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Gérer les prélèvements individuels d'eau souterraine. Quels instruments envisageables ?

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02593161

https://hal.inrae.fr/hal-02593161

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Gérer les prélèvements individuels d’eau souterraine.

Quels instruments envisageables ?

Marielle Montginoul, V. Lenouvel

To cite this version:

Marielle Montginoul, V. Lenouvel. Gérer les prélèvements individuels d’eau souterraine. Quels instru-ments envisageables ?. [Rapport de recherche] irstea. 2009, pp.54. �hal-02593161�

(2)

Marielle Montginoul,

Vincent Lenouvel

UMR G-EAU "Gestion de l'Eau, Acteurs et Usages"

Cemagref, 361 rue Jean François Breton, BP 5095

Convention de partenariat ONEMA-Cemagref 2008

Domaine : Gestion et évaluation économique des biens naturels, des usages de l’eau et

des services associés

Action : Evaluation et instruments économiques

Gérer les prélèvements

individuels d’eau

souterraine

Quels instruments

envisageables ?

Mars 2009

(3)

Table des matières

Introduction ...5

Partie 1. Pourquoi une nécessaire gestion de l’eau souterraine ? ...6

1.1. Une ressource indispensable ...6

1.2. Une ressource souvent préférée à l’eau de surface...6

1.2.1. Facilité d’accès ...6

1.2.2. Faible coût ...7

1.2.3. Bonne qualité...7

1.2.4. Une eau disponible à la demande ...7

1.2.5. Un rôle de stockage permettant de ne pas souffrir des sécheresses...7

1.2.6. Avoir son eau...8

1.3. Une ressource en propriété commune - Des usagers multiples et diffus ...8

1.4. Une exploitation de plus en plus soutenue et non soutenable ...9

1.5. Conclusion...11

Partie 2. Description des outils de gestion des ressources environnementales ...13

2.1. Les outils quantitatifs ...13

2.1.1. Les instruments réglementaires classiques (command and control)...13

2.1.2. La définition de droits collectifs et la création d’associations d’usagers ...14

2.2. Les outils incitatifs ...14

2.2.1. La taxation et/ou la subvention individuelle ...14

2.2.2. La taxation et/ou la subvention collective ...15

2.2.3. Les mécanismes incitatifs combinés ...15

2.3. Les outils coopératifs...16

2.3.1. Des arrangements formels ou informels...16

2.3.2. Des arrangements spontanés ou initiés par une entité publique...16

2.3.3. Le moteur des arrangements : la menace ou la subvention...17

2.3.4. Les caractéristiques des arrangements...18

2.4. Les outils indirects ...18

2.4.1. Achat de terres ...18

2.4.2. Action indirecte par les autres politiques ...19

2.5. Conclusion...19

Partie 3. Quelques exemples d’instruments collectifs de gestion des ressources ..22

3.1. Les accords : un instrument développé pour lutter contre les pollutions diffuses...22

3.1.1. Le cas de Vittel ...24

3.1.2. Le cas de New York...25

(4)

3.2. Les associations d’usagers : un outil conçu pour gérer les prélèvements diffus ....27

3.2.1. Une législation espagnole imposant la création d’associations sur les aquifères surexploités ...28

3.2.2. Présentation de cas où des associations d’usagers de nappe émergent spontanément ...29

Partie 4. Critiques des outils de gestion : avantages et limites ...30

4.1. Les outils quantitatifs ...30

4.1.1. Les instruments réglementaires classiques...30

4.1.2. Les associations d’usagers...31

4.2. Les outils incitatifs ...33

4.2.1. Les pénalités...33

4.2.2. Les systèmes de paiement ...34

4.3. Les outils coopératifs...35

4.4. Les outils indirects ...40

4.4.1. Achat de terres ...40

4.4.2. Action indirecte par les autres politiques ...40

Partie 5. Les facteurs pour une gestion réussie de l’eau souterraine ...42

5.1. Conditions génériques...42

5.1.1. Une acceptation de l’instrument – un outil considéré équitable...42

5.1.2. Des coûts inférieurs aux bénéfices...42

5.1.3. Un profit ou une utilité supérieur à la situation de référence ...42

5.1.4. Un instrument limitant les comportements de passagers clandestins / une menace crédible en cas de non respect ...43

5.2. Les outils individuels...44

5.3. Les outils collectifs...44

5.3.1. Une taille réduite...44

5.3.2. Des préleveurs/pollueurs homogènes ...44

5.3.3. Des pollueurs/préleveurs et des bénéficiaires bien identifiés pour limiter les coûts de transaction ...44

5.3.4. Une communication entre les différents pollueurs ou préleveurs ...45

5.3.5. Une incitation variée et d’un niveau intéressant ...45

5.3.6. D’autres facteurs de réussite spécifiques aux accords volontaires ...45

5.4. Conclusion...45

Conclusion...47

(5)

Liste des figures

Figure 1 : Valeur de court terme de l'eau tout au long du cycle de croissance du maïs en

Gascogne pour l'année 1998 ...8

Figure 2 Les étapes du développement de l’usage de l’eau souterraine dans un grand aquifère et les besoins de gestion correspondant...12

Liste des tableaux

Tableau 1 Les conséquences pour la gestion de certains types de relations entre les usagers de l’eau souterraine...12

Tableau 2 Les différentes approches pour gérer les prélèvements individuels ...20

Tableau 3 Fréquence des accords coopératifs dans les Etats membres européens...22

Tableau 4 Cas de gestion locale de l’eau souterraine ...29

Tableau 5 Avantages et limites des instruments réglementaires classiques ...31

Tableau 6 Avantages et limites des associations d’usagers ...33

Tableau 7 Niveau d’information et mécanisme incitatif optimal ...34

Tableau 7 Avantages et limites des subventions ...35

(6)

Introduction

La question de gérer l’accès à la ressource en eau s’est, historiquement, d’abord posée pour les eaux des cours d’eau très liées aux conditions climatiques du moment et les eaux délivrées par des systèmes de distribution construits par l’homme. Ce n’est que plus récemment que l’on a envisagé de gérer les eaux souterraines, qui sont moins soumises à des problèmes de pénurie conjoncturelle (sauf les nappes d’accompagnement des cours d’eau). Dans la majorité des cas, l’accès à ces eaux souterraines est fait de manière individuelle, chaque usager (notamment agricole) y accédant par forage à l’endroit même de ses besoins.

Mais ces ressources souterraines nécessitent aussi une gestion, car elles sont de plus en plus exploitées et pourraient être surexploitées (voire partie 1 de ce rapport). L’article 21 de la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006 propose un instrument (imposé dans les ressources fortement sollicitées, inscrites dans les « Zones de Répartition des Eaux ») : délivrer des autorisations de prélèvements à un organisme unique pour le compte de l’ensemble des préleveurs irrigants. Dans sa philosophie, elle cherche ainsi à faire émerger une gestion collective de prélèvements agricoles individuels et diffus.

L’objectif initial de la recherche proposée à l’ONEMA dans le cadre de ce travail était de faire le point des instruments de gestion des prélèvements individuels utilisés dans le cas d’un organisme unique et pour une ressource en eau souterraine (analyse de cas correspondant aux situations institutionnalisées par l’article 21-6 de la LEMA) et d’en comparer l’efficacité. Cet objectif n’a pu être atteint, les organismes uniques n’étant pas encore constitués à ce jour : le décret d’application de l’article 21 de la LEMA est paru le 24 septembre 2007 mais la circulaire d’application n’a été connue que le 30 juin 2008 et fixe au 30 juin 2009 la date limite de dépôt de candidature à la fonction d’organisme unique.

Il a donc été décidé de réorienter le travail en tentant de faire un état de l’art de l’ensemble des instruments envisageables pour gérer les prélèvements individuels d’eau souterraine. Un élément nous paraissait important à considérer : le fait que ces prélèvements sont parfois inconnus et donc que les outils de gestion traditionnels basés sur l’hypothèse d’une connaissance des points de prélèvement et des quantités prélevées pouvait ne pas être vérifiée.

De plus, la littérature sur la gestion des prélèvements diffus en eau souterraine semblant très limitée, il a été décidé d’élargir la recherche bibliographique à la question de la gestion des ressources environnementales et notamment des pollutions diffuses et des outils mobilisés dans ce cadre-là.

