• Aucun résultat trouvé

Avis 03-A-07 du 21 mai 2003

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Avis 03-A-07 du 21 mai 2003"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

RÉPUBLIQUEFRANÇAISE

Avis n° 03-A-07 du 21 mai 2003 relatif à une demande d'avis

du ministre de la culture et de la communication et de la ministre déléguée à l'industrie

concernant un projet de loi relatif aux communications électroniques

Le Conseil de la concurrence (section III B),

Vu la lettre enregistrée le 1er avril 2003 sous le numéro 03/0026 A, par laquelle le ministre de la culture et de la communication et la ministre déléguée à l'industrie ont saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis concernant un projet de loi relatif aux communications électroniques ;

Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d'application ;

Vu les directives 2002/19/CE, 2002/20/CE, 2002/21/CE, 2002/22/CE du 7 mars 2002 et 2002/58/CE du 12 juillet 2002 du Parlement européen et du Conseil et la directive 2002/77/CE de la Commission du 16 septembre 2002 ;

Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 6 mai 2003 ;

Est d'avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :

1. Le ministre de la culture et de la communication et la ministre déléguée à l'industrie ont saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article L. 462-1 du code de commerce, d'un projet de loi relatif aux communications électroniques.

2. Ce projet de loi, qui vise principalement à transposer en droit national un ensemble de textes adoptés au niveau communautaire en 2002 ("paquet télécoms" : directives 2002/19/CE "accès", 2002/20/CE "autorisation", 2002/21/CE "cadre", 2002/22/CE

"service universel", 2002/58/CE "données personnelles" du Parlement européen et du Conseil et directive 2002/77/CE "concurrence" de la Commission), fait suite à une consultation publique engagée le 31 juillet 2002 par les ministres saisissants, et à laquelle le Conseil de la concurrence a pris part.

3. Comme il l'avait indiqué à cette occasion, le Conseil accueille favorablement le nouveau cadre réglementaire envisagé par le "paquet télécoms" dans la mesure où il appelle une modification en profondeur des droits sectoriels des communications électroniques.

4. En effet, le rapprochement des secteurs des télécommunications et de la communication audiovisuelle impose tout d'abord que l'encadrement de ces activités soit, dans le respect des objectifs d'intérêt général propres à chaque secteur, neutre sur le plan de la concurrence, notamment du point de vue technologique.

5. De façon plus significative encore, le nouveau cadre réglementaire devra prendre acte du développement, considérable sur certains marchés, de la concurrence depuis l'adoption de la loi de réglementation des télécommunications n° 96-659 du 26 juillet 1996, en tenant de plus en plus compte des règles qui, à terme, sont amenées à réguler à elles seules le libre

(2)

jeu du marché. Le dispositif retenu par le législateur pour accompagner cette seconde étape du processus d'ouverture à la concurrence du secteur des communications électroniques aura, sur ce plan, valeur d'exemple pour les autres secteurs autrefois exploités par des monopoles, tels que ceux de l'énergie ou des postes, dont la première phase de libéralisation est actuellement en cours. Il est à cet égard tout à fait souhaitable que les modalités de régulation prévues pour rapprocher le droit sectoriel du droit de la concurrence offrent toutes les garanties de nature à éviter le développement de règles de concurrence propres au secteur des communications électroniques.

6. La prise en compte de l'objectif de concurrence dans la réalisation des objectifs de la régulation sectorielle diffère, en effet, selon la nature de ces objectifs. Lorsqu'il s'agit d'un objectif d'intérêt général que le fonctionnement spontané du marché concurrentiel ne permet pas d'atteindre (service universel, pluralisme, sécurité, etc…), le régulateur suit une logique propre différente de celle des autorités de concurrence. En revanche, lorsqu'il s'agit simplement de promouvoir ou d'accélérer l'ouverture à la concurrence d'un marché, le régulateur inscrit son action en cohérence avec celle des autorités de concurrence, tout en usant de moyens différents.

7. Lorsque la régulation sectorielle ne poursuit pas l'objectif de concurrence, celui-ci ne peut être invoqué que dans la limite d'un principe de proportionnalité ou de moindre dommage, en vertu duquel les règles imposées aux entreprises doivent être fixées de manière à n'entraîner que le minimum de distorsions de concurrence. Il convient alors de veiller à ce que le cadre réglementaire ne conduise pas à élever artificiellement des barrières à l'entrée ou à créer des régimes déséquilibrés entre acteurs susceptibles d'entrer en concurrence. Le Conseil souhaite également rappeler que la mise en œuvre d'obligations de service universel peut soulever des problèmes de concurrence, d'une part, lorsque le coût net de ces obligations est trop élevé ou son mécanisme de financement distorsif et, d'autre part, lorsque des prestations relevant du service universel peuvent être fournies dans des conditions identiques, voire à un tarif moindre, par d'autres opérateurs que ceux désignés pour les fournir.

