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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Science et théâtre

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Academic year: 2021

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SCIENCE et THÉATRE

Ouriel ZOHAR

Département Humanité et Arts, Université de Technion, Haïfa (Israël)

MOTS-CLÉS : THÉÂTRE SCIENTIFIQUE – ART – RELIGION – KABBALE – PERFECTION

RÉSUMÉ : Le théâtre scientifique au Technion développe les liens entre l'art, la religion et la science. Il prend son inspiration du corps humain et de la nature. Il doit se projeter au-delà de lui-même dans une réalité unifiée, intuitive, irrationnelle, originale, par-delà la philosophie et la science.

ABSTRACT : Le défaut du théâtre scientifique est d’être didactique, ennuyeux et exempt d'émotion. Le théâtre scientifique devrait motiver et non pas expliquer seulement des idées scientifiques. Reconnaissons cependant que l'enseignement de l’esthétique affine les perceptions humaines et amène l'homme à un degré plus grand et plus profond de développement personnel. Il développe aussi l'imagination, la perspicacité et la vue lointaine. Ces qualités rendent également la science plus accessible.

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1. INTRODUCTION

Certaines questions concernant la science ne peuvent être examinées de façon empirique ; le seul moyen de les aborder est la visualisation de scénarios de science-fiction. Les révolutions qui ont lieu dans les sciences sont parfois seulement le résultat de l'expérimentation théorique (Dr. Arieh Worm, Achva College, Israel at the Icon Festival, 14-18 October, 2008, Tel-Aviv).

Progressivement, le Théâtre du Technion à Haïfa développe un théâtre scientifique avec la forte conviction que la confrontation aux arts dramatiques ne peut présenter que des avantages pour les futurs ingénieurs et scientifiques, la technologie et la science. Quel est le contexte théorique qui permet cette union interdisciplinaire de la science et du théâtre, et quelle est l’amplitude de la diffusion de ce phénomène dans les universités scientifiques et technologiques du monde entier ?

2. THÉORIE 2.1. Science et Art

Symboliquement en hébreu le mot Adam, qui signifie l'homme, est constitué des initiales de Amanut l'art, Dat la religion et Mada la science. La science est liée au cerveau, la religion, au cœur, et l’art à l’action. Si le cerveau et le cœur ne sont pas en accord, il n'y a aucune action. De la même manière que les organes du corps coopèrent pour garder le corps en vie, l'Art exige la coopération pleine et entière des pensées et des sentiments. L'homme, qui a toujours eu la volonté de croître, de se mouvoir et de se développer, est le principe unifiant l'art et e la science. Selon Aristote, la beauté de la tragédie réside dans l'union de la peur et de la compassion dans le processus de catharsis ; il décrit une expérience à la fois esthétique et cognitive. Puisque le cerveau est incapable de saisir la réalité fragmentée, il doit se projeter au-delà de lui-même dans une réalité unifiée, intuitive, irrationnelle, originale, par-delà la philosophie et la science.

Les universités du XVIIe siècle ont été divisées en catégories des Humanités et des Sciences. Les Arts ont été mis de côté, mais appartenaient traditionnellement à la filière humaniste, de là sous Napoléon 1er l’institution des Baccalauréats ès Lettres et ès Sciences et un degré supplémentaire appelé Diplôme des Beaux-arts. Les mêmes filières ont persisté depuis dans les études supérieures. Aujourd'hui nous en savons beaucoup plus sur le cerveau et nous nous rendons compte que les mêmes catégories cognitives requièrent les deux hémisphères du cerveau, pour les Humanités (plus les Arts) comme pour la Science. Par exemple, la compréhension d'une œuvre d'art exige l'analyse,

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la synthèse et l'évaluation comme dans la taxonomie de Bloom (classification des niveaux

d'acquisition de connaissances) : des compétences hautement cognitives - tout comme le réclame la

résolution d'un problème scientifique. Un cerveau intelligent est couvert par un réseau de synapses qui créent de nombreuses liaisons dans tous ses recoins. Même quand les cellules cérébrales sont détruites par diverses maladies, les synapses restent intactes, profondément enracinées dans leur terrain. L'esprit est un immense réseau constitué de liaisons, tout comme l’ordinateur qui essaye de l'imiter artificiellement en créant des connexions d'hypertexte. La division propre en catégories des Humanités, des Arts et des Sciences est désormais obsolète.

