (VC) représente un problème de santé publique important ayant un impact sur plusieurs millions d’individus à travers le monde. Les conséquences physiques et psychologiques de ce phénomène sur les victimes sont multiples, telles que des douleurs chroniques, des difficultés de sommeil, une baisse du niveau d’activation, la dépression, l’anxiété, l’état de stress post-traumatique et une faible estime de soi (Black et al., 2011). La perpétration de comportements de VC est associée entre autres à l’insécurité d’attachement chez l’adulte (Gou & Woodin, 2017; Sommer, Babcock & Sharp, 2017). La présente étude a pour but d’examiner les relations entre les dimensions d’attachement de partenaires amoureux (i.e. anxiété d’abandon et évitement de l’intimité) et leurs niveaux perpétrés respectifs de VC psychologique. Un échantillon de 279 couples hétérosexuels a été recruté au sein d’une clientèle consultant en thérapie de couple à la clinique universitaire en psychologie de l’Université Laval afin de répondre à des questionnaires portant sur l’attachement amoureux et la fréquence de comportements de VC psychologique perpétrés. Contrairement à ce qu’il était attendu, il n’y a aucune relation d’interaction entre l’attachement des partenaires et les comportements de VC psychologique rapportés au sein des partenaires amoureux de l’échantillon. Des analyses acheminatoires du modèle APIM indiquent que de hauts taux d’anxiété d’abandon chez un individu prédit une augmentation de ses propres comportements de VC psychologique, alors que de hauts taux d’évitement de l’intimité chez un individu prédit dans une certaine mesure une diminution des comportements de VC psychologique chez son partenaire. Ces résultats appuient l’influence que l’insécurité d’attachement peut avoir sur la dynamique conjugale en contexte de VC. Ils contribueront au développement de meilleures pratiques en matière d’intervention conjugale où l’un ou les deux partenaires font usage de violence à l’intérieur de leur couple.

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Abstract

Intimate partner violence (IPV) is a major public health problem impacting millions of people around the world. The physical and psychological consequences of this phenomenon on the victims are multiple, such as chronic pain, sleep difficulties, a decrease in the level of activation, depression, anxiety, post-traumatic stress disorder and low self-esteem (Black et al., 2011). The perpetration of IPV behaviors is associated, among other things, with adult attachment insecurity (Gou & Woodin, 2017, Sommer, Babcock, & Sharp, 2017). The purpose of this study is to examine the relationships between the attachment dimensions of dating partners (i.e. abandonment anxiety and avoidance of intimacy) and their respective perpetrated levels of psychological IPV. A sample of 279 heterosexual couples was recruited from a couple counseling clientele at Laval University psychology clinic to answer questionnaires on attachment and frequency of perpetrated behaviors of psychological IPV. Contrary to expectations, there is no interaction relationship between partners attachment and psychological IPV behaviors reported within the couple in this sample. Pathway analyzes of the APIM model indicate that high rates of anxiety in an individual predicts an increase in one's own psychological IPV behaviors, while high rates of avoidance in an individual predicts in some measures a decrease in psychological IPV behaviors in his partner. These results support the influence that insecurity of attachment can have on marital dynamics in IPV context. They will contribute to the development of better practices in conjugal intervention where one or both partners use violence within their couple.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Introduction ... 1

1. Concept d’attachement... 3

1.1. Définition ... 3

1.2. Modèles de l’attachement chez l’adulte ... 4

1.3. Attachement et dynamique conjugale ... 6

2. Violence psychologique ... 8

2.1. Définition ... 8

3. Insécurité d’attachement et violence psychologique ... 11

3.1. Constats émergeant de la documentation scientifique ... 11

3.2. Analyse dyadique de l’attachement et de la violence conjugale ... 14

4. Objectifs du mémoire doctoral ... 20

5. Méthodologie ... 21

5.1. Participants... 21

5.2. Instruments de mesure ... 21

Questionnaire sociodémographique. ... 21

Questionnaire sur l’attachement. ... 21

Questionnaire sur la violence psychologique. ... 22

5.3. Procédure ... 23

6. Analyses statistiques réalisées ... 24

7. Résultats obtenus ... 26 7.1. Analyses exploratoires ... 26 7.2. Analyses acheminatoires ... 27 8. Discussion ... 29 Conclusion ... 32 Bibliographie ... 40 Annexe ... 54

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vi

Liste des tableaux

Tableau 1 ... 35 Tableau 2 ... 36 Tableau 3 ... 37

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Liste des figures

Figure 1. ... 38 Figure 2. ... 39

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Introduction

La présente étude traite des relations entre la dyade d’attachement, soit la combinaison des représentations d’attachement de deux partenaires amoureux, et la violence psychologique, auprès de couples en psychothérapie. Il est maintenant reconnu qu’il existe un lien entre l’insécurité d’attachement chez l’adulte et la violence psychologique au sein du couple (Allison, Bartholomew, Mayseless, & Dutton, 2008; Brassard, Darveau, Péloquin, Lussier, & Shaver, 2014; Dutton, 2011; Gou & Woodin, 2017; Sommer et al., 2017; Villegas, 2018). Cette insécurité d’attachement est associée à la détresse conjugale autant auprès de couples en psychothérapie que chez ceux de la population générale (Brassard & Lussier, 2007; Feeney, 2008; Mikulincer & Shaver, 2007a). D’ailleurs, les individus présentant un attachement insécurisant se présenteraient en plus grande proportion chez les couples consultant en psychothérapie (Bouchard, Sabourin, Lussier, & Villeneuve, 2009; Brassard, Péloquin, Dupuy, Wright, & Shaver, 2012; Fruzzetti & Fruzzetti, 2003).

La violence conjugale psychologique est interprétée par certains auteurs comme une stratégie dysfonctionnelle afin de maintenir la proximité vis-à-vis le partenaire lorsque les besoins d’attachement ne sont pas comblés (Finkel & Slotter, 2007; Park, 2016; Stith, McCollum, & Rosen, 2011). Par exemple, un attachement caractérisé par un haut niveau d’anxiété d’abandon serait autant associé à la perpétration de comportements agressifs au sein du couple qu’au maintien de la personne dans une relation abusive (Henderson, Bartholomew, Trinke, & Kwong, 2005). Néanmoins, cette interaction entre la violence psychologique et la dynamique d’attachement, sous une perspective dyadique, semble jusqu’à maintenant peu étudiée (Sommer et al., 2017). Bien qu’il s’agisse d’un domaine plus récent, l’étude de l’interaction entre les représentations d’attachement de partenaires amoureux permettrait une meilleure compréhension des caractéristiques qui sous-tendent ce modèle dyadique (Ben-Ari & Lavee, 2005;

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Brassard, Shaver, & Lussier, 2007; Beck, Pietromonaco, DeBuse, Powers, & Sayer, 2013).

Dans ce contexte, l’objectif du présent mémoire doctoral est d’étudier les relations entre la dyade d’attachement et la VC psychologique perpétrée, ainsi que l’effet modérateur des représentations d’attachement du partenaire sur ces associations. L’atteinte de ces objectifs nécessite d’abord l’examen de ce que rapporte la littérature sur ces thèmes de recherche, puis de l’élaboration d’une méthodologie permettant d’étudier les hypothèses à vérifier.

