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La sémiotique peircienne : pour une relecture de l'œuvre de Pellan

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Academic year: 2021

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(1)

FACULTE DES LETTRES

M

Mr?

'I/M2

LA .SEHI Q.TIfl.VE PEIRCIEHMEJL

POUR UNE RELECTURE DE L'OEUVRE DE PELLAR

LISETTE VALLEE

Mémoire

présenté

pour 11 obtention

du grade de maître ès arts (M.A.)

ECOLE DES GRADUES UNIVERSITE LAVAL

OCTOBRE 1989

(2)

La... sémiotique—Galicienne

;pour une relecture de l'oeuvre

da Pelian.

Directrice de recherche : Marie Carani

A son retour de Paris en 1940, Alfred Pellan ramène une production artistique qui se caractérise par la semi- figuration. Ces représentations surchargées d1 éléments hétéroclites, de personnages hybrides et d * objets insolites participent d'une sémanticité nouvelle de 1'oeuvre picturale. La sémiotique de Charles S. Peirce, aussi appelée "théorie de la signification", permet une inter­ prétation approfondie, toujours "proposée" et jamais finale des signes visuels. En passant par la notion d1 inter­ prétant, les signes visuels iconiques, indiciels et symboliques permettent un décryptage des signes semi- figuratifs contenus dans ce type de représentations. Nous proposons dans ce mémoire une analyse sémiotique de trois tableaux de Pellan des années '40 et '50 en nous basant sur la catégorie de l'objet -icône, indice et symbole-, deuxième niveau de la trichotomie peircienne, en vue d'une confrontation théorie/pratique renouvelant 1'approche sémiotique de Peirce en regard de l'objet pictural.

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Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à ma directrice, Marie Carani, pour ses précieux conseils, son soutien et sa compréhension qui m'ont permise de rendre à terme cette recherche.

Merci également de m'avoir offert le privilège de travailler durant deux années au sein du Groupe de Recherche en Sémiotique de l'Art Contemporain dont je ne garde pas en mémoire que les acquis de 1'ex­ périence, mais aussi 1'agréable souvenir d'un lieu où pouvaient s'allier création, connaissance et amitié.

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(6)

TABLE DES MATIERES

AVANT-PROPOS i

TABLE DES MATIERES ill

LISTE DES ILLUSTRATIONS vi

INTRODUCTION 1

1.0 PRESENTATION DE LA THEORIE PEIRCIENNE 9

1.1 LES SIGNES INTERPRETANTS 9

1.1.1 Interprétants immédiat, dynamique, final 10

1.2 LES STRUCTURES 13

1.2.1 Les structures perceptives rhématiques 14 1.2.2 Les structures formelles dicentes 14 1.2.3 Les structures conceptuelles argumentales 15 1.3 ABDUCTION, INDUCTION, DEDUCTION 16

1.3.1 Abduction 16

1.3.2 Induction 16

1.3.3 Déduction 16

1.4 PRIMEITE - SECONDEITE - TERCEITE 17

1.4.1 La priméité 17 1.4.2 La secondéité 18 1.4.2.1 L'icône 19 1.4.2.2 L'indice 24 1.4.2.3 Le symbole 30 1.4.3 La tercéité 33 2.0 PELLAN:BIOGRAPHIE INTELLECTUELLE 37 2.1 PRODUCTION ARTISTIQUE ET INFLUENCES 39 2.1.1 1940 : Retour au Québec 41 2.1.2 Enseignement à Montréal 42

(7)

iv

2.2 SURREALISME 43

2.2.1 Art et mouvement surréalistes 43 2.2.2 Pelian "surréaliste”? 50 2.3 L'EROTISME DANS L'OEUVRE DE PELLAN 54 3.0 UNE THEORIE DE LA SIGNIFICATION 63

3.1 LE SIGNE PICTURAL 63

3.1.1 Les catégories 63

3.1.2 Présentation du corpus 65

3.1.2.1 L1 hypo icône 68

3.1.3 Descriptions et analyses 69 3.1.3.1 Description iconique de L'Amour fou 69 3.1.3.2 Analyse des icônes 70 3.1.3.3 Premier rapport objet/regardeur 71

3.1.3.4 L’indice 72

3.1.4 La "signifiance" du signe iconique 73 3.1.4.1 Les indices extérieurs 76 3.1.4.2 Le symbole signifiant 78

3.1.5 Contexte 83

3.1.6 Les motifs symboliques 84

3.2 SUR LA PLAGE OU L'INDICE 95

3.2.1 Bref rappel historique: les années '40 95 3.2.2 Description iconique de Sur la plage 95 3.2.2.1 Analyse des indices 96 3.2.3 Autoréférentialité du signe visuel 97 3.2.3.1 La pragmatique du signe indiciel 98 3.2.3.2 Iconicité ou aniconicité? 99

(8)

3.2.4.1 Le corps comme signe 105 3.2.4.2 La symbolique indicielle 107 3.2.4.3 Vecteurs : indices 109 3.2.4.4 Les ombres signifiantes 110

3.2.5 Pour conclure... 112

3.3 ICARE OU LE SYMBOLE 116

3.3.1 Description iconique de Icare 118

3.3.2 Analyse des symboles 119

3.3.2.1 Le titre: indice extérieur 119 3.3.3 L1hypoicone: argument légisigne symbolique 121

3.3.3.1 Représentation symbolique et

narrativité 121

3.3.3.2 L'iconicité signifiante 122 3.3.3.3 Figures vs mots dans 1'appréhension

du code symbolique 124

3.3.3.4 Elément central : symbole par

excellence 126

3.3.4 Lieu et moment du récit 127 3.3.5 Symbolique de la couleur 130

3.3.5.1 L1 inconscient et la représentation

symbolique 132

3.3.6 Interprétation idéologique 133 3.3.7 Le surréalisme, tout de même... 134 3.3.8 Conclusion préliminaire : icône, indice,

symbole 134

CONCLUSION 137

NOTES EXPLICATIVES 140

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(10)

L’Amour fou. 1954 Huile sur toile

45 1/2" x 32" (115,5 x 81,3cm) Coll. M. Pierre Roy, Montréal

Sur la.plage. 1945

Huile sur toile

82" x 66" (208,3 x 167,6cm)

Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa Icare., 1956

Huile, silice sur toile

19 1/4" x 15 1/4" (48,9 x 38,7cm)

Coll. M. & Mme Pierre Tisseyre, Montréal Santorln. 1956

Huile, silice, tabac sur toile 13 1/4" x 17 1/4" (33,6 x 43,8cm) Coll. particulière, Montréal

Page

62

94

114

(11)
(12)

Les sémiotiques visuelles prennent de plus en plus d * ampleur dans les recherches théoriques sur l'art contemporain. Les discours des différents théoriciens qui se préoccupent de la question picturale en vue d'une sémiotique plastique abondent en découvertes précieuses selon le but poursuivi par chacun. En plus de développer un métalangage propre à un corpus pictural, la sémiotique visuelle permet d'aller plus en profondeur dans les démarches interprétatives des "lecteurs d'images". La notion même de signe élaborée en linguistique se renouvelle selon que le signe visuel, qu'il soit figuratif ou abstrait, demeure toujours "signifiant", donc inter­ prétable .

En fait, le but commun poursuivi par les chercheurs en sémiotique visuelle se propose d'échapper aux développe­ ments de la sémiologie textuelle relevant de la linguisti­ que pour accéder à un langage strictement pictural. Les peintres Klee et Kandinsky1, déjà au début de ce siècle, menaient leurs recherches en ce sens. Plus près de nous, A.J. Greimas3 élabore une théorie générale des systèmes de communication. Sa sémio-1inguistique s'inspire des théories de Saussure et de Hjelmslev3. Pour Greimas, le signe est un construit fondé sur la définition des systèmes formels de la langue. De la lexicologie à la sémantique, l'étude de Greimas évolue vers la sémiotique et intéresse la logique de la construction du sens. Ses objets d'étude sont maintenant autant les langages verbaux que les non- verbaux. Il tentera également d'établir une forme de hiérarchie des métalangages. Les recherches de Thürlemann* et de Floch® se basent sur la sémiotique du langage planaire de Greimas.

(13)

2

Louis Marine, quant A lui, situe son discours entre le linguistique (lisible) et 1'iconique (visible) en ce qu'il nomme de 1'icono-sémiologie. Sa recherche, quelque peu influencée par les travaux de Pierre Francastel, se caractérise par la démarche discursive. Selon Marin, les jeux de la figure et du discours au sein de la représenta­ tion font que le tableau perd son statut d'objet pour devenir texte (objet-texte pictural). Il n'y aurait pas de point de départ donné pour la lecture parce que le tableau serait lui-même texte. Donc le tableau-texte : "trace et matrice figuratives, une image investie de multiples configurations qui, par dérives successives, nous réintro­ duit dans son essence"7-.