Ainsi, après une première partie sur un tour d’horizon des raisons de la nécessaire gestion de l’eau souterraine, ce rapport décrit dans une deuxième partie les outils de gestion des ressources environnementales. Dans la troisième partie, il présente des exemples d’instruments collectifs de gestion des ressources. Ceci permet ensuite dans la quatrième partie de critiquer les outils de gestion, en en exposant les avantages et les limites. Enfin la cinquième partie s’intéresse aux facteurs de réussite des outils de gestion. La conclusion tente une réflexion sur les conditions pour transposer les outils de gestion des pollutions diffuses aux outils de gestion des prélèvements diffus.

(7)

Partie

1.

Pourquoi une nécessaire gestion de l’eau

souterraine ?

L’eau souterraine est une ressource indispensable pour satisfaire les besoins en eau de nombreux usagers. Mais c’est une eau qui est menacée car elle est souvent préférée à l’eau de surface (quand les usagers ont le choix). De plus, elle est généralement l’objet de prélèvements diffus, ce qui n’en facilite pas la gestion. Ainsi, son exploitation étant de plus en plus soutenue, son équilibre à long terme est menacé.

1.1. Une ressource indispensable

Les eaux souterraines sont la principale source d’eau douce : leurs réserves sont estimées entre 7 et 23 millions de km3 (Foster et Chilton, 2003) et constitueraient 98% du stock d'eau

douce continental (Shiklomanov, 1998). Elles se révèlent indispensables au développement agricole, industriel et démographique de nombreuses régions, et notamment celles au climat aride ou semi-aride.

Ainsi, les usagers de l’eau dépendent souvent des aquifères pour leur subsistance et le coût pour obtenir une ressource substitut peut être prohibitif (Lopez-Gunn et Cortina, 2006). De plus, la croissance démographique conduit à avoir des besoins en eau croissants, en particulier dans le futur.

Enfin cette ressource a permis et permet une transition économique, à savoir le passage d’une économie de subsistance à une économie de marché avec des cultures à forte valeur ajoutée, et une transition sociale (un revenu qui permet d’investir dans l’éducation de ses enfants) (Llamas et Martinez-Santos, 2005; Wegerich, 2006).

En conclusion, la gestion de l’eau souterraine semble indispensable même si l’établissement et la maintenance des régimes de gestion de l’eau souterraine sont coûteux. Mais sans cela le nombre total de perdants seraient très importants : les gains sont plus importants à gérer plutôt qu’à laisser faire (Giordano et Villholth, 2007.

1.2. Une ressource souvent préférée à l’eau de surface

L’eau souterraine présente de nombreuses caractéristiques qui en font un attrait plus important que l’eau de surface même si cette dernière est souvent très fortement subventionnée (Fornés et al., 2005; Llamas et Martinez-Santos, 2005).

1.2.1. Facilité d’accès

La ressource en eau étant souvent peu profonde, il est facile d’y accéder (Fornés et al., 2005). Les techniques de forage et de pompage sont en effet largement diffusées. Et les sciences et les technologies ont ainsi joué un rôle important, les avancées en hydrogéologie et dans les techniques de forage ainsi que la popularisation de la pompe submersible ayant significativement réduit les coûts de prélèvement (Llamas, 2008; Llamas et Martinez-Santos, 2005) :

• D’un puits à un forage, le puits était creusé par les mains de l’homme et ne pouvait donc pas excéder 15 mètres ; le forage permet d’atteindre de très grandes profondeurs ;

• D’une force motrice limitée à une forte puissance de pompage, par les nouvelles possibilités offertes par les pompes diesel ou électriques, comparées à la force animale, hydraulique ou éolienne précédente ;

• Du sourcier à l’hydrogéologue, ce qui permet d’avoir une connaissance plus précise des nappes.

(8)

1.2.2. Faible coût

L'examen de la répartition des coûts de mise à disposition de la ressource hydrique fait apparaître que la distribution de l'eau est l'opération financièrement la plus lourde. L'évaluation des coûts moyens de l'eau potable, épuration et évacuation comprise, sur l'ensemble du territoire français révèle que près de 40% des coûts sont dus à la mise en place des réseaux de distribution, et 15% pour ceux d'adduction (Erhard-Cassegrain et Margat, 1983). Les nappes souterraines présentent le grand avantage de servir à la fois de réservoir et de réseau de distribution, limitant le coût de l'accès à la ressource : les investissements nécessaires sont faibles (Fornés et al., 2005; Giordano et Villholth, 2007). Les quelques 300 000 habitants de la plaine du Roussillon, qui compte 80 communes, sont ainsi alimentés en eau potable par plus de 150 forages (CG66, 2003), permettant ainsi un approvisionnement décentralisé.

Les coûts de distribution sont inversement proportionnels à la densité des usagers. En milieu rural ou périurbain, les aquifères constituent des réseaux de distribution idéaux pour qui a accès à la terre. Lorsque l'eau souterraine se trouve dans des aquifères superficiels, elle concurrence grandement les eaux agricoles de surface, distribués par un réseau de canaux gravitaire, mais également l'eau potable provenant des forages communaux. La plaine du Roussillon abriterait ainsi près de 4 000 forages agricoles et entre 15 000 et 32 000 forages domestiques sur quelques 850 km² (CG66, 2003; Montginoul, 2008).

1.2.3. Bonne qualité

L'eau présente dans le sous-sol est filtrée par les différentes couches géologiques qu'elle traverse et est directement utilisable, sans filtration, par des systèmes d'irrigation localisée. Lorsqu'elle provient d'aquifères préservés des pollutions, l'eau est valorisable aussi bien par les agriculteurs au sein de filières de qualité, que par les gestionnaires d'eau potable, l’’eau souterraine étant alors de bonne qualité chimique et bactériologique (Fornés et al., 2005). C'est rarement le cas sur les nappes superficielles ou d'accompagnement des cours d'eau, particulièrement sensible aux pollutions. Tout comme les lacs, l'eau souterraine joue un rôle de réceptacle exposé aux pollutions diffuses, et notamment celles provenant du secteur agricole (Segerson, 1988). D'autres pollutions peuvent se révéler irréversibles, comme c'est le cas pour les intrusions salines dans certains aquifères côtiers (Foster et Chilton, 2003).

1.2.4. Une eau disponible à la demande

L’eau souterraine est disponible dès que les usagers en ressentent le besoin (« disponible à la demande »), contrairement à certaines eaux de surface délivrées par des réseaux de distribution qui ont été sous-dimensionnés (pour des contraintes de coût) ou qui ont été conçus pour apporter l’eau aux agriculteurs à tour de rôle (tours d’eau).

1.2.5. Un rôle de stockage permettant de ne pas souffrir des sécheresses

Les épisodes de sécheresse ou de restriction d'eau non anticipés peuvent être à l'origine de lourdes pertes financières pour un secteur agricole très sensible à la rareté temporelle de l'eau, en particulier à certaines périodes de la saison où la valeur de l’eau est particulièrement élevée car nécessaire au bon développement des plantes (Figure 1).

(9)

Source : (Tardieu et Préfol, 2002)

Figure 1 : Valeur de court terme de l'eau tout au long du cycle de croissance du maïs en Gascogne pour l'année 1998

Cette sensibilité conduit les irrigants à stocker l'eau lorsqu'elle est disponible (citernes, barrages ou retenues collinaires) afin de transformer un flux – l'eau de pluie ou des cours d'eau – en stock. Les eaux souterraines peuvent aussi remplir ce rôle (Fornés et al., 2005; Llamas et Martinez-Santos, 2005), l’aquifère pouvant être défini comme un stock de

ressource hydrique dynamique et épuisable (Koundouri, 2004). Sa présence diminue

sensiblement la rareté temporelle de l'eau en lissant l'offre en eau tout au long de la période d'irrigation. L'eau souterraine joue ainsi un rôle central dans le développement agricole de nombreuses régions, et notamment celles soumises à des climats arides ou semi-arides (Petit, 2004).

1.2.6. Avoir son eau

L’eau souterraine est obtenue individuellement et ne nécessite donc pas de négociations avec l’autorité publique (Llamas et Martinez-Santos, 2005).

1.3. Une ressource en propriété commune - Des usagers multiples

et diffus

Qu’est-ce qu’une ressource en propriété commune ?