8. Lorsque, au contraire, la régulation sectorielle entend favoriser le développement de la concurrence, il y a lieu d'assurer la cohérence des règles sectorielles et des règles de droit commun. La régulation ex ante prévue pour le secteur des communications électroniques, régime transitoire qui ne peut être justifié que par la persistance d'obstacles au développement de la concurrence, devra par conséquent respecter les principes et les objectifs du droit de la concurrence. En effet, si tel n'était pas le cas, des obligations pourraient être imposées à des opérateurs, puis maintenues, en vertu d'objectifs, réputés être ceux du droit de la concurrence en application des textes, mais qui dans la pratique pourraient s'en écarter puisqu'ils ne seraient pas soumis au contrôle de droit commun de la concurrence, et alors même que l'application des règles de droit commun serait efficace en dehors de tout encadrement dérogatoire imposé par le régulateur.

9. L'unité du droit de la concurrence peut, seule, garantir la sécurité juridique des acteurs et permettre à la régulation sectorielle de trouver sa juste place dans le champ plus large de la régulation économique. C'est pourquoi il est souhaitable de rappeler, notamment dans l'exposé des motifs du projet de loi, que la régulation sectorielle s'applique sans préjudice des dispositions du livre IV du code de commerce. Le rôle du Conseil de la concurrence, régulateur de droit commun, devra également être affirmé, particulièrement aux étapes essentielles de la procédure de régulation ex ante.

(3)

L'encadrement du secteur des communications électroniques

10. Dans ses grandes lignes, le projet de loi soumis à l'examen du Conseil permet d'envisager un cadre réglementaire favorable au développement de la concurrence, notamment au travers des dispositions suivantes :

• la suppression du monopole de TDF pour la diffusion des services des sociétés nationales de programmes par voie hertzienne terrestre en mode analogique ;

• la levée du régime d'autorisation en matière de fourniture au public du service téléphonique et d'établissement et d'exploitation des réseaux ouverts au public, notamment des réseaux câblés, ainsi que des installations utilisées pour la diffusion par voie hertzienne des services de communication audiovisuelle ;

• la suppression des limites de couverture des réseaux câblés exploités par un même opérateur ;

• la neutralité technologique de la régulation, à travers la redéfinition du champ d'application des dispositions relatives aux droits et obligations en matière d'interconnexion et le rapprochement, partiel, des régimes de distribution des services de radiodiffusion sonore et de télévision par câble et par satellite ;

• l'assouplissement du régime d'attribution de la ressource radioélectrique confiée à l'Autorité de régulation des télécommunications (ci-après ART) ;

• l'introduction de la portabilité du numéro de téléphonie mobile.

Le Conseil estime néanmoins que le projet de loi mériterait d'être précisé sur certains points : 11. Le titre III du livre IV du code de commerce prévoit les conditions dans lesquelles une

opération de concentration peut être autorisée, soumise à condition ou refusée. Dans la mesure où la cession d'une autorisation d'usage de la ressource radioélectrique est susceptible de relever de ces dispositions, il convient de remplacer, dans l'article 36 du projet de loi, le 2° de l'article L. 88-5 du code des postes et télécommunications (ci-après CPT) par : "Lorsque l'opération ne relève pas de l'article L. 430-1 du code de commerce, les cas où la cession de l'autorisation doit être préalablement approuvée par l'autorité".

12. L'article D. 99-10 du CPT dispose, en application de l'article L. 34-8, que "les conditions tarifaires des conventions d'interconnexion (…) ne doivent pas conduire à imposer indûment aux opérateurs utilisant l'interconnexion des charges excessives". Le Conseil s'interroge sur la conformité d'une telle disposition au principe général de liberté des prix et souhaite que soit clarifié, dans la formulation de l'article L. 34-8, le champ d'application du décret auquel il renvoie.