D'autre part, Barthes®, bien qu'il reprenne la dichotomie saussurienne langue/parole, signifiant/signifié, travaille des systèmes autres que la langue. Il élabore une véritable critique de la signification qui, selon lui, passe toujours par le langage, plus seulement le langage verbal mais aussi et surtout le langage propre aux signes visuels. La parole et l'image, dans un rapport complémen­

taire, créent ce que Barthes nomme le "message iconique", qui peut être ou codé (image dénotée) ou symbolique (image connotée). Entre autres sémiologues de l'image, Ben- veniste, Damisch et Martinet contribuent A la recherche. Alors que pour Benveniste® le tableau est un système signifiant, pour Martinet10, la peinture ne comporte qu'une articulation de premier niveau, en ce que le signifié serait strictement analogie. Chez ces théori­ ciens, 1'iconicité s'avère d'une importance primordiale en vue d'une lecture possible de la représentation. Pour Meyer Schapiro11, 1'élaboration d'un code signifiant non mimétique du signe iconique ouvre la voie A l'étude des oeuvres abstraites. Tout ce qui constitue l'objet qu'est le tableau participe de son langage : le champ lisse de la

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l'espace pictural (2D), le cadre qui fait reculer la surface et aide à définir la profondeur, le format du signe iconique agissant comme facteur d'expressivité, etc.

Les quelques démarches de sémiotique visuelle que nous venons de voir relèvent surtout de la théorie linguistique élaborée par l'Ecole française ou saus- surienne. Les recherches actuellement menées au Québec en matière de sémiologie picturale par Fernande Saint-Martin12 et Marie Carani13 questionnent l'objet pictural dans le but de définir le langage visuel comme se fondant de prime abord sur la notion d'espace. Les travaux de Fernande Saint-Martin portent sur 1'élaboration d'une grammaire propre au langage visuel qui donne aux représentations visuelles un langage autonome. Selon elle, l'art visuel possède un langage spécifique et différent de tout autre langage et le but premier de la sémiologie visuelle consisterait à élaborer une syntaxe du langage visuel, qui se propose toujours comme tridimensionnel, contraire­ ment au langage verbal qui est linéaire. Saint-Martin met en cause la planéité du tableau et interroge la bidimen- sionalité de l'espace. D'ailleurs pour la théoricienne, le problème de représentation de 1'espace devient un élément- clef d'une sémiologie visuelle. La notion spatiale topologique fondera une syntaxe du langage visuel.

Par ailleurs, lorsqu'on parle d'espace en peinture, on parle également de perspective, notion fondamentale du discours visuel apparue à la Renaissance avec Alberti. Les travaux récents de Marie Carani proposent la perspective comme code syntaxique. A partir des différents types de perspectives identifiés dans des tableaux de périodes s'étendant de la Renaissance aux années '80, Marie Carani tente de constituer une modélisation symbolique des

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phénomènes perspectivistes dans le cadre d'une théorie générale de la perspective picturale. Il s'agit donc ici de 1'élaboration d'une grammaire sémiotique de la perspec­ tive fondée sur les indices de spatialité de celle-ci. L'auteure arrive ainsi à identifier les composantes structurelles du nouvel espace figuratif contemporain qui prend en charge les modélisations perspectivistes générées par les pratiques de 1'abstraction.

Parallèlement et parfois conjointement à ces recherches, Umberto Eco1"*, Thomas Sebeok1”, Gérard Deledalle1G, pour n'en nommer que quelques-uns, apportent une précieuse contribution à la sémiotique peircienne17". Ici aussi, la linguistique verbale se fait moins présente dans 1'élaboration sémiotique du langage plastique puisque la théorie triadique du signe de Peirce prend ses fonde­ ments à la fois dans la philosophie, la phénoménologie, la

logique et la pragmatique. Les référents étant chez Peirce d'ordre perceptuel, les éléments tactiles, kines­ thésiques, sonores, auditifs, etc... sont tous des lieux que nous fabriquons de notre expérience même de la réalité. Cet état de fait confère A la sémiotique peircienne des possibilités d'utilisation riches et précieuses, la constitue comme une sémiotique "de la vie", applicable à tout objet d'analyse visant à 1'interprétation des signes.

Nous nous proposons d'effectuer, dans la présente recherche, une application de la théorie sémiotique de Charles Sanders Peirce (1839-1914) à un corpus visuel constitué de trois tableaux des années '40 et '50 du peintre québécois Alfred Pellan (1906-1988). Notre but est de démontrer, dans un rapport corpus/théorie, comment un tel travail peut renouveler 1'approche de Pellan et comment on peut utiliser la théorie peircienne en regard de 1'interprétation de l'oeuvre picturale.

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se signala d * abord par des travaux en chimie, en physique, en mathématiques et en astronomie. Il est le fondateur du pragmatisme, qu'il présente comme une théorie de la signification identifiant la signification d'un terme ou d'une proposition avec 1'ensemble des effets qu'ils produisent. Il est également l'un des principaux initia­ teurs de la sémiotique : on lui doit une classification des signes en ce qu'il nomme les trichotomies, soit des divisions des signes en trois catégories, la priméité, la secondéité et la tiercéité, lesquelles de nouveau se subdivisent en trois termes qui sont le representamen, l'objet et 1'interprétant. Les différentes subdivisions catégorielles des signes produisent les dix classes de signes. Le chiffre trois joue ici un rôle fondamental, autant que le deux chez Saussure.

Pour Peirce, toute analyse de signe est triadique et, pour "atteindre à la vérité", les trois niveaux d1 interprétation sont indissociables, puisque "... le premier ne peut se concrétiser sans le deuxième, tout deuxième suppose un premier et que tout troisième implique un premier et un second"183. Ainsi nous intéressons-nous davantage à la notion d'"interprétant", signe qui en lui- même implique éventuellement la totalité (de la significa­ tion) du signe. Cependant, comme nous n'analysons pas que des concepts, mais aussi et surtout des objets visuels, le niveau de l'objet, qui se divise en icône, indice et symbole (selon que la relation du signe à l'objet est de ressemblance, de contiguïté ou de convention) nous servira de base théorique.

Alfred Pellan est considéré comme l'un des peintres canadiens les plus importants de sa génération. Fortement

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marqué par les grandes tendances de 11 avant-garde parisien­ ne, son retour au Québec au début des années '40 signifie "renouveau artistique" dans la production picturale québécoise. Un style original et des idées nouvelles contribuent à faire de Pellan l'un des novateurs les plus critiqués mais aussi des plus respectés à cette époque de grands changements.

La méthodologie que nous comptons suivre consiste en une application des trois signes de la catégorie de l'objet, soit l'icône, l'indice et le symbole. Ces trois termes seront mis en rapport, respectivement avec les trois tableaux suivants: L'Amour fou, de 1954; Sur la plage, de 1945 et Icare de 1956. Bien que nous donnions priorité au niveau de l'objet dans l'analyse, la totalité des dix classes de signes constituant la théorie sémiotique peircienne feront l'objet d'explications car elles déterminent la signification des représentations visuelles, via le niveau troisième de l'interprétant. L'intérêt de travailler à partir de l'interprétant de Peirce -et ce qui en constitue à la fois l'originalité- est que ce signe aux multiples fonctions permet de rendre compte de l'ensemble des phénomènes picturaux, par une structure englobant les différents niveaux d'interprétation, contrairement à d'autres méthodes où l'analyse se limite à un aspect précis d'appréhension de l'oeuvre, comme 1'iconologie, l'étude stylistique, la recherche historique, l'approche psychana­ lytique, etc.

Une synthèse de la théorie de Peirce est présentée dans le premier chapitre. Nous tentons, par cette synthèse, de rendre plus explicite la sémiotique peir­ cienne, reconnue pour sa complexité par de nombreux auteurs. Par ailleurs, en fin de chapitre, nous établis­ sons le rapport entre la théorie et la pratique en

(18)

démontrant la pertinence de son applicabilité à un corpus visuel.

Le deuxième chapitre porte sur le peintre, producteur des signes visuels soumis à 1'analyse. Une biographie intellectuelle sommaire situera le corpus dans ses différents contextes et permettra la mise en rapport de Pellan avec le mouvement surréaliste français. Ainsi pourrons-nous rendre compte de 1 * évolution de la recherche plastique de Pellan ainsi que de son apport dans 11 évolu­ tion de la peinture en général au Québec.

