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La contribution des Moissons du Québec dans la réduction de l'insécurité alimentaire des ménages

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Academic year: 2021

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La contribution des Moissons du Québec dans la

réduction de l’insécurité alimentaire des ménages

Mémoire

Solange Law Kwon

Maîtrise en agroéconomie – Consommation

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

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iii

Résumé

L’insécurité alimentaire (IA) est un problème de santé publique qui existe dans un pays développé comme le Canada. Pourtant, peu d’études ont traité ce sujet, notamment au Québec. Malgré leur capacité limitée à répondre aux besoins nutritionnels, les banques alimentaires demeurent une solution pour les ménages à faible revenu. Mais quelle est leur véritable contribution dans cette réduction de l’IA chez les ménages québécois et qu’est-ce qui la fait varier? Les résultats obtenus indiquent que ces organismes contribuent à 12,41% de ce qui est recommandé par le Guide alimentaire canadien, tous groupes confondus. Elles contribuent à 15,93% en fruits et légumes, à 13,73% en produits céréaliers, à 12,47% en produits laitiers et à 7,53% en viandes. Les variables influençant significativement ces contributions sont également présentées dans ce mémoire. Il semble notamment que les ménages formés d’adultes seulement, en région rurale, sont les plus avantagés par ces dons.

Mots-clés : insécurité alimentaire ; banques alimentaires ; Québec ; Guide alimentaire

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v

Abstract

Food insecurity (FI) is a public health problem which exists in developed countries, like Canada. However, few studies have addressed this issue, particularly in Quebec. Despite their limited capacity to fulfill nutritional needs, food banks remain a solution for low-income households. But how much do they really contribute to reduce FI in Quebec households and what variables make this food aid vary? The results obtained indicate that they contribute overall to 12.41% of what is recommended by Canada's Food Guide, in all food groups. They contribute to 15.93% in fruits and vegetables, to 13.73% in cereal products, to 12.47% in dairy products and to 7.53% in meat. Variables significantly influencing the contributions of food banks are also presented in this thesis. In particular, it appears that households formed by adults only, in rural areas, are the most privileged by these donations.

Key words: food insecurity; food banks; Quebec; Canada’s Food Guide; global

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vii

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... xiii

Liste des abréviations ... xv

Remerciements ... xix

Chapitre 1 : Introduction ... 1

1.1.La sécurité alimentaire ... 1

1.1.1.Définitions ... 1 1.1.2. Dimensions ... 2 1.2.L’insécurité alimentaire ... 3 1.2.1.Définitions ... 3 1.2.2.Dimensions ... 4 1.2.3.Niveaux d’intensité ... 5 1.2.4.Temporalité ou fréquence... 8

1.3. Les banques alimentaires ... 9

Chapitre 2 : Intérêt du sujet de recherche ... 11

2.1. Mesure de l’insécurité alimentaire ... 12

2.1.1. Indicateurs directs ... 12

2.1.2. Indicateurs indirects ... 13

2.2. Conséquences de l’insécurité alimentaire ... 16

2.2.1. Conséquences sur la santé globale ... 16

2.2.2. Conséquences sur la santé physique ... 17

2.2.3. Conséquences sur la santé mentale et sociale ... 19

Chapitre 3 : Questions de recherche et méthodologie ... 23

3.1. Instrument de mesure ... 24

3.2. Échantillon ... 25

3.3. Distribution du questionnaire... 29

3.4. Saisie des données ... 30

(8)

viii

3.4.2. Le nombre de portions recommandées au ménage ... 33

3.5. Analyses effectuées pour répondre aux questions de recherche ... 36

Chapitre 4 : Résultats ... 41

4.1. Caractéristiques des répondants ... 41

4.2. Contributions spécifique et globale des Moissons du Québec ... 43

4.3. Résultats des analyses de régression linéaire multiple (MCO) ... 46

4.3.1. Facteurs ayant un impact significatif sur la contribution globale des banques alimentaires du Québec ... 46

4.3.2. Facteurs ayant un impact significatif sur la contribution des Moissons du Québec en fruits et légumes, en produits céréaliers, en lait et substituts, ainsi qu’en viandes et substituts 51 4.4. Résultats des analyses subséquentes ... 62

4.4.1. Résultats permettant de savoir à quel rythme diminue la contribution globale des Moissons du Québec ... 62

4.4.2. Résultats des analyses de la variance à deux dimensions (ANOVA à 2 voies) ... 68

Conclusion ... 87

Limites de l’étude ... 92

Recommandations de recherche ... 93

Bibliographie ... 95

Annexe 1 : Questionnaire ... 99

Annexe 2 : Procédures destinées aux personnes responsables de faire passer les questionnaires ... 107

(9)

ix

Liste des tableaux

Tableau 1. Les dimensions du concept d'insécurité alimentaire et leurs manifestations selon l'unité d'analyse (adaptation de celles trouvées par Radimer et al. en 1990) ... 5 Tableau 2. Les degrés de sévérité de l'insécurité alimentaire à l'échelle des ménages ... 7 Tableau 3. Banques alimentaires dont le nombre total de personnes aidées par colis de

provisions, au mois de mars 2011, était compris entre 0 et 3 999 ... 27 Tableau 4. Banques alimentaires dont le nombre total de personnes aidées par colis de

provisions, au mois de mars 2011, était compris entre 4 000 et 9 999 ... 28 Tableau 5. Les banques alimentaires dont le nombre total de personnes aidées par colis de

provisions, au mois de mars 2011, était de 10 000 et plus ... 28 Tableau 6. Nombre de portions recommandées chaque jour par le Guide alimentaire

canadien (Tableau du Guide modifié pour l'étude) ... 34 Tableau 7. Tableau utilisé pour calculer le nombre de portions quotidiennes, recommandées

pour le ménage, dans chaque groupe alimentaire (exemple pour Moisson Beauce) ... 35 Tableau 8. Contributions globale et spécifiques de chacune des quatorze banques

alimentaires participantes, par rapport aux recommandations du GAC. ... 45 Tableau 9. Statistiques descriptives pour les variables utilisées dans la spécification du

modèle de régression multiple (n=836) ... 48 Tableau 10. Résultats de l'analyse de la régression multiple (MCO) utilisée afin d'identifier

les facteurs qui font varier la contribution globale des Moissons du Québec par rapport aux recommandations du GAC, (n=836) ... 49 Tableau 11. Statistiques descriptives pour les variables utilisées dans la spécification du

modèle de régression multiple (n=836) ... 53 Tableau 12. Résultats de l'analyse de la régression multiple (MCO) utilisée afin d'identifier

les facteurs qui font varier la contribution des Moissons du Québec en fruits et

légumes par rapport aux recommandations du GAC, (n=836) ... 54

Tableau 13. Résultats de l'analyse de la régression multiple (MCO) utilisée afin d'identifier les facteurs qui font varier la contribution des Moissons du Québec en

(10)

x

Tableau 14. Résultats de l'analyse de la régression multiple (MCO) utilisée afin d'identifier les facteurs qui font varier la contribution des Moissons du Québec en lait et

substituts par rapport aux recommandations du GAC, (n=836) ... 58

Tableau 15. Résultats de l'analyse de la régression multiple (MCO) utilisée afin d'identifier les facteurs qui font varier la contribution des Moissons du Québec en viandes

et substituts par rapport aux recommandations du GAC, (n=836) ... 60

Tableau 16. Statistiques descriptives pour les variables utilisées dans la spécification du modèle de régression multiple (n=838) ... 65 Tableau 17. Résultats de l'analyse de la régression multiple (MCO) utilisée afin d'identifier

les facteurs qui font varier la contribution globale des Moissons du Québec, par rapport aux recommandations du GAC, (n=838) ... 66 Tableau 18. Moyennes et écarts-types de la contribution globale (en pourcent) des

Moissons du Québec dans la réduction de l'insécurité alimentaire des ménages, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 70 Tableau 19. Moyennes et écarts-types de la contribution (en pourcent) des Moissons du

