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Traitement simultané de durées auditives et visuelles asynchrones : le rôle possible de l'attention

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Traitement simultané de durées auditives et

visuelles asynchrones : le rôle possible de l'attention

Thèse

Andrée-Anne Ouellet

Doctorat en psychologie – recherche et intervention (orientation clinique)

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Résumé

L’estimation du temps est une faculté particulière ne dépendant d’aucun sens en soi. Pour estimer différentes durées avec précision, il serait toutefois nécessaire que l’attention soit orientée sur cette estimation (p.ex., Brown, 1997). Cette thèse s’intéresse ainsi aux ressources attentionnelles impliquées dans l’estimation de courts intervalles temporels (2,5 secondes). Plus précisément, elle vise à établir dans un premier temps comment l’attention peut être partagée, simultanément, entre l’estimation de deux intervalles temporels asynchrones. Ces estimations temporelles parallèles sont réalisées, dans les expériences du Chapitre III, à partir de signaux de différentes modalités (auditive ou visuelle). Dans le Chapitre IV, des signaux d’intensités différentes sont plutôt utilisés (signal auditif fort ou faible). Il est alors possible d’évaluer la différence obtenue entre l’estimation d’un signal auditif et visuel et entre un signal auditif fort et un signal auditif faible. Ces effets de modalité (voir Penney, 2003) et d’intensité (voir Matthews, Stewart & Wearden, 2011) ont déjà été démontrés dans la littérature sur l’estimation temporelle. En identifiant les processus modulant ces deux phénomènes, des liens et distinctions peuvent alors être établis entre eux. Les cinq expériences de cette thèse utilisent une tâche de production temporelle (les participants reproduisent une durée cible de 2,5 secondes). Pour trois de ces expériences, les participants doivent produire deux intervalles par essai. Les deux intervalles se superposent de façon variable à chaque essai, mais le second intervalle apparaît toujours suivant le début de la première production. Cette tâche représente le cœur de la thèse et est désignée par l’appellation suivante : productions temporelles simultanées asynchrones. Les résultats suggèrent que l’estimation simultanée de deux durées est coûteuse et que les ressources sont partagées entre les deux intervalles. Une distinction est également établie entre les deux intervalles traités en parallèle. Durant l’estimation du premier intervalle, un effet d’attente du second signal est observé. Ce phénomène a déjà été relevé dans la littérature (voir Fortin, 2003), mais c’est la première fois qu’il est identifié dans un paradigme d’estimation temporelle en parallèle. Les résultats montrent également que l’effet du partage attentionnel est plus important sur les signaux visuels qu’auditifs alors qu’aucune distinction n’est observée pour les signaux variant en intensité. Cela appuie l’idée que 1) le partage de ressources est impliqué dans l’effet de modalité et que 2) l’effet de modalité ne semble pas expliqué par la saillance des signaux contrairement à ce que suggèrent certains auteurs

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(Penney, Gibbon & Meck, 2000). De plus, la thèse propose que l’estimation de deux durées simultanées est plus précise lorsque la modalité des stimuli est uniquement auditive. Cette observation appuie l’idée d’une dominance de la modalité auditive en ce qui a trait au temps (Welch & Warren, 1980). L’intégration des apports théoriques concernant les effets de modalité et de dominance est abordée en discussion. Les résultats permettent également d’émettre certaines propositions quant au modèle du traitement de l’information temporelle.

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Abstract

Time estimation is a particular skill independent of any sensorial modality per se. A precise estimation would require to focus attention on the duration (e.g., Brown, 1997). This thesis focused on attentional processes involved in estimation of short timing intervals (2,5 seconds). It aimed to explain how attention is shared between estimation of two asynchronous signals. In Chapter III, the modality of the signals varied (auditory or visual) in parallel timing estimation. In Chapter IV, the intensity of the signals varied (loud tone or low tone). It was then possible to compare difference between an auditory and a visual signal (effect of modality) and between a loud and a low auditory signal (effect of intensity). Those effects of modality (see Penney, 2003) and intensity (see Matthews, Stewart & Wearden, 2011) have empiric supports in timing studies. Evaluation of attentional processes that may interfere with those two phenomena provides information about links and dissociations between them. A time production task (participants reproduce a target duration of 2,5 seconds) has been designed for five experiments in this study. In three of those five experiments, participants had to produce two intervals in a trial. In each trial, there was a variable overlap between the intervals, but the second interval always appears after the beginning of the first production. This task was the focal point of this thesis and is named: concurrent asynchronous time productions. Results suggest that attention is shared between the estimation of both intervals. A dissociation is established between the first and the second time production of the trial. During the first interval, an effect of expectancy is observed. This phenomenum is described in the timing literature (see Fortin, 2003), but it has never been reported in a parallel timing paradigm. The effect of modality only is modulated by attention sharing. This result supports 1) an involvement of attention sharing in the effect of modality and 2) a differential process between auditory and visual modality which would not be explain by the salience of the signals. This result contradicts what suggest Penney, Gibbon and Meck (2000). The thesis highlights that auditory parallel timing is easier than any other modality combination. As this modality is more efficient, it supports the theory of auditory dominance in timing (Welch & Warren, 1980). Links and theoretical contributions about modality and dominance are addressed in the final discussion. Proposals to the Temporal Information-Processing model are also discussed.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Liste des tableaux et figures ... viii