Un bien en propriété commune, par extension une ressource en propriété commune, se caractérise par une appropriation collective : pour accéder à une ressource en propriété commune, les individus doivent être des propriétaires communs, dans le sens où ils appartiennent à un ensemble plus ou moins fermé (Helm et Pearce, 1991), à la différence des ressources en accès libre. Ils sont ainsi mieux définis et identifiés, donc il peut exister une expérience d’interaction (ou de marchandage) plus ancienne entre eux.

Les membres du groupe peuvent donc interdire l’accès à ce bien aux non membres mais la consommation entre les membres du groupe reste rivale (Roemer, 1989)1. Une ressource en

bien commun est ainsi un ensemble de biens privés (principe de rivalité) pour lesquels l’accès à la ressource est limité et pour lesquels il est difficile de mettre en œuvre un droit de

1 Roemer, J.E. (1989) “A public ownership resolution of the tragedy of the commons”, Social Philosophy and Policy, 6(2), pp. 74-92 cité par (Jourdain, 2004).

(10)

propriété individuel (Faysse, 2001). Et comme les ressources privées, les ressources en propriété commune génèrent une quantité finie d’unités de ressource et l’utilisation par une personne soustrait autant du nombre d’unités de ressources disponibles pour les autres (Ostrom and al., 1994)2. Comme de multiples acteurs peuvent simultanément utiliser la

ressource, les efforts pour exclure certains bénéficiaires potentiels sont coûteux : les appropriations faites par un individu peuvent alors créer des externalités négatives aux autres (Ostrom, 2001). En effet, les usagers agissent indépendamment et ne communiquent pas ou ne coordonnent leur activité d’aucune façon (Ostrom, 2001).

Il y a un continuum entre la ressource en propriété commune et la ressource en accès libre : si aucune règle collective n’a été définie et surtout si la taille du groupe est importante, alors la ressource en propriété commune est très proche du cas des biens communs en accès libre (Roemer, 1989, op.cit.).

La théorie économique prédit qu'en l'absence de définition de droits de propriété clairs et adéquats sur la ressource, les ressources en propriété commune sont exposées la "tragédie

des communs" (Hardin, 1968), c'est-à-dire à la surexploitation. Elle provient du fait que

lorsqu'un bien est détenu en propriété commune, les bénéfices tirés de l'exploitation de ce bien par un agent sont privés, tandis que le coût de la diminution de la ressource est supporté par l'ensemble des usagers. Ce phénomène peut être interprété en terme d'externalité négative, ce que Provencher et Burt (1993) définissent comme une externalité

de stock.

L’eau souterraine, des usagers multiples et diffus

Contrairement à l’eau de surface dont l’utilisation peut être contrôlée, l’eau souterraine est normalement sujette à des décisions individuelles prises par des centaines (voire des milliers) d’usagers indépendants qui ont un accès direct à la ressource (Llamas et Martinez-Santos, 2005; Llamas et al., 2008). Ces millions d’agriculteurs modestes se comportent de manière myope, voyant les bénéfices à court terme qu’ils peuvent en retirer (Llamas et Martinez-Santos, 2005). Et la connaissance des prélèvements réalisés sur l’eau souterraine est souvent très partielle : ainsi, l’usage agricole est fréquemment sous-estimé (Giordano et Villholth, 2007).

1.4. Une exploitation de plus en plus soutenue et non soutenable

Les premières traces de l'exploitation des eaux souterraines par forage remonteraient à la préhistoire (Petit, 2004), mais il faut attendre la seconde moitié du XXème siècle assister à

une intensification des prélèvements souterrains : le progrès technique, l'amélioration des connaissances hydrogéologiques, l'intensification de l'agriculture, de l'industrie, les Révolutions Vertes, la croissance démographique et les politiques de conquêtes territoriales sont autant de facteurs qui aboutissent à l'exploitation des aquifères à grande échelle. Les prélèvements annuels mondiaux se situeraient aujourd'hui entre 600 et 700 km3 faisant de

l'eau souterraine le premier matériaux brut extrait du sous sol (Foster et Chilton, 2003). L'eau souterraine fournirait plus de 50% des besoins mondiaux en l'eau potable, 40% de la demande industrielle et 20% des usages agricoles (Unesco, 2003).

Or l’exploitation de l’eau souterraine est de plus en plus intense et souvent non durable. Cette exploitation accrue s’explique par la concomitance de différents facteurs (la large disponibilité des techniques de forage et de pompage, une offre en eau fiable pendant les périodes de sécheresse, une disponibilité de l’eau à la demande), conduisant à une « révolution silencieuse » (Llamas et Martinez-Santos, 2005).

2 Ostrom, E.; Gardner, R. & Walker, J.M. Rules, Games, and Common-Pool Resources. Ann Arbor. MI: University of Michigan Press, 1994, cité par (Ostrom, 2001).

(11)

Cette exploitation non soutenable est parfois accentuée par les autres politiques, en particulier la politique agricole et la politique énergétique qui incitent parfois les agriculteurs à irriguer (Giordano et Villholth, 2007).

Tout ceci menace les eaux souterraines de surexploitation, qui peut conduire à un certain nombre de problèmes que nous allons maintenant présenter.

• Des problèmes économiques et sociaux. La diminution du niveau d'une nappe provoque une augmentation des coûts de pompage, ce qui peut aggraver sur les inégalités sociales (Foster et Chilton, 2003), notamment dans les pays en voie de développement où certains n'ont pas les moyens d'approfondir leur puits où d'acheter de pompe assez puissante. La surexploitation peut atteindre un niveau tel que la ressource se tarit ou que les coûts de pompage sont trop importants pour qu'elle soit exploitée, induisant une perte de bien être dommageable pour la société.

• Des problèmes environnementaux. Une diminution du niveau piézométrique peut être la cause, dans certains aquifères, de phénomène irréversibles, comme les intrusions salines ou la subsidence. Lorsque les aquifères sont multicouches – c'est-à-dire séparés par un niveau imperméable – le percement de forage participe à la mise en contact des différents niveaux, favorisant de potentielles contaminations. Les enjeux qualitatifs comme les intrusions salines ou la mise en contact de nappes sont directement reliés aux enjeux quantitatifs. La surexploitation diminue la pression régnant dans l'aquifère, favorisant l'entrée d'eau provenant d'autres systèmes.

Les cours d'eau peuvent servir d'exutoires à certains aquifères. Si le niveau des nappes diminue, les cours d'eau peuvent connaître des assecs préjudiciables pour la faune, la flore et l'activité économique.

• Des problèmes d'information. De manière générale, les systèmes souterrains sont des systèmes à la fois invisibles et d'une extrême complexité, ce qui les rend très difficiles à appréhender (Petit, 2004), aussi bien pour ses usagers que pour ses gestionnaires. Dans de nombreuses zones, la majeure partie des forages n'est pas déclarée, rendant le comportement des premiers inobservable par les seconds. Par analogie avec la littérature économique développée sur les pollutions diffuses, on parle de prélèvements diffus (Giordana et al., 2007).

Les enjeux de gestion liés à la surexploitation des eaux souterraines se heurtent ainsi à la méconnaissance et aux imprécisions qui nourrissent les croyances (Y a-t-il de l'eau ? Pour combien de temps ? Suis-je responsable de la présence de nitrates ? De la diminution de la nappe ? Y a-t-il un risque d'intrusion salée ?) et limite le législateur (en France, la responsabilité ne peut être qu'individuelle et non collective).

La notion même de surexploitation n'est pas clairement définie par la littérature. Une première approche consiste à considérer qu'il y a surexploitation dès lors que les prélèvements dépassent la recharge effective des nappes, ce qui pose la question de l'évaluation de celle-ci. Une autre possibilité est d'évaluer les coûts et les bénéfices engendrés par différents niveaux d'exploitation. D'hydrogéologique, le problème de l'évaluation devient alors économique. (Llamas et Garrido, 2007) insistent cependant sur le fait que ce concept complexe de surexploitation doit comparer les coûts et les bénéfices aussi bien en terme social, économique qu'environnemental et non se reposer sur des critères uniquement hydrogéologiques.