Le degré universitaire le plus élevé est celui de Docteur en Philosophie, diplôme qui est le même tant pour les Arts que pour les Sciences. Il indique une unité au sommet, semblable à la Séphira Daat dans l'Arbre de Vie, qui selon la Kabbale, unit la Séphira Hochmah, masculine, et la Séphira Binah féminine. On considère la Séphira Daat comme une 11e Sphère invisible, qui dépasse toutes les autres et unit les pôles opposés de la sagesse intuitive féminine, comme dans l’hémisphère droit du cerveau, avec l'intelligence aiguisée masculine et l'alphabétisation, comme dans l’hémisphère gauche du cerveau. Les chercheurs en science cérébrale ont aussi remarqué que les êtres humains n'utilisent pas plus de 5 % de la capacité du cerveau ; ainsi il y a beaucoup d'espace vierge qui attend d’être exploré et développé. Une autre théorie qui s'est développée récemment est que le néocortex frontal qui inclurait la perfection de toutes les qualités les plus humaines, comme la conscience, l'empathie et la perspicacité psychologique, en d’autres termes l'intelligence émotionnelle, se développe à présent comme un signe de l'évolution humaine. Fortuitement, ce sont ces mêmes qualités qui se développent le mieux dans un environnement artistique !

Un autre mystère du cerveau est le fait qu'après des dégâts sévères causés au cerveau suite à un accident, les autres parties du cerveau reprennent et recréent les capacités perdues de la partie blessée. Le professeur Leibovitz a dit une fois que ceci était la preuve de l'existence de Dieu ! Une autre explication possible pourrait être qu'il rejette n'importe quelles divisions et dichotomies existantes mais qu’il lutte pour l'unité de la pensée et du sentiment. En conclusion, le cerveau n'a pas été complètement percé à jour jusqu'ici, nous ne savons pas grand-chose de l’ampleur de ses capacités et il y a donc beaucoup à apprendre.

Reconnaissons cependant que l'enseignement de l’esthétique affine les perceptions humaines et amène l'homme à un degré plus grand et plus profond de développement personnel. Il développe aussi l'imagination, la perspicacité et la vue lointaine. Ces qualités rendent également la science plus accessible.

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2.2. Théâtre et Science

Le théâtre est « l'art de tous les arts, et comme tel, le nec plus ultra de la méthode éducative » (Zohar). Avec les qualités mentionnées ci-dessus, il offre « un miroir à la nature » (Shakespeare), composé d'une variété de miroirs tournés vers l'intérieur : vers le moi, aussi bien que vers l'extérieur : vers le semblable, la société, la politique, l'histoire et la science. Le théâtre est inspiré par la vie et retourne à la vie. Theatrus Mundi, dans la terminologie de la Renaissance, était une série de cercles concentriques qui incluaient le dramaturge, le directeur et son équipe, le jeu sur scène, l'auditoire, le monde et Dieu. Donc, le théâtre est une école non sélective des complexités de la vie, une école complète aux méthodes éprouvées et aiguisées à maintes reprises.

Selon Aristote, le théâtre exige l'imitation et l'identification, mais il touche aussi le cœur. Il n'y a aucun enseignement à moins que le cœur ne soit touché. L'engagement de l'auditoire dans l'histoire qui se déroule sur la scène permet le meilleur enseignement de valeur. Le spectateur prend parti d’un côté, mais alors le dramaturge met en évidence le caractère opposé et le basculement de la sympathie à l’antipathie s’effectue à maintes reprises. L'auditoire acquiert ainsi une variété de points de vue, et une nouvelle objectivité apparaît dans son cœur (Zohar)

Comme mentionné auparavant, le théâtre peut aborder toute problématique, y compris directement la Science. Un scénario bien écrit éveillera l’intérêt de l'étudiant et le trouvera « sans défense » et disposé à absorber la connaissance ainsi offerte avec créativité. Avraham Shalev a indiqué que le déguisement et la mascarade sont des méthodes efficaces utilisées par la nature dans sa lutte pour la survie. Comme dans le théâtre, l'imitation, la personnification, l'identification sont utilisées par les virus, les plantes et les animaux pour tromper les autres. Ils imitent la forme de l'autre, sa couleur, son odeur, sa voix et son comportement dans le jeu cruel de l'existence. Ces spectaculaires qualités dramatiques que l’on trouve dans la nature, peuvent être décrites de façon éclatante dans un théâtre dont l’objet serait les sciences naturelles.

