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Conception d'un jeu sérieux actif pour l'apprentissage intergénérationnel du français

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Academic year: 2021

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Conception d’un jeu sérieux actif pour l’apprentissage

intergénérationnel du français

Mémoire

Ali Messaoud

Maîtrise en technologie éducative

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

(2)

Conception d’un jeu sérieux actif pour l’apprentissage

intergénérationnel du français

Mémoire

Ali Messaoud

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ

La démocratisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) a contribué à l’émergence de nouvelles manières d’apprentissage dans des contextes variés. Parmi ces manières d’apprendre, on cite les jeux numériques qui sont massivement utilisés par les jeunes (les natifs numériques), mais également, on constate une augmentation de leur usage chez les personnes âgées (les immigrants numériques).

Par ailleurs, les problèmes liés à la littératie chez les enfants et les aînés pourraient être atténués grâce aux jeux numériques pour l’apprentissage de la langue. Dans ce contexte, l’apprentissage intergénérationnel serait une stratégie prometteuse, non seulement pour le traitement des problèmes linguistiques mais aussi pour renouer les liens entre les deux générations concernées.

Or, l’offre actuelle des jeux numériques tient rarement compte de considérations intergénérationnelles. De plus, peu de jeux visent simultanément les dimensions cognitives et physiques créant ainsi deux catégories distinctes de jeux, les jeux pour l’apprentissage (dimension cognitive) et les jeux pour l’entraînement (dimension physique). Dans le but de contribuer à remédier à ces problèmes, on se propose de concevoir un prototype de jeu numérique pour l’apprentissage du français intégrant une activité physique, à savoir le vélo. Il s’agit d’une recherche développement qui vise à produire une solution multidimensionnelle (mentale et physique) et intergénérationnelle (enfants et aînés) sous forme d’un jeu sérieux « actif » à l’intention des élèves du 2ème cycle du primaire et des aînés de plus de 50 ans. En ce qui concerne les retombées, un tel projet permettrait de contribuer à l’avancement des connaissances sur le développement des jeux sérieux actifs pour l’apprentissage intergénérationnel en fournissant un ensemble de principes de conception induits à partir de l’expérience de développement vécue. Ces principes sont « transférables » et pourraient donc être repris dans des contextes similaires de développement de produits techno-pédagogiques.

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iv

TABLE DES MATIÈRES

Résumé ... iii 

Table des matières ... iv 

Liste des tableaux ... viii 

Liste des figures ... ix 

Liste des abréviations ... x 

Remerciements ... xi 

Introduction ... 1 

Chapitre 1. Problématique ... 3 

1.1 La problématique ... 3 

1.2 Le problème de recherche... 8 

1.3 Les objectifs et les questions de recherche ... 10 

1.3.1 Les objectifs de recherche ... 10 

1.3.2 Les questions de recherche ... 12 

1.4 L’intérêt de la recherche ... 13 

1.5 Les défis dans le développement de la solution ... 13 

Chapitre 2. Cadre conceptuel ... 14 

2.1 L’approche holistique en éducation ... 14 

2.2 Le littérisme ... 14 

2.3 L’apprentissage intergénérationnel... 16 

2.4 L’impact cognitif de l’activité physique ... 17 

2.5 Le jeu numérique en éducation ... 18 

2.5.1 Les jeux pour l’apprentissage ... 19 

2.5.2 Les typologies des jeux sérieux ... 19 

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v

2.6.1 Vue d’ensemble des mécaniques ... 23 

2.6.2 Les mécaniques de jeu ... 24 

2.6.3 Les mécaniques de mouvement ... 27 

2.6.4 Les mécaniques d’apprentissage ... 30 

2.7 Considérations conceptuelles générales ... 33 

2.7.1 La conception centrée sur l’utilisateur... 33 

2.7.2 L’expérience de jeu et d’apprentissage ... 34 

2.7.3 La dimension intergénérationnelle et sociale ... 37 

2.7.4 La conception de la narrative ... 38 

Chapitre 3. Méthodologie ... 39 

3.1 Le modèle de recherche ... 39 

3.1.1 La posture épistémologique ... 39 

3.1.2 Le type de recherche ... 39 

3.1.3 Les critères de scientificité ... 40 

3.1.4 Le caractère itératif de la démarche ... 41 

3.2 Les participants ... 41 

3.2.1 Le public cible ... 41 

3.2.2 Les autres participants ... 42 

3.3 Mise en contexte ... 43 

3.3.1 Le premier prototype ... 43 

3.3.2 Le prototype actuel ... 43 

3.3.3 Les rencontres avec les participants ... 44 

3.4 La collecte et l’analyse de données ... 45 

3.4.1 Les méthodes et les instruments de collecte de données ... 45 

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vi

Chapitre 4. Partie empirique : La Conception du jeu ... 49 

4.1 Présentation générale du jeu ... 49 

4.2 Les principes de conception ... 49 

4.3 Spécifications du jeu ... 54 

4.3.1 Les éléments de contexte ... 54 

4.3.2 Les éléments de jeu ... 60 

4.3.3 Les éléments de jouabilité ... 70 

4.3.4 Les éléments pédagogiques ... 75 

4.3.5 Les éléments d’évaluation ... 77 

4.3.6 Les éléments technologiques ... 78 

Chapitre 5. Résultats ... 81 

5.1 Analyse des données recueillies ... 81 

5.1.1 Analyse du journal de bord ... 81 

5.1.2 Analyse des données d’entrevue ... 83 

5.2 Analyse de l’expérience de développement ... 84 

5.2.1 L’inventaire des principes de conception ... 85 

5.2.2 Le prototypage rapide ... 85 

5.2.3 Les critères de sélection des principes de conception ... 86 

5.2.4 Le processus de mise en œuvre des principes de conception ... 87 

5.3 Les principes de développement induits ... 87 

5.3.1 Les principes liés à la démarche ... 88 

5.3.2 Les principes liés à la conception du prototype ... 88 

5.4 Les caractéristiques essentielles du jeu ... 89 

Chapitre 6. Discussion ... 91 

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vii

6.1.1 La priorisation de la dimension ludique et impact sur l’intention pédagogique . 91 

6.1.2 Les compétences « collatérales » ... 92 

6.2 Comparaison avec les travaux antérieurs ... 92 

6.2.1 L’alignement des propositions des participants avec les principes recensés ... 93 

6.3 Commentaires sur les principes de conception inventoriés ... 94 

6.4 La transférabilité (la généralisation) ... 94 

6.5 Discussion critique de la démarche de développement ... 95 

6.5.1 La scientificité de la démarche ... 95 

6.6 Propositions ... 95 

Conclusion ... 96 

Bibliographie ... 98 

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Problèmes des populations d’enfants et d’aînés ... 7 

Tableau 2: Répartitions des niveaux de compétence en littératie au Québec (%) ... 15 

Tableau 3: Récapitulatif des mécaniques des JS actifs ... 23 

Tableau 4: Exemples de Jeux Sérieux et leurs mécaniques de jeu... 26 

Tableau 5: Exemples de mécaniques de mouvement ... 29 

Tableau 6: Exemples de Jeux Sérieux et leurs mécaniques d’apprentissage ... 31 

Tableau 7: Principes de conception de jeu pour l’apprentissage et l’entraînement ... 50 

Tableau 8: Liste des adjuvants et des opposants ... 59 

Tableau 9: Description des niveaux ... 67 

Tableau 10: Liste des obstacles par niveau ... 69 

Tableau 11: Les récompenses obtenues au cours des niveaux ... 70 

Tableau 12: Rétroactions audio-visuelles selon les événements ... 72 

Tableau 13: Mécanismes d’adaptations selon les critères de performance ... 74 

Tableau 14: Performances d’apprentissage ... 77 

Tableau 15: Nombre de principes de conception par domaine conceptuel ... 85 

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LISTE DES FIGURES

Jeu, apprentissage et activité physique : une approche intégrée ... 11 

Développent moteur et cognitif, selon Payne et Isaacs (2012) ... 18 

Intégration de l’apprentissage et de l’entraînement ... 22 

Lien entre mécanique de jeu et mécanique d’apprentissage ... 30 

Transformation des composantes du feel en expériences ... 34 

Modèle de recherche développement de Loiselle et Harvey (2009, p. 110) ... 40 

Sources principales des principes de conception ... 50 

Structure de l’histoire ... 55 

Structure informationnelle des scènes cinématiques ... 57 

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x

LISTE DES ABREVIATIONS

CALL : Computer Assisted Language Learning

TIC : Technologies de l’Information et de la Communication TSI : Technologie de la Société de l’Information

AVQ : Activités de Vie Quotidiennes AI : Apprentissage Intergénérationnel JS : Jeux Sérieux

JSA : Jeux Sérieux Actifs

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique

PEICA : Programme pour l'Évaluation Internationale des Compétences des Adultes ENIL : Réseau Européen pour l’Apprentissage Intergénérationnel

GPS : Gameplay, Purpose, Scope

LM-GM : Learning Mechanics-Game Mechanics MDA : Mechanics, Dynamics, Aesthetics

DPE : Design, Play, Experience

ICAP : Interactive, Constructive, Active, Passive EC: Engagement Cognitif

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REMERCIEMENTS

Ce mémoire n’aurait jamais été réalisé sans l’aide de plusieurs personnes à qui je voudrais exprimer mes sincères remerciements et ma gratitude.

