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Le vécu de la phase de latence à domicile par les femmes enceintes

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01653599

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01653599

Submitted on 3 Jul 2019

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Le vécu de la phase de latence à domicile par les femmes

enceintes

Florence Havegeer

To cite this version:

Florence Havegeer. Le vécu de la phase de latence à domicile par les femmes enceintes. Gynécologie et obstétrique. 2017. �dumas-01653599�

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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LILLE FACULTE DE MEDECINE ET MAIEUTIQUE

FILIERE MAIEUTIQUE

LE VECU DE LA PHASE DE

LATENCE A DOMICILE PAR LES

FEMMES ENCEINTES

Mémoire pour l’obtention du diplôme d’Etat de sage-femme Présenté et soutenu par

Florence HAVEGEER Sous la direction de

Mr ROUTIER Cédric (Directeur Unité HADéPaS)

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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LILLE FACULTE DE MEDECINE ET MAIEUTIQUE

FILIERE MAIEUTIQUE

LE VECU DE LA PHASE DE

LATENCE A DOMICILE PAR LES

FEMMES ENCEINTES

Mémoire pour l’obtention du diplôme d’Etat de sage-femme Présenté et soutenu par

Florence HAVEGEER Sous la direction de

Mr ROUTIER Cédric (Directeur Unité HADéPaS)

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REMERCIEMENTS

A Monsieur ROUTIER, directeur de ce mémoire, pour sa patience et ses conseils avisés

A Madame HUBERT, sage-femme référente, pour sa disponibilité et ses avis

Aux femmes ayant participé à l’enquête,

sans lesquelles ce mémoire n’aurait pu être réalisé

A ma sœur,

qui a été la première personne à avoir partagé son expérience avec moi et m’a donné l’idée de ce travail

A ma famille et à mes proches,

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TABLE DES MATIERES 1. Introduction ... 2 2. Matériel et méthode ... 5 2.1. Type d’étude ... 5 2.2. Terrain ... 5 2.3. Population ... 5 2.4. Critères de jugement ... 8 2.5. Les entretiens ... 9

2.6. Considérations éthiques et autorisations ... 11

3. Résultats et analyse des entretiens ... 12

3.1. La grossesse ... 12

3.2. Les contractions utérines ... 13

3.3. Le vécu émotionnel ... 16

3.4. Les accompagnants ... 18

3.5. La préparation à l’arrivée du travail obstétrical ... 19

3.6. L’arrivée aux urgences obstétricales, la prise de décision ... 22

3.7. La phase active ... 23 4. Discussion ... 25 4.1. Discussion méthodologie ... 25 4.2. Discussion générale ... 26 4.2.1. Le vécu ... 26 4.2.2. Les ressources ... 26 4.2.3. L’information ... 27 5. Conclusion ... 29 6. Bibliographie ... 30

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1. INTRODUCTION

Une mère m’a décrit un jour que la phase de latence était comme les « dernières révisions avant l’examen final » qu’est l’accouchement. Elle entendait par-là que cette période influence la façon avec laquelle elle va affronter la phase active et l’accouchement mais qu’en même temps, elle n’y avait pas prêté très attention avant d’y être confrontée.

La phase de latence marque le basculement entre le temps de la grossesse et celui de l’accouchement. Elle se traduit cliniquement par l’arrivée et la régularisation des contractions utérines. Ces dernières initient le travail obstétrical (Merger & Melchior, 2001) en permettant, notamment, l’effacement et la dilatation du col et la progression du fœtus dans le bassin maternel. La phase de latence se termine lorsque le col de l’utérus est effacé et dilaté à 2-3 cm, d’après la définition du Dr Friedman. Elle dure en moyenne 8 heures pour la primipare et 5 heures pour la multipare (Schaal, 2007) puis laisse place à la phase active pendant laquelle un passage en salle de naissance peut être envisagé. Les contractions utérines se déclenchent indépendamment de la volonté de la femme et sont intermittentes et rythmées (avec des intervalles de 15 à 20 minutes en début de travail et jusqu’à 2 à 3 minutes à la fin de la période de dilatation), progressives dans leur durée, douloureuses et intéressent l’utérus dans sa globalité. Le ressenti augmente avec la progression du travail et l’intensité croissante des contractions (Merger & Melchior, 2001). Toutefois il est à noter que la douleur n’est pas présente durant toute la contraction mais plutôt au moment de son acmé, c’est-à-dire lorsque la pression utérine est à son apogée. D’après une étude du psychologue Ronald Melzack, cette douleur est décrite le plus souvent comme éclatante, épuisante, inquiétante et intense (Melzack & Wall, 1989). Pour ce spécialiste de la douleur, réduire la peur, l’anxiété et la tension peut atténuer la douleur. A l’inverse, la crainte et l’angoisse ont tendance à l’augmenter.

Les séances de préparation à la naissance et à la parentalité (PNP) ont été élaborées selon la même logique. Le Dr Lamaze, premier médecin en France à avoir développé des cours pendant la grossesse dans les années 1950, a initié ce courant de pensée. A l’origine appelés cours d’« accouchement sans douleur », ils avaient pour but de lutter contre la « passivité » supposée des femmes face aux douleurs du travail obstétrical (Knibiehler, 2007). Les femmes pouvaient alors prendre conscience de leur propre force et apprendre à contrôler leurs peurs. Aujourd’hui, même si la forme a changé, les objectifs principaux restent identiques. Huit séances de PNP sont proposées aux femmes à partir du 6e mois de grossesse et sont remboursées par la sécurité sociale.

Elles sont animées par une sage-femme et les futures mères peuvent y parler de leurs peurs, y poser leurs questions, découvrir plus en détail le déroulement de la grossesse ainsi que l’accouchement. Des techniques de respiration servant à se détendre pendant les contractions ou

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aux gestantes. Des méthodes alternatives ont aussi été mises en place comme la préparation en piscine, la sophrologie ou encore l’haptonomie. Enfin, le champ de la préparation à la naissance s’est élargi en préparant le couple à la parentalité. De nombreuses connaissances théoriques et pratiques sont ainsi proposées à la femme et à son compagnon afin de diminuer le plus possible leur appréhension face à la grossesse, l’accouchement et les premiers temps avec le nouveau-né et donc de leur offrir le plus de confort psychologique et physique possible (Gondrexon, 2009; Louis, 2012).

Par ailleurs, la perception de nouveaux éléments, comme ici les contractions, permet la rencontre entre les sensations et les attentes du sujet d’après la psychologue Magda Arnold (Rimé, 2005). Il y a alors un changement dans le type relation objet-sujet puis une réappréciation de ce changement menant à l’activation d’une émotion, plus ou moins désirée. La gestion des émotions est ainsi à prendre en compte puisque la phase de latence est susceptible de déclencher différents types d’émotions grâce aux nouveaux éléments qu’elle apporte : les contractions utérines et la transition entre un temps connu qu’est la grossesse et une étape incertaine qu’est la naissance de l’enfant. Le risque vital pour la mère, l’enfant ou les deux peut être angoissant, de même que l’approche de la séparation physique avec l’enfant. A l’inverse, la femme peut être dans un état d’excitation car le moment de la concrétisation du désir de l’enfant arrive à son terme et la première rencontre aura bientôt lieu. De plus, la reconfiguration de la cellule familiale par l’arrivée d’un nouveau membre nécessite des ajustements et peut déclencher des doutes. Cette phase de transition est donc un grand moment de vulnérabilité où la femme est susceptible de faire face à une multitude d’émotions, parfois contradictoires (Bydlowski, 2008; Charrier & Clavandier, 2013; Roegiers & Molenat, 2011). Ce pan psychologique peut être partiellement géré par des méthodes à la portée des parturientes, comme le montre une étude aux Etats-Unis à propos de la gestion des émotions pendant le travail. Elles peuvent essayer de se changer les idées par d’autres activités, tenter de contrôler la situation, se faire aider par leur entourage ou encore utiliser la technologie (Carter & Gonzalez Guittar, 2014). En outre, la présence du père est un atout. Il est d’autant plus profitable à la parturiente qu’il est stable et familier dans un système de santé où les professionnels sont interchangeables et sans cesse en mouvement. Grâce à son implication dans la naissance, la femme a la possibilité de partager son ressenti avec son compagnon ou de le voir éprouver les mêmes émotions. Toutefois, sa présence a des limites. Avec l’augmentation de la douleur des contractions, la parturiente a tendance à s’isoler. Elle ne remarque alors ni les personnes autour d’elles, ni le temps qui passe mais répond au besoin de se recentrer sur elle-même et de se concentrer pour faire face à l’épreuve de l’accouchement qui approche (Dixon, Skinner & Foureur, 2014).

