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Les dépenses de santé : une augmentation salutaire ?

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Academic year: 2021

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LES DÉPENSES DE SANTÉ

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D

ANS LA MÊME COLLECTION

La Lancinante Réforme de l’assurance maladie, par Pierre-Yves Geoffard, 2006, 48 pages.

La Flexicurité danoise. Quels enseignements pour la France ?, par Robert Boyer, 2007, 3e tirage, 54 pages.

La Mondialisation est-elle un facteur de paix ?,

par Philippe Martin, Thierry Mayer et Mathias Thoenig, 2006, 56 pages. L’Afrique des inégalités : où conduit l’histoire,

par Denis Cogneau, 2007, 64 pages. Électricité : faut-il désespérer du marché ?, par David Spector, 2007, 2e tirage, 56 pages.

Une jeunesse difficile. Portrait économique et social de la jeunesse française, par Daniel Cohen (éd.), 2007, 238 pages.

Les Soldes de la loi Raffarin. Le contrôle du grand commerce alimentaire, par Philippe Askenazy et Katia Weidenfeld, 2007, 60 pages.

La Réforme du système des retraites : à qui les sacrifices ?, par Jean-Pierre Laffargue, 2007, 52 pages.

La Société de défiance. Comment le modèle social français s’autodétruit, par Yann Algan et Pierre Cahuc, 2008, 4e tirage, 102 pages.

Les Pôles de compétitivité. Que peut-on en attendre ?, par Gilles Duranton, Philippe Martin, Thierry Mayer

et Florian Mayneris, 2008, 2e tirage, 84 pages.

Le Travail des enfants. Quelles politiques pour quels résultats ?, par Christelle Dumas et Sylvie Lambert, 2008, 82 pages.

Pour une retraite choisie. L’emploi des seniors, par Jean-Olivier Hairault, François Langot

et Theptida Sopraseuth, 2008, 72 pages.

La Loi Galland sur les relations commerciales. Jusqu’où la réformer ?, par Marie-Laure Allain, Claire Chambolle et Thibaud Vergé, 2008, 74 pages.

Pour un nouveau système de retraite. Des comptes individuels de cotisations financés par répartition,

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collection du

C E P

R E

M A P

CENTRE POUR LA RECHERCHE ÉCONOMIQUE ET SES APPLICATIONS

LES DÉPENSES DE SANTÉ

Une augmentation salutaire ?

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© Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure, 2009 45, rue d’Ulm – 75230 Paris cedex 05

www.presses.ens.fr ISBN 978-2-7288-0419-3

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Le CEPREMAP est, depuis le 1er janvier 2005, le CEntre Pour la Recherche

EconoMique et ses APplications. Il est placé sous la tutelle du ministère de la Recherche. La mission prévue dans ses statuts est d’assurer une interface entre le monde académique et les décideurs publics et privés.

Ses priorités sont définies en collaboration avec ses partenaires institu-tionnels : la Banque de France, le CNRS, le Centre d’analyse stratégique, la

direction générale du Trésor et de la Politique économique, l’École normale supérieure, l’INSEE, l’Agence française du développement, le Conseil d’analyse

économique, le ministère chargé du Travail (DARES), le ministère chargé de

l’Équipement (DRAST), le ministère chargé de la Santé (DREES) et la direction

de la recherche du ministère de la Recherche.

Les activités du CEPREMAP sont réparties en cinq programmes scientifiques :

Politique macroéconomique en économie ouverte ; Travail et emploi ; Économie publique et redistribution ; Marchés, firmes et politique de la concurrence ; Commerce international et développement.

Chaque programme est animé par un comité de pilotage constitué de trois ou quatre chercheurs reconnus. Participent à ces programmes une centaine de chercheurs, associés au Campus Jourdan de l’École normale supérieure ou cooptés par les animateurs des programmes de recherche.

La coordination de l’ensemble des programmes est assurée par Philippe Askenazy. Les priorités des programmes sont définies pour deux ans.

L’affichage sur Internet des documents de travail réalisés par les chercheurs dans le cadre de leur collaboration au sein du CEPREMAP tout comme cette

série d’opuscules visent à rendre accessible à tous une question de politique économique.

Daniel COHEN Directeur du CEPREMAP

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(7)

Sommaire

En bref . . . .

9

Introduction . . . .

11

1. Âge ou proximité de la mort ? . . . .

23

Le débat sur le rôle de la proximité de la mort . . . .

23

Conséquences pour les prévisions . . . .

26

Interprétation des dépenses en fin de vie . . . .

27

2. Âge et santé . . . .

31

L’âge, indicateur instable de la morbidité . . . .

31

L’évolution de la morbidité . . . .

32

Un faible impact sur les prévisions . . . .

35

3. La dynamique du progrès technique médical . . . .

37

Les changements de pratiques : déterminant majeur

de la croissance des dépenses de santé . . . .

37

Le progrès technique et la diffusion des innovations médicales 40

Comment intégrer le progrès technique médical

dans les prévisions ? . . . .

46

4. La valeur obtenue en contrepartie des dépenses de santé 53

L’impact des soins médicaux sur la santé . . . .

54

La valeur statistique de la vie . . . .

56

L’apport des innovations médicales . . . .

59

(8)

8

La valeur des gains en santé et en longévité . . . .

62

Quel est le niveau souhaitable des dépenses de santé ? . . . . .

63

L’efficacité des dépenses de santé . . . .

65

Conclusion pour la France . . . .

69

(9)

EN BREF

Le débat sur le système de santé est d’ordinaire abordé sous l’angle du financement, avec la perspective des sacrifices à consentir. Une telle approche privilégie les moyens au dépend des fins. En nous intéressant de près à la dépense de santé, nous voulons donner toute leur place aux objectifs.

Depuis le milieu du XXe siècle les économies développées connaissent

deux grandes tendances : un formidable accroissement de la longévité et une augmentation continuelle de la part du produit intérieur brut consacrée aux dépenses de santé. Quel est le lien entre ces deux évolutions ? Contrairement à une opinion répandue, le vieillissement ne joue qu’un rôle mineur dans la croissance des dépenses de santé. Celle-ci résulte principalement de la dyna-mique du progrès médical : de nouveaux produits et de nouvelles procédures apparaissent continuellement, dont la diffusion alimente la croissance des dépenses de santé.

Ces dépenses sont-elles justifiées ? Doivent-elles continuer à progresser ? Ces questions doivent être posées car la dépense de santé est, dans une large proportion, financée par des prélèvements obligatoires. Pour y répondre, il faut mesurer la valeur des gains en santé et en longévité obtenus en contre-partie des dépenses de santé. On utilise pour cela le concept de « valeur statistique de la vie », employé dans d’autres domaines de la décision publique comme les politiques environnementales. Des études ciblées sur différentes pathologies comme les maladies cardiaques, la cataracte ou la dépression montrent que les innovations médicales ont, certes, entraîné une augmenta-tion du coût des traitements. Mais la valeur de l’amélioraaugmenta-tion de la qualité de la vie, de la baisse des handicaps et de l’accroissement de la longévité qui en découlent dépasse largement la hausse du coût des soins. Une étude plus globale réalisée pour les États-Unis aboutit à une évaluation spectaculaire : entre 1970 et 2000, les progrès en santé et en longévité auraient représenté

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chaque année un gain égal à 34 % du PIB, soit plus du double des dépenses de santé, qui représentent 15 % du PIB dans ce pays. Un tel résultat suggère que dépenser encore plus pour la santé pourrait répondre aux préférences collectives.

Grâce aux innovations médicales, nous vivons plus longtemps et en meilleure santé. Évalués en unités monétaires, les gains en bien-être obtenus en contrepartie de ces dépenses semblent gigantesques. Certes, des gains d’efficacité sont possibles et souhaitables. Mais il est urgent d’organiser en France un débat public sur le niveau désirable de l’effort consenti en faveur de la santé. La focalisation actuelle des discussions sur le niveau des prélèvements obligatoires escamote la réflexion sur les dépenses que nous désirons.