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1. Concept d’attachement

1.1. Définition. Les travaux de Bowlby (1969), considéré un pionnier dans le

domaine de l’attachement, ont permis une avancée considérable dans l’étude de la nature et de la force de la relation entre un enfant et son parent. Ce chercheur définit l’attachement comme étant la propension innée d’un individu à vouloir créer des liens affectifs avec des personnes significatives (Bowlby, 1977). Chez l’enfant, l’émergence d’une conception de soi et de l’environnement qui l’entoure serait grandement influencée par la relation qu’il entretient avec sa figure d’attachement, soit son parent (Bowlby, 1982). L’enfant développe ainsi, dès les premiers mois de vie, des comportements d’activation du système d’attachement visant à répondre à un besoin de proximité, en plus d’avoir une fonction biologique de sécurité et de survie (Ainsworth, Blehar, Waters, & Wall, 1978; Sroufe & Waters, 1977). Ce besoin n’en est pas uniquement un de proximité physique, mais bien de maintenir un sentiment de sécurité chez l’enfant afin de favoriser l’exploration de son environnement (Bowlby, 1973; Bretherton, 1985). Au fil de ses expériences interactionnelles, l’enfant intègre une compréhension et des attentes lui permettant de déterminer si sa figure d’attachement est attentive et répond adéquatement à ses besoins et s’il est digne de recevoir cette attention (Bowlby, 1973). Il s’agit donc ici d’un processus de compréhension chez l’individu de son monde externe et de ce qu’il peut lui apporter en plus d’une compréhension graduelle de sa propre valeur. Ces modèles de pensées (modèles internes opérants; Bowlby, 1973) se généralisent ensuite aux interactions avec les différents acteurs présents dans l’environnement social de l’enfant et permettent de guider ses perceptions, ses attentes et ses comportements dans ses futures relations (Collins & Read, 1990; Hazan & Shaver, 1987). La qualité de ces interactions a ainsi une fonction adaptative où l’enfant développe une manière d’être et d’agir conforme à ses besoins et à ce qu’il pense mériter.

L’idée de transposer la théorie de l’attachement aux adultes a d’abord été amenée par Bowlby (1973) en observant une continuité développementale des capacités

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d’un individu à créer et à entrer en relation. En effet, ce chercheur soutient qu’il existe une forte relation entre les premières expériences d’une personne avec ses parents et ses compétences ultérieures à créer des liens affectifs à l’âge adulte (Bowlby, 1979). Ainsi, avec le temps, la qualité des premiers contacts d’un enfant viendrait teinter ses perceptions et ses attentes envers lui-même et son environnement social. En outre, ces mêmes attentes particulières que développe l’enfant dans le cadre de ses relations demeurent relativement stables tout au long de sa vie (Bowlby, 1973). Ces patrons d’attachement à l’enfance sont ainsi des précurseurs aux patrons d’attachement adulte où le partenaire amoureux devient la principale figure d’attachement (Bowlby, 1980; Hazan & Shaver, 1987; Rothbard & Shaver, 1994).

1.2. Modèles de l’attachement chez l’adulte. Devant le constat que,

graduellement au cours de l’adolescence et au début de l’âge adulte, la relation parent-enfant ne guide plus d’aussi près les conduites d’attachement, les chercheurs se sont en effet demandé s’il était possible que la principale figure d’attachement auprès de laquelle l’individu trouve sécurité et réconfort se déplace du parent vers le partenaire amoureux. C’est en s’interrogeant quant à la généralisation de ces résultats, obtenus chez l’enfant, aux relations amoureuses à l’adolescence et à l’âge adulte qu’Hazan et Shaver (1987) proposent un premier modèle de l’attachement chez l’adulte. En s’appuyant d’abord sur la typologie tripartite de l’attachement d’Ainsworth et Wittig (1969), ils montrent qu’il est possible d’identifier des adultes faisant preuve d’une grande sécurité d’attachement dans leurs relations amoureuses, alors que d’autres manifestent un attachement anxieux-ambivalent ou anxieux-évitant selon leurs attentes et leur perception d’eux-mêmes et de leur partenaire. Tout comme chez l’enfant, ces recherches ont aussi établi la nécessité d’ajouter un quatrième style d’attachement désorganisé.

Par la suite, Bartholomew et Horowitz (1991) introduisent un modèle alternatif où la classification de l’attachement est établie selon le caractère positif ou négatif des

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représentations de soi et des autres. Ce modèle quadrifide comprend un style sécurisant et trois styles insécurisants : préoccupé, détaché et craintif (Bartholomew & Horowitz, 1991). Plus tard, Brennan, Clark et Shaver (1998) confirment la valeur d’un modèle quadrifide de l’attachement tout en précisant que les dimensions fondamentales des représentations d’attachement définies par le caractère positif ou négatif des perceptions de soi et d’autrui se traduiraient par les notions d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité. Ici, l’anxiété d’abandon est caractérisée par une peur du rejet et de la solitude qui s’exprime par une hypervigilance aux signes de non-disponibilité du partenaire (Fraley & Shaver, 2000). Lorsque la personne perçoit un détachement de la part de celui-ci, des stratégies sont mises en place et visent à exprimer la détresse vécue ou à inciter le partenaire à se rapprocher de nouveau. L’évitement de l’intimité se traduit plutôt par un inconfort lié à la proximité émotionnelle et la dépendance, inconfort caractérisé par un fort besoin d’autonomie (Fraley & Shaver, 2000). De cette façon, des stratégies ayant pour but de minimiser le sentiment de vulnérabilité et le besoin de la présence de l’autre sont mises en œuvre par l’individu (Mikulincer & Shaver, 2007b). Ainsi, de faibles niveaux d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité chez un individu caractérisent l’attachement sécurisant. De fortes doses d’anxiété d’abandon en présence d’une dose faible d’évitement de l’intimité correspondent à l’attachement préoccupé. Des doses faibles d’anxiété abandonnique jumelées à une forte propension à l’évitement de l’intimité conduisent à l’attachement détaché, tandis que de fortes doses d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité représentent l’attachement craintif. Cette révision du modèle théorique de l’attachement constitue aujourd’hui la position théorique prédominante dans le domaine (Brassard & Lussier, 2007; Mikulincer & Shaver, 2007a). Bien que, d’un point de vue clinique, il apparaît pertinent d’étudier l’attachement selon un modèle catégoriel, les études taxonométriques montrent que l’attachement serait mieux compris sur le plan dimensionnel. En effet, il existe un large consensus dans la communauté scientifique visant le recours systématique aux notions dimensionnelles d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité plutôt qu’au concept de catégories d’attachement (Fraley, Hudson,

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Heffernan, & Segal, 2015; Fraley & Waller 1998; Fraley, Waller, & Brennan, 2000). D’ailleurs, selon Collins (2008), la conversion des dimensions d’attachement en catégories pourrait mener à l’exclusion des individus aux résultats situés à la médiane, pouvant aller jusqu’à 7% des participants. Ainsi, seules les mesures d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité pour mesurer l’attachement des partenaires sont étudiées dans le cadre du présent projet de mémoire doctoral.

1.3. Attachement et dynamique conjugale. La sécurité d’attachement chez

l’adulte a depuis longtemps été associée à plusieurs indicateurs de fonctionnement à l’intérieur de la relation de couple. En effet, plusieurs groupes de recherche ont pu montrer la présence d’un lien entre les représentations d’attachement et, par exemple, la détresse conjugale (Hirschberger, Srivastava, Marsh, Cowan, & Cowan, 2009), la satisfaction sexuelle (Brassard et al., 2007), l’ajustement dyadique (Mikulincer & Shaver, 2007b), le risque d’infidélité (Fish, Pavkov, Wetchler, & Bercik, 2012) et la violence conjugale (Godbout, Dutton, Lussier, & Sabourin, 2009).

