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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Introduction aux XXIVes Journées Hégémonie et ou culturodiversité

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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INTRODUCTION DES XXIVes JIES

DES CULTURES, DES TECHNIQUES, DES SCIENCES

André GIORDAN LDES, Université de Genève

Président des JIES

HÉGÉMONIE OU CULTURODIVERSITÉ…

« En ce début de siècle, il faut tirer des leçons des excès : une hégémonie est en fin de compte une catastrophe » : cette phrase est extraite de la lettre de la plaquette 2001 vous invitant à ces Journées. Ce que vous ignorez sans doute est qu’elle a été écrite bien avant le 11 septembre 2001. Notre devin - notre Elizabeth Tessier à nous - est… le penseur du Comité d’organisation : Jean-Louis Martinand. Il ne pouvait mieux prédire. Toute panacée, toute suprématie, toute hégémonie, quelle soit économique, politique, religieuse ou autre est… génératrice de catastrophes sévères à terme.

C’est un des défis de nos Journées : développons la culture scientifique et technique, toute la culture scientifique et technique, mais n’en faisons pas un absolutisme de plus. Protégeons la diversité des cultures, c’est-à-dire des regards sur le monde, sur l’autre, sur soi. Sans croire que tout se vaut, donc sans suspendre toute interrogation critique, allons « voir » dans d’autres pratiques (artisanales, professionnelles, médicinales…), dans d’autres approches (littéraire, historique, anthropologique, humaniste, ...), dans d’autres civilisations, y compris celles qu’on a trop tôt jugées primitives. La mondialisation en marche ne doit pas effacer les autres cultures… Parce que « l’autre » est un

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regard différent qui peut me faire voir le monde autrement. C’est dans la prise en compte de l’autre, des différences que l’on comprend et par là que l’on apprend.

Bien sûr, il est difficile de penser la différence ou d’accepter les types de différences. Quoi de plus difficile à vivre au quotidien que celui qui a une culture différente !.. Certains de nos contemporains le vivent même comme une agression ou une souffrance. Dès qu’on y réfléchit, dès qu’on commence à y regarder de près, on saisit la source des difficultés. La différence est intimement liée au développement de la pensée elle-même. C’est par l’appréhension de la différence que le petit enfant apprend à distinguer son corps de l’environnement. C’est encore à travers cette intuition qu’il sépare progressivement, dans le désordre le plus complet, les odeurs, les sons, les objets extérieurs de ses premières sensations, mettant en action ses réseaux de neurones.

Est-ce cela l’insupportable qui nous fait rejeter spontanément ensuite toute nouvelle différence ? Surtout quand celle-ci nous vient de l’autre et que ce dernier est très différent ?.. Pourtant, en apprenant à connaître l’autre, on apprend mieux à se comprendre soi-même.

1. LA CULTURODIVERSITÉ

Depuis une vingtaine d’année, la « biodiversité » est mise en avant, reconnue et même célébrée comme facteur d’évolution ou de maintien de vie. La culturodiversité cette diversité des cultures -n’a pas encore trouvé sa place. Même le mot n’existe pas à ce jour… Créons-le et valorisons la

culturodiversité dès l’école ou dans les actions de médiation. C’est par l’appréciation de l’autre, du

différent que s’enrichissent mutuellement les cultures.

Dans le même temps et indépendamment, il nous faut nous interroger sur les soubassements de notre culture. Voir comment ces derniers nous manipulent inconsciemment. Les mots ne sont jamais totalement neutres. Nous possédons tous des formes de raisonnement implicites qui nous emprisonnent.

Paradoxalement, les différences culturelles sont partout… À commencer entre homme et femme : quand un homme dit « je t’aime » à une femme, cela ne signifie nullement - sauf exception - qu’il en aime une seule !.. Mais est-ce toujours et seulement une question d’homme ? En feed-back, n’est-ce pas une autre affaire culturelle ?..

