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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Technique-Art-Science : la promotion de l'actualité industrielle dans une revue pédagogique, durant les trente glorieuses

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Academic year: 2021

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TECHNIQUE- ART - SCIENCE : LA PROMOTION DE

L'ACTUALITÉ INDUSTRIELLE DANS UNE REVUE

PÉDAGOGIQUE, DURANT LES TRENTE GLORIEUSES.

Jean LAMOURE

UMR STEF - ENS Cachan INRP UniverSud Paris

MOTS-CLÉS : TECHNIQUE – ART – SCIENCE – INDUSTRIE – PÉDAGOGIE

RÉSUMÉ : Cette contribution s’efforcera de répondre aux questions suivantes : Qu'est-ce qui, dans une revue pédagogique de l'enseignement technique, « fait actualité », au nom de quelles légitimités, pour quels usages ? Quel traitement particulier en est-il fait ? La visée pédagogique

semble en fin de compte peu fréquente par rapport à une visée culturelle : la culture technique de l'honnête homme, de l’humanisme technique. Celle-ci n'est cependant pas exempte d’intentions promotionnelles aussi bien d'industries nationales que d'industriels proches de la revue et de l'AFDET.

ABSTRACT : This contribution will endeavour to answer the following questions : What, in a teaching review of technical teaching, „made topicality‰, in the name of which legitimacies, for which uses ? Which particular treatment is it made by it ? The teaching aiming in the final analysis seems not very frequent compared to a cultural aiming - technical culture of the honest man, technical humanism - which is nonfree from promotional intentions as well of national industries as of industrialists close to the review and the AFDET.

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1. INTRODUCTION

La revue Technique-Art-Science (TAS, 1944-1977) fut une revue pédagogique de référence chez les enseignants : non seulement un lieu d’échange de pratiques pédagogiques mais aussi, jusqu’à la fin des années 1950, l’organe officiel de la direction de l’enseignement technique (DET). Sa publication couvre la période des « trente glorieuses » et de l’« ardente obligation du plan »1 : riche, donc, en actualités économiques, techniques et industrielles2.

2. LE CORPUS

Ce qui, dans la revue, fait actualité, relève de deux genres : l’actualité artistique – théâtre, cinéma, arts plastiques – qui a ses rubricards attitrés - et l’actualité industrielle et technologique. Il n’y a, en fin de compte, que très peu d’articles consacrés à des thèmes proprement scientifiques tels que l’essor du CNRS après guerre ou la création de grands organismes (INRA, CNET, CEA) pouvaient le laisser envisager.

Environ 300 articles traitent d'actualité industrielle et technologique : leur identification a été faite à partir des titres et sous titres sur la totalité des numéros de la revue. C’est un corpus « large » qui représente près de 10 % de l’ensemble des articles de la revue.

Les articles retenus relèvent pour moitié de la période pendant laquelle la revue est publiée sous les auspices de la DET, pour l’autre alors qu’elle est sous l’égide de l’AFDET3. Ces deux périodes correspondent à des changements institutionnels liés à la mise en place de la réforme scolaire de 1959 et à un changement politique majeur : l’avènement de la Ve République. De 1946 à 1960, les enseignants ont le quasi-monopole des articles d’actualité : anciens de l’École nationale supérieure de l’enseignement technique (ENSET), professeurs des Écoles normales nationales d’apprentissage (ENNA), ou enseignants de collèges techniques. Ce sont, par exemple, les nombreux articles de deux « anciens » de l’ENSET, Gilbert Juttet sur la carrosserie automobile ou ceux de Jacques Gilbank sur l’économie du vignoble sancerrois et la mécanisation vinicole4. Sous l’égide de

1 De Gaulle, 8 mai 1961.

2 Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet Rediscol : Réformer les disciplines scolaires : acteurs, contenus, enjeux, dynamiques (années 1950 - années 1980). Ce projet, retenu par l’ANR, associe outre l’UMR STEF de l’ENS Cachan, les laboratoires GHDSO-Université Paris Sud 11 (coordonnateur), CERSE-Université Caen et SPOTS-Université Paris 11 Orsay.

3 L'AFDET, Association Française pour le Développement de l'Enseignement Technique, est créée en 1902 par des personnages influents de l'État (hauts fonctionnaires et personnages politiques, radicaux et socialistes pour l'essentiel) et des milieux patronaux, essentiellement de la métallurgie.

