• Aucun résultat trouvé

La question de l’accouchement extrahospitalier en France de 1974 à 1994

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La question de l’accouchement extrahospitalier en France de 1974 à 1994"

Copied!
93
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: dumas-01394114

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01394114

Submitted on 8 Nov 2016

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

La question de l’accouchement extrahospitalier en

France de 1974 à 1994

Stéphanie Colasse

To cite this version:

Stéphanie Colasse. La question de l’accouchement extrahospitalier en France de 1974 à 1994. Gyné-cologie et obstétrique. 2016. �dumas-01394114�

(2)

Académie de Paris

Ecole de sages-femmes Saint-Antoine

Université Pierre et Marie Curie

Mémoire pour le Diplôme d’Etat de sage-femme

La question de l’accouchement

extra-hospitalier en France de 1974 à 1994

Directeur de mémoire : Fabrice CAHEN, chargé de recherche à

l’Institut National d’Etudes Démographiques

Année Universitaire 2015-2016

COLASSE Stéphanie

Née le

13 Décembre 1986

Nationalité : française

(3)
(4)

Académie de Parie

Ecole de sages-femmes Saint-Antoine

Université Pierre et Marie Curie

Mémoire pour le Diplôme d’Etat de sage-femme

La question de l’accouchement

extra-hospitalier en France de 1974 à 1994

Directeur de mémoire : Fabrice CAHEN, chargé de recherche à

l’Institut National d’Etudes Démographiques

Année Universitaire 2015-2016

COLASSE Stéphanie

Née le

13 Décembre 1986

Nationalité : Française

(5)

Remerciements

A Fabrice Cahen, directeur de ce mémoire, pour son soutien, sa patience et son investissement durant ces deux années m’ayant permis de réaliser ce travail me tenant à cœur.

Aux enseignantes sages-femmes de l’école de Saint-Antoine pour leur disponibilité, leur soutien et leur transmission de savoirs durant ces quatre années de formation.

A mes amies qui me sont chères : Mélody, Leslie, Lou, Audrey, Chloé, Anouck, Pia et Cécile pour leur soutien, leur joie de vivre et les moments passés ensemble. Votre amitié m’est primordiale.

A Willy pour sa patience et son amour, sans qui je n’aurai pu avancer. Je te remercie de m’apporter tant de bonheur.

A ma famille, et surtout ma mère.

Je tiens également à remercier l’équipe de l’Académie de Médecine pour leur accueil toujours chaleureux.

Un grand merci à tous les couples rencontrés au cours de mes stages, vous avez fait de ce métier ma vocation.

(6)

« La vie privée englobe le droit de choisir les circonstances dans lesquelles

devenir parents », Cour Européenne des Droits de l’Homme, 2010.

Ces paroles ont été prononcées lors de la condamnation de la Hongrie pour violation de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, relatif à « la protection du droit au respect de la vie privée et familiale ». En effet, une femme n’ayant pu accoucher à domicile accompagnée d’une sage-femme, dissuadée par des menaces de poursuite, a porté plainte.

En France, des femmes sont confrontées à la même difficulté à faire valoir leurs droits. Or en tant que pays adhérent à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, notre pays « est tenu de respecter des décisions de la Cour Européenne sans attendre d’avoir modifié sa législation ».1

(7)

Table des matières

Introduction ... 3

Première partie : Revue de la littérature ... 5

I- L’amorce du déclin de l’accouchement traditionnel: XVII- XVIII ème siècles ... 6

A- Jusqu’au XVII ème siècle : Une naissance traditionnelle ... 6

B- XVIII ème siècle : le tournant de la médicalisation de la naissance, arrivée des accoucheurs et mise sous tutelle des sages-femmes. ... 7

II- XIX-XX ème siècles : l’accouchement, un enjeu social, national….et médicalisé ... 9

A- 1800-1880 : La fièvre puerpérale, véritable fléau des maternités ... 9

B- Les politiques natalistes du XX ème siècle ... 11

1- 1918-1939 : la « peur du péril démographique » et l’avènement des politiques familiales 11 2- 1939-1945 : la maternité, un devoir patriotique ... 12

3- 1945 : Fin de la seconde Guerre Mondiale et renforcement des politiques familiales ... 12

C- 1952- 1970 : l’Accouchement Sans Douleur, un premier pas vers l’humanisation de la prise en charge hospitalière ? ... 13

III- Histoire du mouvement féministe et mise en question de l’accouchement médicalisé ... 15

A- Du féminisme maternaliste au féminisme libéral-égalitariste ... 15

B- Le féminisme radical ... 16

C- Féminisme matérialiste versus féminisme différentialiste ... 17

D- Fin des années soixante-dix : généralisation de l’analgésie péridurale et sa critique ... 18

IV- Evolution de la politique périnatale : 1970-1994 ... 19

A- Définition des indicateurs de périnatalité ... 19

B- Le plan 1970-76 : Décret « Dienesch » ... 20

C- Le plan 1995-2000 ... 21

Deuxième partie : Présentation de l’Etude, de la Méthodologie et Analyse des résultats ... 23

I-Présentation de l’étude ... 23

A- Problématique et objectif ... 23

B- Matériel et méthode ... 24

1- Type d’étude et outil ... 24

2- Modalités du recueil de données et stratégies d’analyse ... 25

II- Résultats et Analyse ... 27

A- 1974-1982 : critique de « l’hypertechnologie » et volonté d’humaniser la naissance ... 27

1- Demande croissante d’humanisation de la naissance ... 27

2- Entre sécurité et technologie : la femme enceinte est-elle une malade qui s’ignore ? ... 29

3- Changer les relations médecins- couples et médecins- sages-femmes... 32

4- Emergence du premier collectif « femmes-sages-femmes » ... 36

B- 1982- 1994 : Emergence des alternatives à l’accouchement hospitalier et critique de « l’hospitalocentrisme » ... 38

1- Humanisation et sécurité : une conciliation impossible ? ... 38

2- Retour de l’accouchement à domicile : véritable choix ou lutte contre les conditions de l’accouchement hospitalier ? ... 44

(8)

Troisième partie : Discussion et propositions ... 61

I- Forces et limites de l’étude ... 61

a- Limites ... 61

b- Forces de l’étude ... 61

II- Synthèse des résultats ... 62

III- Solutions alternatives envisagées afin de répondre aux demandes des couples et des professionnels ... 65

a- L’accompagnement global : un couple-une sage-femme, une alternative à encourager . 65 b- Les maisons de naissances ... 66

c- Humaniser les salles de naissances : création des « espaces physiologiques » ... 70

Conclusion ... 71

Références bibliographiques ... 72

Annexe I : Grille de lecture ... 76

Annexe II : Liste des articles analysés par ordre chronologique ... 77

Annexe III : Ampleur médiatique du phénomène « Naître à la maison » - Avril 1982 ... 81

Annexe IV : Charte des droits des parturientes ... 82

(9)

Introduction

Jusque dans les années 1950, la naissance considérée comme un événement intime se déroulait majoritairement au domicile des femmes. La mise au monde est porteuse d’histoires difficiles marquées par une mortalité materno-fœtale considérable. Nos sociétés modernes se sont alors emparées de cet événement afin de le rendre plus sûr. L’accouchement est un processus physiologique naturel, qui depuis le XVIIIème siècle s’est largement médicalisé.

Actuellement, l’hôpital reste le lieu de référence pour faire naître son enfant en France. Grâce aux progrès médico-techniques, la mortalité maternelle et périnatale a considérablement diminué mais il est important de se poser la question des options alternatives à l’accouchement hospitalier aujourd’hui en France.