13. L'énumération des douze objectifs de la régulation sectorielle au II de l'article L. 32-1 du CPT ne permet pas de rendre compte des trois missions qui sont confiées aux autorités réglementaires nationales (ci-après ARN) par le "paquet télécoms", dans l'ordre suivant : promouvoir la concurrence, contribuer au développement du marché intérieur et soutenir les intérêts des citoyens de l'Union européenne. Une transposition fidèle de l'article 8 de la directive "cadre" fournirait à l'ARN un cadre plus solide pour conduire ses arbitrages et renforcerait par conséquent la sécurité juridique du dispositif.

14. Le Conseil s'interroge également sur la pertinence de certaines dispositions de la loi n° 86- 1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui auraient pu être revues à l'occasion du projet de loi.

15. L'article 25 de cette loi prévoit que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après CSA) peut "soumettre l'utilisateur d'un site d'émission à des obligations particulières, en fonction notamment de la rareté des sites d'émission dans une région. Il peut, en particulier, imposer le regroupement de plusieurs utilisateurs sur un même site." Dès lors

(4)

que des obligations de ce type pourront être imposées dans le cadre de la régulation ex ante ou des dispositions relatives au partage des infrastructures (art. L. 47 et L. 48 du CPT), ce régime dérogatoire ne paraît pas devoir être maintenu.

16. Par ailleurs, le Conseil regrette qu'au terme du projet de loi un déséquilibre significatif subsiste entre les obligations de retransmission imposées aux distributeurs de services de télévision par câble et par satellite, dans la mesure où ces deux types d'acteurs sont susceptibles d'entrer en concurrence.

17. Le Conseil entend souligner, une nouvelle fois, la très grande utilité des mécanismes de consultation et de saisine réciproques qui peuvent être institués entre autorités sectorielles et autorité de la concurrence. Les dispositions de l'article L. 36-10 du CPT, qui règlent les relations entre le Conseil de la concurrence et l'ART, constituent, à cet égard, un modèle dont le projet de loi pourrait opportunément s'inspirer. Il note, toutefois, qu'il existe devant le Conseil de la concurrence une procédure de mesures conservatoires qui permet de faire face aux situations d'urgence (art. L. 464-1 du code de commerce). Il ne lui paraît donc pas opportun de prévoir une possibilité spécifique de saisine d'urgence de l'ART qui s'est, d'ailleurs, avérée difficile à mettre en œuvre. Il suffirait de prévoir que l'ART peut saisir le Conseil de la concurrence en urgence sur le fondement des dispositions de l'article L. 464- 1 précité.

18. Le schéma de coopération ainsi consolidé reposerait sur les mécanismes suivants : le CSA et l'ART peuvent saisir le Conseil pour avis sur toute question de concurrence ; le CSA et l'ART doivent saisir le Conseil lorsqu'elles présument l'existence d'une entente anticoncurrentielle ou d'un abus de position dominante et peuvent introduire leur saisine dans le cadre de la procédure d'urgence prévue à l'article L. 464-1 du code de commerce ; le Conseil transmet au CSA [respectivement à l'ART] toute saisine entrant dans son champ de compétence et recueille son avis lorsqu'il est saisi de pratiques dans le secteur de la radiodiffusion sonore et de la télévision [des communications électroniques].

19. En outre, le Conseil estime devoir être formellement consulté, comme le cadre actuel le prévoit, lorsque l'ART envisage de se saisir d'office en matière d'accès et d'interconnexion (art. L. 34-8 (I) du CPT).

20. Enfin, le Conseil souhaite être sollicité à l'occasion de l'élaboration des décrets prévus, aux termes du projet de loi, aux articles suivants du CPT :

• L. 34, en ce qui concerne "les coûts du service rendu", dans la mesure où le Conseil a eu à connaître à plusieurs reprises (décisions n° 98-D-60, 02-D-41 et 02-D-75) de contentieux survenus dans le cadre de la fourniture, par France Télécom, des listes de ses abonnés aux éditeurs d'annuaires et aux fournisseurs de services de renseignements téléphoniques ;

• L. 34-8, en ce qui concerne l'imposition éventuelle d'obligations tarifaires à l'ensemble des exploitants de réseaux ouverts au public ;

• L. 88-5, notamment le 3°, relatif au marché secondaire des fréquences ; Le service universel

21. Le Conseil accueille favorablement les évolutions proposées par le projet de loi. D'une part, la segmentation du service universel en trois composantes permet d'envisager que sa fourniture soit assurée par plusieurs opérateurs. D'autre part, la mise en œuvre de procédures d'enchères négatives est susceptible de promouvoir l'efficacité économique dans des secteurs où l'offre est, par définition, limitée. Enfin, le mécanisme de financement retenu paraît neutre sur le plan concurrentiel.