Mais également chez les scientifiques eux-mêmes : contrairement à l’image d’Épinal que continuent de véhiculer les sciences, les mots, les concepts peuvent ne pas avoir le même sens, suivant les différentes disciplines. Une eau pure ne s’identifie pas de la même façon en chimie et en biologie. Et ne parlons pas d’hypothèse…, le matheux et le physicien ne l’envisagent pas de la même façon,

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de même qu’ils n’abordent pas les questions à l’identique. Et que dire des biologistes et physiciens qui ne s’accordent pas sur la définition du modèle ?

Au niveau de la recherche, les rituels diffèrent dans un même champ disciplinaire. Par exemple, le nombre d’expériences significatives « tourne » autour de 15 en physiologie végétale contre 5 en physiologie animale ! Pourquoi ? Des choix délibérés sont-ils à la base de telles pratiques ? Des valeurs implicites y ont-elles présidé ? Dépasser les évidences, les habitudes pour aller à la rencontre des implicites est toujours riches d’enseignement. La culture apporte toujours une dimension supplémentaire aux savoirs, les relativisent. Dans tous les cas, elle est nécessaire pour faire émerger le plus optimalement le sens.

Durant ces journées, le risque est de rencontrer des bribes de cultures très éloignées, notamment en soubassement de nos interventions. Faisons un rapide sondage pour le vérifier à travers la seule culture planétaire partagée : le football. Fin mai, démarre le prochain Championnat du monde au Japon et en Corée. Le premier match se trouve être France-Sénégal. En avant-première, et exceptionnellement pour les Journées de Chamonix, chaque équipe nous a délégué un réprésentant. Pour le Sénégal, je vous présente Babacool dit Gueye. Pour la France, Daniel Varg'raich Et je serai l'arbitre, suisse pour une fois et donc… neutre.

AG - Babacool dit Gaye, on connaît l'importance du « vieux », c’est-à-dire de l'ancien dans ta culture. Pourras-tu ici ne pas toujours laisser « gagner » l'ancien qu'est Daniel Varg'raich ? En d'autres termes, comment dégager l'esprit critique quand tout est fait pour respecter le plus âgé ?

Babacool dit Gaye - Chez nous en Afrique le respect dû aux anciens est sacré, mais tout peut se régler sous l'arbre à palabres sans frustration aucune et remise en cause de la tradition de respect des aînés.

AG - Daniel Varg'raich, tu fais partie d'une équipe « black, blanc, beur ». Tu représentes ici un autre groupe social qui met en avant la spéculation intellectuelle. Comment penses-tu approcher les buts - c'est-à-dire des faits - en toute objectivité à travers une grille d'analyse de la réalité trop prégnante ?

Daniel Varg'raich - L’assemblage des faits ne peut se faire que dans un mélange que l’analyse ne peut rendre lumineux : il restera toujours un espace d’inconnu, 1 + 1 fera toujours plus que 2 et le plus que 2 ne sera jamais objectivable puisque cette objectivation signifierait la fin, le terminus de notre quête de connaissances et donc la fin de l’humanité.

AG - Allons à l'essentiel, car le temps de la partie nous est compté. Faisons le toast. Peu importe le résultat de toute façon ; au football, on triche en permanence !

Babacool, tu ne caches pas ta croyance comme musulman. Comment peut-on concilier l'approche scientifique et la croyance en un Dieu ?

Babacool dit Gaye - Les deux ne sont pas inconciliables car dans le Coran, Dieu dit « soyez mes serviteurs mais cherchez aussi à me connaître » et c'est dans cette quête permanente de Dieu que s'inscrit sans problème la recherche scientifique.

AG - Varg'raich, tu ne caches pas que tu es juif. Or tu te dis athée… Comment peut-on se dire juif et ne pas croire ? Pourrait-on être scientifique et ne pas pratiquer la démarche scientifique ?