En effet, l’un des problèmes émergents concerne les lieux de naissance et plus largement les conditions de naissance en France. Des associations de parents et de professionnels militent pour la diversité des lieux de naissance avec la possibilité d’un éventail plus large de choix (1) ; une partie des sages-femmes revendique également l’ouverture de structures répondant davantage à une demande croissante d’accouchements « physiologiques ». Pour exemple, selon une étude française réalisée en 2000 sur l’opinion des femmes sur l’accouchement à domicile (AAD), 52% considèrent qu’il devrait être proposé.

Un stage de trois semaines réalisé dans un cabinet libéral composé de sages-femmes pratiquant des AAD m’a permis de découvrir ce qu’était l’accompagnement global : j’ai alors été confrontée à une relation particulière entre la sage-femme et le couple, mêlée de confiance, d’écoute, d’échange et de simplicité…mais également à l’hostilité à l’égard des couples et des professionnels ayant choisi l’AAD de la part du milieu médical et de la société en général. Le contexte français semble rejeter l’AAD dans la marginalité.

Pourtant nombre de nos voisins européens pratiquent l’accouchement extra-hospitalier, que ce soit l’AAD ou les Birth Centers2 : des études montrent que bien encadrés, les

2 Les Birth Centers sont des structures présentes aux Etats-Unis et en Grande Bretagne,

permettant aux femmes d’accoucher dans un lieu non médicalisé entourées de sages-femmes, proche des conditions qu’elles rencontrent à domicile.

(10)

accouchements hors structures hospitalières sont aussi sûrs que les accouchements à l’hôpital.

En France le Collectif Inter-Associatif autour de la Naissance crée en 2003, milite pour l’amélioration des conditions de la naissance et la diversification des lieux d’accouchement. Relayée par d’autres organismes, tel que la Haute Autorité de Santé, cette action a permis de remettre en cause l’idée de l’hôpital comme seul lieu approprié pour la naissance.

En tant que future sage-femme, je me suis alors interrogée sur l’histoire nous ayant conduit à la situation actuelle : quelles sont les raisons politiques, médicales et sociales expliquant le monopole de l’accouchement hospitalier ? Quand et pourquoi est apparu ce mouvement contestataire autour des conditions de la naissance en France?

L’objectif de ce mémoire n’était pas de remettre en cause les pratiques actuelles nécessaires dans les situations à risque ou le bien-fondé de l’accouchement à l’hôpital mais de comprendre comment les revendications à un accouchement extra-hospitalier ont

vu le jour en France entre 1974 et 1994 ainsi que les freins à leur émergence.

Tout d’abord, nous avons étudié le contexte historique de la naissance en France, les modifications sociales et culturelles du statut de la naissance ainsi que l’évolution de la place de la femme au sein de la société revendiquant de nouveaux rapports à la maternité. Ces différents axes nous ont permis, à la fois, de comprendre les raisons ayant amené à une médicalisation grandissante de la grossesse et de l’accouchement et l’organisation du mouvement revendiquant des alternatives à l’accouchement hospitalier.

Dans une deuxième partie, nous présentons l’étude, les résultats et leur analyse afin d’en discuter dans une troisième et dernière partie.

(11)

Première partie : Revue de la littérature

Définitions

Dans un premier temps, il convient de définir les termes abordés dans notre travail.

Nous avons choisi une approche historique : l’histoire nous permet de revisiter les bouleversements de la société. M. Bloch, considéré comme l’un des fondateurs de la science historique moderne du XX ème siècle, explique « qu’il faut comprendre le présent par le passé ».3 Ainsi l’histoire permet de comprendre le fonctionnement des sociétés et celui de ses mécanismes de changement. Cette approche nous a permis de répondre à une problématique actuelle concernant le libre choix du lieu de naissance et d’en déduire des propositions d’amélioration afin que les futurs parents concrétisent leur projet de naissance, dans la mesure du possible.

Quant aux alternatives à l’accouchement hospitalier « traditionnel », nous faisons référence à trois possibilités :

• L’accouchement à domicile

• Les maisons de naissances : lieux spécifiques, indépendants, aménagés en dehors du plateau technique et gérés par des sages-femmes dans les limites de leurs compétences reconnues.4

• L’accouchement en plateau technique a été défini par Madeleine Moyroud (secrétaire de l’Association Nationale des Sages-femmes Libérales) en Mai 2010 comme « un lieu permettant aux sages-femmes d’assurer, en toute autonomie, l’accouchement des patientes au sein d’une maternité publique ou privée » et qu’il y ait « une mise à disposition, à titre locatif, du matériel et des locaux nécessaires à l’exercice de leur art ».

Quant au terme de médicalisation, bien qu’entré dans le vocabulaire des sciences sociales, ce terme renvoie à de nombreuses définitions notamment dans la littérature à caractère

3 Apologie pour l’Histoire ou métier d’historien, M. Bloch. 4

Rapport n°1560 de l’ Assemblée Nationale, au nom de la Commission des Affaires Sociales sur la proposition de Loi, adoptée par le Sénat, autorisant l’expérimentation des maisons de naissance ; 19 Novembre 2013.

(12)

sociologique. Voici quelques exemples de définitions témoignant de la prolifération et de l’ambiguïté définitionnelle caractérisant le concept de « médicalisation » :

• La médicalisation est l’application de concepts et technologies médicales à la compréhension et la régulation de conduites individuelles ou de phénomène sociaux (2).

• la médicalisation est un processus dynamique qui marque notre société en profondeur, qui oriente le développement économique, les pratiques sociales, les attentes et les satisfactions/insatisfactions à partir d’objectifs et de finalités autour de la santé prise comme valeur suprême (3).

Les conditions de la naissance ont évolué à partir du XVIII ème siècle avec une accélération au cours des XIX et XX ème siècles. Plusieurs facteurs ont entraîné la marginalisation de l’accouchement à domicile au profit de l’hôpital. Revenir sur l’évolution de l’histoire de la naissance permet à la fois de comprendre le paysage actuel de la maternité, véritable enjeu socio-politique et comment la science s’est progressivement emparée de la mise au monde, à l’origine des pratiques hospitalières contemporaines. Les repères et les comportements traditionnels ont été bouleversés par l’entrée de nouveaux acteurs : les accoucheurs.

I- L’amorce du déclin de l’accouchement traditionnel:

XVII- XVIII ème siècles

A- Jusqu’au XVII ème siècle : Une naissance traditionnelle

Les naissances ont lieu à la maison, généralement dans la pièce commune. La parturiente est assistée par la matrone ou « bonne mère ». Souvent fille ou nièce de matrone, elle n’a pas fait la moindre étude et la plupart sont illettrées. Il s’agit d’une femme mariée ou veuve, libérée de ses propres maternités dont le savoir est uniquement empirique, par accumulation d’expériences personnelles ou par transmission intergénérationnelle de savoirs (4). A défaut d’être toujours efficace, elle est dotée de qualité relationnelle : « elle est la femme sage qui accompagne et qui délivre » (5).

(13)

Autour de la femme, amies et voisines apportent une aide matérielle, réconfort et compréhension permettant d’accompagner la parturiente et dissiper son angoisse. L’accouchement est alors exclusivement une affaire de femme (6). Cette solidarité féminine semble être un élément sécurisant dans le rite de passage qu’est la naissance (7). Le père est généralement absent : on ne fait appel à lui qu’en cas d’accouchement difficile ; sa présence n’est donc pas forcément bon signe (6), (7). Après la naissance, il réchauffe l’enfant et prend en charge sa socialisation.

Cette solidarité féminine autour de la matrone suscite quelques inquiétudes à l’extérieur. Par exemple l’Eglise considère ces pratiques obscures, contraire à ses enseignements, considérant la douleur de l’enfantement comme inévitable, selon le précepte biblique : « tu enfanteras dans la douleur ».