(12)

Encadré : l’eau, un bien économique multiple

Cette ressource vitale à la vie sur Terre qu'est l'eau est longtemps restée absente de la sphère d'étude de l'analyse économique. Adam Smith la considérait comme l'exemple parfait de ces "choses qui ont la plus grande valeur d'usage" et qui n'ont "souvent peu ou pas de

valeur d'échange" (Smith, 1776). Margat fait coïncider le transfert de l'objet "eau" dans la

sphère économique avec le développement des sociétés industrielles (Margat, 1987). La croissance de la demande en eau domestique, industrielle ou agricole, doublée de la pression que font peser les rejets sur les masses d'eau, fait émerger le constat de la limitation des potentialités de production d'eau par le milieu naturel. L'eau devient alors un "bien économique", c'est-à-dire une denrée existant en quantité limitée (rareté), caractérisée par (Erhard-Cassegrain et Margat, 1983) :

• L'existence d'une demande exprimant un besoin • Un moyen de satisfaire cette demande

• La nécessité d'un effort, d'un coût de production

L'intensification de l'exploitation des nappes n'a fait entrer l'eau souterraine dans l'ère de la rareté que plus récemment. Le tournant se situerait dans les décennies 1960 et 1970 (Petit, 2004). La rareté à laquelle est aujourd'hui soumise l'eau est triple :

• Spatiale. L'eau est inégalement répartie sur l'ensemble de la surface terrestre.

• Temporelle. La disponibilité de l'eau douce est soumise, sur une grande partie du globe, à de fortes variations intra et interannuelles.

• Économique. Lorsque l'eau est disponible, le coût d'accès à la ressource (pompage, transport), dans des conditions en adéquation avec les usages (épuration, potabilisation) peut être un facteur de rareté.

La rareté de l'eau est bien moins absolue que relative. Les raretés spatiales et temporelles peuvent en partie s'interpréter en termes de rareté économique, en envisageant les coûts de production, de stockage ou de transport de la ressource qui peuvent être très importants. L'agriculture irriguée est l'activité la plus consommatrice d'eau avec 70% des volumes consommés dans le monde (Unesco, 2003). Contrairement à l'eau potable, qui est un bien de consommation finale, l'eau d'irrigation est un bien de consommation intermédiaire dont les besoins peuvent se compter en milliers de m3/ha, tandis que les marges brutes des

produits agricoles à l'hectare sont relativement faibles. L'eau d'irrigation possède ainsi une faible valeur de réserve. Une grande partie de l'eau disponible sur Terre est alors inaccessible aux agriculteurs. Le dessalement d'eau de mer ne saurait être une ressource d'eau d'irrigation et seul les usages ayant la plus forte valeur d'usage peuvent se permettre de prélever de l'eau souterraine à plus de 100 mètres de profondeur (Green, 2003).

1.5. Conclusion

L’eau souterraine étant indispensable à de nombreux usages, cette eau étant de plus préférée à l’eau de surface, cette eau étant l’objet de prélèvements diffus et sujette à surexploitation, elle doit être gérée.

Le choix des outils de gestion que nous allons maintenant étudier dépend en particulier de deux aspects :

• Le degré d’exploitation de l’eau souterraine (Figure 2 et Tableau 1). • La taille de l’aquifère et le nombre d’usagers présents (Tableau 1).

(13)

Source : Banque Mondiale (2002-2004) cité par (Kemper, 2007)

Figure 2 Les étapes du développement de l’usage de l’eau souterraine dans un grand aquifère et les besoins de gestion correspondant

Faible densité d’usagers agricoles et faible taux de prélèvement comparé à

la recharge

Forte densité d’usagers agricoles d’eau souterraine et fort taux de prélèvement

comparé à la recharge Petit ou moyen

aquifère Faibles coûts de transaction dans le développement et l’application des arrangements institutionnels pour la gestion de l’eau souterraine ; peu d’instruments nécessaires (i.e. réseau de contrôle)

Coûts de transaction moyens à élevés pour instaurer la gestion de l’aquifère mais probablement gérable du fait de la faible étendue géographique où l’intervention est nécessaire ; nécessité d’instruments de gestion pour garantir la durabilité

Grand aquifère Coûts de transaction possiblement

élevés pour le développement et l’application des arrangements institutionnels pour la gestion de l’eau souterraine du fait de la distribution

spatiale ; peu d’instruments

nécessaires tant que les prélèvements restent faibles

Coûts de transactions très élevés pour instaurer une gestion efficace de l’eau souterraine, que ce soit pour faire l’accord, l’appliquer ou le contrôler

Si l’aquifère est peu perméable, une gestion par sous-unité est possible, diminuant les coûts de transaction

Source : (Kemper, 2007)

Tableau 1 Les conséquences pour la gestion de certains types de relations entre les usagers de l’eau souterraine

(14)

Partie 2. Description des outils de gestion des ressources

environnementales

Différents types d’instruments peuvent être instaurés : la plupart tente d’agir directement sur le comportement vis-à-vis de la ressource environnementale soit par une action quantitative, soit par une action incitative, soit par la conclusion d’un accord entre les lésés (ou son représentant) et les pollueurs ou les préleveurs. D’autres ont une action plus indirecte : comme l’achat de terres ou des actions conduites sur les autres politiques ayant une influence sur la ressource environnementale.

Nous considérons la gestion des ressources souterraines comme un cas de gestion où l'information sur le comportement des usagers n'est que peu ou pas observable par les autorités de gestion. On parle alors de prélèvements diffus (Giordana, 2007) par analogie avec la problématique des pollutions diffuses qui présente des caractéristiques proches. C'est pourquoi un certain nombre d'instruments présentés ci-après est hérité de la gestion des pollutions diffuses3.

2.1. Les outils quantitatifs

Ces instruments sont caractérisés par le fait que le régulateur va définir des critères de prélèvement sur une ressource ou d’émission de pollution : les émetteurs ou les préleveurs ne devront pas dépasser un niveau d’émission ou de prélèvement défini à l’avance. Ces critères sont définis par individu ou par groupe. Dans ce second cas, le groupe sera chargé ensuite de se répartir la quantité totale de ressource ou d’autorisation d’émission.

2.1.1. Les instruments réglementaires classiques (command and control)

Depuis les années 1960, les problèmes grandissant d’actions collectives avec des conséquences environnementales ont stimulé le développement d’institutions « command and control » qui utilisaient une combinaison de normes sur la qualité environnementale, d’exigences technologiques, de critères d’émission et d’autres restrictions pour contrôler l’utilisation des ressources naturelles (Lubell et al., 2002). Des restrictions progressives de prélèvement d’eau sont ainsi instaurées en cas de sécheresse conjoncturelle (arrêtés sécheresse en France). Au-delà de ces réponses aux pénuries conjoncturelles, la réglementation s’adresse également aux pénuries structurelles en instaurant des quotas d’eau, définis en volume, en débit et/ou en temps (Montginoul et Rinaudo, 1999).

La réglementation prévoit également des autorisations nécessaires pour produire ou faire des investissements (comme réaliser des forages), ce qui peut avoir un impact sur l’état de la ressource ensuite. Ainsi, pour recevoir l’autorisation de mettre en valeur une terre, les parties doivent assurer que la terre est rétablie de manière à réduire les pertes pour l’habitat et aussi dans certains cas les pertes de services rendus (Salzman, 2005b).

Cette réglementation permet au final parfois d’établir des droits de propriété individuels (plus ou moins révocables, plus ou moins restrictifs pour tenir compte des externalités) sur les ressources environnementales, en délivrant des permis de prélèvement d’eau donnés sous contraintes de conditions d’utilisation dûment spécifiées.

3 De manière générale, on peut introduire la notion de problèmes diffus, regroupant pollution et prélèvements diffus.

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2.1.2. La définition de droits collectifs et la création d’associations d’usagers

Au lieu de définir des droits de propriété individuelle, il est possible de reconnaître le statut de ressource en propriété commune en fixant des objectifs collectifs à atteindre aux individus géographiquement concernés par cette dernière : au lieu de définir des droits d’eau individuels, ce seront des règles qui se mettront en place (« rules rather than rights », Van Steenbergen et Shah, 2003 in (Llamas et Custodio, 2003)).

On parlera alors de « gestion locale », qui peut être définie comme étant la régulation de l’usage de la ressource (par exemple de l’eau souterraine) par des parties prenantes locales, c'est-à-dire des gouvernements locaux et des usagers de cette ressource (van Steenbergen, 2006). D’autres termes sont également utilisés : autogestion (« self-regulation ») ou gestion collective décentralisée (Lopez-Gunn et Cortina, 2006).