Québec dans les fruits et légumes, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 72 Tableau 20. Moyennes et écarts-types de la contribution (en pourcent) des Moissons du

Québec dans les produits céréaliers, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 74 Tableau 21. Moyennes et écarts-types de la contribution (en pourcent) des Moissons du

Québec en lait et substituts, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 76 Tableau 22. Moyennes et écarts-types de la contribution (en pourcent) des Moissons du

Québec dans les viandes et substituts, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 78 Tableau 23. Résultats des comparaisons multiples T2 de Tamhane effectuées sur les quatre

niveaux de la variable indépendante « type de ménage aidé » et relation avec la variable dépendante « contribution globale des Moissons en pourcent » .. 82 Tableau 24. Résultats des comparaisons multiples T2 de Tamhane effectuées sur les quatre

niveaux de la variable indépendante « type de ménage aidé » en relation avec la variable dépendante « contribution des Moissons en fruits et légumes, en pourcent » ... 83

(11)

xi Tableau 25. Résultats des comparaisons multiples T2 de Tamhane effectuées sur les quatre niveaux de la variable indépendante « type de ménage » en relation avec la variable dépendante « contribution des Moissons en produits céréaliers, en pourcent » ... 84 Tableau 26. Résultats des comparaisons multiples T2 de Tamhane effectuées sur les quatre

niveaux de la variable indépendante « type de ménage » en relation avec la variable dépendante « contribution des Moissons en lait et substituts, en pourcent » ... 85 Tableau 27. Résultats des comparaisons multiples T2 de Tamhane effectuées sur les quatre

niveaux de la variable indépendante « type de ménage » en relation avec la variable dépendante « contribution des Moissons en viandes et substituts, en pourcent » ... 86

(12)
(13)

xiii

Liste des figures

Figure 1. L'aide alimentaire au Québec en 2013 ... 10 Figure 2. Répartition du nombre de ménages échantillonnés par Moisson ... 42 Figure 3. Contribution globale de chaque Moisson ... 44 Figure 4. Contribution globale moyenne (en %) des Moissons du Québec, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 71 Figure 5. Contribution moyenne en fruits et légumes (en %) des Moissons du Québec, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 73 Figure 6. Contribution moyenne en produits céréaliers (en %) des Moissons du Québec, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 75 Figure 7. Contribution moyenne en lait et substituts (en %) des Moissons du Québec, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 77 Figure 8. Contribution moyenne en viandes et substituts (en %) des Moissons du Québec, selon la région qu'elles desservent et le type de ménage aidé (N=864) ... 79

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Liste des abréviations

BAQ : Banques alimentaires du Québec CDQ : Centre-du-Québec

CCHIP : Community Childhood Hunger Identification Project FCÉN : Fichier canadien sur les éléments nutritifs

FL : Fruits et légumes

FSCM : Food Security Core Module GAC : Guide alimentaire canadien IA : Insécurité alimentaire

IBM-SPSS : International Business Machines Corporation - Statistical Package for the

Social Sciences

LS : Lait et substituts

MESAM : Module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages MCO : Moindres carrés ordinaires

PC : Produits céréaliers SA : Sécurité alimentaire SFR : Seuils de faible revenu

USDA : United States Department of Agriculture VS : Viandes et substituts

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xvii

À mes parents et à ma sœur que j’aime plus que tout; À ma famille d’un peu partout dans le monde que je n’oublie pas;

À mes grands-parents qui m’ont vue grandir et qui ne cessent de veiller sur moi;

À mes amis qui ont partagé ce que j’ai vécu et qui m’ont soutenue de près ou de loin; À mes professeurs qui m’ont inspirée et qui m’ont donné le goût de faire de la recherche

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Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de mémoire, Jean-Claude Dufour, de m’avoir proposé ce projet de recherche. C’était un cadeau inespéré et inattendu qui m’a décidée à m’inscrire à la maîtrise. Je tiens également à remercier mon codirecteur, Jean Robitaille, qui a accepté de m’accompagner dans ce projet et qui m’a aidée à trouver des solutions, quand je pensais que c’était une cause perdue. Merci beaucoup pour la confiance que vous m’avez accordée, pour votre soutien et pour votre patience inégalée. Ce fut un plaisir et un honneur, pour moi, de vous avoir comme directeur et comme codirecteur.

Je tiens également à remercier Zakary O. Rhissa, Nicole Jacques, Élaine Côté, ainsi que les directrices et les directeurs des autres banques alimentaires du Québec, pour leur précieuse collaboration. Merci pour le temps que vous avez consacré à ce projet et pour les informations que vous avez mises à ma disposition. Merci aux bénévoles qui se sont portés volontaires pour collecter les données à ma place. Vous avez vraiment contribué à la réalisation de ce projet. Je ne peux pas non plus passer sous silence l’aide précieuse d’Hélène Jacques et de Julie Marois, du Département des sciences des aliments et de nutrition de l’Université Laval. Je tiens à leur adresser tous mes remerciements pour avoir validé ma méthodologie, par rapport au Guide alimentaire canadien, et pour m’avoir fait connaître le Fichier canadien sur les éléments nutritifs qui m’a été très utile pour ce projet. Finalement, cette belle aventure universitaire à Québec n’aurait jamais eu lieu si mon oncle, qui est aussi mon coach et mon mentor, ne m’en avait pas donné l’idée. Alors, je le remercie encore une fois pour cet excellent projet de vie qu’il m’a suggéré. Évidemment, tout ceci n’aurait pas été possible sans l’appui entier et inconditionnel de mes parents. Sans eux, je ne serais pas là aujourd’hui. Merci à vous deux, pour cet héritage inestimable que vous me laissez. Merci de m’avoir permis de réaliser ce rêve qui est, à la fois, le mien et celui que vous avez osé avoir pour moi. Un grand merci à ma sœur qui a toujours cru en moi et qui n’a cessé de m’encourager. Merci également à Frédérick Clerson-Guicherd, Justine Le Page-Gouin et Sophie Laughrea, des amis inestimables que la maîtrise m’a permis de rencontrer et qui m’ont soutenue tout au long de cette aventure.

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Chapitre 1 : Introduction

La visite du rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, en mai 2012, ainsi que la hausse des prix des aliments à cause de la sécheresse aux États-Unis (Posadzki et Sioui, 2012), rappellent que l’insécurité alimentaire existe aussi dans les pays développés comme le Canada. Mais avant d’aller plus loin, voici quelques définitions de la sécurité alimentaire, de l’insécurité alimentaire et des banques alimentaires.

1.1. La sécurité alimentaire

1.1.1. Définitions

Lors du Sommet mondial de l’alimentation de 1996, plusieurs pays, dont le Canada, se sont mis d’accord sur la définition suivante :

La sécurité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine (Sommet mondial de l’alimentation, cité par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 2006).

Cette définition est également celle que les diététistes du Canada ont adoptée. Anderson (1990), quant à elle, a publié la définition suivante :

La sécurité alimentaire signifie l'accès, pour tous et à tout moment, à suffisamment de nourriture pour mener une vie saine et active. Cela implique la disponibilité d’aliments nutritifs et salubres, d’une part, ainsi que la capacité de les acquérir par des moyens socialement acceptables, tout en tenant compte des préférences alimentaires de chacun, d’autre part. (Traduction libre, p.1560)

Cette définition a été reprise par plusieurs chercheurs, dont Hamelin, Beaudry et Habicht (2002), ainsi que Tremblay (2008). Selon cette dernière, la définition publiée par Anderson (1990) se base sur les mêmes éléments que celle du Sommet mondial de l’alimentation (1996), excepté le fait qu’elle donne une précision supplémentaire sur les moyens d’acquisition de la nourriture. En effet, pour qu’un ménage soit considéré en situation de

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2

sécurité alimentaire, il doit se procurer des aliments par des « moyens socialement acceptables ». Cela exclut le recours aux comptoirs alimentaires d’urgence ou aux programmes d’aide alimentaire en général, le vol de nourriture et toutes autres stratégies d’adaptation (coping strategies).