Remerciements ... x

Chapitre I ... 1

Introduction générale ... 2

Estimation du temps ... 4

Méthodologies en estimation du temps ... 5

Modèles d’estimation temporelle ... 5

Attention et estimation du temps ... 10

Estimation temporelle et neuroanatomie ... 15

Effet de modalité ... 17 Dominance auditive ... 20 Objectifs de la thèse ... 26 Chapitre II ... 28 Méthode générale ... 29 Participants ... 31 Appareil et stimuli ... 31 Procédure ... 32 Procédure Expériences 1, 2 et 4... 32 Procédure Expériences 3a et 3b ... 36 Devis ... 38 Analyses statistiques ... 38 Chapitre III ... 40 Introduction ... 41 Objectifs ... 45 Hypothèses ... 45 Expérience 1 ... 47 Méthode ... 47 Résultats ... 49 Discussion... 56 Expérience 2 ... 60 Méthode ... 61 Résultats ... 62 Discussion... 69 Discussion générale ... 73 Chapitre IV ... 81 Introduction ... 82 Expérience 3a ... 86 Méthode ... 86 Résultats ... 86 Expérience 3b ... 89 Méthode ... 89 Résultats ... 89 Discussion... 91 Expérience 4 ... 94 Méthode ... 96

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Résultats ... 97

Discussion... 104

Discussion générale ... 106

Chapitre V ... 111

Discussion générale et conclusion ... 112

Introduction ... 112

Contributions empiriques ... 112

Contributions théoriques ... 114

Limites et travaux futurs ... 130

Conclusion ... 135

Bibliographie ... 136

Annexe A ... 144

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Liste des tableaux et figures

Figure 1. Modèle du traitement de l’information temporelle de Gibbon, Church & Meck

(1984) ... 7

Figure 2. Structure des essais expérimentaux en fonction du SOA ... 44

Figure 3. Durée de superposition moyenne en fonction de la valeur du SOA...51

Figure 4a. Productions temporelles 1 moyennes en fonction de la modalité du signal...52

Figure 4b. Production temporelles 1 moyennes en fonction du SOA...52

Figure 5a. Productions temporelles deux moyennes en fonction de la modalité du signal 2 et de la modalité du signal 1...53

Figure 5b. Productions temporelles deux moyennes en fonction de la durée de superposition et de la modalité du signal 2...53

Figure 6. Productions temporelles deux moyennes en fonction du temps passé à la tâche et de la modalité du signal à produire...54

Figure 7. Productions temporelles un moyennes en fonction du type d’essai et de la modalité du signal à produire...55

Figure 8. Productions temporelles deux moyennes en fonction du type d’essai et de la modalité du signal à produire...56

Figure 9. Durée de superposition moyenne en fonction de la valeur du SOA...63

Figure 10a. Productions temporelles un moyennes en fonction de la modalité du signal 1 et du signal 2...64

Figure 10b. Productions temporelles un moyennes en fonction de la modalité du signal 1 et du SOA...64

Figure 11. Productions temporelles un moyennes (combinées des S1 auditif et visuel) en fonction du SOA...65

Figure 12a. Productions temporelles deux moyennes en fonction de la modalité du signal 2 et de la modalité du signal...66

Figure 12b. Productions temporelles deux moyennes en fonction de la durée de superposition et de la modalité du signal 2...66

Figure 13. Productions temporelles en fonction du temps passé à l’exécution des essais du bloc 1 et de la modalité du signal à produire...67

Figure 14. Productions temporelles un moyennes en fonction du type d’essai et de la modalité du signal...68