Le troisième et dernier chapitre est constitué des analyses d1 oeuvres. Nous voulons démontrer que 11 applica­ tion de la théorie sémiotique peircienne peut devenir un outil précieux pour le regardeur-interprête des oeuvres picturales. Nous présentons ainsi quelques interprétations -parmi d'autres possibles- des signes picturaux, en même temps que nous faisons une relecture de 11 oeuvre de Pellan.

(19)

CHAPITRE I

EEIR.CE.

(20)

1.1 LES SIGNES INTERPRETANTS

L1 interprétant c'est "la semiosis ou l'action du signe"19. Peirce définit ce terme en ces mots : "Pour le propre résultat signifié d'un signe, je propose le nom d'interprétant du signe"30 et plus loin "(...) le problème de ce qu'est la <<signification>> d'un concept intellectuel ne peut être résolu que par l'étude des interprétants ou effets signifiés propres des signes"31. De là toute 1'importance accordée par Peirce à sa notion d'inter­ prétant . Cette notion reste malheureusement mal comprise -ou mal exprimée- et la principale raison en est que les définitions de Peirce changent au cours des années consacrées à 1'élaboration de sa théorie. D'ailleurs, les auteurs que la théorie peircienne intéresse sont d'accord pour admettre la complexité -et même parfois 1'ambiguïté, ou un certain flottement terminologique- qui caractérise les écrits du théoricien américain. D'où les nombreuses interprétations qui diffèrent souvent selon la compréhen­ sion des auteurs. Par exemple, certains limiteront 1'interprétant du signe à l'idée d'interprète33, ce qui ne correspond plus au sens que Peirce donne de ce constituant du signe. Nous retenons d'abord cette définition de Peirce, à savoir que le signe est "... un véhicule qui communique à 1'esprit quelque chose de 1'extérieur. Ce pour quoi il est mis est appelé son objet; ce qu'il communique, sa signification; et l'idée à laquelle il donne naissance, son interprétant"33. Il est à noter ici, pour éviter toute confusion, que la communicabilité d'un signe passe par 1'interprétant dit "dynamique". Nous revien­ drons plus loin sur ce terme. Umberto Eco a commenté ce problème de 1'interprétant, en écrivant que "L'Interprétant

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10

est ce qui garantit la validité du signe, même en l'absence de 1 ' interprète"22'* .

Pragmatiquement, la signification est liée à l'action du signe et non au signe en tant que tel. D'où la dynamique systématique de la pensée logique de Peirce. Le signe est ce qu'il fait, et son action s'exerce soit dans le monde intérieur -le monde de la pensée-, soit dans le monde extérieur. Dans celui-ci, il est signe et porteur de sens; dans celui-là, symbole et porteur de signification: c'est 1 ' univers des symboles-significations52”. Ce ne sont pas, selon Peirce, les idées et les esprits qui expliquent les signes, mais les signes qui doivent expliquer les idées et les esprits20.

1.1.1 Interprétants immédiat, dynamique, final

Pour une définition précise de 1'interprétant, nous faisons appel à David Savan: 1'interprétant est

"... le médiateur entre le

fondement et l'objet d'un signe en se représentant lui-même comme représentant du fondement et de

l'objet. [D'abord] 1) il interprète le signe à partir de 1'intérieur du fondement du signe [interprétant immédiat]; 2) il interprète le signe extérieurement au fondement comme son effet dynamique [interprétant dynamique];

3) il s'interprète et se corrige lui-même [interprétant final]"2-7.

Alors le signe devient cette relation triadique du representamen (ou "fondement” du signe), de l'objet et de 11 interprétant. Pour éclairer cette courte phrase, il faudrait préciser la totalité des classes de signes de Peirce, puisque le representamen relève de la priméité (1ère trichotomie, de l'axe syntaxique); l'objet tient de la secondéité (2ème trichotomie, de l'axe sémantique) et 1'Interprétant qui relève de la tiercéité (3ème trichoto­ mie, de l'axe pragmatique). De façon schématique, les

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trois axes de la sémiotique pelrcienne avec leurs composan­ tes se lisent comme suit :

1. Dimension syntaxique

Le signe en soi, qui comprend : -le qualis igne I

-le sin-signe | REPRESENTAMES -le legisigne |

2. Dimension sémantique

Le signe en rapport à 11 objet, soit:

-l'icône I

-l'indice I OBJETS -le symbole I

3. Dimension pragmatique

L'action du signe, ce qu'il fait et ce qui lui donne signification

-le thème I

-le dicisigne | INTERPRETANTS -1 ' argument I

Ce schéma constitue la base de la théorie sémiotique pelrcienne. Suivant toujours le modèle trichotomique des catégories, nous distinguons ces différentes classifica­ tions des interprétants :

-de la priméité: 1'interprétant immédiat ; il est dit affectif parce qu'il implique au moins un sentiment de reconnaissance et il est appelé la signification littérale du signe;

-de la secondéité: 1'interprétant dynamique ou énergéti­ que, qui est l'effet réel du signe; il est dit énergétique parce qu'il s'accompagne d'un effort physique ou mental;

-de la tiercéité: 1'interprétant final ou logique, qui renvoie à la manière dont le signe tend à se représenter lui-même comme étant en relation avec son objet; il est dit logique parce qu'il réfère à une habitude, une loi ou une convention.

(23)

12

Les interprétants immédiat, dynamique et final donnent les sens de l'objet. Toute analyse part donc d'un groupement de signes qui renvoie à l'objet par le moyen des trois champs de 1'interprétant. Nous dirons donc que 1'interprétant final, qui relève de la structure concep­ tuelle symbolique, est une habitude ou une loi et que le symbole englobe l'icône et l'indice.

Ce qui revient à dire que, pour simplifier à 1'extrême la possibilité d'une sémiotique visuelle A partir de la théorie de Peirce, il existe une voie accessible et compréhensible pour tous, puisqu'elle relève de notre expérience à tous -qu'elle soit collective ou individuel­ le: elle est toujours culturelle. Pour la mettre en pratique, la méthode à suivre pourrait être la suivante : puisque tout signe n'a de sens que par 1'interprétant, nous devons d'abord identifier et faire parler les trois constituants de 1'interprétant final, soit: 1) de façon abductive, qui consiste à reconnaître et définir les signes iconiques contenus dans l'image, au premier niveau d'appréhension de la représentation visuelle, sans inter­ prétation préalable, mais se présentant comme possible ;

2) de façon inductive, nous devrons a)nous renseigner sur l'objet (le tableau), en consultant les "indices" ex­ térieurs (documents) relatifs à l'objet; b)les indices formels intrinsèques à la représentation qui nous aideront & donner un premier sens de l'objet d'existence réelle auquel réfèrent les signes visuels de la représentation; puis enfin

3) de façon déductive, à l'aide des signes iconiques et des indices et de leurs relations en tant que signes rassemblés dans le contexte de 1'oeuvre-objet, nous en donnerons une signification, qui elle, demeure toujours un possible parmi d'autres possibles, selon la compréhension que nous en aurons eue.

(24)

En résumé, les interprétants sont des signes d'interprétation qui constituent signification, ou du moins une idée de sens. Autrement dit, les signes premiers sont ceux qui sont appréhendés dans des qualités de sentiments ou apparences. Les signes seconds sont ceux qui sont interprétables dans des expériences réelles. Les signes troisièmes sont ceux qui sont interprétables dans des pensées ou autres signes du même genre en séries

infinies.

En passant par les structures constituant la dimension sémiotique de la sémantique practico-pragmatique de Peirce, 1'élaboration des explications s’enchaînera quant aux niveaux de priméité, de secondéité et de tiercéité. Les définitions de la terminologie sont ici empruntées presqu1 exclusivement à Peirce -avec quelques emprunts à Eco, Jakobson, Todorov, Savan, entre autres. Tout au long des explications, nous tenterons de voir de quelles façons les différents termes peuvent s'appliquer au langage visuel. Cependant nous tenons à souligner que, dans le chapitre consacré aux analyses du corpus, 1’exhaus­ tivité des explications en rapport avec la pratique éclairera davantage le lecteur.