Ainsi, l’idée que l’attachement sécurisant soit associé positivement au fonctionnement du couple est bien ancrée depuis longtemps (Feeney & Noller, 1990; Mikulincer, Shaver, & Berant, 2013). Certains auteurs ont d’ailleurs démontré plus précisément que la sécurité d’attachement d’un individu présente une corrélation positive avec la satisfaction conjugale de son partenaire et des habilités du couple à communiquer de façon constructive (Kobak & Hazan, 1995). De plus, à la suite d’événements qui demandent un certain ajustement, par exemple, le mariage ou la transition à la parentalité, cette adaptation se fait d’autant plus facilement lorsque les deux partenaires ont un attachement sécurisant, comparativement aux couples où l’un des partenaires présente des insécurités d’attachement (Gou & Woodin, 2017; Senchak & Leonard, 1992). Donc, la sécurité d’attachement à l’âge adulte aurait un effet contribuant à la satisfaction relationnelle et ajouterait même un effet tampon contre le stress de la vie quotidienne (Feeney, 2008; Johnson & Whiffen, 2003).

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À l’inverse, un attachement insécurisant peut mener à des comportements de distanciation, d’évitement ou d’hypervigilance, que ce soit sur le plan physique ou émotionnel (Mikulincer & Shaver, 2007a). Ces comportements d’évitement et/ou d’anxiété sont manifestés par l’individu dans l’optique de gérer l’insécurité que peut accompagner les menaces d’abandon réelles ou perçues au sein de sa relation. Ces réactions ont donc pour objectif, selon l’inconfort vécu, de repousser le partenaire ou encore de s’y rapprocher davantage (Johnson, 2004). Face à des moments perçus d’abandon ou de trahison, ceci vient nuire alors à la capacité de l’individu à s’attacher à l’autre. Ces blessures, vues comme une attaque à la relation, amènent le partenaire à répondre comme s’il était en danger ou si son intégrité était menacée (Johnson, 2002). Ces réponses peuvent même dans certains cas prendre la forme de comportements d’autodéfense (Murray, Derrick, Leder, & Holmes, 2008) ou de violence (Carroll et al., 2010; Goldstein, Chesir-Teran, & McFaul, 2008). En effet, chez l’individu ayant un attachement insécurisant, le recours à la violence peut constituer une stratégie de régulation de son anxiété (Allison et al., 2008). Ceci pourrait par la suite amener une escalade du conflit si le partenaire est tenté de répondre à ces gestes par davantage de violence (Stith et al., 2011).

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2. Violence psychologique

Dans la prochaine section, la violence psychologique sera d’abord définie, puis une recension de la littérature portant sur les associations entre les représentations d’attachement chez l’adulte et la violence psychologique au sein des dyades conjugales sera présentée.

2.1. Définition. Les travaux portant sur la violence familiale englobent maintenant

une grande variété de thèmes qui semblent avoir pris racine à partir des premiers écrits de Straus (1971) et Gelles (1974). La documentation au sujet de la violence entre partenaires amoureux est maintenant abondante et met en relief différents facteurs explicatifs et les conséquences associées à ce phénomène. La violence conjugale (VC) prend forme à l’intérieur d’une dynamique de comportements coercitifs où l’abuseur tente de maintenir un certain contrôle sur son partenaire par différentes techniques dont l’abus physique, psychologique ou sexuel (McColgan, Dempsey, Davis, & Giardino, 2010).

Plusieurs auteurs définissent la VC psychologique comme un ensemble de comportements problématiques dont des agressions verbales (insulter, menacer, jurer; Wright, Lussier, & Sabourin, 2008), des gestes non-verbaux conflictuels (se retirer brusquement lors de disputes; Hammock, Richardson, Williams, & Janit, 2015) et des actes de dominance et de contrôle (isoler le partenaire d’un soutien social ou d’une indépendance financière; Coker, Smith, Bethea, King, & McKeown, 2000; Pico-Alfonso, 2005). Selon le Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS; 2010), cette forme d’agression porte atteinte à la confiance en soi et l’estime de soi de la victime et peut dans certains cas l’amener à douter de sa propre responsabilité ainsi que celle de son partenaire violent face à la situation. Toutefois, comme le soulignent Lussier, Bélanger et Sabourin (2017), il est important de ne pas confondre cette forme de violence avec les conflits inévitables dans un couple où une montée d’intensité peut s’observer, sans pour autant être accompagnée d’attaques personnelles entre les conjoints.

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D’un point de vue statistique, un certain consensus dans la littérature rapporte qu’environ 80% des couples de la population générale, sans égard à leur orientation sexuelle, ont vécu au moins un épisode de VC psychologique dans la dernière année (Lafontaine, Brassard, & Lussier, 2006; Matte & Lafontaine, 2011; Péloquin, Lafontaine, & Brassard, 2011). Dans un échantillon clinique, cette prévalence varie entre 69% et 95% (Jose & O’Leary, 2009; Lafontaine & Lussier, 2005; O’Farrell & Murphy, 1995; Simpson & Christensen, 2005). Cette forme de violence serait ainsi la plus répandue, comparativement à la violence physique et sexuelle. Il faut toutefois mentionner que la nature de ces études (épidémiologique, clinique, échantillons judiciarisés, échantillons de volontaires), la façon dont le contexte a été présenté aux participants (étude sur les conflits ou études sur la criminalité, les victimes de crime, la sécurité personnelle), la définition même de la violence, son opérationnalisation (dichotomique ou continue), ainsi que les caractéristiques des échantillons (populationnel, clinique, âge, présence d’enfants, etc.) sont d’importants facteurs qui peuvent expliquer de telles variations. Une certaine symétrie entre les sexes à l’égard du taux de VC psychologique est observée dans la population générale (Archer, 2000; Tjaden & Thoennes, 2000). Cette bidirectionnalité n’implique pas nécessairement une symétrie dans la nature des actes violents commis ni dans les répercussions observées. Il importe de préciser que les femmes sont victimes d’incidents violents plus graves et rapportent plus de conséquences psychologiques et de blessures que les hommes (Office des statistiques nationales, 2015), alors que les hommes éprouveraient moins de peur envers les comportements violents de leurs conjointes (Langhinrichsen-Rohling, Neidig, & Thorn, 1995).

L’attention accrue en recherche portée jusqu’à présent à la VC physique s’explique par le fait que, historiquement, la violence était conceptualisée et définie essentiellement par des voies de faits physiques (Gelles & Straus, 1979). Toutefois, l’étude de la VC psychologique prend de plus en plus d’ampleur puisqu’il est maintenant reconnu que son influence sur la santé physique et mentale est déterminante (Lawrence, Yoon, Langer, & Ro, 2009; Pico-Alfonso, 2005). En effet,

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certains soutiennent que les effets négatifs de la VC psychologique sont très nuisibles et durables au niveau émotionnel (Basow, Cahill, Phelan, Longshore, & McGillicuddy-DeLisi, 2007; Follingstad, Rutledge, Berg, Hause, & Polek, 1990). Par ailleurs, il serait reconnu que la VC psychologique aurait tendance à se présenter de façon plus insidieuse à l’intérieur du couple et se maintenir à long terme (Timmons Fritz & O’Leary, 2004; Vickerman & Margolin, 2008). D’ailleurs, l’importance d’étudier la VC psychologique vient également de son étroite relation avec la VC physique. Effectivement, en présence de VC physique, les probabilités qu’il y ait également de la VC psychologique sont très élevées (Simpson & Christensen, 2005), alors qu’en étudiant la relation inverse, ce n’est pas toujours le cas. Une explication possible serait que la violence psychologique précède et initie dans plusieurs cas le développement d’agression physique à l’intérieur du couple (MSSS, 2010; O’Leary, 2004).

