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Développement d'un hypertexte utilitaire pour l'appropriation critique des technologies de l'information et des communications dans une perspective d'éducation à la citoyenneté

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(1)

DEVELOPPEMENT D’UN HYPERTEXTE

UTILITAIRE POUR L’APPROPRIATION CRITIQUE

DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DES

COMMUNICATIONS DANS UNE PERSPECTIVE

D’EDUCATION A LA CITOYENNETE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en technologie de l’éducation

pour l’obtention du grade de maître ès arts (M.A.)

FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

JUILLET, 2003

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Résumé

Ce mémoire est une réponse possible à la question que s’est posée le Conseil supérieur de l’éducation dans son rapport annuel de l’an 2000 : comment faire pour que les technologies aident à l’enseignement et à l’apprentissage.

Avec cet objectif, l’auteur propose un hypertexte utilitaire pour l’appropriation critique des technologies de l’information et des communications dans une perspective d’éducation à la citoyenneté.

L’auteur, dans ce travail, a porté un grand soin à l’état de la question où il a plongé aux sources de la citoyenneté, de la technologie et de la cybercitoyenneté. Ces réflexions lui ont permis de cerner les contours de ce que doit être la cyberpédagogie, base théorique de l’hypertexte utilitaire.

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Abstract

This dissertation is a tentative answer to a question of the Conseil supérieur de l’éducation in his annual report of the year 2000: how the technologies can foster teaching and training. With this objective, the author proposes an hypertext for the critical appropriation of communication and information technologies from the point of view of the citizenship education.

The author, in first part of his work, carried a great care to the progress achieved where he dives from the sources of citizenship, technology, and netizenship. These reflections enabled him to sketch the patterns of what must be the cyberpedagogy, the theoretical basis of the hypertext.

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Remerciements

Comme le disait Antonio Machado, nous ne connaissons pas le chemin tracé. Aujourd’hui, je suis arrivé à la fin de ce chemin. J’y ai découvert et rencontré des êtres qui m’ont aidé beaucoup. Un remerciement chaleureux à ma conjointe Isabelle qui a adouci mes périodes difficiles en m’encourageant et en me motivant de façon constante jusqu’à la fin. Je tiens à remercier de façon très sincère M. Marc Verreault (mon agent), ainsi que M. Pierre Pelletier et Mme Renée Fountain pour m’avoir permis, à différents degrés, de travailler dans le domaine durant mes études. Je veux également souligner la gentillesse de Laurent Duchesne du Tux café pour son aide et la générosité de l’équipe de Lévinux pour l’hébergement du site. Cependant, cette voie, je ne l’aurais jamais empruntée sans la rencontre de M. Jacques Rhéaume, mon directeur de recherche. Grâce à lui, et à nos nombreuses discussions, il a éveillé en moi le goût de me dépasser. Il restera toujours pour moi la figure emblématique du mentor. Il m’a guidé sans jamais m’imposer, il m’a fait confiance pour que je le puisse à mon tour. Il a été mon alpha, j’ai été son oméga.

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Nous sommes engagés, à l’échelle de l’humanité planétaire, à l’œuvre essentielle de la vie qui est de résister à la mort. Civiliser et Solidariser la Terre. Transformer l’espèce humaine en véritable humanité, devient l’objectif fondamental et global de toute éducation aspirant non seulement à un progrès mais à la survie de l’humanité. La conscience de notre humanité dans cette ère planétaire devrait nous conduire à une solidarité et une commisération réciproque de chacun, de tous à tous. L’éducation du futur devra apprendre une éthique de la compréhension planétaire. Edgar Morin (1999) Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur

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Table des matières

Introduction ... 1

L’état de la question ... 6

La citoyenneté ... 6

Qu’est-ce que la citoyenneté? ... 7

Une nouvelle citoyenneté ... 13

L’éducation à la citoyenneté ... 15 La technologie ... 20 Un débat polarisé ... 21 Les technophobes ... 22 Les technophiles ... 23 Les technohumanistes ... 24

Formation et rôle des enseignants face à la technologie ... 24

L’agenda caché : une vision de l’impératif technologique de la mondialisation ... 27

La technologie : un danger pour le lien social? ... 34

Technologie de contrôle ... 37

Comprendre la cybercitoyenneté pour construire la cyberpédagogie ... 40

Les Communautés virtuelles ... 42

Un nouveau citoyen du virtuel : le hacker ... 44

L’éthique du hacker ... 45

Le rapport au temps ... 46

Le rapport à la motivation ... 47

Le rapport à l’apprentissage ... 48

Le rapport à l’éthique du réseau ... 49

Les sept valeurs de l’éthique hacker ... 50

Action politique et nouveaux médias ... 50

Le rapport au pouvoir ... 53

Vers la cyberpédagogie ... 56

Méthodologie ... 59

La motivation de l’apprenant ... 59

Formulation des objectifs ... 60

Analyse et structuration du contenu ... 61

Choix et méthode d’enseignement ... 61

Le choix d’un système d’apprentissage ... 62

Le choix d’une théorie d’apprentissage adaptée aux TIC et à la perspective citoyenne .. 63

Le choix d’un modèle d’enseignement et la conception des environnements ... 64

Sociomédia ... 65

Conception d’un modèle théorique de la cybercitoyenneté ... 67

Choix relatifs au système de formation (auto-formation) hypertextué ... 70

Clientèle cible ... 70

Besoins auxquels répond l’hypertexte ... 70

Objectifs globaux du site ... 71

Comportements terminaux (en vrac) ... 71

(7)

Objectifs terminaux ... 73

Réseau d’apprentissages ... 75

Table des matières pédagogique ... 76

Macrostructure de la formation sur le site (suggérée) ... 77

Scénario de la mise à l’essai ... 78

Tour guidé du site ... 80

L’interface de la page d’accueil ... 80

Le contenu des pages HTML du menu général ... 91

Bilan ... 101

Nouvelles perspectives ... 103

ANNEXE A : Petite histoire de la finalité de l’éducation ... 112

L’Antiquité ... 113

Le Moyen Âge ... 114

La Renaissance ... 114

Le Siècle des Lumières ... 115

Au Québec ... 116

ANNEXE B : Petite histoire de la citoyenneté de l’Antiquité au XVIIIe siècle ... 118

L’Antiquité grecque ... 119

L’Antiquité romaine ... 122

Le Moyen Âge ... 123

La Renaissance ... 123

La controverse de Valladolid ... 123

L’Habeas Corpus et la Glorieuse Révolution ... 124

Les révolutions américaine et française ... 124

(8)

Liste des figures et tableaux

Figure 1 Cadre conceptuel général de la citoyenneté ... 10

Figure 2 Le sens de l'innovation technologique ... 37

Figure 3 Cadre conceptuel général de la cybercitoyenneté ... 68

Figure 4 Réseau d'apprentissage ... 75

Figure 8 Titre et logo ... 82

Figure 9 Moteur de recherche ... 82

Figure 10 Le bloc Menu principal ... 82

Figure 11 Le bloc d'entrée... 83

Figure 12 Le bloc Login ... 83

Figure 13 Le bloc Pensées ... 84

Figure 14 Le bloc Forum ... 84

Figure 15 Le bloc Messages ... 85

Figure 16 Le bloc Calendrier ... 85

Figure 17 Le bloc Scrutin ... 86

Figure 18 Le bloc Préalables ... 87

Figure 19 Le bloc Recherche ... 87

Figure 20 Le bloc Comment publier ... 88

Figure 21 Le bloc Néologismes ... 88

Figure 22 Le bloc À lire absolument ... 88

Figure 23 Le bloc Liens ... 89

Figure 24 Le bloc Comptes-rendus ... 90

Figure 25 Le bloc L'état de la question ... 90

Figure 26 Pourquoi ce site ? ... 91

Figure 27 Activités proposées 1/2 ... 92

Figure 28 Activités proposées 2/2 ... 93

Figure 29 Créer un lien cliquable ... 94

Figure 30 La construction d'un site Internet 1/2 ... 95

Figure 31 La construction d'un site Internet 2/2 ... 97

Figure 32 Le lexique ... 97

(9)

Introduction

En 2000, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) rendait public son rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation. Dans ce rapport, le CSE étudiait la question de l’éducation et des nouvelles technologies, un sujet qui avait déjà été l’objet d’un rapport antérieur. La préoccupation principale peut être résumée ainsi : comment faire pour que les nouvelles technologies aident à l’enseignement et à l’apprentissage.