1.1.2. Dimensions

Maxwell et Smith (1993) ont fait ressortir quatre dimensions de la sécurité alimentaire : la suffisance, l’accès, la sécurité et le temps. Celles-ci se retrouvent notamment dans les définitions données plus tôt.

Selon Morency (2007), la suffisance réfère à la quantité minimale de nourriture et à sa qualité en termes d’innocuité et de valeur nutritionnelle. Ce sont deux éléments essentiels « pour mener une vie saine et active ».

Toujours d’après Morency (2007), l’accès aux aliments correspond à la capacité d’acquérir suffisamment de nourriture par l’intermédiaire de la production (accès physique) ou de l’échange dans le marché (accès économique).

Pour ce qui est de la dimension « sécurité », elle renvoie à l’existence de risques qui peuvent compromettre l’accès à suffisamment d’aliments. Selon Maxwell et Smith (1993), ces risques sont liés à la variabilité de la production agricole et, par conséquent, à la quantité de denrées alimentaires disponibles sur le marché. Il y a également des risques liés aux fluctuations du prix des aliments et au faible niveau de revenu.

La dimension temporelle de la sécurité alimentaire, quant à elle, se retrouve dans l’expression « à tout moment » de la définition. En effet, l’accès sécurisé à la nourriture en quantité et en qualité suffisante doit être continu dans le temps (Morency, 2007).

Mises à part les quatre composantes de la sécurité alimentaire citées par Maxwell et Smith (1993), la notion d’« acceptabilité » a également été soulignée par Campbell (1991). Cette dernière dimension de la sécurité alimentaire fait référence au respect des préférences alimentaires, donc à la liberté de choisir sa nourriture, ainsi qu’à l’utilisation de moyens

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3 socialement acceptables pour se la procurer (épiceries, restaurants, programmes gouvernementaux d’aide alimentaire).

1.2. L’insécurité alimentaire

1.2.1. Définitions

Pour ce qui est de l’insécurité alimentaire, Tarasuk (2001) la définit de façon suivante : […] désigne l’accès restreint, inadéquat ou incertain des personnes et des ménages à des aliments sains, nutritifs et personnellement acceptables, tant sur le plan de la quantité que sur celui de la qualité, pour leur permettre de combler leurs besoins énergétiques et de mener une vie saine et productive (p. 2).

Une autre définition de l’insécurité alimentaire a été donnée par Anderson (1990) : Il y a insécurité alimentaire lorsque la disponibilité d’aliments nutritionnellement adéquats et salubres ou la capacité d’acquérir des aliments personnellement acceptables par des moyens socialement acceptables est limitée ou incertaine (traduction libre, p. 1560).

Cette même définition a été reprise par plusieurs chercheurs, tels que Campbell (1991), Hamelin, et al. (2002), ainsi que Morency (2007) et Tremblay (2008). C’est également celle qui est utilisée par Statistique Canada, notamment dans l’un de ses Rapports sur la santé réalisé en 2001 par Che et Chen.

Formulée autrement, l’insécurité alimentaire désigne un accès à une nourriture suffisante, salubre et nutritive qui est limité physiquement et économiquement, incertain dans le temps, inadéquat personnellement (selon les préférences alimentaires) et socialement (selon les moyens d’acquisition utilisés).

Comme l’a mentionné Tarasuk (2001), le phénomène d’insécurité alimentaire peut être étudié à différents niveaux : au niveau des individus, des ménages, des collectivités, des régions ou des pays. Il est connu également sous le nom de « faim », de « pauvreté alimentaire » et d’« insuffisance alimentaire » (Tarasuk, 2001).

(24)

4

1.2.2. Dimensions

Les études menées par Radimer, Olson et Campbell (1990) ont fait ressortir quatre dimensions ou composantes de l’insécurité alimentaire, à l’échelle des individus et à l’échelle des ménages. Il s’agit plus particulièrement de la dimension quantitative, de la dimension qualitative, de la dimension psychologique et de la dimension sociale.

D’après Radimer et al. (1990), l’insécurité alimentaire vécue au niveau des individus se caractérise par un apport alimentaire insuffisant (composante quantitative), un apport nutritionnel inadéquat (composante qualitative), une absence de choix accompagnée d’un sentiment de privation (composante psychologique), et par des modèles alimentaires ou de repas perturbés (composante sociale).

Pour ce qui est de l’insécurité alimentaire vécue au niveau des ménages, elle se caractérise par la diminution ou l’épuisement des réserves alimentaires (composante quantitative), par des aliments inadéquats (composante qualitative), par l’anxiété ressentie quant aux réserves de nourriture, autrement dit la crainte de manquer d’aliments (composante psychologique) et finalement, par le recours à des moyens ou stratégies socialement mal perçues pour acquérir des denrées alimentaires (composante sociale) (Radimer et al., 1990).

Le Tableau 1, à la page suivante, résume ces composantes et présente leurs manifestations selon l’unité d’analyse.

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Tableau 1. Les dimensions du concept d'insécurité alimentaire et leurs manifestations selon l'unité d'analyse (adaptation de celles trouvées par Radimer et al. en 1990)

Dimensions À l’échelle des individus À l’échelle des ménages Quantitative Apport alimentaire

insuffisant

Diminution ou épuisement des réserves alimentaires

Qualitative Apport nutritionnel inadéquat

Aliments inadéquats

Psychologique Absence de choix accompagnée d’un sentiment de privation

Anxiété ou crainte ressentie au sujet des réserves

alimentaires ou du manque d’aliments

Sociale Modèles alimentaires ou de repas perturbés

Recours à des stratégies ou à des moyens socialement mal perçues pour acquérir de la nourriture

L’insécurité alimentaire est donc étudiée à différentes échelles, notamment au niveau des individus et des ménages. Elle a plusieurs composantes : quantitative, qualitative, psychologique et sociale.

1.2.3. Niveaux d’intensité

Il existe également différentes intensités ou plusieurs degrés de sévérité à l’insécurité alimentaire. Santé Canada (2012) a défini trois niveaux d’intensité : sécurité

alimentaire, insécurité alimentaire modérée et insécurité alimentaire grave. Le ménage se

trouve en situation de sécurité alimentaire lorsque les adultes et les enfants qui le composent le sont. Cela signifie qu’il n’existe, tout au plus, qu’un signe de difficulté d’accès aux aliments dû au revenu. Le ménage se trouve en situation d’insécurité

alimentaire modérée, lorsque les adultes et les enfants qui le constituent le sont, sans

qu’aucun adulte ni aucun enfant soient en situation d’insécurité alimentaire grave. Les adultes et les enfants vivent une insécurité alimentaire modérée, quand la qualité et/ou la

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6

quantité de nourriture consommée sont compromises : deux à cinq réponses affirmatives aux questions du Module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages (MESAM) pour les adultes et deux à quatre réponses affirmatives pour les enfants. Finalement, le ménage se trouve en situation d’insécurité alimentaire grave, lorsque les adultes ou les enfants qui le composent le sont. Une telle situation se caractérise par un apport alimentaire réduit et par des habitudes alimentaires perturbées : au moins six réponses affirmatives chez les adultes et cinq réponses affirmatives ou plus, chez les enfants (Santé Canada, 2012).

L’équivalent de cette classification existe également aux États-Unis. Bickel, Nord, Price, Hamilton et Cook (2000) du Département de l’agriculture des États-Unis ou United

States Department of Agriculture (USDA) ont défini quatre catégories d’intensité ou de

degré de sévérité pour l’insécurité alimentaire vécue par les ménages : sécurité alimentaire, insécurité alimentaire sans faim, insécurité alimentaire modérée avec faim et insécurité alimentaire grave avec faim. Un ménage appartient à la catégorie « sécurité alimentaire » lorsqu’il n’y a aucune ou très peu de signe d’insécurité alimentaire. Il est en situation d’insécurité alimentaire sans faim (food insecure without hunger) quand les membres qui le composent s’inquiètent d’avoir un approvisionnement alimentaire suffisant et ont recours à des stratégies d’adaptation telle que la réduction de la qualité des aliments. De plus, aucun ou très peu de membres du ménage rapporte une diminution de la quantité de nourriture consommée. Il y a insécurité alimentaire modérée avec faim (moderate food insecure with

hunger), lorsque les adultes d’un ménage ont réduit leur quantité d’aliments consommée au

point de vivre la faim à plusieurs reprises. Dans presque tous les cas, cette réduction quantitative de nourriture ne touche pas les enfants qui composent le ménage de cette catégorie. Finalement, tous les ménages se trouvent en situation d’insécurité alimentaire grave, avec faim (severe food insecure with hunger), lorsque les enfants qui les composent ont une ration alimentaire réduite au point de souffrir de la faim. Les adultes de ces ménages, avec ou sans enfants, ont dû diminuer leur apport alimentaire de façon non négligeable, et ce, à plusieurs reprises.