De plus, l’enseignement a lieu même d’autant plus dans l'écriture, dans la direction du scénario et dans l'action du drame. Ceux qui écrivent, dirigent et jouent en bénéficient encore mieux. Un autre aspect du théâtre scientifique est l'aspect d’avant-garde qui permet d’expérimenter de nouveaux scénarios scientifiques qui ne peuvent pas encore être évalués empiriquement (Worm). Les scénarios qui paraissent de science-fiction, peuvent devenir une réalité plus tard et même créer une révolution dans la science (Worm 2008)

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Dr Judy Kupferman du département de Théâtre à l'Université de Tel-Aviv est membre de la Société de Physique d’Israël et fait des recherches sur l'efficacité de rendre la science accessible aux spectateurs de théâtre (la Science au Théâtre, 2008). Elle énumère un certain nombre de pièces qui ont pour sujet les scientifiques, la société et la science : Galileo de Brecht et Copenhague de Frayn parlent de la société contre des scientifiques ; Arcadia de Stoppard, d'un scientifique et Hapgood de Stoppard, de la science. Kupferman en dégage trois objectifs du théâtre scientifique :

1. Les implications sociales des découvertes scientifiques, comme à l'époque de la Renaissance dans le cas de Galileo ou pendant la deuxième guerre mondiale avec l'invention de la bombe A comme dans Copenhague.

2. Parvenir à connaître et apprécier un scientifique comme dans Arcadia.

3. Présenter des idées et des faits scientifiques pour que l'auditoire réalise que la science est passionnante et que son étude en vaut la peine.

Par ailleurs Kupferman dit que souvent le défaut du théâtre scientifique est d’être didactique, ennuyeux et exempt d'émotion. Le théâtre scientifique devrait motiver et non pas expliquer des idées scientifiques. Un des moyens est d’offrir un drame réellement complexe avec une profondeur de caractères. Orthofer (2002) critique le concept d'un théâtre scientifique dans sa thèse de maîtrise « Le scientifique sur scène : une enquête », en soutenant que la science et le théâtre sont incompatibles (pp. 173-183). Mais en somme, ce sujet, la science et le théâtre, a intrigué un grand nombre de savants. De nombreux journaux discutent cette question, comme la Science et le

Théâtre, la Revue de Science Interdisciplinaire, le Journal du Théâtre, l'Art et la Science du Théâtre, etc.

Le grand nombre d’universités technologiques qui croient au fait de disposer d'un théâtre scientifique atteste de l'importance de l'unité de la science et du théâtre.

3. LA PRATIQUE

3.1. Un théâtre scientifique au Technion

Presque chaque université technologique et scientifique dans le monde dispose au moins d'une section de théâtre qui traite les sujets étudiés sur son campus aussi bien que ceux du théâtre classique et contemporain. MIT, l'Université de Californie, l'Université de Liverpool, la Sorbonne, pour n’en mentionner que quelques-unes (Pour une enquête exhaustive sur ces institutions, voir Zohar, 2008). L'université de l'État de Michigan a un théâtre scientifique qui enseigne au sein de la communauté les miracles de la science. Le travail du Théâtre de la Science de la MSU à Moscou, est entièrement réalisé par les étudiants. Il est implanté au Planétarium et financé par les

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Départements de Physique et d'Astronomie, de Chimie, de Biochimie et de Biologie Moléculaire. La NASA est aussi impliquée dans le parrainage de ce théâtre !

Parallèlement aux universités technologiques, certains professeurs de science et d'ingénierie ont pris individuellement l'initiative de mettre en drame les mystères de la science. Un tel exemple est donné par le Théâtre de la Science au Théâtre Soho à Londres créé par le Professeur Wiseman et Dr Singh. Ils font des démonstrations scientifiques sur scène en exploitant les effets spectaculaires de phénomènes scientifiques. Le Théâtre de Science du Dr Carlson présente une autre tentative de rapprocher la science des spectateurs par des moyens théâtraux. Jonathan Hall, un dramaturge de la science en Grande-Bretagne et Hélène Penwick, directeur d'enseignement, ont créé un atelier qui a pour titre « Science, Créativité et Atelier du Jeune Esprit ». Il a lieu au Japon. Au bout d’une semaine, les enfants qui participent à l'atelier mettent en scène une pièce de 15 minutes. Le thème en est : les risques liés à la restauration rapide (fastfood).