La clinique ayant permis de recruter les participants de la présente étude n’a pas pour politique d’entreprendre un suivi thérapeutique s’il y a présence de VC physique sévère dans le couple. La recommandation est plutôt de travailler auprès d’un établissement spécialisé afin de diminuer la violence physique présente et ensuite entamer une thérapie de couple au besoin. En effet, tout comme le précisent Armenti et ses collaborateurs (2017), il serait peu éthique de proposer une thérapie de couple chez des partenaires présentant ce que Johnson et Ferraro (2000) nomment du terrorisme conjugal (i.e. lorsque l’auteur utilise une violence sévère afin d’induire la peur et le contrôle chez la victime), étant donné que le traitement pourrait soumettre la victime à de plus grands risques de récidives. Selon l’étude de Gondolf (2004), certains cliniciens et chercheurs craignent que le fait de parler de sujets sensibles lors des séances de thérapie de couple ne fasse augmenter la tension, ce qui pourrait ainsi accroître le risque de représailles après la séance. Il est donc peu probable d’observer chez les couples recrutés des formes graves de violence physique. Ainsi, seules les formes de VC psychologique sont étudiées dans ce projet de mémoire doctoral.

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3. Insécurité d’attachement et violence psychologique

3.1. Constats émergeant de la documentation scientifique. Selon une

approche développementale, la relation entre l’attachement et la violence psychologique peut être observable dès l’enfance. En effet, lorsque les besoins d’attachement de l’enfant ne sont pas pris en compte convenablement, plusieurs réactions dont la colère, la rage, le rejet, des protestations ou la terreur peuvent être exprimées (Bowlby, 1969; 1973). Il s’agirait ici de signaux d’alarme indiquant l’activation des schémas d’attachement qui ne peuvent être apaisés que par la figure d’attachement. En l’absence de réponses parentales adéquates, l’enfant apprendrait difficilement à réguler ses états internes et cette difficulté pourrait mener à une baisse de contrôle des impulsions et à une augmentation du risque de violence à l’âge adulte (Dutton, 2011). Bien que dans certains contextes, ces comportements agressifs puissent être adaptatifs et même indispensables chez l’enfant, ils ont également le potentiel de se transformer en VC s’ils ne sont pas suffisamment régulés (Bowlby, 1988). D’ailleurs, en intégrant l’idée qu’il ne peut compter sur sa figure d’attachement, l’enfant peut être amené à développer une faible estime de soi, des difficultés de régulation des émotions ou encore de mauvaises habiletés de résolution de conflits (Lussier et al., 2017). En effet, la sécurité d’attachement permet à l’adulte une plus grande flexibilité dans l’utilisation de stratégies d’auto-régulation et des stratégies d’activation des schémas d’attachement (Diamond & Aspinwall, 2003), alors que l’insécurité d’attachement peut l’amener à développer des stratégies de régulation émotionnelle plus rigides et limitées (Shaver & Mikulincer, 2006).

Capaldi, Knoble, Shortt et Kim (2012) ont effectué une revue systématique de la documentation afin d’identifier les facteurs explicatifs de la violence conjugale, qu’elle soit physique, sexuelle ou psychologique. Parmi les 228 études recensées entre 1970 et 2012, la majorité traite des facteurs de risque familiaux, comportementaux, psychologiques et cognitifs. Plus récemment, les chercheurs ont porté un intérêt grandissant envers des facteurs relationnels tels que l’état civil,

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la jalousie, la satisfaction conjugale et l’attachement, qui ont longtemps été sous-étudiés. La grande majorité des groupes de recherche internationaux ayant étudié la relation entre les représentations d’attachement et la VC ont conceptualisé cette violence sans distinguer ses multiples formes (i.e. physique, psychologique, sexuelle, etc.; Brassard et al., 2014; Guzmán-González, Lafontaine, & Levesque, 2016; Henderson et al., 2005; Mikulincer & Shaver, 2007a). Ainsi, ce qui ressort principalement de cette littérature est que l’insécurité d’attachement serait liée autant à la perpétration de VC en général (Babcock, Jacobson, Gottman, & Yerington, 2000; Henderson et al., 2005) qu’à la victimisation (Alexander 2009; Sandberg, Valdez, Engle, & Menghrajani, 2019; Scott & Babcock, 2010).

D’un point de vue dimensionnel, l’association positive entre l’anxiété d’abandon et la perpétration de VC est bien établie dans les études (Babcock et al., 2000; Bartholomew, Henderson, & Dutton, 2001; Goncy, & van Dulmen, 2016) et ne semble pas être modérée par le genre (Henderson et al., 2005). Dès 1988, l’étude de Dutton et Browning a permis de constater qu’en étant confrontés à des scénarios de conflits impliquant le rejet du partenaire et la jalousie, les individus violents présenteraient davantage d’anxiété d’abandon, de colère et de comportements inadaptés que les individus non-violents. Babcock et ses collaborateurs (2000) ont pour leur part observé que les hommes caractérisés par de haut niveaux d’anxiété d’abandon seraient plus susceptibles de perpétrer des comportements de VC dans un contexte de laboratoire où les partenaires doivent participer à une discussion sur des sujets possiblement conflictuels. Cette ambivalence au niveau de l’attachement, souvent associée à une crainte de la solitude et de l’éloignement du partenaire, amène l’individu à réagir fortement à cette angoisse en ayant recours à des moyens extrêmes, dont la violence (Bowlby, 1988). Selon Weston (2008), ces mêmes comportements violents endommageraient la relation d’attachement et créent ainsi l’effet paradoxal d’amener l’individu à se sentir de moins en moins en sécurité avec le temps. Cependant, il semble y avoir un manque de consensus à savoir si un haut niveau d’anxiété d’abandon prédit le mieux la perpétration de VC en interaction avec un

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bas niveau ou un haut niveau d’évitement de l’intimité (Bartholomew & Allison, 2006; Dutton, 1998; Goldenson, Geffner, Foster, & Clipson, 2007).

Orcutt, Garcia et Pickett (2005) ont observé chez un échantillon de femmes à la fois violentes et victimes que les plus susceptibles de commettre des actes de VC seraient celles rapportant un haut niveau d’anxiété d’abandon ainsi qu’un bas niveau d’évitement de l’intimité. Une association positive entre les comportements de VC et les deux dimensions d’attachement est pourtant observée par un autre groupe de recherche étudiant un échantillon de femmes violentes (Goldenson et al., 2007). Ces résultats sont appuyés par l’idée que ces femmes acceptent moins de dépendre de leur partenaire qu’elles perçoivent comme étant moins disponibles (Fraley et al., 2000). De plus, en comparaison avec un groupe composé de femmes non-violentes consultant en psychothérapie pour différentes difficultés, cet échantillon rapporte une plus grande peur de l’abandon et des stratégies de régulation émotionnelle plus limitées. Des résultats similaires chez les hommes sont obtenus par Holtzworth-Munroe, Stuart et Hutchinson en 1997. En effet, leur échantillon d’hommes violents rapporte significativement plus d’anxiété d’abandon et éprouve plus d’inconfort vis-à-vis l’intimité et la dépendance. Ces hommes rapportent d’ailleurs le plus haut niveau de jalousie comparativement au groupe contrôle d’hommes violents sans détresse et au groupe d’hommes non-violents, mais en détresse relationnelle (Holtzworth-Munroe et al., 1997). La relation inverse entre ces variables est également observée où la perception de confort et d’intimité dans la relation est corrélée à un faible niveau de violence chez les hommes (Lawson, 2008) et chez les femmes (Karakurt, Whiting, & Banford Whiting, 2018).