4 Planté essentiellement en Pinot, il fut détruit par le phylloxéra à la fin du siècle dernier. Par la suite, le Sauvignon, particulièrement bien adapté au climat, se développe. Le terroir et ses hommes en feront un vin dont la qualité sera

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l’AFDET, le vivier des auteurs change : ce sont des industriels, plus souvent des ingénieurs, en particulier des anciens des Arts et Métiers qui entrent en force dans la revue. Ce sont, par exemple, Georges Brodbeck, auteur de plusieurs ouvrages aux Éditions Eyrolles, Aurèle Maulvault, délégué général du Syndicat de la Fonderie, Maurice Ponte, certes Normalien et non A & M, mais très lié aux milieux industriels5.

3. LE TRAITEMENT DE L’ACTUALITÉ

Ne serait-ce que pour assurer sa survie économique ou la fidélisation de son lectorat, toute publication périodique doit rendre compte de l’actualité relevant de son projet éditorial. La revue T.A.S. n’échappe pas à la règle et pour un très grand nombre des articles sélectionnés, le rapport avec les préoccupations politiques ou économiques du moment se lit assez clairement. Ce sont, par exemple, dans l’immédiat après guerre, les sujets liés à la période de la reconstruction, ou, à partir du premier choc pétrolier, tout ce qui a trait à l’indépendance énergétique de la France. Les sujets sont « industriels », au moins autant que « technologiques » : pour l’essentiel, ce sont les nouveaux procédés industriels qui font actualité, fréquemment mêlés à des considérations économiques, voire de politique économique. Les sujets abordés sont alors des plus divers et couvrent l’ensemble des secteurs d’activité : du rééquipement électrique français (1947) aux « journées des plastiques de Paris » (1949), du commerce de la bière (1951) aux faisceaux hertziens (1947) ou à la machine agricole (1960).

La revue n’éprouve pas le besoin d’expliquer ses choix, à une exception près, en 1967 :

« Et puis, quelle publication était mieux qualifiée que T.A.S. pour appréhender les aspects

techniques, historiques et artistiques, scientifiques, économiques et sociaux de la fonderie ? L’ampleur de ses préoccupations ne la désigne-t-elle pas pour faire découvrir tous les visages de cette industrie, pourtant vieille de plusieurs millénaires »6.

La référence à la dimension culturelle de la revue est manifeste, mais il s’agit moins de l’affirmation d’une ligne éditoriale que de la recherche d’une légitimité à la présence d’articles en fin de compte promotionnels. Le traitement de l’actualité renvoie à deux types de considérations, patriotiques et corporatistes. Les accents patriotiques - ou économico-patriotiques - sont particulièrement nombreux pendant la première période de la revue, de l’immédiat après-guerre aux premières années de la Ve République mais le développement du marché commun semble raviver

reconnue dès le premier décret AOC en 1936. En 1959, les vins rouges et rosés, issus de Pinot Noir, cépage noble, sont à leur tour classés en AOC.

5 Il est parfois difficile d’attribuer une identité précise à un auteur, certains affichant deux fonctions, celles d’ingénieur et d’enseignant. C’est la lecture des articles, les références institutionnelles citées qui ont permis, finalement de trancher ; ainsi, Pierre Rivère est à la fois Ingénieur en Chef à la Société française radioélectrique et Professeur à l’E.S.E. ; il a été classé parmi les ingénieurs, compte tenu de son affiliation institutionnelle à la CSF.

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ces élans. C’est ainsi qu’en 1968 Pierre Sallès, secrétaire général de la revue, justifie la publication intégrale des articles sur la fonderie7. La réunion de la CCIM (Organisation internationale pour la normalisation des communications radio), en 1965 à Vienne ou, en 1968, l’organisation des J.O. d’hiver à Grenoble sont l’occasion de glorifier le procédé SECAM, témoignage d’un génie bien français8. Les considérations corporatistes sont davantage spécifiques de la période durant laquelle la revue TAS est dirigée par l’AFDET. L’affirmation identitaire des ingénieurs est cependant moins celle de leur École que celle de leur entreprise – voire d’un secteur industriel tout entier. Mais si, par exemple, la SFR (Société Française Radioélectrique), la Compagnie Générale de TSF, sa filiale la Radiotechnique, ont à de nombreuses reprises les honneurs de la revue, c’est bien parce qu’elles sont portées par le(s) même(s) Gad’zarts. D’un auteur à l’autre, des réseaux affinitaires peuvent ainsi être mis à jour, qui résistent aux reconfigurations ou absorptions d’entreprises.

Quelques innovations industrielles ont fait l’objet de nombreux articles, tout au long des années d’existence de la revue ; traitées dans la durée, elles permettent de mieux saisir les imbrications et les enjeux de leur traitement comme « actualité ». Il en est ainsi des articles sur la construction des moules en fonderie, le câble hertzien, la construction automobile ou encore la télévision couleur. Ainsi, de 1952 à 1977, ce ne sont pas moins de 19 articles qui seront publiés sur la fonderie, la plupart signés par des ingénieurs. Le lobbying du syndicat est exemplaire, en ce qu’il transcende les deux périodes de la revue. Tout au plus peut-on identifier des préoccupations plus « pédagogiques » durant la première période9 et davantage promotionnelles pendant la seconde10.