(5)

22. Toutefois, le Conseil relève que le dispositif prévu par le projet de loi risque d'interdire, en pratique, à un autre opérateur que France Télécom d'assumer des obligations de service universel. En premier lieu, du fait du regroupement, au sein de la première et de la deuxième composante, d'activités présentant de très fortes barrières à l'entrée (la fourniture du raccordement téléphonique, d'une part, et d'un annuaire universel sous forme imprimée, d'autre part) et d'activités qui peuvent être fournies par de nombreux opérateurs (la fourniture du service téléphonique, d'une part, et d'un annuaire universel sous forme électronique ou d'un service téléphonique de renseignements, d'autre part). En second lieu, du fait de l'obligation de couverture nationale, que seul l'opérateur historique peut assumer eu égard à l'antériorité de son déploiement dans les zones les moins rentables.

23. Il convient, par conséquent, d'introduire la plus grande souplesse dans le mécanisme de désignation des opérateurs chargés de fournir le service universel, de telle sorte que l'appel aux candidatures puisse être effectué selon une segmentation plus fine des prestations ou des territoires, suivant des modalités définies par le ministre chargé des télécommunications.

24. S'agissant plus particulièrement de la segmentation géographique, le Conseil rappelle que le fait de confier une même prestation de service universel à plusieurs opérateurs répartis sur le territoire national n'implique aucunement que ces prestations soient fournies dans des conditions, notamment tarifaires, différentes d'un territoire à l'autre dès lors que le régulateur dispose de la faculté d'imposer un encadrement uniforme à l'ensemble des opérateurs chargés des obligations en cause.

25. Le Conseil souhaite néanmoins attirer l'attention du gouvernement sur les problèmes, croissants à mesure que la concurrence se développe dans le domaine des infrastructures, que soulève le maintien d'une péréquation géographique des tarifs du service universel. En effet, tant que l'opérateur historique disposait, en amont, d'un monopole de fait dans la fourniture de l'accès aux infrastructures, les disparités territoriales susceptibles d'apparaître en termes d'économies d'échelle dans l'exercice des activités aval restaient suffisamment limitées pour que puisse être imposée une double péréquation géographique, à la fois sur les tarifs d'accès et les prix de détail. Mais, à mesure que les opérateurs alternatifs déploient, dans les zones les plus rentables, leurs propres infrastructures de boucle locale ou, dans une moindre mesure, dégroupent les lignes de l'opérateur historique, ce dernier se trouve condamné à perdre des parts de marché au profit de ses concurrents, libres de pratiquer des prix inférieurs au tarif national de service universel, à moins que celui-ci ne s'établisse au prix de marché des zones les plus rentables, auquel cas toute perspective de concurrence s'évanouit dans les zones de rentabilité moyenne et, a fortiori, de faible rentabilité. La fixation d'un prix plafond, et non d'un prix uniforme, permettrait d'éviter cet écueil tout en offrant à l'ensemble des usagers l'accès au service universel à un tarif abordable.

26. A l'inverse, le fait que France Télécom puisse être concurrencé par d'autres opérateurs dans le cadre de la fourniture de prestations relevant du service universel implique que ses tarifs puissent être contrôlés, au titre de la régulation ex ante, dans le but de prévenir la mise en œuvre de pratiques d'éviction, ce qu'exclut le projet de loi (cf. § 34).

27. Par ailleurs, la première composante du service universel inclut, aux termes du projet de loi, "l'acheminement des communications téléphoniques, des communications par télécopie et des communications de données à des débits suffisants pour permettre un accès fonctionnel à Internet" alors que l'article 4 de la directive "service universel" vise uniquement la fourniture du raccordement et du service téléphonique. Le Conseil a eu l'occasion, dans le cadre de sa décision n° 98-MC-03, de suspendre une offre tarifaire de France Télécom, homologuée au titre de l'article L. 36-7 (5°) du CPT, consistant à

(6)

coupler, auprès des établissements scolaires, la collecte de trafic, le transport de données et la fourniture d'accès à Internet, dans des conditions telles que les fournisseurs d'accès à Internet concurrents ne pouvaient présenter une offre comparable sans consentir de pertes.

