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Athènes : (méta)Morphoses d'un centre de ville en crise, 1834-2015

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Athènes : (méta)Morphoses d’un centre de ville en crise,

1834-2015

Lucas Chaniot

To cite this version:

Lucas Chaniot. Athènes : (méta)Morphoses d’un centre de ville en crise, 1834-2015. Architecture, aménagement de l’espace. 2016. �dumas-01619493�

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Athènes: (méta)Morphoses

d’un centre de ville en crise

1834-2015

Lucas Chaniot//Ecole d’Architecture de Nantes//2016

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Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes

Présenté par: Lucas Chaniot

Directrice d’étude: Maëlle Tessier

Séminaire Nouvelles Pratiques Urbaines Prospective urbaine, activités projectuelles et pratiques artistiques

Domaine d’études 3 - Projeter : du savoir-faire au penser-le faire

Athènes

(méta)Morphoses d’un

centre de ville en crise

1834-2015

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Sommaire

Préface...p4 Introduction... p5

Partie 1 - D’où vient la crise urbaine athénienne ?

Introduction...p9 Différentes gouvernances subies par le pays...p10 Développement formel et informel de la ville à l’aube de la modernité... p17 La crise urbaine moderne...p26

Conclusion - Une ville nouvelle à planifier ?...p38

Partie 2 - L’implication de la Ville formelle

Qu’est ce que la Ville formelle ?...p40 Introduction - JO 2004 : La Ville se reprend en main...p41 Le rêve du grand parc archéologique d’Athènes...p43 Les limites de la planification...p52 La Ville formelle s’essouffle...p58 Conclusion - L’impuissance de la Ville...p63 Qu’est ce que la Ville informelle ?...p64 Partie 3 - La Athènes du peuple

Introduction...p65 Athènes possède une hétérotopie : Exarchia...p66 Mutations spontanées de la ville...p93 Conclusion - Vers un renouvellement informel de la ville ?...p114

Conclusion...p115 Postface...p118 Annexes...p119

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C’est d’une curiosité qu’est née l’envie d’aller passer une année à Athènes. Une curiosité suscitée par l’état de crise que traverse la ville depuis un certain temps. Cette situation est évoquée par les médias depuis une demi décennie. Ils raccourcissent ou grossissent les événements, plaçant la Grèce au centre de la crise globale. Celle-ci est en effet moins palpable depuis la France, depuis le milieu dans lequel j’évolue. J’ai voulu me rendre sur place afin de me rendre compte de la situation in situ, de la vivre au plus proche. J’ai voulu savoir ce qui se cachait derrière et autour de l’Acropole ; explorer les traces restantes de la dernière organisation des Jeux Olympiques. Me rendre compte de la situation urbaine existante.

Préface

Crise : Nom féminin.

Rupture d’équilibre entre la production et la consommation, caractérisée par un affaiblissement de la demande, des faillites, et le chômage

Grave pénurie de quelque chose

Période, situation marquée par un trouble profond.1

Terme dépréciatif dans la conscience collective, la crise, dans son sens global, marque un point dans l’histoire. Elle induit une transition entre deux ères, deux périodes. Elle redéfinit des temps. Un avant crise, un après. Ce phénomène inquiète. Il génère une remise en cause de quelque chose, un changement de mentalité, une prise de conscience. Elle survient comme un « choc », et paraît difficile à contrôler.

La crise pourrait se définir par la manière dont une difficulté est contrôlée. À partir du moment où un État, un gouvernement, une entreprise, un individu se met à maîtriser une situation critique, celle-ci ne s’efface-t-elle pas ? Au contraire, une crise apparaît à l’instant où la maîtrise d’une situation nous échappe.

Nous ne l’avons pas vu venir. Et même si ce phénomène était prévisible, aucune solution n’a été trouvée pour l’enrayer. Une « gestion de crise » apparaît alors comme une contradiction.

Une crise intervient dans tous les domaines, à toutes les échelles, définissant son degré de gravité. Crise économique, politique, sociale, environnementale, privée, publique ; va affecter un individu, un couple, un groupe, une communauté, une région, un territoire, un État, une globalité.

Introduction

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Au cours de la deuxième partie des années 2000, le terme de crise a resurgi dans l’actualité. Il a fait écho à l’un des sujets les plus abordés dans nos sociétés néo-libérales : l’économie. Une crise économique mondiale est «apparue», ayant des répercussions énormes sur de nombreux territoires partout dans le monde, alors que sa cause a été précisée. Il s’agit de l’effondrement du domaine d’activité synonyme de valeurs et de pouvoir dans notre système actuel : la finance. Une action financière encore plus précise aurait révélé l’origine de ce point de non retour mondial. Subprimes. Des crédits hypothécaires à risque proposés par les banques américaines, jouant sur le marché de l’immobilier. Distribués aux individus n’ayant pas les moyens de payer leur bien immobilier, ils pouvaient être remboursés à la revente de celui-ci, puisque sa valeur gonflait au fil du temps. Lorsque le marché de l’immobilier américain a cessé de croître, les débiteurs ne pouvaient plus rembourser leur(s) crédit(s). Les banques américaines ont alors commencé à s’effondrer, et comme elles influent sur l’économie américaine, l’État a commencé à lancer des plans financiers de secours, et a fini par rentrer en récession. Les banques américaines avaient un poids considérable sur de nombreuses banques mondiales, c’est l’ensemble des pays industrialisés qui ont vu leur PIB arrêter de croître.

Alors que les pays développés possèdent encore des ressources pour continuer de fonctionner; d’autres, ayant d’importants déficits publics, se retrouvent dans des situations critiques. Crises financières, économiques génèrent ainsi des crises sociales, politiques, humaines. Il est difficile de croire que l’effondrement d’un marché financier d’un unique État puisse créer une remise en cause globale. Cette faillite révélerait plutôt les dangers d’un monde où tout est relié au capital, et où les États eux-mêmes le contrôlent de moins en moins. Et ce sont les sociétés plus fragiles, faibles qui en paient les conséquences.

C’est le cas de la Grèce, et de sa capitale. Ce pays a en effet traversé toute une série de difficultés depuis des siècles pour arriver à ce qu’elle est. L’État lui même a dû suivre un parcours chaotique, constitué de conflits, d’occupations, d’ingérences, pour se former et devenir ce qu’il est. Au long du XXème siècle encore, l’État hellène s’est cherché. Il a

cherché son identité, sa culture propre. «L’Hellénisme». Il a recherché une stabilité politique, passant par des gestions étrangères, guerres civiles, occupations forcées, une dictature militaire, une chasse au communisme... La Grèce a toujours traversé des états de crise, ce qui la rend aujourd’hui vulnérable.

Sa capitale, Athènes comprend une histoire encore plus chaotique. Après avoir été oubliée par l’empire ottoman, elle réapparaît au XIXè par la Bavarocratie1 qui domine la Grèce. Elle subit l’ombre de

Constantinople, et la Grande Idée de la reconquérir. Ce rêve traversé par les grecs est encore présent au XXème siècle ; Istanbul est encore

nommée aujourd’hui Constantinopolis. Athènes a fait l’objet d’une polarité forcée, sans contre poids. Cette centralité a développé la ville de manière incontrôlable, et a ainsi contribué à la crise urbaine dans laquelle elle est plongée depuis les années 1970. Elle peine aujourd’hui à se décentraliser et porte les stigmates d’une ville Méditerranéenne du Sud : désordonnée et sans limite.