Malgré le climat chaleureux d’autrefois, la mortalité maternelle et périnatale est élevée : l’impuissance de la médecine et l’impéritie des matrones sont responsables de la mort de 10% des femmes en âges de procréer au XVII ème siècle (7).

B- XVIII ème siècle : le tournant de la médicalisation de la

naissance, arrivée des accoucheurs et mise sous tutelle des

sages-femmes.

Traditionnellement, les hommes de science n’ont pas le droit d’assister aux accouchements par « décence », excepté pour la délivrance de fœtus mort ; leurs connaissances sont essentiellement livresques.

Le XVIII ème siècle, siècle des Lumières, connaît une augmentation majeure de connaissances dans tous les domaines y compris concernant la science de l’accouchement. C’est alors qu’ils commencent à rédiger des traités d’obstétrique, tel que le traité « Des maladies des femmes grosses » rédigé en 1668 par F.Mauriceau : l’écrit est devenu le support de la connaissance leur permettant d’accroître leurs savoirs en anatomie (8). Ainsi cela suppose que les accoucheuses, afin de profiter de ces connaissances, sachent lire. Une mutation de fonction s’opère: l’accoucheuse perd progressivement son indépendance au profit du contrôle des médecins (5). A partir de 1650, la « mode des accoucheurs » se répand dans la bourgeoisie. Ils réussissent à s’imposer parce qu’ils travaillent avec des instruments efficaces, les leviers et forceps mis au point à la fin du XVII ème siècle. Ces

(14)

instruments permettent la naissance de nouveau-nés qui seraient restés enclavés dans le bassin : c’est un premier pas vers la médicalisation de la naissance.

Même si les hommes sont de plus en plus présents en obstétrique, les matrones réalisent l’essentiel des accouchements, surtout à la campagne. Cependant dès 1750, elles font l’objet de critiques virulentes de la part des autorités politiques, médicales et religieuses. Elles incarnent l’obscurantisme et sont qualifiées de « matrones assassines, sales et imprévoyantes » (5).

Depuis la défaite face à la Prusse en 1870, le nombre de sujets est devenu une priorité de l’Etat afin d’affirmer sa prédominance en Europe ; les idées populationnistes commencent à guider les décisions des gouvernants. Dans le but de diminuer les mortalités maternelle et infantile, le pouvoir royal agit afin de préserver la vie des sujets : ceci passe par une meilleure formation des accoucheuses.

Madame Du Coudray, maîtresse sage-femme à l’Hôtel Dieu, commence alors en 1757 son « tour de France ». Munie de son brevet Royal, elle forme cinq milles accoucheuses en vingt-cinq ans, afin qu’elles ne soient pas délétères dans leur pratique. Sa méthode est simple : elle consiste à faire répéter des manœuvres obstétricales sur un mannequin réaliste qu’elle a fait fabriquer (9). Sa méthode de « l’Art des accouchements » est reprise par sa nièce et des chirurgiens sont formés comme démonstrateurs permettant d’implanter des cours d’accouchement en Province. Leur généralisation et le soutien apporté par les Evêques leur donnent un caractère officiel. Ces cours permettent aux hommes accoucheurs d’affirmer enfin leur supériorité sur les sages-femmes (10).

A partir de 1803, la formation des sages-femmes s’améliore: elle est constituée de cours théoriques et pratiques auprès des accouchées des hôpitaux durant un an. Cependant, la Loi du 10 Mars 1803 (19 ventôse an XI) réglemente l’exercice des professions médicales, notamment celle des sages-femmes. Elle érige les conditions d’accès à la profession, le déroulement des études, la délivrance et l’enregistrement du diplôme. Elle leur interdit également l’utilisation des instruments et édicte l’obligation d’appeler un médecin ou un chirurgien en cas de dystocie ou de pathologie.

Ainsi, l’arrivée des accoucheurs modifie progressivement la perception de l’accouchement, de moins en moins considéré comme un acte naturel, d’entre-aide et d’assistance.

Cependant ni l’ambition de l’accoucheur ni ses compétences grandissantes ne peuvent expliquer totalement la relative facilité avec laquelle il s’est imposé sur la scène

(15)

obstétricale au XVIII ème siècle. La demande sociale est également à l’origine de cette évolution : les femmes désirent sauver leurs enfants et elles-mêmes. Le souci de sécurité l’emporte sur la pudeur, ce qui a grandement facilité l’intervention des accoucheurs.

II- XIX-XX ème siècles : l’accouchement, un enjeu

social, national….et médicalisé

Malgré une meilleure formation des soignants, pendant les deux premiers tiers du XIX ème siècle, la mortalité maternelle est plus élevée à l’hôpital qu’à domicile : par exemple à la maternité de Port Royal, la mortalité en couches est dix-neuf fois plus importante qu’en ville (7). La publication par Tenon de son Mémoire sur les hôpitaux met en avant cette mortalité excessive : « On est justement alarmé, de voir qu’en aucun endroit de l’Europe { …} rien n’est comparable à la perte qu’on fait des accouchées de l’Hôtel-Dieu de Paris ».

A- 1800-1880 : La fièvre puerpérale, véritable fléau des

maternités

Le XIX ème siècle est marqué par des épidémies successives de fièvre puerpérale, véritable fléau décimant les accouchées. En effet, la mortalité maternelle varie de 5,9% à 20% selon les hospices et menace la fermeture des maternités par les autorités de l’époque. Craignant un retour à un savoir empirique, une croisade s’organise afin de comprendre la cause responsable de ce fléau.

Stéphane Tarnier, directeur en 1867 de la maternité de Port Royal, occupe une place centrale dans cette lutte. Il consacre sa vie à la survie des mères et des enfants (11). Il compare l’issue des accouchements à l’hospice de la Maternité de Port Royal avec ceux opérés en ville par les sages-femmes. Sa conclusion est sans appel : la mortalité est dix-sept fois plus élevée à la maternité qu’en ville. Il déclare alors que la notion de contagion est déterminante et pose la nécessité d’un isolement maximum des accouchées. S.Tarnier propose la transformation des bâtiments de la maternité en pavillon de petites dimensions ainsi que le lavage des chambres à leurs départs (12). En 1879, L.Pasteur isole le germe et

(16)

s’inspirant des travaux de J.Lister, recommande le lavage des mains et l’emploi de la méthode d’asepsie. A partir de 1878, ces changements radicaux de mentalité permettent une baisse considérable de la mortalité maternelle : elle passe de 9 ,3% en 1860 à moins de 1% en 1881 (11).

Peu à peu l’hôpital cesse de faire peur et apparaît comme un lieu sécurisant. Les futures mères font confiance aux accoucheurs favorisant ainsi l’acceptation puis la généralisation de l’accouchement médicalisé, d’abord dans les villes, puis en Province où l’accouchement à domicile tient encore une place prépondérante.

Ainsi trois éléments ont été déterminants pour la survie des maternités :

• Le rôle de S.Tarnier et la victoire contre la fièvre puerpérale : il est cependant important de rappeler que l’amélioration considérable des conditions de vies des femmes notamment en terme d’hygiène a également participé à la baisse de la mortalité maternelle.

• Le coût élevé de l’accouchement à domicile explique en partie l’abandon progressif de cette pratique (5).

• Les progrès de l’enseignement et de la spécialisation médicale représentent un dernier atout : la création du corps des accoucheurs des hôpitaux en 1881 favorise le développement de l’accouchement en milieu hospitalier.