Brigitte Dormont est professeur à l’université Paris-Dauphine (Legos) et professeur invitée à l’université de Lausanne (Institut d’économie et management de la santé). Elle est actuellement en délégation CNRS au GREQAM et codirecteur du programme Économie publique et redistribution du Cepremap*.

* L’auteur remercie Philippe Askenazy, Daniel Cohen, Pierre-Yves Geoffard et Claudia Senik de leurs commentaires sur une première version de ce texte, ainsi que Lucy apRoberts pour sa relecture avisée. Cet ouvrage trouve son origine dans des réflexions initiées lors d’une recherche réalisée avec Michel Grignon et Hélène Huber, dont les résultats sont décrits au début du troisième chapitre.

(11)

Introduction

Les conditions de la vie humaine ont été profondément modifiées par l’augmentation de la longévité. En France, l’espérance de vie a plus que triplé depuis le XVIIIe siècle, passant de 25 ans en 1750 à plus de 80 ans au

début des années 2000. Cette évolution s’est poursuivie à un rythme soutenu dans la seconde moitié du XXe siècle (figure 1).

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les progrès reposaient sur la baisse de la

mortalité infantile. En revanche, les décennies récentes sont marquées par des avancées dans la survie aux âges élevés. L’espérance de vie à 60 ans ne progresse quasiment pas jusqu’en 1950. Ce n’est qu’à partir de cette date qu’elle se met à augmenter (figure 2). Ces progrès ont des causes diverses,

Figure 1 – Espérance de vie à la naissance en France (1960-2006).

Source : Éco-santé, OCDE ; IRDES, 2008. 65 1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 Femmes Hommes

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notamment l’amélioration des conditions de vie et de travail des généra-tions concernées. Mais ils sont dus, pour l’essentiel, aux victoires remportées contre les maladies infectieuses, grande cause de décès des personnes âgées jusqu’au milieu du XXe siècle, et dans la lutte contre les maladies

cardiovasculaires (figure 3). Les gains actuels en espérance de vie s’accom-pagnent d’une augmentation de la longévité. Ce phénomène est général : sur la période 1960-2006, l’espérance de vie s’est fortement accrue dans les pays développés grâce aux progrès obtenus en matière de mortalité des

Figure 2 – Espérance de vie à 60 ans en France (1806-2004).

Source : Pison [39]. Années 30 25 20 15 10 1800 1820 1840 1860 1880 1900 1920 1840 1960 1980 2000 INED 07 105 5 0 Année Femmes Hommes

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personnes âgées (figure 4). L’accroissement de la longévité conduit à une augmentation de la proportion des personnes âgées dans la population. Ce changement de structure est appelé « vieillissement de la population ». Les projections démographiques peuvent faire l’objet de révisions importantes à cause de modifications concernant les hypothèses touchant à la fécondité et aux migrations. Mais la tendance au vieillissement résiste à tous les scénarios envisagés. En effet, le vieillissement dépend assez peu des variations de la fécondité. Il est principalement dû à l’accroissement de la durée de la vie, et il y a un consensus pour prévoir une poursuite de Figure 3 – Taux de mortalité par cause de décès en France (1925-1999).

Source : Pison [39]. Nombre annuel de décès (p. 100 000) 800 700 600 500 400 300 200 100 0 1925 1935 1945 1955 1965 1975 1985 1995 INED 07 205 Année

Maladies de l’appareil circulatoire

Tumeurs

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14

l’augmentation de la longévité [4]. La figure 5 illustre pour la population française le processus de vieillissement prévu à l’horizon 2050 : une augmentation lente, mais continue, de la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus.

Depuis le milieu du XXe siècle les économies développées connaissent

une autre tendance lourde : les dépenses de santé progressent plus vite que les autres postes de consommation. Il en résulte une continuelle augmen-tation de la part du produit intérieur brut (PIB) consacrée aux dépenses de santé. Le tableau 1 indique les évolutions observées dans les mêmes pays que ceux dont nous avons observé les progrès en matière d’espérance de vie (voir figure 4) et pour la même période 1960-2006. En France, la part des dépenses de santé dans le PIB est passée de 3,8 % en 1960 à 11,1 % en 2006. La progression la plus spectaculaire est observée aux États-Unis (5,1 % à 15,3 %), avec une augmentation de 10,2 points de PIB.

Figure 4 – Variation de l’espérance de vie des femmes (1960-2006).

Source : Éco-santé, OCDE ; IRDES, 2008. 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 Variation espérance de vie (naissance) Variation espérance de vie (60 ans) France Allemagne Royaume-Uni Suisse Japon États-Unis

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Figure 5 – Prévisions de la part de la population âgée de 65 ans et plus en France.

Source : OCDE.

Tableau 1 – Part des dépenses totales de santé dans le PIB. Évolution de 1960 à 2006. Pays 1960 2006 Variation France 3,8 11,1 + 7,3 Allemagne* 6 10,6 + 4,6 Royaume-Uni 3,9 8,4 + 4,5 Suisse 4,9 11,3 + 6,4 États-Unis 5,1 15,3 + 10,2 Japon** 3 8,2 + 5,2

Source : Éco-santé OCDE, 2008.

*Allemagne : 1970-2006. **Japon : 1960-2005. 28 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 26 24 22 20 18 16 14

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Quel est le lien entre ces deux évolutions ? L’augmentation de la longé-vité découle, certes, des progrès réalisés dans la lutte contre les affections responsables de la mortalité des adultes. Mais le progrès médical implique-t-il nécessairement une hausse des dépenses ? Réciproquement, le vieillis-sement de la population peut-il nourrir une augmentation sans fin des dépenses de santé ?

L’idée qu’une pandémie de vieillissement pourrait submerger nos systèmes de santé est très répandue. Elle est régulièrement agitée par les responsa-bles politiques et les faiseurs d’opinion pour accréditer l’idée que l’augmen-tation des dépenses de santé est inexorable. La perspective incontestable du vieillissement de la population est exploitée au service de l’idée fausse qu’il serait à l’origine d’un dérapage à venir des dépenses de santé.

La prégnance de cette idée tient au fait qu’elle repose sur un raisonne-ment simple. Comme les dépenses de santé d’un individu augraisonne-mentent avec son âge, le vieillissement de la population devrait entraîner un choc à la hausse sur les dépenses de santé au niveau global. Le raisonnement est irréprochable. Mais quelle conclusion en tirer ? Autant il est pertinent de prédire que le vieillissement contribuera à augmenter les dépenses de santé, autant il est erroné d’y voir la source principale de la croissance à venir de ces dépenses. Il y a là un glissement sémantique tout à fait illégitime. Cette représentation laisse de côté d’autres facteurs comme l’évolution de l’état de santé de la population et la dynamique des innovations médicales. Partielle, elle omet de hiérarchiser les impacts des différents facteurs de croissance des dépenses de santé. Elle néglige la question des ordres de grandeurs, pourtant primordiale lorsqu’il s’agit de formuler des recomman-dations pour la décision publique.

Cet opuscule étudie les sources de la croissance des dépenses de santé. Le vieillissement de la population joue-t-il un rôle mineur par rapport à d’autres facteurs comme les innovations médicales ? Le débat n’est pas fortuit. De son issue dépend notre conception de l’avenir : submersion par

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des dépenses non maîtrisables dans l’hypothèse où le vieillissement serait la principale source de leur croissance ; possibilité de maîtrise par des choix raisonnés en matière d’adoption des innovations médicales dans l’autre hypothèse.

À la question posée nous répondrons par l’affirmative. Oui, le vieillisse-ment ne joue qu’un rôle mineur dans l’explication de la croissance des dépenses de santé. Considérons dès à présent des prévisions réalisées à l’aide de modèles construits par l’OCDE. Pour l’Europe des Quinze, la part des dépenses de santé dans le PIB devrait passer de 7,7 % en 2005 à 12,8 % en 2050 [13]. Sur cette progression de 5,1 points de PIB, seulement 0,7 point serait attribuable aux changements démographiques.

Deux graphiques tirés d’une étude réalisée à partir de données françaises permettent de comprendre les mécanismes à l’œuvre. La figure 6 repré-sente la moyenne, calculée par tranche d’âge, des dépenses individuelles

Figure 6 – Dépenses de santé annuelle par tranche d’âge pour l’année 2000.

