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Une étude du lien entre la productivité et la bienfaisance des entreprises : une présentation des données provenant d'une expérience sur terrain de l'industrie sylvicole en Colombie-Britannique

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Academic year: 2021

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Une étude du lien entre la productivité et la bienfaisance

des entreprises

Une présentation des données provenant d’une expérience sur

terrain de l’industrie sylvicole en Colombie-Britannique

Mémoire

Stephen Spence

Maîtrise en économique

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

Cette étude cherche à mesurer l’importance du lien entre la bienfaisance d’un employeur et la productivité de ses travailleurs. Cet objectif est atteint à l’aide d’un modèle fondé dans la théorie classique et s’inspire par la suite de la littérature des préférences sociales. Plusieurs expériences ont réussi à démontrer l’existence d’un lien entre la productivité et la bienfaisance de l’employeur, mais rarement dans un environnement où cette bienfaisance est imposée de façon exogène. Par voie d’une expérience effectuée sur un échantillon d’étudiants, une étude de Tonin et Vlassopoulos (2013) s’est confrontée à ce défi. Leurs résultats suggèrent que la bienfaisance d’un employeur a un effet positif sur la productivité, mais ceci n’est pas démontré dans l’environnement de travail. L’expérience discutée lors de ce document comble donc le fossé. Le lien en question est évalué en concevant d’une expérience sur le terrain d’une entreprise de reboisement en Colombie-Britannique. Les travailleurs de l’entreprise sont observés sous trois conditions salariales, dont une s’agit du salaire à la pièce ordinaire, une s’agit du salaire à la pièce ordinaire plus une prime pécuniaire, et une s’agit du salaire à la pièce ordinaire plus une prime qui est versée à un organisme de bienfaisance du choix du travailleur. Selon les données recueillies, les travailleurs ont été plus productifs lorsque leur employeur a promis de faire des dons de bienfaisance, mais ont été moins productifs lorsqu’un prime salaire leur a été accordé. Par contre, ces résultats deviennent insignificatifs avec l’inclusion des variables de contrôle pour les conditions météorologiques. Les données analysées ne permettent d’établir un lien entre ni la rémunération ni la bienfaisance de l’employeur. Les changements imposés par l’expérience conçue par ce mémoire ne sont pas suffisants pour surmonter les chocs quotidiens de l’environnement du travail.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

I. Revue de littérature ... 5

Analyses d’autres disciplines ... 5

Analyses économiques ... 7

II. L’industrie de la plantation d’arbres ... 11

III. L’expérience ... 13

IV. Le modèle ... 15

Préférences financières ... 15

Préférences sociales ... 18

V. Les données ... 21

VI. Analyses économétriques ... 25

VII. Discussion ... 29

Conclusions ... 31

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Liste des tableaux

T

ABLEAU

III.1 :

C

ALENDRIER EXPÉRIMENTAL

... 14

T

ABLEAU

V.1 :

S

TATISTIQUES DE LA PÉRIODE DE CONTRÔLE

... 22

T

ABLEAU

V.2 :

S

TATISTIQUES DE LA PÉRIODE DURANT LAQUELLE LA PRIME SALARIALE EST EN VIGUEUR

... 22

T

ABLEAU

V.3 :

S

TATISTIQUES DE LA PÉRIODE DURANT LAQUELLE L

EMPLOYEUR FAIT DES DONS DE

BIENFAISANCE

... 23

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Remerciements

Je voudrais tout d’abord remercier mon directeur de recherche, Bruce Shearer, pour tout son travail passionné et pour son dévouement à mon projet. Sans son encouragement et sa curiosité intellectuelle, je serai sans doute certainement toujours perdu dans le vaste champ de la littérature académique économique.

I would first and foremost like to thank my research supervisor, Bruce Shearer for his passionate work et his dedication to my project. Without his encouragement and intellectual curiosity, I would most certainly still be wandering aimlessly in the vast field of economic research.

J’aimerais aussi remercier mes parents, Kim et Don Spence, ma sœur Katelin, mes grands-parents, toutes mes tantes et tous mes oncles, et bien ma famille entière pour l’immense quantité d’amour et de soutien démontrée au cours de ma carrière académique. Leur présence m’a aidé énormément dans mon apprentissage et m’a aidé à surmonter plus de défis que je peux imaginer.

I would also like to thank my parents, Kim and Don Spence, my sister Katelin, and my entire family, for the immense love and support they have shown throughout my academic career. Their presence has helped me learn in more ways than I can count and has helped me overcome more difficulties than I likely realize.

Je remercie également Jean-Paul Comeau, qui a gracieusement accepté de relire et corriger ce mémoire au complet.

I also extend a heartfelt thanks to Jean-Paul Comeau, who graciously accepted to read and correct the entirety of this document.

Finalement, à tous mes collègues aux études, votre amitié et votre soutien moral sont énormément appréciés. Je vous remercie pour le temps que nous avons passé ensemble et je vous souhaite un excellent avenir.

Finally, to all my student colleagues, your friendship and moral support are immensely appreciated. I thank you all for the time we spent together and I wish you an excellent future.

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Introduction

En 2011, Walmart, le plus grand employeur aux États-Unis, a versé 4,5 % de ses profits avant impôts aux organismes de bienfaisance (Smith J. , 2013). Walmart n’est pas la seule entreprise à réaliser des dons aux organismes de bienfaisance. Ainsi, chaque année au Canada, les entreprises accordent en moyenne dix milliards de dollars aux organismes de bienfaisance, ce qui représente près de 1,2 % des profits totaux avant impôts (Statistique Canada, 2012). Cependant, l’entreprise est motivée par la réalisation de profits positifs. Dès lors, ces dons ne s’expliquent que de deux façons. La première explication postule que les dons de bienfaisance stimulent la demande en agissant comme un mécanisme publicitaire en faveur de l’entreprise permettant ainsi d’influencer positivement ses profits. La deuxième explication postule que la productivité du travail est positivement influencée par la bienfaisance des entreprises. Pour la plupart des firmes, le coût du travail représente la part la plus importante dans les dépenses de l’entreprise (Brauer, 1997). Il convient donc d’étudier les facteurs qui influencent le coût du travail. Ce mémoire essaie d'évaluer le lien entre les dons de bienfaisance des firmes et la productivité de ses travailleurs.

Plusieurs mécanismes expliquent pourquoi l’entreprise effectue des dons, ce qui complique l’étude des retombées économiques des dons de bienfaisance par les entreprises. Premièrement, des mesures incitatives fiscales sont accordées aux entreprises qui réalisent des dons de bienfaisance dans plusieurs pays (Navarro, 1988), ainsi que dans l’ensemble du Canada (Agence du revenu du Canada, 2014). Une firme peut alors effectuer un don de bienfaisance afin de réduire la quantité d’impôts à payer et augmenter les dividendes versés aux actionnaires. Deuxièmement, il a été constaté que les consommateurs sont plus susceptibles d’acheter les produits d’une firme qui se montre généreuse (Dean, 2013) (Baruch, Petrovits, & Suresh, 2010). Troisièmement, les dons de bienfaisance permettent d’augmenter l’attrait d’une firme sur le marché de travail, ce qui lui accorde un pouvoir de marché par rapport à ses concurrents à l’embauche des nouveaux employés, comme démontré par Bhattacharya, Sen et Korschun (2008). Finalement, il se peut que les dons de bienfaisance par les entreprises encouragent les travailleurs déjà embauchés par la firme à être plus productifs. Très peu d’études réussissent cependant à identifier l’importance de ces quatre causes. Les études d’Edmans (2012), de Shen et Benson (2014), et d’Haslam, Powell, et Turner (2000) démontrent que les entreprises qui font des dons de bienfaisance ont une main-d'œuvre plus productive, mais parmi les quatre des facteurs énumérés, la cause précise n’a pas été isolée. L’objectif du présent document est donc de déterminer si les travailleurs exercent un plus grand effort lorsque leur employeur réalise des dons de bienfaisance.