1.2 LES STRUCTURES

Respectant le modèle trichotomique de Peirce, les structures sont au nombre de trois, et relèvent du processus logique d'analyse en philosophie, soit la trilogie de 1'abduction, 1'induction et la déduction. Elles correspondent, dans la logique peircienne, aux trois types d'interprétant final (1'immédiat, le dynamique et le final). Les structures fondent les relations des signes

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14

entre eux pour arriver à une interprétation du sens même que prennent ces relations, donc se réfèrent fondamen­ talement à la tiercéité qui implique les deux niveaux premier et deuxième.

1.2.1 Les structures perceptives Thématiques

Les structures perceptives thématiques englobent l'objet immédiat, soit l'icône qui est le premier niveau de la représentation. Son interprétant immédiat ne peut que dire qu'il est une abstraction consistant en une pos­ sibilité, ou un quaiisign. De ces structures perceptives, nous "percevons" donc les representamens (signes) iconi- ques, soit les éléments contenus dans le tableau tou hypoicône] vu en tant qu'objet de représentation. Une image qui, par ses signifiants (éléments formels), nous mènera au signifié (au sens). Les signes iconiques s'inscrivent dans le tableau et en composent le message. L'icône de Peirce étant liée à l'objet par la ressemblance, Eco dira crue l'icône possède "... des propriétés d'ordre optique, visibles, d'ordre ontologique, présumées et d'ordre conventionnel, modélisées. L'icône est donc le principal sous-signe de la dimension de l'objet, ici le tableau.

1.2.2 Les structures formelles dicentes

Les structures formelles dicentes relèvent de 1'interprétant second ou dynamique, qui implique l'objet dynamique, ou "l'effet réel du signe". L'interprétant dynamique est un signe d'existence réelle, un signe qui crée un effet dynamique (il est dit "dicent") et qui fournit une information concernant l'objet du signe. Il est l'effet réel que le siqne produit sur l'esprit. L'interprétant dynamique tirera parti des écrits du peintre

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(s'il y a lieu), des témoignages de ses contemporains, des documents critiques, historiques, etc. relatifs au corpus et, grâce â ces renseignements (qui sont hors du signe, rappelons-le), deviendra dicent. Ici le contexte entourant le corpus lui sert d'indice. Le corpus lui-même, à son tour, peut servir d'indice pour le contexte : il peut "indiquer" un changement dans la manière de peindre de Pellan -indices donnés par la texture, la couleur, la composition, etc., soit les éléments témoignant du travail (de 1'intervention) physique du peintre-, changement dont on constatera (ou non) la permanence dans le travail postérieur du peintre. L'indice relevant de l'objet peut donc être à la fois hors et dans le signe visuel. Lié â son objet par la contiguïté -et non par la ressemblance-, il entretient une relation directe et active avec celui-ci. Les indices sont les sous-signes seconds de la dimension de

1'objet.

1.2.3 Les structures conceptuelles argumentales

Les structures conceptuelles argumentales font la relation entre les signes et les denotata (référence). L'argument étant un sous-signe de loi, il est compris comme représentant son objet dans son caractère de signe. Il est 1'interprétant troisième, ou final, qui relève de la signification. Il est dit systématique parce qu'il peut revêtir trois formes suivant la manière dont on est parvenu au système d'interprétation, soit par abduction, par induction et par déduction. Les trois interprétants finals correspondent donc respectivement â ces trois formes du système d'interprétation.

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16

1.3 ABDUCTION - INDUCTION - DEDUCTION

1.3.1 Abduction

Par abduction, 1'interprétant final 1 (immédiat) est une habitude générale, acquise par expérience, plus collective qu'individuelle, d'interpréter les signes à un moment donné dans un groupe donné. Il suggère une référence du signe à son objet, par une supposition non vérifiée.

1.3.2 Induction

Par induction, 11 interprétant final 2 (dynamique) est une habitude spécialisée comme, par exemple, la capacité pour un historien d'art d'attribuer un tableau à un peintre ou à une école ; ou encore, pour un sémioticien, la faculté de reconnaître les praticiens de l'école saus- surienne ou peircienne. Il est donc scientifiquement, c'est-à-dire expérimentalement contrôlé. Il est aussi, idéalement, dynamiquement iconique et infère la règle à partir de cas et de résultats particuliers.

1.3.3 Déduction

Par déduction, 1'interprétant final 3 (final) est 1'interprétant systématique par excellence. Il est décisoirement déductif, comme le sont tous les systèmes formels ou formellement systématiques. Il fait 11 applica­ tion d'une rèqle qénérale à un cas particulier. Son objet est le symbole, qui est général.

(28)

1.4 PRIMEITE - SECONDEITE - TIERCEITE

En expliquant maintenant les niveaux de priméité, de secondéité et de tiercéité (les trois grandes classes de signes peirciennes), nous abordons les divers aspects du signe peircien et leurs sous-catégories. En même temps, nous démontrons de quelles façons interviennent les trois interprétants, selon le niveau du processus de significa­ tion.

1.4.1 La prlméité

La prlméité s'occupe de l'étude des qualités constitutives de l'objet. Il incombe à la dimension syntaxique de définir et de classer les signes. Les signes premiers, d'ordre phénoménologique, n'existent réellement que représentés dans les signes seconds d'ordre empirique, du niveau de l'objet.

Dans 1'analyse de l'objet visuel, les signes premiers seront les qualités intrinsèques aux signes qui constituent l'objet. Par exemple, les couleurs, qui sont des qualités constituantes des éléments de la représenta­ tion. On ne peut cependant examiner ce niveau primaire du signe que par le deuxième niveau, qu'est l'objet (puisque les signes premiers ne sont visibles que matérialisés). L'analyse de la prlméité est donc conditionnelle et dépend essentiellement de 1'objectivation de ses énoncés à travers l'objet, donc de la secondéité. Les signes relevant de la prlméité demeurent toutefois classables, catégorisables, à la condition d'appartenir & une représen­ tation visuelle. Sinon ils demeurent au niveau de la possibilité, donc désincarnés, soit situés au niveau de la pensée. L'interprétant immédiat, pour signifier, dépend de 1'interprétant dynamique et c'est alors que 1'interprétant

(29)

final, par 1'agencement des deux premiers, pourra apporter une signification.

18

La question du sentiment éveillé par la propriété qualitative de la priméité renvoie à ce que Eco nomme les stimuli visuels qui sont la couleur, les rapports spatiaux,

les incidences de lumière, coordonnés dans un certain quelque signification que ce ou encore nommer ce à quoi relève de l'interprétant: visuels suggérés par quelques 1.4.2 La secondéité

etc., ces stimuli étant déjà champ perceptif219. Donner soit à ces stimuli visuels, nous font penser ces stimuli l'identification de stimuli aspects de l'objet.

Notre objet d'analyse étant un corpus visuel, le niveau second de la théorie du signe interviendra constam­ ment puisqu'il s'agit du niveau de l'objet, soit le niveau de matérialisation de la priméité. L'icône, l'indice et le svmbole s'appliquent tout à fait, et on l'a souvent vu, à un corpus visuel. D'aucuns diront que la notion d'icône de Peirce ne réfère pas à une image en tant que telle, et pourtant, malgré tout ce qu'il peut en dire, et malgré l'apparition du terme d'"hypoicône" dans ses travaux tardifs pour signifier une représentation visuelle, Peirce affirmera pourtant que "L'icône est une "image" de son objet au sens propre du mot grec EIKON... à partir duquel Peirce l'a forgé"30. Et ailleurs il dit encore:

"... en contemplant un tableau, il y a un moment où nous perdons conscience qu'il n'est pas la chose, la distinction entre le réel et la copie disparaît, et c'est sur le moment un pur rêve -non une existence particulière et pourtant non générale. A ce moment nous contemplons une icône."31

(30)

1.4.

2.1

L'icône

Avant d'aborder la notion d'icône dans le sens qui nous préoccupe, nous en donnons quelques définitions de Peirce pour montrer, justement, que ce signe peut être beaucoup plus qu'une image. Par exemple,

"Une icône est un signe qui posséderait le caractère qui le rend signifiant, même si son objet n'existait pas. (Ex.: un trait au crayon représentant une ligne géométrique)."32

"...N'importe quoi, qualité, individu existant ou loi, est l'icône de quelque chose, pourvu qu'il ressemble à cette chose et soit utilisé comme signe de cette chose."33

"J'appelle un signe qui est mis pour quelque chose simplement parce qu'il lui ressemble, une

icône. Les icônes se substituent si complètement à leurs objets qu'ils s'en distinguent à peine. Tels sont les diagrammes en

géométrie . "3"*

"Une icône est un representamen dont la qualité représentative est la priméité du representamen en tant que premier. C'est-à-dire qu'une qualité qu'elle a en tant que chose la rend apte à être un representamen.[...]"3=

"Les icônes dont la ressemblance a pour support des règles conven­ tionnelles méritent particulièrement d 'attirer notre attention. Ainsi une formule algébrique est une icône devenue telle par les règles de commu­ tation, d'association et de distribution des symboles. [...] ...une des grandes propriétés distinctives de l'icône est que par son observation directe peuvent être découvertes concernant

'

%

(31)

20

son objet d'autres vérités que celles qui suffisent à déterminer sa construction."33

"Dans toutes les écritures primitives, comme les hiéroglyphes égyptiens, il y a des icônes d'un genre non logique, les idéogrammes. Dans la forme de langage la plus ancienne, il y avait probablement une grande part de

mimétisme. [...] Mais dans la syntaxe de tout langage il y a des icônes

logiques du genre de celles qui ont pour support des règles convention­ nelles .