Source : Dormont, Grignon et Huber [14]. Moyenne par individu dans chaque tranche d’âge. Données françaises, enquête Santé Protection sociale (IRDES).

4 000 3 500 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Tranche d’âge Euros 2000

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de santé observées en 2000 sur un échantillon représentatif de Français. Sans surprise, les dépenses apparaissent comme une fonction croissante de l’âge, avec une pente qui s’accentue à partir de 50 ans. Imputer toute la croissance des dépenses de santé au vieillissement revient à se contenter de croiser cette courbe des dépenses par âge avec les évolutions prévues de la structure par âge de la population (figure 5).

Raisonner de la sorte fait fi du facteur principal de croissance des dépenses de santé : le changement dans le temps du profil des dépenses par âge. La figure 7 montre que ce profil dérive vers le haut entre 1992 et 2000 : quelle que soit la tranche d’âge considérée, la dépense individuelle de santé est plus élevée en 2000 qu’en 1992. Cette évolution peut être attri-buée aux innovations médicales et aux changements des comportements des patients et des praticiens. Comme nous le verrons plus loin, elle n’est pas due à une détérioration de l’état de santé des patients. Ce mécanisme

Figure 7 – Dépenses de santé annuelle par tranche d’âge (1992 et 2000).

Source : Dormont, Grignon et Huber [14]. Moyenne par individu dans chaque tranche d’âge. Données françaises, enquête Santé Protection sociale (IRDES).

0 10 20 30 40 50 60 70 80 Tranche d’âge 4 000 3 500 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 Euros 2000 1992

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n’est pas de nature démographique, puisque l’on examine ici les dépenses individuelles par âge. Or c’est cette translation vers le haut du profil des dépenses par âge qui explique l’essentiel de la croissance des dépenses de santé. En effet, son ampleur dépasse largement le glissement modéré dû au vieillissement de la population. Nous préciserons ce point ultérieurement, mais le lecteur peut déjà s’en convaincre facilement en constatant que l’augmentation des dépenses individuelles entre 1992 et 2000 dépasse les 50 % pour tous les âges (figure 7), alors que les changements observés pour la structure par âge de la population sont beaucoup plus lents : par exemple, la proportion des 65 ans et plus passe de 14,5 % à 16,1 % dans la même période, soit 1,6 point d’augmentation seulement. Les ordres de grandeurs sont sans commune mesure. C’est cet état de fait qui confère au vieillissement de la population un rôle relativement mineur.

La croissance des dépenses de santé n’est donc pas un processus incontrôlé mû par le vieillissement de la population. Elle n’est pas non plus le fruit d’un progrès technique aveugle qui s’imposerait à notre société, mais celui d’une économie dont nous sommes les acteurs. Et des acteurs plutôt heureux, puisque nous vivons plus longtemps et en meilleure santé.

Nous voulons promouvoir l’idée qu’une croissance soutenue des dépenses de santé peut correspondre à un optimum collectif. Après avoir démontré que le vieillissement ne joue qu’un rôle marginal, nous montrons que la croissance des dépenses de santé résulte principalement de la dyna-mique du progrès médical. Le coût des soins augmente rapidement, mais leur efficacité aussi. Des gains en bien-être liés à l’accroissement de la longévité et à l’amélioration de la qualité de la vie sont obtenus en contre-partie des dépenses de santé. Et la valeur de ces « bénéfices » dépasse largement le coût des soins.

Nous ne traiterons pas, ou très peu, des problèmes de financement. Le débat sur les dépenses de santé est généralement abordé sous cet angle, avec la perspective des sacrifices à consentir. L’économie est une discipline

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20

qui guide les choix. Un bon économiste doit identifier les objectifs indé-pendamment de la contrainte budgétaire. En nous intéressant de près à la dépense de santé, nous voulons donner toute leur place aux objectifs. Nous ne traiterons pas non plus des problèmes d’équité, bien que ces questions soient majeures en santé1.

Cet opuscule comporte quatre chapitres.

Dans le premier chapitre, nous analyserons le rôle de l’âge dans l’expli-cation des dépenses de santé. Le facteur décisif est-il l’âge proprement dit ou la proximité de la mort ? Cette question a été pendant quelques années au cœur du débat concernant l’impact du vieillissement de la population.

Le deuxième chapitre sera consacré à l’évolution de la relation entre âge et santé. Vieillissement ne signifie pas sénescence : les progrès médicaux conduisent à une amélioration de la santé à âge donné. Nous décrirons les scénarios envisagés par les épidémiologistes pour l’évolution future de la morbidité. Dans tous les cas, l’impact de la morbidité sur les prévisions de dépenses de santé est assez faible.

La dynamique du progrès médical sera abordée dans le troisième chapitre. La diffusion des innovations médicales est le moteur principal de la croissance des dépenses de santé, loin devant le vieillissement de la population. En outre, le faible impact du vieillissement est neutralisé par la baisse de la morbidité à âge donné. Dans les prévisions, les hypothèses sur le rythme futur du progrès technique sont déterminantes.

Dans le quatrième chapitre, nous nous interrogerons sur la valeur obtenue en contrepartie des dépenses de santé. Cela suppose de mesurer une « valeur statistique de la vie », concept dont nous expliquerons la nécessité pour évaluer l’apport des soins médicaux au regard d’autres

1. Pierre-Yves Geoffard développe une réflexion sur le « chantier permanent » que constitue la réforme de l’assurance maladie en France [21].

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21

dépenses possibles. Ce concept a différentes applications fondamentales pour mesurer la contribution des innovations médicales et réfléchir à la pertinence de la mesure des prix et des volumes en santé. Il permet encore de mesurer en points de PIB la valeur des gains en santé et en longévité, afin d’examiner si les dépenses actuelles sont excessives ou insuffisantes du point de vue des préférences collectives (à ce stade, les considérations de financement seront intégrées à l’analyse). Nous terminerons ce dernier chapitre en abordant la question cruciale de l’efficacité de la dépense.

(22)
(23)

1.

Âge ou proximité de la mort ?

Les premières analyses des dépenses de santé ont rapidement ouvert un débat concernant l’influence des facteurs démographiques. En effet, les résultats économétriques ont tous contredit l’idée d’un rôle majeur dévolu au vieillissement.

De nombreuses estimations ont été réalisées sur des données macroé-conomiques relatives aux pays de l’OCDE. Leurs résultats ne montrent pas d’influence de l’âge sur les dépenses de santé par tête. Lorsque son impact est significatif, la part des plus de 65 ans dans la population joue un rôle très faible dans la croissance des dépenses de santé au regard d’autres déterminants comme le PIB, le progrès technologique ou la couverture par les assurances [1, 22, 23, 30].

L

E DÉBAT SUR LE RÔLE DE LA PROXIMITÉ DE LA MORT

Ces résultats négatifs ont suscité un vif débat sur le rôle qu’il fallait attribuer à l’âge. Des travaux ont mis en évidence que le coût des soins augmentait de façon spectaculaire à l’approche de la mort, quel que soit l’âge auquel le décès se produit. En utilisant des données de Medicare (assurance publique couvrant les Américains de 65 ans et plus), Lubitz et Riley [32] montrent que les 5 % d’assurés qui décèdent dans l’année représentent environ 30 % des dépenses couvertes. En s’appuyant sur ce résultat, Zweifel et al. [46] ont défendu l’idée que ce n’est pas l’âge, mais la proximité de la mort qui explique les dépenses de soins. Dans un premier article très polémique, ils produisent des estimations qui montrent que l’âge n’a plus d’influence significative sur les dépenses de santé si l’on prend en compte la proximité de la mort dans les variables explicatives.

Selon Zweifel, la corrélation transversale observée entre âge et dépenses résulterait exclusivement du coût élevé de la mort, joint au fait que la probabilité de mourir augmente avec l’âge. Dans cette hypothèse, il faudrait réviser l’interprétation du profil de dépenses par âge représenté dans la figure 6.