C’est donc au cours des premières décennies du XX ème siècle, que nous assistons à une véritable migration du lieu de naissance du domicile à l’hôpital. Parallèlement, l’hôpital se transforme : la « maison d’accouchement » destinée initialement à l’assistance des « pauvresses et des filles-mères » devient un établissement moderne, plurifonctionnel ouvert à tous. Il n’est plus un lieu d’assistance voire de « mouroir » mais une véritable institution de soins. Ces bouleversements s’expliquent par diverses raisons.

(17)

B- Les politiques natalistes du XX ème siècle

1- 1918-1939 : la « peur du péril démographique » et l’avènement des

politiques familiales

L’hécatombe de la première Guerre mondiale renforce l’inquiétude de l’Etat relative à la « dépopulation » de la France en plein déclin démographique depuis le début du XIX ème siècle (13). La naissance est devenue un enjeu politique de santé publique où l’enfant est le symbole de la vitalité du pays. Dans ce but, les pouvoirs politiques réagissent de deux façons :

• D’une part, ils multiplient les mesures susceptibles de faire remonter le taux de naissance en réprimant l’avortement (Loi du 23 Juillet 1920 réprimant toute complicité et provocation à l’avortement et toute propagande anticonceptionnelle) et en s’opposant au Néomalthusianisme. L’Etat de la troisième République donne à la maternité une fonction sociale afin de « remplir les berceaux vides ». Par ailleurs, il institue en Avril 1928 pour les salariés titulaires d’un contrat de travail, une assurance pour les risques maladie, vieillesse et maternité (14). Ceci permet la prise en charge forfaitaire des frais d’accouchements, le versement d’indemnités et d’allocations mensuelles d’allaitement.

• D’autre part, les pouvoirs politiques soutiennent les efforts du corps médical pour réduire la mortalité néonatale et infantile. Ces efforts ont considérablement transformé les conditions de l’accouchement et la perception de l’hôpital par la population. Il devient une véritable institution de soin : l’idée d’accoucher en sécurité va de pair avec l’accouchement dans une maternité hospitalière. De plus, une discipline a vu le jour en 1895 : la puériculture dont l’initiateur est le professeur Adolphe Pinard. Cet homme est persuadé que la santé de l’enfant dépend de la santé de la future mère ; il affirme que la surveillance « intra-utérine » est indispensable et favorise en ce sens, des mesures sociales en faveur des femmes enceintes ainsi qu’une surveillance médicale pendant la grossesse (15).

Ces dispositions aident à comprendre le progrès déjà considérable de la médicalisation entre les deux guerres.

(18)

2- 1939-1945 : la maternité, un devoir patriotique

En 1940 le maréchal Pétain arrive au pouvoir et met en place la devise « Travail, Famille, Patrie ». A travers ces trois mots, nous comprenons toute l’importance que joue la maternité. Les fonctions maternelles sont alors valorisées au détriment de l’individualité et de l’autonomie des femmes, comme le prouve la législation de l’époque. En effet le gouvernement de Vichy, dans le contexte de l’obsession démographique, fait de la promotion du métier de mère sa priorité : la maternité est devenue un devoir national. Pour ce faire, un ensemble de lois sont votées en 1941 incitant les femmes à rester au foyer, à être mères de familles nombreuses, seul métier véritablement promu. La loi du 11 Octobre 1941 interdit l’embauche des femmes mariées dans les administrations et services de l’Etat (16). Cette figure de mère est célébrée de manière officielle en 1941 par la « fête des mères ».

En 1942, nous observons les prémices d’une inflexion démographique : les premiers nouveau-nés du futur baby-boom voient le jour.

3- 1945 : Fin de la seconde Guerre Mondiale et renforcement des

politiques familiales

Au sortir de quatre années d’horreur, dans l’euphorie de la paix retrouvée, les nouveau-nés représentent l’avenir et l’espoir. Dès 1945, le Général De Gaulle lance un plan afin « d’appeler à la vie les douze millions de beaux bébés qu’il faut à la France en dix ans » (14). Afin d’encourager la natalité, les droits sociaux s’étendent : le système d’assurances s’uniformise, se généralise et se perfectionne à la Libération. Les textes essentiels mettant en place la sécurité sociale ont été promulgués par l’ordonnance du 2 Novembre 1945. Cette dernière rend obligatoires et gratuites les consultations prénatales et elle organise le versement des allocations à partir de la déclaration de grossesse si celle-ci est réalisée par un médecin. L’ordonnance précise également que si l’accouchement se déroule en établissement hospitalier public, la femme a accès aux soins sans verser aucune somme à l’hôpital (rémunéré par la caisse d’assurance). Les parturientes souhaitant accoucher à domicile doivent donc avancer les honoraires et payer le matériel nécessaire.

Par ailleurs, l’assurance maternité comporte le remboursement intégral des dépenses éventuelles liées à la maternité, les frais d’accouchement y compris le transport vers un établissement spécialisé.

(19)

Ces mesures bouleversent la pratique des sages-femmes et favorise l’entrée dans les mœurs de l’accouchement hospitalier ainsi que le suivi de la grossesse par les médecins. Ces derniers souhaitent faire reculer la mortalité périnatale et maternelle et selon eux c’est « sous leur contrôle direct que le risque est réduit au minimum » et invoquent la sécurité des hôpitaux (17). C’est au début des années cinquante que le taux de mortalité infantile commence à diminuer.

L’accouchement à domicile commence à être vu par les femmes comme archaïque. Les sages-femmes sont progressivement amenées à réaliser les accouchements en clinique ou à devenir salariées des établissements hospitaliers : leur responsabilité et leur autonomie se voient réduites. La profession rentre dans une phase de profonds remaniements.

Parallèlement, dans les milieux hospitalier les rites pasteuriens sont de rigueur : « inspirés par la phobie des microbes, ils transforment la naissance en ascèse rigoureuse, ils exaltent les disciplines d’hygiène plutôt que la joie d’enfanter » (18).

C- 1952- 1970 : l’Accouchement Sans Douleur, un premier pas

vers l’humanisation de la prise en charge hospitalière ?

Les analgésiques sont peu utilisés dans la première moitié du XX ème siècle, non seulement pour des raisons médicales (nombreux effets secondaires) mais également car les préceptes chrétiens de l’enfantement dans la douleur sont présents dans les mentalités et intégrés par les femmes. Il faudra attendre les années cinquante pour que la douleur ne soit plus considérée comme une fatalité : les femmes manifestent alors leur volonté de ne plus souffrir lors du travail et de l’accouchement.

Fernand Lamaze, accoucheur (pratiquant à la polyclinique des métallurgistes) connu pour son humanisme et sa rigueur professionnelle, découvre lors d’un voyage en URSS en Juin 1951 les pratiques soviétiques issues des travaux de Pavlov. Ils sont basés sur la suppression de la douleur lors de l’accouchement grâce à une méthode psycho-physique. En effet, toute femme éduquée, conditionnée et accompagnée à déconnecter les centres de la douleur dans le cerveau peut réussir à accoucher sans douleur (19).

F Lamaze propose alors à son retour une méthode reposant sur trois principes : un enseignement à l’accouchement à l’aide de vidéos et de schémas, une éducation psychique

(20)

à l’aide de six séances d’instruction à la respiration et à la relaxation et une éducation physique dont l’objectif est de supprimer la perception de la douleur.

Dès 1952, 500 accouchements « sans douleur » (ASD) sont réalisés aux Bluets. F.Lamaze et P.Vellay proposent alors sa généralisation à l’ensemble des établissements. Malgré son succès, l’expérience a ses détracteurs : médecins et milieux traditionnalistes attachés à la malédiction biblique et gestionnaires trouvent la méthode trop coûteuse. Pourtant dès 1953, la méthode se propage dans toute la France grâce à des tournées de conférence soutenues par l’Union des Femmes Françaises proche du parti communiste.