Figure 15. Productions temporelles deux moyennes en fonction du type d’essai et de la modalité du signal...69

Figure 16. Illustration d’un essai expérimental et des effets d’attente et de partage attentionnel sur le traitement de la production temporelle un...75

Figure 17. Illustration de la combinaison de différents signaux lors des essais expérimentaux...79

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Figure 18. Productions temporelles moyennes en fonction de l’ordre des blocs et de l’intensité du signal auditif...88 Figure 19. Productions temporelles moyennes en fonction de l’ordre des blocs et de la

modalité du signal...88 Figure 20. Productions temporelles moyennes en fonction de l’ordre des blocs et de l’intensité du signal auditif...90 Figure 21. Productions temporelles moyennes en fonction de l’ordre des blocs et de la modalité du signal...91 Figure 22. Durée de superposition moyenne en fonction de la valeur du SOA...99 Figure 23a. Productions temporelles un moyennes en fonction de l’intensité du signal 1...99 Figure 23b. Productions temporelles un moyennes en fonction de l’intensité du signal 2…..99 Figure 24. Productions temporelles un moyennes en fonction du SOA...100 Figure 25. Productions temporelles deux moyennes en fonction de la durée de superposition et de l’intensité du second signal...101 Figure 26. Productions temporelles en fonction du temps passé à l’exécution des essais du bloc 1 et de l’intensité du signal à produire...102 Figure 27. Productions temporelles un moyennes en fonction du type d’essai et de l’intensité du signal à produire...103 Figure 28. Productions temporelles deux moyennes en fonction du type d’essai et de l’intensité du signal à produire...104 Figure 29. Modèle du traitement de l’information temporelle de Gibbon, Church & Meck (1984)...117 Figure 30. Illustration de la décomposition d’un essai selon l’hypothèse d’un traitement

séquentiel en estimation temporelle parallèle...117 Figure 31. Modèle du traitement de l’information temporelle présenté dans Klapproth (2011) dans lequel le pacemaker est commun...118 Figure 32. Modèle du traitement de l’information temporelle présenté dans Klapproth (2011) dans lequel le pacemaker est distinct...118 Figure 33. Modèle du traitement de l’information temporelle présenté dans Rousseau & Rousseau (1996) dans lequel des modules différents sont utilisés...119 Figure 34. Illustration des résultats possibles selon qu’une modalité domine sur l’autre lors du traitement d’un intervalle de temps...123 Tableau 1. Comparaison entre l’étude de la modalité sensorielle et celle de la dominance auditive...25 Tableau 2. Type d’essais de l’Expérience 1...47 Tableau 3. Structure de l’analyse des productions temporelles du bloc 1...54 Tableau 4. Écart entre les productions temporelles moyennes (ms) de modalité ou d’intensité différentes...108

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Remerciements

Ce travail de longue haleine n’aurait pu être possible sans l’aide, le soutien et la contribution de nombreuses personnes. Je me permettrai ainsi, dans les prochaines lignes de souligner leur appui.

D’abord, je voudrais remercier ma superviseure, Claudette Fortin pour son écoute, sa gentillesse et sa rigueur. Au-delà de son apport à mon projet de thèse (qui soit dit en passant est immense), j’ai beaucoup apprécié côtoyer Mme F., que ce soit lors de conférences, en supervision ou simplement pour un dîner. C’est une femme que j’admire beaucoup pour la passion qu’elle voue à tout ce qu’elle entreprend et j’espère un jour arriver à lui ressembler d’un dixième (cela me suffirait). Je voudrais ensuite souligner le soutien des membres de mon comité de thèse, Sébastien Tremblay et Philip Jackson. Leurs commentaires m’ont permis de progresser avec confiance. J’ai beaucoup apprécié leur ouverture et leur compréhension face aux défis que posait ma thèse.

Plusieurs ami(e)s ont permis d’alléger ce passage, parfois difficile, au doctorat. Je voudrais ainsi saluer le soutien moral de mes amies Alex, Mylène et Vickie qui m’ont accompagné pendant toutes ces années du doc. Nos soirées à parler de psycho vont beaucoup me manquer. Je voudrais aussi remercier mes mentors de l’équipe de timing. Je parle ici de Rémi, Paule et Charles qui forment d’ailleurs un trio parfaitement équilibré : le calme et la simplicité de Rémi, la générosité et l’esprit critique de Paule, l’enthousiasme et le sens de l’humour de Charles. Un merci spécial à Charles pour m’avoir pris sous son aile et m’avoir fait confiance.