Cette gestion locale crée ou développe le rôle des micro-institutions, susceptibles de réduire les coûts de la coordination des acteurs. Ces dispositifs micro-institutionnels « s'intercalent entre les règles du jeu globales balisant l'environnement institutionnel d'un part, et les agents d'autre part » (Ménard, 2003).

2.2. Les outils incitatifs

Les outils incitatifs sont caractérisés par le fait qu’ils essaient d’induire un comportement souhaité mais qu’ils ne contraignent pas les individus. Ils peuvent être conçus de différentes manières : soit le régulateur s’adresse directement à chaque individu, soit à une collectivité d’individu soit aux deux (instruments incitatifs mixtes).

2.2.1. La taxation et/ou la subvention individuelle

Une taxation ou une subvention est instaurée pour chaque pollueur ou préleveur.

Cette taxation ou subvention unitaire peut porter soit sur la ressource en elle-même ou une tarification sur les outils permettant d’y accéder (les pompes, les forages, l’énergie)4

(Kemper, 2007). Des subventions peuvent ainsi être proposées pour les améliorations technologiques (Kemper, 2007).

Si elle porte sur la ressource elle-même, son montant peut dépendre du niveau de pollution/prélèvement : nul avant un certain seuil jugé pertinent, positif au-delà/en deçà. Une taxation peut aussi être envisagée dès la première unité de pollution ou le premier mètre cube extrait, reprenant le principe du Pollueur (ou Préleveur) Payeur.

Pour être efficace (à savoir atteindre l’objectif fixé en matière de pollution ou de prélèvement), elle doit être accompagnée de modalités de contrôle (comme un contrôle aléatoire) assorties de sanctions (appliquées) fixées à un niveau suffisant pour dissuader la fraude.

Des systèmes de taxation plus ou moins sophistiqués peuvent également être envisagés pour palier les problèmes de fausse déclaration : ainsi, il est possible de faire payer une taxe plus élevée pour tenir compte des fausses déclarations et de la rembourser en cas de contrôle qui montre la bonne foi (Swierzbinski, 1994). Il est aussi possible d’envisager des systèmes de pénalité croissante si un agent (individu, entreprise,…) est pris plusieurs fois à frauder. Il est également envisageable qu’un agent ayant été convaincu de fraude ait une probabilité d’être de nouveau contrôlé supérieure.

4 La taxation des outils permettant d’accéder à la ressource peut être considérée comme un outil d’action indirect sur les prélèvements d’eau. Nous présentons d’ailleurs la politique énergétique dans la partie « outil d’action indirect ». Nous choisissons toutefois de conserver ici la taxation des forages et des pompes, ces ouvrages ou outils n’ayant pas d’autre utilisation que celui d’extraire de l’eau.

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2.2.2. La taxation et/ou la subvention collective

Lorsqu’il n’est pas possible ou trop coûteux d’identifier individuellement les responsables de la dégradation d’une ressource environnementale, il peut être envisagé de mettre en place un instrument collectif. Ainsi, Segerson (Segerson, 1988) propose un mécanisme collectif

de pénalité et de subvention : un groupe de pollueurs paie des pénalités si la pollution

diffuse à un point de contrôle excède l’objectif de qualité de l’eau et reçoit des subventions si elle est restée en dessous de cet objectif (Poe et al., 2004).

Le contrôle se focalise donc sur la concentration totale de polluants dans une zone géographique donnée. Il s'agit de définir un objectif mesurable (pollution d'une masse d'eau), reflétant le comportement agrégé des agents (pollution totale émise ou pollution ambiante). En cas de dépassement du niveau défini, une pénalité est imposée à chaque entreprise de la zone géographique concernée (Holmström, 1982).

Ce type de mécanisme proposé pour lutter contre les pollutions diffuses peut, en première approche au moins, être également mis en place pour gérer les prélèvements diffus grâce à la définition de seuils piézométriques.

2.2.3. Les mécanismes incitatifs combinés

Une critique communément faite à la taxation collective est qu’elle pénalise l’ensemble des usagers d’une ressource, qu’ils aient un comportement correct ou non. L’objectif des mécanismes incitatifs combinés est de permettre à ceux qui jouent le jeu de ne pas être sanctionnés.

Kriticos propose ainsi un mécanisme à double pénalité avec des amendes individuelles et collectives (Kritikos, 2004) :

• La pénalité collective est levée sur toutes les firmes d’une région, si le niveau de pollution ambiante est supérieur à une quantité seuil autorisée. Le niveau de cette pénalité (ΦKj) dépend linéairement de la différence entre le niveau observé (E) et le niveau de pollution à ne pas dépasser (Ez). Elle est bornée en fonction du profit généré par chaque firme (πj). Ainsi, une firme peut soit payer le montant du profit généré ou le niveau de pénalité calculé.

ΦKj = min (πj, (E − Ez)φK)

• La pénalité individuelle est imposée uniquement sur une firme contrôlée et dont les émissions excèdent le montant révélé par le paiement des taxes d’émission. La pénalité est une fonction linéaire de l’excès d’émission individuelle :

ΦIj = (εj − εzj)φI Au total, c’est un mécanisme à double pénalité :

Φj = α ΦIj + β ΦKj Avec :

α = 1 en cas d’inspection et d’émission individuelle supérieure au seuil, α = 0 sinon

β = 0 si le seuil de pénalisation collective n’est pas atteint ou si, en cas d’inspection, on constate que la firme n’a pas dépassé le seuil fixé, β = 1 sinon

Les entreprises contrôlées et non conformes sont donc punies doublement (pénalité individuelle et collective) ; les entreprises contrôlées et conformes sont exemptées de la pénalité collective.

Ce type d’instrument ne peut être mis en place que si le comportement des agents est observable, mais à un coût élevé, ce qui constitue un cas particulier de problème diffus.

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Dans le domaine de l’eau, cela signifie que les usagers doivent être recensés et posséder des compteurs.

Ce type d’instrument peut également être critiqué dans le sens où les firmes conformes mais non contrôlées seront toujours injustement pénalisées si elles n’ont pas les moyens de faire part au régulateur de leur bonne foi. D’où la proposition de Kritikos (2004) de permettre aux entreprises de faire des auto-déclarations.

Un mécanisme alternatif mixte peut être ainsi envisagé : proposer aux firmes présentes sur le territoire soit de transmettre au régulateur les informations quant à leur comportement et de lui permettre de contrôler la déclaration (présence de compteur / de moyens de mesures des polluants / …), soit de ne pas révéler d’information. Les premières seraient soumises à une taxation individuelle classique et donc aussi à un contrôle aléatoire (avec pénalités en cas de fausse déclaration), les secondes continuent à être sujettes à une pénalité collective sans contrôle.

2.3. Les outils coopératifs

Les arrangements coopératifs sont des accords passés entre différents individus ou entités pour mieux gérer la ressource environnementale. Ils s’inscrivent dans les approches volontaires qui sont « des dispositifs en vertu desquels les entreprises s’engagent volontairement à améliorer leurs performances environnementales » (OCDE, 1999).

2.3.1. Des arrangements formels ou informels

Les arrangements coopératifs peuvent être informels ou prendre la forme de contrats. Différents types de contrats formels ont déjà été proposés pour inciter les agriculteurs à adopter des pratiques favorables à l’environnement (Bosc et Doussan, 2009) :

• En 1992, le Règlement communautaire 2078 concernant des méthodes de production compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel prévoit le versement d’aides publiques en contrepartie de certaines pratiques agricoles (Bosc et Doussan, 2009). Les Contrats Territoriaux d’Exploitation (CTE) ont été ensuite remplacés par les Contrats d’agriculture durable.

• La Loi d’orientation agricole du 5/01/2006 propose des clauses ayant pour objet le respect de l’environnement qui peuvent être incluses dans les baux ruraux (Bosc et Doussan, 2009).

• Enfin le droit privé offre une autre possibilité : celle des servitudes conventionnelles (Bosc et Doussan, 2009).

2.3.2. Des arrangements spontanés ou initiés par une entité publique

Ils peuvent être conclus qu’entre des entités privées ou être initiés par une entité

publique (Salzman, 2005b). Se créent ainsi :

• Des marchés purement privés, où des acheteurs et des vendeurs privés s’échangent contre paiement des services pour leur propre intérêt sans aucun rôle majeur du gouvernement pour faire respecter ces contrats (Salzman, 2005b). Le meilleur exemple d’un tel marché est le cas de Perrier Vittel (cf. section 3.1).