En 1956, la sécurité sociale accorde le remboursement de six séances de préparation qui passent à huit dans les années soixante. En Janvier de cette même année, le Pape Pie XII prend position en faveur de cette méthode en la déclarant « irréprochable du point de vue moral ». Il confirme ainsi la légitimité de l’ASD, levant la réticence des milieux catholiques (20).

Désormais les sages-femmes découvrent une autre façon de pratiquer et d’accompagner les parturientes tout au long de leur accouchement (21). De plus, les femmes découvrent leur corps favorisant un nouveau contrôle de soi. Cette méthode contribue à la valorisation de l’image que les femmes ont d’elles-mêmes. Cette nouvelle confiance acquise vécue comme une émancipation, crée un nouveau rapport plus sacrificiel mais libéré de la femme à la maternité.

En effet, chaque femme est non seulement invitée à comprendre, à savoir mais surtout à ne plus subir l’accouchement et à y participer de manière active et volontaire. Une revendication nouvelle de responsabilité et de liberté féminine est posée devant l’opinion publique (21). De plus, les maris jusque-là absents de l’espace dédié à la naissance, peuvent être spectateurs et assistants de cet « événement sportif et mental » qu’est l’accouchement. Cette participation de l’homme contribue à réguler les rapports entre le père et la mère dans l’acte d’enfantement (20).

Cependant l’ASD révèle ses limites au début des années soixante-dix. Tout d’abord un des problèmes principaux est que personne ne sait réellement mesurer l’intensité de la douleur et donc se rendre compte objectivement de l’efficacité de cette préparation. De plus, on observe très souvent un manque de coordination entre le personnel animant les séances et celui qui accueille la femme pour son accouchement, ce dernier étant plus technique. Par ailleurs certains dénoncent le désarroi des femmes n’ayant pas réussi à « indoloriser » :

(21)

Marie-José Joubert affirme en 1979 que « l’accouchement sans douleur est presque toujours un leurre : 80% des femmes souffrent atrocement durant l’accouchement » (22). C’est à cette époque que l’ASD s’efface devant l’analgésie péridurale (APD).

Par ailleurs au fil du XX ème siècle, l’évolution de la place de la femme dans la société et son rapport à la maternité impactent directement les conditions dans lesquelles elles souhaitent donner la vie. C’est pourquoi nous avons décidé de revenir brièvement sur l’évolution des rapports entre féminisme et maternité.

III- Histoire du mouvement féministe et mise en question

de l’accouchement médicalisé

A- Du féminisme maternaliste au féminisme libéral-égalitariste

L’importance de la fonction maternelle est la principale motivation du féminisme maternaliste. A la fonction reproductrice et nourricière s’ajoute la fonction éducative de plus en plus valorisée : c’est un devoir et un mérite que de se comporter en « mère de citoyen ». Cependant lorsqu’en 1848 un suffrage « universel » réservé aux hommes voit le jour, certaines femmes commencent à revendiquer leurs droits civils et politiques. Elles ne se posent plus en mères mais en tant qu’êtres humains à part entière. Ces féministes se déclarent officiellement au début de la troisième République.

Les historiens parlent alors de la « première vague du féminisme », qualifié de libéral-égalitariste (22).

Pour autant, elles ne renoncent pas à faire reconnaître l’importance de la maternité. A côtés des droits civiques et politiques, elles réclament des droits sociaux particuliers : congé maternité pour les travailleuses, soins et secours pour les accouchées et les mères défavorisées.

A la libération, une éphémère égalité voit le jour : l’article 17 du 21 Avril 1944 issu de l’ordonnance portant sur l’organisation des pouvoirs publics en France dispose que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Malgré cette victoire, elles sont toujours peu représentées sur la scène politique et la protection des

(22)

mères l’emporte encore sur la liberté des femmes, dans le contexte de l’obsession démographique.

Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, le baby-boom semble confirmer le choix massif des femmes pour la vocation maternelle. Pourtant une « seconde vague » féministe naît dans les années cinquante.

B- Le féminisme radical

L’époque du baby-boom (1945-1975) est marquée par de profonds changements sociaux (23) :

• L’assurance maternité a favorisé et accéléré la médicalisation de l’accouchement ; cependant les femmes se sentent mal accompagnées dans des hôpitaux surpeuplés, où le pouvoir médical s’impose.

• La crise du logement réduit les mères de famille nombreuse à des conditions de vie difficile.

• Ce baby-boom a contribué à un essor économique sans précédent (24) : les Trente Glorieuses. Ainsi les femmes sont attirées par un puissant appel de main-d’œuvre vers le secteur tertiaire. L’enseignement se démocratise également à cette époque : les femmes ont désormais accès aux études secondaires et supérieures leur ouvrant de nouvelles perspectives professionnelles.

• Malgré les lois répressives des années vingt concernant l’avortement, les couples ne renoncent pas à réguler leur fécondité. Mais faute de contraception féminine, l’avortement clandestin sévit avec des conséquences parfois mortelles (25).

• Enfin, Simone de Beauvoir avec son ouvrage « Le deuxième sexe » publié en 1949 a un influence sur les mentalités. En effet, ce livre propose une analyse novatrice de l’histoire de la famille et de l’éducation en dénonçant le caractère aliénant de la maternité. Malgré ses détracteurs, le mouvement en faveur d’une libération des femmes est enclenché : la deuxième vague du féminisme émerge.

(23)

Ainsi ce courant féministe critique la domination masculine à travers le patriarcat définit comme une « forme d’organisation sociale et juridique fondée sur la détention de l’autorité par les hommes ». 5

C’est dans ce contexte qu’en 1956 naît l’association « Maternité heureuse » à l’initiative de Marie Andrée Lagroua Weill-Hallé (gynécologue obstétricien). Elle fait la promotion d’une amélioration des conditions de la maternité et de la naissance. Elle revendique le droit pour chaque femme le pouvoir de réguler les naissances et prône la « maternité volontaire » (23). Les objectifs étant de favoriser l’accès à la contraception et limiter les drames des avortements clandestins. En 1958 cette association est remplacée par le Mouvement Français pour le Planning Familial au succès fulgurant : il poursuit son œuvre d’information et d’éducation populaire incluant le conseil familial et sexuel (26).

Le célèbre slogan « un enfant si je veux, quand je veux ! » incarne le message de cette génération de féministes portées par le contexte de Mai 1968. Cette liberté dissocie le féminin du maternel.

Toutefois, les théories du féminisme ne sont ni uniformes ni stables dans le temps. En dix ans, les discours se sont transformés et ont suivi les évolutions sociétales. Nous pouvons identifier deux courants féministes de la deuxième vague (27).

C- Féminisme matérialiste versus féminisme différentialiste

Le féminisme radical matérialiste s’inspire de l’analyse marxiste du capitalisme et l’applique à la maternité. En effet, dès 1971 la notion de « maternité esclave » est prédominante. Certaines femmes se sentent oppressées par leur statut de mère, la famille et les tâches domestiques. Ce statut de « femmes-mères » les éloigne de leurs désirs, sacrifie leur temps et leur autonomie. Ce courant dont l’apogée se situe entre 1971 et 1976 est fondé sur la « grève des ventres » dont l’origine est plus ancienne puisque l’expression est attribuée à Nelly Roussel en 1919 : elle revient à ne pas connaître l’expérience de la maternité en la refusant en bloc (28).