À l’aide de sondages, d’études de données recueillies de la réalité, et d’études de cas, plusieurs enquêtes se sont attelées à cette question. Pourtant, un problème persiste dans ce type d’analyses à cause la présence

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d’endogénéité des dons de bienfaisance. La firme, en choisissant un niveau de réalisation de bienfaisance, connaît les multiples effets qui peuvent découler de sa décision et peut alors être incitée à effectuer des dons de bienfaisance afin d’engranger plus de profits. Ainsi, les données provenant d’observations réelles ne peuvent identifier si la productivité est fonction des dons de bienfaisance, ou si les dons de bienfaisance sont fonction de la productivité, ou encore si les deux hypothèses sont vraies. Une étude très similaire à celle présentée dans ce mémoire a été réalisée afin de déterminer l’effet des causes sociales sur la productivité (Tonin & Vlassopoulos, 2013). Tonin et Vlassoupoulos tiennent compte, grâce à l’utilisation de différentes méthodes discutées dans la section suivante, de la bienfaisance des entreprises rencontrée fréquemment dans d’autres études. Par contre, la robustesse de ces résultats à la généralisation des situations non expérimentales et concrètes dans l’environnement du travail n’est pas assurée. Ce mémoire comble ce fossé en reproduisant l'expérience dans le marché du travail.

Cette tâche est accomplie à l’aide d’une expérience réalisée sur le terrain d’une entreprise de reboisement en Colombie-Britannique. Nous pouvons observer le comportement des travailleurs de la firme en question et réaliser des analyses contrefactuelles en cherchant à modifier et étudier les changements de certaines conditions de travail. Nous concevons une expérience dans laquelle les conditions de travail des ouvriers sont changées à deux reprises. La première modification concerne l’introduction d’un régime de dons de bienfaisance de la part de l’entreprise. L’autre expérimente la hausse salariale dans le but d’encadrer la réaction des travailleurs face au premier changement. L’expérience est conçue de sorte à s'assurer que les dons de bienfaisance des entreprises sont exogènes, ce qui permet de régler les problèmes intrinsèques d’identification de la méthode des sondages, et de s'assurer que les résultats sont généralisés pour tout type de firmes.

Au-delà des avantages du cadre expérimental, l’industrie sylvicole satisfait plusieurs conditions nécessaires pour l’analyse du comportement des travailleurs. La production est facilement mesurée et attribuée à un travailleur, les tâches sont répétitives et prennent un effort constant sans égard à l’ancienneté du travailleur, et le travail est simple et n’est pas multitâche. En présence de ces conditions, il est possible d’obtenir des données fiables qui mettent en exergue l’effet des dons de bienfaisance d’un employeur sur la productivité de ses travailleurs.

Durant la période d’observation du travail des ouvriers, diverses conditions climatiques sont observées, ce qui complique les analyses. Effectivement, l’estimation est biaisée entre deux périodes d’observations suite à ces changements climatiques. Une estimation économétrique est donc conçue et présentée. Selon les données observées, il n’est pas possible de conclure sur la présence ou non d’un lien entre les dons de bienfaisance

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d’une entreprise et la productivité de ses travailleurs. Néanmoins, la réalisation de ce processus d’analyse permet d’effectuer une présentation d’améliorations possibles pour toute analyse future.

Nous allons donc nous interroger sur la décision des firmes de donner une part de leur profit aux organismes de bienfaisance. L’évaluation des effets des dons de bienfaisance par un employeur se déroule dans sept sections :

I. Nous effectuerons une revue de la littérature

II. Suivie d’une discussion sur la provenance des données et de l’industrie d’où sont issues ces données ;

III. Ainsi que d’une description du (modèle) dispositif expérimental ; IV. Une analyse théorique ;

V. Une analyse statistique des données utilisées dans la présente étude ; VI. Un exposé des analyses économétriques ; et

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I. Revue de littérature

L’intérêt dans le domaine de l’effet de la bienfaisance des entreprises sur la productivité n’est pas nouveau. En effet la responsabilité sociale des entreprises fût le sujet des études de plusieurs domaines, chacune avec sa propre approche. En ressources humaines, l’analyse s’effectue généralement à l’aide d’un sondage d’employeurs et d’employés. En psychologie, les études de cas sont populaires. Finalement, en sciences économiques, le lien entre les préférences sociales et la productivité des travailleurs a été moins étudié, mais l’intérêt s’est accru au cours des dernières années. Ce mémoire résume brièvement les études des autres domaines dans cette section avant de procéder d’abord à un exposé de la fondation théorique de la bienfaisance des entreprises et ensuite à une analyse plus profonde des études de ses effets sur la productivité des travailleurs.

Analyses d’autres disciplines

En 1943, Abraham Maslow, a publié sa théorie de la hiérarchie des besoins (1943) suggérant que les humains désirent plus que la consommation personnelle. Les idées de Maslow sont à la base une alternative à la structure de motivation proposée par F.W. Taylor, qui postule que la productivité soit le résultat d'une fonction du lien mental entre l'action et la récompense. Selon Taylor, un lien plus fort génère plus de productivité (Haslam, Powell, & Turner, 2000). Maslow fut alors un des premiers à modéliser les préférences de bienfaisance des travailleurs en postulant que les humains sont motivés à satisfaire les besoins. La hiérarchie de Maslow propose que la satisfaction de ces besoins commence par les besoins physiologiques et finisse par les besoins émotionnels.

La société développée consiste surtout en des travailleurs ayant satisfait les besoins primordiaux. Il leur reste à satisfaire les besoins que Maslow a nommé les besoins d’ordres supérieurs (Haslam, Powell, & Turner, 2000). Au travail, la théorie de l’identité sociale englobe plusieurs aspects du comportement des travailleurs qui cherchent à satisfaire les besoins d’accomplissement de soi, d’estime, et d’appartenance. La théorie de l’identité sociale est définie comme étant « la partie du concept de soi de l’individu dérivée à partir de ses connaissances de son rôle dans des groupes sociaux couplées avec l’importance émotionnelle de ce rôle » (Tajfel, 1974, p. 69). Elle stipule que les travailleurs seraient plus productifs s’ils considèrent leur employeur avec fierté et respect. La validité de cette théorie est confirmée par les études empiriques (Haslam, Powell, & Turner, 2000). Ces sentiments pourront se produire lors des efforts des entreprises à améliorer leur image à l’externe, notamment par les dons aux organismes de bienfaisance.

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Cet effet psychologique est également noté dans la littérature de gestion, où la responsabilité sociale des entreprises est examinée. Dans une étude publiée en 2012, Edmans note que cet effet a d’abord été quantifié comme étant négligeable, mais les études récentes démontrent des corrélations plus importantes entre la responsabilité sociale de la firme (et ainsi la perception des employés) et la performance. Dans ce même papier, il observe une corrélation de 30 % avec la responsabilité sociale des entreprises en employant la valeur de la firme comme variable proxy pour la productivité (Edmans, 2012). Plusieurs études conclurent que les employés qui déclarèrent (à partir des sondages) une identification plus forte avec leur entreprise étaient plus productifs et que cette identification était plus forte en présence des initiatives de responsabilité sociale. Cette hausse de productivité est motivée non seulement par l’effort, mais aussi par la performance contextuelle, qui consiste en l’exécution des tâches non incluses dans la description habituelle de l’emploi (Shen & Benson, 2014). Autrement dit, les employés sont plus enclins à travailler au-delà des attentes.

Un sondage réalisé par Shen et Benson sur des travailleurs en Chine confirme la validité des théories psychologiques. Des questions sont posées afin de déduire le niveau de productivité du travailleur, le soutien de l’employeur, et le niveau d’investissement en responsabilité sociale de l’entreprise. À partir des résultats, ils concluent qu’au niveau individuel du travailleur ainsi qu’au niveau agrégé, la responsabilité sociale augmente la productivité des employeurs de deux façons. Premièrement, elle augmente l’identification sociale avec l’entreprise, ce qui incite les travailleurs à travailler plus fort. Deuxièmement, l’identification avec l’entreprise fait en sorte que les employés sont plus disposés à accomplir les tâches qui sont au-delà des exigences normales de l'emploi (Shen & Benson, 2014). En plus de soutenir les théories, cette étude aide à l’interprétation d’une étude d’Edmans.