Je tiens à remercier tout d’abord la directrice de ce projet de recherche, madame Margarida Romero, pour son inestimable soutien, sa patience et ses conseils judicieux et pour les efforts énormes qu’elle a déployés en vue de m’aider à relever les défis rencontrés tout au long de la réalisation de ce travail.

Je voudrais aussi remercier la directrice du programme, madame Martine Mottet pour son support administratif professionnel et moral durant mes études. Je désire en outre exprimer toute ma gratitude à monsieur Thomas Michael Power pour tous les conseils pertinents et l’orientation efficace qu’il m’a accordée durant ces deux années de Maîtrise. Je désire par la même occasion remercier monsieur Denis Lamy pour son support de qualité pendant le cours que j’ai pris à la Téluq.

Je voudrais également adresser mes remerciements à tout le personnel de la faculté des sciences de l’éducation et à Cynthia Hunt en particulier, pour leur travail considérable dans le but de favoriser la réussite des étudiants. Je tiens à témoigner ma reconnaissance envers les participants au projet pour l’intérêt qu’ils ont exprimé à cette recherche et leur contribution plus qu’enrichissante. Un grand merci aux évaluateurs qui ont accepté d’évaluer ce mémoire et de donner leurs recommandations valorisantes.

Je tiens aussi à exprimer ma gratitude pour ma femme Meriem pour ses encouragements, sa patience et sa contribution précieuse à ce travail, et mon enfant Ouays pour les charges positives qu’il a pu induire surtout pendant les moments difficiles. Enfin, je suis très reconnaissant à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à l’accomplissement de ce travail.

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1

INTRODUCTION

Dans les pédagogies actuelles, on observe un intérêt grandissant pour les approches de l’apprentissage par le jeu, non seulement dans les contextes de l’éducation informelle, mais aussi dans les contextes formels. Les jeux pour l’apprentissage et la ludification sont de plus en plus ancrés dans les pratiques scolaires et même organisationnelles en raison de leur réputation de pouvoir favoriser l’apprentissage.

Il est clair que ces stratégies suscitent aujourd’hui l’enthousiasme d’une large communauté de praticiens de l’éducation grâce, notamment, aux avancées du numérique. Parallèlement, les théoriciens se sont également joints à cet engouement en proposant des théories et des pistes d’action pour l’intégration « scientifique » du jeu dans l’éducation. Cela est reflété d’une part par la quantité énorme de recherches diffusées à ce sujet, et d’autre part par le nombre élevé d’interventions et de produits pédagogiques développés autour du jeu numérique. Il faut noter, par ailleurs, que toutes les disciplines sont pratiquement en voie de s’approprier le jeu numérique comme une activité centrale dans les apprentissages qu’elles prodiguent.

Dans ce contexte, la maîtrise de la langue, l’une des compétences clés du 21e siècle qui

supporte l’apprentissage tout au long de la vie, se trouve aujourd’hui sur la ligne de mire des stratégies d’apprentissage par le jeu numérique. Il s’agit d’une extension logique des approches de l’apprentissage de la langue assisté par ordinateur (Computer Assisted

Language Learning ou CALL).

Si l’on se base sur la prémisse que le jeu numérique pourrait contribuer à résoudre les problèmes linguistiques chez un public éprouvant des difficultés langagières, alors comment peut-on exploiter, de façon optimale, la diversité des solutions ludiques (jeux pour l’apprentissage, ludification, jeux sérieux, jeux d’entraînement,…) pour créer une expérience d’apprentissage de la langue qui soit engageante, efficace et innovante ?

C’est dans cette perspective que nous nous proposons de faire usage des jeux à visée éducative pour concevoir une solution ludo-éducative (un jeu éducatif) à l’intention d’un public cible intergénérationnel souffrant d’illettrisme. Il s’agit d’une démarche de recherche

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2

développement qui vise à construire un produit pédagogique et à contribuer à l’avancement des connaissances dans ce champ de recherche.

Dans le présent mémoire, nous exposerons en premier lieu la problématique en lien avec le sujet. En deuxième lieu, dans le cadre théorique, nous ferons le point sur les différents concepts qui supporteront la démarche. Par la suite, nous décrirons les choix méthodologiques qui guideront la conduite de cette recherche. Dans la partie empirique seront détaillées les spécifications de la solution proposée. Enfin, nous présenterons les principaux résultats qui seront discutés avant de terminer le mémoire par une conclusion générale.

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3

CHAPITRE 1. PROBLEMATIQUE

1.1 La problématique

La société du 21e siècle se caractérise par la rapidité des changements qui la façonnent

continuellement sur tous les plans (économique, social, culturel, etc.). Dans cette dynamique effervescente, l’acquisition continuelle de nouvelles compétences transversales et spécifiques constitue aujourd’hui une nécessité fondamentale et un critère de réussite individuelle et sociétale face aux défis grandissants de l’ère numérique moderne. L’adoption massive de la technologie a conduit à l’émergence de nouvelles manières d’apprentissage. L’interaction quotidienne et ubiquitaire avec les outils technologiques font que les contextes d’apprentissage sont de moins en moins formels et structurés tel que le révèle le rapport de Sefton-Green (2004) sur le sujet. Ainsi, grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC), les individus ont maintenant l’occasion d’apprendre dans toutes sortes de situations dépassant les frontières de l’éducation formelle.

Le développement de la littératie, au sens large du terme, est sans doute l’une des compétences contributoires au développement multidimensionnel de l’individu et de la société du 21e siècle. À ce propos, dans son rapport mondial de suivi sur l'Éducation Pour

Tous, l’UNESCO (2006), fait valoir les bénéfices humains, politiques, culturels, sociaux, et économiques de l’alphabétisme (dit aussi littérisme1 ou littératie2). Par ailleurs, Mioduser et

al. (2008) mettent en relief l’évolution de la notion de littératie d’une définition centrée

exclusivement sur les aptitudes de lecture et d’écriture vers une définition plus globale incluant l’ensemble des compétences nécessaires pour apprendre, travailler et interagir avec les besoins de la vie courante. Ils soulignent, notamment, que les littératies sont « des constructions culturelles liées aux technologies qui les offrent et les demandent » (p. 40). Tout naturellement, l’acquisition de compétences linguistiques et leur mise en pratique sont soumises à l’influence des changements actuels de la société, surtout ceux induits par la démocratisation des TIC. On observe, en effet, une prolifération phénoménale de logiciels,

1 Terme proposé au Journal officiel de la République française en 2005.

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d’applications mobiles, de jeux numériques, d’applications web et bien d’autres outils pour soutenir l’apprentissage de la langue. C’est dans ce contexte que la Conférence internationale sur les langues, organisée autour du thème « améliorer les compétences linguistiques et l’enseignement des langues pour le 21e siècle », souligne l’importance de l’innovation dans l’enseignement des langues grâce notamment aux TIC (UNESCO, 2014).