Les femmes, durant le travail obstétrical, sont donc confrontées aux douleurs des contractions et à leurs propres émotions. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en tient compte dans ses recommandations (« OMS | Prise en charge des complications de la grossesse et

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de l’accouchement », 2013) en préconisant, entre autres, l’apprentissage de techniques respiratoires pour le travail et la mobilisation en cas de douleur pénibles. D’après elle, il est essentiel que le processus du travail soit expliqué à la parturiente, tout en la tenant au courant de son déroulement. Ainsi, il faut veiller à la bonne communication entre le personnel soignant et la patiente. Ces recommandations influencent évidemment la prise en charge actuelle des parturientes en maternité et les conseils qui leurs sont fournis durant la grossesse. Cependant, lors d’un début de travail spontané, les professionnels de santé conseillent généralement aux femmes de rester chez elles jusqu’à ce que les contractions soient intenses et régulières. On peut lire, par exemple dans le livret d’accueil d’une maternité qu’elles doivent être toutes les 5 à 10 minutes environ, pendant au moins 2 heures pour un premier accouchement avant de se présenter aux urgences obstétricales (« Les urgences Gynéco-Obstétricales / Vous êtes une future maman / Patient et famille / Accueil - Centre Hospitalier d’Avranches-Granville », s. d.) . En 2010, 66.5% des femmes ayant accouché ont eu un début de travail spontané, d’après l’enquête de périnatalité (Blondel & Kermarrec, 2011). Ces femmes ont fait face au début du travail sans le personnel médical à leurs côtés.

Pour toutes ces raisons, la problématique suivante peut être posée : comment les femmes gèrent-elles la phase de latence en dehors de la maternité ?

Par ce travail de recherche, je souhaite explorer le vécu des femmes durant la phase de latence qu’elles ont passé à domicile en recensant les ressources mobilisées pour gérer la douleur et en tentant de déterminer les émotions éprouvées. Puis, je désire évaluer la satisfaction des patientes par rapport aux informations retenues à propos de la survenue des contractions, de la douleur, du début du travail.

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2. MATERIEL ET METHODE

2.1. TYPE D’ETUDE

Afin de répondre à mes objectifs, une étude qualitative a été réalisée. On peut aussi la qualifier de phénoménologique car on a étudié l’expérience vécue de sujets dans une situation particulière, ici la phase de latence. Les évènements ont été observés indirectement à travers le discours des sujets.

2.2. TERRAIN

L’étude, mono-centrique, s’est déroulée dans le service de suites de naissance d’une maternité de niveau 2B de la métropole Lilloise, du 09/08/2016 au 09/09/2016. Cette maternité a assisté 2018 naissance en 2015. Elle a reçu le label « Amis des bébés » en janvier 2015. Elaboré conjointement par l’OMS et l’UNICEF, ce label promeut une sécurité émotionnelle aux futurs parents en certifiant une qualité des soins centrés sur les besoins du nouveau-né et sa famille. Son service de suites de naissances bénéficie de 36 chambres particulières ce qui permet plus d’intimité au couple mère-enfant durant le séjour et le respect de la confidentialité lors des entretiens.

2.3. POPULATION

La sélection des sujets s’est fait selon les critères suivants :

CRITERES D’INCLUSION CRITERES D’EXCLUSION • Grossesse suivie et à bas risques,

• Travail spontané,

• Patiente s’étant présentée aux admissions en phase active de travail, • Issue de la grossesse entre 37 et 41+6

semaines d’aménorrhée avec la naissance d’un enfant vivant.

• Patiente mineure, • Barrière linguistique,

• Patiente présentant une vulnérabilité psychique, sociale ou due à une pathologie à la suite de son accouchement.

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Ces entretiens s’adressent donc à des femmes qui ont vécu toute leur phase de latence sans le personnel médical à disposition lors d’un début de travail physiologique. La sélection a été limitée aux femmes ne présentant à priori aucune vulnérabilité psychique, sociale ou due à une pathologie, ce qui me prive d’une certaine richesse de données. Cette concession était cependant nécessaire pour avoir l’accord du comité interne d’éthique (cf. chapitre 2.6) pour la réalisation de l’étude sans recourir à un comité de protection des personnes (CPP). En effet, le délai de présentation à un CPP, atteignant facilement 8 mois, n’était pas compatible avec le calendrier de ce travail de recherche.

Les entretiens se sont déroulés le 2e jour suivant l’accouchement dans le service de suites

de naissance. Les femmes ont ainsi eu le temps de se reposer sans pour autant qu’un effacement des détails ne soit trop installé. Il aurait été très difficile de le faire pendant la phase de latence car elle est imprévisible et se déroule à leur domicile, et juste après, pendant la phase active, la douleur et l’urgence auraient par ailleurs rendu l’entretien inopportun.

CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION

A l’issue de la sélection, 15 entretiens ont pu être réalisés, enregistrés puis analysés. Les femmes interrogées avaient entre 20 et 35 ans, la moyenne étant de 29 ans. Concernant la préparation à la naissance et à la parentalité, 10 femmes sur 15 ont déjà participé aux séances durant cette grossesse ou une précédente.

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Tableau I : Profil des femmes

Sujet Age Parité Terme Participation à la PNP Accompagnant(s)

003 35 2 40 SA + 4 j Oui Fils + mère et beau-père

004 30 2 41 SA + 3j Jamais Compagnon

005 25 3 40 SA + 1 j Jamais Mari

007 34 3 41 SA Oui Ainées + mari

008 22 2 40 SA + 6 j Jamais Compagnon 010 30 3 40 SA + 5 j Jamais Mari 011 31 2 41 SA Oui Mari 013 31 2 38 SA + 5 j Oui Compagnon 014 30 2 39 SA + 6 j Oui Mari 015 26 1 41 SA Oui Mari 016 29 2 39 SA Oui Mari 017 34 5 39 SA + 4 j Jamais Mari 018 21 1 39 SA + 5 j Oui Mari 019 20 1 40 SA + 2 j Oui Amie

020 32 3 39 SA + 2 j Oui Mari + ainées

La majorité avait déjà accouché auparavant, seules 3 femmes étaient primipares, la parité étant le nombre d’enfants qu’une femme a mis au monde.

Figure 1 : Répartition de l’échantillon selon la parité des femmes

primipare 20% 2e pare 46% 3e pare 27% 5e pare 7%

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Toutes les femmes sont arrivées aux urgences de la maternité en phase active du travail obstétrical et ont accouché par voie basse entre 38 semaines d’aménorrhée (SA) et 5 jours (j) et 41 SA et 3 jours. La moyenne est de 40 SA +1 jours.

Figure 2 : Répartition de l’échantillon selon les termes à l’accouchement

2.4. CRITERES DE JUGEMENT

Les critères de jugements étaient répartis en 5 catégories : - Les caractéristiques générales de la patiente,

- La gestion de la douleur, - Les émotions,

- L’arrivée aux urgences de la maternité,

- La préparation à l’arrivée du travail obstétrical.

Les caractéristiques générales englobaient l’âge de la patiente, sa parité, le déroulement et le vécu de sa grossesse. L’item de la grossesse est resté très généraliste, puisque pour le développer il aurait nécessité des entretiens plus longs et n’était pas le cœur du sujet.

Le critère de gestion de la douleur s’intéressait au ressenti de la femme lors des contractions de début de travail, aux moyens qu’elle a mis en œuvre afin de gérer ou d’atténuer la douleur et le soutien dont elle a pu bénéficier.

Le critère de jugement concernant les émotions s’attachait à savoir ce que la parturiente a ressenti et les motifs qu’elle y a associés.

[38-38SA+6]

[39-39SA+6]

[40-40SA+6]

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Les éléments qui ont motivé la parturiente à prendre la décision pour se rendre à la maternité et le départ effectif ont été relevés.