En analysant les firmes qui sont considérées « les meilleurs employeurs », Edmans démontre que les firmes ayant des employés heureux gagnent un rendement significativement plus élevé. Il est donc capable de conclure que la satisfaction professionnelle affecte positivement les profits (Edmans, 2012). Puisque la sagesse psychologique précise que la satisfaction professionnelle implique des préférences émotionnelles (Shen & Benson, 2014), ces résultats soutiennent les prévisions théoriques ainsi que les conclusions de Haslam, Powell, et Turner en 2000, ainsi que celles des études économiques, comme Tonin et Vlassoupoulous en 2013.

L’expérience de Haslam, Powell, et Turner, similaire à la méthodologie de Shen et Benson, consiste en un sondage des employés australiens. Selon les résultats obtenus, ils conclurent que l’identification sociale avec une entreprise favorise fortement un accroissement de la productivité des travailleurs. Selon les auteurs, cette conclusion se manifeste à partir d’un désir de l’individu de s’améliorer. Ce désir est rassasié en réalisant les désirs du groupe, qui sont également les désirs de l’individu.

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Le développement des connaissances psychologiques et économiques dans ce sujet mène à la conclusion que les dons aux organismes de bienfaisance de la part des entreprises sont rentables, que ces dons peuvent s’expliquer par le fait qu’ils génèrent plus de recettes que ce qu'ils coutent. Bien que les analyses résumées soient encourageantes, aucune d’entre elles ne peut confirmer que la bienfaisance entraîne un plus grand effort chez les employés. C’est alors crucial que la recherche dans ce domaine continue à se développer.

Analyses économiques

Le désir de la part de la direction de générer du profit constitue la plus crédible source de la bienfaisance des entreprises. Ce qui suit est un sommaire de la théorie économique entourant la bienfaisance des entreprises et des études de l’importance des influences de celle-ci sur la productivité des ouvriers.

Que les firmes cherchent à maximiser le profit est une hypothèse clé de l’économique. À cette fin, Navarro dit que les dons des firmes relèvent soit du désir d’augmenter les revenus, de réduire les dépenses, ou de réduire le fardeau fiscal (Navarro, 1988). Son article postule que la bienfaisance d’une entreprise aurait un effet négatif sur l’élasticité de demande des produits d’une firme. D’un point de vue des coûts de l’entreprise, Navarro se concentre sur la théorie des choix d’occupations. Comme le modèle de Rosen (1986), Navarro suggère que les travailleurs choisissent entre les emplois par des aspects pécuniaires, ainsi que non pécuniaires. Un travailleur accepterait un salaire moins élevé si celui-ci est compensé par des avantages non pécuniaires (Navarro, 1988). Ces hypothèses sont cohérentes avec les études de Edmans, de Haslam, Powell, et Turner, et à la base de Maslow par l’idée que les préférences des travailleurs soient plus complexes que la consommation personnelle.

Par contre, la théorie économique ne prévoit pas de changement d'utilité – et donc pas de changement de comportement – résultant des dons de bienfaisance. Les modèles économiques classiques présument que l’utilité d’un agent est générée à partir de sa propre consommation, ce qui n’est pas affecté par un don de bienfaisance par l'employeur. Cependant, cette définition laisse une partie majeure de la consommation inexpliquée, incluant les actes d’altruisme ou de jalousie. Au cours des dernières années, les chercheurs s’intéressent de plus en plus à ce qui se nomme préférences sociales. L’existence des préférences sociales implique que l’utilité d’un individu peut être influencée non seulement par son propre niveau de consommation, mais aussi par le niveau de consommation des autres. Comme disent Fehr et Schmidt :

Classical utility theory assumes that a decision maker has preferences over allocations of material outcomes (e.g. goods) and that these preferences satisfy some “rationality” or “consistency” requirements, such as completeness and transitivity. However, this fairly general framework is often interpreted much more narrowly in applications, by implicitly assuming that the decision maker only cares about one aspect of an allocation, namely the material resources

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that are allocated to her. Models of social preferences assume, in contrast, that the decision maker may also care about the material resources allocated to others (2006, pp. 637-638).

Généralement, la fonction d’utilité pour un individu 𝑖 (c’est-à-dire 𝑈𝑖) dans une population de 𝑁 individus ne dépend que de son propre niveau de consommation, 𝑥𝑖. La dérivée de 𝑈 par rapport à la consommation des autres serait nulle, comme représenté par l’équation (I.1) :

𝑑𝑈𝑖(𝑥1, 𝑥2, … , 𝑥𝑁)

𝑑𝑥𝑗 = 0, ∀ 𝑗 ≠ 𝑖 (I.1)

Selon la théorie des préférences sociales, l’individu 𝑖 démontre des préférences sociales si (I.1) ne tient pas pour au moins un 𝑗 ≠ 𝑖 (Fehr & Schmidt, 2006). Une telle perturbation de la théorie classique peut se produire en raison de plusieurs curiosités de préférences, incluant l’altruisme ou l’aversion pour l’inégalité.

L’analyse de l’effet de la bienfaisance sur la productivité du travail concerne l’altruisme. Selon Fehr et Schmidt, un individu est considéré altruiste si sa fonction d’utilité est strictement croissante dans son domaine (Fehr & Schmidt, 2006), c’est-à-dire que pour tout individu 𝑗, une augmentation du niveau de consommation engendre une augmentation de l’utilité de 𝑖, 𝑈𝑖 :

𝑑𝑈𝑖(𝑥1, 𝑥2, … , 𝑥𝑁)

𝑑𝑥𝑗 > 0, ∀ 𝑗 ≠ 𝑖 (I.2)

De différentes spécifications circulent autour du nom et de la description de (I.2), mais l’identification exacte de la forme fonctionnelle n’est pas ciblée par ce mémoire.

Puisque les dons de bienfaisance individuels et corporatifs sont souvent observés en réalité, l’importance de l’analyse de l’hypothèse d’indépendance de l’utilité d’un individu des niveaux de consommation des autres est déjà apparente. Ces dons impliquent une hausse d’utilité et indiquent qu’un don de la part d’une entreprise peut influencer la productivité des travailleurs par les mécanismes décrits par Navarro. Effectivement, la présence des préférences sociales a été documentée dans des études empiriques dans plusieurs façons différentes.

Dans le cadre d’une expérience du jeu du dictateur, Andreoni et Miller trouvent des indications en faveur des préférences sociales (Andreoni & Miller, 2002). Lors de cette expérience, un individu se voit accorder un montant de richesse qu’il doit par la suite distribuer à ces collègues (Forsythe, Horowitz, Savin, & Sefton, 1994). Un individu prend près de l’entièreté des richesses en l’absence des préférences sociales, ce qui s’avère le cas pour une proportion de 22,7 %. Pourtant, une proportion significative démontre des comportements non égoïstes. Les résultats expérimentaux affirment que 14 % des individus distribuent les

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richesses de façon égalitaire et 6 % distribuent les richesses aux personnes qui présentent la meilleure valeur de remboursement. La somme de ces trois groupes, soit 43 %, représente la proportion des observations qui présentent des préférences qui peuvent être justifiées par des fonctions d’utilité strictement croissantes (Andreoni & Miller, 2002). Bien que l’altruisme n’explique pas l’effet total de la non-monotonie des préférences de certains individus, la vérité demeure qu’il existe une proportion non négligeable de personnes généreuses pour lesquelles les préférences peuvent être décrites par une fonction strictement croissante.