(24)

24

L’interprétation proposée est la suivante : le profil des dépenses serait plat1

pour les « survivants », c’est-à-dire les assurés qui ne décèdent pas dans l’année. Il serait plat aussi, mais à un niveau beaucoup plus élevé, pour les « décédants » (les personnes qui décèdent dans l’année). Le profil crois-sant obtenu résulterait du fait que l’on calcule la moyenne entre ces deux niveaux constants avec un poids accordé aux « décédants » qui croît avec l’âge, compte tenu du fait que le taux de décès augmente avec l’âge. Un profil croissant est ainsi compatible avec des dépenses de santé indépen-dantes de l’âge. Il résulterait uniquement d’un effet de structure dû au fait que la proportion de « décédants » augmente avec l’âge.

Un article publié par Yang et al. [45] illustre les mécanismes en jeu. Ses auteurs mènent une analyse descriptive des dépenses de santé à partir d’un échantillon de 25 994 bénéficiaires de Medicare. La figure 8 repré-sente les dépenses mensuelles de santé en fonction de la proximité de la mort pour trois groupes d’âge (65-74 ans, 75-84 ans et 85 ans et plus). La proximité de la mort est mesurée, de gauche à droite, par un compte à rebours qui va de 36 à 0 mois. La principale caractéristique de ces courbes est l’augmentation brutale des dépenses de santé à l’approche de la mort, de 2 000 dollars douze mois avant le décès à 8 000 dollars dans le dernier mois. On constate aussi que les courbes relatives aux trois tranches d’âge sont très proches les unes des autres : les différences de dépenses par âge sont modestes, comparées à la montée brutale à l’approche de la mort. La figure 9 analyse les mêmes données d’une autre façon. Elle représente les dépenses moyennes de santé en fonction de l’âge, en distinguant les indivi-dus qui décèdent dans l’année, appelés « décédants » et les autres, appelés « survivants ». La figure montre bien que la proximité de la mort a un impact considérable sur le niveau des dépenses de santé. Il n’y a pas de doute que la forme croissante du profil des dépenses par âge est en partie

(25)

25

due au coût élevé de la mort, conjugué au fait que la probabilité de mourir croît avec l’âge. Cependant, les résultats de Yang et al. contredisent les estimations de Zweifel en ceci, que le profil des dépenses des survivants n’est pas plat : en n’étudiant que les survivants, c’est-à-dire en éliminant la remontée due à l’approche de la mort, les dépenses de santé restent une fonction croissante de l’âge1 (figure 9). Et les survivants représentent de

loin la plus grande part des dépenses de santé agrégées.

Figure 8 – Dépenses mensuelles de santé ($ base 1998) par groupe d’âge en fonction de la proximité de la mort (mesurée en mois de 36 à 0).

Source : Yang, Norton et Stearns [45].

1. Ce même résultat est obtenu sur les données françaises utilisées pour construire la figure 7. Les dépenses des individus dont on a pu observer qu’ils étaient encore vivants quatre ans plus tard sont une fonction croissante de leur âge [14].

36 32 28 24 20 16 12 8 4 0

Délai avant la mort (en mois)

65 à 74 ans 75 à 84 ans 85 ans et plus 8 000 6 000 4 000 2 000 0

(26)

26

De multiples discussions ont eu lieu, avec une mise en cause des données et des méthodes utilisées par Zweifel. Après quelques années de débat et de nombreux articles, les économistes s’accordent pour reconnaître que les deux facteurs jouent significativement : l’âge et la proximité de la mort.

C

ONSÉQUENCES POUR LES PRÉVISIONS

Ce débat n’est pas gratuit. Si la proximité de la mort était l’unique détermi-nant des dépenses de soins, les gains de longévité, qui retardent l’échéance du décès, ne devraient pas contribuer à une accélération mais à un freinage de la progression des dépenses de santé. Nous ne sommes pas dans ce cas

Figure 9 – Dépenses mensuelles de santé ($ base 1998) en fonction de l’âge, en distinguant ceux qui décèdent dans l’année (courbe du haut)

et ceux qui ne décèdent pas dans l’année (courbe du bas).

Source : Yang, Norton et Stearns [45].

65 70 75 80 85 90 95 100

Âge (année)

personnes dans leur dernière année de vie

personnes à plus d’un an de leur mort

4 000

2 000

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27

puisque – nous l’avons vu – l’âge influence les dépenses des survivants. Toutefois, intégrer la proximité de la mort en plus de l’âge dans l’élaboration des prévisions permet une révision à la baisse de la croissance anticipée des dépenses. Pour les États-Unis, une étude montre que les dépenses de Medicare seraient surestimées de 15 % à l’horizon 2020 si l’on n’intégrait pas la proximité de la mort dans le calibrage de la prévision [43]. Ce point de vue est maintenant acquis : les méthodes retenues pour les prévisions de l’OCDE [38] et de la Commission européenne [15] prennent en compte à la fois l’âge et la proximité de la mort, ce qui contribue à modérer la croissance anticipée.

I

NTERPRÉTATION DES DÉPENSES EN FIN DE VIE

L’information sur la montée spectaculaire des dépenses en fin de vie est parfois évoquée dans le débat public. Elle produit immanquablement des interprétations hâtives. Selon les commentaires les plus fréquents, on observerait ainsi la contrepartie financière de comportements d’acharnement thérapeutique ; ces dépenses seraient inutiles puisqu’elles concernent des personnes qui vont décéder. Autrement dit, des économies substantielles pourraient être obtenues en limitant des dépenses qui gaspillent des ressour-ces. Les études empiriques disponibles ne permettent pas de conférer une quelconque légitimité à ce type d’interprétation.

Tout d’abord, les dépenses en fin de vie ne peuvent être tenues pour responsables de la croissance des dépenses de santé. En effet, la part des dépenses dévolue aux personnes qui décèdent dans l’année reste remar-quablement stable, tandis que les dépenses de santé augmentent rapide-ment au fil des années, toutes catégories confondues. Lubitz et Riley [32] montrent ainsi que les dépenses dans leur dernière année de vie des béné-ficiaires de Medicare ont presque quadruplé entre 1976 et 1988. Dans le même temps, la part du budget de Medicare qui leur est consacrée est restée stable à environ 30 %. Des résultats plus récents confirment ce

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constat : les dépenses ont plus que doublé entre 1988 et 1996, mais la part des décédants reste encore stable à environ 26 % du budget de Medi-care [27]. Tout se passe donc comme si un facteur commun de croissance affectait parallèlement les dépenses des uns et des autres.

Parler d’acharnement thérapeutique et de dépenses inutiles revient à raisonner sur des moyennes sans tenir compte de la variabilité des dépenses, ni de l’incertitude qui affecte l’issue des traitements. Newhouse [37] souligne que les niveaux de dépenses sont très inégaux parmi les décédants : seuls les soins d’une faible minorité (6 %) entraînent des dépenses véritablement exceptionnelles qui tirent la moyenne vers le haut. Par ailleurs, une étude menée dans une unité de soins intensifs a permis d’examiner les coûts et l’issue des soins en rapport avec la probabilité de survie pronostiquée par les médecins lors de l’admission du patient [12]. Les résultats montrent que des patients pour lesquels les médecins étaient pessimistes ont reçu des soins très coûteux et ont survécu. Parmi les patients qui sont morts, il y en a dont le pronostic était favorable et qui ont aussi reçu des soins très coûteux. Dans de nombreux cas, l’inutilité d’un traitement ne peut être connue qu’a posteriori ; ce concept a peu de valeur opératoire.

La question d’un éventuel gaspillage des ressources est parfois posée en rapprochant les dépenses de soins terminaux du faible bénéfice en termes de santé qu’ils sont supposés apporter au patient concerné. D’après les contempteurs de telles dépenses, le rapport coût-bénéfice des soins terminaux dépasserait largement la valeur statistique d’une année de vie1,

critère généralement utilisé pour l’adoption des innovations médicales. Les sociétés modernes se comporteraient ainsi de façon irrationnelle avec leurs mourants, en dépensant pour eux des sommes bien supérieures à ce qu’un critère d’efficacité pourrait commander. Ces arguments sont plus souvent sous-entendus qu’explicites. Ils apparaissent en filigrane dans de

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nombreux rapports administratifs sans faire l’objet d’une discussion rigou-reuse. La confusion est souvent entretenue entre dépenses dans la dernière année de vie (pour lesquelles existent les statistiques évoquées plus haut) et dépenses de soins terminaux, ainsi qu’entre dépenses en fin de vie et dépenses de santé des personnes âgées.