Le critère de jugement à propos de la préparation au début de travail permettait de connaitre les différentes sources d’informations de la femme ainsi que d’estimer leur satisfaction par rapport aux informations qu’elles ont pu rassembler tout au long de la grossesse pour faire face à cette épreuve.

2.5. LES ENTRETIENS

Entre le 09 août et le 09 septembre, je passais tous les jours à la maternité afin de repérer les patientes pouvant être inclues dans l’étude. Je profitais de la pause de midi afin de pouvoir ouvrir librement chaque dossier des femmes ayant accouché la veille à la recherche des critères d’inclusion puis d’exclusion. L’avis de la sage-femme responsable de la prise en charge de la patiente était systématiquement demandé lorsque l’une des femmes était susceptible d’être inclue afin de connaître son état actuel. Puis je me rendais auprès de la patiente dans le but de me présenter, de présenter la recherche, de lui demander son accord pour sa participation, de distribuer les fiches de consentement et de prendre rendez-vous pour le lendemain. Nous nous mettions d’accord généralement pour 13h puisque les patientes sont moins sollicitées entre la fin du repas et le début des visites. Le lendemain donc, je prévenais les sages-femmes de ma présence et l’entretien commençait après que j’eu rappelé la raison de ma présence et allumé l’enregistreur vocal. Plusieurs entretiens pouvaient avoir lieu le même jour si deux ou trois femmes répondaient aux critères d’inclusion afin d’optimiser ma présence sur le terrain.

Au final, sur les 32 sujets sélectionnés, 15 entretiens ont pu être réalisés, enregistrés puis analysés (cf. figure 3). L’exclusion de 9 sujets parmi les 32 pré-sélectionnés avant la phase d’entretien était motivée par un état de santé défavorable de la patiente, les recommandations des sages-femmes, un refus immédiat de la part des femmes et l’inclusion dans une autre étude sur le même terrain. En effet, sur la même période, un autre travail de recherche était mené. La durée de mon étude sur le terrain était également soumise à la contrainte d’une autre recherche démarrant en septembre. Les 6 sujets perdus de vu s’expliquent par des refus le jour de l’entretien, des sorties précoces de la maternité ou bien une trop grande activité ne me laissant pas l’occasion de les interroger. Enfin, concernant les entretiens non enregistrés, le premier était pour tester le guide (cf. annexe 1) et le deuxième dû à un refus d’enregistrement.

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Figure 3 : Répartition des entretiens lors de l’étude

L’étude s’appuyait sur des entretiens semi-directifs ce qui semblait la méthode la plus appropriée pour explorer les représentations, le vécu et les émotions ressenties par les femmes. Cette méthode permet une richesse de donnée grâce à la liberté de parole tout en répondant aux critères de jugement précédemment définis. Je me basais sur un guide reprenant les thèmes de l’étude (cf. Annexe I). Chaque entretien commençait par une délimitation de cette phase « …du début des contractions jusqu’à votre passage en salle de naissance… » afin de préciser le cœur du sujet d’enquête mais sans en donner la définition entière. Aucun ordre dans les différents thèmes n’a été prédéfini afin de laisser plus de liberté et de fluidité dans les récits mais des relances étaient utilisées pour qu’ils soient tous évoqués au moins une fois.

32 sujets sélectionnés

9 exclusions 23 sujets inclus

6 perdues de vues 17 entretiens

1 entretien exploratoire non enregistré 1 entretien non enregistré

15 entretiens enregistrés et

analysés

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Durée des entretiens :

• Durée d’entretien moyenne : 23 min • Durée d’entretien minimum : 6 min • Durée d’entretien maximum : 41 min

Lors des entrevues, j’étais habillée en civil avec mon badge comme seul rappel de mon statut d’étudiante sage-femme pour permettre de faire oublier le côté soignant et ne pas donner l’impression de juger leur savoir. De plus, grâce à mon âge les femmes supposaient généralement que je n’avais pas d’enfant moi-même, ce qui avait tendance à les mettre en position d’experte face à moi.

Les 15 entretiens finaux ont été analysés de manière thématique, via un tableau Excel (cf. Annexe II), à partir des retranscriptions sur des fichiers Word. Cette analyse résulte de mon interprétation et est par conséquent subjective.

2.6. CONSIDERATIONS ETHIQUES ET AUTORISATIONS

Pour la réalisation de cette recherche, l’avis favorable du Comité Interne d’Ethique de la Recherche médicale (CIER) du Groupement Hospitalier de l’Institut Catholique de Lille (GHICL) a été recueilli (cf. Annexe III). Une présentation de la méthodologie avait été préparée pour l’occasion ainsi que la notice d’information à l’étude et le formulaire de consentement à l’enregistrement audio à l’intention des sujets de l’étude (cf. Annexe IV-VI). Ces deux derniers documents ont d’ailleurs été systématiquement distribué aux patientes avant chaque entretien. Ensuite, les autorisations préalables des référents pédagogiques et des référents de terrains ont été réunis. Au moment du recueil des données, l’entretien n’avait lieu qu’après consentement de la patiente et information des professionnels responsable de sa prise en charge. Enfin, l’utilisation d’une base de données a fait l’objet d’une déclaration à la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). Ces données, les lieux et les personnes ont d’ailleurs été anonymisés.

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3. RESULTATS ET ANALYSE DES ENTRETIENS

3.1. LA GROSSESSE

Si pour deux femmes, la grossesse n’a été marquée par aucun évènement particulier, un tiers des femmes évoquent des « petits désagréments » (S003) comme des nausées, des vomissements ou de la fatigue mais qui n’influencent pas la grossesse, « comme tout le monde,

des nausées au début mais rien de très handicapant » (S011). Pour d’autres, ces désagréments

ont provoqué une gêne et des difficultés dans le quotidien comme S018 qui s’en plaint : « on

n’arrive plus à se déplacer, on n’arrive plus à dormir », de même que S017 « on a l’impression de se trainer, de trainer ce corps ». De plus, pour les multipares en majorité la fin de grossesse a

été marquée par de la fatigue, souvent causée par le nombre d’enfant dont elles doivent s’occuper. Les vécus sont variés même si la majorité estime en avoir eu une bonne grossesse (11/15 des sujets interrogés). Elles ont réussi à passer au-dessus des désagréments de la grossesse afin de la vivre sereinement ou alors elles ont juste apprécié cet état particulier et profité de cette « petite pause » (S004) dans leur vie. Le reste des interviewées a été gêné par cet état car elles ont dû adapter leur quotidien ou ont carrément trouvé leur grossesse « insupportable » (S019). Enfin, S018 fait partie de ceux qui ont un avis mitigé : « je le vivais trop mal parce que je ne pouvais

plus sortir » mais elle conclut ce sujet par du positif « je trouve que j'ai eu une bonne grossesse parce que j'ai eu plus de bon que de mauvais ».

En dehors de ces critères, la grossesse a été le moment pour certaines de se préparer pour la naissance de leur enfant. Sans parler de la préparation à la naissance et de l’apprentissage de techniques pour gérer la douleur dont nous parlerons plus tard, il y a eu un travail pour imaginer l’accouchement, se figurer le lieu comme S014 « …toute cette grossesse, ça a été vraiment un

grand sujet où il fallait que je sois en paix avec le milieu hospitalier. » ou encore préparer l’arrivée

de l’enfant rapidement et en profondeur comme S017 qui avait besoin de tout nettoyer et désinfecter ou en dernière minute comme S013 qui a préparé la valise pour la maternité le jour-même. En fin de gestation, l’accouchement a aussi été une cause de peur chez deux des femmes interrogées. Ces femmes ont ensuite réagi différemment à l’arrivée des contractions et n’ont pas toutes fait le lien avec ces émotions lors de la phase de latence.

Le déroulement de la grossesse et son vécu ont été différenciés en séparant les faits marquants du ressenti global qui en ressortait. Le but était de voir si ces neuf mois de grossesse avaient pu teinter l’arrivée des contractions d’une façon ou d’une autre Les récits à ce propos des femmes interrogées sont restés brefs. De plus, un lien direct entre la grossesse et le début de travail

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le terme mais pas exclusivement chez elles. En outre, cette émotion n’était pas la seule chez ces femmes. De plus, parmi celles chez qui une pathologie de la grossesse a été diagnostiquée, ni le ressenti global de la grossesse, ni le vécu de l’arrivée des contractions n’ont été comparables. En somme, cette piste de réflexion paraît plutôt pauvre. Les femmes ont montré plus d’intérêt pour l’arrivée de l’enfant ou les conditions d’accouchement durant leur grossesse que pour l’arrivée des contractions utérines.