"Quand, en algèbre, nous écrivons des équations les unes en dessous des autres, et en particulier quand nous mettons des lettres semblables pour des coefficients correspondants, cet arrangement est une icône."33

Bien qu'en admettant que l'icône peut être en même temps bien autre chose, nous ne pouvons nous empêcher de penser aux icônes russes, qui sont, tout le monde le sait, des représentations religieuses, soit des images au sens pur du terme. Les notions de "ressemblance", de "similari­ té" et d'"analogie" qualifient généralement l'icône dans les descriptions de Peirce. Le signe iconique que nous analyserons dans les oeuvres visuelles ne tiendra compte que du type de signe "communiquant directement une idée par le moyen d'une icône"3-5*, dans le sens de ses qualités constitutives que sont la ressemblance, la similarité et 1'analogie.

Umberto Eco dit que la définition du signe iconique, suggérée par Charles Morris "... constitue une des tentatives les plus commodes et apparemment les plus satisfaisantes pour définir sémantiquement une image"40. Morris, quant à lui, définit le signe iconique selon Peirce en ces termes : "Un signe iconique est le signe semblable,

(32)

par certains aspects, à ce qu'il dénote. Par conséquent, 1 ' iconicité est une question de degré"'*1. Cette question de degré est pour le moins intéressante en ce qui a trait à la motivation du signe iconique. Il est vrai que le signe n1 est iconique que conditionnellement. Il doit "ressembler", "par quelques aspects" à l'objet qu'il veut représenter.

Cette question d'iconicité et de ressemblance a fait l'objet de nombreuses réflexions de la part des théoriciens. C'est que l'image ne peut posséder les qualités physiques de l'objet qu'elle représente. Nous sommes tous d'accord avec cette notion. Mais, si on se limite à la perception, à ce qui se présente à notre vision, les stimuli visuels dont parle Eco feront que de ce que nous voyons, apparaîtra l'image mentale de l'objet, soit la référence du dessin dans son rapport à une image mentale. Bien sûr, ceci est déjà plus vrai et moins contestable en sculpture, à cause de la tridimensionalité de l'objet. Alors que la planéité du plan pictural (représentation sur un support à 2D) ne peut rendre que de façon illusoire cette troisième dimension propre à tout objet réel. Dans le tableau, le signe iconique se trouvera limité à la suggestion, et ce malgré tous les efforts du peintre pour obtenir une ressemblance qui se rapproche le plus possible de la réalité de l'objet représenté, sauf bien sûr si la représentation se veut "imaginaire" ou

fantastique...

C'est ainsi que le signe iconique, de par sa fonction "suggestive", deviendra indiciel. Eco dit encore que, devant un dessin ou un tableau, le regardeur structure les stimuli visuels selon "... des systèmes d'expectation et d'assomption dus à 1'expérience précédente, et donc par rapport à des techniques apprises, c'est-à-dire d'après des

(33)

22

codes1"*3. Des codes sont établis pour une communication possible. Pour que 11 image communique un message, encore faut-il savoir décoder ce message. Donc passer inévitable­ ment par l'interprétant. C'est tout le processus sémanti­ que qui vient ici s'ajouter à la syntaxe afin de définir le modèle d'élaboration du sens de l'objet.

L'icône sera donc constituée de codes signifiants de par les éléments de la composition. La condition d'une possible communication code/message repose encore et surtout sur la notion d'interprétant. La communication du message dépend même essentiellement de l'interprétant, mais d'un interprétant verbal ou visuel, du moins audible ou visible pour le destinataire. Tant que l'interprétant n'est pas dit, ou du moins exprimé, la signification du signe n'a pas lieu. Il ne peut demeurer qu'au niveau de la pensée et c'est là que l'interprète joue un rôle primordial dans le processus de communication.

La motivation du signe iconique

Nous présentons ici un cas ultime de signe iconique hypermotivé: les pictogrammes. Bien que ne relevant pas d'un travail "artistique", il s'agit tout de même de dessins dont le but principal est la communication entre un destinateur ayant perdu l'usage de la parole et un destinataire qui veut établir un dialogue. Les pictogram­ mes sont utilisés dans les écoles avec les jeunes enfants qui apprennent à lire. Dans ce cas, l'image se trouve accompagnée du mot correspondant à l'objet représenté. Dans d'autres cas, l'image seule guidera la communication, d'où la nécessité d'une "autocommunicablité" parfaite de l'image iconique. Par exemple, 1 'aphasique"*3 ne peut communiquer verbalement ses pensées, bien qu'on sache qu'elles existent réellement. Ses interprétants, cohérents

(34)

pour 1'aphasique, se trouvent réduits au silence et A un niveau de non-communication parce qu’il a perdu l'usage de la parole (et de l'écriture), et ce, pas dans le même sens qu'une personne muette. Un moyen pour lui d'exprimer ses besoins, ses pensées, est offert par les pictogrammes, qui sont conventionnalisés et qui remplaceront partiellement la parole du malade. Les pictogrammes étant constitués de codes visuels permettent la communication, restreinte, nous en convenons, témoignent de 1'énorme importance de l'image iconique dans ces cas problématiques de communication. Ici le signe iconique joue un rôle essentiel et prend des proportions telles qu'il devient presqu'égal aux mots.

Ainsi le signe visuel travaille A la compréhension du discours ayant lieu entre le destinateur et le des­ tinataire. Le message codifié passe par l'image et les communicateurs échangent au niveau même de la pensée déductive**. L'intelligibilité de 1 ' échange dépend d'ores et déjA de la conventionalité de l'icône qui devient ici, dans le pictogramme, outil de communication visant A appuyer la pensée non exprimable autrement par 1'aphasique. Le signe iconique dans 1'oeuvre artistique

Le rôle du signe iconique n'est cependant pas aussi évident dans les tableaux, d'où la notion de degré d'iconicité. Dans les pictogrammes, le code est motivé A 100%, alors que cette nécessité n'apparaît pas dans l'art. Le besoin de communication n'étant pas le même que chez des malades atteints d'aphasie ou chez des enfants dans 1'apprentissage de la langue écrite, le message contenu dans les oeuvres visuelles peut très bien être compris A un degré moindre d'iconicité. A preuve, les représentations non-figuratives qui comportent également un message ; il suffit de savoir traduire A partir d'un niveau strictement

(35)

24

plastique et de faire une lecture de l'image selon les signes indiciels et les constituants des interprétants. Et c'est ici que l'indice vient participer de la sémanticité du contenu de la représentation visuelle.

Dans les pictogrammes, on peut dire que la représentation iconique schématique reproduit un grand nombre des propriétés de l'objet, parce qu'elle se veut le plus signifiante possible, et à un niveau de ressemblance du plus élevé. Alors que dans le tableau, la schématisa­ tion de la représentation n'est plus essentielle. D'où un effort continu de 11 interprétant pour arriver au sens du référent. Le message ne se donne pas à voir d'emblée. L'image porte en elle une intelligibilité provoquée qui dépend de la compréhension qu'en a 1'interprète (le regardeur). Ainsi que le dit Todorov dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. "L'indice est un signe à la fois marque et manque : [donc] originellement double"*'5. L'indice jouera un grand rôle dans 1 'analyse des codes visuels.

1.4.2.2 L'indice

L'indice de Peirce fait l'objet de nombreuses interprétations aussi différentes que problématiques de la part de nombreux auteurs. Peirce lui-même en donne plusieurs définitions et une multitude d'exemples. Quelques-unes des définitions de l'indice, tel que Peirce 1'imaginait, témoignent de sa variété de sens et donc de sa valeur exceptionnelle en tant que signe :

"Je définis un indice comme étant un signe déterminé par son objet dynamique en vertu de la relation réelle qu'il entretient avec lui.