Le Tableau 2, à la page suivante, résume les degrés de sévérité de l’insécurité alimentaire selon Santé Canada et l’United States Department of Agriculture (USDA).

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7 Une certaine séquence apparaît à travers les degrés de sévérité de l’insécurité alimentaire. En effet, Hamelin et al. (2002), ainsi que Morency (2007) précisent que la réduction qualitative des aliments précède la réduction ou le manque quantitatif de nourriture. Généralement, la réduction quantitative s’applique d’abord à l’alimentation des adultes du ménage avant d’atteindre les enfants, la faim ressentie chez les enfants étant le degré d’insécurité alimentaire le plus élevé pour un ménage. Ainsi, ceci explique en partie pourquoi l’insécurité alimentaire est vécue de façon différente par les adultes et les enfants qui appartiennent pourtant au même ménage (Radimer, Olson, Greene, Campbell et Habicht, 1992; Kendall, Olson et Frongillo, 1995; Tremblay, 2008).

Tableau 2. Les degrés de sévérité de l'insécurité alimentaire à l'échelle des ménages

D’après Santé Canada D’après l’USDA

Sécurité alimentaire (SA) : quand tous les

adultes et tous les enfants qui composent le ménage sont dans cette situation.

Sécurité alimentaire (SA) : aucun ou très peu

de signe d’insécurité alimentaire (IA) chez les membres du ménage.

Insécurité alimentaire modérée : quand tous

les adultes et tous les enfants du ménage voient la qualité et/ou la quantité de leur nourriture consommée compromises.

IA sans faim : les membres du ménage

s’inquiètent d’avoir un approvisionnement alimentaire insuffisant et doivent réduire la

qualité des aliments consommés.

Insécurité alimentaire grave : quand tous les

adultes et tous les enfants du ménage voient leur apport alimentaire (qualité et quantité) réduit et leurs habitudes alimentaires perturbées

IA modérée avec faim : les adultes du ménage

ont diminué à plusieurs reprises leur quantité d’aliments consommés au point d’avoir faim. Les enfants ne sont pas touchés.

IA grave avec faim : les adultes et les enfants

du ménage ont une ration alimentaire réduite au point de souffrir de la faim à plusieurs reprises.

(28)

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1.2.4. Temporalité ou fréquence

Comme l’a souligné Tarasuk (2001), l’insécurité alimentaire fluctue dans le temps. Il est donc important de prendre en compte sa temporalité ou sa fréquence, afin d’en mesurer la gravité. La Banque Mondiale (1986) a, par ailleurs, identifié deux sortes d’insécurité alimentaire : chronique et transitoire.

L’insécurité alimentaire chronique est définie comme étant un régime alimentaire constamment inadéquat qui résulte de l’incapacité du ménage à acquérir de la nourriture à long terme et à répondre aux besoins alimentaires de ses membres (Banque Mondiale, 1986 ; Maxwell et Smith, 1993). Les ménages qui sont continuellement incapables d’acheter suffisamment d’aliments ou d’en produire se retrouvent dans cette situation (Banque Mondiale, 1986). Tarasuk (2001) ajoute d’ailleurs que l’insécurité alimentaire chronique peut être vécue par les sans-abri et les autres personnes qui n’ont pas d’autre choix que de vivre « au jour le jour », à cause du manque ou de l’absence de ressources financières. L’insécurité alimentaire transitoire, quant à elle, se définit par une diminution temporaire de l’accès d’un ménage à suffisamment de nourriture (Banque Mondiale, 1986). Cet accès réduit entraîne un déclin temporaire de la consommation alimentaire au-delà des niveaux socialement et nutritionnellement acceptables. Toujours selon la Banque Mondiale (1986), l’insécurité alimentaire transitoire peut être due à l’instabilité du prix des aliments, aux fluctuations de la production alimentaire et à la baisse des revenus du ménage. L’expérience de ce type de situation peut également s’expliquer par certaines difficultés financières rencontrées par le ménage, telle que la perte subite de revenus liée à une perte d’emploi, à la suspension des prestations d’aide sociale ou à une soudaine augmentation des dépenses (Tarasuk, 2001). En effet, un ménage peut voir ses dépenses augmenter et compromettre sa sécurité alimentaire à la suite de changements récents : déménagement dans une grande ville, naissance d’un enfant, divorce ou prise en charge d’un parent (Morency, 2007).

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1.3. Les banques alimentaires

Étant donné que le terme « banques alimentaires » revient assez souvent dans ce mémoire, il importe de définir cette appellation avant d’aller plus loin.

D’après Riches (1986), qui reprend la définition des banques alimentaires du Canada, une banque alimentaire est un centre de distribution à but non lucratif, dont le but est de collecter et d’entreposer le surplus de nourriture. Ce surplus peut venir des producteurs et des épiceries, par exemple, mais il peut aussi être acheté avec les dons en argent reçus des ménages et des gouvernements (fédéral et provincial). La banque alimentaire distribue ensuite cette nourriture aux organismes communautaires qui la remettent à ceux qui en ont besoin. L’association « Banques alimentaires Québec » est rattachée à l’organisme caritatif

national « Banques alimentaires Canada ». Elle comporte dix-huit

membres « Moissons » (Moisson Québec, Moisson Beauce, Moisson Montréal, Moisson

Laval, Moisson Mauricie/Centre-du-Québec, Moisson Estrie, Moisson Outaouais, Moisson Saguenay, Moisson Rive-Sud, Moisson Laurentides, Ressourcerie Bernard-Hamel, Centre de bénévolat de la Vallée de l’Or, Moisson Rimouski, Moisson Kamouraska, Moisson Lanaudière, Moisson Sud-Ouest, Moisson Granby et Moisson Vallée de la Matapédia),

entre lesquels elle partage les denrées reçues. Ces derniers desservent en moyenne 1 064 organismes d’aide alimentaire ou organismes communautaires (Banques alimentaires du Québec, 2011, 2012 et 2013). La première banque alimentaire canadienne fut créée en 1981 pour résoudre temporairement le problème de la faim, mais au fil des ans, il y en a eu de plus en plus et ces organismes sont devenus permanents (Tremblay, 2008).

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Figure 1. L'aide alimentaire au Québec en 2013

Banques

alimentaires

Canada

Banques

alimentaires

Québec

18 Moissons

communautaires

Organismes

(n = 1 064)

Personnes

(n = 279 749)

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Chapitre 2 : Intérêt du sujet de recherche

Comme il a été mentionné dans l’introduction, la visite du rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, du 6 au 16 mai 2012, ainsi que la hausse des prix des aliments, rappellent que l’insécurité alimentaire est aussi présente dans les pays développés comme le Canada.

En effet, Charlebois, Tapon, Von Massow, Van Duren, Pinto et Moraghan (2013) ont prédit une augmentation générale du prix des aliments, toutes catégories confondues, pour 2013 : +1,5 à +3,5 %. Ils s’attendaient, notamment, à une hausse de :

 1 à 3 % pour le prix des fruits et légumes;  1 à 3 % pour la restauration;

 2,5 à 4,5 % pour le prix des pains, des pâtisseries et des pâtes;  6,5 à 8,5 % pour le prix des viandes.