Dans le même ordre d’idées, dans un rapport publié dans le cadre du projet DIGCOMP3

(Ferrari, Punie, et Brečko, 2013, p. 2), on définit les compétences numériques par « l’utilisation sûre, critique et créative des technologies de la société de l’information (TSI) et, donc, la maîtrise des technologies de l’information et de communication (TIC) pour « atteindre des objectifs liés au travail, à l’employabilité, à l’apprentissage, aux loisirs, à l’inclusion et/ou la participation dans la société ». Ces même auteurs qualifient ces compétences de transversales et croient qu’elles permettent d’acquérir d’autres compétences clés à l’instar de la langue. Il est donc clair que le développement de la littératie pourrait bien être soutenu par les TIC grâce à une panoplie d’outils et de stratégies basés sur la technologie numérique.

Aujourd’hui, on peut observer que toutes les générations sont pratiquement concernées, d’une façon ou d’une autre, par l’évolution de la société vers une « société de l’information » qui adopte désormais une culture numérique de plus en plus ancrée dans la vie courante de ses membres. Toutefois, on constate la persistance d’un fossé numérique associé à l’âge bien qu’il soit en voie de diminution. Les statistiques fournis par l’Enquête canadienne sur

l’utilisation d’Internet de 2012 en est un indicateur (Institut de la statistique du Québec,

2014, p. 3). La population jeune constitue le noyau de cette culture numérique (natifs

numériques) alors que les générations plus âgées se retrouvent « forcées » de suivre ces

tendances (immigrants numériques) (Prensky, 2001). Quoi qu’il en soit, pour toutes ces populations, le fait de se retrouver exposé à « des environnements alphabètes riches », qu’ils

3 Un projet initié en 2010 au sein de l’Institut des Études Technologiques Prospectives de la Commission

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5

soient numériques ou traditionnels, devrait favoriser l’apprentissage tout au long de la vie (UNESCO, 2006, p. 221).

Dans ce contexte, nous nous intéressons en particulier à deux pôles générationnels, la population des enfants et celle des aînés. Pour les enfants, leur donner l’opportunité d’acquérir des compétences linguistiques doit faire partie des priorités de l’éducation (formelle et informelle). De plus, bien que les enfants d’aujourd’hui soient dotés de compétences numériques avancées, les statistiques montrent l’existence de problèmes linguistiques chez eux (Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 2001, p. 39). En outre, leur vie « numérique » favoriserait des comportements sédentaires par l’interaction quotidienne et prolongée avec les objets technologiques (ordinateurs, tablettes, internet, jeux numériques, etc.) (Kautiainen, Koivusilta, Lintonen, Virtanen, & Rimpelä, 2005).

Les aînés, quant à eux, mènent une vie plus « classique » et souvent en retrait. Ils sont caractérisés par un vieillissement physique limitant leurs aptitudes motrices et un vieillissement cognitif limitant leurs fonctions mentales. Similairement aux enfants, cette population souffre aussi d’illettrisme qui serait une cause de dégradation des activités de vie quotidiennes (AVQ) (problèmes de lecture des notices des médicaments, des lettres, etc.). Les statistiques de l’enquête Information et Vie Quotidienne montrent que la proportion de personnes en situation d’illettrisme est plus forte pour les groupes d’âge les plus élevés (Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme, 2013). Par ailleurs, les aînés sont généralement à l’écart de la technologie. Toutefois, ils commencent progressivement à l’accepter et à l’utiliser pour des fins de communication comme l’échange de courriels (Kwong, 2015), des fins administratives ou des fins de loisirs à travers, notamment, les jeux vidéo (De Schutter, 2011). Il importe de souligner à ce propos que de plus en plus de personnes âgées sont attirées par les jeux vidéo. Dans ce contexte, Renaud et al. (2014) et Sauvé et al. (2016) ont exploré le potentiel des jeux numériques à améliorer la qualité de vie des aînés. Il importe aussi de mentionner les statistiques de l’Entertainment Software Association (2015) qui témoignent que 27% des joueurs sont âgés de 50 ans et plus. Bien sûr, les aînés sont inclus dans cette tranche d’âge. Ils sont donc concernés par ces observations. Peu importe le cadre d’usage de la technologie, cela nécessite un niveau

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suffisant de littérisme (au sens linguistique du terme) chez les seniors pour leur permettre d’interagir avec les environnements numériques textuellement riches. Jusqu’ici, nous avons décrit les caractéristiques propres aux populations des enfants et des aînés. Mais qu’en est-il des liens intergénérationnels entre eux ?

À cet égard, le terme « intergénérationnel » signifie « qui concerne les relations entre les générations »4. La relation intergénérationnelle entre les enfants et les aînés se caractérise

principalement par le manque de communication sociale entre eux à cause des préjugés et des perceptions négatives mutuelles entre les deux générations (Chua et al., 2013). Par ailleurs, l’écart numérique entre eux limiterait les activités communes qu’ils pratiquent. L’établissement de relations entre les enfants et les aînés serait bénéfique pour tout le monde. Cette notion de bénéfice a été mise en relief par Newman et Hatton-Yeo (2008, p. 33) « le sentiment d’être valorisé, accepté et respecté, meilleures connaissances et compétences, et la création d’une relation intergénérationnelle significative et basée sur la confiance ». D’une part, les aînés constituent pour les enfants une source riche de connaissances et d’expériences (sagesse) (Ball, Pence, Pierre, & Kuehne, 2002) et d’autre part, leur contact avec ces derniers peut les aider à sortir de leur isolement social et à modeler positivement leurs comportements physiques. Sur ce dernier point, King (2001, p. 43) a suggéré, dans une approche intergénérationnelle, de porter plus d’attention aux « opportunités potentielles pour les enfants et les petits enfants à influencer le niveau de l’activité physique des personnes âgées ». Les aînés peuvent également développer leur usage de la technologie (littératie numérique) grâce à « l’expertise » des enfants dans ce domaine (Romero, 2016). Ces échanges bidirectionnels de connaissances et d’habiletés se résument, selon Newman et Hatton-Yeo (2008), dans la notion de « réciprocité », une caractéristique fondamentale de l’apprentissage intergénérationnel (AI). Dans cette perspective, dans leur étude longitudinale sur les effets des jeux vidéo sur les perceptions intergénérationnelles, Chua et al. (2013) recommandent d’offrir le plus d’opportunités possible à différents groupes d’âges en vue d’interagir quotidiennement dans des activités partagées. Ces auteurs pensent que les jeux vidéo, en tant qu’activité de loisir partagée, peut réduire l’anxiété entre les groupes d’âge et

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favoriser la création de perceptions positives des enfants à l’égard des aînés et vice versa. Selon une autre étude exploratoire sur la littératie des grands-parents (Desjardins et Lefol, 2010, p. 33), le jeu constitue l’activité partagée préférée des grands-parents et leurs petits-enfants (80%) suivi par la lecture (66,7%) et les activités sportives ou récréatives (45,2%). De plus, 78% des participants à l’étude de Desjardins et Lefol (2010) considèrent que l’apprentissage du français pour leurs petits-enfants est très important et 67% d’entre eux accordent beaucoup d’importance à leur rôle dans la transmission de leur langue et leur culture.

En somme, nous avons mentionné des problèmes saillants rencontrés par les deux populations qui nous intéressent, à savoir le problème d’illettrisme linguistique et le celui du manque de l’activité physique ainsi que la rupture intergénérationnelle. Dans le tableau 1, nous énumérons pour chacune des populations cibles les problèmes spécifiques auxquels elle fait face.

Tableau 1: Problèmes des populations d’enfants et d’aînés Population Problèmes

Enfants

Faible niveau en français

Résultats scolaires affectés par le faible niveau de la langue Manque d’activité physique (sédentarité)

Problèmes de santé liés au manque de sport (obésité)

Isolement social à cause d’une immersion technologique exagérée Éloignement des générations plus âgées

Aînés

Problèmes linguistiques qui affectent les activités quotidiennes Solitude et isolement social

Capacités cognitives non entretenues Problème de vieillissement inactif Éloignement des générations plus jeunes

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1.2 Le problème de recherche

Dans les sections précédentes, nous avons mis en avant des éléments problématiques propres aux populations cibles. Dans une logique de l’offre, l’industrie du jeu propose des solutions technologiques diverses pour le développement des compétences du 21e siècle et la

promotion de modes de vie plus sains. Les jeux pour l’apprentissage et les jeux d’entraînement (exergames) sont des stratégies utilisées à cet effet. À ce propos, les développeurs ont profité de l’engouement actuel envers les jeux numériques pour créer des expériences d’apprentissage où l’aspect ludique supporte l’aspect éducatif. Ce même engouement a également favorisé l’émergence de jeux « actifs » dont le but est de faire bouger les joueurs grâce à un environnement vidéo-ludique. Toutefois, quelques problèmes liés à la logique de l’offre peuvent être identifiés.