Ce mouvement s’essouffle et prendra une forme inédite : le corps peut se libérer à travers la maternité. Ce deuxième courant, nommé « féminisme différentialiste » est représenté notamment par Antoinette Fouque à la tête du groupe « Psychanalyse et Politique ». Pour

(24)

ce courant, les femmes doivent se réaliser dans leur spécificité et non en prenant les hommes comme modèle de l’égalité recherchée.

La grossesse et l’accouchement sont alors décrits comme plaisir et libération. Sous cette influence, l’image de la maternité évolue. Elle est alors perçue comme un ensemble de savoirs et de compétences. Les femmes veulent reconquérir l’accouchement et le maternage ; elles réclament plus de soins, de sécurité mais également égard et respect. Parallèlement, des idéologies dont l’impulsion provient du docteur Frédéric Leboyer, auteur de « Pour une naissance sans violence » en 1974, réagissent face à la rigueur pasteurienne et à l’invasion de la technique.

D- Fin des années soixante-dix : généralisation de l’analgésie

péridurale et sa critique

Cette méthode développée aux Etats-Unis dans les années quarante pallie nombre d’inconvénients des anesthésies utilisées dans les pays Anglo-Saxons. Les risques de l’APD sont évalués « comme les plus faibles pour la mères et l’enfant » (20).

Elle se répand en France à la fin des années soixante-dix portée par le nouveau féminisme issu de Mai 1968. En effet, les diverses pratiques issues de la préparation psycho-prophylactique ne répondent plus à cette nouvelle génération de femmes, revendiquant une autonomie personnelle incluant la maîtrise de son corps et la liberté sexuelle. Or l’ASD est vu par certaines comme une méthode mise en œuvre par des hommes négligeant la douleur de la femme et dont l’objectif est de les discipliner. A ce titre, Jeannette Bessonart sage-femme, à l’initiative du Collectif « Femmes-Sages-femmes » en 1976, affirme que « l’accouchement est avant tout une histoire de femme émotionnelle, sensuelle, sexuelle, douloureuse ».

Cette génération de femmes participe donc à la campagne en faveur de la généralisation de la péridurale et de son remboursement par la sécurité sociale. Elles ne renoncent pas à la maternité mais elles revendiquent une qualité de l’accouchement, dont la douleur est supprimée par cette analgésie.

Les médias jouent un rôle prépondérant puisque cette revendication est exprimée pour la première fois en Mars 1975, par le mensuel Parents : « L’accouchement sans souffrance pour toutes ».

(25)

Ces femmes, pour la plupart féministes et gauchistes, prônent une « indolorisation » technique, radicale et passive, comme l’exprime Marie-José Joubert dans son ouvrage « Les bateleurs du mal-joli » : « La douleur de l’accouchement est une donnée biologique, par conséquent inévitable ». Ce livre est largement utilisé pour cristalliser la demande sociale, souhaitant l’usage systématique de l’APD : elle représente 1 à 3% des accouchements en 1980, 68% en 1998 (20).

Pourtant malgré cette demande croissante de sécurité et de confort offerte par les moyens techniques hospitaliers, permettant une prise en charge efficace de la douleur et d’écarter presque totalement le danger de mort, certaines femmes, sages-femmes et médecins s’inquiètent de la dérive de la médicalisation de la naissance, du pouvoir des médecins et de la dépendance des parturientes.

IV- Evolution de la politique périnatale : 1970-1994

La mortalité maternelle et périnatale recule considérablement au fil des siècles, cependant cette régression atteint un seuil qu’il semble difficile de réduire dans les années soixante. Cette constatation a mené les pouvoirs politiques à réfléchir à des moyens de prise en charge optimale de la grossesse, de l’accouchement et du nouveau-né. Des plans de périnatalité successifs ont alors vu le jour, où l’accouchement à domicile n’a peu de place. L’objectif de ces différents plans est d’accroître la sécurité de la mère et de l’enfant lors de la naissance par le recours à des normes précises et par une restructuration importante de l’offre de soin obstétrico-pédiatrique.

A- Définition des indicateurs de périnatalité

Le taux de mortalité infantile est défini par le nombre d’enfants qui décèdent entre la naissance et un an pour mille naissances vivantes.

Le taux de mortalité néonatale représente le nombre de décès entre la naissance et le 27ème jour révolu pour 1000 naissances vivantes.

Le taux de mortinatalité est le nombre de morts fœtales, après la 22ème semaine depuis 2002.

(26)

Taux de mortalité périnatale désigne le nombre de mort-nés ajouté au nombre de décès entre zéro et sept jours pour 1000 naissances totales.

Enfin le taux de mortalité maternelle correspond au nombre de décès maternels pour 1000 naissances vivantes, pendant la grossesse ou les 42 jours suivant sa fin.

B- Le plan 1970-76 : Décret « Dienesch »

Opposée à l’interruption volontaire de grossesse, Marie-Madeleine Dienesch6 est sensible au sort des handicapés en faveur desquelles elle fera voter une loi en 1975. En 1971, elle lance une campagne concernant la périnatalité. Cette dernière part du constat de l’importance en France de la mortalité périnatale par rapports aux voisins européens. Le gouvernement s’attaque alors à des réformes sanitaires : un groupe de travail dédié aux problèmes de la naissance est créé.

Cette même année, le premier plan de périnatalité est adopté et comporte deux axes : • Amélioration de la prévention avec le passage à quatre consultations obligatoires

lors de la grossesse : on assiste à une intensification de la surveillance prénatale et de l’accouchement.

• La sécurisation de la naissance avec trois mesures principales :

 Renforcement des moyens techniques dans les maternités, notamment en terme de réanimation néonatale.

 Formation et perfectionnement du corps médical

 Mise au point d’informations statistiques sur la grossesse et l’accouchement et de recherches épidémiologiques.

Les résultats des enquêtes nationales de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) conduites en 1972 et 1976 mettent en évidence une nette diminution de la mortalité périnatale (30). Nous observons également un changement considérable des pratiques :

6 Député européenne, successivement secrétaire d’Etat à l’Education Nationale, puis aux

Affaires Sociales, enfin à l’Action Sociale et à la Réadaptation, elle est l’une des rares femmes à s’imposer durablement dans la vie politique française sous la IVe puis sous la Ve République gaullienne et pompidolienne.

(27)

• Le suivi médical de la grossesse à l’accouchement devient habituel. • La pratique de l’échographie se généralise.

• Les conditions de l’accouchement se modifient. En effet l’ensemble des mesures citées entraîne la fermeture de nombreuses petites maternités créant des situations difficiles pour les couples et le personnel, peu préparé à recevoir un excédent de parturientes.

A partir de 1988, de nombreuses enquêtes sont relancées et mettent l’accent sur des points inquiétants :

• La mortalité maternelle dont les taux ont augmenté en 1990, est plus élevée en France que dans la plupart des pays européens (29).

• Le rang de la France en terme de mortalité périnatale a régressé et l’ensemble des indicateurs de périnatalité stagne.

Devant ces constats défavorables, un deuxième plan est constitué.

C- Le plan 1995-2000

Le volet prévention sera négligé au profit de la sécurité de l’accouchement. Cela se traduit par la restructuration des maternités sous l’effet de normes renforcées, en terme de personnels, de structuration des locaux et des moyens de prise en charge. Concrètement, la fermeture des petites maternités (moins de 300 accouchements) se poursuit. Ces dernières sont considérées comme « dangereuses » du fait du faible nombre d’accouchements pratiqués par les équipes médicales et de l’insuffisance d’équipements en cas de problème.

La deuxième mesure majeure de ce plan est la création de réseaux de soins gradués en fonction des unités néonatales des maternités. Les femmes sont orientées vers l’établissement adapté aux soins qu’elles et leur nouveau-né requièrent :

• Type I : maternité habilitée à prendre en charge les grossesses sans facteur de risque périnatal, soit environ 80% des grossesses.