Cette situation critique a transformé, et continue de transformer l’aspect urbain de la capitale grecque. L’état de ses espaces publics, de ses bâtiments a changé. La manière dont les citoyens la vivent aussi. Comment cet état de crise se traduit donc dans les pratiques de la Ville ?

1: au moment de son indépendance, la Grèce est contrôlée par des responsables bavarois

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1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ?

Une première partie décrira l’évolution urbaine (économique, sociale, politique) d’Athènes à partir de l’indépendance de son pays. L’évolution des modes de gouvernances grecs depuis l’Antiquité en introduction met en écho le manque de cadre dont souffre la ville.

Cette problématique sera alors développée à travers une seconde partie portant sur les efforts des institutions publiques pour (re) formaliser la ville.

Enfin, une dernière partie s’appuiera sur l’alternative que les athéniens ont choisi pour lutter contre la crise globale qui les touche : l’auto-organisation. La situation délicate dans laquelle se retrouvent de nombreux athéniens leur fait croire en de nouvelles pratiques, de nouvelles manières de vivre la ville. De nouveaux systèmes marchands, plus solidaires, plus directs, simples, se mettent en place. L’espace public n’est plus simplement vécu ou traversé, mais parfois occupé collectivement, à travers des convictions fortes. Si une nouvelle façon de vivre dans l’espace public extérieur émerge, ce qu’il se passe à l’intérieur des bâtiments est également parfois novateur. Si l’image d’Athènes s’arrête souvent sur l’héritage antique et néoclassique qu’elle porte, la réalité sur la ville et son urbanisme est bien différente. Suite à des actions privées, le territoire d’Athènes s’est majoritairement urbanisé de manière incontrôlée. Plusieurs quadrillages, damiers viennent aujourd’hui se juxtaposer les uns aux autres. Ce collage se ressent à travers les différentes ambiances, fonctions, modes de vie des habitants du centre urbain athénien. Comment en est on arrivé à cet état là ? Quels aspects revêtissent les fragments composants le centre ville d’aujourd’hui ?

D’où vient la crise urbaine athénienne ?

Pour comprendre l’état urbain dans lequel se situe Athènes aujourd’hui, il est important de prendre du recul en faisant resurgir l’évolution historique du pays, à travers les gouvernances extérieures qu’elle a subies. Cela permettra de comprendre pourquoi la ville ne maîtrise que très peu son espace urbain actuel.

La ville vécue aujourd’hui comporte une structure récente. Elle s’est constituée petit à petit à partir du XIXè siècle avec l’amorce d’une forme urbaine. Nombreux événements, phénomènes feront dévier cette base formelle et échappera à un contrôle du territoire. Certains mouvements de population viendront densifier et étendre la ville de l’avant Seconde Guerre Mondiale. Les modes de pensée de l’après-guerre contribueront à morceler la ville pendant que l’instabilité et les mauvais choix politiques généreront une détérioration de l’environnement urbain.

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1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ? 1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ?

Différentes gouvernances subies par le pays

Un pays historiquement divisé

L’histoire antique d’Athènes est aujourd’hui l’héritage dont la ville et le pays restent les plus fiers. Cette période servira de socle, de base pour décrire les gouvernances successives qu’on subit la Grèce et Athènes par la suite, jusqu’au XXème siècle.

Les premières traces de civilisation sont découvertes sur les collines de l’Acropole, datant de 6000 avant notre ère. Les premiers individus se seraient installés à cet emplacement offrant des avantages géographiques : présence d’eau, de relief permettant une protection (vestiges de grottes). Les habitants utilisent vite les hauteurs de la colline comme lieu de défense, pour se protéger d’attaques venant de l’extérieur. Cette logique de regroupement fermé de population se retrouve dans le monde grec antique. Celui-ci n’a pas de gouvernance globale, mais est au contraire constitué de Cités États. On en compte 50 selon la plupart des sources. Certains événements montrent une volonté d’union, d’alliance entre les états, telle que l’unification des villages des cités de l’Attique par Thésée, alors roi d’Athènes, pendant la période mycénienne (XIIIème siècle avant notre ère). Cependant, la logique d’interaction entre les différents groupements de civilisation était plutôt belliqueuse. Le seul exemple populaire de grande alliance des peuples grecs serait celui de la guerre de Troie. Ce récit n’est cependant pas prouvé historiquement, et fait plutôt figure de légende. Il montre alors le fantasme d’une cohésion politique qu’il manquait peut-être à cette époque. Pendant le Siècle d’or de la civilisation grecque, si Athènes rayonne en inventant la démocratie et créant une ligue avec de nombreuses cités alliées militairement, sa relation diplomatique avec d’autres Cités grecques ne s’améliore pas, comme en attestent les guerres du Péloponnèse.

L’image renvoyée par le monde grec préhistorique et antique est donc un monde composé de gouvernances indépendantes, pouvant parfois s’allier ou entrer en conflit, mais ne montre pas de véritable union.

Néanmoins, c’est peut-être à cette époque que la culture grecque sera la plus reconnue. Car à partir du IIème siècle avant notre ère, Athènes

et la Grèce ne seront gouvernées que par des forces étrangères. Les romains jusqu’au IVème siècle de notre ère. L’importance des Cités

grecques antiques faiblit pendant le contrôle de l’empire byzantin depuis Constantinople, sa capitale, jusque autour de l’an 1000. Bien qu’un patrimoine byzantin s’érige dans l’Attique, celui-ci sera vite détérioré par les Croisades, et les invasions successives de plusieurs puissances d’Europe de l’Ouest : les Francs puis les Catalans et les Florentins. Une nouvelle influence culturelle surgit à Athènes en 1456. Trois ans après la chute de Constantinople, les Turcs prennent le contrôle de la Cité Grecque. Malgré un interlude vénitien à la fin du XVIIème siècle, les Ottomans conserveront leur pouvoir sur le territoire jusqu’au XIXème siècle et la guerre d’indépendance grecque.

L’occidentalisation du pays

Le second quart du XIXème siècle constitue une période charnière pour l’histoire du pays, puisqu’il est animé par sa guerre d’indépendance. Ce conflit oppose les grecs insurgés désirant être libres de pouvoir de nouveau gouverner leur État indépendamment, et les colons ottomans, imposant leur autorité depuis plus de trois siècles1.

Les insurgés sont cependant aidés par les différentes alliances européennes, dont le Royaume-Uni, la France, et la Russie sont les trois principaux protagonistes. Leur implication dans ce conflit est officieusement motivée par une prise de contrôle indirecte sur ce territoire stratégique, faisant figure de porte de l’orient, ouvert sur la Méditerranée. Dix ans après une première déclaration d’indépendance en 1822 à Épidaure, et d’incessants aller-retour entre batailles et traités diplomatiques, le statut du pays se clarifie. Il sera gouverné par une monarchie dirigée par le prince Othon de Bavière, et de sa descendance. C’est donc l’alliance d’Europe occidentale qui prend le contrôle du territoire.

Bien que cet événement soit considéré comme l’indépendance de

1: voir FIG 1.3 - La guerre d’indépendance de la Grèce

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1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ? 1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ?

l’Etat Hellène, celui-ci est encore une fois dirigé indirectement par une autorité externe. Cette gouvernance suivra le courant culturel occidental de l’époque pour développer le pays. Son idée principale est de se ré-inspirer des bases de notre civilisation : l’Antiquité. Athènes redevient logiquement capitale de l’État en 1834. Ruinée par les conflits de la guerre d’indépendance, elle fera l’objet de nombreuses transformations néoclassiques. Elle symbolisera les aspirations du nouvel Etat grec, et de ses planifications urbaines modernes.