Premièrement, les jeux développés sont généralement destinés à un groupe cible spécifique. Ici, on fait référence aux intentions et choix originels des acteurs de l’industrie du jeu et non à la pratique réelle des jeux (rien n’empêche un aîné de pratiquer un jeu destiné, à l’origine, à un public jeune). Dans l’offre actuelle de jeux numériques éducatifs et actifs, on tiendrait rarement compte de considérations intergénérationnelles. Généralement, chaque génération s’approprie une gamme de jeux spécifiques à ses besoins tel que l’indique, notamment, l’étude de Pearce (2008) au sujet des préférences et intérêts des « baby boomer gamers ». Par ailleurs, cet auteur croie que les aînés se sentent « ignorés » par l’industrie du jeu. Il est ainsi rare de trouver sur le marché des jeux développés dès le départ avec l’intention de les rendre jouables par les enfants et les aînés ensemble (design intergénérationnel). Bref, l’offre de jeux numérique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui favoriserait l’exclusion intergénérationnelle au profit d’une cohésion intragénérationnelle forte.

Deuxièmement, les produits développés reflètent la catégorisation abrupte entre les dimensions mentales et physiques du développement de l’individu. En effet, peu de jeux visent simultanément d’une part, l’acquisition de compétences et connaissances cognitives et d’autre part, l’acquisition d’habiletés motrices et la pratique d’exercices physiques.

En somme, on se trouve face à une situation problématique où la logique de l’offre (développement et déploiement des jeux numériques) se caractérise par le manque

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d’intégration concomitante des dimensions mentale et physique du développement et par l’absence d’une logique de design intergénérationnelle. Ce créneau particulier est très peu couvert. Par ailleurs, les connaissances au sujet des principes qui guident la conception des jeux numériques selon cette approche intégrée sont plutôt rares.

Le développement d’un jeu numérique à visée éducative auquel on intègre, de façon rationnelle, des exercices physiques pourrait contribuer à traiter les problèmes identifiés. Il s’agit de proposer une forme particulière de jeu pour l’apprentissage qui intègre les dimensions cognitive et physique dite educational exergames (K. Kiili & Perttula, 2013) qu’on pourrait traduire par « jeux sérieux actifs» (JSA) sans atteinte au sens du concept en question.

Le cyclisme est une activité physique très populaire aussi bien pour les jeunes que pour les aînés (Vélo Québec, 2011). À l’heure actuelle, plusieurs jeux existants sont joués à l’aide d’un vélo stationnaire réel. À titre d’exemple, au lieu d’utiliser une manette, un développeur amateur a transformé son vélo stationnaire en un contrôleur pour un jeu vidéo de course (SuperTuxKart)5. CyberBike6, quant à lui, est un contrôleur commercial qui fonctionne avec

la plateforme de jeu Wii pour pratiquer le cyclisme avec une variété de jeux vidéo. Mentionnons aussi l’application mobile Vescape qui permet de jouer tout en faisant des exercices physiques à vélo. Le problème avec ces solutions réside dans le fait qu’elles sont centrées sur l’entraînement physique et le divertissement sans pour autant accorder de l’attention à l’apprentissage de contenus. Il s’agit tout simplement de jeux d’entraînement. Pour notre part, ce qui était primordiale est de pouvoir proposer une solution permettant de répondre efficacement à des critères spécifiques définis suite à l’analyse du portrait de la situation problématique ci-haut exposé :

- être intégratrice et intergénérationnelle,

- contribuer au développement cognitif, physique et socio-affectif des publics cibles (développement multidimensionnel),

5 https://www.youtube.com/watch?v=lmzmY1Aj3-k 6 https://www.youtube.com/watch?v=Z5gnSlr9XYA

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- assurer un apprentissage intergénérationnel à travers la mise en place d’activités de loisir partagées pouvant instaurer des liens sociaux entre les enfants et les aînés et éliminer les stéréotypes intergénérationnels,

- tenir compte des besoins du public cible, et

- s’adresser à une population avec des compétences langagières à développer, notamment les enfants et les aînés.

1.3 Les objectifs et les questions de recherche

1.3.1 Les objectifs de recherche

Le présent projet s’inscrit dans une perspective de recherche-développement centrée sur « le développement d’un outil matériel ou conceptuel et l’analyse des prises de décision dans le processus de développement de cet outil » (Loiselle et Harvey, 2007, p. 53). Il possède des objectifs liés à la démarche de recherche-développement et des objectifs liés au produit. 1.3.1.1 Les objectifs liés à la démarche

Il faut préciser, d’abord, que ce projet est plutôt centré sur l’action (résoudre des problèmes). Cependant, il comporte aussi un volet de « compréhension » comme le suggèrent Loiselle et Harvey (2007, p. 46) « le pôle de la compréhension n’est toutefois pas absent d’une telle démarche ». On aura donc à « analyser l’expérience réalisée dans le but de mettre en évidence les principes qui ressortent de l’expérience de développement ». Dans ce cette optique, ce projet vise à :

‐ Concevoir un prototype de jeu pour un public en situation d’illettrisme. Le but est de mettre en place une activité intergénérationnelle partagée à visée éducative combinant le jeu numérique, l’exercice physique et l’apprentissage du français. Cette activité/produit s’adresse spécifiquement aux élèves québécois du primaire âgés de 8 à 10 ans et aux aînés québécois de 50 ans et plus.

‐ Générer un ensemble de principes de conception à partir de l’expérience de développement. Ces principes pourraient guider l’élaboration d’autres produits à l’intention du public cible.

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11

‐ Contribuer à l’avancement des connaissances sur le développement de jeux actifs pour l’apprentissage intergénérationnel en fournissant des pistes d’action (des principes) pouvant s’appliquer à d’autres contextes plus ou moins similaires.

Il est par ailleurs indispensable de mettre le prototype développé à l’épreuve pour évaluer son efficacité à travers une mise à l’essai systématique auprès de la population ciblée. Toutefois, dans le cadre du présent projet, on se contentera d’une évaluation fonctionnelle en cours de développement visant à peaufiner le prototype. Elle sera basée sur l’expérience acquise (les réflexions dans l’action), l’opinion d’experts dans le domaine de développement des jeux et l’avis de quelques personnes des groupes cibles.

La figure 1 représente les trois activités fondamentales à combiner en vue de créer une expérience à la fois cognitive (apprendre), ludique (jouer) et physique (bouger). La zone commune entre les trois cercles correspond aux types d’expériences offertes par les jeux éducatifs d’entraînement.

Jeu, apprentissage et activité physique : une approche intégrée 1.3.1.2 Les objectifs liés à la mise en œuvre de la solution (produit)

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12

Pour les enfants :

‐ Augmenter la motivation pour l’apprentissage du français. ‐ Améliorer l’engagement dans les activités d’apprentissage. ‐ Développer les connaissances et les compétences en français. ‐ Offrir l’opportunité de pratiquer du sport et rester en bonne santé. ‐ Offrir une expérience de jeu couplée à une expérience d’apprentissage.

‐ Instaurer des liens avec les aînés à travers des modalités de jeu intergénérationnelles.

Pour les aînés :

‐ Permettre un vieillissement actif.

‐ Contribuer au maintien des facultés cognitives.

‐ Développer la littératie en français pour mieux gérer les activités de la vie quotidienne.

‐ Permettre des apprentissages socio-culturels.

‐ Réduire l’isolement grâce à une activité de loisir partagée.

‐ Instaurer des liens avec les enfants à travers des modalités de jeu intergénérationnelles.

1.3.2 Les questions de recherche

La présente recherche soulève quelques questions spécifiques qui sont alignées au problème de recherche et aux objectifs de recherche formulés.

‐ Quelles devraient être les composantes et les caractéristiques essentielles du jeu sérieux actif à concevoir pour permettre la résolution des problèmes constatés et la satisfaction des besoins spécifiques des publics cibles ?

‐ Quelles sont les principes généraux de conception à appliquer en vue de développer des jeux sérieux actifs à l’intention du public cible (généralisabilité) ?

‐ Quelles sont les éléments spécifiques qui devraient soutenir les prises de décision dans le processus de développement d’un produit tel qu’un jeu sérieux actif ?