Le complémentaire de la proportion de préférences rationnelles, soit 57 %, s’avère très similaire aux résultats des études comparables. Ces individus ne sont pas uniquement concernés ni par l’inégalité, ni par leurs propres niveaux de consommation, ni par un potentiel de rendement, mais accordent toutefois des richesses aux autres. Korenok et collaborateurs suggèrent que cette proportion pourrait s’élever à deux tiers dans une extension des travaux d’Andreoni et Miller (2013). Le principe de monotonie implique qu’une unité de richesse marginale donnée à un individu engendrerait une augmentation de son utilité. Pourtant, pour un individu de la classe moyenne, il est difficile d’imaginer comment cette unité marginale donnée aux riches produira une hausse du niveau d’utilité. Il est donc possible que les agents économiques aient une aversion à l’inégalité. Quoique les fonctions d’utilité sont typiquement présumées strictement croissantes, en présence d’une aversion pour l’inégalité, une fonction d’utilité peut démontrer des non-monotonies (c’est-à-dire des régions où les dérivées ne sont pas positives). Pour l’individu qui présente ces préférences, la fonction d’utilité sera croissante à un rythme décroissant, ou même croissante pour les agents plus pauvres et décroissante pour ceux qui sont plus riches.

La raison pour des dons de bienfaisance relève souvent d’un désir des individus de réduire l’inégalité. Certaines études ont pu mesurer une telle aversion pour l’inégalité dans un environnement expérimental, bien que ce ceci soit avéré difficile. Dans une expérience de contributions volontaires, un individu n’augmente sa contribution à l’achat d’un bien public théorique que lorsque les contributions des autres participants sont plus importantes (Ashley, Ball, & Eckel, 2010). Engelmann et Strobel contestent toutefois que ces résultats se confondent avec l’aversion pour l’inefficacité, car les participants cherchent à minimiser les pertes sèches potentielles (2004).

Pourtant, c’est l’expérience de Navarro qui démontre le mérite dans l’étude de l’effet de la bienfaisance des entreprises sur la productivité. En se servant d’une base de données d’un sondage de firmes américaines, il conclut que la maximisation du profit est un objectif clé de la bienfaisance des entreprises et que l’atteinte de cet objectif se réalise par des aspects non pécuniaires (Navarro, 1988). Cette étude globale se concentre très peu sur la cause de la réduction des coûts advenant d’une bienfaisance au sein de l’entreprise. À partir des résultats de cet article, il n’est pas possible d’identifier si cette baisse de dépenses se réalise uniquement à

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long terme, par l’attrait d’une main-d’œuvre moins couteuse, ou immédiatement, par une main-d’œuvre plus productive. L’étude de cette question est possible avec des données expérimentales, comme celles examinées par ce mémoire.

Une étude faite par Tonin et Vlassopoulos, utilisant un modèle expérimental, peut servir de base de comparaison pour les résultats de ce mémoire. Exécutée sur un échantillon d’étudiants bénévoles de l’Université de Southampton en Angleterre, l’étude se déroule en demandant aux sujets de remplir des notices bibliographiques. Comme compensation après avoir complété la tâche, ils ont reçu un montant fixe, plus un surplus par notice correctement entrée. Les participants sont placés de façon aléatoire dans un des quatre groupes, soit un groupe de contrôle et trois groupes expérimentaux. Les quatre groupes doivent tous compléter quatre sessions, chaque session ayant un traitement différent (Tonin & Vlassopoulos, 2013). Pour chaque groupe, la première session consiste de la compensation ayant le taux normal. Pendant les sessions 2, 3, et 4, le groupe de contrôle reçoit toujours le taux normal, tandis que les groupes expérimentaux sont payés chacun selon une planification différente. La planification du groupe 2 est conçue pour déduire la courbure de la fonction du coût de l’effort, le groupe 3 pour observer la différence entre les dons de somme forfaitaire et des montants proportionnels, et le groupe 4 pour observer la grandeur de l’effet marginal.

Selon les résultats obtenus, ils en tirent les conclusions pertinentes suivantes (Tonin & Vlassopoulos, 2013) :

1. À partir des dons aux organismes de bienfaisance de la part des entreprises, des hausses de productivité sont observées;

2. Peu importe la grandeur du don, la productivité s’accroît de 20 %; et

3. Les travailleurs productifs ont tendance à maintenir un niveau constant de la productivité, tandis que les travailleurs moins productifs augmentent la productivité.

Ses conclusions sont cohérentes avec celles observées dans d’autres analyses. La prochaine section de ce mémoire traite d’un survol de l’industrie de la plantation d’arbres en Colombie-Britannique afin que la suivante puisse traiter de l’expérience développée qui vise la correction des problèmes exposés.

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II. L’industrie de la plantation d’arbres

Afin de bien observer le comportement des travailleurs, ce mémoire se sert d’une base de données provenant d’une entreprise sylvicole en Colombie-Britannique. L’industrie sylvicole dans cette province est la plus importante de toutes les provinces canadiennes et compte une main d’œuvre 40% étudiante et 60% masculin (Luke, 2014). Elle a une saison ouvrière plus longue qu’ailleurs au Canada durant la période non hivernale, grâce au climat plus tempéré de la région. Puisque l’analyse exécutée par ce mémoire se déroule dans le contexte sylvicole, cette section vise la description de cette industrie.

La journée d’un planteur commence très tôt, quand il est transporté au chantier avec ses collègues. L’employeur gère les déplacements de ses travailleurs entre les chantiers de travail et les camps de logement, donc le nombre d’heures travaillées n’est pas choisi par l’individu. La durée de la journée de travail est exogène et fixée à 10 heures par jour, sauf en cas d’accident, maladie, ou autre interruption. Toutefois, l’intensité de travail peut varier selon le choix du travailleur à l’égard de son effort.

Le travail des ouvriers est simple, mais nécessite beaucoup d’effort physique. Le travailleur doit trouver un endroit propice à la croissance de l’arbre et le dégager de tout débris. Par la suite, un trou est creusé dans la terre. Finalement, le travailleur place l’arbre dans le trou avant de le remplir et se déplacer au prochain endroit de plantation. Il n’y a que très peu d’apprentissage au travail, ni de travail en équipe. La difficulté du terrain peut varier de chantier en chantier et, plus le terrain est difficile plus le taux de salaire à la pièce est élevé (Paarsch & Shearer, 1999). Un chantier est une zone de terrain assez grande sur laquelle quelques planteurs peuvent travailler en même temps. De plus, en raison du fait que le chantier est ouvert aux éléments, le temps peut avoir un grand effet sur les tâches à effectuer.

Deux terrains du même niveau de difficulté ont le même taux de salaire à la pièce. Pour un terrain donné, la rémunération du planteur est alors le produit de son taux de salaire à la pièce et du nombre d’arbres plantés. La base de données analysée par ce mémoire ne contient que des observations provenant des terrains dont le taux de salaire à la pièce est constant, c’est-à-dire que la difficulté du terrain est constante.

Plusieurs facteurs intrinsèques du monde de travail peuvent compliquer l’évaluation du lien de la bienfaisance dans un environnement expérimental. Pour plusieurs raisons, la productivité n’est souvent pas mesurée très précisément. Un avantage des données provenant de l’industrie sylvicole est l’existence d’une mesure directe et précise de la productivité du travail en face des changements de la bienfaisance de l’entreprise.

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l’effort fourni résulte en production de façon fiable. Avec la base de données utilisée, ces exigences sont satisfaites. Ainsi, la section suivante procèdera à une description de l’expérience exécutée.

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III. L’expérience

Les données de cette étude proviennent d’une expérience sur terrain d’une entreprise de sylviculture en Colombie-Britannique en 2012. La période d’observation commence le 27 mai et termine le 15 juin. Trente-six planteurs d’arbres sont observés sous une variété de différentes conditions salariales afin de construire des groupes de contrôle et expérimentaux. La présente section présentera un portrait de l’expérience exécutée.