3.2. LES CONTRACTIONS UTERINES

LA DOULEUR

A l’arrivée des contractions utérines, certaines les ont reconnues tout de suite pour ce qu’elles sont. Pour S017 elles étaient « immanquables ». Les contractions utérines de travail sont bien différentes de celles pendant la grossesse d’après les femmes interviewées de par leur intensité, la difficulté à les gérer ou par l’effet des antalgiques sur ces douleurs. Pour d’autres, ce n’était pas aussi flagrant. Elles ont attendu afin d’être sûres que ce soit bien le travail qui commence. Elles restaient attentives à l’arrivée de tout autre signe comme la perte des eaux, des pertes de sangs ou du bouchon muqueux. Le doute persistait principalement à cause du manque de régularité des contractions, la plupart les chronométrant (8/15).

Quelques sujets, comme S018, ont du mal à qualifier les contractions utérines d’emblée « je ne saurais pas le décrire », puis la souffrance éprouvée est rapidement évoquée. Aucune généralité ne peut être décrite. Pour une des femmes, les contractions n’ont jamais été douloureuses. Certaines ont trouvé ces contractions supportables dans un premier temps ou tout le long de la phase de latence, « surtout sur la phase de pré-travail où finalement les contractions

elles sont quand même complètement gérables » (S011). Quelques-unes vont jusqu’à nuancer leur

ressenti grâce à leur expériences précédentes, S003 ayant trouvé les contractions du travail spontané plus « agréables » que lors d’un travail induit. D’autre les ont trouvées insoutenables, jusqu’à avoir l’impression d’être « en train de mourir » (S017). Plusieurs ont été submergées, voire paralysées par leur ressenti, alors que d’autres ont compris que ce n’est pas une peine continue, « la contraction finalement elle est très courte, parce qu'on peut respirer entre les

deux » (S014). Au-delà de la pénibilité de la douleur, plusieurs femmes l’ont aussi trouvé

nécessaire pour l’arrivée de l’enfant. S017 était prête à affronter cette « épreuve » afin d’avoir son bébé.

On peut trouver comme point commun entre tous les récits que la douleur est croissante tout au long de cette phase et qu’elle est particulière au travail obstétrical, S018 n’avait « jamais

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connu cette douleur » dans d’autres circonstances. Les femmes sont surprises, impressionnées

voir déstabilisées par cette dernière mais toutes ont fini par ressentir et reconnaitre les contractions de début de travail obstétrical, à part une patiente. Par ailleurs, cette douleur apparaît aussi comme naturelle. Dans son mémoire, Maud Arnal évoque la facilité d’acceptation de la douleur comme faisant partie du processus pour mettre au monde un enfant. Les parturientes ne sont pas moins tolérantes au fait d’avoir mal mais savent qu’il faudra passer par là (Arnal, 2013). Toutefois, elles ne sont pas sans ressources pour affronter et passer cette épreuve.

LA GESTION

Dans un premier temps, les femmes ayant déjà des enfants à charge ont toutes cherché à les faire garder à l’arrivée du travail. Si cette organisation n’avait pas d’effet direct sur la douleur des contractions, elle permettait tout de même de leur libérer l’esprit pour se concentrer sur les contractions. Cette organisation était souvent à la charge de l’accompagnant.

Puis différents moyens ont été mises en avant pour la gestion des contractions. Les plus fréquentes sont des techniques de respiration (12/15 femmes les ont au moins essayé), la mobilisation (6/15), le positionnement (3/15) et l’utilisation d’eau chaude (3/15). La respiration a souvent été associée à la concentration avec une tendance à s’isoler. Elle permet de se calmer selon S014 et est considérée comme simple et efficace.

Concernant la mobilisation, plusieurs types ont été employées. S007 faisait des mouvements en l’air, S011 marchait tout comme S014. Si le positionnement était inefficace pour S004, il a permis à trois autres femmes de se reposer calmement et parfois même de dormir.

Les antalgiques comme le paracétamol ou le phloroglucinol (antispasmodique) ont été peu utilisés. Une seule femme, sur les cinq qui ont essayé, les a trouvés efficaces. Par ailleurs, deux parturientes ont refusé d’en prendre de peur de ralentir le travail et donc de le faire durer plus longtemps.

Parmi les méthodes moins souvent évoquées, il y avait l’autosuggestion pour S014 qui se répétait qu’elle pouvait y arriver, S011 qui imaginait la contraction comme « un pont » pour se reposer un maximum entre chaque montée, S017 qui personnifiait la contraction afin de s’armer pour l’affronter « C’est comme si que la douleur était une personne. Tu es là, mais je suis plus

forte que toi ». Enfin d’autres comme S004 ont simplement continué leur routine avant d’aller à

la maternité. Ces méthodes ont plus ou moins pu se compléter. Certaines comme S019 n’ont trouvé aucun moyen pour se soulager tandis que S015 a essayé tout ce qu’elle avait à sa disposition : acupression, bain, mobilisation, positionnement, respiration et avait même préparé de l’homéopathie.

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pour gérer les contractions et retarder le moment d’entrer dans les salles de pré-travail, « le fait

d'être complètement libre de mes mouvements, ce qui est forcément pas le cas en salle de travail »

(S011).

La plupart de ces méthodes ont fait leurs preuves et sont régulièrement recommandées par les sages-femmes. En plus de permettre une bonne oxygénation à la femme et au fœtus, la respiration permet de relâcher les muscles dont celui de l’utérus ainsi que d’occuper les femmes en leur donnant un angle d’attaque contre les douleurs des contractions (Bonapace, 2013). Le positionnement et la mobilisation sont utiles au point de vu mécanique pour soulager des points de pression ou diminuer un obstacle pour la progression du fœtus dans le bassin (Bonapace, 2013). Les femmes, surtout en dehors de tout anesthésie, sont les mieux placées pour savoir ce qui les gêne elle et leur enfant, d’après le docteur Bernadette de Gasquet. Ce médecin rend ce pouvoir de décision aux femmes en les intimant d’écouter leur corps. Elles sont capables de trouver les positions les plus pertinentes pour leur travail (Gasquet, 2012). Concernant le paracétamol et le phloroglucinol, ils sont utilisés par les sages-femmes pour soulager la douleur des contractions de grossesse et sont peu efficaces sur celles du travail obstétrical, et jamais au point de les arrêter.

Les femmes interrogées ont trouvé ces différents moyens en s’écoutant ou en suivant les recommandations des professionnels de santé ou de leur entourage. Ces techniques simples ont fonctionné sur d’autres et depuis longtemps à en croire Mme Morel dans les « Histoires de la douleur de l’accouchement » qui fait part des pratiques de Louise Bourgeois. Cette dernière était une sage-femme du début du XVIIème siècle qui utilisait des moyens simples et traditionnels pour

soulager la douleur. Elle avait six points de levier dont l’environnement, la veille, les mouvements, les émotions et les sensations. Elle cherchait à « [émousser] le sentiment de douleur

en agissant non sur elle, mais sur les nerfs qu’elle tourmente, la sensibilité qu’elle excite, sur l’âme qu’elle déchire » (Morel, 2012). Ces points ont été utilisé par les femmes interrogées. En

effet, aucune femme n’a réussi à anesthésier les douleurs des contractions comme peut le faire l’anesthésie péridurale mais les différentes techniques ont tout de même permis de rendre les contractions supportables. Grâce à celles-ci, les femmes ont pu passer le plus de temps chez elles, ont pu se reposer un peu et se préparer à l’accouchement.

Au final, cinq femmes se disent satisfaites de leur gestion de la douleur. Au cours de la phase de latence, elles ont tenté différentes méthodes et trouvé ce qui leur convenait le mieux. Toutefois, la gestion dans la longueur n’est pas évidente avec l’intensité croissante des contractions et la durée de cette période. S018 l’a souligné, « je n'aurai pas pu attendre encore

longtemps. Enfin je n'aurai pas pu attendre chez moi jusqu'au soir ». Il vient un moment où la

parturiente arrive au bout de ses ressources et de ce qu’elle s’était préparée à endurer sans assistance médicale. En arrivant à la maternité, l’accompagnement des sages-femmes est recherché et surtout l’analgésie péridurale. Pour les femmes interrogées, le moment où elles ne pouvaient plus gérer coïncidait souvent avec leur départ pour la maternité et l’entrée en phase

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active. Par ailleurs, la douleur des contractions utérines n’est pas le seul élément à gérer durant cette phase.