Le Théâtre du Technion, qui existe depuis plus de 23 ans, a conduit de 1989 à 1992 une recherche sur l'amélioration des méthodes d’étude par le drame. L'identification et les jeux de rôle ont servi de méthode d'étude sur des entités telles que molécules, virus, cellules nerveuses et éléments chimiques. Les petits scénarios utilisés pour expliquer le mode de vie de ces entités ressemblaient de façon éclatante aux pièces morales du Moyen Âge, où sont personnifiés les vertus et les vices. Dans ce processus, des outils théâtraux non exacts ont permis d’expliquer des lois et des axiomes scientifiques exacts. Dans leur création théâtrale, les étudiants impliquent non seulement leur cerveau mais aussi d’autres approches enrichissant le processus cognitif d’aspects accidentels et subliminaux. Le théâtre est alors une étude active, dans laquelle l'étudiant engage sa personnalité, ses émotions et ses sentiments. Le théâtre n'est pas une façon passive d'absorber la connaissance, mais une transformation active de la connaissance, réalisée par l'étudiant lui-même sous l'influence des acteurs sur la scène et de la pièce bien écrite.

3.2. Les perspectives futures du Théâtre Technion

Dans l'avenir, nous aspirons à créer des équipes de professionnels provenant de chaque département du Technion, ensemble avec des scénaristes et des directeurs de théâtre pour créer des scénarios qui seront présentés devant les étudiants de ces départements. (Zohar, 2008, Vers un Théâtre Scientifique, publication présentée à Bangalore en Inde). Avec le Département de Médecine, la coopération s’effectuera autour du Théâtre Thérapeutique ; l’aspect thérapeutique du théâtre a en effet émergé au fil des ans dans les classes de jeu de l'acteur, d’écriture dramatique, de direction, de théâtre classique et de théâtre israélien et juif..

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Ces projets se basent sur un noyau bien expérimenté d'environ 39 productions qui ont fait leurs preuves et se sont couvertes de trophées dans de prestigieux festivals internationaux de théâtre universitaire. Le temps est venu de passer à l’étape suivante et d’ajouter un nouvel aspect interdisciplinaire.

Un autre aspect de la perspective future est le Théâtre de Science-fiction qui développerait les modèles théoriques futuristes et permettrait des percées révolutionnaires dans la science et la technologie.

Les innovations mentionnées ci-dessus seraient accompagnées d’études de recherche ouvertes à tous les théâtres d'étudiants des universités scientifiques et technologiques du monde entier. On espère que le Théâtre du Technion deviendra le centre d'une telle recherche qui vise à enrichir la science en développant l'imagination des futurs scientifiques et ingénieurs.

4. CONCLUSION

On ne peut avoir accès à l'art qu’à travers une vision qui unit la raison à l'irrationnel, la thèse à l'antithèse, l'unité à la multiplicité (Leibnitz). Semblable à la vision de Nietzsche sur la tragédie, ces principes Dionysiaques et Apolloniens (Zohar), cette unité des contrastes est atteinte par un Homme qui a aiguisé ses capacités à saisir les complexités de la vie. L'enseignement de l’esthétique en général et en particulier le théâtre, « l'art de tous les arts », peuvent développer un tel Homme La science est seulement un aspect de cette unité de contrastes déjà existants en l'Homme ; l’unité intérieure du cerveau, du cœur et de l'action peut aussi aider l'humanité dans son progrès scientifique, ce qui lui apportera une meilleure écologie et un développement durable. Le Théâtre Scientifique est une façon de rendre la science accessible à l'homme dans sa tentative de répondre aux besoins de l'avenir et de survivre aux obstacles qui se présentent. Un tel théâtre existe déjà au Technion qui envisage de devenir un centre de recherche du Théâtre Scientifique.

BIBLIOGRAPHIE

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Orthofer, M. A. (2002). The scientist on the stage : A survey. Interdisciplinary Science Review,

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Références

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