J’ai également développé une belle amitié avec certains étudiants du laboratoire CO-DOT qui m’ont adopté alors que j’étais orpheline. Pour commencer, Benoît qui a toujours été présent pour moi dans les bons et moins bons moments. J’apprécie beaucoup sa barbe et ses blagues! Ensuite Cindy, pour son écoute et son grand cœur (d’enfant), puis Marie-Ève, ma jumelle, pour toutes nos discussions sur des sujets parfois sérieux, parfois moins, qui ont assurément nui à ma productivité. Nous resterons les quatre fantastiques! Je voudrais également souligner la gentillesse et la simplicité de l’équipe du LAC qui m’a accompagné dans mes dernières années du doctorat. Merci aussi à Houdini qui m’a accompagné dans tous mes merveilleux voyages!

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Ma famille a aussi joué un rôle important dans le déroulement de mon doctorat. Mes sœurs Caroline et Mireille m’ont toujours épaulé à leur façon et sans elles, ma vie serait surement moins drôle et colorée. J’en profite pour souligner l’aide de mon beau-frère Simon pour son efficacité en recherche d’articles et pour sa laveuse ainsi que Richard et Mario pour leur contribution à mon équilibre alimentaire. Mes parents, Pierre et Hélène, ont toujours cru en moi et m’ont donné tous les moyens pour que je réussisse dans la vie. Je suis sincèrement reconnaissante de leur dévouement, même si je ne parviens pas toujours à leur démontrer.

Je voudrais enfin remercier David qui a été présent pour moi depuis le début de mon doctorat, mais plus particulièrement depuis les deux dernières années. Je ne pensais pas qu’on pouvait développer une telle complicité tout en étant amoureux. Avec toi, on frôle tout le temps les limites du possible, du ridicule et du merveilleux. Je te remercie de faire partie de mon équipe, je t’aime!

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Introduction générale

Cette thèse porte sur le rôle potentiel de l’attention dans l’estimation de durées de stimuli auditifs et visuels simultanées asynchrones. La durée subjective de stimuli de différentes modalités a fait l’objet de nombreuses études et un effet robuste en ressort: une durée donnée est jugée plus longue en modalité auditive qu’en modalité visuelle (Penney, 2003). Une interprétation concernant cet effet de modalité propose que les sons captent plus facilement l’attention que les lumières (Posner, 1978). Ainsi, l’accumulation d’information temporelle serait plus effective en modalité auditive résultant en la perception d’une durée plus longue (Lustig & Meck, 2001; Penney, 2003; Penney, Allan, Meck & Gibbon 1998; Penney et al., 2000). Plus récemment, des auteurs ont tenté d’évaluer l’apport du partage attentionnel et de l’attention soutenue dans l’effet de modalité (Berry, Li, Lin & Lustig, 2014). L’influence de la modalité sensorielle sur l’estimation du temps a aussi été étudiée dans un contexte de perception multisensorielle. Ce type de recherches a permis l’observation d’un autre phénomène : la dominance auditive. Plus concrètement, la présentation simultanée des modalités auditive et visuelle résulterait en une estimation équivalente à celle d’un son présenté seul (Klink, Montijn & van Wezel, 2011; Walker & Scott, 1981). L’effet de distracteurs sonores sur l’estimation de durées visuelles appuie également l’idée d’une dominance auditive (Chen & Yeh, 2009; Klink et al., 2011). Différentes hypothèses sont suggérées dans la littérature afin d’expliquer ce phénomène, dont l’idée que la modalité auditive est plus informative en ce qui concerne le temps (Welch & Warren, 1980). Les explications proposées renseignent toutefois très peu sur les processus qui sont impliqués dans cette priorisation de l’audition. La nature des effets de modalité et de dominance auditive peut également être questionnée. En effet, il est suggéré que la plus grande saillance d’un signal auditif en comparaison avec un signal visuel explique l’effet de modalité (Penney et al., 2000). Plusieurs études dans le domaine de l’intégration multisensorielle questionnent le rôle de l’intensité du stimulus dans la dominance de l’audition (p.ex., Andersen, Tiippana & Sams, 2004).