Pour répondre à ces besoins, le CSE a émis quatre recommandations au gouvernement québécois :

Émettre un énoncé de politique sur les nouvelles technologies en éducation et se doter d’une instance-conseil sur le sujet.

Développer des contenus multimédias à des fins scolaires, ce qui permettrait de développer une expertise exportable et rentable.

Former les futurs enseignants à l’utilisation des TIC dans leur pratique, insister pour que les facultés d’éducation donnent l’exemple aux étudiants en la matière et augmenter les standards d’embauche par de meilleures connaissances des TIC.

Reconduire les subventions à la formation des chercheurs et des recherches sur les technologies en éducation.

Le CSE touche un point sensible, pour ne pas dire un maillon faible, quand il recommande une meilleure formation des futurs enseignants et une plus grande implication des professeurs dans l’utilisation des TIC. Notre expérience dans le domaine de la formation des maîtres et de la technologie éducative corrobore les raisons de cette recommandation. Concrètement, il faut se demander de quelle manière les TIC peuvent améliorer l’enseignement et l’apprentissage. Doit-on utiliser les nouvelles technologies comme un outil qui doit prendre une plus grande place parce que c’est le sens du progrès?

(10)

Heureusement, Le CSE est conscient du danger de l’impératif technologique en éducation, dont la seule présence n’est pas garante de succès :

Le discours sur la technique, aussi fascinant et enlevant soit-il, ne doit pas faire oublier que toute œuvre d’éducation en est une de socialisation et de développement de l’individu à long terme, qui n’est pas nécessairement en harmonie avec la frénésie du progrès technique. […] Il nous faut s’assurer, aujourd’hui, que nous ne sommes pas en train de succomber au « chant des sirènes » […] Une dérive contre laquelle nous met en garde même un adepte des technologies comme Steve Jobs, le cofondateur d’Apple1 :

On peut mettre sur cédérom l’ensemble des connaissances, on peut installer un site Internet dans chaque classe. Rien de tout cela n’est fondamentalement mauvais, sauf si cela berce de l’illusion que l’on s’attaque ainsi aux maux de l’éducation.2

Est-il possible que l’utilisation des TIC réponde à un véritable besoin, qu’il participe activement, comme méthode pédagogique, à la finalité de l’éducation? Le rapport donne des pistes non conventionnelles qui ne sont malheureusement pas exploitées et prises en compte dans les recommandations. C’est ainsi qu’on apprend, en introduction, que :

Le conseil partage l’avis de certains auteurs qui, comme Régis Debray en France, considèrent que c’est en grande partie l’éducation qui rendra possible la transformation d’un outil utilitaire en instrument de civilisation et de démocratisation et lui donnera une dignité culturelle.3

L’éducation est utilisée comme un vecteur de transformation des TIC en outil de démocratie. Cette réflexion soutient à juste titre l’idée que l’éducation doit civiliser et démocratiser les TIC. En d’autres mots, que l’éducation doit donner une finalité à l’utilisation des technologies qui transcende la simple fascination technique ou l’effet de mode. Cette

1 Conseil supérieur de l’éducation, Éducation et nouvelles technologies : pour une intégration réussie dans

l’enseignement et l’apprentissage, Sainte-Foy, Conseil supérieure de l’éducation, 2000, p. 19.

2 Les Chroniques de l’Inforbourg, vol. 1, no 4, (décembre 1998), p.8, cité dans Conseil supérieur de l’éducation,

Éducation et nouvelles technologies : pour une intégration réussie dans l’enseignement et l’apprentissage,

Sainte-Foy, Conseil supérieure de l’éducation, 2000, p. 15.

3 Régis Debray, « L’école renouvelée », Le Monde diplomatique [En ligne], (mars 1997), p. 24.

http://www.monde-diplomatique.fr/1997/03/DEBRAY/8070 (Page consultée le 15 novembre 2002), cité dans Conseil supérieur de l’éducation, Éducation et nouvelles technologies : pour une intégration réussie dans

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finalité est aussi l’objet d’un débat de société que le CSE tente d’éclaircir à la lumière de deux rapports annuels récents : La gouverne de l’éducation (2000-2001) et Éduquer à la citoyenneté (1997-1998). Officiellement, la finalité de l’éducation, telle que définie par le Ministère de l’Éducation du Québec, est d’instruire, de socialiser et de préparer à jouer un rôle dans la société, or c’est précisément cela être citoyen. Un objectif que partage Clément Laberge dans un de ses textes intitulés Inventer nous-mêmes le cyberespace éducatif :

Il nous faut à tout prix trouver des moyens pour que les technologies soient mises au service de l’apprentissage, de l’apprentissage d’une citoyenneté qui, loin de se nourrir du virtuel, s’inscrira dans la réalité des nouvelles formes de socialisation et des manifestations inédites des identités individuelles et collectives.4

Les TIC au service de l’éducation à la citoyenneté. Dans cette citation, Clément Laberge nous présente la technologie comme un moyen de formation du citoyen. Au premier abord, Debray et Laberge semblent être en contradiction. D’un côté, c’est l’éducation qui transforme les TIC en outil de démocratie, alors que de l’autre, ce sont les TIC qui transforment l’éducation à la citoyenneté. La contradiction n’est qu’apparente, car, dans les faits, c’est la même finalité qui est recherchée : la formation du citoyen.

Cette finalité nous dicte que la technologie doit être au service de l’humain, et non le contraire. C’est ce que le CSE mentionne en citant le danger de la fuite en avant techniciste.

S’il est un leurre qui guette le système éducatif dans son intégration des technologies, c’est bien celui de « la fuite en avant techniciste », ou « quand le progrès se mesure uniquement en nombre d’ordinateurs et de connexions à Internet par individu ou par salle de classe » – négligeant les usages pédagogiques qui en sont faits. 5

4 Clément Laberge, « Inventer nous-mêmes le cyberespace éducatif », L’Infobourg [En ligne], (27 novembre 1998), http://www.infobourg.qc.ca/AfficheTexte/Long.asp?DevID=511 (Page consulté le 26 novembre 2002), cité dans Conseil supérieur de l’éducation, Éducation et nouvelles technologies : pour une intégration réussie

dans l’enseignement et l’apprentissage, Sainte-Foy, Conseil supérieure de l’éducation, 2000, p. 14.

5 Bernard Cassen, « De l'élève au citoyen. Rapport sur les nouvelles techniques d'information et de communication », Le Monde diplomatique [En ligne], (septembre 1997), p. 31. http://www.monde-diplomatique.fr/1997/09/CASSEN/9080.html (Page consultée le 26 novembre 2002), cité dans Conseil supérieur de l’éducation, Éducation et nouvelles technologies : pour une intégration réussie dans

(12)

Cette citation, reprise par le CSE, provient d’un article de Bernard Cassen sur le rapport no 45 de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce rapport a été rédigé par le sénateur français Franck Sérusclat. Outre qu’il ne tombe pas dans le piège techniciste, Cassen relève le point suivant :

L'originalité de cette contribution, c'est qu'elle traite des NTIC dans un continuum : « de l'élève au citoyen ». Et, là aussi, les enjeux sont importants puisqu'il s'agit d'en faire des vecteurs de renouveau de la vie démocratique et non pas, comme on peut le craindre, des instruments au service des seuls marchands.6

Ce regard lucide sur la situation nous montre qu’il y a deux agendas à l’utilisation des TIC. Il y a l’agenda public où les TIC sont vus comme un outil de démocratisation de la connaissance et de la formation du citoyen. Un outil qui transforme le citoyen, et qui se laisse transformer par les besoins de l’éducation. De l’autre côté, il y a l’agenda caché où les TIC sont vus comme un moyen de former de futurs consommateurs, de mettre la main sur le système d’éducation publique, mais surtout, d’augmenter les profits coûte que coûte en arguant que le progrès est inévitable : « Once a new technology rolls over you, if you're not part of the steam roller, you're part of the road. »7 Les finalités de ces deux agendas sont

complètement incompatibles. Pour l’agenda public, il s’agit de former des citoyens, tandis que, pour l’agenda privé, il s’agit de faire des profits.

Les trois rapports du CSE qui traitent des TIC, de l’éducation à la citoyenneté et de la gouvernance de l’éducation, ainsi que les réflexions de certains auteurs, nous portent à croire que la perspective citoyenne peut améliorer de façon concrète l’enseignement et l’apprentissage des TIC.