3.3. LE VECU EMOTIONNEL

De nombreuses émotions et états émotionnels plus diffus ont transpiré des entretiens ou ont été parfois clairement évoqués, positifs comme négatifs : la peur, l’inquiétude, le pessimisme, le stress, la panique ; la déstabilisation, l’incertitude, la surprise ; la joie, la tranquillité, le calme, la sérénité, la confiance, l’assurance, l’optimisme, le soulagement, la culpabilité. Toutes ont éprouvé un mélange d’émotions durant cette phase, des émotions positives comme négatives, l’optimisme et la peur en même temps par exemple. De plus, l’alternance d’émotions contradictoires tout au long de la période de latence comme la joie et la tristesse, l’anticipation anxieuse et l’impatience face à l’accouchement, est une de ses caractéristiques saillantes. S018 confie ainsi :

« Donc euh… c’est assez euh… on dirait des folles. Enfin moi, je me suis crue une cinglée parce que je suis passée du blanc au noir, à être bien, pas bien… Un peu de tout. C’est passé toujours un peu dans les deux extrêmes, dans toutes les émotions, on va dire. »

Cette période est donc riche en émotions et arrive à en susciter de nombreuses et diverses sur un court laps de temps. Mais sans qu’aucune émotion ne prédomine sur les autres, on ne peut conclure que la phase de latence est une période positive ou négative pour les parturientes. Elle n’est pas non plus une période de grand stress. La peur et l’anxiété sont présentes chez plusieurs femmes interrogées mais pas toutes, et ne sont pas prédominantes.

Pour expliquer ces diverses émotions, les femmes interrogées ont souvent essayé d’y associer un facteur ou une raison. Selon S003, elle était « zen » parce qu’elle « [avait] le temps » et que tout allait bien tandis que S008 avait un doute sur le début du travail car elle n’arrivait plus à faire la différence entre les « vraies » et les « fausses » contractions. Les facteurs associés aux émotions ont aussi été temporels, comme S004 qui était d’autant plus « pressée qu’il soit là » à cause du dépassement de terme, ou lié à l’environnement comme S014 qui était détendue par la beauté du paysage autour d’elle. Elles ont également fait appel aux souvenirs de leur(s) précédent(s) accouchement(s) qui déclenchaient, selon les femmes, de la confiance, de l’assurance, du soulagement ou la sensation d’être prête ou inversement de la peur. Ce phénomène a été expliqué par Schachter dans les années 60. Pour ce psychologue l’émotion est déterminée

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activation. Cette cognition, dans le sens où le sujet intellectualise l’évènement, va donner un sens à ce qui arrive (Coppin & Sander, 2010). Afin de le trouver, le sujet va chercher des indices dans son environnement ou ses souvenir. Le problème se pose lorsqu’il n’arrive pas à donner un nom à ce stimulus. Il ne va pas comprendre ce qui lui arrive et donc ne pas savoir comment s’y adapter. Cette approche est donc une façon de gérer les émotions qui subviennent lors de cette phase.

D’autres méthodes pour gérer les états émotionnels ont aussi été développées par les femmes interrogées. S016 a recherché des informations sur les contractions sur internet pour se rassurer, S014 se projetait des souvenirs heureux et réconfortants pour s’apaiser, S015 se raccrochait aux témoignages d’autres femmes pour se motiver et S017 ne s’est fixée qu’un objectif pour rester concentrée : celui d’accoucher. Ces méthodes ont en commun la volonté de modifier une émotion présente et implique un effort pour changer le degré ou la qualité de l’émotion. Elles peuvent être dans ce sens qualifiées de travail émotionnel (Hochschild, 2003). Ces femmes ont cherché à adapter leur ressenti émotionnel à la situation en cours afin d’être le plus apte possible à l’affronter, de façon plus ou moins inconsciente.

Par ailleurs, ce contrôle peut avoir des bienfaits au niveau des douleurs, pour S003 « si

on ne panique pas, on peut mieux gérer sa douleur ». A contrario, les douleurs peuvent aussi

prendre le pas sur le ressenti émotionnel et ne pas lui laisser de place. Il en résulte une obnubilation pour les contractions. Un lien ici est mis en évidence entre l’émotion et la douleur et leurs influences l’un envers l’autre. La gestion de la première peut permettre de mieux vivre l’autre et vice-versa. Dans le même esprit, quelques femmes ont rapporté s’être isolées métaphoriquement et s’être centrées sur elles-mêmes, sur leurs sensations physiques et émotionnelles. La formation de cette « bulle » entre elles et leur environnement leur permettait de se focaliser sur ce qui leur arrivait afin de gérer la douleur et maîtriser leurs émotions. Les deux éléments sont pris en compte. Elles étaient concentrées sur la douleur et ce qui les soulageait ainsi que sur leurs émotions, les identifiaient et adaptaient leur comportement en fonction. En outre, cette méthode a aussi servi à l’établissement de la relation des futures mères avec leur enfant.

« Bah je trouve toujours que c’est des moments irréalistes parce que, bah… je sais que j’ai un bébé qui arrive mais c’est encore euh… pas concret du tout. C’est vraiment un moment hors du temps. C’est vraiment une bulle quoi. Ouai. Mais j’en garde pour les deux… j’en garde un hyper bon souvenir parce que finalement dans mon esprit c’est… bah c’est vraiment le moment où on se prépare à l’accueillir, parce que finalement dans ces moments-là, on est euh… rien qu’à eux alors qu’ils ne sont pas encore là.. […] C’était vraiment la préparation à la rencontre. » (S011)

Monique Bydlowski décrit ce type de retrait par rapport au monde extérieur durant la grossesse. Les femmes se désintéressent de leurs relations sociales ou de leur travail en faveur de leur

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2008). Avec l’arrivée des contractions, annonçant l’accouchement imminent, cet objet invisible devient de plus en plus tangible et les femmes se « rapprochent » de leur ventre encore davantage pour préparer la rencontre. Néanmoins, ce recentrage progressif n’exclue pas obligatoirement la présence ni le besoin d’un accompagnant.

3.4. LES ACCOMPAGNANTS

Chaque patiente était accompagnée durant au moins un moment de cette phase. L’accompagnant était en majorité le futur père (13/15), parfois les enfants (4/15) et pour certaines des beaux-parents ou une amie. Ils ont agi de différentes manières : simplement par leur présence ou activement, en gérant le quotidien et le côté matériel, en distrayant la parturiente ou en proposant différentes façons de soulager ses douleurs et d’aider à leur gestion, « les points [d’acupression] qu'il me faisait ça me soulageait mais physiquement » (S015).

La présence du père lors de cette période est légitime pour certaines, « On l'a fait à deux

cet enfant, c'est normal qu'il soit là ! » (S010). Cependant cette participation a été accueillie de

deux façons différentes : soit les femmes sont contentes de cette présence et y trouvent un véritable apport, soit elles rejettent l’aide proposée car elles n’y trouvent pas leur compte. Lorsque leur aide était requise, les accompagnants essayaient le plus souvent de distraire leur compagne. Le mari de S018 maintenait constamment la conversation parce que « lui tout ce qu'il l'intéressait,

c'était de me soulager, juste de me faire oublier que j'avais mal » d’après S018. Ils ont aussi

proposé diverses méthodes pour gérer la douleur comme l’eau chaude avec les bains ou l’acupression pour dévier la douleur. Enfin, leur présence pouvait aussi simplement aider. S013 s’est sentie en sécurité à l’arrivée de son mari, « il est là, je ne risque plus rien ». De même, le compagnon de S011 constituait un point fixe pour se concentrer et faire le lien avec l’extérieur car elle avait tendance à s’isoler pendant les douleurs.