L’étude de Gou et Woodin (2017) s’est quant à elle intéressée spécifiquement à la VC psychologique et à sa relation avec les dimensions d’attachement des partenaires. Selon ces auteurs, cette relation ne serait pas directe, mais plutôt médiée par le degré de satisfaction conjugale. Ce postulat est appuyé par d’autres groupes de recherche ayant observé cette relation indirecte entre l’anxiété

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d’attachement et la VC psychologique auprès d’échantillons populationnels (Dye & Davis, 2003) et cliniques (Fournier, Brassard, & Shaver, 2011). Gou et Woodin (2017) ont donc observé chez de futurs parents qu’un haut niveau d’anxiété d’abandon chez tous les participants, en plus d’un haut niveau d’évitement chez les hommes uniquement, prédisent une baisse de la satisfaction conjugale un an après la naissance d’un enfant. Ensuite, ceux étant les moins satisfaits au niveau conjugal seraient les plus susceptibles de commettre de la VC psychologique deux ans postpartum (Gou & Woodin, 2017). Toutefois, sans l’ajout de la variable de satisfaction conjugale, la relation entre l’évitement de l’intimité des hommes et la VC psychologique n’est pas significative. En effet, en contrôlant le niveau de variance de l’évitement des hommes expliquant l’insatisfaction conjugale, l’évitement de l’intimité serait même négativement associé aux comportements de VC psychologique. Ceci s’expliquerait selon eux par la conceptualisation de l’évitement de l’intimité comme étant un facteur de protection contre la VC psychologique. Ainsi, le fait de se retirer des conflits et par le fait même de garder une certaine distance aurait pour effet immédiat de diminuer le risque de devenir agressif lors de disputes et éviter que celles-ci ne dégénèrent (Gou & Woodin, 2017). Toutefois, il n’est pas sûr que cet effet de protection soit efficace et durable.

3.2. Analyse dyadique de l’attachement et de la violence conjugale. La

recherche sur la satisfaction relationnelle s’est traditionnellement concentrée sur l’étude des représentations d’attachement de manière individuelle. Pourtant, selon une approche systémique, la sécurité d’attachement semble plutôt être un attribut de la relation (Ben-Ari & Lavee, 2005). En effet, l’environnement partagé que les partenaires construisent via l’expression de soi entraine une forme d’influence mutuelle et d’interdépendance. De manière générale, l’observation selon laquelle les caractéristiques d’un individu peuvent avoir une incidence sur son partenaire est maintenant bien établie (Feeney, 2006; Kenny, Kashy, & Cook, 2006). Ce consensus théorique a stimulé la recherche sur l’interdépendance à l’intérieur de la dyade.

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En accord avec la vision systémique du couple, plusieurs groupes de recherche proposent des modèles théoriques appuyant l’idée que la satisfaction conjugale serait liée à la sécurité d’attachement des deux partenaires (Brennan & Shaver, 1995; Davila & Bradbury, 2001; Mikulincer, Florian, Cowan, & Cowan, 2002). La conceptualisation d’une dyade d’attachement, soit la paire formée par le croisement du style de chacun des partenaires amoureux, a suivi une évolution progressive s’inspirant au départ du modèle quadrifide de Bartholomew et Horowitz (1991) permettant ainsi de tenir compte des particularités propres à chaque profil (voir Paquin, 2013). Pour des raisons méthodologiques, telles que la taille de l’échantillon et la puissance statistique des analyses, les premières études dyadiques de l’attachement n’ont considéré que trois grandes catégories, soit le couple sécurisant (style sécurisant chez les deux partenaires), le couple insécurisant (style insécurisant chez les deux partenaires) et le couple mixte (un partenaire au style sécurisant et un partenaire au style insécurisant (Feeney, 2003; Kirkpatrick & Davis, 1994). Devant la supériorité statistique d’utiliser le modèle dimensionnel de l’attachement, plusieurs groupes de recherche se sont intéressés à la relation d’un point de vue dyadique entre les dimensions d’attachement de partenaires amoureux et diverses caractéristiques de la dynamique conjugale (Doumas, Pearson, Elgin, & McKinley, 2008; Goncy & van Dulmen, 2016; Sommer et al., 2017).

À l’instar de l’étude de l’attachement, les recherches portant sur la VC ont d’abord examiné les individus sans tenir compte de l’interaction entre les partenaires. En effet, les agresseurs et les victimes sont généralement étudiés de manière distincte (Lamis, Leenaars, Jahn, & Lester, 2013). Cette méthode ne favorise pas l’analyse de la dynamique entre les deux partenaires. Or, la VC psychologique, souvent interprétée comme de la violence bidirectionnelle, prend place lorsque les partenaires alternent dans les rôles de victime et d’agresseur. (Langhinrichsen-Rohling, Misra, Selwyn, & (Langhinrichsen-Rohling, 2012). Devant les hauts taux de VC psychologique, il devient nécessaire d’élargir la compréhension à un contexte

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relationnel où les caractéristiques de l’attachement de chacun auraient un effet unique et combiné sur les comportements violents (Bartholomew & Allison, 2006).

L’interdépendance entre les partenaires peut mener effectivement à des conflits puisqu’elle augmente les probabilités que les comportements de l’un affectent la qualité de vie de l’autre et que cela amène entre eux une certaine vulnérabilité émotionnelle (Holmes, 2002). Selon Finkel et Slotter (2007), ces hauts niveaux d’interdépendance émotionnelle et comportementale caractérisant la majorité des relations intimes sont connus pour entraîner des niveaux inhabituellement élevés de conflits non violents, qui peuvent parfois servir de précurseurs à un comportement violent. À ce jour, toutefois, peu d’études ont examiné d’un point de vue dyadique et interactionnel la relation entre l’attachement des partenaires comme facteur prédictif de la VC psychologique perpétrée (Goncy & van Dulmen, 2016; Sommer et al., 2017)

Selon Bond et Bond (2004), les couples où l’insécurité d’attachement est présente chez les deux partenaires seraient plus à risque de comportements de VC physique puisqu’ils auraient tendance à utiliser la violence afin de réguler leurs émotions et de répondre à des besoins d’attachement qui ont du mal à se coordonner. L’équipe de Wilson, Gardner, Brosi, Topham et Busby (2013) a obtenu des résultats similaires auprès d’un échantillon de 696 couples. Les relations dont les deux partenaires présentaient des insécurités d’attachement avaient les plus hauts taux de VC psychologique comparativement aux couples sécurisants et mixtes.

S’intéressant à la réciprocité de la VC physique, Doumas et ses collègues (2008) ont observé chez 70 couples volontaires que seulement l’anxiété d’abandon chez la femme est associée à la violence perpétrée chez les deux partenaires. Roberts et Noller (1998) avaient pourtant observé auparavant auprès de 181 couples que l’anxiété d’abandon de l’individu était associée à ses propres gestes de violence physique, peu importe son sexe, en plus de montrer que l’anxiété de l’homme était

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associée aux comportements de sa partenaire. L’équipe de Doumas (2008) ont voulu contrôler également pour la violence du partenaire, observant que la relation entre l’attachement et les comportements violents devenait significative seulement chez les hommes, alors que Roberts et Noller (1998), après avoir réalisé la même démarche, ont plutôt observé que cette relation devenait significative seulement chez la femme du couple. Il semble donc que l’attachement de la femme contribue à la variance de la violence de l’homme même après le contrôle de la violence du partenaire, soit un des plus forts prédicteurs de la VC (Straus & Gelles, 1990). Finalement, les résultats d’analyses de régression hiérarchique ont permis de montrer que la combinaison d’un partenaire masculin évitant avec une partenaire féminine anxieuse prédisait le mieux la VC physique perpétrée autant chez l’homme que la femme. Cette même interaction entre les styles d’attachement des partenaires a d’ailleurs été observée par d’autres groupes de recherche (Bond & Bond, 2004; Roberts & Noller, 1998). Ceci indique que l’interaction entre l’anxiété abandonnique de l’un avec l’évitement de l’intimité du partenaire est celle qui prédirait le mieux la VC à l’intérieur du couple, montrant ainsi le conflit demande/retrait pouvant caractériser la dynamique conjugale. Ces résultats doivent néanmoins être nuancés en considérant que ces dernières études ont utilisé une variable dichotomique pour évaluer la VC, empêchant ainsi d’évaluer la sévérité de ce phénomène. Ayant également étudié l’effet d’interaction entre l’attachement des partenaires, Feeney (2003) a toutefois observé que ce serait l’agencement entre un homme sécurisant et une femme anxieuse qui prédirait le mieux les comportements coercitifs chez cette dernière. Selon lui, les femmes perçoivent chez leur partenaire cette absence d’anxiété comme une incompréhension de leurs préoccupations, les poussant vers une lutte de pouvoir.