Un récent article de Becker et al. [2] aborde directement la question de la valeur apportée par les soins terminaux. Au niveau théorique, les auteurs insistent sur la non-linéarité de la valeur de la vie. Ils entendent par là que la valeur marginale d’une portion de vie additionnelle dépend de la place de l’individu dans sa propre fonction de survie. Au voisinage de la mort, sa disposition à payer pour des soins pouvant prolonger sa vie sera égale à la totalité de sa richesse personnelle. Cette conception semble frappée au coin du bon sens. Elle n’est cependant pas prise en compte dans les approches habituelles, lesquelles procèdent à un calcul au prorata d’une valeur constante de l’année de vie (100 000 $ par exemple). Dans le calcul proposé par Becker, la valeur attribuée aux soins terminaux est définie par la disposition à payer de l’individu concerné. Elle est donc égale à sa richesse, quelle que soit l’importance du prolongement de vie obtenu grâce aux soins. En outre, il convient d’élargir la définition de la valeur de la vie en intégrant l’existence de liens affectifs entre les êtres humains (qualifiés d’altruisme dans les modèles). Dans cette hypothèse, les enfants et amis valorisent la survie du parent et ami en plus de la valorisation de sa propre survie par le malade. Ceci conduit à une valeur des soins terminaux qui peut dépasser la richesse de l’individu. Une assurance publique universelle peut être conçue comme la traduction institutionnelle d’un tel altruisme. Dans ce cadre, un haut niveau de dépenses pour les soins terminaux peut être jugé conforme aux préférences collectives et donc efficace selon le critère de la rationalité économique.

Quelle est maintenant la relation entre l’âge et le niveau de dépenses dans la dernière année de la vie ? On obtient sur cette question un résultat

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troublant : les dépenses des « décédants » semblent décroître en fonction de l’âge. Visible dans la figure 9 pour les dépenses totales aux États-Unis, ce résultat est encore plus marqué pour les dépenses d’hospitalisation. Les études menées dans différents pays convergent toutes vers ce même constat : les dépenses en fin de vie sont plus faibles pour les personnes les plus âgées. Cet état de fait résulte-t-il d’un rationnement des soins qui se traduirait par une discrimination à l’encontre des personnes âgées ? En l’état actuel des connaissances il est difficile de conclure sur cette question. Sur le terrain, c’est au médecin d’évaluer l’état de son patient et les bénéfices potentiels des traitements qu’il peut décider de mettre en œuvre. Les moindres dépenses en fin de vie des patients âgés peuvent simplement résulter du fait que les traitements intensifs sont plus risqués pour eux et leur sont potentiellement moins profitables.

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2.

Âge et santé

Les réflexions sur le vieillissement sont affectées par la polysémie du terme. « Vieillissement » signifie avancée en âge, en définissant l’âge par le nombre d’années vécues. C’est dans ce sens que l’on parle de vieillissement de la population : on désigne ainsi l’augmentation de la proportion de personnes d’un âge supérieur à une borne choisie (60 ans, 65 ans, etc.). Mais le sens commun assimile aussi le vieillissement à la sénescence. Le mot « vieillisse-ment » est alors utilisé pour désigner l’usure qui affecte la personne humaine avec le temps et se traduit par une plus grande vulnérabilité aux maladies et invalidités. Comme le décrit bien H. Le Bras [29], au milieu du XXe siècle

certains démographes français ont étendu le concept de la personne humaine à la population, sans discuter de la pertinence d’une telle extrapo-lation. Ils ont en revanche exploité pleinement son pouvoir métaphorique au service d’une croisade en faveur d’un relèvement de la natalité. Cette campagne était assortie d’une description apocalyptique du vieillissement de la population, celui-ci devant s’accompagner d’une dégénérescence morale collective, avec paralysie sociétale, infécondité et perte de créativité généralisées. Le mot « vieillissement » n’en est pas ressorti indemne. Les réflexions sur la question restent polluées par l’opprobre dont il a été accablé.

L’

ÂGE

,

INDICATEUR INSTABLE DE LA MORBIDITÉ

En matière de dépenses de santé, il est pourtant crucial de distinguer le vieillissement, c’est-à-dire l’augmentation de l’âge nominal, de la progression de la morbidité. En effet, les progrès médicaux permettent justement de différer l’apparition des maladies à des âges plus tardifs, produisant un décou-plage du vieillissement et de la sénescence. Il est fondamental de bien saisir cette évolution pour les exercices de prospective. Il faut donc bannir toute utilisation du mot vieillissement dans le sens d’usure de la personne. C’est la ligne de conduite adoptée dans cet opuscule, où le terme vieillissement désigne, pour un individu, l’augmentation du nombre d’années vécues et

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pour la population, l’augmentation de la proportion de personnes d’un âge supérieur à une borne définie.

En réalité, c’est la morbidité et non l’âge en soi qui explique que le profil des dépenses de santé soit une fonction croissante de l’âge (voir figure 6). En l’absence d’une information plus précise rarement disponible, celui-ci joue comme un indicateur de la morbidité car la prévalence de la plupart des affections augmente avec l’âge. Mais dès qu’une information détaillée peut être utilisée, on constate que l’âge n’a plus d’influence significative sur les dépenses de santé si l’on tient compte du niveau d’invalidité et de la morbidité, c’est-à-dire des maladies chroniques affectant l’individu [14]. Ce qui compte en matière de dépenses de soins, ce sont les besoins et donc la morbidité plutôt que l’âge. Si l’état de santé devait s’améliorer à âge donné, on devrait assister à une déconnection entre âge et dépenses de santé. L’âge est un indicateur très imparfait de la morbidité à cause de son insta-bilité : les progrès médicaux et les améliorations des conditions de vie et de travail modifient continuellement la relation entre âge et état de santé [5].

L’

ÉVOLUTION DE LA MORBIDITÉ

Quelle sera l’évolution future de la morbidité ? Les prévisions en la matière sont un exercice héroïque. L’Organisation mondiale de la santé a mis en place des groupes de travail pour étudier les conséquences possibles de l’augmentation de la longévité sur l’évolution de la morbidité à âge donné [40]. Trois scénarios sont envisagés : le premier est appelé healthy ageing (vieillis-sement en bonne santé) par les prévisionnistes de la Commission euro-péenne et de l’OCDE. Il revient à supposer que tout gain en longévité se traduit par des années en bonne santé. Par exemple, deux ans d’espérance de vie supplémentaires iraient de pair avec un délai identique, de deux ans, dans l’apparition des maladies chroniques et des incapacités. Le deuxième scénario est plus optimiste : dans l’hypothèse de « compression de la morbi-dité », l’incidence des maladies chroniques serait retardée plus amplement

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que l’échéance du décès [18]. Dans ce cas, la portion de vie affectée par des maladies ou handicaps se réduirait : l’espérance de vie en bonne santé se rapprocherait de l’espérance de vie. À l’autre extrême, le troisième scénario se réfère à une « extension de la morbidité » : on assisterait à une pandémie de démences séniles et de maladies chroniques car les progrès thérapeuti-ques ne permettraient que d’allonger la durée de vie sans en améliorer la qualité [25, 28].