Les raisons données pour le rejet de l’accompagnant étaient liées aux connaissances des messieurs de cette phase. Ils n’ont jamais rencontré la douleur des contractions utérines, n’en ont pas le savoir donc ne sont d’aucune aide pour la gérer. Le seul secours potentiellement acceptable serait celui d’un professionnel grâce à son savoir. De plus, pour S017, la gestion des contractions est très personnelle et doit donc se faire seule. La tâche des pères était alors assimilée à un support logistique comme l’organisation des tâches domestiques habituelles ou la conduire à la maternité. Parmi tous les entretiens, seules deux femmes n’ont pas évoqué leur compagnon. Pour toutes les autres femmes, le futur père s’est rendu disponible et à leur service. Dans son travail de recherche sur les douleurs de la parturition, Maud Arnal oppose ces deux types d’accompagnements. Dans

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premier cas, il y a un ajustement. Les hommes vont adopter des actions un peu plus féminines en participant à la gestion de la douleur, qui est habituellement davantage le domaine des femmes (Arnal, 2013). Toutefois, cette position est définie ici par les femmes qui décident du champ d’action de leur compagnon selon leurs besoins et ce qu’elles les estiment capables de faire.

L’accompagnement, de préférence par un proche permet aussi à la femme de partager ses émotions. Pour Bernard Rimé, « les personnes qui ont vécu un événement émotionnel majeur

manifestent un besoin parfois insatiable d’être écoutées, de parler et de reparler de cet événement » (Rimé, 2005). Cette période, comme nous l’avons vu, est riche en émotions, il a y

donc matière à partager. En faire part sur le moment va permettre à la femme de recevoir du réconfort ou de l’apaisement de la part de son auditeur – son compagnon la plupart du temps – mais aussi de recréer la réalité sociale dans laquelle elle va pouvoir se ressourcer. Elle bénéficie d’une aide supplémentaire pour se situer et adapter sa gestion des douleurs et des émotions.

Enfin, les accompagnants peuvent aussi avoir un impact indirect sur la femme en travail par leurs réactions. S003 s’est remise en question par rapport à son entourage :

Elle : Je me sentais super zen. Trop même peut-être, parce que… (Blanc) Moi : Pourquoi trop ?

Elle : Bah trop, je vois par rapport à ma mère et mon beau-père, j’étais vraiment en décalage quoi.

Le décalage dans le ressenti face à une même situation a fait S003 se remettre en question. Pour se conformer à une norme sociale par rapport à une situation, il faudrait qu’elle travaille sur ses émotions. Il s’agit du même travail émotionnel qu’évoqué plus haut mais cette fois-ci il est accompli par les autres sur le sujet (Hochschild, 2003). Pourtant, son attitude n’était pas gênante pour le déroulement du travail obstétrical et ce travail émotionnel aurait pu être évitable. Les accompagnants peuvent donc influencer de diverses façon la parturiente. Ils interviennent sur les douleurs et leur ressenti émotionnel avec ou sans la demande de la femme en travail.

3.5. LA PREPARATION A L’ARRIVEE DU TRAVAIL OBSTETRICAL

LES CONNAISSANCES

Parmi toutes les femmes interrogées, trois d’entre elles n’avaient pas connaissance d’une phase où les contractions arrivent, s’intensifient, se régularisent et constituent un motif de consultation aux urgences obstétricales. Pour deux d’entre elles, la rupture spontanée des membranes était le seul motif valable pour se présenter aux urgences et était nécessaire pour

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débuter le travail et pouvoir accoucher. Neuf des femmes étaient au courant de l’existence de cette phase, plus souvent sous le terme de « pré-travail » que de « phase de latence ». S013, par exemple, « [savait] à quoi s’attendre ». Tandis que les trois dernières n’avaient que de vagues notions comme S018 qui « n’[avait] pas de détails ». Les séances de préparation à la naissance n’ont pas joué de rôle dans cette répartition puisque certaines femmes étaient plus informées que d’autres alors qu’elles n’y avaient jamais participé et inversement, quelques-unes ne s’attendaient pas à cette période malgré leur présence à ces séances. Aucune n’a donné de définition pour cette phase. Elles se sont contentées de répondre qu’elles la connaissaient, ou pas, en spécifiant parfois les différents motifs de consultation en urgence de la fin de la grossesse ou le changement de sensation entre les contractions de grossesse ou de travail. Le déroulement de l’accouchement n’était généralement pas inconnu aux femmes et l’arrivée des contractions qui se rapprochent et s’intensifient ne constituait pas une surprise. Mais les connaissances ne sont pas homogènes et des ignorances persistent.

LES SOURCES D’INFORMATIONS

Pour se préparer à l’accouchement, elles ont eu différentes sources d’information et certaines se sont montrées actives dans cette recherche comme S015 qui voulait « connaître les

différentes phases ». Les multipares (12/15) font toutes référence à leurs précédentes expériences

en comparant leur vécu ou l’état de leurs connaissances. Et si pour la moitié (6/12), elles se sont basées sur leur expérience pour reconnaitre le début de travail, et anticiper les différentes phases ou améliorer leur gestion, « quand on a plusieurs enfants, on sait à quoi s’en tenir » (S017), l’autre moitié a trouvé ce nouveau travail différent, « par rapport à ma première grossesse, ça

n’a rien à voir » (S003) et se sont donc moins basées sur leur expérience. Elles marquent cette

différence par le fait qu’elles avaient été déclenchées la (ou les) fois précédente(s) (5/6) ou que le déroulé des évènements avait changé (1/6).

Pour la majorité (10/15), elles ont aussi tiré des informations des séances de préparation à la naissance et à la parentalité (PNP) auxquelles elles ont participé durant cette grossesse ou une précédente. Différents types de préparation ont été essayés : les séances classiques, le Qi-Gong, le sophrologie et l’haptonomie. Cette dernière était davantage axée sur la mise en place du lien affectif entre les futurs parents et l’enfant à naître et était pauvre en information sur le jour de l’accouchement d’après S015. Dans les autres PNP, les femmes rapportent avoir abordé différents sujets comme des techniques de respiration ou pour se détendre, se positionner, se mobiliser afin de gérer les contractions utérines ou d’avoir parlé des principaux motifs de consultations en urgence à la fin de la grossesse, des risques liés à l’accouchement ou encore de l’anatomie féminine.

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Ce ne sont pas les seules origines des connaissances des femmes. Plusieurs femmes interrogées ont été chercher des informations sur internet (4/15), sur différentes plateformes, pour savoir quand partir à la maternité, comment sont les contractions utérines, connaitre les différentes phases ou bien regrouper des témoignages, « il y a tellement de vidéo sur YouTube, même de

sages-femmes […] elles sont assez didactiques » (S014). Elles sont aussi nombreuses à avoir reçu

ou cherché des témoignages auprès de leur entourage sur cette période, à propos de l’accouchement, des contractions utérines et des moyens pour les gérer, « quand on est enceinte,

on s'informe sur nos copines enceintes ou qui l'ont été » (S018). Leurs discours peuvent d’ailleurs

être plus ou moins censurés, « les fameuses contractions dont mon entourage ne parlait pas trop

devant moi […] pour ne pas trop me faire peur » (S017) ou « j'ai déjà entendu pire […] elles touchent la mort » (S018). D’autres moyens sont aussi à leur disposition comme des livres (1/15)

ou des émissions de télévision comme « Baby-Boom » (2/15).

Ces derniers moyens ont comme point commun la transmission d’expérience entre les femmes. Même les émissions de télévision sont le récit d’une expérience d’une femme à destination d’autres femmes. Nous retrouvons le phénomène décrit par Charrier et Clavandier selon lequel les femmes aujourd’hui ne se contentent plus de la toute puissance et du savoir intégralement médical (Charrier & Clavandier, 2013). Dans l’histoire, les femmes se sont d’abord transmises entre elles tout ce qui était relatif à la naissance, ce savoir était purement féminin. Lors du transfert des accouchements du domicile vers les structures hospitalières, l’expérience des mères n’était plus comparable à celle de leurs filles et les médecins ont acquis la responsabilité de transmettre le savoir lié à l’accouchement. Ce discours sera complet et ne permettra pas de fausses interprétations. Mais un exposé purement factuel ne permet pas à la femme de s’approprier les informations contrairement à un récit contenant les impressions de la femme à laquelle on pourra s’identifier ou se comparer. S014 a eu besoin de témoignages où les femmes ont « réussi » à rester chez elles le plus longtemps possible pour s’en croire elle aussi capable, tandis que S007 n’aurait pas dû se fier seulement aux récits de femmes pour qui le travail n’a commencé qu’après la rupture de la poche des eaux. Le savoir de l’accouchement se répartit aujourd’hui entre les femmes et les médecins et la transmission n’est plus seulement horizontale ou verticale. Grâce aux entretiens, nous pouvons voir que les femmes ont fait appel à ces deux discours et qu’ils se sont compensés l’un l’autre.