Utiliser les technologies sous une perspective d’éducation à la citoyenneté peut être un rempart très puissant contre la fuite en avant techniciste et l’agenda caché, et promouvoir une meilleure formation technique et citoyenne des maîtres et des élèves.

6 Bernard Cassen, « De l'élève au citoyen. Rapport sur les nouvelles techniques d'information et de communication », Le Monde diplomatique [En ligne], (septembre 1997), p. 31. http://www.monde-diplomatique.fr/1997/09/CASSEN/9080.html (Page consultée le 26 novembre 2002)

7 Thomas S. Valovic, Digital mythologies : the hidden complexities of the Internet, New Brunswick, NJ, Rutgers University Press, 2000. p. 148.

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Dans ce mélange de technologie et de citoyenneté, il faut s’attendre à de nouvelles propriétés émergentes, à de nouvelles émanations des principes de citoyenneté sous des formes inusitées et impossibles sans la technologie.

Dans ce mémoire, je propose le développement d’un hypertexte qui aidera les professeurs et les étudiants à se former à l’utilisation des TIC avec une finalité citoyenne. N’oublions pas que l’éducation à la citoyenneté n’est pas une discipline, et, conséquemment, les enseignants n’ont pas accès aux connaissances de base. De plus, traditionnellement, les TIC ont rarement permis aux étudiants d’atteindre des compétences de haut niveau telles que des résolutions de problèmes complexes, ni d’atteindre un stade important de développement de la compréhension civique.8

Aux États-Unis, l’ordinateur est aujourd’hui encore souvent utilisé pour entraîner à des compétences de bas niveau, plutôt qu’à des activités de résolution de problèmes, et c’est encore plus vrai avec les élèves des milieux socioculturels défavorisés.9

Nous désirons, dans ce contexte, répondre à un double besoin dans la formation des futurs maîtres, soit le besoin d’une bonne formation technique et le besoin d’être conscientisé et responsabilisé face à la finalité de l’éducation, notamment la formation du citoyen.

8 Nous faisons référence ici aux stades du développement moral cognitif de Laurence Kohlberg sur lesquels nous reviendrons.

(14)

L’état de la question

Dès le début, nous étions conscient de la tâche et des pièges inhérents à la recherche, l’analyse et la synthèse des textes relatifs à notre domaine d’étude. Était-ce trop vaste, trop ambitieux ? Nous nous sommes donc tourné vers notre objectif qui est de construire un hypertexte pour la formation des maîtres à la compréhension des enjeux relatifs à l’utilisation des TIC dans une perspective citoyenne. Ce type de formation ne peut se contenter de sous-entendus et nous croyons sincèrement qui fallait aller au fond des choses pour donner l’idée la plus exacte possible de ce monde au contour incertain, surtout pour des néophytes. Nous aurions pu laisser tomber la section sur la citoyenneté ainsi que les annexes, mais le besoin était réel. Nous voulions que les futurs maîtres aient de bonnes assises dès le départ, comme le rôle de l’enseignant et la place de la citoyenneté dans tout cela, avant de plonger dans l’univers numérique. Sans guide, sans bases solides, bien des futilités peuvent naître de cette rencontre.

Dans cet état de la question, nous allons suivre un filon logique qui va nous conduire de la connaissance de ce qu’est la citoyenneté, à la formation du cyberpédagogue en passant par la culture technologique.

La citoyenneté

Pour le commun des mortels, la citoyenneté est souvent perçue comme un ensemble de droits et de devoirs qui comprend la possibilité de voter aux différents paliers de gouvernements et le paiement des impôts. Pour ceux qui sont nés au Canada, la citoyenneté et ses avantages sont tenus généralement pour acquis. « Nous avons intériorisé l’idée de la citoyenneté au point qu’elle nous paraît naturelle. »10

Il faut convenir que la citoyenneté n’est pas simple à définir. De plus, comme le montre l’histoire de la citoyenneté11, cette dernière n’est pas le résultat d’un processus historique

10 Dominique Schnapper, Qu’est-ce que la citoyenneté ? Paris, Gallimard, 2000, p. 11. (Coll. Folio/Actuel) 11 Voir l’annexe 2 pour la petite histoire de la citoyenneté.

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continu. La citoyenneté s’est développée à travers des événements, de l’archontat de Solon, au VIe siècle avant J.-C., en passant par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Une chose est certaine, le citoyen d’Athènes n’a qu’une lointaine parenté avec le citoyen de nos démocraties modernes. Cependant, si nous voulons utiliser ce concept comme une finalité de l’éducation, nous avons avantage à le cerner et à le comprendre.

Les ouvrages dans le domaine abondent depuis quelques années. La citoyenneté est à la mode et son analyse est faite dans plusieurs disciplines. Comme le mentionne Fred Constant : « S’affirmant à nouveau comme un enjeu politique majeur et un débat de société de premier plan en Amérique du Nord et en Europe, à l’Ouest comme à l’Est, la figure du citoyen retrouve soudain une extraordinaire densité idéologique et polémique. »12.

L’intérêt pour la citoyenneté est également effervescent en éducation.

Deux types d’ouvrages ont retenu notre attention. Il s’agit de ceux qui portent sur la citoyenneté en général, et de ceux qui approfondissent un aspect, soit celui de l’éducation à la citoyenneté.

Gardons cependant à l’esprit que les ouvrages qui portent sur le sujet sont légions et de qualités variables. Dans cet état de la question, nous avons tenté de faire le tour tout en mentionnant les auteurs qui apportaient une contribution importante ou innovatrice.

Qu’est-ce que la citoyenneté?

Dominique Schnapper, sociologue et membre du Conseil constitutionnel français, est sans doute une des intellectuelles les plus impliquées dans la définition du citoyen. Pour elle, « La citoyenneté, c’est une utopie créatrice en fonction de laquelle les différences objectives qui séparent les individus s’effacent devant leur égalité en ce qui concerne les

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droits et la participation politique. »13 Cette citoyenneté a trois aspects. Elle a d’abord un

sens juridique.

Le citoyen est un sujet de droit. Il dispose à ce titre de droits civils et politiques. Il jouit des libertés individuelles […]. Il dispose des droits politiques : participer à la vie politique et être candidat à toutes les fonctions publiques. En revanche, il a l’obligation de respecter les lois, de participer aux dépenses collectives en fonction de ses ressources et de défendre la société dont il est membre, si elle se trouve menacée.14

La citoyenneté est aussi le principe de la légitimité politique, c’est-à-dire que le citoyen a une part de souveraineté politique. « C’est l’ensemble des citoyens, constitués en collectivité politique ou en « communauté de citoyens », qui, par l’élection, choisit les gouvernants. »15 La citoyenneté est, enfin, la source du lien social. « Dans la société

démocratique moderne, le lien entre les hommes n’est plus religieux ou dynastique, il est politique. »16.

Anicet Le Pors définit également la citoyenneté selon trois caractéristiques. Tout d’abord, il s’agit d’une communauté de valeurs qui donne un sens à un projet commun, à un certain pacte social où l’intérêt général, l’égalité et l’éthique de la responsabilité s’y retrouvent. Il s’agit aussi d’une praxie, c’est-à-dire de l’exercice des droits et du respect des obligations. Enfin, la citoyenneté se caractérise aussi par son dynamisme, par sa capacité à évoluer selon certains facteurs comme la mondialisation.17

Dans le monde anglo-saxon, beaucoup font référence au sociologue T. H. Marshall qui publia Citizenship and Social Class en 1949. Véritable bible sur la citoyenneté, cet ouvrage

13 Dominique Schnapper, cité dans Pierre Stouff, « L’écocitoyenneté », Site pédagogique de L’iufm de Bretagne [En ligne], http://pst.chez.tiscali.fr/svtiufm/ecocitoy.htm (Page consultée le 5 janvier 2003)

14 Schnapper, op. cit., p. 10. 15 Ibid.

16 Ibid.

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est encore à considérer, selon le sociologue Guy Rocher « comme le point de départ obligé de toute recherche sur la citoyenneté »18.