L’entreprise déclare le nombre d’arbres plantés, le nombre d’heures travaillées, et le taux de salaire. Tout travailleur est rémunéré un montant donné par arbre planté sans limites maximale ou minimale (à court terme1). Le panel est non balancé par le fait que certains travailleurs ne travaillent pas pendant certains jours

et les raisons pour ces absences ne sont pas indiquées. Outre les données fournies par l’entreprise, des données par rapport à la quantité de précipitation, la température maximale, moyenne, et minimale sont obtenues d’Environnement Canada. Chacune des variables est disponible en forme continue.

La période expérimentale compte trois parties. Le traitement de contrôle comprend une période de paie habituelle. Cette période est suivie d’une période durant laquelle l’employeur fait des dons de bienfaisance en fonction de la productivité de ses travailleurs. Quelques jours de paie habituelle séparent ce traitement du troisième, soit une période durant laquelle le salaire à la pièce est plus élevé par rapport aux conditions de contrôle. Après cette période, le régime de rémunération des travailleurs retourne au normal. Le calendrier de ces périodes est présenté au Tableau III.1.

En période de contrôle, les travailleurs sont observés dans un environnement où l’employeur n’accorde ni une hausse salariale, ni un don de bienfaisance. Ils reçoivent le taux de salaire à la pièce normalement associé à leur emploi. Ce taux de salaire est de 20 cents par arbre planté et sert de point de référence.

Le 1 et le 2 juin, l’expérience impose un environnement dans lequel chaque travailleur se voit accorder une hausse du salaire à la pièce. Cette hausse exogène de 3 cents par arbre planté, ou 15 %, mesure la réaction expérimentale à des incitatifs privés.

Le troisième traitement est une période de deux jours durant lesquels l’entreprise promet de faire un don de 3 cents par arbre planté à l’organisme de bienfaisance du choix du travailleur. Cette période se nommera

1 Un employé qui ne plante pas suffisamment pour atteindre le salaire minimum de façon consistante pour une

journée de dix heures est congédié par la firme. Pourtant, toute quantité d’arbres plantés est permise à court terme.

(24)

14

dorénavant « le traitement de bienfaisance » ou « la période de bienfaisance ». Ce traitement est appliqué le 27 et 29 mai pour certains travailleurs, soit le Cohorte 1, et le 30 et 31 mai pour d’autres, soit le Cohorte 2. Puisque le montant du don est identique au montant de la hausse du salaire à la pièce, toute différence de comportement entre ce traitement et le deuxième traitement de la prime salariale décrit au paragraphe précédent relève des préférences de bienfaisance du travailleur par rapport à son employeur, toutes autres choses étant égales. L’expérience assure l’exogénéité de la bienfaisance par le fait que l’application de ce traitement ne provient pas du choix de l’entreprise, mais des meneurs de l’expérience.

Tableau III.1 : Calendrier expérimental

La conception expérimentale est donc d’observer les travailleurs sous deux conditions. Lors du traitement de la prime salariale, le salaire augmente de 15 %. Lors du deuxième traitement, un montant égal à 15 % du salaire est versé à un organisme de bienfaisance choisie par le travailleur. Par rapport au comportement initial durant la période de contrôle, une hausse d’arbres plantés durant les deux périodes est anticipée. En principe, tout changement de comportement par rapport à la situation initiale peut être attribué aux traitements expérimentaux et peut être également généralisé au monde du travail. Contrairement aux études existantes, ceci est possible puisque la bienfaisance n’est pas choisie par la firme et parce que l’expérience déroule sur le terrain de travail des ouvriers. Les prochaines sections procèderont au développement du modèle économique et économétrique afin d’évaluer ces prénotions.

Date

Cohorte 1

Cohorte 2

27 mai Traitement de bienfaisance Aucun traitement

28 mai Aucun traitement Aucun traitement

29 mai Traitement de bienfaisance Aucun traitement

30 mai Aucun traitement Traitement de bienfaisance

31 mai Aucun traitement Traitement de bienfaisance

1 juin Traitement de la prime salariale Traitement de la prime salariale 2 juin Traitement de la prime salariale Traitement de la prime salariale

(25)

IV. Le modèle

La présente section développe un modèle théorique économique qui permettra d’analyser le comportement des travailleurs sous différentes conditions de travail. Il est nécessaire de modéliser le changement des conditions pécuniaires ainsi que les conditions non pécuniaires de l’environnement de travail. La section est donc divisée en deux parties : la première s’inspire de la théorie d’utilité classique alors que la deuxième généralise cette théorie afin de capter la présence de la bienfaisance de l’entreprise introduite par l’expérience.

Préférences financières

Habituellement, seules les conditions pécuniaires de l’environnement de travail varient. Le modèle développé et les analyses présentées dans ce mémoire s’appuient donc sur ce type de modèle avant de bâtir un modèle augmenté par la suite. La variation des conditions salariales qui caractérisent la relation entre l’employeur et l’employé se déroule souvent en présence d’une asymétrie d'information. L’employeur ne dispose d’aucun outil lui permettant de forcer un effort élevé de son travailleur et cet effort est souvent couteux à observer. Alors, cette relation entre travailleur et employé constitue un aléa moral, dans lequel un individu (le principal) a un intérêt dans l’action inobservée d’un autre (l’agent). En présence de cet aléa moral, l’employeur souhaite la conception d’une solution qui incite un agent à entreprendre l’action désirée. Ce problème constitue le problème du principal-agent (Jehle & Reny, 2011).

La nature choisit d’abord les paramètres de la nature, 𝜇𝑠 et de 𝜎2, qui sont hors du contrôle du travailleur.

Ces valeurs représentent respectivement la difficulté moyenne d’un terrain de reboisement de type 𝑠, qui sera normalisée à 0, et la variance autour de cette moyenne. Ensemble, ces paramètres définissent la distribution du choc aléatoire 𝑆 sur la productivité d’un travailleur. La productivité du travailleur, 𝑌, est alors défini par l’équation (IV.1) :

𝑌 = 𝑆 + 𝑒, 𝑆~𝑁(0, 𝜎2) (IV.1)

La firme observe ces paramètres avant de spécifier la fonction salariale de la forme 𝑤(𝑌) = 𝛼 + 𝛽𝑌 afin de maximiser la productivité du travailleur. Le modèle développé par ce mémoire suppose qu’il n’y a pas de

(26)

16

paiement fixe2, c’est-à-dire que 𝛼 = 0. Le salaire du travailleur est le produit de sa production, soit le nombre

d’arbres plantés, et du taux de salaire à la pièce :

𝑤(𝑌) = 𝑟 ∗ 𝑌 (IV.2)

Le travailleur observe ensuite les paramètres de la nature, ainsi que le contrat offert par la firme et accepte (ou rejette) le contrat avant d’être assigné à un terrain particulier. Une fois qu’il a accepté le contrat, le planteur observe la réalisation du choc aléatoire 𝑆 et choisit son niveau d’effort qui produit un rendement 𝑌, comme présenté à l’équation (IV.1). Finalement, la firme paie le travailleur le montant exigé par la fonction salariale définie par l’équation (IV.2).

L’utilité de tout individu dépend positivement de son salaire et négativement de son niveau d’effort. La nature physique du travail des planteurs d’arbres implique qu’il devient de plus en plus déplaisant de travailler au cours de la journée. Plus un travailleur exerce de l’effort, plus son coût est élevé. Ce modèle suppose donc que la désutilité de l’effort est croissante à un taux croissant, c’est-à-dire que la fonction du coût d’effort, 𝑐(𝑒) est convexe. La fonction d’utilité qui représente les préférences du travailleur est spécifiée à l’équation (IV.3) :

𝑈(𝑤, 𝑒) = 𝑤(𝑌) − 𝑐(𝑒) (IV.3)

Le travailleur maximise l’espérance de son utilité en choisissant son niveau d’effort :

𝑚𝑎𝑥

𝑒 𝑈(𝑤, 𝑒) = 𝑤(𝑌) − 𝑐(𝑒) = 𝑟(𝑆 + 𝑒) − 𝑐(𝑒)

(IV.4)

La condition de premier ordre démontre que le travailleur se comporte de façon optimale en fixant le coût marginal de son effort au taux de salaire à la pièce, comme démontré par l’énoncé (IV.6) :

2 Dans le monde du travail, il est souvent le cas qu’un individu soit rémunéré à un montant fixe et que ceci

prévaut peu importe sa productivité, les coûts d’observation étant élevés. Un individu n’exerce aucun effort si le problème n’existe qu’à court terme. Pourtant, ces contrats existent plus souvent durant plusieurs périodes. Sachant que sa rémunération future peut être influencée par sa productivité présente, un travailleur peut rationnellement exercer un effort positif (Gibbons & Murphy, 2002). De plus, à cause de la nature non aléatoire des changements salariaux, une hausse salariale anticipée n’aura possiblement aucun effet sur le comportement d’un individu puisque tout changement aura déjà eu lieu. Pour ces raisons, un tel environnement n’est pas propice aux fins de la présente étude.