L’analyse des évolutions passées montre que la plupart des pays déve-loppés connaissent une élévation de la longévité qui ne s’accompagne pas d’une augmentation du temps vécu avec des handicaps. Des données pour la France et les États-Unis tendent à valider l’hypothèse la plus optimiste de compression de morbidité. Une étude réalisée par le prix Nobel d’économie Robert Fogel [16] sur un échantillon de 45 000 vétérans de l’armée améri-caine montre que l’âge moyen d’apparition des principales maladies chro-niques a augmenté de 10 ans pendant les quatre-vingts dernières années, alors que dans le même temps l’espérance de vie n’augmentait que de 6,6 ans. Ces résultats confirment d’autres travaux montrant qu’aux États-Unis les personnes âgées connaissent une amélioration de leurs capacités fonctionnelles alors qu’elles vivent plus longtemps [17]. De nombreuses études confèrent ainsi un fondement empirique aux hypothèses optimistes. Cependant, les observations sont plus complexes à analyser lorsque l’on considère des indicateurs affinés permettant de distinguer espérance de vie sans maladie chronique et espérance de vie sans incapacité et de ventiler ce dernier indicateur selon la gravité de l’incapacité. Les résultats obtenus sur différents pays sont alors plus nuancés [35]. La seule observation générale est celle d’une augmentation de l’espérance de vie sans incapacité sévère, parallèlement à l’augmentation de l’espérance de vie. Ceci est constaté dans tous les pays où existent des données permettant d’observer ces phéno-mènes, à savoir l’Australie, le Canada, la France, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis. Pour des niveaux d’incapacité moins sévère et la prévalence

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des maladies chroniques, les évolutions dépendent du pays considéré. Ce n’est qu’en France et aux États-Unis que l’on observe une baisse des inca-pacités légères. Dans d’autres pays, la chute de la mortalité s’accompagne d’une augmentation de la prévalence des maladies chroniques au cours du cycle de vie, mais avec des conséquences sur l’état de santé des individus moins sévères qu’auparavant.

Au total, les résultats obtenus autorisent un optimisme modéré. On vit plus longtemps, avec moins d’incapacités sévères. Si les maladies chroniques peuvent nous affecter plus longtemps au cours d’une existence prolongée, elles altèrent moins gravement notre qualité de vie. Tout ceci contribue à une amélioration du bien-être. Mais une augmentation de la prévalence des maladies chroniques, dans les pays où elle se produirait, influerait vraisem-blablement les dépenses de santé à la hausse.

Toutefois, la plus grande réserve s’impose sur ces constats, qui sont loin d’être stabilisés. En effet, la connaissance de l’évolution de l’état de santé des populations est affectée par une difficulté méthodologique liée au processus de détection des pathologies. Une connaissance par l’individu des maladies dont il est affecté suppose en général une consultation préalable chez un médecin. Or, les taux de recours au système de soins peuvent évoluer dans le temps et différer entre pays, influençant ainsi les taux de prévalence1 mesurés. Pareillement, l’extension des stratégies de dépistage conduit à des augmentations des taux de prévalence qui ne peuvent être interprétés comme le signe d’une extension de la pathologie concernée. Un exemple bien connu est celui de l’hypertension, dont l’extension apparente résulte vraisemblablement de l’amélioration de son diagnostic. Conscients de ces difficultés, les épidémiologistes qui travaillent sur le vieillissement construisent des enquêtes où les personnes interrogées se livrent à des

1. Le taux de prévalence d’une pathologie donnée désigne la proportion d’individus atteints par cette pathologie.

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exercices calibrés permettant de mesurer de façon constante les limites fonctionnelles. Pour les données administratives et les autres aspects de la morbidité, de nombreuses incertitudes affectent les conclusions que l’on peut tirer des évolutions observées.

La prospective en matière de morbidité future est encore plus incertaine. La difficulté est aggravée du fait que les maladies sont en partie identifiées avec l’offre de soins nouveaux. Les tassements vertébraux touchant les femmes âgées et la démence sénile étaient naguère considérés comme des dégradations naturelles liées au vieillissement, alors qu’ils sont maintenant identifiés comme des maladies – ostéoporose et maladie d’Alzheimer –, qu’il s’agit de prévenir et de traiter le plus efficacement possible. L’évolution de la morbidité n’est pas un processus exogène à la dynamique du progrès médical : celui-ci ne permet pas seulement d’améliorer la performance des soins ; il induit aussi une « demande révélée », c’est-à-dire une augmentation des besoins au fil des possibilités offertes par les innovations technologiques.

U

N FAIBLE IMPACT SUR LES PRÉVISIONS

Les prévisions réalisées par l’OCDE [38] et la Commission européenne [15] adoptent le « vieillissement en bonne santé » comme hypothèse centrale. Sans surprise, des variantes montrent que l’hypothèse de compression de morbidité conduirait à une modération de la croissance anticipée des dépenses de santé et que l’on obtiendrait à l’inverse une révision à la hausse si l’on supposait une extension de la morbidité. Toutefois l’impact du facteur démographique reste faible au regard des autres déterminants de la croissance des dépenses, quel que soit le scénario envisagé pour la santé.

Cependant, les variantes de ces travaux de prévision sont d’une perti-nence limitée. En effet, leur modélisation ne permet pas de représenter l’influence des changements de morbidité sur la taille de la population. Tous les scénarios se fondent sur une hypothèse commune de prolongation de la tendance actuelle à l’accroissement de la longévité. C’est à l’intérieur de

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la fonction de survie supposée, et donc pour une taille donnée de la popu-lation future, que sont envisagées différentes hypothèses pour l’évolution de la santé. De ce fait, l’impact des variantes santé sur la croissance des dépenses est assez modéré par construction. Comme nous le verrons plus loin, des modèles de microsimulation peuvent conduirent à des prévisions plus spectaculaires, car ils intègrent le fait que des changements de morbidité influencent la survie des personnes et donc la taille de la population [31].

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3.

La dynamique du progrès technique médical

Plus que le vieillissement, c’est la translation vers le haut du profil des dépenses par âge qui explique la croissance des dépenses de santé (voir figure 7). À tout âge, on dépense plus en 2000 qu’en 1992. Ce mouvement est continu sur les années récentes. Il correspond à des changements de pratiques que nous allons maintenant étudier de plus près.

L

ES CHANGEMENTS DE PRATIQUES

:

DÉTERMINANT MAJEUR DE LA CROISSANCE DES DÉPENSES DE SANTÉ

Il est possible d’évaluer les composantes de la croissance des dépenses de santé en procédant à une analyse économétrique. On a utilisé pour cela des échantillons représentatifs des assurés sociaux français comportant respectivement 3 441 et 5 003 individus pour les années 1992 et 2000 [14]. Le profil des dépenses par âge et son déplacement au cours du temps, tel qu’il est représenté à la figure 7, ont été calculés sur ces échantillons. Des estimations permettent d’évaluer l’influence de la morbidité et des prati-ques médicales sur les dépenses de santé. La morbidité est mesurée par le niveau d’invalidité de l’individu et par des indicateurs signalant s’il est affecté d’un diabète, d’une hypertension artérielle, d’une cardiopathie ischémique, etc. Au total, une liste détaillée de dix maladies chroniques est considérée.

L’occurrence d’une maladie ou d’une invalidité influence les dépenses de santé de l’individu via ce que nous appelons les pratiques de soins. Ce terme englobe les comportements du patient, lequel décide de consulter ou non, et les décisions du médecin concernant les examens et les traitements à mettre en œuvre. Il englobe aussi, et surtout, l’ensemble des procédures et les traitements disponibles, ensemble qui évolue avec le progrès techni-que médical. Les estimations permettent de repérer les changements de pratiques intervenus au cours du temps : on utilise pour cela les change-ments observés entre 1992 et 2000 dans les coefficients décrivant le lien

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entre les différents indicateurs de morbidité et les dépenses de soins d’un individu. On observe par exemple qu’un individu atteint d’une cardiopathie ischémique a une dépense de soins beaucoup plus importante en 2000 qu’en 1992, toutes choses égales par ailleurs. Ces évaluations sont faites en contrôlant l’âge et le genre de la personne ainsi que les autres pathologies et invalidités dont il peut être affligé.