Pourquoi? Parce que Marshall a modernisé le concept : être citoyen n'était plus seulement être membre d'un État et y bénéficier de droits civils (droit de propriété ou liberté d'expression) et politiques (comme le droit de vote), c'était aussi avoir accès à des droits sociaux (prestations sociales, accès à l'éducation) afin d'assurer la véritable égalité de tous.19

Nous avons regardé de quelle manière les chercheurs définissent la citoyenneté quand ce concept est au cœur de leur enquête. Yvonne Hébert et Alan Sears, chercheurs pour le CERIS, utilisent un modèle inspiré des trois domaines définis par T. H. Marshall que sont les domaines civil, politique et socio-économique. Auxquels ils ajoutent le domaine culturel qui serait apparu depuis.

La citoyenneté culturelle consiste en une prise de conscience d’un patrimoine culturel commun. Cette dimension comprend la quête d’une reconnaissance des droits collectifs des minorités. Le rapport culture-État s’appuie sur des droits de la personne qui reconnaissent une dimension anthropologique à la personne et qui impliquent une certaine conception des êtres humains et de leur dignité. Ils affirment leur égalité aux yeux de la Loi et leur droit d’être protégés contre toute forme de discrimination en raison de leur appartenance à une catégorie ou à un groupe particulier.20

On reconnaîtra une proche parenté avec le cadre conceptuel d’analyse de la citoyenneté utilisé par France Gagnon et Michel Pagé dans leur étude comparée des approches de la citoyenneté dans six démocraties libérales.21

18 Guy Rocher, Droits fondamentaux et citoyenneté, Paris, Thémis, 1999, cité dans « La citoyenneté et sa bible »,

Le Devoir (Montréal), (25 août 1999).

19 « La citoyenneté et sa bible », Le Devoir (Montréal), (25 août 1999).

20 Yvonne Hébert et Alan Sears, « L’éducation à la citoyenneté », Site su SIREC [En ligne],

http://www.ceris.ca/f/Citoyen1.html (Page consultée le 27 janvier 2003)

21 France Gagnon et Michel Pagé, Cadre conceptuel d’analyse de la citoyenneté dans les démocraties libérales :

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Figure 1 Cadre conceptuel général de la citoyenneté

Quatre macro-concepts composent l’armature principale du cadre conceptuel : l’identité nationale, qui comprend un ensemble de caractéristiques que tous les citoyens sont invités ou incités à partager, réfère à l’identité collective d’une communauté politique. Les appartenances sociale, culturelle et supranationale qui réfèrent au fait que les citoyens peuvent se définir par une ou des appartenances particulières à l’intérieur de la société; le régime effectif de droits qui vise à assurer l’égalité des citoyens dans les démocraties libérales; enfin, la participation politique et civile qui rassemble les actions, compétences et dispositions que l’on attend du citoyen et par lesquelles il manifeste son engagement dans la gouverne de la société dont il est citoyen.22

Dans son ouvrage intitulé Le citoyen, Fred Constant tente de définir ce que signifie être citoyen aujourd’hui. S’aidant de l’étude de Sophie Duchesne (Citoyenneté à la française), il cerne deux conceptions de la citoyenneté, soit le modèle de « l’héritage » et le modèle « des scrupules ». 22 Ibid, p. 8. 1. Identité nationale 3. Régime effectif de droit 4. Participation politique et civile 2. Appartenances sociale, culturelle et supranationale Citoyenneté

CADRE CONCEPTUEL GÉNÉRAL DE LA CITOYENNETÉ

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Le modèle de « l’héritage » fait référence à la conception classique de notre concept. « Précédent par une stricte équivalence entre citoyenneté et identité nationale, il s’inscrit dans une perspective généalogique clairement affirmée ».23 Ce modèle comporte trois

composantes : le temps, le sol et la famille. « Le citoyen est à la fois tributaire et dépositaire de l’héritage des générations qui l’ont précédé. Il a aussi pour charge d’enrichir le patrimoine commun ».24

Selon le modèle des « scrupules », le citoyen se définit comme un humain, « contraint d’organiser sa vie au milieu de frontières dont il ne reconnaît pas la légitimité parce qu’elles engendrent une déformation de l’identité de chacun en créant des ressemblances entre membres d’un même pays, qui gênent la communication entre tous les humains. ».25

« Être citoyen, c’est donc avoir des scrupules, au sens où il faut apporter à la société sa quote-part en échange de ce qu’on peut en attendre, où il s’agit de participer au bien commun autant que d’en tirer profit. »26 On retrouve dans cette conception les germes de

cette « nouvelle citoyenneté » qui ne veut pas être limitée par les frontières.

Il est intéressant de continuer l’idée de l’héritage en reprennent l’étude de Patrice Vermeren. Pour lui, le citoyen, comme personnage philosophique, est un héritage sans testament, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de mode d’emploi et que c’est à nous qu’il revient de le réinventer. En fait, ce n’est plus dans l’État-nation que la citoyenneté est appelée à évoluer, mais plutôt dans la création d’un espace public qui permettrait la constitution d’un peuple de citoyens où il s’agit de « passer du pouvoir sur au pouvoir avec et entre les hommes, l’entre étant le lieu où se gagne la possibilité d’un monde commun. »27. Il

reprend le philosophème de Laurence Cornu qui dit que « ce n’est pas parce qu’il y a des droits institutionnalisés qu’il y a des citoyens » 28. En fait, le citoyen existe dans l’action, il

23 Constant, op. cit., p. 66. 24 Ibid, p. 68.

25 Sophie Duchesne, Citoyenneté à la française, Paris, Presses des Sciences Po, 1997, p. 310, cité dans Fred Constant, La citoyenneté, Montchrestien, Paris, 1998, p. 69. (Coll. Clefs Politique)

26 Ibid, p. 70.

27 Patrice Vermeren, « Le citoyen comme personnage philosophique », UNESCO / UQAM [En ligne],

http://www.fad.bf.refer.org/seminrvi/cverme.htm (Page consultée le 24 janvier) 28 Ibid.

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n’est donc pas issu d’une généalogie positive. C’est en fait ce que disait Protagoras en affirmant que c’est par la pratique qu’on apprend les vertus, c’est-à-dire les droits et surtout les devoirs du citoyen envers la communauté.

« Indissociable de l’apparition de l’État-nation, la citoyenneté est-elle désormais devenue un cadre inopérant du fait de la mondialisation de l’économie et de la transnationalisation des appartenances identitaires ? » 29

Il y a donc une remise en cause du concept de citoyenneté. Certains intellectuels parlent de crise. De son côté, le CSE synthétise bien les conceptions émergentes :

D’abord, certains penseurs ont critiqué l’accent mis sur les droits, y voyant une conception trop passive de la citoyenneté où l’individu est laissé sans responsabilité envers la collectivité.

Deuxièmement, l’idée actuellement en émergence de citoyenneté renvoie non seulement aux droits et aux devoirs du citoyen mais insiste davantage sur la possibilité d’accéder à cette citoyenneté et sur les conditions économiques et sociales favorisant la participation pleine et entière des individus à leur collectivité.

Troisièmement, les notions de participations et responsabilité deviennent porteuses d’exigences plus larges, débordant la communauté nationale. Enfin, il ne s’agit plus seulement de participation et de responsabilités civiques, mais du « vivre ensemble ».30

Les différentes définitions du concept de citoyenneté, jusqu’à maintenant, nous permettent de nous faire une bonne idée. Il y a des constantes facilement isolables. Toutes ces définitions tournent autour de l’État-nation comme territoire d’appartenance et sur lequel s’exerce la souveraineté de citoyens égaux en droit par le biais de représentants élus. Par contre, le modèle des « scrupules » de Fred Constant, et d’une certaine manière, l’aspect dynamique que Le Pors donne à sa définition de la citoyenneté, nous mènent vers une mutation de ce concept.

29 Constant, op. cit., p. 101. 30 CSE, Citoyenneté, p. 14.

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Une nouvelle citoyenneté

Un des facteurs de la popularité croissante de l’étude de la citoyenneté provient de la mutation même du concept. Comme le mentionne Fred Constant, la citoyenneté est moins en train de disparaître que de changer. Il s’agit «[…] seulement [du] déclin d’un mode spécifique, historique et national, d’implication dans l’espace public, celui repérable sous la figure conventionnelle du « bon citoyen », tandis qu’émergent de nouvelles modalités d’implication dans l’espace public qui se réclament de nouveaux visages de la citoyenneté. »31 Anicet Le Pors se demande, devant la remise en cause de l’État-nation et de

l’atteinte aux Droits de l’Homme, si une nouvelle citoyenneté n’est pas la solution, sans toutefois en connaître le contenu. La mondialisation est aussi un facteur de taille qui vient changer la donne.