• Type II : prise en charge des grossesses susceptibles de donner naissances à des nouveau-nés nécessitants des soins dans un service de pédiatrie néonatale.

• Type III : maternités comprenant une unité de soins intensifs ou de réanimation néonatale.

(28)

L’ensemble de ces restructurations se heurtent à la résistance du personnel (chômage, difficulté financière entraînant toujours plus de fermetures) et au mécontentement des couples.

Les naissances se concentrent dans de grands établissements, qui éprouvent par ailleurs des difficultés à suivre les nouvelles normes.

Ainsi nous comprenons que l’évolution ayant conduit les femmes à quitter leurs foyers pour accoucher à l’hôpital a duré des siècles et a des causes très variées. Les femmes n’ont pas toujours été à l’origine de ces transformations, mais elles ne sont pour autant pas victime de cette évolution. La sécurisation autour de la grossesse et de la naissance a été acceptée voire souhaitée par une grande majorité.

Pour autant depuis les années quatre-vingt, l’hôpital est de plus en plus perçu comme un espace anonyme, où le face à face avec le personnel est distant et l’interventionnisme médical pesant. En effet, les femmes semblent être de plus en plus assujetties aux médecins, dont la relation asymétrique confirme « la perte de la maîtrise du corps des femmes ».

Marie-France Morel, historienne et présidente de la Société Française d’histoire de la naissance a écrit : « il faut souhaiter que la richesse affective des accouchements d’autrefois puisse réapparaître aujourd’hui sous d’autres formes qui restent à expérimenter ».

(29)

Deuxième partie : Présentation de l’Etude, de la

Méthodologie et Analyse des résultats

I-Présentation de l’étude

A- Problématique et objectif

Ce sujet et cette étude ont été choisis en raison de l’intérêt que nous portons à l’histoire en générale et particulièrement à l’histoire de la naissance. En tant que future sage-femme, connaître les raisons ayant évincé peu à peu l’accouchement à domicile de la scène obstétricale et comprendre l’évolution sociétale, politique et médicale du lieu de naissance est essentielle.

A travers la première partie, nous avons décrit les processus ayant conduit la migration du lieu de naissance du domicile à l’hôpital. Force est de constater qu’à l’époque la notion de « choix » du lieu de naissance était relative puisque seules deux options s’offraient aux femmes : le domicile ou l’hôpital, devenu lieu majoritaire où les femmes mettent au monde leur enfant à partir des années cinquante.

De ce fait, nous nous sommes posés la question suivante :

Quelles sont les raisons historiques expliquant la revendication de lieux de naissances alternatifs à l’accouchement hospitalier ?

Afin de tenter de répondre à cette problématique, notre objectif était de comprendre

comment les revendications à un accouchement extra-hospitalier ont vu le jour en France entre 1974 et 1994 ainsi que les freins à leur émergence.

Trois hypothèses de travail ont été envisagées:

• la revendication d’un accouchement extra-hospitalier plus « naturel » proviendrait des couples en réponse à une médicalisation croissante de la naissance.

• Cette revendication serait émise par les sages-femmes dont l’autonomie est menacée et dont l’essence même du métier est l’accompagnement de la femme enceinte en toute autonomie dans le domaine de l’eutocie.

(30)

• La conception française de l’obstétrique basée sur l’omniprésence du risque serait le principal frein à l’acceptation d’alternative à l’accouchement hospitalier.

B- Matériel et méthode

1- Type d’étude et outil

Il s’agit d’une étude qualitative. Nous avons choisi d’exploiter une revue professionnelle née en 1974 : les « Dossiers de l’obstétrique » (DO). Ce périodique est disponible dans son intégralité à l’Académie de Médecine.

Les Dossiers de l’obstétrique sont une revue d’informations médicales et professionnelles des sages-femmes crées en 1974 à l’initiative de Jean Ossart. Né en 1926 dans le Nord et militant dans l’industrie textile, il arrive à Paris dans les années soixante. Jean Ossart se lance alors un pari ambitieux : éditer une revue pour les sages-femmes. Ne possédant aucune connaissance du milieu obstétrical, il cherche à s’instruire et commence à constituer le comité de rédaction non sans difficulté : « […] pour une revue dont j’essayais de dessiner les contours […] me valut des refus polis […] j’eus la chance de rencontrer Lucien Bouccara et Jean-Marc Cheynier »7.

D’après Jean Ossart, cette revue est née dans une volonté « réflexive de la profession » dont l’information professionnelle est tombée dans « l’indigence ». Les informations proviennent de tout horizon formant un « brassage d’idées » dont les objectifs sont de répondre au désir d’information des sages-femmes et de favoriser les échanges professionnels entre elles ainsi qu’avec tous les partenaires de la naissance.

Le comité de rédaction reflète cette diversité puisqu’il se compose de sages-femmes, quel que soit leur mode d’exercice et d’obstétriciens, se revendiquant indépendants et d’expression libre sans aucune représentativité. Au fil des années, la part des médecins au sein du comité de rédaction diminue au profit des sages-femmes. Cette collaboration est tout d’abord mal accueillie par le milieu de l’obstétrique ; pour autant la revue remporte un succès significatif. Dans un premier temps, les sages-femmes rédigent peu d’articles puis deviennent les auteurs majoritaires à l’instar d’Annie Delayen et Evelyne Mothé.

7 Caron-Leulliez M. L’accouchement sans douleur : Histoire d’une révolution oubliée.

(31)

Notre choix s’est porté sur ce périodique car il est considéré comme la revue de référence permettant de s’exprimer, s’informer, se questionner…ainsi nous avons pu retracer l’histoire du mouvement contestataire autour du lieu de la naissance en France. L’autre avantage majeur de cette revue est sa facilité d’accès et sa gratuité.

Les Dossiers de l’obstétrique ont une périodicité bimestrielle, comprenant des numéros spéciaux au mois de Juin (consacré à la médecine), au mois de Septembre (centré sur les actualités) ainsi qu’au mois de Décembre (rappelant la législation relative au métier de sage-femme). Le premier numéro est tiré à 9000 exemplaires, diffusés à 7500 sages-femmes, 900 cliniques et 500 maternités. Chaque numéro comporte plusieurs parties : L’éditorial, les articles, l’agenda, le communiqué et l’officiel ; chacune de ces parties étaient riches d’informations.

2- Modalités du recueil de données et stratégies d’analyse

L’étude a commencé au mois de Septembre 2015 pour s’achever fin Janvier 2016 à l’Académie de médecine. L’époque retenue débute en 1974, date de parution des Dossiers de l’obstétrique et se termine en 1994.

Nous avions comme projet initial de couvrir la période 1974-2015, mais faute de temps nous avons dû revoir nos bornes chronologiques. Nous avons donc décidé de nous arrêter en 1994, année marquée par la parution du deuxième plan de périnatalité « 1995-2000 ». Ce dernier paraît suite au rapport du Haut Comité de la Santé Publique (HCSP) préconisant de garantir la sécurité de la naissance en rendant obligatoire des normes de personnels, de locaux et d’équipement applicables dans les maternités publiques et privées. Ce renforcement de moyens sera précisé dans les décrets de 1998 accentuant le phénomène de « centralisation » des naissances.

Nous avons donc exploité vingt ans de parution des Dossiers de l’obstétrique soit 223 numéros. Notre stratégie de recueil consistait à tout d’abord, parcourir le sommaire afin d’effectuer une première sélection d’articles relatifs à notre sujet. Les mots clés retenus étaient :

« Accouchement à domicile ; naître à la maison ; naissance ; lieu de naissance ; humanisation ; médicalisation ; sécurité ; réflexions et contestations ».