Varg'raich : Il me semble que c’est par des détours, des ruses, des contournements, des emprunts, bref des métissages que l’on peut éventuellement s'approcher de la réalité. Et encore. Notre travail consiste à scruter les « je ne sais quoi et les presque rien », saisir les occasions, souvent uniques, de déplacement de notre point de vue, pour reprendre Vladimir Jankelevitch. Par exemple, moi, être juif, issu de l’immigration mais en même temps obligé historiquement, bien qu’athée, à me préparer à faire mes valises, me met dans une situation de grande acuité face à tous ces « je ne sais quoi et presque rien » et ces occasions. Coincé entre une situation d’intégration et une prudente interrogation, l’immigré peut développer des stratégies nouvelles de distance critique.

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AG - Dans vos tactiques respectives de préparation, les influences culturelles les plus sensibles sont sans aucun doute la bouffe et le sexe. Varg'raich : Sépares-tu la viande et le lait ? Babacool : Laves-tu les œufs avant de les manger ? Non ! et pourquoi donc ?

Varg'raich : Je ne lave pas les œufs avant de les manger mais il me faut absolument préciser que je ne lave pas grand chose avant de manger ce grand chose. À force de travailler sur Pasteur, peut-être que les microbes ne m’aiment pas… Ou alors, simplement, en multipliant les situations d’asepsie, on a fragilisé nos systèmes immunitaires. Je suis donc plutôt de la tendance à laisser faire… En somme, cela voudrait dire qu’à force de nous faire vivre des situations in vitro, nous devenons des gnomes in vivo-vitro, in vivotro et que la vie est ailleurs. Dans d’autres pratiques culturelles que celles imposées par les techno-sciences.

AG - Les OGM sont-ils un moyen de dépasser ces traditions culturelles respectives ? À votre avis, peuvent-ils permettre de lutter contre la malnutrition dans le monde ? La société civile n'est-elle pas aller trop loin dans l'irrationnel, ne se trompe-t-elle pas de bataille ? Comment pourrait-on contrôler les innovations potentielles ?

Varg'raich - Elles peuvent avoir une certaine efficacité pratique. Mais on peut aussi les nier par principe. Par exemple, même si on me démontre que les essais atomiques sont nuisibles, ce n’est pas parce qu’ils sont nuisibles que je suis contre. Je suis contre, c’est tout. Ce n’est pas parce que l’on va me démontrer qu’il vaut mieux, scientifiquement, ne pas être raciste que je suis antiraciste : je suis antiraciste par principe. Pour la manipulation génétique, c’est pareil. Au nom de l’Innommable (la Créature du Docteur Victor Frankenstein) et de Marie Shelley.

Babacool - De toute façon, je milite pour l'agriculture bio donc pour moi les OGM c'est encore des élucubrations de savants encouragés par des spéculateurs pressés de faire des bénéfices au détriment de la qualité des aliments et de la santé des populations.

AG - Varg'raich : suppose que je sois ton être aimé, quel sera ton geste de tendresse si tu gagnes ? Et toi Babacool ? Vos joueurs ont-ils le droit de faire l'amour avant le match ?

Babacool - Non ! il faut réserver son énergie pour gagner. Après la victoire on peut alors fêter à sa manière. Varg'raich - Je ne peux hélas pas me poser la question car elle sera loin le jour de la finale. De toute façon, elle préfère l’équipe d’Italie. Et puis il y a aussi un problème d’adrénaline : j’ai remarqué que lorsqu’on avait dépensé une forte quantité d’adrénaline pour une situation, il faut toujours un certain temps pour se replonger et avoir une nouvelle montée d’adrénaline dans une autre situation. Exemple : quand on descend de scène au théâtre. Malgré tout l’amour que l’on porte à l’autre, cette descente de scène et d’adrénaline a l’air de se faire lorsque l’on est seul face à soi-même. Mais, Monsieur l’Arbitre, tu es physiologiste. Il n’est cependant pas sûr que la Physiologie seule puisse apporter une réponse ! !