En ce début de millénaire, les actions contre la mondialisation, la lutte des opprimés pour leur respect de leurs droits à l’égalité, à la justice et à la paix, marquent, partout dans le monde, l’émergence d’une prise de conscience des citoyens : le devenir d’une société plus humaine, fondée sur les droits de l’homme, dépend de leur engagement solidaire.32

Ce qui est nouveau, c’est que le citoyen se définit de moins en moins dans le cadre de l’État-nation. De plus, la citoyenneté ne serait plus définie par l’accumulation de droits, mais par l’action. « What we need is a new model of citizenship based on the act of participation itself. […] This participatory citizenship doesn’t simply demand action from existing citizens; it makes action at once the condition and the task of citizenship. »33

L’action, c’est aussi ce qui définit le citoyen d’Hannah Arendt. Cependant, pour elle, il y a une différence radicale entre l’action et la fabrication : fabriquer c’est aboutir à une fin, c’est la déformation violente des objets.

31 Constant, op. cit., p. 16.

32 Jean Le Gal, Les droits de l’enfant à l’école : Pour une éducation à la citoyenneté, Bruxelles, De Boeck, 2002, p.205.

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Si l’on pense la politique de cette manière, on aboutit à la justification de la violence pour les « besoins de la cause », au nom de l’efficacité des résultats. Pour elle, ce serait plutôt une dérive totalitaire. L’action politique doit plutôt être vue comme un mode d’existence, ayant sa finalité propre, en lui-même. L’action politique n’est pas subordonnée à la définition préalable d’objectifs, elle est une manière d’être au monde. Elle est « l’une des expériences humaines fondamentales ».34

Traditionnellement, l’action du citoyen était limitée au vote électoral et à la possibilité de faire partie du gouvernement en étant élu au suffrage. L’action, dans le cadre de la « nouvelle citoyenneté » sort de ces cadres. Fred Constant aborde la désobéissance civique comme une transgression refondatrice de la citoyenneté. Force est de constater que, malgré ce qu’on peut croire, cette forme d’action n’est pas nouvelle :

Dès 1806, on peut lire, sous la plume de Benjamin Constant, ces lignes qui circonscrivent les termes dans une étonnante actualité : « L’obéissance à la loi est un devoir; mais, comme tous les devoirs, il n’est pas absolu, il est relatif; il repose sur la supposition que la loi part d’une source légitime, et se referme dans ses justes bornes. Mais aucun devoir ne nous lierait envers des lois qui non seulement restreindraient nos libertés légitimes et s’opposeraient à des actions qu’elles n’auraient pas le droit d’interdire, mais qui nous en commanderaient de contraires aux principes éternels de justice et de pitié, que l’homme ne peut cesser d’observer sans démentir sa nature. »35

Si l’action n’est pas un facteur nouveau de la citoyenneté, il faut admettre qu’elle n’était pas fréquente. De plus, elle a maintenant une portée qui dépasse les frontières transnationales. L’amélioration des moyens de communication est sûrement un autre facteur qui vient transformer la citoyenneté.

[…] dessinant en pointillés des formes de citoyenneté transnationale, conjuguant des appartenances variées et activables selon les temps et les lieux. (Les ONG, de plus en plus spécialisées) […] sont autant de vecteurs de structuration d’une opinion publique internationale; le développement considérable des moyens de communication électronique qui lèvent les

34 Patrice Canivez, le citoyen ? Paris, 1990, Hatier, cité dans J.-Michel Bassez, « Thème : réflexions sur la forme d’éducation à adopter dans les démocraties modernes à travers plusieurs thèmes relevant de l’histoire et de l’actualité. » Fiche de lecture : P. Canivez – Éduquer le citoyen ? [En ligne],

http://www.chez.com/cpereu/Ressources/FichesLecture/FicheLecture4.htm (Page consultée le 27 janvier) 35 Constant, op.cit., p. 64-65.

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contraintes de temps et distance à l’avènement d’une « télédémocratie » hautement improbable à ce jour mais qui, à coup sûr, bouleverserait les circuits traditionnels de la représentation ainsi que les règles du marché politique […]36

S’il faut retenir deux aspects de cette « nouvelle citoyenneté » au contour sinueux, c’est bien la fin de l’État-nation comme espace dominant d’appartenance et d’action politique, et la redéfinition de l’action qui va bien au-delà du simple respect des lois, jusqu’à la désobéissance civile s’il le faut. Nous sommes conscient que cette définition est assez fragmentaire, mais nous en avons assez pour dire qu’il ne s’agit pas d’une citoyenneté facile à exercer car elle demande une bonne culture et un haut degré d’engagement personnel.

« We are never citizens only, but in the world as it is developing we must be citizens always. Are we equal to that challenge? »37

L’éducation à la citoyenneté

L’éducation à la citoyenneté n’est pas nouvelle. Comme le mentionnent Jane Jenson et Martin Papollon, « Déjà, en 1899, John Millar, sous-ministre de l’Éducation de l’Ontario, rédigeait à l’intention des jeunes un opuscule intitulé Canadian Citizenship, qui débutait par ces mots : “L’objectif ultime de tout gouvernement est la culture d’une bonne citoyenneté”. »38

Le bon citoyen, jusqu’à tout récemment, était perçu « comme quelqu’un qui respecte l’autorité, travaille dur et appuie activement les autres bons citoyens et citoyennes et l’ordre établi, social et économique accepté. »39. Pour Ken Osborne, ce type de conformité

36 Ibid, p. 110.

37 Kingwell, op. cit., p. 133.

38 Jane Jenson et Martin Papollon, « Les frontières mouvantes de la citoyenneté : Étude et programme de recherche », Site du Centre canadien de gestion [En ligne],

http://www.ccmd-ccg.qgc.ca/research/publications/html/modern_gov/modern_goc_5_f.html (Page consultée le 19 mars 2003) 39 Ken Osborne, Teaching for Democratic Citizenship, Toronto, Our Schools / Our Selves Education

Foundation, octobre 1991, p. 3, cité dans Denis Wall, Marita Moll et Bernie Froese-Germain, La démocratie

vivante : Vers une vision renouvelée de l’éducation civique, Ottawa, La Fédération canadienne des

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culturelle, qu’on appelait civisme, a été longtemps le but de l’éducation. À l’image de la société, la figure autoritaire du maître avait le même discours que le curé et le père de famille. L’éducation était à sens unique. Fred Constant est du même avis quand il mentionne que « Sous la IIIe République, l’école a été un vecteur d’homogénéisation culturelle d’une particulière efficacité. ».40

John Saul, dans une conférence au Musée de la civilisation de Québec, estime que l’éducation est la pierre angulaire de la démocratie. « Le premier outil de la démocratie est l’éducation publique. Si vous avez une éducation populaire qui marche, qui est forte, vous avez la possibilité d’avoir une démocratie. Ce n’est pas l’éducation des élites qui est intéressante. Les élites vont toujours s’éduquer. Ce n’est pas un problème. »41. Que ce soit

donc pour homogénéiser ou pour émanciper, l’école est incontournable. Selon Dominique Schnapper, l’appartenance et le sentiment national naissent de cette intériorisation des connaissances, des normes et des valeurs communes. Pour cela, l’homme doit apprendre.42

Ce qui doit changer cependant, c’est la transparence de son engagement à former les citoyens de demain.

Le CSE s’intéresse au problème de l’éducation à la citoyenneté dans son rapport annuel de 97-98. Le Conseil se demande quel rôle peut jouer le système éducatif dans la formation des citoyens en tenant compte des mutations de notre monde. Il en convient que :

La citoyenneté à laquelle le système éducatif est invité à préparer promeut la participation active et éclairée de chaque individu au sein d’une démocratie qui reconnaît au peuple les droits et les libertés grâce auxquels il peut exercer ses responsabilités et son pouvoir de délibération et de représentation; elle comporte aussi une exigence d’ouverture sur le monde qui fasse obstacle au repli sur soi engendré par la crainte de l’inconnu ou de la différence.43

40 Constant, op. cit., p. 146.

41 John Saul, Le citoyen dans un cul-de-sac ? Anatomie d’une société en crise, Montréal/Québec, Fides/Musée de la Civilisation, 1996, p. 40-41.