Goncy et van Dulmen (2016), quant à eux, ont étudié la relation entre l’attachement des partenaires chez 113 couples hétérosexuels et la perpétration de VC psychologique (ou abus émotionnel), en comparant l’utilisation de différents instruments de mesures (i.e. questionnaires auto-rapportés, données rapportées par le partenaire et observation du couple lors d’une interaction filmée). Ces

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chercheurs ont observé que l’anxiété d’abandon des deux partenaires était associée à l’abus émotionnel seulement chez la femme pour tous les instruments de mesure. Toutefois, l’anxiété de l’homme était associée à ses propres gestes d’abus émotionnel selon les données recueillies par les questionnaires, alors que l’anxiété de la femme était associée aux gestes de son partenaire seulement en tenant compte des données d’observation (Goncy & van Dulmen, 2016). L’évitement de l’intimité n’a pas présenté de relation significative avec la violence pour aucune des méthodes utilisées.

L’étude de Sommer et ses collaborateurs (2017) s’est intéressée à l’analyse dyadique des comportements de VC physique, psychologique et sexuelle selon les dimensions d’attachement des partenaires amoureux auprès d’un échantillon volontaire de la population générale. D’abord, il semble qu’au niveau de l’influence individuelle, l’anxiété d’abandon ne prédise pas la perpétration de comportements de VC psychologique, contrairement à ce qui est observé habituellement dans la littérature. Une idée proposée serait que l’anxiété d’abandon à elle seule ne serait pas suffisante afin d’expliquer la présence de VC psychologique, ou encore qu’il existerait des variables médiatrices ou modératrices permettant d’associer ces variables telles que la satisfaction conjugale (Gou & Woodin, 2017) ou la prise en compte du point de vue de l’autre (Péloquin et al., 2011). Toutefois, l’évitement de l’intimité d’un individu semble être associé à ses propres comportements de VC psychologique. Ici, des niveaux élevées d’évitement de l’intimité amèneraient l’individu à être généralement résistant à la dépendance du partenaire, ce qui pourrait l’encourager à utiliser la violence dans un but de créer une distance physique et émotionnelle (Mayseless, 1991). Ensuite, l’effet du partenaire dans cette étude a permis d’observer que les deux dimensions d’attachement chez un des partenaires prédisent la perpétration de comportements de VC psychologique chez l’autre conjoint (Sommer et al., 2017). Pour ce qui est de l’effet de l’anxiété d’abandon du partenaire, il est possible que des réactions violentes soient observables chez l’autre en réponse aux rapprochements non-désirés et insistants du partenaire anxieux (Mayseless, 1991). Finalement en ce qui concerne l’effet de

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l’évitement de l’intimité du partenaire, la violence observée chez le répondant pourrait provenir d’un manque de confiance envers l’engagement du partenaire et cette violence servirait à exercer un certain contrôle et exprimer l’inconfort vécu par cette forme de rejet (Roberts & Noller, 1998).

Ces divergences observées selon l’échantillon, la méthodologie et la conceptualisation des variables d’intérêt montrent ainsi le défi que représente la compréhension dyadique de la VC psychologique en tenant compte des insécurités d’attachement chez chacun des partenaires conjugaux.

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4. Objectifs du mémoire doctoral

L’objectif principal du présent projet est d’étudier les relations entre la dyade d’attachement et la VC psychologique ainsi que l’effet modérateur des représentations d’attachement du partenaire sur ces associations. Le premier objectif consiste à vérifier s’il existe des effets acteurs-partenaires entre les dimensions d’attachement (i.e. anxiété d’abandon et évitement de l’intimité) et les niveaux perpétrés respectifs de VC psychologique de partenaires amoureux. Afin d’appuyer les résultats obtenus par Sommer et al. (2017), en utilisant cette fois un échantillon clinique, il est question de tester un modèle d’interdépendance acteur-partenaire au sein duquel les dimensions d’attachement des acteur-partenaires d’un même couple sont associées à leurs niveaux rapportés de VC psychologique.

Afin d’approfondir cette relation entre les variables d’intérêt, un sous-objectif est d’évaluer l’effet d’interaction des dimensions d’attachement des partenaires sur leur niveau rapporté de VC psychologique. Cet objectif vise donc à déterminer si ce n’est pas plutôt l’interaction des représentations d’attachement des deux partenaires amoureux qui pourrait mieux expliquer le lien entre l’attachement et la VC psychologique à l’aide d’un modèle de modération.

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5. Méthodologie

5.1. Participants

L’échantillon à l’étude se compose de 279 couples hétérosexuels qui consultent en psychothérapie conjugale au Service de consultation de l’École de psychologie de l’Université Laval. Les participants sont âgés de 18 ans et plus et sont mariés (40.2 %), en relation de cohabitation (50.6 %) ou vivant séparément (9.2%) depuis en moyenne 18 ans. La moyenne d’âge de l’échantillon est de 39.82 ans (SD = 10.31), celle des femmes est de 38.38 ans (SD = 9.79) et celle des hommes de 41.24 ans (SD = 10.63). Le revenu annuel moyen des femmes se situe entre 75 000 $ et 85 000 $, alors que celui de la plupart des hommes se situe à plus de 95 000 $. De plus, 81.4 % des participants occupent un emploi au moment de la collecte des données.

5.2. Instruments de mesure

Questionnaire sociodémographique. Un questionnaire sociodémographique a

permis de compiler les informations relatives à l’état civil, la durée moyenne de la relation, l’âge, le revenu moyen et l’occupation des partenaires amoureux.

Questionnaire sur l’attachement. L’instrument de mesure de l’attachement

employé dans cette étude est la version abrégée du questionnaire d’évaluation des expériences vécues au sein des relations intimes (Annexe A). Il s’agit d’une version française en 12 items du Experiences in Close Reationships (ECR-12; Lafontaine et al., 2015). Ce questionnaire évalue les expériences vécues dans les relations intimes selon les deux dimensions d’attachement : l’anxiété d’abandon et l’évitement de l’intimité (Brennan et al., 1998). Les participants doivent indiquer le niveau d’endossement de chaque item présenté sous forme d’affirmation à l’aide d’une échelle de Likert, allant de 1 (Fortement en désaccord) à 7 (Fortement en accord). Les scores d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité sont calculés en effectuant la moyenne des réponses aux six items propres à chaque dimension.

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La cohérence interne de l’ECR-12 a été démontrée et les alphas de Cronbach vont de 0.78 à 0.87 pour les items évaluant l’anxiété d’abandon et de 0.74 à 0.83 pour ceux mesurant l’évitement de l’intimité (Lafontaine et al., 2015). L’indépendance statistique des deux échelles a également été démontrée pour ajouter à la validité du questionnaire. En effet, la corrélation entre l’échelle d’anxiété d’abandon et celle de l’évitement de l’intimité est de 0.17 pour les femmes et de 0.14 pour les hommes, ce qui souligne la distinction entre ces deux dimensions de l’attachement (Lafontaine et al., 2015). En somme, l’ECR-12 possède une bonne validité et une bonne fidélité, tout comme le présente la recension des outils de mesure de l’attachement effectuée par Ravitz, Maunder, Hunter, Sthankiya et Lancee (2010).