La thèse vise d’abord à préciser le rôle de l’attention en évaluant plus spécifiquement l’impact du partage attentionnel sur l’effet de modalité. Elle a également pour objectif d’évaluer si l’intensité du signal est impliquée dans l’effet de modalité puis à établir des liens

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avec l’étude de la dominance auditive. La tâche utilisée pour étudier ces questions permet, plus concrètement, d’établir la façon dont le partage de ressources s’effectue dans une tâche d’estimation temporelle et de déterminer si un effet différentiel est alors observé entre les modalités sensorielles. Des tâches de productions d’intervalles simultanées peuvent alors renseigner sur la façon dont le partage de ressources entre l’estimation de deux intervalles s’effectue.

Lorsque deux intervalles temporels simultanés doivent être produits, l’interprétation attentionnelle de l’effet de modalité peut être évaluée. En effet, une plus grande perturbation de la production d’un signal de modalité visuelle lors d’une telle tâche, appuierait cette interprétation. Par ailleurs, il est possible d’évaluer l’effet de la modalité d’un intervalle temporel distracteur sur un intervalle à produire. La présence d’une dominance auditive pourrait être établie, d’une part, par le raccourcissement de la production temporelle lorsque l’intervalle distracteur est auditif (Klink et al., 2011; Walker & Scott, 1981), et d’autre part, par un effet plus important de la modalité du distracteur sur les productions visuelles que sur les productions auditives (Klink et al., 2011). Ces questions sont abordées dans les expériences du Chapitre III.

La comparaison de stimuli auditifs de forte et de faible intensité avec l’utilisation du même paradigme permet aussi d’évaluer s’il est possible d’obtenir des résultats similaires que lorsque sont comparés des stimuli de modalité différente. Cela vise aussi à comprendre si des stimuli qui diffèrent en termes d’intensité seulement impliquent les mêmes processus que ceux expliquant l’effet de modalité. Cette comparaison permet ainsi de mieux comprendre si les différences entre les stimuli auditifs et visuels dépendent réellement de la nature modale du stimulus. Ce sont les expériences du Chapitre IV qui répondent à ces objectifs.

L’ensemble de la thèse permet donc de clarifier les processus impliqués dans une tâche d’estimation temporelle simultanée et de comprendre le rôle de l’attention dans l’effet de modalité. Cela permet également de mieux cerner la nature des phénomènes de modalité et de dominance auditive, en considérant l’intensité des stimuli. Au plan théorique, les tâches étant d’ordre temporel, il est alors possible de préciser quelle(s) composante(s) du modèle de traitement de l’information temporelle seraient impliquées dans ces effets. Enfin, en utilisant

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fournir des indications supplémentaires concernant la présence de mécanismes communs ou partagés dans le cadre théorique de l’horloge interne (Gibbon, Church & Meck, 1984; Treisman, 1963; Zakay & Block, 1996).

Estimation du temps

Il est difficile d’établir avec certitude les mécanismes régissant l’estimation temporelle. En effet, tout dépendant du registre auquel appartient la durée à estimer – centième de seconde, quelques secondes, minutes, heure et jour – différentes fonctions cognitives sont alors sollicitées. Par exemple, pour les intervalles de quelques secondes, l’organisme est capable de programmer son horloge afin de débuter l’estimation d’un nouvel intervalle temporel lorsqu’un stimulus se présente. Cela diffère du cycle circadien pour lequel cela prend des jours, voir des semaines à rétablir un ajustement parfait, d’où l’effet du décalage horaire (Matell & Meck, 2000).

Malgré le niveau d’abstraction associé à l’estimation du temps, il s’agit néanmoins d’une faculté essentielle au fonctionnement humain (Droit-Volet & Wearden, 2003). Sans cette capacité, il serait impossible d’effectuer adéquatement nos activités de la vie quotidienne, tel que la conception d’un repas, la conduite automobile ou les échanges verbaux.

L’étude du temps englobe un vaste ensemble de paradigmes, de méthodologies et de devis de recherche. Une distinction fondamentale doit d’abord être établie entre l’estimation implicite et explicite du temps. Lorsqu’une action doit être réalisée en tenant compte du temps (ex : parler, jouer du piano) sans qu’il n’y ait de jugement temporel à proprement parler, il s’agit d’une estimation implicite (Grondin, 2010). À l’inverse, l’estimation explicite fait référence aux expériences dans lesquelles il est demandé d’estimer le temps.