AG - Êtes-vous partisan de cloner Zidane pour renforcer votre équipe ? Ou vous limiteriez-vous à effectuer un clonage thérapeutique pour régénérer les ligaments des articulations de vos joueurs soumis à rude épreuve dans vos championnats respectifs ? Bacon disait que " tout ce qui était possible était à faire ". N'y a-t-il pas aujourd'hui des « choses » possibles que les scientifiques ne devraient pas faire ou laisser faire ? Mais où placer la limite ? Et pourquoi ?

Êtes-vous partisan l'un et l'autre de choisir le sexe de votre futur enfant ? Ferez-vous des enfants après 60 ans ?

Babacool - Pas d'accord pour le choix du sexe, pas d'échographie non plus. Laissons faire la nature c'est tellement plus beau et plus excitant.

AG - Ferez-vous des enfants sans femmes ? Utiliserez-vous des ovules de vache à ce propos ? Ce sont autant de pratiques qui sont désormais possibles.

Babacool - Trois fois non !!!

Varg'raich - Ma réponse est non à toutes ces questions. On peut faire une réponse technique : et s’il y avait un risque de mal faire ? Ma réponse est ailleurs, toujours pour la même raison : les technosciences alors bloqueraient toute possibilité de création d’un neuf non prévu à l’avance. Et j’aime bien l’improvisation. AG - Quels sont vos pronostics ? Sur le match bien sûr !

Babacool - Sénégal 2 - France 1 Varg'raich - France 2 – Sénégal 1

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2. LES PARADIGMES IMPENSÉS

Par ailleurs, ces implications culturelles sont autant de sources d’incompréhensions au quotidien. Elles s’insinuent dans la pensée, y compris scientifique, à deux niveaux :

- sur le plan des raisonnements intimes ou infralogiques que nous appelons « paradigmes » dans notre jargon épistémologique : notre pensée prend appui sur des façons de raisonner automatiques, « des réflexes de pensée », des sortes de truismes, des implicites qui s'imposent à nous de la façon la plus évidente par rapport auxquels il nous est difficile de prendre du recul pour les interroger. - sur le plan des valeurs.

Ces automatismes impensés « fleurissent » en permanence et interfèrent avec nos choix ou nos décisions. Nombre de contemporains ont beaucoup de difficultés à accepter la double appartenance. Ils ne comprennent pas que l’ozone, qui est un protecteur en haute atmosphère, soit un « superbe » polluant en basse atmosphère.

En matière de vache folle, ces évidences nous ont conduit à nombre de comportements bien naïfs, comme celui, en Europe, de rejeter la viande étrangère, et notamment anglaise, en pensant que nous serions ainsi protégés. On oubliait par là que les logiques économiques conduiraient les industriels britaniques à vendre les farines animales sur le continent, et donc à déplacer le problème.

Dans les pratiques de médiations et d’éducation scientifique et technique, elles sont des entraves permanentes. Et cela d’autant plus qu'enseignants, médiateurs, élèves ou grand public n’adhèrent pas aux mêmes références culturelles. L’élève et l’enseignant ne s’intéressent pas aux mêmes questions ; et le premier finit par se désintéresser parce que l’on ne traite jamais ses propres interrogations.

Nombre de difficultés d’appréhension des problèmes du moment, y compris sur le plan de la recherche scientifique, sont directement liées à des paradigmes d’une autre époque. Notre logique classique –

A = A ; vrai ou faux - ou notre causalité linéaire - une cause = un effet - fournissent un cadre d’inférences trop limité et souvent erroné pour décoder notre monde d’aujourd’hui. Il nous faut apprendre - il faut apprendre aux élèves, au grand public - à gérer l’incertitude, le paradoxal, l’aléatoire et bien sûr le complexe.

Ce type de recherches épistémologiques sur les paradigmes que nous développons dans notre laboratoire (Le LDES étudie plus précisément les paradigmes liés à la pensée complexe, en opposition à ceux de la pensée causale linéaire) demande à être plus largement généralisé. Il y va de la citoyenneté… On use beaucoup du « principe de précaution » ces temps-ci. Mais, confronté aux différences culturelles, ce concept recouvre des significations extrêmement diverses - voire

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opposées - ne serait-ce qu'entre un écolo, un mondialiste et un technocrate. Une approche attentive des déclarations respectives montre peu de relations entre un risque discerné par un expert, un risque avéré et un risque accepté par la société.