Questionnaire sur la violence psychologique. L’instrument de mesure utilisé

pour évaluer la violence psychologique perpétrée est la version abrégée du questionnaire sur la résolution de conflits conjugaux (Annexe B), soit une version française du CTS-2 (Straus, Hamby, Boney-McCoy, & Sugarman, 1996; traduction par Lussier, 1997). Cette version du questionnaire en 24 items comprend 6 items évaluant la fréquence des comportements de VC psychologique perpétrée par le répondant. Les items sont mesurés sur une échelle de Likert, allant de 0 (Ceci n’est jamais arrivé) à 6 (Plus de 20 fois au cours de la dernière année) en plus de l’option 7 (Pas au cours de la dernière année, mais c’est déjà arrivé avant). Tous ces items discrimineraient significativement entre la présence et l’absence de violence dans le couple (Hamby & Sugarman, 1999). Cette mesure possède une bonne validité de construit (Shorey, Brasfield, Febres, Cornelius, & Stuart, 2012) en plus d’une cohérence interne satisfaisante, allant d’un alpha de 0.79 à 0.95 (Straus et al., 1996). Straus et ses collègues (1996) soulignent qu’il n’est pas dans l’intérêt du questionnaire de mesurer les attitudes par rapport au conflit ni d’étudier les causes ou conséquences de l’utilisation de différents comportements. La base théorique de ce questionnaire vient de la théorie du conflit qui présume que le conflit est inévitable dans les relations, mais que l’usage de la violence pour gérer un conflit ne l’est pas (Scanzoni, 1972; Straus, 1979).

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5.3. Procédure

Les participants de l’étude sont des couples recrutés au sein de l’unité de thérapie de couple du Service de Consultation de l’École de psychologie de l’Université Laval (n = 279 couples). Ces couples ont été évalués par des psychologues ou stagiaires de niveau doctoral en psychologie qui pratiquent l’approche psychodynamique. Les participants acceptent l’utilisation de leurs données à des fins scientifiques via la signature d’un formulaire de consentement dès leur première rencontre d’évaluation. Les instruments de mesure sont remis à la fin de cette rencontre. Ces instruments, sous la forme d’une batterie de questionnaires évaluant différentes sphères du fonctionnement de l’individu, font initialement partie du processus d’évaluation de l’unité de couple et sont complétés individuellement à la maison. Le retour des questionnaires complétés se fait à la deuxième rencontre d’évaluation où les données sont ensuite saisies puis analysées dans la banque de données du laboratoire. Aucune compensation monétaire n’est remise pour participer à cette étude.

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6. Analyses statistiques réalisées

Afin de répondre aux objectifs du présent projet, différentes analyses préliminaires ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS 22.0. Des analyses descriptives sur les trois variables à l’étude ont permis d’obtenir leurs moyennes et écarts-types. Trois tests T pour échantillons appariés afin de comparer les moyennes des hommes et des femmes d’un même couple ont été effectués. Les deux variables indépendantes sont les deux dimensions d’attachement (i.e. anxiété d’abandon et évitement de l’intimité) et la variable dépendante est la VC psychologique perpétrée par le répondant. Parmi les analyses exploratoires, des corrélations intra-individuelles et inter-individuelles ont été réalisées pour étudier les associations bivariées des variables des deux partenaires. Afin de répondre au sous-objectif, une poursuite de l’exploration est faite en vérifiant si les associations non-significatives sont dues au fait que ce serait plutôt l’interaction, soit un effet modérateur, de l’attachement du conjoint sur la VC psychologique rapportée qui pourrait expliquer le mieux la relation. Pour ce faire, des analyses de modération à l’aide de la macro de Process de SPSS sont réalisées afin de tester les différentes modérations possibles.

Dans le but d’examiner les associations multivariées entre l’attachement et la VC psychologique du répondant et de son partenaire, une analyse acheminatoire a été effectuée à l’aide de la version 7.3 du logiciel Mplus. Le modèle d’interdépendance acteur-partenaire (APIM; Kenny, 1996) est utilisé puisque cette technique statistique convient bien à l’étude de couples en tenant compte de la non-indépendance des données des partenaires à l’intérieur de la dyade. De plus, les données des deux partenaires sont considérées de manière simultanée, permettant de tester l’effet de l’acteur (i.e. la relation entre les dimensions d’attachement d’un individu sur ses propres comportements de VC psychologique) et l’effet du partenaire (i.e. la relation entre les dimensions d’attachement d’un individu sur les comportements de VC psychologique de son partenaire). L’utilisation du modèle APIM dans l’étude de la VC permet ainsi une analyse plus

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juste de la manière dont les caractéristiques des deux partenaires peuvent s'influencer mutuellement dans le maintien d’un climat de violence. L’ajustement du modèle aux données est estimé à l’aide de l’indice d’ajustement comparé (CFI; Bentler, 1990), d’une approximation de l’erreur quadratique moyenne (RSMEA; Browne & Cudeck, 1993) et du ratio du chi-carré sur les degrés de liberté (χ2/dl ; Hooper, Coughlan, & Mullen, 2008). Une valeur pour le CFI de .90 et plus, une valeur de RMSEA en dessous de .05 et un χ2/dl plus petit que 3 sont des indicateurs d’un bon ajustement du modèle aux données (Kline, 2011; McDonald & Ho, 2002).

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7. Résultats obtenus

7.1. Analyses exploratoires

Les moyennes et les écarts-types des deux dimensions de l’attachement et des comportements de VC psychologique chez les deux partenaires sont présentés au Tableau 1. De plus, les tests t révèlent qu’en comparaison aux hommes, les femmes obtiennent des taux d’anxiété d’abandon et de VC psychologique perpétrée plus élevés ainsi que des taux plus faibles d’évitement de l’intimité. Les tailles d’effet, évaluées à l’aide du d de Cohen, sont cependant faibles. Les analyses corrélationnelles sont présentées au Tableau 2. Ces analyses font ressortir quelques liens significatifs entre ces variables, entre autres une association significative entre l’anxiété d’abandon chez la femme et ses propres comportements perpétrés de VC psychologique en plus de ceux perpétrés par son partenaire.

Afin d’évaluer l’hypothèse selon laquelle les associations non significatives observées seraient mieux expliquées par un rôle modérateur de l’attachement d’un individu dans la relation entre les dimensions d’attachement de son partenaire et les comportements de VC psychologique à l’intérieur du couple, la macro de Process a été utilisée. Ceci a permis de vérifier si, par exemple, pour différents niveaux d’anxiété d’abandon d’un individu, le lien entre l’attachement de son partenaire et les comportements de VC psychologique à l’intérieur du couple pouvait changer (Figure 1). À l’aide d’une régression pour expliquer le lien direct en y ajoutant un modérateur, la macro de Process a évalué toutes les combinaisons possibles en permettant de tester autant l’effet acteur que l’effet partenaire. Aucun effet d’interaction significatif n’a été observé dans cet échantillon (p = [.12, .86]). L’effet de l’attachement d’un individu sur les comportements de VC psychologique ne diffère pas en fonction des niveaux d’attachement du conjoint.