(32)

Suite à cette première sélection, 140 articles de longueur variable (allant de une à dix pages) nous ont parus pertinents. Une grille de lecture préalablement élaborée8 a permis d’aborder les caractéristiques générales des textes, d’en faire ressortir leur contenu et d’effectuer une première lecture en diagonale. Finalement 116 textes ont été retenus pour une analyse approfondie. En effet, vingt-quatre articles malgré leurs titres contenant un ou plusieurs mots-clés, ne nous semblaient pas pertinents de part leur contenu pauvre en informations pour ce mémoire.

La troisième étape de ce travail consistait à résumer chaque texte. Deux périodes se sont alors distinguées :

• De 1974 à 1982 (36 textes) : les sujets prédominants des textes concernent la volonté d’humaniser la naissance et les revers de « l’hyper technologie » notamment la iatrogénisation. Les premières expériences de solutions alternatives à l’accouchement hospitalier sont évoquées mais ne constituent pas un thème dominant.

• De 1982 à 1994 (80 textes) : dès Janvier 1982, les sujets principaux des périodiques sont d’une part les alternatives à l’accouchement hospitalier, dont l’accouchement à domicile, évoquant la question de la liberté de choix concernant le lieu de naissance et d’autre part, la contestation face aux fermetures successives des maternités.

Grâce à l’analyse des textes, des thèmes ont pu être dégagés au sein de chacune des deux périodes : ceci a permis de regrouper et de synthétiser les idées dominantes en lien avec notre objectif d’étude, permettant de comprendre la chronologie des évènements.

Nous avons choisi de regrouper la rédaction des résultats et de l’analyse dans un souci de cohérence et de compréhension du déroulement des faits. Pour illustrer nos écrits, des citations d’articles nous paraissant importants et pertinents ont été incorporées en écriture 8 Cf. Annexe I 223 numéros de 1974 à 1994 140 textes sélectionnés 116 articles analysés

(33)

italique. Les références de ces citations n’apparaissent pas dans en note de bas de

page afin de ne pas alourdir le texte déjà conséquent. Ainsi une liste de l’ensemble des articles abordés est présentée en annexe II.

II- Résultats et Analyse

A- 1974-1982 : critique de « l’hypertechnologie » et volonté

d’humaniser la naissance

L’étude de cette première période a permis de dégager quatre thèmes à analyser. Ils sont essentiellement axés sur l’évolution de l’obstétrique dans ses aspects à la fois humains, techniques et sociaux. Nous pouvons également constater l’émergence de mouvements contestataires centrés sur la volonté des sages-femmes et des couples de se regrouper afin lutter collectivement contre les conditions de la naissance en France à cette époque. Par ailleurs, les premières expériences alternatives à l’accouchement traditionnel voient le jour, à l’instar de la maternité de Pithiviers et des Lilas.

1- Demande croissante d’humanisation de la naissance

Les impacts de la médicalisation de la naissance sont à la fois techniques, organisationnels mais également humains. En effet lors de la lecture des différents articles, nous voyons apparaître des critiques virulentes à l’égard de la « surmédicalisation » et de « l’impersonnalité » de l’hôpital, émanant à la fois des professionnels et des femmes. En effet, l’hôpital est décrit comme un ensemble de « services inhumains » dans lesquels règne une ambiance neutre, angoissante voire agressive. Selon Jean-Marc Cheynier, gynécologue-obstétricien dirigeant la maternité des Bluets à partir de 1968, fervent

défenseur de l’ASD : « les conditions de l’accouchement sont ressenties comme

l’agression suprême de la nature et de la condition féminine ». La dimension psycho-affective de la naissance semble être niée dans sa globalité. En effet, la prise en charge de la parturiente apparaît axée sur l’aspect médical de la naissance, comme en témoigne J-M Cheynier en 1975, en qualifiant la médicalisation de la naissance comme « froid,

(34)

interdisant toute manifestation de l’affectivité humaine » ou encore « de méconnaissance grotesque de l’importance de la dimension affective pour un couple ». En avançant dans les lectures, une volonté de reconquérir l’acte d’enfantement émane des articles. L’accouchement est alors revendiqué avant tout comme « l’accomplissement d’une fonction biologique essentielle éminemment normale ».

A cette volonté provenant à la fois des couples et des professionnels, s’ajoute une remise en question de l’accouchement hospitalier tel qu’il existe dans les années soixante-dix et quatre-vingt.

En effet dès le mois de Juin 1981, les Dossiers de l’obstétrique débutent « le tour de

France de l’obstétrique des maternités différentes» afin de répondre à la question : « Où

et comment accouche-t-on en France de nos jours ? ». Le premier périodique est consacré à la maternité de Pithiviers connue pour être l’initiatrice d’une conception et d’une pratique différente de la naissance, à l’initiative de Michel Odent, chirurgien né en 1930, chef de la maternité de Pithiviers de 1962 à 1985 et auteur de « Bien naître » en 1976. Ce dernier propose une révolution de l’obstétrique aux nuances écologique et gauchiste, inspiré par les travaux de Frederick Leboyer et Ivan Illitch9. Préoccupé par les blocages pendant le travail de certaines parturientes, il pense que cela provient du passage de l’accouchement du domicile à l’hôpital. Cette maternité permet alors aux femmes et aux couples de vivre une naissance différente comme l’exprime M.Odent : « j’ai commencé à comprendre qu’une naissance pourrait être importante dans la vie d’un couple, si on leur donne le moyen d’exprimer leur émotion ». Ainsi une révolution est en marche : le femme peut vivre pleinement son accouchement, sans « sensation de dépossession, tout comme le mari, souvent absent lors de la naissance du premier enfant ». L’organisation de cette maternité se démarque par la création d’une alternative aux salles de naissances traditionnelles, dite « salle sauvage » dont le principe était de « faire rentrer la maison dans l’hôpital ». La femme peut alors accoucher dans la position qu’elle souhaite, la

9 Né en 1926 à Vienne, il est un penseur de l’écologie politique et une figure importante

de la critique de la société industrielle. Sa théorie repose sur la critique de l’institution qui par souci d’efficacité, dépasse un certain seuil au point de devenir contre-productive en aliénant la société. Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée. 1993 ; XXIII : 733-43. Ainsi, selon I. Illitch « la médecine nuit à la santé ». La convivialité. Paris : Editions du Seuil ; 1973 : p11.

Références

Documents relatifs

- Enduisez vos jambes d’huile pour le corps et prenez votre peau entre votre pouce et votre index, comme si vous vouliez la « décoller » puis frottez vigoureusement avec les

OBSERVERA: När spelaren är färdig tar han eller hon det antal kort som krävs för att alltid ha fyra kort på hand.. Sedan är det nästa

• Le gain sera beaucoup plus faible quand dephasage est 180 degres. • On fait ca avec capacite

♦ ♦ Puis l’épaule postérieure en remontant la tête vers le Puis l’épaule postérieure en remontant la tête vers le haut avec précaution pour préserver le périnée. haut

Elles ont été incluses dans notre échantillon comme Cas toutes les gestantes de 35 ans et plus ayant accouché à la maternité ; et comme Témoins les gestantes de 20-30 ans

Dans cette perspective, le programme « En route vers une vie plus heureuse », axé sur la réalisation de projets personnels, a été offert à des personnes âgées

En raison des lacunes observées dans la littérature axée sur cette double problématique, l ' objectif général de cet essai est de développer une meilleure

Si votre bébé présente des difficultés d’adaptation respiratoire au moment de la naissance, il peut être emmené dans une salle attenante où des soins spécifiques pourront