(27)

𝑑𝑈𝑑=0

𝑑𝑒 = 𝑤′(𝑌) − 𝑐′(𝑒) = 𝑟 − 𝑐′(𝑒) = 0

(IV.5)

𝑟 = 𝑐′(𝑒) (IV.6)

Selon (IV.6), une hausse du taux de salaire à la pièce implique également une hausse du coût marginal de l’effort. Affichée à l’équation (IV.7), la condition de second ordre précise que l’existence d’un maximum nécessite que la dérivée seconde de la fonction du coût d’effort soit positive :

𝑐′′(𝑒) > 0 (IV.7)

Puisque le modèle énonce au départ que le coût de l’effort exercé par le travailleur augmente à un taux croissant, cette condition est satisfaite. L’expression (IV.7) implique qu’une hausse du coût marginal de l’effort se réalise par une hausse d’effort. Cette assertion peut être illustrée en supposant une forme fonctionnelle spécifique pour la fonction du coût d’effort, ce qui se trouve à l’équation (IV.8) :

𝑐(𝑒) =𝜅

𝜂𝑒𝜂 ; 𝜂 > 1, 𝜅 > 0 (IV.8)

En remplaçant la fonction du coût d’effort à l’équation (IV.6) avec l’expression (IV.8) le modèle prévoit un niveau d’effort optimal, 𝑒∗ :

𝑒∗ = [𝑟 𝜅] 1 𝜂−1 (IV.9) 𝑑𝑒∗ 𝑑𝑟 = [ 1 𝜂 − 1] ∗ [ 𝑟 𝜅] 2−𝜂 𝜂−1 (IV.10)

L’expression (IV.9) expose clairement que le niveau optimal d’effort dépend de trois variables, soient le taux de salaire à la pièce et les deux paramètres exogènes théorisés en (IV.8). La dérivée de (IV.9) par rapport au taux de salaire à la pièce, 𝑟, dépend du coefficient [ 1

𝜂−1] ∗ [ 1 𝜅]

2−𝜂

𝜂−1, qui est positif grâce aux restrictions 𝜂 > 1

et du 𝜅 > 0 de (IV.8).

Le modèle expérimental développé à la section III précise qu’un des traitements expérimentaux produit des données provenant de deux états qui diffèrent par le taux de salaire. Le taux salarial qui prévaut durant la période de contrôle est moins élevé que celui qui prévaut durant la période expérimentale. Alors 𝑟𝑑𝑏𝑜𝑛> 𝑟0, où 𝑟0 représente le taux salarial quand aucun traitement expérimental n’est en vigueur et 𝑟𝑑𝑏𝑜𝑛 représente

(28)

18

(IV.7) permettent de déterminer qu’en passant de 𝑟0 à 𝑟𝑑𝑏𝑜𝑛, le niveau d’effort augmentera, toutes autres choses étant égales.

Préférences sociales

Le modèle présenté dans la section précédente ne permet que la possibilité des aspects financiers au travail, malgré le fait que les travailleurs choisissent souvent entre des emplois par des attributs comme les risques pour la santé ou la localisation. Le modèle de Rosen, par exemple, postule que l’utilité recueillie à partir du salaire est effectivement une somme des attributs pécuniaires et non pécuniaires (Rosen, 1986). Au cours de l’expérience analysée par ce mémoire, deux aspects du milieu de travail sont fluctuants, dont un (la hausse salariale) est pécuniaire et peut être analysé à l’aide du modèle existant, et l’autre (la bienfaisance de l’entreprise) est non pécuniaire et ne peut pas être analysé. La fonction d’utilité de l’équation (IV.3) doit donc être augmentée afin de modéliser le changement de comportement en présence de ces variations. La fonction d’utilité augmentée est présentée à l’équation (IV.11) :

𝑈(𝑤, 𝑏, 𝑒) = 𝑤(𝑌) + 𝑔(𝑏(𝑌)) − 𝑐(𝑒) = 𝑟 ∗ 𝑌 + 𝑔(𝑑 ∗ 𝑌) − 𝑐(𝑒) (IV.11)

La nouvelle expression 𝑏(𝑌) capte la relation entre la productivité du travailleur et les dons de bienfaisance qui sont versés par son employeur. Cette fonction est en principe également choisie par la firme, comme la fonction salariale, mais est plutôt choisie par le design expérimental dans le contexte de cette étude. L’expression (IV.11) restreint cette équation à un système de dons à la pièce puisque c’est ce système qui prévaut dans les données recueillies. Pour chaque unité de production, (IV.11) indique qu’un montant 𝑑 est versé à un organisme de bienfaisance. La fonction 𝑔(∙) décrit comment les dons décrits par 𝑏(𝑌), affectent l’utilité du travailleur. L’acte de bienfaisance n’enlève rien du travailleur, donc ce mémoire suppose que cette fonction est croissante. La même démarche de l’équation (IV.4) avec la fonction salariale peut être exécutée avec (IV.11) afin d’arriver à :

𝑑𝑈𝑑>0

𝑑𝑒 = 𝑤′(𝑌) + 𝑔′(𝑏(𝑌)) ∗ 𝑏′(𝑌) − 𝑐′(𝑒) = 𝑟 + 𝑔′(𝑑 ∗ 𝑌) ∗ 𝑑 − 𝑐′(𝑒) = 0 (IV.12)

𝑟 + 𝑔′(𝑑 ∗ 𝑌) ∗ 𝑑 = 𝑐′(𝑒) (IV.13)

La condition de premier ordre à l’équation (IV.13) pour une fonction d’utilité avec préférences sociales arrive donc à une conclusion similaire au modèle sans préférences sociales en (IV.6). Le coût marginal d’effort est égal à la somme de l’utilité marginale du salaire et de l’utilité marginale de la bienfaisance patronale. Étant donné que la condition de second ordre est égale à (IV.7), l’existence d’un maximum est assurée par

(29)

hypothèse. Selon le modèle expérimental, les deux traitements expérimentaux ne sont jamais simultanément en vigueur. Durant la période de la hausse salariale, 𝑑 = 0 donc (IV.13) devient identique à (IV.6) et le modèle augmenté prévoit que le comportement du travailleur sera tel que décrit par le modèle plus simple. La forme de la fonction 𝑔(∙) déterminera le changement de comportement lorsque le traitement de bienfaisance est appliqué.