3. ET LES VALEURS ?..

Dans le même temps, comme toute activité humaine, techniques et sciences véhiculent des valeurs. Si la démarche scientifique actuelle tend à les masquer, la moindre approche historique nous permet de les saisir sans détour. Je vous renvoie à la thèse de Philippe Mathy que j’ai eu l’occasion de co-diriger avec Gérard Fourez. Je vous renvoie aux multiples textes ou illustrations que nous avons publiés et qui sont toujours savoureux de naïvetés. Même les mécanismes de la théorie de l’évolution, tels qu'ils continuent à être diffusés, sont pleins des valeurs dominantes d’une époque, celle de la fin du XIXe et du début du XXe. Je rappellerai seulement à ce propos la belle formule de Paul Feyerabend : « La physique est peut-être objective, mais l’objectivité de la physique ne l’est pas » ! Chassez les valeurs par la porte, elles rentrent par la fenêtre !

Cela n’est pas sans conséquences culturelles… Il n’est plus permis de continuer à promouvoir des programmes où la science est enseignée comme une tautologie limitée à des contenus fossilisés. Comment accepter des programmes qui s'ingénient encore à la présenter comme un savoir objectif, universel, exempt de toutes croyances ou opinions philosophiques, éthiques et politiques ?

Des moments de « clarification des valeurs », où on recherche les liens « forts » entre sciences, techniques, éthique et société, demandent à être inclus dans cet enseignement, et à tous les niveaux… Il faut cesser de fabriquer de jeunes chercheurs incultes, supertechniciens, mais incapables de situer leur propre domaine dans l'histoire de leur discipline ou dans les enjeux d’une époque. L’éthique, l’épistémologie, l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la didactique des sciences deviennent des passages obligés pour permettre la prise de recul nécessaire.

Dès les plus jeunes classes, il faut amener les élèves à réfléchir sur ce qu'est une démarche scientifique et à la situer par rapport à d’autres démarches… poétique, sociale, juridique ou théologique. En science, ce n'est pas la majorité qui détient la vérité, cette dernière n'étant pas inscrite dans un livre saint.

Des stratégies innovantes sont à imaginer et à promouvoir pour sensibiliser ces mêmes jeunes enfants à repérer les relations entre science et santé, techniques et environnement, à situer les enjeux des innovations dans la société ou encore à penser la place des techniques dans leur propre vie. Prenons l’idée de progrès… Depuis sa naissance au Siècle des Lumières, elle s’est développée et incarnée dans le progrès scientifique et technique. Implicitement, les sciences et la technologie ont

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pris une place considérable dans nos modes de pensée au quotidien. Aujourd’hui, elles ont besoin d’un contrôle à la hauteur du pouvoir qu’elles ont pris… Comment l’envisager ? Comment le mettre en place ? Il importe que les élèves - ou le grand public - prennent conscience des relations entre le “savoir”, le “faire” et le “pouvoir”, et cela en travaillant sur des exemples concrets comme le téléphone portable, Internet ou les manipulations génétiques.

Bien plus que la maîtrise d’une énième formule, la prise de conscience des présupposés, des mécanismes d’élaboration, la mise en perspectives des savoirs, la prise en compte des valeurs et des choix qui sous-tendent cette aventure humaine qu’est la Science conduit à une culture de qualité.

11 septembre 2001

11 septembre 2001. Ce jour a changé quelque chose dans notre devenir…, du moins quelque chose devrait changer, car il est temps de s’interroger sur nos valeurs ou sur nos relations avec ce qu’on appelle malencontreusement le « reste » du monde. Y aurait-il un lien entre un mode de vie basé sur des profits maximaux sur le court terme, une dérégulation mondialisée promue avec arrogance comme une panacée et ces événements tragiques ?