Figure 1.1

La Grèce au début de la guerre du Péloponèse (431 avant notre ère).

Source: www.grece-bleue.fr

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1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ? 1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ?

Figure 1.2

Frise chronologique de l’évolution de la gouvernance d’Athènes jusqu’à l’indépendance de l’État grec

- 6000 - 1600 - 1100 - 494 - 183 330 1000 1456 1821

Athènes Préhistorique Athènes Mycénienne Age Sombre

Athènes Archaïque L’age d’orL’age Classique La capitale de l’hellénisme

Athènes Romaine Athènes Byzantine Athènes Chrétienne

La Renaissance Athénienne Athènes Ottomane Athènes Moderne

Thésée unifie les villages de l’Attique aut our d’Athènes Guerre de Troie Guerres du P éloponnèse Occupa tion des F rancs Occupa tion des C atalans Occupa tion des F lorentins Chute de C onstan tinople Guerres d ’Indépendanc e Naissanc e de la D émocr atie

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1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ? 1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ?

Figure 1.3

La guerre d’indépendance de la Grèce.

Source: www.atlas-historique.net

Développement formel et informel de la ville à l’aube de la

modernité

La nouvelle Athènes : mise en ordre néoclassique

Alors qu’Athènes ne compte que 4 000 habitants au moment où elle devient capitale, de grandes planifications sont nécessaires pour développer la ville sous le modèle néoclassique. Ce mouvement, désirant se détacher du baroque et rococo, jugés exubérants, vise à retrouver la pureté de l’Antiquité qu’a connu la Cité. Le modèle antique sera suivi jusque dans les stratégies de développement urbain. «L’espace urbain devra être articulé autour de places, lieux privilégiés de la citoyenneté»1.

En 1833, Stamathis Kléanthis et Edward Shaubert , deux élèves de Karl Shinkel, un architecte prussien emblématique du mouvement néoclassique, dessinent le « Nouveau Plan d’Athènes ». L’objectif est de développer la ville au Nord de l’Acropole par le biais de trois principales places formant un triangle équilatéral2. Au sud de ce

triangle est réhabilitée l’ancienne ville, où d’importants chantiers de fouilles sont alors menés.

Au Nord, une grande place orthogonale accueille le pôle administratif de la ville. Le palais Royal fait alors face à un axe nord-sud pointant vers l’Acropole. Un jardin, les écuries royales, six bâtiments administratifs, et deux chambres de députés viennent compléter ce complexe monumental, suivant l’axe (aujourd’hui, la rue Athinas). Un peu plus au sud se dessine le marché central de la ville, construit bien après ce plan, mais encore présent aujourd’hui à cet emplacement. Le centre culturel et religieux se positionne à l’est, autour d’une place circulaire. La bibliothèque, l’académie, la cathédrale, ainsi que deux bâtiments de l’évêché viennent constituer ce second sommet du triangle. Le dernier sommet symbolise la limite de la ville, son entrée depuis le Pirée. Elle est tracée de façon à faire face à la Pnyke, l’espace politique dans la Grèce antique, et est entourée d’espaces verts. De nombreuses places sont prévues autour et à l’intérieur du triangle, accueillant d’autres bâtiments publics de la ville.

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1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ? 1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ?

Ce nouveau dessin de ville nécessite de nombreuses expropriations, la surface de fouille est jugée trop importante par les habitants qui commencent à protester contre sa mise en œuvre. Un an après la confirmation du plan de Kléanthis et Shaubert, Leo Von Klenze est appelé depuis Munich pour le réviser. L’espace consacré à la recherche archéologique est réduit, les rues sont rendues plus étroites, la surface des places augmentée, et la création de nouvelles rues limitées afin de ré-exploiter les ruelles constituant le tissu urbain existant. Bien que la forme arbitraire triangulaire soit conservée, les fonctions de ses sommets vont également être modifié. Une place circulaire accueillant la cathédrale, deux bâtiments de l’évêché et une école se retrouvent au Nord pendant que le centre administratif comportant le palais royal est déplacé à l’entrée de ville à l’ouest. A l’est, une petite place en hémicycle comporte une église en son centre.

Bien que les surfaces de fouilles aient été diminuées, les premières mises en œuvre de ce second plan suscitent une nouvelle fois d’importantes protestations habitantes. Le gouvernement n’avait par ailleurs pas les moyens de reloger les propriétaires expropriés. Il décide alors de faire réviser une nouvelle fois le plan urbain.

Friedrich Von Gaertner, un autre important architecte néoclassique bavarois, se charge des nouvelles modifications et livre un nouveau plan en 1837. La place majeure de la capitale se retrouve au sommet est. Nommée place de la Constitution (Syntagma en grec) en 1843, elle y abrite à son extrémité est le palais royal, devenant plus tard Parlement. Elle fait figure de repère touristique et centre des transports dans la ville. À l’extrémité Nord du triangle conservé, une place finalement carrée fait figure d’entrée de ville pour les visiteurs. Elle devient un carrefour important dans la ville, un centre commercial, et est ainsi défini comme place de la Concorde (Omonoia). La ville se développe alors autour de ces deux « points d’accroche », alors que le troisième sommet du triangle est oublié, ne se construit pas. Dès les premiers travaux de planification de la Nouvelle Athènes, un décalage se crée entre les décideurs de la ville et le peuple. Les volontés ne sont pas les mêmes. Le pouvoir en place est prêt à transformer le

paysage urbain existant, créer de nouvelles percées néoclassiques alors que les propriétaires, responsables du développement physique de la ville, sont intransigeants face à la perte de leurs terres.

Parallèlement, Athènes se lotie

Dans le même temps que la mise en place, plus ou moins fidèle, du plan néoclassique, une ville beaucoup plus archaïque se développe. Si le plan de Von Gaertner marque des axes structurants, ainsi que certaines grandes places, le reste des îlots n’est pas toujours défini. Les terres appartiennent à l’époque à des propriétaires, prêt à revendre leurs terrains à des géomètres pour les faire quadriller. Le dessin du lotissement est alors proposé aux instances qui validait, ou non, la forme en damier proposée.

L’enjeu de cette urbanisation importante des terres est simple : densifier la ville, construire une nouvelle capitale qui ne comptait encore que 90 000 habitants en 18791 (soit 30 000 de moins que Nantes à

cette même période) . L’attractivité que suscite le nouveau statut de cette ville mythique attire de nombreuses populations qui viendront s’installer de manière plus ou moins anarchique dans les différents quartiers de ville. Ces entités spatiales vont alors acquérir une identité sociale propre, et viennent se confronter les uns aux autres. Alors que les grands axes structurants donnent une limite physique à deux caractères de la ville, leur opposition se voit par les indices sociaux révélés dans l’espace public. Les façades, les vitrines, la population et la fréquentation de la rue révèle certains fossés entre deux quartiers. Encore aujourd’hui, il est possible de ressentir la juxtaposition de ces différents morceaux composant le centre historique de la ville.2

Une description personnelle succincte de six caractères de la ville permettra de mieux visualiser ce phénomène. Nous reviendrons plus en détails sur certains d’entre eux plus tard.