Notons un cas extrême d’accord volontaire : celui où les firmes s’engagent unilatéralement sans intervention de l’Etat à réduire leur impact sur l’environnement (David, 2004).

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• Des marchés de paiement initiés par des autorités gouvernementales. Ce sont les marchés les plus fréquemment rencontrés (Salzman, 2005b).

Ces marchés sont caractérisés par le rôle central des paiements du gouvernement et par le fait qu’il n’y a qu’un seul acheteur (Salzman, 2005b), ce qui diminue les coûts de transaction et facilite la coordination.

Ces accords volontaires peuvent être de deux types (OCDE, 1999) :

• Des programmes publics volontaires proposés par le gouvernement (ou l’agence environnementale) qui élabore des engagements auxquels les entreprises peuvent, si elles le souhaitent, souscrire. C’est en quelque sorte une « réglementation volontaire » (David, 2004), les pouvoirs publics conservant un rôle important, celui de déterminer les mesures de protection de l’environnement.

• Les accords négociés volontaires désignent quant à eux des engagements définis à l’issue d’une négociation entre l’organisation chargée de la politique environnementale et l’industrie.

Le cas le plus connu est celui de l’histoire de l’approvisionnement en eau potable de la ville de New York (cf. section 3.1). D’autres exemples se retrouvent dans le monde : en Australie dans l’Etat de Victoria où le programme « Bushtender » permet de conserver des espèces spécifiques sur des terres privées ; au Costa Rica où en 1997 a été mis en place un système de paiement pour protéger les services rendus par l’écosystème.

2.3.3. Le moteur des arrangements : la menace ou la subvention

Il y a deux types d’arrangements coopératifs (Segerson et Miceli, 1998) :

• l’approche par le bâton : la participation à la gestion coopérative est stimulée par les menaces de mise en place de législations plus sévères si l’objectif environnemental visé n’est pas atteint. Cette seconde approche est aussi à l’œuvre lorsque l’on conditionne la pérennisation du programme de subvention à l’atteinte d’objectifs collectifs (pourcentage de firmes adhérant au programme, …). Cela est par exemple le cas des arrangements passés entre la ville de New York et les agriculteurs (Appleton, 2002).

• l’approche par la carotte : la participation est encouragée par des paiements incitatifs comme des programmes de subvention ou de partage de coûts pour l’investissement dans des technologies moins polluantes. On parle alors d’accords volontaires.

L’utilisation de l’approche par la carotte pour la protection environnementale a été plutôt utilisées pour certains secteurs comme l’agriculture (Segerson et Miceli, 1998). Les politiques conçues pour réduire la pollution agricole ont été historiquement reliées à la participation volontaire pour la préservation des sols et d’autres programmes pour le contrôle de l’érosion (Segerson et Miceli, 1998).

Dans la catégorie des accords volontaires, on peut classer la politique des réserves de

substitution : elle peut par exemple proposer aux usagers de ressources en eau

considérées comme surexploitées soit saisonnièrement soit de manière permanente une ressource en eau substitut considérée plus abondante : c’est souvent une eau stockée dans une retenue qui est remplie en dehors des périodes d’étiage.

Cette proposition d’une ressource substitut peut se faire de deux manières : dans le premier cas, on laisse l’agriculteur libre de son choix, en lui proposant le service sans lui imposer. C’est le cas le plus fréquemment rencontré : des barrages sont créés et des réseaux de distribution sont construits, libres aux usagers ensuite d’en utiliser les eaux.

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Dans le second cas, on construit des réserves qui viennent en substitution de la ressource préalablement mobilisée. Dans ce cas, l’usager s’engage à ne plus utiliser la première ressource. Cet engagement peut se traduire par un renoncement aux droits d’eau qu’il possédait sur la précédente ressource ou par des actions physiques (comme le rebouchage des puits et forages s’il pompait préalablement en nappe).

2.3.4. Les caractéristiques des arrangements

Les accords volontaires sont caractérisés par les éléments suivants :

• Il n’y a aucune obligation de participer à un accord (Heinz, 2007; Miranda et al., 2007). Il n’y a ainsi aucune exigence à participer à un accord, donc aucune pénalité pour les non participants (comme des amendes ou des actions en justice) et dans la plupart des cas aucune pénalité dans l’arrêt de la participation (Karamanos, 20015, p.

68 cité par (Miranda et al., 2007)).

L’objectif est d’améliorer les conditions de l’environnement par des accords formels (à savoir la signature d’un contrat, qui permet une souplesse initiale lors de la négociation des termes du contrat puis qui a force obligatoire une fois signé (Bosc et Doussan, 2009)) ou non, sur des secteurs très variés (secteur public, entreprises, associations, …) (Miranda et al., 2007).

Labatt et Maclaren (1998, p. 198)6 selon (Miranda et al., 2007) distinguent 4

catégories de raisons qui expliquent que des entreprises en signent : o La menace de réglementations plus strictes ;

o L’image publique de l’entreprise (pression sociale et des consommateurs) ; o Des considérations financières ;

o La pression des pairs.

• Une autorégulation entre les acteurs (Heinz, 2007) ;

• Le caractère localisé et spécifique du partenariat (Heinz, 2007).

2.4. Les outils indirects

D’autres instruments peuvent également être envisagés pour gérer les ressources environnementales, s’appuyant sur des actions indirectes.

2.4.1. Achat de terres

Lorsque les problèmes environnementaux sont liés à la terre, une solution consiste à acheter des terres dans la zone polluée ou dans la zone de prélèvement. C'est le cas pour des problèmes de pollution diffuse, de prélèvements d'eau souterraine (l'accès à l'eau est lié à la terre) ou lorsque le droit d'eau (souterraine ou de surface) est lié au droit foncier, comme c'est le cas dans l'ouest des Etats Unis.

L’achat peut être imposé (droit de préemption) ou volontaire. Dans le premier cas, le gouvernement préempte la propriété privée en échange d’une compensation financière ; dans le second cas, il achète des terres ou des droits environnementaux volontairement cédées par les propriétaires (Echeverria, 2005).

5 Karamanos, P.: 2001, Voluntary environmental agreements: evolution and definition of a new environmental policy approach, Journal of environmental planning and management 44(1), 67–84

6 Labatt, S. and Maclaren, V.: 1998, “Voluntary corporate environmental initiatives: a typology and preliminary investigation”, Environment and Planning C: Government and Policy 16(2), 191–209

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2.4.2. Action indirecte par les autres politiques

Les politiques agricoles (politique de soutien à l’agriculture irriguée, politique de soutien des prix, …) (Shah, 2007) ainsi que les politiques énergétiques (Shah, 2007) peuvent avoir un impact très important sur le comportement des agriculteurs en matière de pollution ou de prélèvement d’eau.

Ainsi, (Shah, 2007) propose de passer à une tarification volumétrique de l’électricité en Inde (contre une tarification forfaitaire actuellement). Cette solution semblant difficile à mettre en place du fait des résistances de la part des agriculteurs, il propose au moins de ne plus subventionner l’électricité et d’en rationner l’accès (Shah, 2007).

Dans la même optique, si l’on souhaite que les usagers prélèvent dans une ressource en eau (par exemple de l’eau de surface) plutôt qu’une autre (comme l’eau souterraine), si une action directe sur l’eau souterraine est difficile ou impossible à mettre en place, il est possible d’agir sur l’eau de surface, en la rendant attractive, par exemple en matière de coût d’accès.

2.5. Conclusion

Gérer les prélèvements individuels d’eau revient à gérer des prélèvements diffus, ce qui est très semblable (en première approche au moins) à gérer les pollutions diffuses. C’est pourquoi la revue de littérature présentée dans cette section a cherché les outils de gestion mobilisés ou mobilisables pour gérer les prélèvements et les pollutions diffuses. Ils sont de différents types : quantitatifs, incitatifs, coopératifs, …

Dans le cas des prélèvements individuels en nappe, le régulateur est confronté à un double

problème informationnel :

• Aléa moral : il n’observe pas les actions entreprises par les préleveurs diffus ;

• Anti-sélection (ou « sélection adverse ») : les préleveurs diffus possèdent des informations privées auxquelles le régulateur n’a pas accès.