Par ailleurs, Burleton, Scarfone et Preston (2014) ont prédit une inflation du prix des aliments d’environ 3 %, au cours des années 2014 et 2015. Selon eux, celle-ci serait due essentiellement à la hausse de 5 %, par année, du prix des fruits et légumes. Si cette inflation a lieu, elle risquerait d’avoir des répercussions sur le taux d’insécurité alimentaire au Canada.

D’après Santé Canada (2012), 6,9 % de l'ensemble des ménages québécois se trouvaient en situation d'insécurité alimentaire, entre 2009 et 2010 : 4,6 % de ces ménages étaient en situation d'insécurité alimentaire modérée alors que 2,2 % souffraient d'insécurité alimentaire grave. Ce taux d’insécurité alimentaire a augmenté depuis. En effet, d’après Statistique Canada (2014), le dernier taux d’insécurité alimentaire au Québec équivalait à la moyenne nationale : 8,1 % des ménages québécois se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire en 2011-2012, tandis que c’était le cas de 8,3 % des ménages canadiens (soit approximativement 1,1 million de ménages). Notamment, à cette même période, 5,8 % des ménages canadiens étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée, alors que 2,5 % étaient en situation d’insécurité alimentaire grave. Ces statistiques confirment que la

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population d’un pays développé, comme le Canada, n’est pas à l’abri de ce problème de santé publique.

2.1. Mesure de l’insécurité alimentaire

Selon Tarasuk (2001), il existe des indicateurs directs et indirects qui peuvent être utilisés pour mesurer l’insécurité alimentaire des individus et des ménages. Alors que les

indicateurs directs permettent de mesurer directement ce phénomène auprès des individus

ou des ménages, les indicateurs indirects s’appliquent « aux mesures qui ne sont pas directement liées à l’insécurité alimentaire, mais qui pourraient vraisemblablement signaler un certain degré de vulnérabilité à celle-ci » (Tarasuk, 2001).

2.1.1. Indicateurs directs

D’après la revue de littérature effectuée, il semble que les chercheurs recourent souvent aux instruments de mesure tels que celui de Radimer ou du CCHIP quand ils veulent mesurer directement l’insécurité alimentaire. À ces derniers s’ajoute le Module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages (MESAM) qui est également très utilisé au Canada et qui peut être considéré comme l’équivalent du Food Security Core Module (FSCM). Nonobstant ses lacunes, le FSCM (ou la U.S. Food Security Scale) est considéré comme un meilleur outil que celui de Radimer et du CCHIP. En effet, étant l’instrument de mesure le plus récent, il est construit à partir des instruments précédents (CCHIP, Radimer), en plus d’être amélioré selon l’évolution des connaissances (Tarasuk, 2001). Ceci expliquerait que le FSCM soit très employé dans les études sur l’insécurité alimentaire aux États-Unis (Campbell, 1991 ; Tarasuk, 2001).

Le questionnaire Radimer (12 questions) et celui du CCHIP (8 questions) portent sur les caractéristiques qualitatives et quantitatives de l’insécurité alimentaire du ménage. Ils distinguent aussi les caractéristiques de l’insécurité alimentaire chez les adultes de celles qu’on retrouve chez les enfants. Le questionnaire du FSCM et celui du MESAM (18 questions) déterminent la gravité de l’insécurité alimentaire du ménage pendant les douze

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13 derniers mois. Les degrés d’insécurité alimentaire attribués aux ménages par ces deux instruments de mesure sont les mêmes que ceux qui sont présentés dans le Tableau 2 (p.7).

Ces questionnaires existants comportent toutefois une limite : ils mesurent l’insécurité alimentaire essentiellement par rapport au manque d’argent des individus ou des ménages pour acheter de la nourriture, mais également par rapport aux souvenirs de ce qu’ils ont mangé. Pour une recherche effectuée dans le cadre des banques alimentaires, les questions par rapport au manque d’argent n’apporteraient aucune nouvelle information, car on sait déjà que les ménages qui fréquentent ces organismes sont des ménages à faible revenu. De plus, mesurer l’insécurité alimentaire de ces ménages en se basant sur le souvenir de ce qu’ils ont mangé serait trop complexe, en termes de temps et de logistique. La « clientèle » des banques alimentaires n’est pas très réceptive, notamment lorsqu’il s’agit de répondre à un questionnaire trop long. Dans le cadre de ce mémoire, en partant du principe que les ménages qui recourent aux banques alimentaires se trouvent en situation d’insécurité alimentaire, il serait intéressant d’évaluer la contribution des Moissons du Québec dans la réduction de ce phénomène. Au lieu de s’appuyer sur les souvenirs des répondants, cette évaluation se basera plutôt sur la quantité en termes de portions d’aliments reçus par catégorie de produits du Guide alimentaire canadien (fruits et légumes, produits céréaliers, lait et substituts, viandes et substituts).

2.1.2. Indicateurs indirects

Contrairement aux indicateurs directs, les indicateurs indirects ne sont pas aussi précis pour identifier correctement les segments de la population ou les ménages à risque de ceux qui ne le sont pas. Toutefois, ils permettent d’obtenir quelques indications sur la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire, de façon plus économique.

Parmi les indicateurs indirects de l’insécurité alimentaire, identifiés par Tarasuk (2001), il y a les indicateurs des contraintes financières, tels que le faible revenu et la réception de l’aide sociale, et les indicateurs des stratégies d’augmentation des ressources, tels que le recours aux banques alimentaires.

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Étant donné que l’accès à la nourriture, l’une des composantes de la sécurité alimentaire, dépend en partie du revenu dont dispose le ménage, il n’est pas surprenant que les résultats de plusieurs études indiquent l’existence d’une forte corrélation entre les mesures directes de l’insécurité alimentaire et les mesures indirectes basées sur le faible revenu. Selon Tarasuk (2001), il existe une relation négative entre le niveau de revenu et la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire : plus le revenu disponible diminue, donc plus le ménage s’appauvrit, et plus sa vulnérabilité à l’insécurité alimentaire augmente. Au Canada, il existe plusieurs façons de définir et de mesurer la pauvreté, notamment avec les seuils de faible revenu (SFR) de Statistique Canada. Selon Statistique Canada (2010), 3 008 000 Canadiens, soit 9 % de la population, vivaient sous les seuils de faible revenu après impôt en 2010. Ce pourcentage est resté sensiblement le même en 2011, puisque 8,8 % de Canadiens avaient un faible revenu après impôt (Statistique Canada, 2013).

En observant, en plus, la structure des dépenses des ménages à faible revenu, il est possible d’obtenir des indications supplémentaires sur leurs contraintes financières qui sont des indicateurs indirects de l’insécurité alimentaire. La Loi d’Engel qui est citée par plusieurs chercheurs (Fortin, 1960; Tremblay et Fortin, 1964; Langlois, 2003) stipule, en effet, que la part relative du budget allouée à l’alimentation d’un ménage augmente avec la réduction de son revenu. En effet, en 2010, alors que le cinquième des ménages canadiens au revenu le plus élevé consacrait 29,5 % de ses dépenses à la satisfaction de ses besoins fondamentaux (alimentation, logement et vêtements), le cinquième de ceux ayant le plus faible revenu allouait 51,8 % de son budget moyen à ces mêmes dépenses (Statistique Canada, 2012). En 2012, l’alimentation, le logement et les vêtements représentaient 28,7 % des dépenses du cinquième des ménages canadiens les plus riches, alors que la proportion consacrée à ces mêmes dépenses chez le cinquième des ménages les plus pauvres restait inchangée par rapport à 2010 (Statistique Canada, 2014). Ainsi, d’une certaine façon, la structure des dépenses confirme les indications données par le revenu sur la vulnérabilité des ménages canadiens les plus pauvres face à l’insécurité alimentaire.