1: SINTES Pierre, Immigration, réseaux et espaces métropolitain : le cas athénien, Cahiers de la Méditerranée, 2002

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Plaka

Ce quartier, au sud du triangle, est organisé par un réseau de ruelles étroites, tantôt piétonnes, tantôt envahies par des voitures garées anarchiquement. Lorsque les façades ne sont pas ternies par des vitrines commerciales ou enseignes d’hôtel, il paraît assez facile de se sentir intrus dans une ville passée. Ce tissu pouvant paraître hors du temps, lorsque la période touristique est passée, il fait figure de transition entre la ville franchisée marquée par la rue Ermou, et la ville antique symbolisé par la colline de l’acropole.

Monastiraki et le «triangle commercial»

Véritable centre commercial d’Athènes, il y abrite le flea market dans sa partie avoisinant Plaka. Sa rue Ermou - le segment sud du triangle - fait office de véritable galerie commerciale à ciel ouvert. L’aspect franchisé de ce tissu est assumé par la ville, et mis en avant lors de la transformation du centre-ville dans le cadre de l’organisation des Jeux Olympiques.

Psirri

Un des seuls quartier central de la ville échappant au damier, Psirri rappelle la Athènes ottomane. Il s’agit du quartier de l’artisanat et de la petite industrie. L’odeur du travail du métal, du bois est encore perceptible dans sa partie sud-est alors que celle des tavernes et

kafeneio (cafés) révèle l’évolution du quartier dans sa partie Nord.

En levant la tête, on aperçoit, derrière les fenêtres poussiéreuses, l’abandon de certains immeubles. Le délabrement de certaines façades et les nombreuses dents creuses viennent nous confirmer le délaissement que subit le centre-ville.

Kolonaki

zone développée à l’est du triangle néoclassique, l’héritage bavarois est perceptible par différents aspects. Les boutiques de luxe ainsi que les immeubles modernes grimpant sur la colline du Lycabette, au nord, dotés de piscine sur les toits démontrent le caractère aisé de ce tissu. Le mobilier de ses terrasses évoque presque l’ambiance des grands

cafés parisiens. L’ensemble de ses vitrines, ses façades blanches immaculées nous immergent dans un morceau de ville « occidental », échappant à la crise. La rue Vassilis Sofias, figurant de boulevard des ambassades vient border ce quartier. La rue Solonos, parallèle au segment est du triangle, vient faire transition avec le quartier des universités ; ainsi que celui d’Exarchia, comparable dans la forme mais radicalement opposé dans l’esprit.

Exarchia

Le retour des commerçants des nombreux comptoirs donne naissance à ce quartier. Exarchia est petit à petit associé à l’idée de tolérance ainsi que d’activisme politique. Qualifié de «niche anarchiste» d’Athènes par son histoire, beaucoup de partis politiques de gauche radicale y trouvent refuge. L’ambiance contestataire est présente quasiment partout dans l’espace public. Les murs sont remplis de messages graphiques et politiques, son occupation par les habitants est continue. Exarchia inspire des initiatives d’auto-gestion exemplaires pour beaucoup, jusqu’à la mise en place d’une économie souterraine. L’autorité l’accepte, trouvant cette excuse pour exprimer sa haine envers cette population alternative. Petit à petit, la police n’a plus le droit de rentrer dans cette zone, devenant une véritable anomie. La proximité de Politecnio, bastion historique de la résistance, ainsi que de Panepistimio, attire les étudiants activistes venant animer ce quartier. L’activisme des habitants se démontre par la présence de nombreux étudiants qui restent actifs politiquement dans le quartier. Panepistimio

Cette bande structurée par les trois grands boulevards parallèles fait figure d’intermédiaire entre différents caractères de la ville. Elle est associé au quartier des universités1 et prend la forme de la ville du

pouvoir2 par sa « trinité ». Trois grands bâtiments néoclassiques,

peut-être les plus emblématiques de la ville, se juxtaposent et correspondent au pôle culturel et éducatif de la nouvelle Athènes du XIXème siècle. La Bibliothèque Nationale et son grand emmarchement incurvé,

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1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ? 1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ?

l’Académie et sa colonnade frontale imposante, et l’Université, et son fronton hexastyle se posent côte à côte face à l’avenue Panepistimio congestionnée sur ces 6 voies de circulation à sens unique.

À cette époque, Athènes voit sa population croître constamment depuis qu’elle a été déclarée capitale. Un événement va cependant radicalement faire évoluer sa démographie et, par conséquence, sa forme urbaine.

La ville Refuge, cause d’un développement informel

En 1922, des centaines de milliers de chrétiens installés en Asie Mineure doivent quitter leur territoire et trouvent refuge en Grèce. Nombres d’entre eux arrivent par bateau au Pirée, porte maritime de la capitale en pleine croissance.

«La grande catastrophe» amène 300 000 nouveaux habitants à Athènes1. Espérant trouver une nouvelle vie dans la capitale, de

nombreux camps s’improvisent à la limite du cœur historique. Certaines communautés vont petit à petit s’implanter dans la ville. Des quartiers portent encore le nom de ce phénomène : Nea Smyrni provient par exemple du retour des grecs de Smyrne, (aujourd’hui, Izmir) installés à la fin de leur exil entre Le Pirée et l’Acropole.

Venant presque doubler la population de la capitale, les nouveaux réfugiés se retrouvent sans logement, au pied de la ville. Celle-ci n’a pas alors les moyens de régulariser cette population et les territoires qu’elle occupe. Un début d’extension spontanée s’amorce. Ce phénomène urbain incontrôlé continuera de faire évoluer la forme de la ville jusqu’à aujourd’hui.

Athènes continue de constituer une terre d’accueil tout au long du XXème siècle, de nombreuses vagues d’immigration poursuivront la croissance démographique de la ville. Le secteur de la construction a alors du mal du mal à échapper à la tendance au désordre, et laisse la trace physique de la jungle urbaine que constitue la ville d’aujourd’hui.

1: GUILOT Adéa, ARVANITIS Françoise, Grèce, la nouvelle odyssée, Editions Nevicata, 2013, p30

Figure 1.4

Les trois plans successifs de la Athènes néoclassique et leurs diagrammes explicitant l’évolution de la forme des places : (de haut en bas)

Plan de Cléanthis et Shaubert – 1833 Plan de Leo Von Klenze – 1834

Plan de Friedrich Von Gaertner – 1836-1837

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Figure 1.5

La commune d’Athènes et ses 7 « diamerismata » (arrondissements). en rouge, le Diamerisma 1, les quartiers qui le composent, et leurs places importantes.

Figure 1.6

Evolution démographique d’Athènes de 1848 à 1928

250 000

802 000

1848 1907 1928 32 000

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La crise urbaine moderne

1: du grec Poly-: Plusieurs -Katoikia: maison. Immeuble de logement collectif (pl: polykatoikies) 2: citation de Konstantin Karamanlis, premier ministre grec à plusieurs reprises de 1955 à 1980, dans: PRÉVÉLAKIS Georges: Athènes: politique, culture et urbanisme, Editions l’Harmattan, 2000, Les deux types de constructions d’après guerre générateurs de chaos urbain

Face au besoin de logement engendré par la première grande vague d’immigration du XXème siècle, la forme de l’habitat urbain change. Les années 1930 et le début du mouvement moderne fait évoluer la vision de l’architecture. L’immeuble doit devenir économique et fonctionnel. Il doit accueillir les nombreuses familles ayant trouvé refuge dans la ville et ne pouvant pas compter sur l’État providence. La période de la Reconstruction, faisant suite à la Seconde Guerre Mondiale, correspond a une seconde vague d’immigration massive vers Athènes. L’exode rural touche le pays en même temps que se développe la capitale. De nouvelles communautés grecques se regroupent en périphérie, dénommant de nouveaux quartiers.