Dans ce contexte, le régulateur a deux possibilités pour gérer ces prélèvements individuels : • Faire révéler les informations cachées : obligation de déclaration des ouvrages de

prélèvement, de leurs caractéristiques et des quantités d’eau prélevées. Avec des sanctions en cas de non respect. Dans ces conditions, les outils de gestion individuels peuvent alors être envisagés.

• Engager des procédures de gestion collective.

Il existe un continuum dans les actions envisageables allant de l’action individuelle à l’action collective : les subventions / taxes individuelles, puis les instruments mixtes ou les accords (volontaires ou avec contraintes), enfin la création d’associations d’usagers ou les systèmes de pénalités collectives. Les instruments intermédiaires (mixtes/accords) peuvent être conçus pour inciter les agents à joindre un collectif plutôt que d’y échapper (Ali, 2008). Les outils peuvent également être considérés de manière complémentaire pour :

• Répondre à des objectifs différents (équité, efficience, …) ;

• Répondre à des problèmes de nature différente (pénurie conjoncturelle / structurelle / future) ;

• Cibler différents types de population (population au comportement collectif / celle au comportement individuel) ;

• Gagner l’acceptation de la société.

Pour répondre à ce dernier objectif, on constate ainsi que les arrangements coopératifs entre les agriculteurs et les vendeurs d’eau sont souvent des combinaisons de législation et de

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paiements incitatifs qui permettent d’améliorer les pratiques environnementales (Oltmer, 2003). Les paiements peuvent ainsi être utilisés transitoirement, le temps de faire accepter les nouvelles normes, alors que les instruments réglementaires ou les taxes sont des outils de long terme (Salzman, 2005a) : il peut ainsi être efficient de rémunérer les pionniers du changement et de pénaliser plus tard ceux qui refusent de changer (Echeverria, 2005; Salzman, 2005a). L’existence temporaire des accords coopératifs est intéressante, le temps que se fasse l’acculturation (vue comme l'appropriation d'une culture exogène) à la nouvelle norme sociale (l’agriculture intensive est polluante et donc sujette à des contraintes comme les autres pollueurs). Les solutions autogérées ne sont pas une alternative aux obligations réglementaires ou aux politiques agro-environnementales, elles viennent alors plutôt soutenir ces instruments plus traditionnels (Brouwer and al. (2003)7 cité par (Barraqué, 2008)).

Quel que soit le type d’action choisie, le coût des actions de gestion est supporté soit par le producteur d’externalité (pollueur ou préleveur) soit par le régulateur ou la victime de la pollution (/ du prélèvement). Cela dépend de la manière dont on analyse la ressource étudiée : est-elle une propriété exclusive de celui qui l’utilise (dans ces conditions, c’est à la victime de prendre en charge le coût des actions) ou non (dans ces conditions, c’est au pollueur /préleveur de payer).

De même, l’action de gestion peut être imposée par la seule autorité publique, mais elle peut aussi être décidée de manière coordonnée avec les pollueurs/préleveurs. Elle peut enfin laisser à ces derniers la liberté de choisir leurs actions.

En adaptant une typologie proposée par Echeverria (Echeverria, 2005) pour la protection de terres privées8, le Tableau 2 propose une typologie des outils présentés dans cette partie

pour gérer les prélèvements/pollutions diffuses.

Le producteur d’externalité (pollueur/préleveur) paie

Le lésé / le régulateur paie Le lésé / le régulateur décide Réglementation

Pénalité collective

Achat de terres avec préemption Les deux décident Associations d’usagers

Instrument mixte Réserves de substitution Accords volontaires Le producteur d’externalité décide Taxation Engagement volontaire Subvention

Source : d’après l’idée originale de (Echeverria, 2005)

Tableau 2 Les différentes approches pour gérer les prélèvements individuels

Analysé d’un autre angle, les autorités peuvent intervenir de cinq manières différentes (Barraqué, 2008; Salzman, 2005a) :

7 Brouwer F., Heinz I., Zabel T. (2003) – Governance of water-related conflicts in agriculture. New directions in agri-environmental and water policies in the EU, Kluwer, collection Environment and Policy, 37

8 Les différentes approches pour la protection des terres (Echeverria, 2005) :

Le public paie Le public ne paie pas

Le gouvernement décide Domaine éminent Régulation

Les deux décident Achat gouvernemental de terres

volontairement vendues Zonage par pétition

Le propriétaire privé décide Réduction de taxes et autres subventions publiques

Marché libre sur l’environnement / libre entreprise

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1. la prescription : c’est l’approche réglementaire classique (command-and-control) qui est parfois difficile à mettre en œuvre, surtout en cas de prélèvement diffus ;

2. la pénalité : l’instauration d’une taxation individuelle (comme les redevances de l’Agence de l’Eau) ou collective ;

3. la persuasion via une information sur les effets négatifs pour une autorégulation (qui peut conduire les firmes à s’engager volontairement et sans contrepartie à réduire leurs pollutions ou leurs prélèvements) ;

4. la propriété : les autorités peuvent acquérir des terres ou des droits sur la ressource ou réglementer l’accès à une ressource (ce qui facilitera ensuite la réglementation) ; 5. le paiement : subventionner directement ou par des dégrèvements fiscaux des

pratiques bénéfiques pour la société mais non intégrées par le marché. On peut inclure dans cette catégorie la création de réserves de substitution, souvent très fortement subventionnées.

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Partie 3. Quelques exemples d’instruments collectifs de

gestion des ressources

Nous abordons dans cette partie certains exemples d’instruments de gestion collectifs instaurés à travers le monde, à savoir des accords et la création d’associations d’usagers de l’eau. Si les premiers s’adressent à des questions de pollution diffuse, les seconds concernent directement des problèmes de prélèvement d’eau en nappe.

3.1. Les accords : un instrument développé pour lutter contre les

pollutions diffuses

Les accords sont des moyens parfois développés à travers le monde pour lutter contre les pollutions diffuses. Nous présentons ici les cas concernant la pollution de l’eau destinée à l’alimentation humaine. On retrouve de tels accords notamment en Europe (Heinz, 2007).

Source : (Heinz, 2007)

Tableau 3 Fréquence des accords coopératifs dans les Etats membres européens

Ils sont particulièrement développés en Allemagne, qui semble réticente à une approche par la taxation (il n’y a en effet aucune taxe sur les pesticides et les engrais), mais qui instaure souvent une redevance sur le prélèvement d’eau (surtout pour l’eau potable) pour protéger les eaux souterraines (Barraqué, 2008). Les accords volontaires jouent ainsi un rôle majeur dans la mise en œuvre des règles dans les zones de protection des captages pour un coût modeste (entre 0.5 et 10 centimes d’euro) (Barraqué, 2008).

Des partenariats existent également en France, même s’ils ont eu souvent du mal à émerger, les compensations proposées étant souvent jugées trop faibles pour intéresser les agriculteurs et avec des chambres d’agriculture hostiles car pensant perdre ainsi de la légitimité (Barraqué, 2008)9. Ces partenariats réunissent différentes entités :

• Des distributeurs d’eau et des agriculteurs. C’est la situation majoritairement rencontrée. Un projet de recherche (EVEC – « Eau des Villes et Eau des Champs ») en a étudié un certain nombre (Barraqué, 2008) :

o La communauté de communes d’Auxerre. Un contrat rural sur 5 ans a été financé par l’Agence de l’Eau Seine Normandie pour protéger les captages de la plaine du Saulce. Il a émergé d’une concertation entre 3 acteurs (Auxerre et

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sa communauté de communes, des collectivités du territoire où Auxerre prend son eau potable et les agriculteurs soutenus par la Chambre d’Agriculture) (Barraqué, 2008).

Il a connu 3 phases (Barraqué, 2008) :

1. La réflexion au sein de la communauté de communes d’Auxerre a conduit à choisir une politique préventive et à créer une association pour la qualité de l’eau, l’achat de 1000 hectares pour sanctuariser le captage étant jugé trop cher.

2. Un diagnostic et une concertation en tentant d’éviter tout braquage des agriculteurs et des responsables locaux contre la ville. L’animateur chargé de conduire le diagnostic global du bassin est basé à la Chambre d’Agriculture.

3. La signature d’un contrat rural, consistant surtout en une animation et un conseil technique agricole, les communes ne souhaitant pas rémunérer directement les agriculteurs qui réduisent leur pollution.