Tel est un nom propre (un légisigne); telle est 1'apparition d'un symptôme d'une maladie"**’;

(36)

"...l'indice montre du doigt la chose ou 1 ' événement même qui se présente""4'7; "Un indice est un signe qui renvoie à l'objet qu'il dénote parce qu'il est réellement affecté par cet objet.

(...) Dans la mesure où l'indice est affecté par l'objet, il a nécessairement quelque qualité en commun avec l'objet, et c'est eu égard aux qualités qu'il peut avoir en commun avec l'objet,

qu'il renvoie à cet objet. Il implique donc une sorte d'icône, bien

que ce soit une icône d'un genre

particulier, et ce n'est pas la simple ressemblance qu'il a avec l'objet, même à cet égard, qui en fait un signe, mais sa modification réelle par l'objet""4®;

"Certains indices sont des prescriptions plus ou moins détaillées de ce que

1'auditeur a à faire pour se placer en liaison directe d'expérience ou autre avec la chose signifiée"4®.

"(Un indice est] un signe ou une

représentation qui renvoie à son objet non pas tant parce qu'il a quelque similarité ou analogie avec lui ni parce qu'il est associé avec les caractères généraux que cet objet se trouve posséder, que parce qu'il est en connexion dynamique (y compris spatiale) et avec l'objet individuel d'une part et avec les sens ou la mémoire de la personne pour laquelle

il sert de signe, d'autre part. On

ne peut énoncer aucun fait sans utiliser quelque signe servant d ' indice"650 .

Donc, si on fait appel à nos sens ou à notre mémoire pour rendre signifiant 1'indice d'un objet, 1'interprétant dynamique intervient dans une signification possible de cet

indice en tant que signe pour l'objet. Et enfin : "Les indices peuvent se distinguer

des autres signes ou représentations par trois traits caractéristiques : premièrement, ils n'ont aucune

ressemblance signifiante avec leurs objets; deuxièmement, ils renvoient

à des individus, des unités singulières, des collections singulières d'unités,

(37)

ou de continus singuliers; troisièmement, ils dirigent 11 attention sur leurs

objets par impulsion aveugle. Mais il serait difficile, sinon

impossible, de citer un cas d'indice absolument pur ou de trouver un signe absolument privé de la qualité

indiciaire. Psychologiquement, l'action des indices dépend de

1'association par contiguïté et non de 1'association par ressemblance ou d'opérations intellectuelles"”1.

L'indice communique quelque chose à partir d'un système de conventions ou d'expériences acquises. Encore est-ce un signe "conditionnel". Et les conditions s'adressent toujours à 11 interprète et agiront ensuite sur les

interprétants.

La notion d'indice a fait l'objet de nombreuses réflexions en différents domaines. René Thorn, en se penchant sur cette question, explique la relation de contiguïté, qui est établie essentiellement et de façon le plus souvent spontanée t"par impulsion aveugle"] grâce à 1'Interprétant dynamique. La dynamique de la pensée et de 1'interprétation tient au fait que 1'interprète devra fournir un effort mental ou physique pour arriver à la signification du signe. Thorn voit l'indice comme étant "... toujours un actant qui est ou a été en contact avec son objet s'il n'en est pas une partie"”2. Tel le verbe dans la phrase, ou encore le complément. La notion d'actant implique la dynamique de l'action engendrée par la relation de contiguïté de l'indice à son objet. L'indice est donc toujours signifiant et tend A fournir des Informations quant A l'objet.

Plus loin, Thorn poursuit :

"Très souvent, nous remplaçons un être par un de ses indices, ce qui confère A ce dernier une valeur symbolique. Dans le langage, ce

(38)

procédé est A 11 origine de nombreux tropes (métonymie en particulier: prendre la partie pour le tout)"03.

Cette interprétation de l’indice est celle qui nous ramène incontestablement A l’objet visuel. Le tableau se trouve imprégné d'indices qui participent de sa construction, de par le travail physique du peintre. Et aussi, dans la représentation visuelle, les "marques" et les "manques" sont tout aussi importants. Les indices "marques", soit ceux qui sont visibles, apparaissent dans les textures, dans le traitement même de la surface picturale; et les

indices invisibles, les "manques", les vides, sont tout aussi signifiants dans l'élaboration du sens de l'objet. Quant à la notion de métonymie, relative aux manques et à

la contiguïté, Jakobson l'abordera en rapport A la notion de métaphore, relative à la similarité ou l'analogie0*1. Alors que la métaphore relève du symbole (iconique, dans le cas d'un corpus visuel), la métonymie relève de l'indice.

Todorov donne cette définition de la métonymie: "...: emploi d'un mot pour désigner un objet ou une propriété qui se trouvent dans un rapport existentiel avec la référence habituelle de ce même mot"00. Il en est de même dans les représentations visuelles. Ici le degré d'iconicité jouera de pair avec cette notion de métonymie. Le peintre suggérera le tout par une partie caractéristique de l'objet. L'indice métonymique participe de l'iconicité en ce sens qu'il fournit, par un rapport de contiguïté, un supplément d'informations quant A l'objet partiellement représenté.

Un travail de déduction découlera des éléments de la composition picturale: le sens naîtra du processus code/message, du cheminement signal/sens, pour reprendre les termes de Eco. Nous croyons que l'un des champs idéaux d'application pour l'analyse de la notion d'indice serait

(39)

28

une représentation seml-flguratlve (hésitant entre 1'abstraction et la figuration), où on retrouve justement, par la métonymie (l’indice), la suggestion de 1’iconicité, à travers même les traces aniconiques, et ce, selon ce qu'en déduira 1'interprète du tableau. D'où le choix de notre corpus : la peinture de Pellan, dans la période qui nous intéresse, est à. la fois abstraite et figurative. L'ambiguïté de son iconicité offre une grande richesse d'analyses possibles dans le domaine de la sémiotique”*. Sa facture souvent schématique implique A la fois 1'iconi­ que, 1'indiciel et le symbolique. Ainsi plusieurs niveaux de lecture en accord avec la théorie sémiotique peircienne.

Eco, qui s'est fortement intéressé A cette notion d'iconicité dans 1'oeuvre visuelle, a noté que

"Le code iconique établit (alors] une relation sémantique entre un signe graphique et un signifié perceptif déjA codifié. Il y a

une relation entre l'unité pertinente du système graphique et l'unité

pertinente d'un système sémique qui dépend du codage préalable d'une expérience perceptive"”^.

Et si "la convention règle chacune de nos opérations figuratives"°®, ainsi peut-on dire que Pellan, qui se situe entre la figuration et 1'abstraction, tirerait une large part de son originalité de ses propres conventions représentatives. C'est-A-dire que, étant donné 1'époque et le niveau d'évolution de la peinture au Québec, Pellan présente une nouvelle manière de mettre en codes certaines de nos perceptions (ou des perceptions codifiées des autres peintres, ou écoles) et de les transcrire sur la toile. Nous verrons d'ailleurs, dans le chapitre consacré A Pellan, toutes les polémiques et critiques que son nouveau

"style" aura suscitées dans le milieu culturel québécois des années '40-'50. Ainsi pouvons-nous nous questionner quant aux propriétés communes de la représentation et de

(40)

11 objet, relativement au contexte qui entoure le travail du peintre.

Ainsi, par la métonymie (toujours comprise en tant qu’indicé), un signe peut-il ”... dénoter globalement un perçu, réduit à une convention graphique simplifiée"c^. Ceci tenant du phénomène de réduction, c'est-à-dire que, en même temps que le peintre reproduit partiellement la chose, avec l'idée de l'ensemble, nous choisissons les traits pertinents du représenté parmi les conditions de la perception. Et c'est pourquoi le produit final de l'artiste présentera, au niveau idéologique, une réalité segmentée, des "... visions du monde [qui] sont des aspects du système sémantique global"00 (les espaces sémantiques où se sont installés des "actants"). Et Eco ajoute à ceci que la sémantique cherche à savoir en quel sens ce nouvel élément de code peut être appelé <<idéologi- que>>&1.