Le nouveau modèle de polykatoikia1 se popularise. Les balcons filants

et les façades lisses en béton se retirant en gradin à partir du 3ème étage remplacent petit à petit les modénatures néoclassiques. Les politiques de cette période acceptent et soutiennent cette transformation du visage de la ville. Ils encouragent la propriété foncière privée, jugeant que « quand le bâtiment va, tout va »2. Le gouvernement de gauche

grec au pouvoir, au lendemain de la guerre civile de la fin des années 1940, tablaient sur le boom de la construction comme moteur de développement économique. Ce pari paraissait fonctionner puisque la Grèce se vantait de vivre un miracle économique. Les polykatikies étaient presque devenus le symbole de cette croissance moderne, et au fur et à mesure qu’ils se multipliaient, l’intervention des architectes diminuait. La simplicité de cette architecture permettait en effet aux ingénieurs et entrepreneurs de pouvoir faire construire sur des parcelles de plus en plus exigues. Ceux-ci mettent en place un montage les faisant interagir avec le propriétaire foncier. Ils proposent au propriétaire d’ériger un nouvel immeuble sur son terrain en échange d’une contre-parti : l’antiparokhi. Le propriétaire peut en effet récupérer plusieurs appartements issus de cette construction, lui permettant de revendre, faire louer, habiter et faire habiter sa famille.

1: Voir FIG 1.8 - Le parcours social de l’immigré

L’économie gagnée par cet échange et la construction fonctionnelle de l’immeuble permet d’obtenir des appartements à bas coûts. Les nouveaux arrivants, ayant quitté leur campagne peuvent alors accéder à un logement abordable1. Ce procédé se dissémine dans la ville. Le

pouvoir décide de ne pas organiser la ville selon un zoning, dans le but de bénéficier d’une mixité sociale. Cette mixité est mise en valeur durant cette période de croissance économique, où la ville vient concentrer toutes les activités. Personne ne paraît voir se profiler une dégradation urbaine à long terme, causée par l’Antiparokhi ainsi que la construction illégale. De nombreux polykatoikies ont vu le jour sans aucune autorisation préalable. Ce n’est qu’après chantage politique qu’ils sont régularisés. Des quartiers entiers ont été rendu légaux après qu’ils aient affiché leur soutien à certains partis. Cet urbanisme d’après-coup est également impliqué dans la tournure négative que prendra la ville à partir des années 1980.

La construction en masse de polykatoikies vient donc densifier la ville. Si les constructeurs n’hésitent pas à détruire les immeubles néoclassiques, le coefficient d’occupation des sols commence en plus à s’élever, et aucune mesure n’est prise assez tôt pour remédier à cela. La ville se retrouve sous une forme compacte, et donc accessible. Il est à l’époque facile de traverser le noyau central à pied, d’atteindre la mer par les trolleys qui circulent dans les rues étroites. Cette forme de ville n’est cependant pas celle qui est privilégiée par la population et le pouvoir. La volonté est alors de l’étendre, quitte à se retrouver plus loin de son lieu de travail. D’autant plus qu’à partir des années 1960, le moyen de transport privilégié des athéniens est la voiture. La popularisation de ce transport sera un autre facteur menant à la crise urbaine.

Deuxième cause de crise urbaine : la circulation routière

Au cours des années 1960, la logique urbaine athénienne est simple : concentrer les activités dans le centre. Tout doit être accessible, proche. Les transports fonctionnent de manière radio-concentrique.

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La voiture n’est à ce moment là qu’un produit de luxe, réservée à l’élite. Symbole de reconnaissance sociale, une population de plus en plus élargie veut s’en procurer une. Elle permet de plus un confort que l’on ne retrouve plus dans les «boites à sardine» que constituent les bus et trolleys, polluant le paysage urbain de fils électriques. La compacité de la ville commence à être remise en cause, dans les années 1970, en même temps que la voiture se popularise. La démocratisation de ce moyen de transport commence à remplir la ville dense de pots d’échappement. Le secteur de la construction routière bat alors son plein, de grandes voies sont tracées, mais les rues du centre se congestionnent. Le service de transport public est affecté par ce problème de trafic, incitant les habitants à privilégier la voiture. Le modèle de ville compact limitant les dépenses d’énergies d’accessibilité devient obsolète. Les premières politiques de décentralisation qui se mettent en place dans l’Europe Occidentale et la péri-urbanisation américaine inspirent les politiques grecs.

L’autre facteur responsable de l’isolement du centre sera la prise de conscience environnementale. A la fin des années 1970, alors que la politique de la Ville commence à lutter contre la proximité des industries, l’invasion automobile commence à laisser des traces palpables sur l’environnement urbain. Fuyant une qualité de vi(ll)e de plus en plus faible, les bourgeois s’installent dans la périphérie1.

Afin de lutter contre la dégradation dont souffre le centre, le PASOK, parti socialiste grec au pouvoir dans les années 1980, ne fera qu’accentuer le problème. Leur objectif était de limiter la congestion pour ramener un environnement urbain sain. Ils marquent un anneau de circulation autour du centre, appelé Dacktylos2. A l’intérieur de

celui-ci les voitures ne peuvent celui-circuler que de manière alternative. L’effet de ce ring est inverse à celui escompté. En effet, au lieu de ré-attirer les classes moyennes et supérieures, l’activité et la consommation à l’intérieur du centre, ce sont les activités qui vont se délocaliser sur les nœuds routiers périphériques.

La réponse politique face à l’invasion de la voiture échoue par son manque d’engagement physique sur le territoire. Le cœur urbain se

retrouve alors enclavé, et commence à véhiculer une image néfaste de la capitale.

Conséquences : un centre-ville porteur de stigmates

La construction massive d’immeubles modernes et la popularisation de la voiture a permis à la ville de s’étendre. Cette dynamique a dès lors remis en cause le modèle concentrique de la métropole. Le cœur de ville commence alors à perdre en attractivité.

Si le développement libre du centre ville a permis une mixité sociale, laissant la place à différentes populations, son évolution à la fin des années 1970 a déséquilibré la balance. De nombreux bourgeois ont déserté leurs logements de ville, laissant vacant nombreuses demeures néoclassiques. Des politiques de décentralisation ont fait mourir certaines activités du centre. On peut prendre l’exemple du

Megaro Mousiki, grand complexe culturel installé sur une grande

pénétrante urbaine ayant provoqué la fermeture de nombreux petits théâtres de ville.

L’instabilité politique a également été responsable de l’état de crise qualitative du centre urbain des années 1980. En plus de mauvais choix pris, plusieurs propositions de réformes visant à réorganiser la ville n’ont pas pu être mises en application. Les changements fréquents de gouvernement sont la principale cause de ce manque de non aboutissement de projets. Ainsi, au début des années 1980, Stefanos Manos, alors ministre de la planification spatiale, du logement et de l’environnement, a réfléchi à une série de réformes pour normaliser la ville. L’arrivée au pouvoir du PASOK quelques mois plus tard a gelé le projet. Manos cherchait dans cette stratégie urbaine à lutter contre les deux modes de constructions chaotiques en diminuant le Coefficient d’Occupation des Sols, débutant des mesures de patrimonialisation, réformant les administrations métropolitaines ou encore en développant les transports publics. Certaines de ces mesures ont été appliquées beaucoup plus tard, et d’autres n’ont

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jamais vu le jour.