LA SATISFACTION

Par cet item, je voulais estimer la satisfaction des femmes concernant les informations qu’elles ont pu intégrer pendant leur grossesse par rapport à la phase de latence, si elles en avaient assez pour appréhender le début du travail. Les résultats sont assez pauvres car les réponses des femmes interrogées étaient pour la plupart très évasives, « ça va, j’ai bien géré mais… sans l’avoir

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appris quoi. Mais est-ce que j’ai besoin d’une information en plus ? ça a été quoi. » (S003). Elles

estiment en avoir eu suffisamment pour la plupart et que de toute façon, comme le pointe S010 « on est obligé de savoir comment ça se passe ». Puisque les contractions sont un phénomène « naturel », il n’y a pas besoin de trop s’appesantir sur une formation selon certaines femmes, le phénomène est compréhensible au fur et à mesure.

Pourtant la connaissance parait importante pour la gestion des douleurs et du ressenti afin de se situer dans cette phase, la comprendre et l’appréhender comme on l’a vu plus tôt. A cet égard, S018 est satisfaite des techniques de respiration qui lui ont été transmises en PNP. Seul S007 déplore le manque de rappel des motifs de consultation en urgence qui l’ont induit en erreur. Elles ont tout de même fait preuve de curiosité durant leur grossesse pour se préparer à l’accouchement en se rendant en PNP ou en se renseignant via d’autres sources comme on a pu le voir. Même lorsque le travail a commencé, il n’est pas trop tard pour recueillir d’autres informations. S005 a été rechercher sur internet les caractéristiques des contractions utérines au début de la phase de latence afin de savoir ce qui lui arrivait. Finalement, la satisfaction ou non des informations qu’elles ont regroupées n’est pas évaluable mais l’intérêt qu’elles ont porté à les collecter en vue de l’accouchement est notable. De plus, peu de femmes interviewées ont recherché d’informations supplémentaires au début de la phase, la majorité devait donc se sentir à l’aise avec les notions déjà accumulées.

3.6. L’ARRIVEE AUX URGENCES OBSTETRICALES, LA PRISE DE DECISION

Différents motifs ont été évoqués pour motiver la décision de se rendre aux urgences : la perte des eaux (1/15), le rendez-vous de terme (2/15), des pertes de sang (2/15), une augmentation de l’intensité des contractions (5/15) et la fréquence des contractions (5/15). En plus de ces motifs et du fait qu’elles ont suivi les recommandations qui leur avaient été faites, quatre d’entre elles avaient la sensation que c’était le moment, « je le savais » (S018). Des facteurs secondaires ont aussi été pris en compte pour la décision comme la durée totale depuis les premières contractions (2/15), le trajet entre le logement et la maternité (3/15), la parité (2/15), le désir de se situer dans le travail (3/15) ou une modification dans la façon de gérer et des sensations différentes (5/15). Le désir de ne pas y aller trop tôt est revenu 7 fois tandis que la peur d’arriver trop tard, pour l’accouchement ou la pose de la péridurale seulement 2 fois. La prise de décision a aussi été retardée pour certaines par la peur de ne venir pour rien. Elles voulaient éviter d’être déçues si le travail n’était pas aussi avancé qu’elles le pensaient ou bien craignaient de déranger l’équipe.

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hospitalier. Une seule patiente était venue trop précocement dans la journée et avait été renvoyée chez elle en attendant l’intensification et la régularisation des contractions. Puis, deux des femmes interrogées ont attendu en vain la rupture de la poche des eaux. Enfin, la décision a été prise dans deux cas par des accompagnants au vu de l’attitude de la parturiente.

Les motifs de consultation en urgence ont été pour la plupart des femmes bien retenus et appliqués. Toutefois, le doute a subsisté pour certaines. Le travail obstétrical est un phénomène continu dont la progression dans le temps est difficile à observer en dehors des examens gynécologiques. Au XXème siècle, l’accoucheur français Louis Devraigne se fiait aux cris des

patientes pour suivre le travail obstétrical qu’il qualifiait de « mouches » pendant la première phase et qui étaient suivis par une douleur « préparante » puis des « cris déchirants » jusqu’à la dilatation complète (Morel, 2012). Mais les femmes ne sont pas formées à les reconnaître et n’ont pas non plus l’habitude de les différencier. De plus, l’intensification est un critère subjectif qui peut dérouter certaines femmes lorsqu’elles ne l’ont pas expérimenté. Il n’est vraiment compris que lorsqu’il est ressenti. S004 est venu une première fois, ses contractions étaient régulières et semblaient intenses mais elle n’était pas encore en phase active. Plus tard elle a senti que ses contractions n’avaient plus rien de comparable avec les précédentes. Quand elle s’est présentée la seconde fois, elle était en phase active. Et les femmes peuvent aussi ne pas être conscientes de cette différence comme les deux patientes dont la décision de partir est revenue à leur accompagnant. En restant concentrées sur leur gestion ou leur idée de début de travail, elles n’ont pas intellectualisé la différence d’intensité comme le passage en phase active du travail. Les accompagnants les ont poussés à consulter en voyant de l’extérieur une rupture dans le comportement de la femme.

3.7. LA PHASE ACTIVE

Ce thème ne faisait pas partie de ceux à traiter, malgré cela, quasiment toutes les femmes l’ont abordé à un moment ou un autre durant l’entretien. Elles évoquent la rupture entre le temps à la maison et celui à l’hôpital, « un point de non-retour » pour S015 en arrivant en salle de naissance ou bien la douleur qui s’accentue « en arrivant à l'hôpital, elles [les contractions]

commençaient à être un peu plus fortes et en salle de naissance elles étaient vraiment fortes »

(S016). Leurs émotions sont aussi abordées, de même que leurs réactions face à cette prise en charge médicale. Ce complément d’information est utilisé pour compléter leur description des évènements qu’elles ont vécu mais sert également à mettre les deux périodes en perspective. Les femmes vont gérer différemment les contractions ou ressentir de nouvelles émotions, toujours variables selon les femmes, allant de la réassurance à la solitude, en passant par l’irritation. S014

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latence qu’elle avait passée en partie à l’extérieur dans le calme et la fraicheur de la nuit, elle se retrouvait ensuite dans une petite pièce avec les barrières du monde médicale. Ses perceptions ont changé et elle a alors modifié sa façon de gérer les contractions.

Elle : J’avais l’impression de m’enfermer un petit peu. Enfin, d’un coup, il y avait des murs. Du coup à un moment, j’ai commencé à crier, à avoir besoin de crier quand je suis arrivée en…

Moi : Ici ? [à l’hôpital]

Elle : Ouai. Et c’est comme si j’avais besoin de dépasser les murs tandis que j’avais très bien réussi avec la respiration.

Cette nouvelle description permet de mettre en lumière ce qui l’avait aidé auparavant et certains éléments prennent de l’importance, comme l’environnement dans lequel évolue les parturientes. S014 s’est senti enfermée au sein de la structure hospitalière et sait maintenant qu’elle a besoin de plus d’espace et de liberté tandis que d’autre femmes y ont trouvé davantage de sécurité. La possibilité de se mobiliser comme l’on souhaite est aussi exposée de cette façon. S011 a retardé le plus longtemps possible sa venue aux urgences car elle redoutait la période sous le monitoring – appareil permettant d’écouter le cœur du fœtus et d’enregistrer les contractions utérines – qui l’obligerait à rester allonger dans un lit. Comme nous l’avons vu précédemment, ces éléments sont régulièrement et assez simplement mis en place pour la gestion de la douleur. En interrogeant a posteriori les femmes, les évènements qu’elles ont vécu à la suite de la phase de latence ont leur importance chez elle. Ils ont teinté l’expérience globale. Mais les différences entre les conditions pour gérer ainsi que les aides à leur disposition sont si importantes qu’elles ont eu matière pour savoir ce qui pouvait mieux leur convenir.