D’après Tarasuk (2001), l’accès à la nourriture dépend de plusieurs facteurs : le revenu du ménage, le coût du logement, sans oublier le prix des aliments. Comme énoncé plus tôt, 8,8 % de la population canadienne vivaient sous les seuils de faible revenu après

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15 impôt en 2011 (Statistique Canada, 2013). De plus, selon la Société canadienne d’hypothèque et de logement (2011), 75,6 % des ménages considéraient le prix du logement qu’ils occupaient inabordable, puisqu’il leur prenait plus de 30 % de leur revenu avant impôt. Finalement, l’augmentation prévue du prix des aliments n’arrange pas les choses. Il risque évidemment d’avoir des répercussions sur la situation d’insécurité alimentaire des ménages. Cette dernière risque de s’aggraver avec un faible revenu, un coût élevé pour le logement et la hausse du prix des aliments, aliments qui deviendront alors moins accessibles.

De son côté, Charles Tanguay, responsable des communications à l’Union des consommateurs, appréhende que les ménages acquièrent de la nourriture par des moyens socialement inacceptables. Selon lui, ils devront revoir à la baisse l’apport qualitatif des aliments consommés au profit d’autres aliments moins nutritifs, mais qui sont moins chers et, donc, accessibles en plus grande quantité (Posadzki et Sioui, 2012). Il rapporte également que « bon nombre de ménages doivent déjà recourir aux banques alimentaires » (Posadzki et Sioui, 2012). Selon Tarasuk (2001), le recours aux banques alimentaires constitue une « stratégie d’augmentation des ressources ». D’après elle, même si certaines personnes souffrant d’IA ne vont pas dans les banques alimentaires, le nombre de personnes faisant appel à ces organismes était considéré, pendant longtemps, comme le principal indicateur de l’insécurité alimentaire au Canada. Il est ressorti notamment d’une étude exploratoire, menée à Toronto, que les ménages de nouveaux immigrants interrogés, ayant recours aux banques alimentaires, avaient une forte propension à être en insécurité alimentaire (Vahabi, Damba, Rocha et Montoya, 2011).

Au Québec, la demande des ménages pour l’aide des banques alimentaires a augmenté considérablement entre 2011 et 2013. En effet, selon le Bilan Faim des Banques alimentaires du Québec (2011), 155 539 personnes différentes ont été aidées en mars 2011, au total. En mars 2013, les banques alimentaires du Québec sont venues en aide à 279 749 personnes différentes (BAQ, 2013), ce qui correspond à 79,86 % d’augmentation par rapport à 2011. Avec la hausse du prix des aliments annoncée par les économistes, il se peut qu’il y ait beaucoup plus de Canadiens, vulnérables à l’insécurité alimentaire, qui recourent aux organismes d’aide pour acquérir de la nourriture.

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L’observation des indicateurs des contraintes financières (faible revenu, structure des dépenses des ménages, coût du logement, prix des aliments) et des indicateurs des stratégies d’augmentation des ressources (recours aux banques alimentaires) confirme l’existence d’une certaine vulnérabilité à l’insécurité alimentaire au Canada. Certes, en termes d’étendue et de gravité, ce phénomène au Canada n’égale pas celui qui existe dans les pays en développement tels que l’Afrique, mais il n’en est pas moins présent. Il importe notamment d’étudier l’insécurité alimentaire au Canada, car elle a des conséquences négatives, voire néfastes, sur la santé physique et mentale des individus qui vivent dans cette situation, tout en ayant des implications sociales.

2.2. Conséquences de l’insécurité alimentaire

2.2.1. Conséquences sur la santé globale

La plupart des études antérieures ont surtout traité des conséquences de l’insécurité alimentaire sur l’état de santé générale des individus (enfants, adultes et personnes âgées). Il en ressort notamment que l’insécurité alimentaire, l’insuffisance alimentaire ou la faim qui est la forme la plus sévère de l’insécurité alimentaire est en relation significativement positive avec un état de santé général passable, voire mauvais (Alaimo, Olson, Frongillo et Briefel, 2001 ; Lee et Frongillo, 2001 ; Vozoris et Tarasuk, 2003 ; Frongillo et Horan, 2004 ; Stuff, Casey, Szeto, Gossett, Robbins, Simpson, Connell et Bogle, 2004 ; Cook, Frank, Gerkowitz et Black, 2004 ; Casey, Szeto, Robbins, Stuff, Connell, Gossett et Simpson, 2005). Par exemple, Vozoris et Tarasuk (2003) ont trouvé que les Canadiens provenant de ménages en situation d’insuffisance alimentaire ont une probabilité significativement plus élevée de rapporter un mauvais état de santé générale que ceux qui ont une suffisance alimentaire. Aux États-Unis, Stuff, et al. (2004) sont arrivés à la même conclusion : les adultes appartenant à des ménages en situation d’insécurité alimentaire sont significativement plus susceptibles de déclarer une santé générale comme étant mauvaise ou passable. Des chercheurs américains ont trouvé qu’il en est de même pour les personnes âgées (Lee et Frongillo, 2001 ; Frongillo et Horan, 2004) et pour les enfants qui sont en situation d’insécurité ou d’insuffisance alimentaire (Alaimo et al., 2001 ; Cook et al., 2004).

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2.2.2. Conséquences sur la santé physique

De nombreuses études ont traité, plus précisément, de la relation entre l’insécurité ou l’insuffisance alimentaire des individus et leur niveau de santé physique. Selon Vozoris et Tarasuk (2003), par exemple, les Canadiens provenant de ménages en situation d’insuffisance alimentaire sont plus enclins à déclarer une santé physique passable sinon pire. En effet, ils ont trouvé que les individus qui souffrent d’insuffisance alimentaire, au Canada, ont une probabilité significativement plus élevée d’avoir une activité restreinte, liée à une incapacité physique ou mentale à long terme. Ceux-ci sont également plus portés à avoir, au moins, trois maladies chroniques (problèmes cardiaques, diabète, pression sanguine élevée, allergies alimentaires ou autres, etc.). Tarasuk (2001) en est arrivée à des résultats semblables, quelques années plus tôt, lorsqu’elle a étudié 153 femmes qui ont eu recours aux programmes d’aide alimentaire d’urgence à Toronto. En effet, il s’est avéré que les femmes avec des conditions de maladie chronique et celles qui ont rapporté une activité limitée étaient plus susceptibles d’appartenir à un ménage souffrant d’insécurité alimentaire avec faim. Olson (2005) précise, par ailleurs, que le faible apport nutritionnel, souvent noté chez les femmes, peut accroître le risque de développer des maladies chroniques comme le cancer ou les problèmes cardiaques.

En ce qui concerne maintenant la santé physique des enfants, Alaimo et al. (2001) ont découvert que les enfants qui se trouvent en situation d’insuffisance alimentaire, aux États-Unis, sont plus enclins à souffrir de maux d’estomac et de maux de tête. Ces chercheurs précisent également que les plus jeunes, âgés de 1 à 5 ans, ont tendance à attraper plus souvent froid (Alaimo et al., 2001). Au Québec, Bédard, Desrosiers, Lachance et Dubois (2005) ont conclu que la santé des enfants de 4 ans était généralement perçue comme étant très bonne ou excellente. Cependant, ces derniers présentaient certains problèmes de santé mineurs qui sont probablement liés à leurs habitudes alimentaires. En effet, la majorité (67 % des 1 550 enfants étudiés) a eu une infection ou plus, quelques mois avant l’enquête, alors qu’une minorité a fait une crise d’asthme (2,1 % des enfants) ou a reçu un diagnostic d’anémie (0,4 %). Par ailleurs, les enfants québécois de 4 ans, appartenant à un ménage en situation d’insécurité alimentaire, sont significativement plus nombreux à avoir un surplus de poids, c’est-à-dire de l’embonpoint ou de l’obésité (Bédard

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et al., 2005). Mark, Lambert, O’Loughlin et Gray-Donald (2012) ont obtenu des résultats similaires : les filles qui proviennent de ménages canadiens à faible revenu et les garçons qui appartiennent à un ménage en insécurité alimentaire ont un surplus de poids plus élevé.