Un niveau d’effort optimal peut être isolé en suivant la même démarche que celle du modèle simple. Afin de permettre des calculs, ce mémoire suppose que la fonction 𝑔(∙) est décrite par une constante Ω, où Ω ≥ 0. En remplaçant la fonction du coût d’effort à l’équation (IV.13) avec l’expression (IV.8) et la fonction 𝑔(𝑑 ∗ 𝑌) avec Ω ∗ 𝑑 ∗ 𝑌, le niveau optimal d’effort est :

𝑒∗= [𝑟 + 𝛺𝑑 𝜅 ] 1 𝜂−1 (IV.14) 𝑑𝑒∗ 𝑑𝑑 = 𝛺 𝜅(𝜂 − 1)∗ ( 𝑟 + 𝛺𝑑 𝜅 ) 2−𝜂 𝜂−1 (IV.15)

L’expression (IV.14) expose clairement que le niveau optimal d’effort dépend de cinq variables, soient le taux de salaire à la pièce, le montant du don à la pièce, et les trois paramètres exogènes théorisés au paragraphe précédent. La dérivée de (IV.14) par rapport au montant du don à la pièce, 𝑑, est présentée à l’équation (IV.15). Comme (IV.10), cette expression dépend du coefficient 𝜅(𝜂−1)𝛺 ∗ [𝜅1]

2−𝜂

𝜂−1, qui est positif grâce aux

restrictions 𝜂 > 1 et 𝜅 > 0 de (IV.8), mais aussi grâce à la valeur de Ω. Selon les préférences du travailleur, cette variable peut être nulle, auquel cas aucun changement du comportement du travailleur ne sera observé, ou positive, auquel cas le travailleur sera plus productif.

Le modèle des préférences des travailleurs prévoit donc que le travailleur exercera plus d’effort à la suite d'une hausse salariale, comme le modèle simple. Outre cette hypothèse, le modèle permet d’examiner le comportement des travailleurs en présence de la bienfaisance de leur employeur. La bienfaisance d’une entreprise peut influencer la productivité d’un travailleur si un don de bienfaisance influence l’utilité du travail et le travailleur prend considération du coût de son effort. Les prochaines sections de ce mémoire ont comme objectif l’évaluation de la validité de ces hypothèses dans la réalité.

(30)
(31)

V. Les données

La théorie économique prévoit que la production des travailleurs augmentera suite à une hausse du taux de salaire à la pièce et que la production changera de façon non négative suite à une hausse de la bienfaisance de son employeur. Pourtant, ces hypothèses n’ont pas été suffisamment évaluées. Cette section détaille les résultats statistiques des analyses du modèle présenté à la section précédente. La cible des analyses de ce mémoire demeure dans le deuxième terme de l’équation (IV.11).

La base de données employée à l’étude de cette question contient un total de 36 employés observés au cours d’une période de 14 jours, ce qui fournit un échantillon de 430 observations. La majorité des observations de l’échantillon travaillent une journée définie « normale ». Cependant, 33 observations ne conviennent pas à cette définition, soit un nombre suffisant à cause des incohérences sérieuses dans les résultats. Les analyses de cette enquête sont alors contraintes aux observations qui consistent en une journée d’au moins 10 heures, ce qui inclut 19 observations constituées d'une journée de travail de onze heures et une de douze heures. Ce choix est motivé par le fait qu'une onzième heure de travail est souvent passée hors chantier sur des tâches administratives, comme le triage des différentes espèces d’arbres, ou la paperasse. Finalement, les analyses de ce document se restreignent aux travailleurs qui ont gagné un revenu positif et excluent donc toute journée de travail durant laquelle un travailleur n’a planté aucun arbre. Une fois que ces corrections sont prises en compte, la base de données compte 293 observations.

Le comportement des travailleurs est distinct durant chacune de ces trois périodes. La moyenne d’arbres plantés varie, mais demeure aisément à l’intérieur d’un écart type. Les conditions climatiques sont également diverses, étant plus sèches et beaucoup plus chaudes durant les traitements expérimentaux que durant la période de contrôle.

Sans traitement expérimental, un travailleur plante en moyenne 1335,63 arbres par journée de dix heures, ce qui implique un salaire brut moyen de 267,13 $ par jour. La période de contrôle compte huit jours de travail qui ont connu 3,65 mm de pluie et une température de 14,87 ˚C en moyenne. Ces données peuvent être trompeuses en raison de deux jours aberrants qui ont connu plus que 15 mm de pluie. Par contre, une claire division existe entre la première semaine et la deuxième, qui a été beaucoup plus froide et n’a connu aucune activité expérimentale. Ces données sont présentées au Tableau V.1 :

(32)

22

Tableau V.1 : Statistiques de la période de contrôle

Variables

Nombre

d’observations

Moyenne Écart-

type

Minimum Maximum

Arbres plantés 166 1335,63 391,43 587,00 2331,00

Pluie (mm) 8 5.60 6.83 0.00 16.60

Température moyenne (oC) 8 14.15 2.82 9.40 18.20

Température maximale (oC) 8 17.96 3.15 14.10 23.80

Température minimale (oC) 8 10.30 2.95 4.70 13.20

Le premier traitement expérimental, soit l’application d’une prime salariale, s’est déroulé le 1 et le 2 juin et une moyenne de 1288,56 (257,71 $) arbres plantés est observée durant ce temps. Les deux jours durant lesquels cette hausse salariale était en vigueur furent les plus chauds de la période d’observation, ayant la deuxième et troisième plus forte température maximale et les plus fortes températures moyennes. Une hausse du nombre d’arbres plantés est anticipée en présence de ce traitement, mais une baisse légère est constatée. Quant à ce résultat, une explication économique ne peut être considérée qu’avant la variation de la température ne soit prise en compte. Ces données sont présentées au Tableau V.2 :

Tableau V.2 : Statistiques de la période durant laquelle la prime salariale est en vigueur

Variables

Nombre

d’observations

Moyenne Écart-

type

Minimum Maximum

Arbres plantés 65 1288,56 389,65 540,00 2340,00

Pluie (mm) 2 0.30 0.42 0.00 0.60

Température moyenne (oC) 2 20.25 0.49 19.90 20.60

Température maximale (oC) 2 25.90 0.99 25.20 26.60

Température minimale (oC) 2 14.55 1.91 13.20 15.90

Le deuxième traitement a été appliqué durant le 27 et le 29 mai pour certains travailleurs et le 30 et 31 mai pour d’autres et est accompagné d’une hausse d’arbres plantés de 51,70 par rapport aux conditions de contrôle. La moyenne de 1384,32 arbres plantés implique qu’un don moyen de 41,52 $ a été fait par travailleur. Les quatre jours de traitement ont été plus chauds que la période de contrôle, mais moins chauds que les conditions observées durant la prime salariale. Ces données sont présentées au Tableau V.3 :

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Tableau V.3 : Statistiques de la période durant laquelle l’employeur fait des dons de

bienfaisance

Variables

Nombre

d’observations

Moyenne Écart-

type

Minimum

Maximum

Arbres plantés 62 1384,32 415,48 747,00 2651,00

Pluie (mm) 4 0.15 0.30 0.00 0.60

Température moyenne (oC) 4 18.05 1.01 17.10 19.20

Température maximale (oC) 4 24.15 2.97 21.10 28.20

Température minimale (oC) 4 11.65 3.97 5.90 15.00

À partir des résultats présentés, une baisse de la productivité du travail est observée lorsque le salaire augmente. En présence d’un salaire plus élevé de 0,03 $, les travailleurs plantent en moyenne 47 arbres de moins par jour. Autrement dit, une hausse salariale de 15 % est accompagnée d’une baisse de productivité de 3,52 %. En moyenne, les travailleurs plantent 49 arbres de plus quand leur employeur promet de faire un don de bienfaisance que sous le régime normal; soit une hausse de productivité de 3,64 %. Il existe toutefois plusieurs facteurs confondants pouvant affecter cette valeur. Premièrement, toute variable qui n’influence que ces deux jours apparaîtra dans l’effet du coefficient expérimental puisque la prime salariale a été appliquée le 1 et le 2 juin pour chaque travailleur. Deuxièmement, la moyenne d’arbres plantés durant chaque différent traitement est accompagnée d’un écart-type de près de 400, ce qui est considérablement plus élevé que les variations entre les périodes de traitement. Finalement, la comparaison des trois tables de données est compliquée par la variation des conditions climatiques. Un modèle économétrique est nécessaire afin de prendre en compte ces irrégularités. À cette fin, un modèle à effets fixes est développé à la prochaine section.