Il est donc souhaitable que le projet de loi soit, en ce qui concerne l'accès à Internet, plus explicite sur le champ du service universel et plus précis sur les services liés à l'Internet qui en sont exclus.

28. Enfin, le Conseil souhaite être consulté à l'occasion de l'élaboration du décret prévu, aux termes de l'article 17 du projet de loi, au III de l'article L. 35-3 du CPT en ce qui concerne

"les catégories d'activité, pour lesquelles, en raison de leur nature, les opérateurs ne sont pas tenus de participer au financement des coûts imputables aux obligations de service universel."

La régulation ex ante

29. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, celui-ci "marque l'entrée dans une nouvelle phase de la régulation qui doit conduire graduellement au remplacement des règles sectorielles spécifiques par l'application du droit général de la concurrence." Le Conseil se félicite que le caractère transitoire du régime dérogatoire de régulation ex ante soit explicitement affirmé. Pour les raisons indiquées en introduction, notamment au § 8, il estime néanmoins que l'institution de règles de concurrence propres au secteur des communications électroniques n'offre pas les garanties suffisantes pour permettre une sortie effective de ce régime. C'est dans cet esprit, et pour des raisons évidentes de sécurité juridique, que le "paquet télécoms" prévoit également de rapprocher les règles sectorielles des règles de concurrence.

30. Le dispositif prévu par le projet de loi apparaît, à cet égard, insatisfaisant en ce qui concerne, d'une part, les conditions ambiguës d'imposition et de justification des obligations ex ante (art. L. 33-4 et L. 34-8-1 (I) et (III) du CPT) et, d'autre part, la définition des notions de marché pertinent, de position dominante et de position dominante conjointe dans des textes législatifs ou réglementaires (art. L. 37 et L. 37-1).

31. Il convient, en premier lieu, que les obligations ex ante soient justifiées au regard des obstacles qui limitent, dans les faits, le développement de la concurrence.

32. Le plus simple et le plus lisible pour les opérateurs est que ces obstacles soient dûment identifiés dans le cadre d'une procédure ad hoc. Cette analyse, conduite en aval de l'établissement de la liste des marchés et de la désignation des entreprises exerçant une influence significative, et en amont de la définition des obligations ex ante, se substituera, aux fins de l'application des articles L. 33-4 et L. 34-8-1 (I) et (III), à celle prévue à l'article L. 37-1.

33. En outre, l'évolution, parfois rapide, des marchés des communications électroniques, notamment du fait des avancées technologiques, rend souhaitable que l'on puisse garantir aux opérateurs une mise à jour périodique du dispositif, soit par la fixation d'une clause de

"rendez-vous" de droit commun (par exemple tous les trois ans), soit par l'annonce d'une durée de validité des obligations par le régulateur au moment où il les fixe.

34. Enfin, il convient de distinguer, en matière de régulation ex ante des tarifs de détail, les obligations qui peuvent être imposées dans le but de prévenir la mise en œuvre de pratiques d'éviction, de celles qui répondent à d'autres objectifs d'intérêt général. Pour les raisons indiquées au § 26, les premières devront pouvoir être mises en œuvre concomitamment à l'encadrement tarifaire prévu au titre du service universel. Par ailleurs, le Conseil souhaite vivement que les secondes soient dûment proportionnées au regard du principe général de liberté des prix. A cet égard, les obligations, prévues par le projet de loi, consistant à imposer une "égalité de traitement des utilisateurs" ou à assurer que "les

(7)

tarifs reflètent les coûts correspondants", qui paraissent aller au-delà du cadre prévu par l'article 17 de la directive "service universel".

35. Il convient, en second lieu, de s'appuyer sur les relations et les échanges entre autorités sectorielles et autorités de concurrence dans la mise en œuvre du dispositif, dès lors qu'ils ont permis une régulation satisfaisante dans la première phase d'ouverture des marchés.

36. A cet égard, le pouvoir d'intervention de la Commission européenne et la consultation préalable du Conseil dans le cadre de l'établissement de la liste des marchés et de la désignation des entreprises exerçant une influence significative devraient suffire à assurer que les notions de marché pertinent, de position dominante et de position dominante conjointe, notions complexes et continuellement enrichies par la jurisprudence, notamment communautaire, soient utilisées par l'autorité sectorielle en cohérence avec l'usage qu'en font les autorités de concurrence.