Des chercheurs américains se sont intéressés également à la relation entre l’insécurité alimentaire et l’obésité (ou l’embonpoint), mais plus particulièrement chez les femmes. Il faut noter que l’embonpoint et l’obésité n’ont pas le même degré de sévérité. En effet, un adulte souffre d’embonpoint lorsque son indice de masse corporelle (IMC) est compris entre 25 et 29,9kg/m2 (Centers for Disease Control and Prevention, 2012). Townsend, Peerson, Love, Achterberg et Murphy (2001) ont même défini l’embonpoint selon le genre de l’adulte. Dans leur étude, il y a embonpoint chez les femmes lorsque leur IMC est supérieur à 27,3kg/m2, tandis qu’il y a embonpoint chez les hommes lorsque cet indice est supérieur à 27,8kg/m2. Dès que son IMC est supérieur ou égal à 30kg/m2, l’adulte est considéré obèse, et ce, peu importe son genre (Centers for Disease Control and

Prevention, 2012 ; Townsend et al., 2001).

Les résultats de la majorité des études recensées sur ce sujet vont dans le même sens : il existe une relation significativement positive entre l’insécurité alimentaire et l’embonpoint ou l’obésité. Ceci serait dû au fait que les individus en situation d’insécurité alimentaire ont un accès limité à la nourriture santé (achat d’aliments moins chers mais très caloriques), en plus de vivre des périodes de privation ou de famine qui entraînent une surconsommation alimentaire dès que l’occasion se présente. (Townsend et al., 2001 ; Adams, Grummer-Strawn et Chavez, 2003). Townsend et al. (2001) ont rapporté que, contrairement à ce qui était observé chez les hommes, l’insécurité alimentaire était significativement liée à l’embonpoint chez les femmes. Par ailleurs, mis à part les cas sévères d’insécurité alimentaire, les résultats montrent que la prévalence de ce surplus de poids, chez les femmes, augmente à mesure que l’insécurité alimentaire s’aggrave. Dans un même ordre d’idées, Adams et al. (2003) ont trouvé que l’obésité était plus fréquente chez les femmes qui souffraient d’insécurité alimentaire (31 %) que chez celles qui n’en souffraient pas (16,2 %). Martin et Ferris (2007), quant à elles, ont obtenu la même relation entre l’obésité et l’insécurité alimentaire chez les adultes. En effet, celles-ci ont rapporté l’existence d’une relation significativement positive entre l’insécurité alimentaire et

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19 l’obésité chez les adultes, toutes choses étant égales par ailleurs. Ainsi, les adultes en situation d’insécurité alimentaire sont significativement plus susceptibles de souffrir d’obésité. Toutefois, toujours d’après Martin et Ferris (2007), il n’existe aucune relation significative entre l’insécurité alimentaire et l’embonpoint, que ce soit chez les adultes ou les enfants. Par contre, être de sexe féminin et avoir un parent obèse accroît la probabilité d’embonpoint chez les enfants (IMC selon l’âge > 95e percentile) (Martin et Ferris, 2007). L’absence de relation significative entre l’insécurité alimentaire et l’embonpoint s’explique probablement par le fait que les adultes de cette étude n’étaient pas différenciés par leur sexe. De plus, contrairement à l’échantillon utilisé par Townsend et al. (2001) qui était représentatif de la population, Martin et Ferris (2007) ont eu recours à un échantillon de convenance. Celui-ci était composé de 200 parents et de leurs 212 enfants qui habitaient à Hartford, une ville américaine de taille moyenne.

2.2.3. Conséquences sur la santé mentale et sociale

Contrairement aux études qui ont traité de la relation entre l’insécurité alimentaire des individus et leur niveau de santé physique, celles qui ont davantage porté sur la relation de l’insécurité alimentaire des individus et leur niveau de santé mentale et sociale sont moins nombreuses. Les résultats des quelques études recensées convergent tous au même point : quel que soit leur âge, les individus se trouvant en situation d’insécurité ou d’insuffisance alimentaire, ou les individus souffrant de la faim sont plus susceptibles de rapporter une mauvaise santé psychologique et un sentiment d’exclusion sociale.

Stuff et al. (2004) ont trouvé que les adultes en situation d’insécurité alimentaire sont significativement plus enclins à obtenir un résultat plus faible sur l’échelle de mesure de la santé mentale. D’autres chercheurs ont rapporté l’existence d’une relation étroite entre la détresse psychologique et l’insécurité alimentaire. En effet, Grisaru, Kaufman, Mirsky et Witztum (2011) ont découvert que les patients d’une unité d’urgence psychiatrique israélienne, souffrant d’insécurité alimentaire, ont un niveau plus élevé de détresse psychologique que ceux qui sont en sécurité alimentaire. Vozoris et Tarasuk (2003) ont trouvé, quant à eux, que la probabilité de souffrir de dépression grave et de détresse est

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significativement plus élevée chez les Canadiens provenant de ménages en situation d’insuffisance alimentaire. La détresse psychiatrique peut également être vécue par les enfants qui vivent un cas de faim sévère. En effet, ces enfants ont des taux plus élevés de détresse et ils sont plus susceptibles de ressentir de l’anxiété et de la dépression (Weinreb, Wehler, Perloff, Scott, Hosmer, Sagor et Gundersen, 2002).

Les résultats de certaines études ont, par ailleurs, révélé l’existence d’une relation négative entre l’insécurité ou l’insuffisance alimentaire et les capacités psychosociales, chez les enfants (Alaimo et al., 2001 ; Casey et al., 2005). Alaimo et al. (2001) ont notamment montré que les mauvais résultats scolaires et les conséquences psychosociales négatives des enfants étaient liés à la situation d’insuffisance alimentaire de leur famille. En effet, selon ces chercheurs, les enfants (6 à 11 ans) et les adolescents (12 à 16 ans) qui vivaient dans une telle situation étaient plus enclins à avoir consulté un psychologue et à s’entendre difficilement avec les autres jeunes. Qui plus est, alors que les enfants obtenaient des résultats significativement plus faibles en arithmétique et étaient plus susceptibles de redoubler une année, les adolescents étaient suspendus de l’école (Alaimo et al., 2001). Weinreb et al. (2002) ont étudié également les effets de la faim sur la santé mentale des enfants. Toutefois, contrairement à Alaimo et al. (2001), ils n’ont pas réussi à obtenir une relation significativement négative entre la faim et la réussite scolaire des enfants. Weinreb et al. (2002) expliquent que cela est probablement lié aux caractéristiques de l’échantillon utilisé. Ce dernier est, en effet, plus petit et limité aux familles dirigées par une mère monoparentale. Selon ces chercheurs, la différence de résultats pourrait également s’expliquer par une plus faible sensibilité de l’instrument de mesure employé pour la réussite scolaire des enfants. Pour ce qui est de la « santé sociale » des adultes, Vozoris et Tarasuk (2003) ont trouvé que les Canadiens qui appartiennent à un ménage en situation d’insuffisance alimentaire sont significativement plus enclins à rapporter un faible soutien social. Tarasuk (2001) a étudié plus spécifiquement les femmes ayant recours à l’aide alimentaire à Toronto et il s’est avéré que la majorité d’entre elles (64 %) éprouvait un sentiment d’isolement et de solitude fréquent ou perpétuel. L’isolement social perçu par ces femmes est donc fortement lié à leur situation d’insécurité alimentaire. Hamelin et al. (2002) ont identifié une caractéristique intéressante des ménages en situation d’insécurité alimentaire : l’aliénation. Il s’agit, en fait, d’un état de frustration générale qui est dû à un

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21 accès restreint à la nourriture. Les adultes qui n’ont pas le contrôle total de leur situation alimentaire se retrouvent dans cet état et éprouvent un sentiment d’impuissance mêlé à la culpabilité, l’embarras et la honte, ainsi qu’à un sentiment d’iniquité. Tout ceci les conduit progressivement vers un sentiment d’exclusion sociale (Hamelin et al., 2002). Ce sentiment d’exclusion sociale est d’autant plus fort, lorsque les ménages en situation d’insécurité alimentaire doivent recourir à des moyens d’acquisition et de gestion de nourriture personnellement et socialement inacceptables, tels que les organismes d’aide alimentaire, la privation des parents pour nourrir leurs enfants, l’utilisation de coupons, etc. (Hamelin et al., 2002).