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7.2. Analyses acheminatoires

Afin d’examiner l’effet acteur-partenaire des dimensions d’attachement sur les comportements de VC psychologique, toutes les associations possibles entre les variables exogènes et endogènes ont été incluses dans le modèle (Figure 2). Une transformation logarithmique a été effectuée sur la variable de comportements de VC psychologique étant donné l’asymétrie de cette dernière, rendant la dyade distinguable sous la base de ces variances. Avant de réaliser l’analyse APIM, il est également nécessaire de déterminer la distinguabilité de la dyade à l’aide d’un test omnibus (Acitelli, 1997). Théoriquement, les partenaires devraient pouvoir être distinguables en fonction de leur sexe. Il est toutefois possible que le sexe ne permette pas d’observer de différence significative auprès des variables à l’étude. Ainsi, il se peut que l’effet de l’attachement sur la VC psychologique soit le même chez les femmes et les hommes de cet échantillon. Afin de tester cette supposition, les variances pour chacune des variables ainsi que les covariances intra-individuelles et inter-individuelles ont été contraintes à égalité. Le test omnibus est non significatif, χ2(9, N = 279) = 9.19, p = 0.42, indiquant que les membres de la dyade dans cet échantillon sont empiriquement indistinguables. Les analyses APIM sont alors menées en considérant les partenaires comme s’ils étaient interchangeables, utilisant des contraintes d’égalité sur les variances hommes et femmes des variables ainsi que sur les effets acteurs et les effets partenaires. Ceci amène à utiliser un modèle plus parcimonieux, demandant moins de variables à estimer. Puisque les partenaires ne sont pas distinguables selon le sexe, ils ne sont plus identifiés comme homme ou femme. Dorénavant, ils sont identifiés en tant que partenaire 1 et partenaire 2. Le modèle final est présenté dans la Figure 2. Les indices d’ajustement indiquent que le modèle s’ajuste bien aux données de l’échantillon avec un test du chi-carré non significatif, χ2(11) = 10.45, p = 0.49 et un ratio χ2/dl = 0.95, un CFI = 1.00, un RMSEA = 0.00 avec un IC 90% = [.00, .06]. Ce modèle permet d’expliquer 2,5% de la variance de la VC psychologique chez les deux partenaires. Les résultats montrent un effet acteur significatif pour l’anxiété d’abandon (b = 0.057, É-T = 0.017, p = .001) et un effet

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partenaire près du seuil de signification de 0,05 pour l’évitement de l’intimité (b = -0.033, É-T = 0.018, p = .071). Ces résultats sont présentés dans le Tableau 3. Ceci suggère que des hauts taux d’anxiété d’abandon chez un individu semble prédire une forte propension à perpétrer des comportements de violence psychologique, alors que des hauts taux d’évitement de l’intimité chez un individu semble dans une certaine mesure prédire une plus faible propension à perpétrer ces gestes chez son partenaire.

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8. Discussion

L’objectif général du mémoire doctoral était d’étudier les relations entre les dimensions d’attachement et la VC psychologique perpétrée, sous une perspective dyadique permettant de tenir compte des variables propres aux partenaires d’un même couple consultant en psychothérapie conjugale. De cet objectif général découlait un sous-objectif évalué lors des analyses préliminaires voulant vérifier la présence d’un effet d’interaction entre l’attachement des partenaires amoureux et les niveaux rapportées de VC psychologique selon un modèle de modération. L’absence de relation de modération significative peut s’expliquer par le manque d’effets partenaires obtenues entre les variables, en plus de l’indistinguabilité de la dyade observée lors des analyses. Alors que la majorité des études ayant des résultats significatifs d’interaction ont utilisé un échantillon de couples volontaires provenant de la population générale ou du milieu universitaire (Bond & Bond, 2004; Doumas et al., 2008; Feeney, 2003), il semble que le manque de divergence entre les partenaires au sein de l’échantillon clinique du présent projet puisse expliquer en partie ce résultat.

Pour ce qui est de l’objectif principal, celui-ci visait à déterminer la présence d’effets acteur-partenaire entre l’attachement de partenaires et les comportements de VC psychologique à l’intérieur du couple. Les études précédentes à ce sujet ont présenté des résultats plutôt contradictoires entre elles, rendant difficile leur interprétation. Dans le cadre de la présente étude, l’effet acteur significatif obtenu entre l’anxiété d’abandon d’un individu et ses propres comportements de VC psychologique est cohérent avec une grande majorité de conclusions similaires chez d’autres groupes de recherche (Babcock et al., 2000; Dumas et al., 2008; Goncy & van Dulmen, 2016; Villegas, 2018). Il semblerait donc que le fait de présenter un haut niveau d’anxiété d’abandon, amenant la personne à avoir une sensibilité au rejet qui se traduit par une hypervigilance aux signaux de non-disponibilité du partenaire, pourrait l’encourager à recourir à la VC psychologique contre son partenaire. Ceci viendrait en quelque sorte calmer la détresse vécue et

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favoriser chez elle un sentiment de reprise de contrôle sur son partenaire devant des signes réels ou perçus d’abandon. En effet, la détresse peut s’apparenter à une perte de contrôle sur sa relation, poussant la personne à réagir de manière désespérée sans comprendre la plupart du temps ce qui l’a déclenchée. Toutefois, ces résultats sont différents de ceux observés par Sommer et ses collègues (2017) qui n’avaient pas obtenu d’effet significatif entre ces deux variables. Ceci pourrait s’expliquer par les divergences entre les échantillons. Alors que ces auteurs ont recruté des couples volontaires issus de la population générale, il semble que l’échantillon clinique du présent projet, composé de couples consultant en thérapie conjugale, montre un lien plus franc entre les variables. Étant donné le contexte des participants, il est possible que la détresse relationnelle ainsi que le risque d’observer des comportements de VC y soient plus marqués, ce qui pourrait expliquer la présence d’un lien significatif.

L’effet partenaire près du seuil de signification 0,05 entre l’évitement de l’intimité d’un individu et les comportements de VC psychologique de son partenaire est toutefois surprenant considérant les travaux ayant observé l’effet inverse (Roberts & Noller, 1998; Sommer et al., 2007), mais s’apparente à ceux n’ayant observé aucun effet significatif (Goncy & van Dulmen, 2016). Il semblerait donc que, auprès de cet échantillon, la présence de hauts taux d’évitement de l’intimité chez un individu puisse décourager son partenaire à faire usage de la violence lors de conflits. Un lien significatif avait néanmoins été observé par Gou et Woodin (2017), mais en évaluant la relation indirecte entre ces variables. Dans le cadre du présent projet, cette relation dyadique négative entre l’évitement de l’intimité et la VC psychologique pourrait appuyer l’idée que la tendance à s’empêcher de s’invertir dans sa relation en prônant une attitude indépendante amènerait le partenaire, face à ce manque d’accessibilité et d’occasions pour entrer en conflit, à être moins tenté d’utiliser la violence. Il importe toutefois de nuancer cette hypothèse selon laquelle cette dimension pourrait s’apparenter à une stratégie de protection, étant donné la force de la relation observée et des potentiels risques à long terme (Gou & Woodin, 2017).

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L’absence de relation acteur-partenaire significative entre les autres liens peut être tout d’abord expliquée en partie par les faibles corrélations observées au départ entre les variables. De plus, il est possible que la variable dépendante puisse se présenter de manière plus uniforme à travers l’échantillon, limitant ainsi la possibilité d’observer des liens significatifs. Il semblerait donc que, pour certaines relations, l’attachement ne suffise pas à expliquer la perpétration de VC psychologique chez des partenaires amoureux à l’intérieur de l’échantillon. Il est possible que ce lien soit mieux expliqué par l’ajout d’une variable médiatrice, telle que la prise en compte du point de vue de l’autre (Péloquin, et al., 2011), des stratégies problématiques de résolution de conflits (Bonache, Gonzalez-Mendez, & Krahé, 2019) ou bien de la satisfaction conjugale (Gou & Woodin, 2017). La recension de Feeney (2016) propose justement quelques variables médiatrices pouvant médier la relation entre l’attachement et le fonctionnement à l’intérieur du couple telles qu’une faible tendance à pardonner, une faible régulation émotionnelle, la jalousie ou bien le manque de confiance envers le partenaire.

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