La crise urbaine est également marquée durant cette décennie par une inversion des mouvements migratoires entre le centre et la périphérie. Les bourgeois attirant les capitaux se tournent vers la périphérie et les populations modestes, n’ayant pas les moyens de s’installer dans le centre auparavant, y trouvent refuge. Un exode urbain apparaît, certains professionnels libéraux retournent exercer dans leurs villes d’origines, le système universitaire se décentralise, dispersant les étudiants dans d’autres villes à l’intérieur et l’extérieur du pays. La montée de la mondialisation fait perdre le pouvoir et l’activité centrale athénienne.

La remise en question du modernisme, l’inefficacité politique sur le territoire, et l’évolution du rapport centre-périphérie est néfaste pour le centre-ville qui, après avoir centralisé les activités et les pouvoirs, se met à être déprécié des habitants. Le symbole de ce « déshéritage » est la place Omonoia. Une des deux places emblématiques de la Nouvelle Athènes, elle se transforme en grand rond point majestueux dans les années 19601, à l’âge d’or de la voiture. Elle incarne alors la

Athènes Moderne, où sont tournées les virées en décapotables dans le cinéma grec, et où sont célébrées les grandes victoires sportives. Au fur et à mesure qu’Athènes se congestionne, et qu’aucune alternative à la voiture n’est trouvée, Omonoia devient la place de la pollution. Un nœud routier au cœur de la ville, desservant grands boulevards bruyants. Alors que les grands hôtels marquent encore cette entrée de (centre-)ville, la pauvreté s’installe à leurs pieds. Dans les années 1990, Omonoia n’est plus perçue comme la place de la décapotable circulant en girouette, à la manière de la dernière scène de Playtime de Jacques Tati2. Dans les années 1990, et encore aujourd’hui, elle

est considérée comme le centre du quartier d’immigrés, d’un refuge Balkan, où ne tourne plus des voitures mais des stupéfiants. Le déclin d’une place qui trouvera son apogée néfaste dans les années 2000, lorsque des centaines d’Albanais se font lyncher sur la place de la Concorde pour avoir fêter leur victoire en football contre leurs hôtes grecs. Bilan : des dizaines de blessés et un mort. La place est devenue 1: Voir FIG 1.11 - Photographie aérienne du grand Rond-Point majestueux d’Omonoia en 1961 2: Voir FIG 1.12 - Le Rond Point de la dernière scène du film Playtime, de Jacques Tati (1967)

lieu de la Discorde.

A l’image de la Place Omonoia, la figure de la Nouvelle Athènes a changé. Elle fut considérée comme une ville à construire pour accueillir de nombreux habitants attirés par une nouvelle capitale à la fin du XIXème siècle. Elle se retrouve, un siècle plus tard, à se vider en son centre tout en poursuivant un développement chaotique, archaïque.

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Figure 1.7

Photographie montrant la masse des polykatoikies dans la ville

(rue Aleksandras)

Figure 1.8

Organigramme explicitant le parcours social de l’immigré.

Interprétation du recueil de Georges Prévélakis – Athènes : Urbanisme, Culture et politique

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Figure 1.9

Diagramme des cercles vicieux engendrés par l’utilisation de la voiture à Athènes.

Interprétation du recueil de Georges Prévélakis – Athènes : Urbanisme, Culture et politique.

Figure 1.10

Cartographie de la Délimitation du Dacktylos au sein de la commune d’Athènes

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1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ? 1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ?

Figure 1.11

Le grand Rond-Point majesteux d’Omonoia en 1961

Source: http://urbantraveltales.com/2012/12/20/at-the-heart-of-athens-omonoia-square-beats-for-christmas-2012/omonoia-1961/

Figure 1.12

Le Rond Point de la dernière scène du film Playtime, de Jacques Tati (1967)

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1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ? 1 - D’où vient la crise urbaine Athénienne ?

À partir du moment où elle est devenue capitale du Nouvel Etat Hellène, Athènes s’est développée dans l’idée d’incarner une terre fédératrice, à l’image de la Cité antique capable de rassembler toutes les tribus de l’Attique. Avec le retour des commerçants des comptoirs, les premiers réfugiés d’Asie Mineure, les exilés ruraux, et plus récemment les immigrants des Balkans, Athènes a constitué un refuge pour de nombreuses communautés. La période Moderne et l’idéologie communiste ont permis à de nombreuses familles de croire et de pouvoir intégrer la ville fourmillante de l’après guerre. La croissance économique a permis de trouver du travail, un toit pour se loger avec sa famille, une voiture pour circuler sur les avenues, et s’échapper vers la mer qui entoure le pays.

S’en est suivie une prise de conscience. Une prise de conscience que l’industrie n’était pas viable pour l’économie du pays, et qu’il fallait mieux se tourner vers des échanges facilités par une entrée récente dans la Communauté Economique Européenne. Une prise de conscience que la voiture n’est peut être pas faite pour rouler dans le cœur de ville, alors que rien n’est réalisé pour inverser la tendance. Une prise de conscience que les Polykatoikies ne sont peut-être pas si beaux, maintenant qu’ils se touchent les uns aux autres. Qu’il devient préférable, lorsque l’on a les moyens, d’aller vivre dans une banlieue verte plutôt que de rester mélangé à la pauvreté envahissante au sein de la ville grise. Qu’il devient préférable de fuir la ville que les politiques trop instables n’arriveront pas à transformer.

Le manque de planification est peut être le problème majeur dont souffre Athènes à cette époque. Et ce problème va persister. Dans les années 1990, la ville est perçue comme «un ensemble d’îlots séparés économiquement, sans véritable cohésion sociale»1. Cette

observation est encore applicable aujourd’hui dans le ressenti de beaucoup de citoyens.

Pourtant, la ville et l’État mènent depuis une trentaine d’année un chantier de planification urbaine. L’opportunité qui leur a été offerte fut l’organisation des Jeux Olympiques en 2004.

Depuis la prise de conscience de la situation critique de l’espace urbain athénien, la Ville formelle se bat pour changer l’image de son

Une ville nouvelle à planifier ?

1: PRÉVÉLAKIS Georges: Athènes: politique, culture et urbanisme, Editions l’Harmattan, 2000, p60

centre. Elle essaie de (re)prendre en main son territoire, pour tenter de conserver une allure de capitale européenne, malgré sa forme méditerranéenne du sud.

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2 - L’implication de la ville formelle 2 - L’implication de la ville formelle

L’implication de la Ville formelle

Qu’est ce que la Ville formelle ?

Avant de rentrer dans cette seconde partie, il paraît important de proposer une définition personnelle de la Ville formelle.

Dans notre société européenne occidentale, la ville se forme, se dessine par les institutions. Ce sont les collectivités, divisions publiques du territoire qui vont venir décider l’espace urbain. Les pouvoirs publics, en France, détiennent les clés pour développer la Ville. La Ville avec une majuscule correspond à celle des décideurs publics. Notre culture et notre histoire induit ce développement très maîtrisé du territoire. La Ville formelle est donc synonyme de ville rangée, ordonnée, planifiée. Ce terme fait écho à son opposé, la Ville informelle, qui, elle se développe sans dessin, spontanément, chaotiquement.