Les effets négatifs de l’insécurité alimentaire sur la santé physique, mentale et sociale des individus entraînent des coûts sociaux importants. Selon Hamelin, Habicht et Beaudry (1999), ces effets néfastes à l’échelle individuelle ou à l'échelle des ménages tendent, en effet, à freiner le développement d’une société. Les problèmes de santé, liés à un apport quantitatif et/ou qualitatif inadéquat, affectent négativement la réussite scolaire des enfants et la productivité des adultes au travail. Les effets néfastes de l’insécurité alimentaire sur la santé psychologique et sociale des individus diminuent également leur implication dans la société (Hamelin et al., 1999) et entraînent, par conséquent, l’accentuation des inégalités ainsi que l’affaiblissement de la cohésion sociale (Tarasuk, 2001).

Les effets indésirables de l’insécurité alimentaire, cités précédemment, indiquent donc que ce phénomène n’est pas à prendre à la légère. Il s’agit d’un problème actuel qui existe dans un pays développé comme le Canada et qu’il importe de résoudre. Il faut reconnaître que les résultats d’études antérieures ont indiqué la capacité limitée des banques alimentaires à répondre aux besoins nutritionnels des ménages qui les fréquentent (Tarasuk et MacLean cités par Tarasuk, 2001 ; Tarasuk et Beaton, 1999 ; McIntyre et al., 2000). Cependant, ces organismes restent, pour l’instant, la principale solution à ce problème au Canada (Tarasuk, 2001).

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Chapitre 3 : Questions de recherche et méthodologie

D’après la revue de littérature effectuée, la plupart des chercheurs ont étudié les conséquences (physiques, psychologiques ou sociales) de l’insécurité alimentaire sur les individus et les ménages. Pour ce faire, ils ont eu généralement recours au questionnaire Radimer, au FSCM ou au MESAM. Ces instruments de mesure ont deux points communs : d’une part, ils mesurent tous l’insécurité alimentaire liée à un manque d’argent et, d’autre part, les réponses aux questions sont basées sur des échelles nominales ou ordinales. Par ailleurs, certains instruments de mesure, comme le MESAM, font appel à la mémoire des répondants. Les questions posées portent, en effet, sur la situation alimentaire du ménage durant les douze derniers mois.

Dans le but d’enrichir la littérature et de faire avancer la connaissance sur l’insécurité alimentaire, notamment au Québec, ce mémoire propose d’évaluer la contribution des Moissons, à titre de complément alimentaire, dans la réduction de l’insécurité alimentaire des ménages québécois qui y ont recours. Cette étude touchera donc principalement deux dimensions de l’insécurité alimentaire chez les ménages : la dimension quantitative qui se manifeste par l’insuffisance des réserves alimentaires et la dimension sociale qui passe par le recours à des stratégies perçues socialement négatives pour acquérir de la nourriture, notamment par les banques alimentaires.

Voici les questions de recherche auxquelles ce mémoire tentera de répondre :

1) Que représente la contribution globale des Moissons du Québec à titre de complément par rapport aux recommandations du Guide alimentaire canadien, et ce, dans une perspective de réduction de l’insécurité alimentaire des ménages ?

2) Que représente la contribution des Moissons du Québec à titre de complément dans chacun des quatre groupes alimentaires (fruits et légumes, produits céréaliers, lait et substituts, viandes et substituts) ?

3) Quels facteurs conditionnent l’ampleur du don alimentaire, venant des Moissons du Québec, à titre de complément par rapport aux recommandations du Guide alimentaire canadien ?

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24

- Les contributions (globale et spécifique à chaque groupe alimentaire) des Moissons varient-elles selon leur niveau d’achalandage, c’est-à-dire selon le nombre total de personnes aidées ?

- Les contributions (globale et spécifique à chaque groupe alimentaire) des Moissons sont-elles conditionnées par le niveau de revenu des ménages qui y ont recours ?

- Les contributions (globale et spécifique à chaque groupe alimentaire) des Moissons diffèrent-elles selon la composition des ménages ?

- La contribution des Moissons déjà effectuée dans les autres groupes alimentaires conditionne-t-elle le don dans un groupe alimentaire donné ?

3.1. Instrument de mesure

Un questionnaire a été créé, afin de recueillir les données nécessaires pour répondre à ces questions de recherche. Cet instrument de mesure (voir Annexe 1, p. 99) est divisé en trois parties.

La première partie est composée de questions sur l’utilisation de l’organisme d’aide alimentaire par le ménage, comme le nombre d’années de fréquentation et la fréquence des visites en un an.

La deuxième partie de l’instrument de mesure porte davantage sur le profil du ménage interrogé. Elle comporte notamment des questions sur la taille du ménage (le nombre de personnes qu’il contient) et sur sa composition. Il était important de savoir l’âge et le sexe de chacun des membres du ménage, afin de pouvoir calculer le nombre de portions recommandées par le GAC. Des questions sur la principale source de revenus du ménage et sur son revenu annuel ont également été intégrées dans cette partie de l’instrument de mesure, afin de compléter le profil du ménage.

Finalement, la troisième partie du questionnaire peut être considérée comme étant le cœur de notre instrument de mesure. En effet, celle-ci a été conçue pour recueillir les quantités reçues par le ménage, dans chacun des quatre groupes alimentaires du GAC : fruits et légumes, produits céréaliers, lait et substituts, viandes et substituts.

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25 Une fois le questionnaire créé, une professeure titulaire en nutrition et une professionnelle de recherche au Département des sciences des aliments et de nutrition, de l’Université Laval, ont été consultées. La première a validé l’approche méthodologique choisie pour l’étude, et plus précisément l’utilisation du GAC pour le calcul du nombre de portions. Quant à la deuxième, elle a suggéré le recours au Fichier canadien sur les

éléments nutritifs (FCÉN) pour les conversions qu’il y aurait à réaliser, dans le cadre du

calcul de certaines portions alimentaires qui sera décrit plus loin.

Une fois la méthodologie validée, l’instrument de mesure a été envoyé au directeur général des banques alimentaires du Québec, à la directrice de Moisson Québec et à la directrice de Moisson Beauce. Avec leur consentement, un prétest a ensuite été réalisé dans l’un des organismes accrédités de Moisson Québec. La compréhension des questions par les répondants et la durée approximative pour remplir le questionnaire ont ainsi pu être évaluées.

3.2. Échantillon

Étant donné les ressources limitées, notamment en temps et en nombre de bénévoles disponibles, le recours à un échantillon a été nécessaire pour la cueillette d’informations. Deux méthodes d’échantillonnage ont été combinées : l’échantillonnage aléatoire stratifié et l’échantillonnage par quota.

La population de notre étude était composée de personnes (adultes, adolescents et enfants) qui bénéficiaient de la distribution de colis de provisions, en mars 2011, c’est-à-dire un an avant la collecte de données. Avec ce niveau d’achalandage transmis par les Moissons, trois grandes strates de banques alimentaires furent formées (voir Tableaux 3, 4 et 5 aux pages 27-28) de façon à ce que la taille de l’échantillon soit proportionnelle au nombre de personnes aidées par mois. La taille de l’échantillon a été calculée de manière à garantir une marge d’erreur de plus ou moins 5 % dans un intervalle de confiance de 95 % (pour chacune des trois grandes strates de banques alimentaires).

Figure

Figure 1. L'aide alimentaire au Québec en 2013
Tableau  3.  Banques  alimentaires  dont  le  nombre  total  de  personnes  aidées  par  colis  de  provisions, au mois de mars 2011, était compris entre 0 et 3 999
Tableau  4.  Banques  alimentaires  dont  le  nombre  total  de  personnes  aidées  par  colis  de  provisions, au mois de mars 2011, était compris entre 4 000 et 9 999
Tableau 6. Nombre de portions recommandées chaque jour par le Guide alimentaire canadien  (Tableau du Guide modifié pour l'étude)
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Références

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