Pourquoi les individus consomment-ils plus de soins en 2000 qu’en 1992 ? Pourquoi ce changement s’observe-t-il à tout âge (voir figure 7) ? Leur santé s’est-elle détériorée ? Assiste-t-on à une augmentation des dépenses à morbidité donnée ? Ou bien santé et pratiques connaissent-elles des mouvements aux incidences opposées sur les dépenses ? Compte tenu des nombreux indicateurs de morbidité et d’invalidité utilisés, il est impos-sible de construire la résultante des différents changements estimés autre-ment que par des microsimulations. Nous avons simulé les dépenses des individus observés en 1992, avec leurs pathologies, mais en appliquant les coefficients estimés en 2000 pour prédire leurs dépenses de santé. Ceci permet de construire le profil hypothétique des dépenses qu’auraient eu les individus observés en 1992, s’ils avaient été soignés avec les pratiques de l’année 2000. La différence entre ce profil hypothétique et le profil des dépenses observé en 1992 permet d’isoler l’effet sur les dépenses des changements de pratiques intervenus entre 1992 et 2000. À partir de ce premier profil hypothétique, nous procédons à une seconde simulation consistant à remplacer les valeurs prises par les indicateurs de morbidité en 1992 par leurs valeurs observées en 2000. Ceci permet de repérer, dans l’évolution des dépenses de santé, ce qui est dû aux changements de morbi-dité, à pratiques médicales fixées (au niveau de l’an 2000 dans ce cas).

Les résultats des microsimulations montrent que le déplacement vers le haut du profil de dépenses par âge est entièrement dû aux changements de pratiques intervenus entre 1992 et 2000. En revanche, les améliorations dans l’état de santé des individus intervenues entre 1992 et 2000 ont conduit

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à une diminution des dépenses de santé, à âge donné, toutes choses égales par ailleurs en ce qui concerne les pratiques. Ce mouvement contribue à freiner la croissance des dépenses de santé impulsée par les changements de pratiques. Ce résultat confirme le diagnostic d’une amélioration de l’état de santé en France, malgré l’augmentation de la longévité (cf. les scénarios de vieillissement en bonne santé ou de compression de morbidité décrits dans le chapitre précédent).

La décomposition du profil de dépenses peut être appliquée à la structure par âge de la population française pour mesurer au niveau global l’impact des différents déterminants de la croissance des dépenses de santé sur la période. On observe entre 1992 et 2000 une augmentation de 54 % des dépenses qui se partage de la façon suivante : + 58 % sont dus aux ments de pratiques et – 10 % aux changements de morbidité. Les change-ments démographiques jouent à la hausse : 3 % sont attribuables à l’augmentation de la taille de la population et 3 % au vieillissement propre-ment dit (c’est-à-dire à l’augpropre-mentation de la proportion de personnes âgées). L’impact du vieillissement est donc faible (+ 3 %), d’un ordre de grandeur sans commune mesure avec l’influence des changements de pratiques (+ 58 %). En outre, il est largement compensé par l’amélioration de l’état de santé à âge donné, qui contribue à freiner la progression des dépenses (– 10 %). Tout se passe comme s’il y avait plutôt rajeunissement que vieillissement.

Les changements de pratiques expliquent toute la croissance des dépenses de santé, laquelle est légèrement freinée par l’effet, négatif au total, des mouvements démographiques et de l’amélioration de la santé. Quel est le contenu de ces changements de pratiques ? Ils peuvent se rapporter à des modifications dans les comportements des patients ou des médecins comme à l’évolution du progrès technique médical. Les données disponibles permettent une identification fine grâce à l’observation séparée des dépenses d’hospitalisation et, en ambulatoire, des dépenses de consultations et de médicaments. Par ailleurs, il est possible d’isoler les comportements de

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« participation », c’est-à-dire les décisions de consulter émanant des indivi-dus. Or les estimations montrent qu’il n’y a pas de changements significatifs dans les comportements de participation en ambulatoire. Autrement dit, les assurés sociaux, quel que soit leur âge, n’ont pas tendance à aller consulter plus fréquemment en 2000 qu’en 1992. Le gros du changement est dû, non à une augmentation de la propension à consulter, mais à une augmentation de la dépense associée à la consultation. Et ce surcoût n’est pas dû à une augmentation du volume d’actes délivrés par le médecin, mais à une hausse de la dépense de médicaments1. Ces résultats suggèrent que

les changements de pratiques comportent une large composante liée aux innovations médicales.

L

E PROGRÈS TECHNIQUE ET LA DIFFUSION DES INNOVATIONS MÉDICALES

De nombreux économistes voient le progrès technique comme la source principale de croissance des dépenses de santé. Pourtant cette représentation heurte la conception traditionnelle du progrès technique. Comme le souli-gnent Gelijns et Rosenberg [20], en dehors de la médecine le progrès technique est vu comme la source première des gains de productivité. Il permet en effet d’obtenir un même volume de production avec une moindre quantité de facteurs de production. Pourquoi, dès qu’il s’agit de la santé, est-il considéré comme responsable de la hausse des coûts ?

Le processus de l’innovation en médecine a été étudié en détail par Gelijns et Rosenberg. Ils critiquent toute représentation « linéaire », où la découverte réalisée par le chercheur en biologie passerait du laboratoire aux essais sur l’animal avant d’aboutir au lit d’hôpital. Dans la réalité les

1. Pour l’hôpital, il n’est pas possible de différencier actes et médicaments, mais les changements de pratiques tiennent une très large place dans l’explication de l’augmentation des dépenses.

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choses sont plus complexes. Tout d’abord, les innovations majeures ne trouvent pas nécessairement leur origine dans la recherche en biologie médicale : le laser, l’informatique, l’imagerie par résonance magnétique nucléaire et les nanotechnologies sont issus de la recherche fondamentale. Leurs applications thérapeutiques comme outils de diagnostic ou de traite-ment n’ont été reconnues qu’a posteriori. Ensuite, la phase de développe-ment ne s’achève pas au stade de l’adoption par les acteurs du système de soins. L’adoption inaugure une longue phase de révision de l’innovation nourrie par les réactions des utilisateurs : les améliorations incrémentales jouent un grand rôle dans le développement des médicaments et des procédures médicales.

Deux mécanismes principaux sont à l’œuvre dans le progrès technique médical : la substitution de traitement, qui permet un gain d’efficacité ; la diffusion du traitement, qui correspond à une utilisation croissante de l’innovation.

Les études sur la question s’accordent pour conclure que l’augmentation du coût des traitements résulte exclusivement de la diffusion des innova-tions. La substitution conduit de fait à des gains de productivité, conformé-ment à la conception commune des effets du progrès technique : le coût de traitement par personne peut augmenter ou décroître, mais la perfor-mance du soin s’améliore. C’est le mécanisme de diffusion qui conduit à une hausse des coûts de la santé : de nouveaux traitements apparaissent continuellement, dont l’usage s’étend plus ou moins rapidement. Pour l’exprimer en termes économiques, de nouveaux biens et services sont offerts et consommés, en plus des biens et services déjà consommés.

L’information sur l’utilisation des procédures et des traitements inno-vants est assez partielle et concentrée sur des maladies spécifiques. De nombreux travaux se sont intéressés aux maladies cardiovasculaires, qui constituent la première cause de mortalité dans la plupart des pays déve-loppés. Les figures 10 à 13 montrent la rapide augmentation de l’utilisation

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des procédures innovantes pour quelques pathologies. La figure 10 concerne les traitements appliqués aux États-Unis à des patients atteints d’un infarctus du myocarde aigu. Les figures 11 à 13 sont construites à partir de la base Éco-santé de l’OCDE. Elles montrent l’utilisation dans différents pays1 de procédures comme l’angioplastie (pour le traitement de

l’infarctus), la pose de prothèse de hanche et la chirurgie de la cataracte. Comme les données proviennent de différentes sources nationales, les informations sont assez parcellaires et la comparabilité entre pays n’est pas assurée.

1. Dans la mesure du possible, nous présentons les données relatives aux pays dont les données sont présentées à la figure 4 et au tableau 1.

Figure 10 – Évolution du traitement chirurgical de la crise cardiaque, États-Unis (1984-1998).

Source : Cutler et McClellan [9].

Pontage

Cathétérisation

Angioplastie sans stent

Angioplastie avec stent

Cas (en pourcentage) 60 50 40 30 20 10 0 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998

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Figure 11 – Angioplastie (taux pour 100 000).