‐ Comment le caractère multidimensionnel et intergénérationnel de la solution proposée façonnerait-il la démarche de conception ?

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13

1.4 L’intérêt de la recherche

Rappelons que les finalités principales de ce projet sont : (1) développer un jeu sérieux actif en vue de répondre adéquatement aux besoins spécifiques des publics cibles (besoins cognitifs, sociaux, physiques) dans le cadre de la problématique cernée, (2) produire des principes directeurs pour guider l’élaboration d’autres produits applicables à des situations similaires et (3) engendrer une activité réflexive sur le processus de conception des JS. L’intérêt de cette recherche réside non seulement dans la création d’un produit qui s’inscrit dans le cadre de la démocratisation des JS, mais également dans la contribution à l’avancement des connaissances dans le domaine de développement de tels jeux dans une perspective intergénérationnelle, et ce, grâce aux principes qui émergeront de l’expérience de conception. Bien que ces principes découlent d’un contexte particulier, ils pourraient bien servir à soutenir les travaux des chercheurs et des concepteurs dans des contextes variés. La portée de la recherche dépasse donc les limites restreintes de son contexte vers un espace de recherche (plan scientifique) et de développement (plan pratique) plus large du domaine des jeux numériques.

1.5 Les défis dans le développement de la solution

Il faut noter que le caractère intergénérationnel augmente le niveau des défis à relever dans la proposition d’une solution efficacecar différents besoins et préférences entrent en jeu. Par exemple, les aînés ne sont pas attirés par les jeux offrant des défis de réflexe (Pearce, 2008). De plus, le caractère multidimensionnel de la problématique sera transposé au processus de développement de la solution ce qui le complexifie. Il est donc primordial de prendre des décisions éclairées et justifiées afin que la solution soit adaptée à la problématique. Dans ce sens, Loiselle et Harvey (2007, p. 44) citent Schön (1994) qui « met en évidence la complexité d’une démarche de développement en raison des décisions multiples qu’elle appelle, de la variété de critères à prendre en compte et du grand nombre de variations possibles que peut présenter le produit à développer ».

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CHAPITRE 2. CADRE CONCEPTUEL

2.1 L’approche holistique en éducation

L’approche holistique de l’éducation vise le développement global de l’individu. Dans cette optique, l’éducation doit, selon l’UNESCO (1996, p. 94), contribuer au développement tous azimuts de chaque individu, esprit et corps, intelligence, sensibilité, sens esthétique, responsabilité personnelle et valeurs spirituelles. Clark (1991, p. 55) affirme que « l’éducation holistique et son paradigme émergent est basée sur l’hypothèse que, à un certain niveau fondamental, « tout est relié à tout le reste ». Selon Miller (2005), l’éducation holistique nourrit le développement sur les plans intellectuel, émotionnel, physique, social, esthétique et spirituel. « L’apprentissage holistique tente d’offrir une vision plus large de l’éducation et du développement de l’homme » (J. P. Miller, 1999, p. 46). Dans le même esprit, Spolin (1963, p. 3) définit « l’expérience » comme une « pénétration » dans l’environnement et un engagement organique total avec lui sur les plans intellectuel, physique et intuitif. Dans ce contexte, Spolin souligne que l’ouverture réelle à l’apprentissage exige que la réponse à l’expérience se produise au niveau de la dimension intuitive (quand l’individu fonctionne au-delà d’un plan intellectuel rigide).

Ceci nous mène à aborder un concept important dans l’éducation, à savoir celui de l’apprentissage expérientiel, une forme d’apprentissage holistique défini par (Kolb, 1984, p. 38) comme « un processus par lequel la connaissance est créée à travers la transformation de l’expérience ». Ceci rejoint la définition de l’expérience de Spolin (1963) qui s’inscrit parfaitement dans une perspective holistique de l’éducation.

2.2 Le littérisme

Alphabétisme, littératie, littérisme sont tous des termes qui gravitent autour de la même notion. Le Deuf (2008), en parlant plus spécifiquement de la littératie numérique, montre qu’il existe plus de convergences que de divergences dans les définitions et conclut qu’ « il faut plaider pour une sortie de la querelle nominaliste » (p. 115). C’est pour cela que nous n’entrerons pas dans une discussion terminologique mais retenons que la notion de littératie renvoie, de manière globale, à l’ensemble des compétences nécessaires pour apprendre,

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15

travailler et interagir avec les besoins de la vie courante (Mioduser et al., 2008). Dans le rapport mondial de suivi sur l’Éducation Pour Tous, on fait référence à une définition plus simpliste qui considère la littératie comme « un ensemble de compétences tangibles, en particulier des compétences cognitives de la lecture et de l’écriture » (UNESCO, 2006, p. 157). Dans ce même rapport, on préconise de « fournir aux jeunes et aux adultes des possibilités d’apprentissage qui correspondent davantage à leurs besoins en alphabétisme et qui tiennent compte de l’utilisation que leurs communautés font de l’alphabétisme » (p. 227). Par ailleurs, l'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) conçoit la littératie comme « la capacité de comprendre, d’évaluer, d’utiliser et de s’approprier des textes écrits pour participer à la société, réaliser ses objectifs et développer ses connaissances et son potentiel» (OECD, 2012, p. 3).

Bien que l’illettrisme concerne essentiellement les sociétés en voie de développement, paradoxalement, les sociétés hautement alphabètes comportent encore des poches d’illettrisme (UNESCO, 2006, p. 213). Le Canada et le Québec en particulier sont touchés par ce problème. En effet, les résultats du Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) (Statistique Canada, 2013) indiquent que 13% des canadiens âgés de 16 à 65 ans se situent au niveau 1 et 4% à un niveau inférieur, selon les 6 niveaux de compétences en littératie (le niveau inférieur à 1 correspond aux compétences les plus faibles). Au Québec, ces pourcentages sont de 14,9% et 4,1%, respectivement (voir tableau 2).

Tableau 2: Répartitions des niveaux de compétence en littératie au Québec (%)

< niveau 1 Niveau 1 Niveau2 Niveau 3 Niveau 4 ou 5

4.1 14.9 34.3 35.5 11.3 Les résultats ont également montré que la population de 55 à 65 ans a obtenu un score moyen en littératie de 260 (niveau 2) qui est le plus faible par rapport à ceux des autres groupes d’âge. On note un écart d’environ 24 points par rapport au meilleur score (celui de la population de 25 à 34 ans) ce qui équivaut à un écart de plus de 3 ans de scolarité (7 points correspondent à 1 an de scolarité selon l’OCDE). Au sein du groupe d’âge de 55 à 65 ans, le

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16

pourcentage de la population au niveau de compétence 2 ou à un niveau inférieur est estimé à 69,3%.

En somme, on conclut d’après ces résultats que la population des aînés présente des compétences modestes en littératie. Cette situation nécessite la mise en œuvre de stratégies efficaces pour améliorer la littératie chez ce public particulier. Ceci nous conduit à explorer les potentiels de l’apprentissage intergénérationnel dans la lutte contre l’illettrisme.

2.3 L’apprentissage intergénérationnel

L’apprentissage intergénérationnel (AI) est un concept qui renvoie à une stratégie d’apprentissage. Dans son rapport sur l’apprentissage intergénérationnel et le bénévolat (ENIL, 2011), le Réseau Européen pour l’Apprentissage Intergénérationnel (ENIL) définit l’AI comme « un partenariat d’apprentissage basé sur la réciprocité, mobilisant les personnes d’âges différents, où les générations travaillent ensemble dans le but d’acquérir des compétences, des valeurs et des connaissances » (p. 6). ENIL souligne par ailleurs que « les compétences linguistiques, les compétences lecture-écriture et en arithmétique peuvent toutes être soutenues et développées par les modèles de l’AI » (p. 6). En outre, selon ENIL, les approches de l’AI ciblent, entre autres, les problèmes de la fracture numérique, d’abandon scolaire et d’illettrisme.