Le bilan de ce programme resterait mitigé (Barraqué, 2008) : seuls 50% des agriculteurs (40% des surfaces) se sont engagés, la politique restant trop timorée du fait d’un manque de volonté politique et de lisibilité pour les agriculteurs. Aucune modification de l’assolement n’a été constatée, pas plus que des changements de pratique de fertilisation

Selon (Barraqué, 2008), on a à faire à un arrangement de reconquête et non à des accords purement préventifs.

o Le syndicat intercommunal Pyrénées Atlantiques. Une indemnisation financière est proposée aux propriétaires en échange de la session de terres au syndicat (Beslay, 2006)10.

o Vacquières (Hérault) : une pédagogie non contractuelle est l’instrument choisi par les pouvoirs publics pour influencer les pratiques des viticulteurs. Ce cas est une réussite : absence de solutions techniques alternatives, disponibilité des financements publics, des facteurs sociologiques et politiques favorables à la négociation (16 agriculteurs, une désignation sans accusation, une échelle réduite, des médiateurs légitimes et coordonnés, ancienneté du syndicat mixte, un outil de revalorisation du vignoble) (Bosc et Doussan, 2009).

o Narbonne (Aude) (Bosc et Doussan, 2009). Les 10 plus gros viticulteurs (représentant 96% du vignoble) dont les terres sont situées sur le périmètre d’alimentation en eau potable de la ville de Narbonne sont convoqués. Ils signeront au printemps 2001 des contrats individuels annuels avec la société fermière qui gère les forages en s’engageant à ne plus utiliser les triazines. Des compensations financières sont prévues pour compenser, jusqu’en 2004 (échéance probable d’interdiction légale des triazines), les surcoûts liés au changement d’herbicide (115.86 € HT pour les vignes de moins de 4 ans, 27.44 € sinon).

• Une agence de l’eau et des agriculteurs bio : un contrat de 5 ans est signé entre l’Agence de l’Eau Seine Normandie et le groupement d’agriculture biologique

10 Beslay, C. (2006) : La mise en place des périmètres de protection des captages d’eau potable. Etude de cas dans les Pyrénées Atlantiques. In B. Barraqué, P. Garin et D. Salles (Dir), « L’eau des villes et l’eau des champs, négociation territoriale et génie de l’environnement : élargissement des périmètres de captages par contractualisation avec les agriculteurs », Rapport PIDUD, D2RT.

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France (Anonyme, 2008). Son objectif est de protéger et reconquérir la ressource en eau autour des zones où se trouvent les captages prioritaires de la région. « Le principe est de profiter des pratiques agronomiques de l'agriculture biologique sans pesticides ni engrais chimiques pour : à court terme, préserver la ressource en eau tout en réduisant les coûts de son traitement par la prévention de la pollution à la source ; à plus long terme, améliorer la qualité des eaux et réduire les impacts sur les milieux naturels » (Anonyme, 2008).

C’est un contrat d'animation et d'assistance technique qui comprend la mise à disposition d'une équipe composée de plusieurs animateurs, dont la principale mission est « d’accompagner et de favoriser les conversions en agriculture biologique ainsi que de sensibiliser, promouvoir, vulgariser et diffuser ces pratiques, notamment auprès des jeunes dans les établissements d'enseignement agricole » (Anonyme, 2008).

• Une entreprise privée et des agriculteurs : le cas de Vittel (cf. ci-après).

Nous présentons ici trois cas particuliers : celui de Vittel, celui de New York et celui de Munich.

3.1.1. Le cas de Vittel

L’eau de Vittel, distribuée en bouteilles par une entreprise privée, est menacée de pollution par des nitrates. L’entreprise privée décide de contractualiser avec les agriculteurs pour qu’ils aient des pratiques moins polluantes.

Selon (Déprés et al., 2008), la contractualisation a été une réussite car un certain nombre de conditions été réunies :

• Les parties impliquées étaient bien identifiées.

• Elles n’étaient pas nombreuses (37 agriculteurs sur 3500 ha).

• La définition des droits de propriété précis était possible à un coût raisonnable.

• Les coûts de transaction et de réduction de la pollution étaient suffisamment faibles par rapport au bénéfice privé tiré par l'entreprise de l’arrangement. La limitation de ces coûts a notamment été permise par le faible nombre de parties contractantes. • La présence d’une équipe de recherche a permis de bien définir les droits et a joué le

rôle de médiateur.

• Une entreprise de conseil agricole a été créée pour conseiller, accompagner, contrôler et faire appliquer les contrats avec les agriculteurs.

• Un dédommagement intéressant et diversifié a été proposé, les agriculteurs étant récompensés de différentes manières :

o une augmentation de la surface agricole exploitable, (utilisation stratégique des terres achetées (offertes gratuitement à l’utilisation …))

o des quotas laitiers supplémentaires, o un soutien au revenu,

o une compensation pour abandonner les pratiques antérieures, o des subventions aux équipements et

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Trois difficultés ont été surmontées (Déprés et al., 2008), à savoir : • le niveau du dédommagement,

• la situation de monopole bilatéral (chaque agriculteur localisé dans la zone stratégique a une sorte de pouvoir de monopole parce que ses terres ne sont pas substituables avec d’autres terres similaires),

• la présence d’effets externes (ici les agents pouvaient s’opposer au développement de droits d’eau pour les pratiques agricoles même s’ils avaient la possibilité d’obtenir des gains importants parce que de tels droits viendraient perturber des normes culturelles et rompre la communauté agricole).

En conclusion, (Déprés et al., 2008) mettent en avant quatre éléments qui sont importants à prendre en considération pour une réussite de l’arrangement :

• la taille (des zones plus grandes, un plus grand nombre d’agriculteurs, des agriculteurs plus hétérogènes),

• l’urgence de la mise en œuvre (le processus de contractualisation est assez long), • l’existence d’un secteur à haute profitabilité privée,

• la forte implication d’une équipe de recherche publique.

3.1.2. Le cas de New York

L’eau de la ville de New York est distribuée à 9 millions de personnes et ne nécessitait, avant les années 1990, aucun traitement (Appleton, 2002).

La ressource en eau vient de deux bassins captants : Caston, représentant 10% de la ressource. Ce périmètre a été confronté à la fin des années 80 à une périurbanisation rapide et à des problèmes de pollutions diffuses. Le périmètre de Cat-Del représente quant à lui 90% de la ressource utilisée : c’est une zone rurale, composée d’exploitations agricoles, de forêts et de petites villes. Dans ce périmètre, 30% des terres appartiennent à des entités publiques et sont de ce fait protégées d’un développement anarchique. Toutefois, à la fin des années 80, dans cette zone également, des changements se produisent (que ce soit sur l’agriculture, sur la forêt ou sur l’habitat avec une tendance au développement des résidences secondaires) qui menacent la qualité de l’eau (Appleton, 2002).

Ces évolutions ainsi qu’une législation plus prudente auraient pu conduire à la nécessité de pratiquer un traitement de l’eau. Mais il a été décidé d’essayer plutôt d’investir dans un programme de préservation de l’environnement rural du périmètre de Cat-De (Appleton, 2002).

Les premières mesures prises furent d’ordre réglementaire, cherchant à mettre en place des mesures qui luttent contre les pollutions diffuses sur ce périmètre. Elles ont été rejetées par les agriculteurs qui s’y sont opposé les considérant comme conduisant à une diminution de leur bien-être et à une destruction de la valeur de leur terre (Appleton, 2002).

Une médiation a alors été mise en œuvre grâce à l’appui du State Department of Agriculture. La première étape de cette médiation a consisté à « s’éduquer mutuellement » : les deux parties se sont ainsi expliqué leurs contraintes respectives (Appleton, 2002).

Ceci a permis ensuite de construire un « whole farm planning » (Appleton, 2002) :

• La ville s’engageait ainsi à payer les coûts opérationnels du programme ainsi que les coûts en capital des investissements pour contrôler la pollution supportés par chaque exploitation agricole ;

Figure

Figure 1 : Valeur de court terme de l'eau tout au long du cycle de croissance du maïs en  Gascogne pour l'année 1998
Figure 2 Les étapes du développement de l’usage de l’eau souterraine dans un grand  aquifère et les besoins de gestion correspondant
Tableau 2 Les différentes approches pour gérer les prélèvements individuels
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