Les indices extérieurs

L'indice de Peirce n'est toutefois pas que "marque", "manque" et "métonymie". Ainsi relève-t-il également de l'aspect contextuel entourant l'objet. En ce qui nous concerne, les indices extérieurs, soient les documents relatifs au corpus, au peintre, etc. participe­ ront directement de la signification du code représenté picturalement. Nous étudierons les contextes historique, idéologique, culturel de l'époque de production. Egale­ ment, nous considérerons l'évolution artistique du peintre, de ses prédécesseurs ainsi que de ses successeurs. Ainsi l'interprétant dynamique prendra son sens dans l'objet dynamique qu'est ce genre d'indices. Comme nous l'avons vu ci-haut, il s'agit d'un signe d'existence réelle (visible ou invisible dans le tableau) ainsi qu'un signe contextuel

(41)

30

(extérieur à la représentation visuelle en tant que telle). Nous retenons encore cette définition de Thomas Sebeok de l'indice de Peirce: "... the relation between an index and the object signified may be a direct physical connection [1.372] or a correspondence in fact [1.558]"*=. Sebeok traite également des différentes espèces d'indices dans le sens des symptômes d'une maladie, des instincts animaux, de la détérioration physiologique comme indice de vieillissement, etc. L'indice de Peirce peut donc être tant de choses à la fois que nous devrons sans doute nous restreindre à certains de ses aspects. Il faut toutefois reconnaître qu'en général, il est tout à fait applicable à un corpus visuel, et même indispensable en tant que subordonné à l'icône. Des premier et deuxième niveaux de l'objet, interdépendants, nous en arrivons maintenant à 11 explication du troisième niveau, soit le symbole, non moins dépendant des deux autres en ce sens que 1'inter­ prétation du sens de l'indice passe par la signification du symbole représentée iconiquement dans les structures.

1.4.2.3 Le symbole

Nous avons vu que si l'indice relève de la métonymie, le symbole quant à lui tient de la métaphore. Jakobson s1 est intéressé à cet aspect de la deuxième trichotomie de la théorie sémiotique peircienne. Il donne comme exemple de la métonymie et de la métaphore, respec­ tivement le cubisme "... qui transforme l'objet en une série de synecdoques", donc qui est d'orientation manifes­ tement métonymique, et "... les peintres surréalistes [qui] ont réagi par une conception visiblement métaphori­ que . L'icône peut donc devenir à la fois indicielle

(42)

citation de Peirce faite par Jakobson expliquant la quasi-impossibilité de réduire à l'unité chacun de ces termes :

"... a symbol may have an icon

or an index incorporated into it IIV.4471. It is frequently desirable that a

representamen should exercise one of those three functions to the

exclusion of the third; but the most perfect of signs are those in which the iconic, indicative, and symbolic characters are blended as equally as possible [IV.448]. It would be

difficult if not impossible, to instance an absolutely pure index, or to find any sign absolutely

devoid of the indexical quality [11.306].

Ainsi les signes d'un style artistique peuvent porter 1'empreinte de chacun des trois modes sémiotiques décrits par Peirce.

Le symbole, dernier type d'objet, est troisième, d'ordre général. Il renvoie à l'objet qu'il dénote en vertu d'une loi qui détermine 1'interprétation du symbole par référence à cet objet. Tout mot, tout signe conven­ tionnel est un svmbole. Etant un signe qui est déterminé par son objet dynamique, le sens du symbole dépend soit d'une convention, d'une habitude ou d'une disposition naturelle de son interprétant. Tout symbole est, par ce fait, un légisigne, une loi. Il perdrait le caractère qui en fait un signe s'il n'y avait pas d'interprétant ; le jeu des symboles-significations est, de ce fait, déductif. Les symboles, étant généraux, sont fondés sur "... une loi de la nature qui est une réalité"6”. Non seulement le symbole "... est général lui-même, mais l'objet auquel il renvoie est d'une nature générale. (...) Il doit donc y avoir des cas existants de ce que le symbole dénote, et bien qu'il faille comprendre ici par "existant", existant dans 1'univers, qui peut être imaginaire,

renvoie"66.

(43)

32

Et Peirce poursuit ainsi 11 explication du symbole : "Les symboles se développent. Ils

naissent par développement à partir d'autres signes, en particulier d'icônes, ou de signes mixtes qui tiennent des icônes et des symboles. Nous pensons seulement en termes de signes. Ces signes mentaux ont une nature mixte, leurs parties-symboles sont appelées concepts. Si un homme propose un nouveau symbole, c'est par des pensées comprenant des concepts. Ce n'est donc qu'à partir de symboles qu'un nouveau symbole peut se développer. Un symbole, dès qu'il existe, se répand parmi les nations. Par l'usage et

l'expérience, sa signification se développe"e7-.

Il en est de même des mots du langage. Un nouveau mot prend place dans le vocabulaire des hommes selon qu'on en fait usage ou non, et de cet usage dépend qu'il continuera d'exister ou qu'il disparaîtra.

Pour ce qui est du symbole représenté visuellement, 1'iconologie s'est presqu1 essent tellement intéressée à cette notion dans les représentations figuratives. D'où les nombreuses analyses iconologiques des tableaux de l'école italienne de la Renaissance exploitant des thèmes inspirés de la Mythologie grecque (cf. Panofsky). Le symbole visuel est, par exemple, un objet représenté qui est l'image (abstraite) d'une autre chose : le chien qui est le symbole de la fidélité; la balance symbole de la justice... et que dire encore de la symbolique des couleurs (cf. Goethe, Itten, entre autres), ou des formes, etc. Ainsi, dans 1'analyse des oeuvres visuelles figuratives et semi-figuratives, nous ne pouvons faire abstraction du symbole tel que compris dans la théorie sémiotique peircienne. L'interprétant final donnera sens à l'icône et à l'indice à partir du symbole, et, comme disait Peirce:

(44)

"En résumé, l'icône, l'indice et le symbole sont des entités sui generis au jeu complexe certes, mais toutes

également indispensables. La sémiotique ne peut faire 1'économie d'une seule

d'entre elles sans aboutir à des impasses ou se contenter d'approximations"*®.

D'où la condition fondamentale d'une étude de signes qui ne peut être que triadique, si on s'en tient à la

Peirce. Avant de passer à la tiercéité, il est de noter que les symboles sont soit "des termes soit des propositions (dicisign), soit des

pensée de important (thèmes), arguments (arguments)". 1.4.3 La tiercéité

La tiercéité est la catégorie de la pensée et de la loi. Comme toute relation triadique authentique implique signification, la tiercéité sera ce qui fait la significa­ tion en terme de synthèse, de résultat, de déduction du travail final de l'esprit à comprendre et interpréter les signes. La tiercéité relève donc essentiellement et totalement de 1'interprétant. Il faut rappeler ici que la tiercéité ne peut se passer des premier et deuxième niveaux de la trichotomie pour exister.

Les symboles sont soit des termes, des propositions ou des arguments.

"Un terme est un signe qui laisse son objet et son interprétant être ce qu'il peut être. Une proposition est un signe qui indique distinctement l'objet qu'il dénote appelé son sujet, mais

laisse son interprétant être ce qu'il peut être. Un

argument est un signe qui représente distinctement 1'interprétant -appelé sa conclusion- qu'il entendait

(45)

34

déterminer. ce qui reste

d’une proposition après qu'on a enlevé le sujet est un terme

(un thème) appelé son prédicat. Ce qui reste d’un argument

quand on a enlevé la conclusion est une proposition appelée sa prémisse ou plus communément

ses prémisses (étant donné qu'elle est ordinairement copulative)"**.

La proposition tient de la relation entre le signe et son objet. L'interprétation de la proposition exige cette relation qui relèvera encore de 1'expérience réelle qu'on a de l'objet (ainsi que de son signe, puisqu'ils sont indissociables). Une brève explication de la terminologie de Peirce quant aux éléments de la tiercéité, soit le thème, le dicisign et 1'argument, s'impose ici. Il donne cette définition de la tiercéité, à partir de ses trois parties :

"Par rapport à la relation qu'il entretient avec son interprétant signifié un signe est un Rhème, un Dicisigne ou un Argument. Ceci correspond à la vieille trinité Terme, Proposition et Argument modifié pour s'appliquer aux signes en général. (...) Un rhème est tout signe qui n'est

ni vrai ni faux, comme presque tous les mots pris isolément, excepté "oui" et "non"... (...) Un dicisigne n'est pas une assertion, mais un signe capable d'être asserté. Mais une assertion est un dicisigne.

(...) Soutenant donc qu'un

dicisigne n'asserte pas, je soutiens naturellement qu'un argument n'a pas réellement à être soumis ou proposé. Je définis donc un argument comme un signe qui est représenté dans son

interprétant signifié non comme un signe de cet interprétant (la

conclusion) (...), mais, comme s'il était un Signe de 1'Interprétant ou peut-être comme s'il était un Signe de l'état de 1'univers auquel il se réfère, dans lequel les prémisses

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sont considérées comme évidentes. Je définis un dicisigne comme un

signe représenté dans son interprétant signifié comme s'il entretenait une Relation Réelle avec son objet (ou comme 1'entretenant s'il est asserté). Un rhème est défini comme un signe qui est représenté dans son interprétant signifié comme s'il était un caractère ou une marque (ou comme l'étant)"-70.