Par ailleurs, dans le cadre du projet ENIL, des propositions générales de mise en œuvre ont été présentées afin de maximiser les bénéfices de l’AI. On a proposé notamment que les savoirs ciblés par l’AI soient variés incluant aussi bien les savoirs professionnels que les savoirs non professionnels. Une autre proposition intéressante consiste à favoriser les situations d’AI non seulement pour répondre à des problématiques spécifiques (fracture numérique, abandon scolaire, illettrisme…) mais aussi pour servir d’un mode différencié de transmission mutuelle de savoirs entre tous les groupes d’âges (pas seulement les deux pôles générationnels, jeunes et âgés). On a recommandé également l’ouverture des écoles à l’AI en renforçant le rôle des membres de la famille dans la vie scolaire des étudiants. Enfin, mentionnons la proposition de formaliser l’AI pour qu’il soit perçu et appliqué en tant que modèle d’enseignement à part entière.

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17

Dans le projet ENIL, pour qu’une activité soit considérée sous l’appellation d’AI, elle doit remplir les critères suivants : (1) la participation de plus qu’une génération, (2) une activité planifiée et progressive et (3) un apprentissage mutuellement bénéfique.

Les jeux vidéo seraient efficaces pour améliorer les perceptions et les attitudes intergénérationnelles entre les membres de groupes d’âges différents qui s’engagent dans une activité ludique partagée et pour dissoudre les tensions intergénérationnelles et les préjugés négatifs (Chua et al., 2013). Bien que les jeux vidéo dédiés à l’AI sont encore rares (Räisänen

et al., 2014), on assiste aujourd’hui à un intérêt grandissant pour ces activités. Dans ce

contexte, le projet e-Vita7 promeut l’AI à travers, entre autres stratégies, les jeux numériques

pour l’apprentissage. On observe également un intérêt pour des jeux vidéo intergénérationnels distribués. Ils reposent sur les TIC pour permettre aux enfants et aux aînés de jouer ensemble, en temps réel et en différé, tout en étant physiquement distant. La distance n’est plus un obstacle. Age Invaders (Khoo et al., 2006) et Cur-Ball (Kern, Stringer, Fitzpatrick, et Schmidt, 2006) sont des exemples d’une telle technologie.

2.4 L’impact cognitif de l’activité physique

Un grand nombre d’études ont montré l’importance de l’activité physique pour catalyser l’apprentissage et l’améliorer. Depuis les années 50, les travaux de Jean Piaget ont souligné le lien étroit entre le mouvement et le développement cognitif et sensori-moteur de l’enfant (Piaget, 1953). De même, Chissom (1971) avait montré l’existence d’une relation significative entre les capacités motrices d’une part et les résultats et les aptitudes scolaires d’autre part chez les garçons de 1ère année. Pour Payne et Isaacs (2012), il existe une interaction continuelle entre le développement moteur et le développement cognitif. La figure 2 extraite de leur ouvrage « Human motor development, a lifespan approach » (p. 32) permet de schématiser de façon simplifiée cette interaction. Ainsi, la zone d’intersection des deux cercles représente l’influence réciproque qu’exercent les comportements de l’un des domaines sur ceux de l’autre. Ceci constitue un élément clé à considérer dans toute recherche

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18

visant à explorer et à exploiter l’impact de l’activité physique sur le développement des capacités mentales.

Développent moteur et cognitif, selon Payne et Isaacs (2012)

Les travaux de Piek, Dawson, Smith, et Gasson (2008) suggèrent qu’il existe une forte relation entre le développement moteur précoce et le développement cognitif à l’âge de l’école surtout en ce qui concerne la vitesse de traitement et la mémoire. D’autre chercheurs croient que rester longtemps immobile peut perturber l’apprentissage (Department for Children Schools and Families, 2009).

Mentionnons également la revue de recherches traitant de l’évaluation des effets des exercices physiques épisodiques et chroniques sur les fonctions cognitives des enfants (Tomporowski, McCullick, Pendleton, et Pesce, 2015). On y conclut que ces recherches fournissent des preuves que l’exercice physique améliore des aspects cognitifs chez les enfants. Parmi ces recherches, celle de Best (2012) en particulier montre à travers des résultats expérimentaux que la pratique d’activité physique sous forme de jeu vidéo (Exergaming) améliore les fonction cognitives exécutives.

2.5 Le jeu numérique en éducation

Depuis longtemps, on a essayé de définir le jeu, de comprendre sa nature et sa fonction. Dans son classique « La psychologie du jeu », Millar (1968) croit que le plus important dans l’enjouement est l’attitude de se débarrasser des contraintes. Barnett (1998), quant à lui, avait identifié cinq composantes de l’enjouement : spontanéité cognitive, spontanéité physique, spontanéité sociale, joie évidente et sens de l’humour. En outre, dans son effort à formuler une définition universelle du jeu, Gordon (2008) identifie les caractéristiques essentielles les

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19

plus distinctives du jeu, à savoir la liberté qu’il exprime ainsi que l’entente et la coopération entre les camarades du jeu.

2.5.1 Les jeux pour l’apprentissage

D’autres recherches se sont penchées sur le potentiel du jeu comme soutien au processus d’apprentissage. Selon Lee et Hammer (2011), combiner des éléments éducatifs et des éléments ludiques s’apparente à la combinaison du beurre d’arachide et du chocolat : deux goûts excellents travaillant ensemble et menant à des résultats important au développement des compétences du 21ème siècle. Aujourd’hui, les jeux pour l’apprentissage gagnent du terrain en tant qu’activités pédagogiques qui auraient un potentiel éducatif intéressant surtout avec le développement phénoménal des technologies numériques.

Durant des décennies, la technologie a transformé et continue de transformer la manière avec laquelle on joue. Selon Shaffer et al. (2005), les mondes virtuels riches font des jeux vidéo des contextes puissants pour l’apprentissage. Ceci est confirmé par McGonigal (2011) qui croit que les jeux vidéo et les mondes virtuels sont les plus engageants. Par ailleurs, les jeux sérieux pourraient faciliter l’acquisition des compétences du 21ème siècle. Dans ce contexte, Romero, Usart et Ott (2015) soutiennent que les jeux sérieux pourraient effectivement être adoptés à grande échelle pour supporter le développement de ces compétences.

2.5.2 Les typologies des jeux sérieux

D’abord, il importe de fournir quelques informations sur l’origine des jeux sérieux. La revue historique réalisée par Djaouti, Alvarez, Jessel et Rampnoux (2011) a permis de découvrir que « les tous premiers jeux vidéo n’étaient pas conçus purement pour le divertissement » (p.42) mais pour servir aussi a d’autres buts plus « sérieux » tels que l’éducation, la santé, la défense. Selon Djaouti et al., ce type de jeux correspond à l’ancêtre des JS d’aujourd’hui bien qu’ils n’aient pas été désignés par le terme « jeux sérieux ». Les JS sont décrits par Berry (2011) comme « des produits ludiques à visées éducatives ». Dans un sens plus large, Amato (2011) croit que les JS peuvent être classés en trois grandes familles selon les différentes finalités productives visées: l’apprentissage, le soin et la communication. Une autre façon de catégoriser les JS est de considérer qu’ils font partie du spectre des activités d’apprentissage

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20

par le jeu dont la ludification qui se distingue par le fait qu’elle ne nécessite pas la création d’un univers de jeu complet mais qu’elle exploite plutôt des contextes authentiques de la vie réelle (Romero, 2015).

Quant à la classification proposée par Djaouti et al. (2011), elle se base sur l’analyse des dimensions « sérieux » et « jeu ». Elle définit trois critères de base pour classifier les JS : le jeu (Gameplay), l’intention (Purpose) et la portée (Scope). D’où le nom du modèle « GPS ». Un exemple de JS est GeoEduc3D (Dumont, Power, & Barma, 2011) qui est destiné aux classes de 2ème cycle du secondaire (destinataires) et qui vise l’apprentissage de notions sur le développement durable et les changements climatiques (l’intention éducative) par le biais de mécaniques de jeu (intention ludique). L’équipe multidisciplinaire de GeoEduc3D avait conçu un prototype en vue de répondre à un ensemble de questions de recherche liées aux potentiels des JS à favoriser l’apprentissage chez les apprenants.

Les travaux de Klopfer (2008) sur les jeux mobiles pour l’apprentissage ont mis en lumière le potentiel de la mobilité dans l’expérience ludoéducative. Selon Klopfer, cette classe de JS possède des attributs qui la distinguent des autres catégories de JS en termes des principes de conception et des modalités de mise en œuvre, surtout dans des contextes éducatifs formels. 2.5.2.1 Les jeux d’entraînement (Exergames)

Dispenser un entraînement pourrait constituer l’une des intentions sérieuses des JS. Les jeux d’entraînement (Exercise games ou Exergames) se situent donc dans la sphère des JS selon le modèle GPS de Djaouti et al. (2011). Cet entraînement peut cibler les capacités mentales, physiques ou les deux. Toutefois, ce genre de jeu est généralement associé uniquement à la dimension physique.