Source : Éco-santé, OCDE ; IRDES, 2008.

Figure 12 – Prothèse de hanche (taux pour 100 000).

Source : Éco-santé, OCDE ; IRDES, 2008. 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 Royaume-Uni Suisse France États-Unis

Angioplastie (taux pour 100 000)

240 220 200 180 160 140 120 100 80 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 Royaume-Uni Suisse France États-Unis

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Cutler et McClellan [9] étudient plus précisément les mécanismes de substitution et de diffusion de traitement pour des affections comme la crise cardiaque, la dépression et la cataracte.

L’infarctus du myocarde est causé par l’obstruction des artères coronaires qui irriguent le muscle cardiaque. Son traitement a connu d’importantes innovations dans les vingt dernières années. Le cathétérisme permet d’amé-liorer le diagnostic grâce à une visualisation des cavités cardiaques et des artères coronaires. Développée à la fin des années 1970, l’angioplastie est apparue plus récemment que le pontage, pratiqué depuis la fin des années 1960. L’angioplastie permet de résoudre la crise cardiaque en dilatant l’artère sténosée (bouchée) par voie percutanée sans avoir recours à une opération à cœur ouvert (ce qui est le cas du pontage). Elle a rendu le trai-tement de l’infarctus du myocarde à la fois moins invasif et plus performant. Moins coûteuse et offrant une meilleure qualité de vie postopératoire, cette innovation a rendu possible l’extension du traitement à des patients plus nombreux. Elle peut remplacer le pontage dans certains cas, mais son utilisation se répand bien au-delà de ce mécanisme de substitution. Depuis

Figure 13 – Opération de la cataracte (taux pour 100 000).

Source : Éco-santé, OCDE ; IRDES, 2008.

800 700 600 500 400 300 200 100 0 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 Royaume-Uni Suisse France

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le milieu des années 1990, l’angioplastie est accompagnée de plus en plus souvent de la pose d’un ou de plusieurs stents, tubes grillagés permettant de maintenir l’artère dilatée afin d’éviter les rechutes.

Quel est l’impact de ces innovations sur le coût de traitement de la crise cardiaque ? Pour les États-Unis, Cutler et McClellan [10] montrent que le coût de mise en œuvre d’une procédure donnée est plutôt constant dans le temps et que l’augmentation du coût de traitement résulte exclusi-vement de la diffusion des procédures innovantes. Le processus de diffusion du cathétérisme apparaît sur la figure 10, ainsi que la disparition de l’angio-plastie sans stent au profit de l’angiol’angio-plastie avec stent, cependant que le taux de pontage ne progresse que très lentement. La figure 11 montre le rythme très impressionnant de progression de l’utilisation de l’angioplastie dans différents pays.

L’introduction de nouveaux médicaments comme les inhibiteurs spéci-fiques du recaptage de la sérotonine (SSRI, parmi lesquels on trouve par exemple le Prozac®) a fortement modifié le traitement de la dépression. Jusqu’au milieu des années 1980 les traitements combinaient psychothérapie et antidépresseurs tricycliques. Berndt et al. [3] montrent que l’apparition des SSRI a conduit à une explosion de leur utilisation aux États-Unis. Le mécanisme de substitution est bien à l’œuvre : pour un coût à peu près équivalent, l’efficacité du traitement s’est améliorée par rapport au traite-ment classique, conduisant à une baisse de 20 % environ de la dépense associée à une augmentation donnée de la probabilité de rémission. Les coûts de traitement de la dépression augmentent à cause de la diffusion des SSRI : aux États-Unis, les diagnostics et les traitements de la dépression ont doublé durant les années 1990. Bien sûr, cette évolution peut résulter de comportements de demande induite encouragés par les producteurs de ces médicaments, qui ont pu inciter les médecins à diagnostiquer plus souvent la dépression. À l’inverse, on peut considérer qu’il s’agit d’une demande révélée : l’offre d’un nouveau produit plus efficace répondrait à

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des besoins auparavant non satisfaits. Des études réalisées avant les années 1990 estimaient que la moitié des personnes affectées de dépression n’étaient pas diagnostiquées et que celles qui l’étaient n’étaient pas traitées efficacement.

L’exemple de la cataracte est éloquent. Les substitutions des nouvelles technologies aux anciennes ont permis d’importants gains de productivité. On observe une relative stabilité du coût de l’opération de la cataracte entre la fin des années 1960 et la fin des années 1990, alors qu’elle a gagné en efficacité et en sûreté, conduisant à de meilleurs résultats en termes d’acuité visuelle et de réduction des taux de complication [42]. Les dépen-ses associées au traitement de la cataracte n’ont augmenté qu’à cause de l’extension de ce traitement à une plus grande proportion de patients (figure 13). Moins risquée et plus efficace, l’opération peut être réalisée sur des patients plus âgés ou éprouvant une gêne moins sévère.

C

OMMENT INTÉGRER LE PROGRÈS TECHNIQUE MÉDICAL DANS LES PRÉVISIONS

?

Comme nous l’avons vu, le progrès technique médical a été le moteur principal de la croissance des dépenses de santé observée jusqu’à présent. Comment concevoir son impact futur ?

Les prévisions macroéconomiques n’entrent pas dans le détail d’une modélisation des processus d’adoption et de diffusion des innovations médicales. L’hypothèse retenue est celle d’une prolongation des tendances passées. Une croissance des dépenses de santé supérieure de 1 point à celle du revenu est supposée, ce qui correspond au rythme observé dans les dernières décennies. Sous cette hypothèse, on prévoit que la part dans le PIB des dépenses de santé des pays de l’Europe des Quinze devrait passer de 7,7 % en 2005 à 12,8 % en 2050, soit 5,1 points d’augmentation. Si le progrès technique médical devait s’accélérer et atteindre un rythme deux fois supérieur à celui connu jusqu’à présent, la part des dépenses de

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santé dans le PIB de l’Europe des Quinze devrait atteindre 19,7 % en 2050 [13]. Pour la France, on obtient 14 ou 21 % du PIB consacré aux dépenses de santé en 2050, selon que l’on retient une hypothèse basse ou haute pour la rapidité des changements technologiques.

Les prévisions à très long terme restent cependant un exercice hasar-deux. De nombreux événements imprévus peuvent survenir, qui modifie-raient le cours des choses. Les valeurs obtenues ne doivent pas être prises comme des prédictions, mais comme des indications sur les ordres de grandeurs qui permettent de réfléchir aux mécanismes en jeu. Ici, on cons-tate le rôle tout à fait crucial joué par les hypothèses sur les changements technologiques. La faiblesse de l’impact des changements démographiques est confirmée dans ces mêmes exercices de prévisions : pour l’Europe des Quinze, il serait de 0,7 point de PIB seulement à l’horizon 2050 et pour la France de 0,4 point de PIB.

Les prévisions macroéconomiques sont aussi très limitées dans leur description des processus à l’œuvre. Dans ces approches, la fonction de survie envisagée pour le futur repose sur une hypothèse d’accroissement de la longévité indépendamment du rythme des innovations. Le progrès technique y a pour seul effet d’accroître les dépenses. Il conviendrait de représenter aussi le lien existant entre les innovations médicales et les performances en matière de survie ou d’état de santé. Ceci permettrait d’établir des prévisions de la taille de la population et de ses besoins en soins médicaux fondées non seulement sur la prolongation des tendances passées, mais aussi sur les progrès médicaux.

Une telle approche nécessite la construction d’un modèle de micro-simulation. Il s’agit d’une modélisation microéconomique appliquée à un échantillon représentatif d’assurés sociaux, où sont représentés les liens entre dépenses de santé, âge, incidence des maladies chroniques et surve-nue du décès ou de diverses complications et invalidités. Des économistes de la Rand Corporation ont construit un modèle de ce type pour estimer

Figure

Figure 1 – Espérance de vie à la naissance en France  (1960-2006).
Figure 2 – Espérance de vie à 60 ans en France (1806-2004).
Figure 4 – Variation de l’espérance de vie des femmes (1960-2006).
Figure 5 – Prévisions de la part de la population âgée  de 65 ans et plus en France.
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