Prenons le temps de penser autrement, même si nous ne sommes qu’une goutte d’eau à l’échelle de cette actualité ! Faisons de ce jour un « symbole » : celui de la bêtise humaine, et essayons de réfléchir à ce qu’il signifie. Que représente-t-il vraiment ?

Les événements de l’Amérique ont montré toute l’illusion d’une politique hégémonique de courte vue. Les humiliations à répétition, la misère, ou encore la distance vécue entre des attentes et des niveaux de vie font naître toutes les haines. Et ces dernières ont toujours été le vivier de tous les fanatismes. N’est-ce pas à ces causes sous-jacentes de la violence, de l’insécurité et de l’asservissement que nous devons nous attaquer en premier, que ce soit au niveau d’une ville ou à l’échelle de la planète ?

Dans le même temps, il nous faut sortir d’un certain nombre d’autres illusions, nées de la superficialité de la pensée « unique » qui s’est peu à peu généralisée. La grandeur des deux tours jumelles de New York ne cachait-elle pas leur immense fragilité ? Tout comme la puissance financière et militaire des États-Unis ne masque-t-elle pas une incroyable naïveté culturelle, une absence de regard sur un monde en transformation rapide ?

Les vraies valeurs, celles qui sont solides, ne sont pas toujours où l’on croit. Obsédée par l’argent, la société n’a-t-elle pas fini par oublier que d’autres valeurs sont plus fondamentales ? Ne devrait-on pas remettre en avant la solidarité, la tolérance ? La globalisation du monde, telle que nous la vivons aujourd’hui, n’impose-t-elle pas que tous les peuples doivent pouvoir vivre ensemble dans leur différence ?

Enfin, ces 3100 morts, au delà de l’horreur que ce désastre représente pour leur famille et pour nous tous, ne sont-ils pas qu’un petit pourcentage du tribut que l’humanité paie pour des catastrophes immensément plus importantes ?

Par exemple, chaque mois, autant d’Européens meurent sur les routes. Ce chiffre correspond également au tiers de la mortalité journalière due au cancer du tabac à l’échelle de la planète. Plus dramatique, chaque jour, 30 000 enfants meurent de maladie ou de malnutrition.

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L’atrocité du 11 septembre 2001 ne devrait pas non plus masquer l’état catastrophique de notre planète. Comment éviter la rareté croissante de l’eau potable ? Comment diminuer les pollutions des océans, de l’air et du sol ? Comment diminuer les dangers potentiels qui pèsent sur notre alimentation ? Ou encore, comment envisager un développement qui soit acceptable pour notre biosphère ?

Mais nos façons de produire ou de consommer ne sont pas seulement intolérables pour l’environnement. Elles bousculent - ou anéantissent - les formes d’organisation habituelles de la vie sociale. La gravité de ces enjeux souligne dramatiquement les désordres d’un monde basé sur l’absence de pratiques réfléchies et partagées. Seul, le « marché » dans toute sa dureté et son instabilité permanente, fait loi. Rien d’étonnant que la violence se développe, entraînant le terrorisme international, mais également la délinquance et la drogue. L’absurdité d’une telle situation met en avant l’urgence des transformations en profondeur des rapports entre les groupes humains. Et cela d’autant plus que tous ces enjeux sont absents des débats politiques ou des instances de décision, que ce soit au niveau national ou au niveau international. Les développements technologiques en cours, au lieu de permettre un épanouissement de tous, font disparaître irrésistiblement nombre de cultures. Grâce aux transports et aux télécommunications, le monde est devenu un « petit village », mais sans règle et sans structure de régulation dans lequel la « loi de la jungle » tend de plus en plus à se développer.

Face à ces enjeux, les praticiens de la médiation ou de l'enseignement, les formateurs ou les muséologues, les chercheurs ou les animateurs n’ont-ils pas un rôle à jouer ? Déjà peuvent-ils rester neutres ? Ne doivent-peuvent-ils pas infléchir largement leurs préoccupations ou leurs pratiques pour prendre en compte ces nouveaux défis ?

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