(34)
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VI. Analyses économétriques

La section précédente démontre que la productivité des travailleurs varie au cours de la période d’observation, avec une hausse durant le traitement de bienfaisance et une baisse durant le traitement de la prime salariale. Cette section encadre et développe le modèle d’analyse économétrique afin d’évaluer la significativité statistique de ces constats. Le modèle choisi est un modèle panel à effets fixes. Avant de procéder à la description de celui-ci, il importe d’exposer le côté économétrique de l’expérience exécutée.

Le modèle expérimental précise qu’au cours d’une période de 14 jours, les participants ont travaillé sous trois conditions salariales différentes : un traitement dont une prime est ajoutée au salaire ordinaire à la pièce; un traitement dont un même montant fixe à la pièce est versé à un organisme de bienfaisance; et un traitement de contrôle. Ce changement du régime de rémunération au cours de la période expérimentale constitue une variation exogène des conditions de travail. Les participants à l’expérience sont observés sur leur terrain ordinaire de travail au lieu d’en laboratoire.

Chaque travailleur étant observé au cours de 14 jours, la base de données est en forme panel. Cet aspect des données permet la décomposition des facteurs affectant la productivité entre ceux qui varient dans le temps et ceux qui ne varient pas. Ainsi, l’expérience permet de contrôler pour plusieurs variables non observables, comme les compétences du travailleur, qui sont constantes dans le temps.

Pendant l’expérience, les participants ont été assujettis à trois différents traitements salariaux et le changement de traitement est la variable étudiée. Le premier, la hausse salariale, n’a pas de groupe de contrôle puisque tous les participants la reçoivent durant les mêmes deux jours. L’interprétation des conclusions autour de cette variable doit donc se faire avec prudence puisque tout choc à la production unique à ces deux jours comme la pluie, température ou une livraison tardive des arbres, sera attribuée par erreur au traitement. Le deuxième traitement, la présence des dons de bienfaisance, est appliqué durant deux jours qui peuvent changer selon la cohorte du participant. Le coefficient de ce traitement est ainsi plus aisément interprété grâce à la présence d’un état de contrôle, soit la cohorte qui ne subit pas de traitement. Cette méthode est souvent connue sous le nom de « différence en différences ».

Les données sont estimées à l’aide d’un modèle à effets fixes. Grâce à la nature expérimentale et au modèle panel, seuls les effets qui varient dans le temps pour tous les individus nécessitent une place dans le modèle économétrique, ce qui donne lieu au modèle économétrique suivant :

(36)

26

𝑦𝑖,𝑡 = 𝛽𝑑𝑐ℎ𝑎𝑟𝑖𝑡𝑦∗ 𝑑𝑐ℎ𝑎𝑟𝑖𝑡𝑦𝑖,𝑡+ 𝛽𝑑𝑏𝑜𝑛∗ 𝑑𝑏𝑜𝑛𝑡+ 𝑿𝑻𝜷 + 𝛼

𝑖+ 𝑢𝑖,𝑡 (VI.1)

La variable 𝑑𝑐ℎ𝑎𝑟𝑖𝑡𝑦𝑡 prend la valeur de 1 si le traitement de bienfaisance est appliqué pour l’individu 𝑖

durant 𝑡. Le coefficient de cette variable représente l’écart de productivité provoqué par la présence de bienfaisance de l’employeur. Similairement, la variable 𝑑𝑏𝑜𝑛 prend la valeur de 1 si le traitement de bienfaisance est appliqué pour l’individu durant la période 𝑡 et la valeur du coefficient représente l’écart de productivité en présence d’un salaire plus élevé. La variable 𝛼𝑖 est l’effet fixe de l’individu 𝑖 qui est constant pour tout 𝑡. Finalement, la matrice 𝑿 contient les variables de contrôle : soient les températures moyenne, minimale et maximale et la quantité de pluie observées durant la période 𝑡.

Le modèle économétrique permet une décomposition des erreurs en deux termes :

𝑢𝑖𝑡 = 𝜇𝑡+ 𝜀𝑖𝑡 (VI.2)

L’équation (VI.2) représente donc la décomposition du terme d’erreur, dont 𝜇𝑡 représente l’idiosyncrasie de la

journée 𝑡 et 𝜀𝑖𝑡 représente les particularités du travailleur 𝑖.

Ce modèle est estimé par moindres carrés. Trois estimateurs des erreurs standards sont considérés : moindres carrés ordinaires (MCO), les MCO avec erreurs robustes White, et les MCO avec erreurs robustes en grappe par journée de travail. Ces résultats sont présentés à la table VI.1 ci-dessous :

(37)

Tableau VI.1 : Résultats des analyses économétriques

Variables

MCO

MCO avec erreurs

robustes White

MCO avec erreurs

robustes White en

grappe par jour

Traitement de la prime salariale 32.35

(107.0) (111.7) 32.35 (89.23) 32.35 Traitement de bienfaisance -24.71 (47.48) (41.15) -24.71 (44.88) -24.71 Température maximale -286.9 (554.7) (498.1) -286.9 (425.7) -286.9 Température minimale -596.3 (654.7) (598.8) -596.3 (533.0) -596.3 Température moyenne 1,143 (1,335) (1,226) 1,143 (1,091) 1,143 Quantité de pluie 20.27 (36.68) (34.27) 20.27 (31.96) 20.27 Température maximale au carré -4.763

(4.363) (4.354) -4.763 (4.036) -4.763 Température minimale au carré 4.016

(2.866) (2.447) 4.016 (2.281) 4.016 Température moyenne au carré -4.918

(3.076) (3.043) -4.918 -4.918* (2.479) Quantité de pluie au carré -1.468

(2.348) (2.207) -1.468 (2.107) -1.468

Constante -966.7

(1,900) (1,928) -966.7 (1,684) -966.7

Observations 293 293 293

R2 0.784 0.784 0.784

Selon les statistiques descriptives, les travailleurs plantent en moyenne 47 arbres de plus par jour quand une prime salariale de 15% est appliquée. Cette différence est également positive lorsque des analyses économétriques sont effectuées, mais le coefficient n’est pas significatif. Pareillement, l’effet positif de la bienfaisance patronale échoue les analyses plus rigoureuses. Tandis que les travailleurs plantent en moyenne 49 arbres de plus quand leur employeur promet de faire un don de bienfaisance, une baisse non significative de 25 arbres est observée lorsque les variables confondantes sont incluses. L’inclusion des variables confondantes, c’est-à-dire les variables de température, change beaucoup les résultats statistiques. À partir des données recueillies, il est alors impossible de dire qu’un don de bienfaisance de l’employeur du montant de 15 % du salaire à la pièce ordinaire a un effet positif sur la productivité des travailleurs.

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La productivité est influencée négativement lorsque les conditions météorologiques ne sont pas clémentes. Le nombre d’arbres plantés par travailleur décroît lorsque la température maximale ou moyenne augmente ou lorsqu’il y a des précipitations. Les effets marginaux de ces relations diminuent. En revanche, la température minimale a un effet négatif sur la productivité qui se détériore. C'est-à-dire que l’effet de la température minimale sur la productivité devient de moins en moins négatif. Aucune de ces relations n’est significative de façon disjointe, à l’exception du lien entre la productivité et le carré de la température moyenne. Par contre, un test de Wald de signifiance simultanée a été effectué sur les quatre relations météorologiques. À partir de ces tests, il est également possible de conclure que la température minimale et le carré de celle-ci influencent de la productivité de façon significative (valeur p de 0,0113).

Selon les données recueillies, aucune différence significative n’existe entre le comportement des travailleurs en présence de la bienfaisance de leur employeur. Il est également impossible de préciser la relation entre le salaire et la productivité. Pourtant, la possibilité de l’existence d’un effet de la température est impossible à écarter. La section suivante discutera des raisons motivant les résultats présentés.

Figure

Tableau III.1 : Calendrier expérimental
Tableau V.1 : Statistiques de la période de contrôle
Tableau  V.3 :  Statistiques  de  la  période  durant  laquelle  l’employeur  fait  des  dons  de  bienfaisance
Tableau VI.1 : Résultats des analyses économétriques

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