Le 5 Septembre 1997, le Comité International Olympique confie à Athènes l’organisation de la XXVIIIème olympiade de l’ère moderne

des Jeux olympiques d’été, en 2004. Cette décision constitue un tournant pour le destin de la capitale grecque. Elle obtient l’attention de grandes institutions, et sera ainsi aidée pour mettre en œuvre les dernières grandes transformations métropolitaines qu’elle a connu. L’Union Européenne participera au développement d’infrastructures d’accessibilité pour la ville organisatrice. Une nouvelle autoroute,

« Attiki Odos » sera construite pour contourner le centre. Le réseau

souterrain se développe. Deux nouvelles lignes de métro sont inaugurées en 2000 et 2001. Le réseau de transports suburbains et le tramway d’Athènes s’améliorent. Une aide aurait également été apportée pour la construction du nouvel aéroport international Eleftherios Venizelos, dans la plaine de Messogée, inauguré en 2001. Cet événement est également l’opportunité de lancer des travaux de restructuration du centre-ville Athénien. L’image de la ville doit être redorée. Une opération de ravalements de façades est mis en place. De nombreux espaces publics sont rénovés, des rues piétonnisées. Le grand plan des transformations urbaines datant des années 1980 peut enfin se concrétiser.

La Ville produit donc un effort considérable sur le territoire pour transformer son centre autour de son héritage patrimonial structurant. Si ces transformations ont eu pour vocation de faire évoluer l’image de son centre-ville, elles n’apparaissent pas comme ayant fait évoluer la situation des habitants. Depuis l’événement planétaire de 2004, le pouvoir public, de plus en plus restreint financièrement, peine à poursuivre son emprise sur l’urbanisme d’Athènes. La Ville formelle essaie encore de développer des projets urbains occidentaux mais est freinée par son fonctionnement méditerranéen et son impuissance économique.

Jeux Olympiques 2004: la Ville se reprend en main

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2 - L’implication de la ville formelle 2 - L’implication de la ville formelle

Figure 2.1

Cartographie des différents éléments construits grâce à l’organisation des Jeux Olympiques d’Athènes.

Attiki Odos Village Olympique Complexe Olympique de la baie de Faliro Limite Municipale Coeur historique zone de transformation Complexe Olympique d’Hellinikon Complexe Sportif

Olympique Aéroport Eleftherios Venizelos

La genèse du projet

Dans la ville désordonnée commençant à être dénigrée, le patrimoine commence à être oublié. Au centre, l’Acropole et ses collines attenantes sont séparées par de grands boulevards motorisés. Le stade panathénaïque, le temple de zeus et le Parthénon se retrouvent comme trois îlots sans dialogue urbain. La pollution noircit les sous-faces des nombreux temples constituant la ville antique. La qualité urbaine atteint son niveau le plus faible dans ce centre patrimonial, peut-être le plus important d’Europe.

La métropole prend conscience de ce problème et veut se mobiliser pour transformer cette situation.

Les politiques de la ville de l’époque voient l’attractivité comme solution à la crise urbaine du centre-ville. Il leur manquait un prétexte, des moyens pour mettre à bien cette stratégie de développement urbain. Ils le trouvent alors au début des années 1990, lorsque l’État décide de renouveler leur candidature pour l’organisation des Jeux Olympiques.

Le montage institutionnel : une société transversale entre Ville et Etat

A partir de ce moment, la mise en place du projet de parc archéologique change d’échelle. Il ne correspond plus à un enjeu métropolitain, mais national. Deux ministères vont se charger de porter ce développement urbain. Celui de l’environnement, de la panification et des Travaux Publics, et celui de la Culture. Une société spéciale est créée par l’Etat via ces deux ministères pour piloter le projet. Il s’agit de l’Unification des Sites Archéologiques d’Athènes S.A.. Beaucoup d’acteurs, associés sur différentes échelles du territoire sont alors impliqués dans ce projet implanté au centre-ville de la capitale. Cette multiplicité d’intervenants ne facilite pas la mise en place des aménagements.

Le Grand Rêve du Parc Archéologique d’Athènes

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Enjeux du projet

L’unification des sites archéologiques d’Athènes devient le prétexte pour combattre les maux de la ville. La société devra répondre à la problématique de la « perte progressive de la continuité historique de la ville et de la lente érosion de l’image de marque d’Athènes dans la conscience de ses citoyens et de ceux qui vivent l’expérience de la ville »1. Le projet désire prendre en compte alors à la fois les habitants

de la ville, mais aussi le tourisme, les usagers extérieurs à la ville. L’enjeu du projet est alors de « restaurer la continuité historique de la ville et créer des pôles d’attraction pour les athéniens tout en suscitant une meilleure qualité de vie dans un espace physique amélioré au niveau environnemental, fonctionnel et culturel. »

Ces objectifs se projettent sur le territoire à travers six zones d’interventions2, dans lesquels figurent un patrimoine important à

mettre en valeur.

Portée de l’intervention

Ces transformations urbaines viennent jouer sur la forme urbaine et l’image de la ville. On cherche à retrouver des espaces sains, agréables en favorisant les activités de loisirs et tourisme à travers la culture. Ce nouveau noyau portera de plus l’objectif de constituer « un musée ouvert sur le monde»3. Le centre historique adopte un penchant

commercial occidental, où de nombreuses enseignes mondialisées, pourtant rares dans d’autres quartiers de la ville, s’ancrent dans ces nouvelles rues piétonnes. Le projet renvoie à une image de ville attrayante, riche, en mettant à neuf les façades, sans se soucier de ce qu’il se passe à l’intérieur. L’accent de l’opération a été porté sur la grande promenade, ayant pour vocation à devenir «la plus belle rue d’Europe»4. Mis à part cet axe, toutes les idées du programme n’ont

pas pu être autant abouties.

Bilan positif du projet en apparence

D’un point de vue objectif, le nouveau parc archéologique d’Athènes a nettement amélioré la qualité des espaces publics du cœur historique. L’ouverture et l’apaisement des voiries permet différents usages, l’atmosphère a été dépollué des moteurs et des publicités, comme en atteste cette analyse descriptive personnelle des lieux :

Plus de dix ans après la livraison du réaménagement de la rue Dionysiou Aeropagitou, le marbre jaune clair et les petits pavés illuminent encore le sol de « la plus belle rue du monde ». Sa position stratégique attire le moindre touriste venu visiter l’Acropole et son musée. Et il y aura toujours un violoniste, accordéoniste, groupe de musique pour ajouter un fond sonore à l’ambiance solennelle offerte par le paysage urbain environnant. En contournant le rocher sacré et l’Aéropage, la présence des vendeurs de bijou et d’autres brocanteurs nous indiquent que la proximité de Thiseio et que le chemin nous ramène vers le cœur dynamique de la ville. Les terrasses des bars s’étendent sur l’espace public paisible, dans lequel le son des moteurs n’est que lointain. Le nouveau statut de cette voie est une réussite pour la ville. La transition entre les différents lieux de visite est fluide. Un seul obstacle véhiculé s’interpose entre l’Olympeion au sud-est et le cimetière des Céramiques à l’ouest. Il s’agit de l’Avenue Amalia, tronçon de l’axe reliant Syntagma au littoral, trop complexe à détourner. Dans une capitale réputée pour son manque d’espaces verts, toute cette zone apaisée fait figure de poumon au sein de la ville. De nombreux espaces encore sauvages, « sacrés » sont désormais liés grâce à la promenade. C’est le cas de Philopappou, la colline des muses et le Pnyx, mais aussi l’Aéropage descendant vers l’Agora Antique, véritable parc animé par les ruines. Le réseau de rues piétonnes connecte le quartier de Koukakki à Psirri et le rapproche de Thiseio. Il créé une certaine continuité historique et magnifie les sites archéologiques.