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4. DISCUSSION

4.1. DISCUSSION METHODOLOGIE

LES POINTS FORTS

Grâce à la liberté permise par les entretiens semi-directifs, du matériel supplémentaire a été recueilli comme l’opposition entre le vécu pendant et après la phase de latence. L’importance de certains sujets a aussi été mise en évidence par le temps qu’elles y ont consacré lors de leur récit, leur grossesse était brièvement évoquée tandis qu’elles pouvaient passer davantage de temps à décrire comment elles ont été accompagnées. La confiance s’installait rapidement entre les femmes et moi puisque je pouvais leur expliquer le but de mon étude et les rassurer à propos de la diffusion de leurs récits. Grâce à cette relation qui s’établissait, je pense qu’il était plus facile pour elles d’évoquer les détails intimes dont elles n’auraient pas fait part dans le cas contraire.

Par ailleurs, peu de question des professionnels de santé sont en rapport avec la phase de latence sauf sur sa durée. Revenir sur le travail qu’elles ont fait à la maison a permis de le mettre en lumière et de reconnaître de l’effort fourni.

LES LIMITES

La réalisation d’entretien a aussi des limites et des inconvénients. Les interruptions étaient fréquentes par l’entrée inopinée du personnel hospitalier, par les besoins du nouveau-né toujours présent dans la chambre ou par les visites qui ont parfois mis fin à l’entretien par leur arrivée. Le fait de ne suivre qu’un guide qui n’a pas d’ordre chronologique lors des entretiens génère des répétitions ou au contraire l’oubli de certains thèmes. Parce que j’étais débutante, mes questions n’ont pas toujours été correctement formulées et toutes mes relances n’étaient pas adaptées. Je déplore aussi de nombreux tics de langage dont je n’ai pas réussi à me défaire. De plus, par le temps limité sur le terrain d’enquête, les entretiens n’ont pas tous été retranscrits au fur et à mesure, ni même analysés directement. Le guide a donc été très peu retravaillé durant la phase d’entretiens. Ainsi, on peut regretter des profils où il manque la classe sociale et la durée totale de la phase de latence n’a pas été demandée.

Concernant le sujet, le travail physiologique par son caractère continu rend difficile la différenciation entre les phases qui le constituent. La nuance dans le discours des femmes n’était pas toujours évidente. De même, leur ressenti ou leurs pensées sont mal délimités entre la fin de la grossesse et le début du travail.

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Enfin, l’analyse de ces entretiens était aussi l’une des limites de ce type de recherche puisqu’elle est issue de mon interprétation des différents discours.

4.2. DISCUSSION GENERALE

4.2.1. LE VECU

Au final, il y a autant de vécus différents que de femmes interrogées. D’un côté les contractions utérines sont toujours décrites comme douloureuses mais à des degrés différents selon les femmes. Les douleurs engendrées occupent néanmoins le cœur du sujet. Les parturientes s’organisent autour de ces douleurs, adaptent leur vie en fonction, jusqu’au moment où elles décideront de continuer le travail en maternité. Les femmes se désintéressent progressivement de leur environnement en faveur de leur propre corps et des douleurs provoquées par l’accouchement imminent.

De l’autre côté, aucune émotion n’a prédominé mais la phase de latence est remarquable par la diversité et le nombre d’émotions qui sont suscitées chez la parturiente. Elles s’enchainent sur une courte période. Or, une émotion est un indicateur sur la façon de réagir à une situation. Lorsqu’on a peur, on aura tendance à s’enfuir, lorsqu’on ressent de la joie, on essaie de faire durer ce moment le plus longtemps possible. L’émotion guide le comportement de l’individu et va aussi orienter les pensées. Chez une personne angoissée, chaque bruit va être interprété et rendu plus inquiétant qu’il ne l’est. Les patientes ont réagi de la même façon à l’arrivée des contractions. Le doute sur le début du travail les a poussées à se chronométrer pour comprendre, la peur de la douleur les a fait chercher des moyens de la soulager et elles ont partagé la joie de l’enfant à naître avec leur accompagnant. Toutefois, l’alternance d’émotions durant cette période en fait un moment assez confus. Il devient difficile d’adopter un comportement cohérent lorsque ce qu’on ressent est labile. Un travail émotionnel est nécessaire dans ce genre de cas.

4.2.2. LES RESSOURCES

La douleur des contractions utérines étant au cœur du début du travail obstétrical, sa gestion est un point clé de cette phase. Elle a été le point de préoccupation des sujets interrogés pendant cette phase. Le but était de diminuer la douleur. Les méthodes utilisées sont issues des

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l’entourage a été recherchée pour compléter le savoir médical objectif, rendant la période surmontable puisque d’autres l’ont fait. Les femmes ont aussi su trouver elles-mêmes ce qui pouvait les soulager. Elles ont fait appel à leurs souvenir ou ont expérimenté jusqu’à trouver la méthode qui leur convenait et réduisait la douleur. Mais ce n’est pas le seul angle d’attaque pour dépasser les contractions utérines. Des techniques ont été mises en place pour essayer de comprendre leurs émotions et les gérer. Elles les ont trouvées et les ont utilisées inconsciemment et sans l’intervention des professionnels de santé pour les guider. L’imbrication entre le travail émotionnel et la gestion de la douleur est importante. L’un est capable de soulager l’autre mais aussi de l’entrainer dans un cercle vicieux. Dans le cas du cercle vertueux, une gestion adéquate des contractions permet d’apaiser la femme, d’avoir des émotions positives et de cette façon elle prend conscience de l’efficacité de ses efforts et la pousse à continuer. Concernant le cercle vicieux, si la parturiente part submergée par des émotions négatives, elle est découragée par la douleur et n’apprécie pas les différents moyens de soulager les contractions, ce qui la conforte dans son impression de douleurs insurmontables.

Pour une phase de latence donc qui se veut « lente », les femmes interrogées ont montré qu’elles ne l’ont pas passé à attendre. Un « travail » a été fourni de leur part dans le sens où un effort a été accompli afin d’accéder à un résultat : celui d’être soulagée, de passer la première phase du travail obstétrical. Les parturientes sont « actrices » dès l’arrivée des contractions utérines, d’autant plus qu’elles sont encore dans une situation où elles sont les seules à pouvoir décider de ce dont elles ont besoin et de ce qu’elles veulent faire.

4.2.3. L’INFORMATION

Les femmes interrogées sont celles qui ont « réussi » à passer la totalité de la phase de latence sans le personnel médical. Elles évoquent facilement cet objectif, qui est d’ailleurs aussi présent chez les sages-femmes. Le personnel médical ne va pouvoir être vraiment actif sur la prise en charge qu’à partir de la phase active et les patientes vont percevoir comme un échec de se présenter trop tôt aux urgences pendant le travail. Dans ce sens, puisque toutes les patientes interrogées se sont présentées en phase active du travail obstétrical, nous pourrions dire qu’elles ont « réussi » et qu’elles devaient avoir le nécessaire pour affronter la première partie pour cela. Or, il conviendrait de nuancer. Le fait d’avoir supporté le début du travail ne signifie pas qu’on était prêt à l’affronter ni même qu’on l’a bien vécu. Puisque bien commencer le travail obstétrical permet de le continuer sur de bonnes bases – comme lorsqu’on est optimiste, tout nous semble plus facile ensuite – avoir un bon vécu de cette première phase devrait être l’objectif. Le vécu final est mitigé pour les femmes interrogées et lorsqu’on leur demandait si elles avaient besoin de

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plus d’information concernant la phase de latence ou les contractions utérines, la réponse la plus fréquente était « non ». Pour un meilleur vécu, la solution n’est pas dans les informations à leur transmettre. Les femmes ont cherché par elles-mêmes les informations qui leur manquaient pendant la grossesse ou pendant la phase. Les notions manquantes étaient accessibles. Pour un meilleur vécu de la phase de latence, la réponse n’est pas nécessairement dans les informations à apporter à propos de cette phase.

Figure

Figure 1 : Répartition de l’échantillon selon la parité des femmes primipare20%2e pare46%3e pare27%5e pare7%
Figure 2 : Répartition de l’échantillon selon les termes à l’accouchement
Figure 3 : Répartition des entretiens lors de l’étude

Références

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