42 Dominique Schnapper, La Communauté des citoyens : Sur l'idée moderne de nation, Paris, Gallimard, 1994. 43 CSE, Citoyenneté, p. 12.

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La formation du citoyen est sans aucun doute un projet très emballant en même temps qu’un objectif incontournable et urgent. « Si l’on enseigne « ce que l’on est », selon une formule qui convient assez bien à l’éducation à la citoyenneté, la première ressource de l’école serait le degré de citoyenneté des enseignants. »44 Cette exigence repose en grande

partie, qu’on le veuille ou non, sur les épaules de l’enseignant. « Demander au maître de transmettre, avec le savoir, une culture, c’est exiger qu’il dépasse la discipline enseignée et les programmes. C’est lui demander de s’impliquer. ».45

Pour Philippe Meirieu, la définition du pédagogue rejoint également l’éducation du citoyen en tant que finalité de l’éducation : « un éducateur qui se donne pour fin l’émancipation des personnes qui lui sont confiées, la formation progressive de leur capacité à décider elles-mêmes de leur propre histoire, et qui prétend y parvenir par la médiation d’apprentissages déterminés. »46

Colette Crémieux a raison quand elle mentionne qu’« Il semble que nous soyons passé du

“Pourquoi une éducation à la citoyenneté dans les écoles? " au " Comment la mettre en place et quoi faire? " ».47 Cependant, les formes que doit prendre l’éducation à la citoyenneté sont

loin de faire l’unanimité et demandent une grande vigilance.

Gérard Boutin nous met en garde contre ce qu’il nomme le passage du diktat des objectifs à celui des compétences dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté où la liberté de l’enseignant devrait être respectée et l’ouverture d’esprit encouragée.

En adhérant de façon inconditionnelle à un seul paradigme, comme ils le font la plupart du temps, les intervenants ne risquent-ils pas de « jouer le jeu » de l’école marchande et de certains pouvoirs politiques qui rêvent de façonner un citoyen préfabriqué, docile, sur-mesure? Voilà bien

44 Philippe Perrenoud, « Apprentissage de la citoyenneté… des bonnes intentions au curriculum caché : Former les professeurs, oui, mais à quoi? », Life – Laboratoire innovation – Formation – Éducation [En ligne], (1997), http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1997/1997_07.html (Page consultée le 25 novembre 2002)

45 Georges Roche, Quelle école pour quelle citoyenneté? Les chemins de l’école, Paris, ESF éditeurs, 1998. p. 90. (Coll. Pratiques et enjeux pédagogiques)

46 Philippe Meirieu, Le choix d’éduquer, Éthique et pédagogie, Paris, ESF, 1991.

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unes des questions que devront se poser chercheurs, enseignants, formateurs, parents et CITOYENS. 48

On ne peut être que d’accord avec cette sortie en règle de Gérard Boutin. La nature même de la citoyenneté, qui se définit surtout par l’action, ne peut pas être encadrée. Jean Le Gal souligne également ce point qui est d’une extrême importance : « Aucun individu ne peut se considérer comme un citoyen accompli. L’éducation à la citoyenneté doit donc être conçue comme une dynamique, un processus, une construction permanente. »49 C’est

justement pour cette raison que les enseignants ont de lourdes responsabilités envers ce type d’éducation. C’est ce qui fait dire à Pierre Waaub « Éduquer sans enseigner est un projet totalitaire »50.

Il y a plusieurs projets pilote, à ce titre, qui sont autant de directions pour promouvoir la citoyenneté : conseil de classe, gestion du droit de parole en classe, travaux en équipe, liberté de mouvement, débats et participation à la création de règles. Historiquement, ces expériences ne sont pas nouvelles. Korczak, Pistrak et Freinet, dignes représentants des Mouvements d’Éducation nouvelle, avaient déjà, bien avant le retour du « citoyen », expérimenté l’usage de la liberté en classe.51 Ils ont tous en commun de ne pas avoir limité

leurs innovations à un ajout de disciplines dans leur enseignement. Ils ont changé leur relation avec l’apprenant en gardant toujours en tête qu’ils avaient un objectif, celui de former des « citoyens » libres.

Continuant sur le même sujet, il est intéressant de voir les nouveaux types d’enseignement qui émergent pour les besoins de la formation du citoyen. Pour Gabriel Cohn-Bendit, l’école doit enseigner à la désobéissance.

48 Gérard Boutin, « L’éducation à la citoyenneté au risque des compétences attendues », Centre d'études

interdisciplinaires Wallonie-Bruxelles [En ligne], (8 novembre 2002),

http://www.unites.uqam.ca/walbru/gboutin.html (Page consultée le 6 novembre) 49 Jean Le Gal, op. cit., p. 27.

50 Pierre Waaub, « De l’École bonne à tout faire à l’éducation à la citoyenneté interculturelle», Centre d'études

interdisciplinaires Wallonie-Bruxelles [En ligne], (8 novembre 2002),

http://www.unites.uqam.ca/walbru/pwaaub.html (Page consultée le 6 novembre) 51 Jean Le Gal, op. cit., p. 192-193.

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Lorsqu’un élève lève le doigt pour avoir le droit de parler et que seul le maître a le pouvoir de donner la parole, y compris jusqu’à obliger à parler quelqu’un qui ne le voudrait pas, on éduque à l’obéissance. Lorsque, dans un « conseil de coopération scolaire » ou un conseil d’élèves, la parole est distribuée par un élève élu, on éduque à la démocratie. Oui, la prise de parole se régule mais cela peut se faire de façon autoritaire ou démocratique.52

En fait, selon l’auteur, l’instruction seule, comme l’illustre l’Allemagne nazie, n’est pas suffisante pour promouvoir une démocratie vivante, il faut une culture de la résistance à l’oppression. Sur ce point, Philippe Perrenoud est d’accord :

C’est parce qu’ils ne comprennent pas ce qui leur arrive que les dominés et les défavorisés subissent leur sort. […] leur capital culturel n’est pas assez important et pertinent pour leur donner les moyens de se défendre, ni même de comprendre les mécanismes qui les font souffrir ou précipitent leur exclusion. La misère du monde (pour reprendre le titre de l’ouvrage de Bourdieu) est presque toujours accompagnée d’un dénuement intellectuel, qui est à la fois une cause et une conséquence, dans un cercle infernal.53

L’éducation est nécessaire, mais pas suffisante. Comme le mentionne Philippe Perrenoud avec cynisme : « Les classes moyennes soutiennent — par leur travail, leur consommation, leur vote, — un système social qui rend l’éducation à la citoyenneté peu crédible, mais elles s’appliquent à ne pas le savoir. Les classes moyennes ont besoin d’avoir bonne conscience. »54

À ce point, nous sommes tenté de faire un lien entre cette culture de la résistance à l’oppression, qui est une des valeurs candidates à cette « nouvelle citoyenneté », et la théorie des stades du développement moral cognitif de Laurence Kohlberg, aussi nommés stades du développement de la compréhension civique.

Rappelons que cette théorie hiérarchise la maturation morale des individus selon six stades regroupés en trois catégories : préconventionnelle, conventionnelle et postconventionnelle. Historiquement, l’éducation à la citoyenneté se situe aux stades conventionnels où

52 Gabriel Cohn-Bendit, « L’école doit éduquer à la désobéissance », Impacts, Paris, L’Harmattan, 2001, t. 35, no 4, p. 81.

53 Ibid. 54 Ibid.

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l’individu veut répondre aux attentes de son milieu et respecte les lois. Force est de constater que la nouvelle citoyenneté demande un développement moral beaucoup plus poussé, c’est-à-dire postconventionnel. Est-ce à dire que la citoyenneté a atteint un nouveau stade, une mutation historique, qui demande, effectivement, de nouveaux types d’apprentissage, de nouvelles façons de voir le monde?

Frederico Mayor, Directeur général de l’UNESCO fait ce constat dans la préface de l’ouvrage d’Edgar Morin, intitulé Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur :

L'éducation est « la force du futur » parce qu'elle est l'un des instruments les plus puissants pour réaliser le changement. L'un des défis les plus difficiles à relever sera de modifier nos modes de pensée de façon à faire face à la complexité grandissante, à la rapidité des changements et à l'imprévisible, qui caractérisent notre monde. Nous devons repenser la façon d'organiser la connaissance.55

Enfin, nous pouvons retenir que l’éducation est la pierre angulaire de la citoyenneté. Comme nous l’avons vu précédemment, le concept même de la citoyenneté est en mutation, ses contours sont flous, mais une chose est certaine, c’est que l’enseignant est sollicité de manière intégrale. Il doit être libre et détenir une grande ouverture d’esprit. Il n’y a pas de recettes miracle, malgré ce que les programmes officiels peuvent laisser croire, mais une réflexion sincère sur la finalité de l’éducation et sur le rôle de l’enseignant.