Les jeux d’entraînement font appel à diverses formes de technologies pour permettre l’interaction entre le joueur et l’univers du jeu. On cite, par exemple, les technologies de détection des mouvements du corps et des membres allant des tapis interactifs aux périphériques d’entrée plus sophistiqués tels que Wii, Kinect et Playstation Move. Les jeux d’entraînement peuvent même être joués en ligne en mode multi-joueurs permettant ainsi de

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21

faciliter les jeux collaboratifs pour établir des liens sociaux entre les joueurs physiquement distants. On cite à cet égard les travaux de Florian Mueller et al. (2003).

Par ailleurs, soulignons que le choix de l’activité physique (ou sa conception) ne doit pas être arbitraire et doit tenir compte du public ciblé par le jeu. Par exemple, la sélection d’exercices physiques intenses pour une population âgée serait inappropriée. De même, il serait probablement insuffisant de dispenser à des enfants des exercices de faible intensité. De toute façon, on doit analyser les caractéristiques et les besoins de l’utilisateur final.

Enfin, il faut noter que les jeux d’entraînement peuvent comporter soit des mouvements répétitifs simples à exécuter soit des mouvements plus complexes qui exigent un engagement cognitif plus élevé (Best, 2012).

Swan Boat est un exemple de jeu d’entraînement multijoueur. C’est une activité collaborative où les deux coéquipiers courent de manière coordonnée sur un tapis de course stationnaire en vue d’orienter un bateau virtuel et éviter qu’il se heurte contre des obstacles (Torres, 2014).

2.5.2.2 Les jeux éducatifs d’entraînement (Educational Exergames)

Nous avons déjà mentionné dans la section « Impact cognitifs de l’activité physique » quelques recherches et théories qui soutiennent que les capacités cognitives pourraient être améliorées à travers la pratique de l’activité physique. C’est dans cette perspective qu’on peut inscrire l’intégration de l’exercice physique dans les JS éducatifs. Cependant, il faut distinguer à cet égard deux pratiques que nous définissons comme suit : une « quasi-intégration » où les activités physique et mentale sont exercées séparément dans le temps, et une « intégration complète » où ces activités sont pratiquées en même temps. Bref, ce mariage a donné naissance à une nouvelle classe de JS appelés « educational exergames » qu’on pourrait traduire par « jeux sérieux actifs » (JSA). Selon la recension des écrits, ce concept était apparu pour la première fois en 2010 dans les travaux de Kiili Perttula et Tuomi (2010) où on faisait allusion à la valeur éducative des jeux d’entrainement (exertion games) et à la possibilité d’y intégrer du contenu didactique sans pour autant employer le terme

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22

« educational exergames ». C’est dans le cadre du projet FINNABLE8 et plus spécifiquement

dans le volet « Exergames in Learning » que ce concept avait suscité plus d’intérêt et que des tentatives de formalisation avaient été faites.

Ce type de jeux met en action deux activités concomitantes : l’apprentissage et l’entraînement physique. Il s’agit donc d’une activité multidimensionnelle qui favorise le développement holistique de l’individu. Sur la figure 3, nous avons schématisé comment le mariage des jeux pour l’apprentissage et ceux pour l’entrainement donne naissance aux JSA.

Intégration de l’apprentissage et de l’entraînement

La conception des JSA est une entreprise difficile à cause de la nature multidimensionnelle du jeu à produire. En vue de faciliter la conception de tels jeux, Kiili et Perttula (2013) ont proposé un cadre de conception (design framework) qui constitue, selon eux, une base commune aux concepteurs pour créer et analyser les JSA (voir annexe 2). À notre connaissance, c’est le seul modèle de conception des JSA (educational exergames et non pas

exergames) disponible à ce jour. Voici un exemple de jeu faisant partie de cette classe. Le

jeu Alien Health (Johnson-Glenberg, Savio-Ramos, et Henry, 2014), basé sur la technologie Kinect, permet l’apprentissage de la qualité nutritive des aliments à travers des gestes et des exercices physiques dans un contexte ludique amusant.

8 http://www.finnable.fi/ Jeux pour l’entraînement (Exergames) Jeux pour l’apprentissage (Edugames)

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2.6 Les mécaniques de jeu, d’apprentissage et de mouvement

Comme toute production, les jeux numériques sont construits à partir de composantes interreliées qui déterminent les fonctionnalités offertes et façonnent l’expérience de l’utilisateur final. Les mécaniques constituent l’une des composantes les plus importantes des jeux numériques. Plus spécifiquement, les JSA (educational exergames) font intervenir de façon concomitante trois types de mécaniques : les mécaniques de jeu, d’apprentissage et de mouvement. La section suivante expose de manière sommaire une vue d’ensemble de ces trois mécaniques. Des informations plus approfondies seront données par la suite.

2.6.1 Vue d’ensemble des mécaniques

Le récapitulatif présenté dans le tableau 6 porte sur les trois mécaniques principales des JS actifs, à savoir les mécaniques de jeu, d’apprentissage et de mouvement. À partir de ce tableau, nous pouvons observer les similarités entre ces différentes formes de mécaniques. En effet, il est clair qu’elles sont de même nature, soit une nature basée sur l’action. De plus, les trois mécaniques en question sont toutes composées d’une ou de plusieurs actions élémentaires et sont contrôlées par des contraintes (règles, contexte). Un autre point commun est le fait qu’elles peuvent être catégorisées ou hiérarchisées. Le tableau met l’accent également sur « la jouabilité » des mécaniques. En effet, ce qu’on doit retenir est que seules les mécaniques d’apprentissage ne sont pas jouables.

Tableau 3: Récapitulatif des mécaniques des JS actifs

Mécanique Nature caractéristiques Typologie/hiérarchie

Jeu Actions/ Comportements

Action unique ou ensemble d’actions interreliées. Limitées par les règles. Sont jouables. Hiérarchie globalement dichotomique (primaire versus secondaire ou primaire versus satellite).

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24 Mouvement Mouvement du corps, gestes (actions corporelles)

Action unique ou ensemble d’actions interreliées. Limitées par des contraintes de l’environnement physique. Sont jouables. EC faible versus EC élevé. Spontanée versus Dirigée. Primaire versus Secondaire. Libre versus Structurée.

Apprentissage Actions/ Comportements

Action unique ou ensemble d’actions interreliées. Intégrées plutôt que

surimposées aux mécaniques de jeu.

Ne sont pas jouables.

Principale versus Fonctionnelle.

Dans ce qui suit, nous allons voir plus en détail la nature, les caractéristiques et les liens entre ces différentes mécaniques.

2.6.2 Les mécaniques de jeu 2.6.2.1 Définition

Le jeu est une activité qu’on pratique. Ceci implique l’existence d’actions à faire et de manières de les faire. La définition des mécaniques de jeu gravite autour de cette notion d’activité qui est au cœur même du jeu, dans le sens large du terme. Pour Hunicke, Leblanc et Zubek (2004), les mécaniques de jeu sont les actions, les comportements et les mécanismes de contrôle offerts au joueur dans un contexte de jeu. Elles sont, selon Rouse et Ogden (2005), « ce que les joueurs peuvent faire dans l’univers de jeu, comment ils le font et comment cela conduit à une expérience de jeu irrésistible » (p. 310) (traduction libre). Sicart (2008), quant à lui, propose cette définition : les méthodes invoquées par les acteurs pour interagir avec l’univers de jeu.

2.6.2.2 Les liens entre mécanique et règle

De nombreux chercheurs considèrent les mécaniques et les règles comme équivalents. D’autres chercheurs ont une autre vision. À titre d’exemple, Sicart (2008) fait une distinction franche entre les deux. Il croit que les règles sont « normatives » alors que les mécaniques

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25

sont « performatives » et que les règles sont des contraintes pour les mécaniques (qui sont de nature comportementale) limitant ainsi les actions possibles des acteurs (humains ou systémiques) dans l’univers de jeu.

