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La section précédente démontre que la productivité des travailleurs varie au cours de la période d’observation, avec une hausse durant le traitement de bienfaisance et une baisse durant le traitement de la prime salariale. Cette section encadre et développe le modèle d’analyse économétrique afin d’évaluer la significativité statistique de ces constats. Le modèle choisi est un modèle panel à effets fixes. Avant de procéder à la description de celui-ci, il importe d’exposer le côté économétrique de l’expérience exécutée.

Le modèle expérimental précise qu’au cours d’une période de 14 jours, les participants ont travaillé sous trois conditions salariales différentes : un traitement dont une prime est ajoutée au salaire ordinaire à la pièce; un traitement dont un même montant fixe à la pièce est versé à un organisme de bienfaisance; et un traitement de contrôle. Ce changement du régime de rémunération au cours de la période expérimentale constitue une variation exogène des conditions de travail. Les participants à l’expérience sont observés sur leur terrain ordinaire de travail au lieu d’en laboratoire.

Chaque travailleur étant observé au cours de 14 jours, la base de données est en forme panel. Cet aspect des données permet la décomposition des facteurs affectant la productivité entre ceux qui varient dans le temps et ceux qui ne varient pas. Ainsi, l’expérience permet de contrôler pour plusieurs variables non observables, comme les compétences du travailleur, qui sont constantes dans le temps.

Pendant l’expérience, les participants ont été assujettis à trois différents traitements salariaux et le changement de traitement est la variable étudiée. Le premier, la hausse salariale, n’a pas de groupe de contrôle puisque tous les participants la reçoivent durant les mêmes deux jours. L’interprétation des conclusions autour de cette variable doit donc se faire avec prudence puisque tout choc à la production unique à ces deux jours comme la pluie, température ou une livraison tardive des arbres, sera attribuée par erreur au traitement. Le deuxième traitement, la présence des dons de bienfaisance, est appliqué durant deux jours qui peuvent changer selon la cohorte du participant. Le coefficient de ce traitement est ainsi plus aisément interprété grâce à la présence d’un état de contrôle, soit la cohorte qui ne subit pas de traitement. Cette méthode est souvent connue sous le nom de « différence en différences ».

Les données sont estimées à l’aide d’un modèle à effets fixes. Grâce à la nature expérimentale et au modèle panel, seuls les effets qui varient dans le temps pour tous les individus nécessitent une place dans le modèle économétrique, ce qui donne lieu au modèle économétrique suivant :

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𝑦𝑖,𝑡 = 𝛽𝑑𝑐ℎ𝑎𝑟𝑖𝑡𝑦∗ 𝑑𝑐ℎ𝑎𝑟𝑖𝑡𝑦𝑖,𝑡+ 𝛽𝑑𝑏𝑜𝑛∗ 𝑑𝑏𝑜𝑛𝑡+ 𝑿𝑻𝜷 + 𝛼

𝑖+ 𝑢𝑖,𝑡 (VI.1)

La variable 𝑑𝑐ℎ𝑎𝑟𝑖𝑡𝑦𝑡 prend la valeur de 1 si le traitement de bienfaisance est appliqué pour l’individu 𝑖

durant 𝑡. Le coefficient de cette variable représente l’écart de productivité provoqué par la présence de bienfaisance de l’employeur. Similairement, la variable 𝑑𝑏𝑜𝑛 prend la valeur de 1 si le traitement de bienfaisance est appliqué pour l’individu durant la période 𝑡 et la valeur du coefficient représente l’écart de productivité en présence d’un salaire plus élevé. La variable 𝛼𝑖 est l’effet fixe de l’individu 𝑖 qui est constant pour tout 𝑡. Finalement, la matrice 𝑿 contient les variables de contrôle : soient les températures moyenne, minimale et maximale et la quantité de pluie observées durant la période 𝑡.