La technologie

56

Les technologies de l’information et des communications représentent un monde en soi. Un vaste territoire que les enseignants doivent néanmoins s’approprier. La première question légitime à se poser est sans aucun doute par où débuter?

55 Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’Éducation du futur, Paris, Seuil, 2000 [En ligne],

http://www.agora21.org/unesco/7savoirs/7savoirs01.html

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Une première approche consiste à comprendre les différentes factions qui s’opposent dans la conception même de la technologie, du rejet total à la déification de l’objet. Ainsi, nous pourrons mieux comprendre le rôle et les besoins en formation des maîtres.

Devant ce constat, il est évident qu’il y a un conflit entre les valeurs que requiert l’enseignement des TIC et l’agenda caché, qui, lui, répond à l’impératif technologique de la mondialisation. Dans un contexte où nous voulons promouvoir l’éducation à la citoyenneté à l’aide de la technologie, nous devons nous demander s’il n’y a pas un danger véritable pour le lien social. Par le fait même, nous devons aussi comprendre les effets pervers de l’utilisation des technologies de contrôle.

Un débat polarisé

La technologie de l’information et des communications, traditionnellement, est au centre d’un débat où deux factions se rencontrent. Une de ces factions (les technophiles) montre la technologie comme la meilleure façon de régler nos problèmes et d’améliorer l’éducation en général. La deuxième faction (les technophobes)57, beaucoup plus critique ou tout

simplement réfractaire, remet en cause l’utilisation des TIC, en réfléchissant sur ce que nous risquons de perdre en tant que société.

Cette polarisation du débat, un peu simpliste, est reprise par Philippe Breton dans son ouvrage intitulé Le culte de l’Internet : Une menace pour le lien social? Il tente de démystifier (de dénoncer) les nouvelles technologies qui ont, selon lui, une aura religieuse. Philippe Breton distingue trois positions face à Internet : les technophobes, les technophiles, aussi nommés les militants du « Tout-Internet », et ceux qui sont pour un usage raisonné que nous nommerons les technohumanistes. Nous avons décidé d’utiliser ces trois catégories pour la revue des idées.

57 Il faut consulter le texte de Jacques Rhéaume sur ce qu’il nomme Le club du crayon :

Jacques Rhéaume, « Le club du crayon : les écrivains pessimistes face aux technologies », Le Site Mediatic:

Module 9 : Visions et discours divergents [En ligne], (2001), http://www.fse.ulaval.ca/mediatic/app/app9.htm

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Les technophobes

Les technophobes, selon Philippe Breton, voient surtout dans la technique l'équivalent du péché transgressant des valeurs religieuses. Ils rejettent le « Tout Internet » et n'entrevoient pas, par manque de débat, d'autres options.

Jacques Rhéaume explique à ses étudiants en technologie de l’éducation cette position de rejet face aux nouvelles technologies en racontant la légende de Theuth et Thamous. C’est dans le Phèdre de Platon, que les anciens critiquent l’arrivée de l’écriture qu’ils perçoivent comme un danger pour la mémoire.58

Les réticences face aux technologies ne sont pas nouvelles dans le domaine de l’éducation. Déjà, en 1985 dans Arsenic et jeunes cervelles, publié lors de la première vague d’informatisation de l’école, les auteurs M.C. Bartholy et J.P. Despin avancent que les finalités de l’école et celles de l’informatique sont incompatibles, principalement pour ces deux raisons :

a) Le fait que quelque chose soit d’importance hors de l’école ne justifie pas à lui seul son introduction dans l’école […]

b) Le fait que quelque chose soit utile et efficace dans l’école ne justifie pas à lui seul son introduction dans celle-ci, nonobstant l’utilitarisme ambiant et l’empirisme pressé qui incitent à penser le contraire.59

Certains, comme Alain Finkielkraut, n’hésitent pas à avouer qu'ils sont des dinosaures préférant le papier à l'écran. Technophobe est le vocable dont il s'affuble sans vergogne. Pourtant, l'ère du temps est au branchement et son âge n'est pas vraiment un obstacle, à sa participation au village global. D'un autre côté, la vision apocalyptique de certains peut lui donner de bonnes raisons de rester en dehors du courant. Pensons seulement à la perte de la vie privée par le fichage de chacun des mouvements du consommateur sur la toile. En

58 Jacques Rhéaume, « L'écriture, depuis les scribes en passant par l'imprimerie jusqu'à l'auteur de scénarios »,

Site de Mediatic : Module 3 : L’écriture [En ligne], (2001), http://www.fse.ulaval.ca/mediatic/app/app3.htm

(Page consultée en 2001)

59 Normand Baillargeon, « Comprendre Internet, les NTIC et quelques uns des enjeux qu'ils soulèvent en éducation », Ao! Espaces de la parole, vol. VI, no 3 (automne 2000), p. 44.

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vérité, ce qui lui fait peur n'est pas l'apocalypse, mais le meilleur des mondes annoncé par les technophiles.

Les technophiles

Les militants du « Tout-Internet » veulent, selon Philippe Breton, étendre Internet à tous les aspects de notre vie. Dans ce contexte, il n’est plus seulement question de l’usage de la technique, mais du devenir de l’homme : « L’enjeu actuel n’est pas seulement l’oppression causée par l’omniprésence des machines, c’est aussi la question de la vision d’ensemble de ce que deviennent les gens. »60

On retrouve dans cette catégorie, selon les termes de Philippe Breton, des « prophètes » comme McLuhan et des « fondamentalistes » comme Pierre Lévy et Philippe Quéau. Il intègre aussi les « techniciens » comme Nicholas Negroponte, Robert Caillou et Bill Gates qui sont «(…) convaincus que les techniques sont par nature porteuses de progrès et que plus notre monde se confiera notamment aux nouvelles technologies de l'information, mieux il se portera. ».61 Les gourous de la « nouvelle économie » et plusieurs politiciens, comme Al Gore, n'hésitent pas à colporter ces valeurs. Internet est une « révolution », mais, dans les faits, et toujours selon Philippe Breton, bien peu de gens s'interrogent sur les conséquences sociales et humaines.

Thomas Valovic, dans son livre Digital Mythologies, donne un bon exemple des idées frivoles de ceux qu’il nomme technocrates :

Marvin Minsky, for example, is an MIT scientist, who fostered the notion of the human body as "meat", his principal vision of the future involves the bizarre notion of downloading human consciousness into the permanent and immortal physical repository of the computer.62

60 Rhéaume, Visions et discours divergents, http://www.fse.ulaval.ca/mediatic/app/app9.htm

61 Philippe Breton, Le culte de l'Internet : Une menace pour le lien social ? Paris, La Découverte, 2000, p. 14-15. (Coll. sur le vif)

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Les technohumanistes

La voie du milieu qui regroupe des penseurs comme Norbert Wiener et Joseph Weizenbaum critique la vision non-humaniste des technologies.

Le nouveau culte de l'information est-il immoral? C'est bien, au fond, la question que posent, de l'intérieur même du domaine, ceux qui en ont été les plus grands architectes et qui s'en sont repentis, de Norbert Wiener à Bill Joy en passant par Joseph Weizenbaum. Si l'on prend le parti de l'homme, il faut en effet craindre que la réponse à cette question ne soit entièrement positive. Le débat ne devrait donc pas laisser indifférents tous ceux qui, bien au-delà d'Internet, sont attachés aux valeurs humanistes. 63

Ignacio Ramonet et Dominique Wolton y vont, pour leur part, d'une critique des valeurs néo-libérales et du manque de législation sur la toile. Les enseignants font partie de ce groupe parce qu'ils ne croient pas qu'ils peuvent être remplacés par des machines, mais ils croient qu'Internet demeure, avec une philosophie pédagogique raisonnée, un outil profitable. Cette voie n'est pas la plus populaire, car il y a une polarisation du débat : pour ou contre Internet.