37. La procédure actuellement prévue d'une définition par voie réglementaire de ces notions constituerait un alourdissement inutile dont les effets restent incertains. Dès lors que le législateur n'a jugé ni utile ni possible de donner, en droit de la concurrence, une définition rigide à ces notions, il convient de faire confiance au dialogue entre les autorités de concurrence et l'autorité de régulation sectorielle pour en faire la meilleure application.

38. Le diagnostic des marchés, que le Conseil propose d'inscrire dans le cadre d'une procédure spécifique, constitue une étape essentielle de la régulation ex ante dès lors que les mesures correctives propres à chaque situation devront être justifiées à la lumière de ses conclusions. Le Conseil conduit lui-même des analyses de ce type lorsqu'il définit les responsabilités particulières qui incombent aux entreprises dominantes suivant l'intensité et la nature de leur pouvoir de marché. Le "paquet télécoms" ne prévoit pas de soumettre ces conclusions au contrôle de la Commission. Il convient par conséquent d'associer le Conseil, sous la forme d'une consultation préalable, à la procédure d'identification des obstacles au développement de la concurrence.

39. Les relations entre l'ART et le Conseil de la concurrence, pendant la première phase d'ouverture à la concurrence du secteur des communications électroniques, ont donné toute satisfaction et sont régulièrement citées comme exemple d'un fonctionnement harmonieux entre une autorité de régulation sectorielle et une autorité nationale de concurrence, y compris à l'étranger. Il est souhaitable que le projet de loi en fasse mention dans son exposé des motifs, notamment lorsqu'il indique confier à l'ART la procédure de régulation ex ante.

En conclusion, le Conseil invite le gouvernement à amender son projet de loi dans le sens des modifications qui suivent :

40. Préciser, dans l'exposé des motifs, que la régulation ex ante des opérateurs ayant une influence significative sur les marchés est assurée par l'Autorité de régulation des télécommunications, après consultation du Conseil de la concurrence.

41. Insérer dans le CPT des dispositions pour que l'imposition d'obligations ex ante au opérateurs puissants se fasse pour une durée limitée, connue a priori et garantissant un réexamen périodique des mesures dérogatoires.

42. Identifier, à l'article L. 37-2 du CPT, une étape de diagnostic des marchés pertinents qui, bien que potentiellement "régulables", ne devront pas nécessairement être tous régulés et pas nécessairement avec le même niveau de contraintes, de manière à ce que l'Autorité de régulation des télécommunications ne fixe des obligations qu'une fois identifiés, après avis du Conseil de la concurrence, les obstacles au développement d'une concurrence effective sur les marchés déterminés.

(8)

43. Associer le Conseil à l'élaboration des décrets prévus, au terme du projet de loi, aux articles L. 33-4, L. 34-8-1 et, le cas échéant, L. 37 et L. 37-1 du CPT.

Délibéré, sur le rapport oral de M. Soriano, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente et Mmes Aubert, Mader-Saussaye, Perrot et MM. Charrière-Bournazel, Lasserre et Piot, membres.

Le rapporteur général, La présidente,

Thierry Dahan Marie-Dominique Hagelsteen

© Conseil de la concurrence

Références

Documents relatifs

Le décret attaqué peut également produire des effets sur le marché de la protection sociale complémentaire car il renforce la notoriété de la MFP en la faisant apparaître comme le

De plus, la société Usines Merger prétend qu’une étude de coûts analytiques qu’elle aurait fournie, dans le cadre de l’instruction, n’est pas prise en compte dans le rapport

La scannérisation et le vidéocodage permettent également la transmission dématérialisée des images-chèques en vue de la phase d’acquisition (saisie des données et

Le Conseil entend souligner, ainsi qu’il l’a déjà fait, à plusieurs occasions, notamment dans son avis n° 99-A-07 du 6 avril 1999 relatif à la modification de l’article 41-4 de

L'UNTEC fait valoir que la profession des économistes du bâtiment s'est émue de la disparition de la série centrale des prix élaborée par l'Académie d'architecture, dans la mesure

Cette fédération souhaite savoir si le fait de demander aux entreprises, dans le cadre de marchés d‘adduction d’eau et d’assainissement des communes rurales du département de la

Les mêmes conséquences de réduction de l’incertitude quant à la stratégie commerciale des entreprises concurrentes et de risque d’harmonisation des politiques de prix existent sur

Dans ce cadre, l’ART propose de reconduire la segmentation opérée dans sa décision n° 02-1191 sus- mentionnée, qui consiste à retenir, d’une part, un marché national pour