Cette partie du Programme est donc accomplie avec succès. Elle

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véhicule une image de ville attractive, et offre une vitrine alléchante pour les usagers de passage. Cette promenade constitue l’élément que l’on va chercher à retenir du projet, alors que de nombreux autres éléments complètent la première phase du plan d’action du Programme. De nombreuses rues du centre commercial devaient être rénovées, des façades à embellir, de nombreux panneaux publicitaires à retirer. Le coeur de ville est bel et bien soulagée de nombreuses publicités retirées des murs. Cette action paraît presque paradoxale dans le quartier où l’on compte peut-être le plus grand nombre d’enseignes mondialisées dans la ville. Quant aux rénovations de rues, l’état actuel de l’espace public ne nous permet pas de confirmer l’objectif de rénovation. Treize ans après la date limite du premier plan d’action, les quelques façades repeintes, restaurées se fondent parmi celles qui ne l’ont jamais été1. Le seul contraste marquant dans ce

tissu, est la clarté d’Anafiotika, village historique des maçons venus des Cyclades pour construire la Athènes Néo-moderne. Enfin, si les constructions ont été contrôlées et la densité limitée, le flot incessant d’humains parcourant les vitrines ne nous permet pas de remarquer une véritable respiration dans ce cœur dynamique.

Le nouveau visage du coeur historique

La limite de ce Programme réside dans son coté vitrine. Si l’espace public, ce que la ville donne à voir au public est rénové, agréable, ce qu’il se passe à l’intérieur des immeubles, dans les « coulisses » paraît inchangé. D’un certain point de vue, ces transformations ont rendu le cœur de ville de nouveau attractif pour des entreprises commerçantes aisées, ayant les moyens de payer un local dans ces rues fréquentées. Les hôtels trouvent une clientèle de touristes venus seulement pour quelques jours visiter ce quartier musée. D’un autre côté, le prix très élevé du foncier et la difficulté de rénovation freinent la rénovation des immeubles d’habitations. La volonté de renouvellement de logements n’a pas l’air d’avoir été une priorité de la Ville pour ce projet, comme pour beaucoup d’autres. Seule la qualité urbaine de l’espace public a été améliorée, donnant à cette intervention un caractère superficiel. 1: Voir FIG 2.5 - 2.6 - Photographies des rues Kolokotroni et Agathariou

Figure 2.2 Zonage du Programme pour l’Unification des Sites archéologiques d’Athènes.

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Figure 2.3

Évolution de la rue Dionysiou Aeropagitou avant (en haut) et après (en bas) sa piétonnisation

Sources: Dossier de présentation du projet d’unification des sites arhéologiques et rénovations urbaines, et photographie personnelle

Figure 2.4

Nouvel aspect de la Rue Ermou, au niveau de Kerameikos

Photographie personnelle

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Figure 2.5

Rue Kolokotoni au sein du triangle commercial, dix ans après sa réhabilitation

Photographie personnelle

Figure 2.6

Rue Agathariou, au sein du triangle commercial, dix ans après sa réhabilitation.

Photographie personnelle

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Problème de suivi du projet

La Ville n’a pas saisi l’opportunité d’attirer la population locale à vivre de nouveau ce cœur historique. Elle a concentré toute son énergie sur l’espace public, rendu qualitatif à court terme. Car l’autre problème qui se pose avec une dizaine d’année de recul sur le projet, est la gestion de ces espaces publics, le manque de suivi du projet post-construction.

Huit ans après les derniers travaux du programme d’unification des sites archéologiques d’Athènes, la société semble être oubliée. Ses bureaux sont encore référencés, mais l’immeuble qui les accueille, paraît, comme beaucoup de ses voisins, abandonné. La société aurait été démantelée, et remplacée par la prasino tameio, trame verte, un programme d’aide de financement pour des projets urbains privés. Contacter les anciens responsables de cette société publique est fastidieux, le site internet présentant le projet a fermé fin 2014. Les traces de ce projet exemplaire pour l’image de la ville semble s’effacer petit à petit, et les façades rénovées recommencent à se salir. L’exploitation du projet ne paraît donc pas maîtrisée et les espaces publics se dégradent petit à petit.

On peut facilement émettre l’hypothèse que la réduction du budget lié à l’urbanisme n’a pas permis de conserver la structure en charge du projet, d’entretenir les espaces ou de communiquer le projet à long terme.

Le cas d’Omonoia

La situation économique décadente du pays depuis les JO n’a pas permis à l’unification des sites archéologiques d’Athènes d’opérer à un suivi durable de son projet. Cette société n’a pas toujours pu, de plus, mettre en œuvre comme elle le souhaitait les différentes interventions. La dernière transformation de la place Omonoia atteste de ce manque d’application de projets urbains:

Les limites de la Planification

Fonctionnant à la base comme un rond, la place Omonoia constitue le point central de la ville, voire du pays1. C’est ici que se situait l’arrêt

du train reliant Kifisia au Pirée, permettant d’amener les habitants au centre-ville.

La place Omonoia devient un nœud de communication, et des travaux s’engagent pour la construction d’une nouvelle ligne de métro. Celle-ci, reliant la ville de Peristeri à Helliniko, lieu de l’ancien aéroport de l’architecte Saarinen, reconverti pour les Jeux, fait transit sur la place. Ces transformations renforcent, selon Grigoris Desylas, un des architecte du projet, l’identité de la place. Il la qualifie de premier contact entre Athènes et le reste du pays, comprenant les grands hôtels, le métro et le train. Il a l’usage aujourd’hui de lieu de transit, d’entrée de centre-ville.

Voyant l’état de la place dégradée et ses usages déviants, sa régénération devient nécessaire. Elle s’inscrit dans le programme de l’unification des zones archéologiques d’Athènes. Cette société publique lance un concours européen pour ce projet, en 1998. 60 propositions ont été jugées par six architectes : un architecte professeur à l’école polytechnique d’Athènes, un autre professeur à l’école d’architecture de Thessalonique, un architecte membre de l’association des architectes grecs, un architecte espagnol, et le dernier diplômé de l’école des Beaux Arts. La proposition des architectes lauréats a plu par sa simplicité, sa pureté, sa minéralité2.

Les architectes confient que l’honneur d’avoir été choisis par un tel jury les a rendu présomptueux. Ils n’ont pas cherché à faire de compromis lorsque les commanditaires ont commencé à réduire le budget de construction. Résultat : du jour au lendemain, les travaux durent cesser afin de rouvrir la place au public ; certains éléments dessinés, prévus n’ont pas été réalisés, et des modifications ont du être effectuées.

Les architectes ont vu en cet espace un espace de passage, et ont orienté leur projet dans cette direction. Deux voies de circulations piétonnes ont été réfléchies. Une rapide, constituée d’une bande marquée au sol, en bois, traversant la place d’est en ouest. Une, plus douce, comprenant des espaces de pauses, pour s’asseoir, avec vue

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

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Figure 2.2 Zonage	du	Programme	pour	l’Unification	des	Sites	archéologiques	d’Athènes. ECOLE  NATIONALE  SUPERIEURE  D'ARCHITECTURE  DE  NANTES DOCUMENT SOUMIS AU DROIT D'AUTEUR
Figure 3.8 & 3.8Bis

Références

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