Philippe Breton n’est peut-être pas le plus neutre avec sa taxonomie nouvelle-âgeuse, mais il a le mérite de définir une troisième voie. Cette voie du milieu, qui accepte la technologie comme un outil, a aussi conscience que la technologie n’est pas neutre, elle influence fortement la société. Le ciseau du tailleur de pierre n’a-t-il pas aidé à forger la civilisation médiévale? En résumé, cette voie utilise l’outil et comprend l’ampleur de son influence sur la société.

Si les enseignants font partie de cette voie, il faut s’en réjouir, mais est-ce vraiment le cas?

Formation et rôle des enseignants face à la technologie

Pour Normand Baillargon, si la formation des maîtres n’est pas prise au sérieux en ce qui concerne l’utilisation des TIC, nous en arriverons à une situation où :

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1) des enseignants qui n’ont pas été formés pour cela utiliseront tantôt une technologie coûteuse dont il est loin d’être certain qu’elle est bénéfique; 2) on se fera croire qu’il s’agit de culture et d’éducation, pendant que Microsoft et quelques autres s’en mettront plein les poches; 3) on rappellera inlassablement qu’il faut initier les enfants à cette technologie, ce qui est un argument aussi solide que celui qui assurerait qu’il faut, à l’école et le plus tôt possible, initier les enfants à la conduite automobile, au téléphone, à la Bourse, etc.64

Le CSE s’est également penché sur la place des facultés d’éducation en ce qui concerne la formation des maîtres au primaire et au secondaire, il en arrive à la conclusion qu’

Il n’est pas certain que l’accent soit toujours mis sur une formation qui prépare à l’utilisation des ressources technologiques à des fins pédagogiques d’enseignement et d’apprentissage; trop souvent, c’est une formation uniquement technique qui est offerte aux professionnels de l’éducation et qui se résume, dans bien des cas, à la maîtrise de logiciels d’application. Toutefois, les technologies n’étant pas neutres, comme le soulignent penseurs et philosophes, il y a des enjeux dont l’ensemble du milieu éducatif et les acteurs décisionnels doivent prendre conscience afin que le recours à ces technologies en éducation soit une option bénéfique pour tous, socialement, culturellement et économiquement.65

On peut comprendre cette lacune quand on considère que l’enseignant est souvent désemparé face aux connaissances techniques de ses étudiants qui dépassent les siennes, cependant, « Ce n’est pas la maîtrise technique de l’outil qui fait la spécificité professionnelle de l’enseignant : la spécificité de l’enseignant, sa plus-value dans le système, c’est la maîtrise de l’utilisation pédagogique de l’outil. »66 Clément Laberge va

dans le même sens quand il mentionne que

64 Baillargeon, op. cit., p. 43.

65 Conseil supérieur de l’éducation, «Éducation et nouvelles technologies. Pour une intégration réussie dans l’enseignement et l’apprentissage », CSE – Synthèse rapport annuel 1999-00 [En ligne], (2002),

http://www.cse.gouv.qc.ca/f/pub/rappann/synth00f.htm (Page consultée le 15 janvier 2002) 66 Jean-Marie Sani, « Technologies de l'information et de la communication: vers une virtualisation de

l'enseignement? », Cité des sciences et de l’industrie – Apprendre autrement aujourd’hui ? [En ligne], (1999),

http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/act_educ/education/apprendre/nouvtemps_p2.htm (Page consultée le 30 octobre 2002)

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[…] la maîtrise technique des nouvelles technologies par les enfants ne m’inquiète pas un seul instant. L’école perd son temps en montrant aux enfants à utiliser un logiciel de traitement de texte. Il suffirait de les mettre en contact avec le logiciel dans un cadre stimulant. Je m’intéresse bien plus à ce qui contribue à mettre les enfants en contact avec la culture qui préside au développement de la société numérique, même partielle, m’apparaît indispensable pour éviter d’en devenir un citoyen-consommateur contemplatif.67

Dans la même veine, considérant qu’il y a une industrie qui a beaucoup à gagner d’une informatisation croissante du secteur de l’éducation, le Conseil invite les décideurs politiques et institutionnels à ne jamais perdre de vue que leurs décisions et leurs choix en matière technologique doivent avoir pour objectif fondamental la réalisation de la mission éducative.68

Pour le directeur de la médiation à la Cité des sciences et de l’industrie, Jean-Marie Sani, les TIC peuvent aider à l’atteinte d’objectifs traditionnels et fondamentaux de l’école. Il y a d’abord la recherche d’informations par l’entremise des moteurs de recherche et des ouvrages de référence en ligne. Il y a ensuite la rédaction de synthèse enrichie par l’hypertexte qui permet de créer des documents non linéaires. Enfin, il y a la possibilité d’apprendre à communiquer et travailler à distance,69 mais il y a plus, et c’est au niveau

des valeurs et de la culture numérique que doit s’orienter la formation des enseignants. Les valeurs qui ont toujours été privilégiées en éducation sont plus que jamais d’actualité et doivent jouer un rôle de premier plan dans un contexte d’intégration des technologies : le respect de soi et des autres, l’honnêteté intellectuelle, l’éthique, le discernement, l’esprit d’entraide et de collaboration, etc.70 Il faut joindre à cette série de valeurs la liberté

d’expression qui est, selon Lucien Sfez indissociable de la liberté de pensée : « Kant enjoignait déjà de « penser par soi-même », ce qui exige une éducation. Penser n’est pas

67 Clément Laberge, « Apprendre à penser autrement pour imaginer un monde différent », Les défis du

cybermonde, dir. par Hervé Fisher, Québec, PUL, 2003, p. 85.

68 Conseil supérieur de l’éducation, «Éducation et nouvelles technologies : pour une intégration réussie dans l’enseignement et l’apprentissage », CSE – Panorama – Février 2001 [En ligne], (février 2001),

http://www.cse.gouv.qc.ca/f/pub/panorama/2001-02/ntics.html (Page consultée le 15 janvier 2002) 69 Sani, Virtualisation de l’enseignement ?

http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/act_educ/education/apprendre/nouvtemps_p2.htm

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quelque chose d’inné, cela s’apprend, se conduit selon les règles, s’affine; cela n’a rien à voir avec la liberté d’expression commerciale […]. »71

Il y aurait donc deux façons de former les enseignants à l’utilisation des technologies. Une façon simplement utilitariste où le maître apprend des logiciels vite dépassés et sans vraiment de visées pédagogiques. Mais il y a aussi une deuxième manière où l’enseignant connaît des logiciels et leurs potentiels, mais va encore plus loin en se concentrant sur leur utilisation en contexte pédagogique, obligatoirement en lien avec les finalités de l’éducation, ce qui présuppose un certain nombre de valeur, mais aussi, une bonne connaissance de la culture numérique afin de ne pas tomber dans le piège de « l’agenda caché ».

L’agenda caché : une vision de l’impératif technologique de la

mondialisation

Dans son rapport annuel sur les besoins de l’éducation 2000-2001, le CSE s’est penché sur la question de la gouverne de l’éducation. Deux raisons, à l’échelle internationale, poussent le Conseil à étudier la situation : le désengagement de l’État et l’élargissement des zones de libre-échange. Comme le disait Ronald Reagan : « Government is not part of the solution, it’s part of the problem. ».72 La mondialisation impose, parce que c’est « inévitable » et que

c’est le souhait d’organismes internationaux comme la Banque mondiale, l’organisation du commerce international ou l’OCDE, un modèle de développement qui tend vers l’homogénéisation de la planète. C’est dans ce climat que la libéralisation du commerce va s’immiscer dans des domaines d’action strictement gouvernementale (du moins ici au Canada), soit l’éducation et la santé. Il s’agit de cette mondialisation « inévitable » qui fait entrer ce qui est du domaine du bien commun dans la sphère capitaliste.

71 Lucien Sfez, « Idéologie des nouvelles technologies : Internet et les ambassadeurs de la communication », Le

Monde diplomatique [En ligne], (mars 1999), p. 22-23, http://www.monde-diplomatique.fr/1999/03/SFEZ/11782 (Page consultée le 23 janvier 2003)

72 Conseil supérieur de l’éducation, La gouverne de l’éducation : logique marchande ou processus politique ? Sainte-Foy, Conseil supérieur de l’éducation, 2001, p. 2.

Figure

Figure 1 Cadre conceptuel général de la citoyenneté
Figure 2 Le sens de l'innovation technologique
Tableau 1 Technologie holistique et technologie prescriptive
Figure 3 Cadre conceptuel général de la cybercitoyenneté
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