Le modèle économétrique permet une décomposition des erreurs en deux termes :

𝑢𝑖𝑡 = 𝜇𝑡+ 𝜀𝑖𝑡 (VI.2)

L’équation (VI.2) représente donc la décomposition du terme d’erreur, dont 𝜇𝑡 représente l’idiosyncrasie de la

journée 𝑡 et 𝜀𝑖𝑡 représente les particularités du travailleur 𝑖.

Ce modèle est estimé par moindres carrés. Trois estimateurs des erreurs standards sont considérés : moindres carrés ordinaires (MCO), les MCO avec erreurs robustes White, et les MCO avec erreurs robustes en grappe par journée de travail. Ces résultats sont présentés à la table VI.1 ci-dessous :

Tableau VI.1 : Résultats des analyses économétriques

Variables

MCO

MCO avec erreurs

robustes White

MCO avec erreurs robustes White en

grappe par jour

Traitement de la prime salariale 32.35

(107.0) (111.7) 32.35 (89.23) 32.35 Traitement de bienfaisance -24.71 (47.48) (41.15) -24.71 (44.88) -24.71 Température maximale -286.9 (554.7) (498.1) -286.9 (425.7) -286.9 Température minimale -596.3 (654.7) (598.8) -596.3 (533.0) -596.3 Température moyenne 1,143 (1,335) (1,226) 1,143 (1,091) 1,143 Quantité de pluie 20.27 (36.68) (34.27) 20.27 (31.96) 20.27 Température maximale au carré -4.763

(4.363) (4.354) -4.763 (4.036) -4.763 Température minimale au carré 4.016

(2.866) (2.447) 4.016 (2.281) 4.016 Température moyenne au carré -4.918

(3.076) (3.043) -4.918 -4.918* (2.479) Quantité de pluie au carré -1.468

(2.348) (2.207) -1.468 (2.107) -1.468

Constante -966.7

(1,900) (1,928) -966.7 (1,684) -966.7

Observations 293 293 293

R2 0.784 0.784 0.784

Selon les statistiques descriptives, les travailleurs plantent en moyenne 47 arbres de plus par jour quand une prime salariale de 15% est appliquée. Cette différence est également positive lorsque des analyses économétriques sont effectuées, mais le coefficient n’est pas significatif. Pareillement, l’effet positif de la bienfaisance patronale échoue les analyses plus rigoureuses. Tandis que les travailleurs plantent en moyenne 49 arbres de plus quand leur employeur promet de faire un don de bienfaisance, une baisse non significative de 25 arbres est observée lorsque les variables confondantes sont incluses. L’inclusion des variables confondantes, c’est-à-dire les variables de température, change beaucoup les résultats statistiques. À partir des données recueillies, il est alors impossible de dire qu’un don de bienfaisance de l’employeur du montant de 15 % du salaire à la pièce ordinaire a un effet positif sur la productivité des travailleurs.

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La productivité est influencée négativement lorsque les conditions météorologiques ne sont pas clémentes. Le nombre d’arbres plantés par travailleur décroît lorsque la température maximale ou moyenne augmente ou lorsqu’il y a des précipitations. Les effets marginaux de ces relations diminuent. En revanche, la température minimale a un effet négatif sur la productivité qui se détériore. C'est-à-dire que l’effet de la température minimale sur la productivité devient de moins en moins négatif. Aucune de ces relations n’est significative de façon disjointe, à l’exception du lien entre la productivité et le carré de la température moyenne. Par contre, un test de Wald de signifiance simultanée a été effectué sur les quatre relations météorologiques. À partir de ces tests, il est également possible de conclure que la température minimale et le carré de celle-ci influencent de la productivité de façon significative (valeur p de 0,0113).

Selon les données recueillies, aucune différence significative n’existe entre le comportement des travailleurs en présence de la bienfaisance de leur employeur. Il est également impossible de préciser la relation entre le salaire et la productivité. Pourtant, la possibilité de l’existence d’un effet de la température est impossible à écarter. La section suivante discutera des raisons motivant les résultats présentés.

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