Ailleurs, Peirce résume ainsi: "Autrement dit, un rhème est un signe qui est compris comme représentant son objet dans ses caractères seulement; un dicisigne est un signe qui est compris comme représentant son objet par rapport à l'existence réelle ; et un argument est un signe qui est compris comme représentant son objet dans son caractère de signe,,7ri .

Ici s'achève ce que nous appelons une "explication- synthèse" de la terminologie de la sémiotique peircienne. Nous n'avons pas jugé nécessaire, dans le présent chapitre, d'expliquer en détail les dix classes de signes constituées à partir des trois trichotomies. Un schéma (voir annexe) des dix classes, tiré des Ecrits sur le signe72, servira d'exemple des nombreuses compositions qu'on peut obtenir des différents termes dans leur agencement par trois. Par ailleurs, ce tableau démontre bien que chacun des termes ne peut être réduit à l'unité sans compromettre 1'authenticité de la théorie de Peirce. Il l'a ainsi conçue et nous tenterons d'en faire une utilisation fidèle.

(47)

CHAPITRE II

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2.0 PELLAN: BIOGRAPHIE INTELLECTUELLE

Au début de sa carrière, dans les années '20, alors que Pellan vivait A Québec, sa pratique picturale était encore conventionnelle, c'est-à-dire qu'elle se démarquait peu des styles des autres peintres québécois. Il peignait surtout des portraits, des paysages et des natures mortes. Après cinq années d'étude à l'Ecole des Beaux-Arts de Québec, Pellan devient le premier boursier de la province et se rend à Paris dans le but de poursuivre sa formation. Là-bas, il fréquente le groupe surréaliste (bien qu'il n'en fasse jamais vraiment partie) et participe à des exposi­ tions collectives aux côtés de Derain, Dufy, Modigliani, Matisse, Braque, Chagall...

Formé à l'Ecole française de 1'avant-guerre, Pellan puise des influences diverses chez les peintres européens avec lesquels il se sent le plus d'affinités, soit Picasso, Matisse, Miro, Klee, etc. De 1926 à 1940, on assiste à une prolifération des dessins d'après modèles vivants -et tout particulièrement de modèles féminins. A cette époque, Pellan en est encore au stade des découvertes: il cherche sa voie, son langage et semble déterminé à tout expérimen­ ter. Il dessine alors beaucoup de personnages, des têtes d'hommes et de femmes, tantôt épurées et tantôt chargées de détails. Il les dessine parfois avec une ligne délicate qui laisse autant de place au fond blanc de la feuille qu'à 1'émergence fragile mais incisive du motif.

Les personnages de Pellan ne sont jamais "idéali­ sés" et pendant ses nombreuses années d'études à Paris, il semble bien que ces physionomies si différentes aient coïncidé avec 1'éventail considérable des techniques du dessin expérimentées par le peintre. D'autres dessins où jouent la combinaison de la ligne et les jeux d'ombres

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relèvent essentiellement de 1'exploration formelle du

dessin de personnages.

Très tôt, on peut déjà sentir l'attitude anti­ doctrinaire de Pellan. Dans les années '40, il semble s'attacher de plus en plus à des thèmes s'inspirant de l'imagerie et de la poésie surréalistes. La surface de la toile, fortement texturée et vivement colorée, d'un trait libre et spontané qui détermine les contours, sur des fonds parfois rehaussés de matériaux insolites tels que sable, fragments minéraux et végétaux, où alternent en équivalence et en contraste des tonalités violentes, Pellan élabore un monde imaginaire peuplé d'architectures et de silhouettes féminines ainsi qu'une végétation luxuriante et fantastique dont la complexité des signes frôle parfois l'abstraction. Bien qu'elles demeurent souvent parfaitement lisibles, il n'est plus facile de donner & ces images un sens linéaire et clair. L'influence surréaliste est maintenant manifeste et le restera également dans la production ultérieure. De moins en moins figurative, bien que jamais véritablement abstraite, on peut catégoriser la production de Pellan comme étant semi-figurative.

Pellan emprunte beaucoup plus aux données ex­ térieures du surréalisme, en particulier à son iconogra­ phie, qu'il n'en adopte les idées profondes. Ses thèmes, malgré d'innombrables variations de styles, demeureront toujours les mêmes: les personnages (surtout les femmes), la nature, l'amour, l'érotisme -qui sont des thèmes que les surréalistes ont exploités- témoignent du grand intérêt que porte Pellan à l'être humain en rapport étroit avec ses semblables et son environnement naturel. En fait, nous pouvons dire que la production de Pellan dénote toujours, malgré une grande rigueur de construction, une parfaite maîtrise des techniques et un professionalisme

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achevé, une profonde sensibilité et une sensualité toujours présente.

2.1 PRODUCTION ARTISTIQUE ET INFLUENCES

L'art de Pellan, sa manière même de peindre, conteste la peinture des années '40. Le contenu représen­ tatif de ses tableaux n'est pas pour autant politique ou idéologique, du moins à la première lecture. Mais sa manière même de traiter les sujets sous-tend un besoin de grande liberté, d'anti-académisme, libère donc le créateur de toute contrainte, que ce soit au niveau des thèmes choisis ou du style.

En 1939, Pellan prend part & une exposition intitulée "Paris Painters of Today", au Museum of Modern Art de Washington, en compagnie de Derain, Dufy, Dali, Fautrier et Picasso. Il avait une admiration sans bornes pour Picasso qu'il a rencontré plusieurs fois, tantôt à l'atelier de 1'artiste espagnol, tantôt dans un café. Ils échangeaient alors leurs points de vue sur la peinture, et Pellan a dû tirer certaines leçons du grand maître qu'était déjà à 1'époque Picasso.

"Le peintre qui l'a le plus influencé et avec lequel il possède le plus

d'affinités, c'est Picasso. Comme lui, il possède une maîtrise étonnante du métier, il aime varier fréquemment son style au gré de son caprice, il n'est jamais vraiment totalement abstrait et

il affectionne le symbolisme dionysiaque"7'3.

D'où la grande mobilité dans le style de Pellan; s'ins­ pirant de ceux-là mêmes qui ont révolutionné l'art en Europe, il travailla dans le sens de cette évolution artistique. Le contact avec le milieu effervescent de Paris pousse Pellan A des expériences diverses concernant

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le sujet et la composition; c'est la rupture avec la vision académique. Matisse 1'impressionne également beaucoup, le cubisme aussi. Du cubisme, il retient surtout 11 apla­ tissement de 1'espace et une certaine géométrisation des

formes. Par contre, on peut voir à quel point la peinture de Pellan s'éloigne de ce style dont elle emprunte pourtant plusieurs formules. En fait, si elle doit quelque chose à quelqu'un, c'est moins aux cubistes qu'au Picasso d'après le cubisme, et de plus en plus & Klee et au surréalisme.

Par ailleurs, on trouve chez Pellan des rapproche­ ments insolites d'objets, des jeux inventifs -par exemple les cadavres exquis- chers aux disciples de Breton et de Tzara, mais son écriture est très différente de celle de Dali, de Ernst ou de Magritte. Et c'est là ce qui rend Pellan si singulier.

Malgré des préoccupations philosophiques et idéologiques (voire même politiques) communes, on doit reconnaître que la pratique des différents adeptes du mouvement surréaliste conserve une originalité propre. Ils se ressemblent dans les thèmes et les sujets exploités mais chacun conserve sa particularité de style et de représenta­ tion. Quant aux dessins de Pellan, s'ils gardent de Matisse un grand dépouillement et une relative simplicité, ils manifestent eux aussi son attachement aux thèmes surréalistes. Chez Pellan, tout est expressivité intellec­ tuelle, en même temps que tout demeure strictement plastique. Son graphisme expressionniste, en même temps qu'il jongle avec des images-idées, crée un monde de couleurs en marche, une électricité dynamique où la lumière est au service de l'idée. Chez lui, la théorie de 1'espace-temps elle-même s'exprime. Son écriture plastique en est une qui vibre, d'un contenu à la fois sensible, sensuel et cérébral?"*.

Figure

tableau réussi est plus que la somme de ses éléments, c'est  un microcosme®®.

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