2.6.2.3 La typologie des mécaniques de jeu

La catégorisation des mécaniques de jeu est importante aussi bien pour le design du jeu que pour son analyse. Voici quelques manières de catégoriser les mécaniques de jeu. Quant à Sicart (2008), il propose de les classifier en deux catégories : primaires et secondaires. Toutefois, il insiste sur le fait que ces deux catégories doivent être considérées comme des mécaniques principales (core mechanics). Pour lui, les mécaniques primaires sont celles qui sont directement appliquées pour relever les défis afin d’arriver aux résultats désirés. Elles sont disponibles dès le départ et stables tout au long du jeu. Les mécaniques secondaires sont celles qui facilitent l’interaction du joueur avec le jeu. Elles ne sont disponibles qu’occasionnellement ou bien elles doivent être combinées avec les mécaniques primaires pour être fonctionnelles (modifier mechanics).

Une autre catégorisation des mécaniques de jeu est proposée par Salen et Zimmerman (2004) en définissant d’une part, les mécaniques principales comme les activités essentielles réalisées par le joueur de façon répétitive et d’autres part, les variations des mécaniques principales comme des ajustements des mécaniques principales.

Mentionnons enfin l’architecture adoptée par Fabricatore (2007) selon laquelle les mécaniques de jeu sont organisées en une hiérarchie composée, à son premier niveau, de deux classes, à savoir les mécaniques principales et les mécaniques satellites. Les mécaniques principales sont celles qui permettent de réaliser les activités les plus fréquentes et indispensables pour gagner le jeu. L’enrichissement de ces activités est assuré par les mécaniques satellites qui regroupent trois types : (1) d'amélioration (enhancement) qui ont pour but d’améliorer les mécaniques principales, (2) alternatives (alternate) qui remplacent les mécaniques principales et permettent de faire les même activités et (3) d'opposition, des mécaniques particulières servant à entraver l’avancement du joueur en vue d’améliorer le défi. Soulignons ici que les mécaniques de jeux (par exemple, « Creuser ») sont des outils

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26

permettant au joueur de réaliser les grandes tâches ou activités du jeu (par exemple, « Aménagement de son jardin »).

2.6.2.4 Exemples de mécaniques de jeu

Dans cette section, seront identifiées les mécaniques principales de jeu mises en œuvre dans quelques jeux pour l’apprentissage de la langue (voir tableau 3). Seuls les jeux dotés d’un univers de jeu même minimaliste ont été retenus.

Tableau 4: Exemples de Jeux Sérieux et leurs mécaniques de jeu

Jeux sérieux Description brève Mécaniques principales

Imagana910

S’adresse à un public en situation d’illettrisme mais aussi au public de langue étrangère apprenant le français. Le scenario consiste en une série de défis que Mô, le personnage principal, doit résoudre afin de reconstruire son monde dévasté

Glisser-déplacer des graphèmes ou des mots11

Chatterdale 12

Un jeu sérieux pour l’apprentissage de l’anglais. Il présente un monde virtuel, la ville de Chatterdale, où les enfants partent dans des quêtes et tentent de résoudre le mystère de la ville à travers des jeux de rôles.

Déplacement, clavardage

WeMakeWords 13

Un jeu sérieux collaboratif et adaptatif. Il vise à aider les enfants à la lecture. La narrative tourne autour d’animaux qui ont échappé du zoo et que les enfants doivent sauver.

Glisser-déplacer des lettres

9 http://www.serious-game.fr/imagana-le-serious-game-pour-lutter-contre-lillettrisme/ 10 https://www.youtube.com/watch?v=pp4T6wZnC3w

11 Ici, on parle bien de mécanique de jeu. Nous verrons plus loin la mécanique d’apprentissage associée. 12 http://next-tell.eu/resources/tools/nextreality/

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27 Spot the Adverb 14

Un jeu très simple pour l’apprentissage des adverbes où le joueur doit faire avancer et sauter un avatar sous forme de lapin afin qu’il touche les adverbes. Les réponses correctes permettent de gagner des pièces en or

Courir et sauter pour toucher le mot

2.6.2.5 Recommandations pour la conception des mécaniques de jeu

Il importe d’abord de noter que le concepteur a le contrôle sur l’architecture des mécaniques mais n’a pas de contrôle direct sur la façon dont le joueur en fera usage ou l’expérience qui découlera de cet usage (Winn, 2008). Toutefois, D. Clark (2013) insiste que le concepteur doit construire les mécaniques de jeu tout en tenant compte des émotions qu’il veut induire chez le joueur lorsque ce dernier invoque ces mécaniques. Il parle de « mariage » entre les mécaniques et l’expérience émotive. Par ailleurs, Fabricatore (2007) conseille de minimiser le nombre des mécaniques principales et en créer des variations à travers des mécaniques satellites afin de maintenir la motivation du joueur. De plus, le temps d’apprentissage des mécaniques devra être minimisé pour éviter la frustration.

2.6.3 Les mécaniques de mouvement 2.6.3.1 Définition

Comme leur nom l’indique, les mécaniques de mouvement sont des mécaniques physiques qui se manifestent par des mouvements du corps et des gestes. En s’inspirant de la définition de Sicart (2008) des mécaniques de jeu, les mécaniques de mouvement sont des mouvements corporels exercés par les joueurs pour interagir avec l’univers de jeu. De plus, ces mouvements peuvent être simples ou complexes et possèdent une sémantique, exactement comme les mécaniques de jeu (Fabricatore, 2007).

2.6.3.2 Les liens avec les mécaniques de jeu

Dans le cas des JSA (jeux sérieux actifs), les mécaniques de mouvement ne sont pas isolées des mécaniques de jeu. En effet, les mouvements du joueur dans l’espace physique

(39)

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commandent l’exécution d’actions (les mécaniques de jeu) dans l’espace virtuel du jeu. Dans les JS classiques, le contrôle du jeu se fait également à travers des mouvements mais ces derniers sont limités aux mouvements des doigts dans la manipulation de la souris. Pour les JS actifs, « l’activation » des mécaniques de jeu en vue de progresser requiert l’investissement d’efforts physiques beaucoup plus importants. Mueller et al. (2003) parlent d’interface d’effort (Exertion interface) qui « requiert intentionnellement un effort physique intense » (p. 562). En outre, les mouvements physiques réels se traduisent en des évènements dans le monde virtuel. Ce mappage peut se faire de diverses manières selon la sémantique donnée au mouvement. Par exemple, dans le jeu Alien Health, le mouvement réel permet au personnage virtuel de digérer les aliments.

2.6.3.3 La typologie des mécaniques de mouvement

La classification des mécaniques de mouvement peut être faite selon plusieurs critères. Best (2012) propose, dans le cadre de ses expérimentations, une catégorisation binaire selon le niveau d’engagement cognitif (EC) qu’exigent les mouvements : l’engagement cognitif faible dans le cas des mouvements simples contre l’engagement cognitif élevé dans le cas des mouvements complexes. On peut aussi reprendre la typologie hiérarchique pour classifier les mouvements en mécaniques primaires et secondaires (ou satellites) (Fabricatore, 2007; Sicart, 2008). Ces dernières servent à modifier les premières par modulation (amplitude, vitesse, etc.), par création de variantes ou par l’introduction d’éléments dynamiques (accélération, décélération, freinage). Une autre façon de catégoriser les mécaniques de mouvement est de considérer l’autonomie du joueur. Dans ce cas, on distingue les mouvements réalisés par le joueur de manière spontanée et ceux réalisés selon les directives qu’il reçoit (d’un agent systémique ou humain) ou les règles prédéterminées auxquelles il doit se soumettre. Enfin, on peut catégoriser les mécaniques de mouvement selon leur degré de structuration en mouvements structurés et mouvements non structurés (libres).

2.6.3.4 Exemples de mécaniques de mouvement

Le tableau 4 présente quelques exemples de mécaniques de mouvement de quelques jeux sérieux. On remarque qu’il y a des mécaniques communes à plusieurs jeux telles que la rotation des bras et la course sur place.

Figure

Tableau 1: Problèmes des populations d’enfants et d’aînés
Tableau 2: Répartitions des niveaux de compétence en littératie au Québec (%)
Tableau 3: Récapitulatif des mécaniques des JS actifs
Tableau 4: Exemples de Jeux Sérieux et leurs mécaniques de jeu
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