L’exemple de la télévision permet de montrer comment un même objet peut renvoyer à deux traitements distincts : pédagogique, autour de la télévision scolaire, et d’actualité industrielle. De 1946 à 1969, 18 articles ont traité de la télévision, mais jusqu’en 1965 il ne s’agira que de questions liées à la télévision scolaire alors même que l’actualité technique est marquée, dès 1954 par la réalisation d’émissions en Eurovision. C’est la concurrence internationale et l’importance des enjeux économiques autour du procédé SECAM qui décidera, finalement, de sa reconnaissance dans la revue T.A.S. comme actualité remarquable.

La liaison Dijon Strasbourg par faisceau hertzien est inaugurée en février 1952, le premier article sur le sujet date des débuts de la revue (1947). Il est dû à Pierre Rivère, ingénieur A. & M. à la SFR. En une dizaine d’années, Pierre Rivère ne publiera pas moins de 13 articles qui accompagneront l’actualité du secteur, qu’elle soit technologique ou économique : il publie son dernier article

7 « nous croyons enfin que nos lecteurs seront intéressés, dans leur ensemble, par la situation actuelle de l’une des grandes industries françaises et par les possibilités de choix qui s’offrent aux fondeurs pour se maintenir ou s’affirmer à l’heure du Marché commun » (TAS Novembre 1968. La Fonderie française en 1968).

8 T.A.S., Mai 1965.

9 Ou comment « donner aux élèves stagiaires, la cadence industrielle qu’ils n’ont pu acquérir au cours de leur temps d’apprentissage » (Daniel Waeles, A & M, TAS Mai 1954).

10 Par exemple sur le Centre technique des industries de la fonderie, « établissement d’utilité publique Marceau Stupfler, TAS Juin 1967.

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l’année où la SFR est absorbée par la Compagnie Générale de TSF (CSF). La promotion technico-industrielle de l’entreprise où il est chef de service puis ingénieur en chef peut à l’occasion prendre des accents patriotiques : « la technique présentée est française sans le moindre apport étranger [elle] est le fruit d’une étroite collaboration entre l’Administration des PTT français et la Société

française radioélectrique ».

Gilbert Juttet est un ancien de l’ENSET ; en trois ans, il publiera 14 articles consacrés à la carrosserie automobile. Avant d’être professeur au lycée Turgot il a été dessinateur d’études à la Régie, ce qui a pu faciliter son accès à l’information et, peut-être aussi, la commande de cette longue série d’articles. Celle-ci ne semble cependant pas justifiée par le seul intérêt de l’innovation que constitue la fabrication de la carrosserie « tout acier » de la 4 CV. Après Pierre Rivère, on verra dans Gilbert Juttet un autre modèle de médiateur entre le monde industriel et le monde enseignant.

4. CONCLUSION

La finalité générale de ces articles est essentiellement de culture générale, de culture technique, destinée aux enseignants sans que pour autant une quelconque utilisation pédagogique, en classe, ne soit jamais évoquée. Cette visée culturelle répond à un besoin de documentation des enseignants : pour faire face « au rapide avancement des sciences (…) il faut donc penser à assurer la « circulation de la pensée »11. Ce traitement de l’actualité industrielle répond à d’autres usages : de médiation, d’interfaces production/enseignement ou industries/écoles12 d’ailleurs revendiqué, depuis sa création par la revue, au nom de l’idéal patriotique13. La contrepartie en est l’offre d’un espace éditorial à la promotion des industries nationales porteuses des innovations industrielles par les enseignants ou les ingénieurs. Le choix de ce qui « fait actualité » apparaît ainsi contraint par un environnement institutionnel et politique au demeurant fort changeant au cours des trente années d’existence de la revue.

11 TAS Décembre 1964-janvier 1965. Jean Guehenno est cité à maintes reprises par Marcel Leherpeux, responsable de service à l’IPN.

12 Le syndicat de la fonderie fait ainsi explicitement la promotion de ce que la profession peut apporter aux enseignants, sous forme de matériels pédagogiques ou d’offre de stages ; par l’intermédiaire de l’Institut Supérieur des Matériaux et de la Construction Mécanique (ISMCM) et en étroite relation avec le Ministère de l’Éducation Nationale, la Fédération des Industries Mécaniques n’en fait pas moins : de 1951 à 1955, 26 articles de l’ ISMCM qui seront repris dans la revue T.A.S.

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