Deux paradigmes distincts sont proposés afin d’étudier l’estimation du temps explicite chez l’humain. D’abord, l’estimation prospective requiert d’informer préalablement le participant de la tâche temporelle à accomplir. Le jugement d’intervalles d’au plus quelques secondes est priorisé dans ce paradigme (voir Zakay, 2005). Dans le second paradigme (l’estimation rétrospective), les participants ne sont pas informés qu’ils doivent estimer une durée. Ce domaine de recherche vise généralement à l’étude des durées beaucoup plus longues (voir

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Grondin, 2010). Par ailleurs, les processus impliqués dans les deux formes de tâches seraient différents; alors que le jugement temporel prospectif s’appuierait sur des processus attentionnels, la mémoire serait davantage impliquée dans le jugement temporel rétrospectif (Zakay, 2005).

Méthodologies en estimation du temps

Les méthodologies visant à l’étude de l’estimation du temps varient également en fonction du paradigme utilisé. Les différentes méthodes détaillées plus bas sont plutôt en lien avec l’estimation temporelle prospective puisque cette thèse s’y rattache. L’estimation verbale comme son nom l’indique, exige que le participant fournisse une estimation verbale de la durée écoulée en unités de temps, par exemple en secondes (Zakay & Block, 1997). La méthode de comparaisons consiste à évaluer si l’intervalle présenté est plus court ou plus long que l’intervalle standard. Typiquement, chaque essai est composé de deux durées : l’intervalle standard et l’intervalle à estimer. Une sous-catégorie de la méthode de comparaisons, bien connue dans la littérature, est celle de la bissection temporelle. Une série de durées est prédéterminée par l’expérimentateur, puis l’intervalle le plus long et l’intervalle le plus court sont d’abord présentés au participant. Par la suite, toutes les durées de la série, y compris les durées standards, sont présentées aléatoirement. La tâche consiste à évaluer si la durée présentée se rapproche davantage de la durée plus courte ou de la durée plus longue. La reproduction implique, pour sa part, une reproduction d’un intervalle temporel préalablement présenté. La façon dont le participant reproduit l’intervalle peut varier d’une étude à l’autre. Lors de la production, la durée est énoncée verbalement en unités de temps et le participant doit tenter de produire cette même durée (Zakay & Block, 1997). La procédure d’estimation temporelle de la présente thèse inclut à la fois des considérations méthodologiques de la reproduction et de la production.

Modèles d’estimation temporelle

Plusieurs modèles ont été développés afin d’expliquer les mécanismes sous-tendant l’estimation du temps. Matell et Meck (2000) identifient trois différentes classes de modèles : les modèles basés sur les mécanismes d’horloge appelés les modèles de processus de désintégration (process-decay models), les modèles pacemaker-accumulateur et les modèles

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d’oscillateurs/détection de coïncidence. Seul les modèles pacemaker-accumulateur seront détaillés puisqu’il s’agit des modèles les plus étudiés à ce jour et que c’est aussi à ce cadre théorique que réfère les données de cette thèse.

Modèle de processus de désintégration. Certains modèles ont été élaborés en se basant sur l’idée du temps qui s’écoule à la manière des grains dans un sablier. Selon cette théorie, le marqueur temporel amène la valeur à s’élever dès le départ puis à se dégrader avec le temps. Une métaphore associée à ce processus est celle du seau d’eau percé; chaque fois que le marqueur temporel est présenté, le seau est rempli à un niveau de base, puis le niveau diminue avec le temps qui s’écoule. La relation entre la force du marqueur temporel et la force de la trace pose toutefois problème avec les données comportementales généralement obtenues (Hopson, 2003). Un marqueur de plus forte intensité devrait être associé à une trace plus forte donc une trace se dégradant moins vite.

Modèle de type pacemaker-accumulateur. Un autre ensemble de modèles repose d’abord sur l’idée des horloges basées sur l’état (State-based clocks). Selon Hopson (2003), il s’agit probablement du type d’horloge se rapprochant le plus du système des horloges mécaniques standards. Cette horloge passerait par une série fixée d’états discrets avec un état actif servant d’indicateur sur la quantité de temps qui s’est écoulé depuis que l’horloge s’est activée. Un exemple de théorie d’horloge basée sur l’état est la théorie comportementale du temps (the behavioral theory of timing) de Killeen et Fetterman (1988). Il est proposé que l’estimation temporelle chez l’animal se réalise grâce à une série d’actions stéréotypées qui consiste alors en repères temporels lui permettant de garder le fil du temps (Droit-Volet & Wearden, 2003). Il est toutefois difficile d’évaluer la compatibilité entre les comportements produits par l’animal et la réponse comportementale attendue relative au stimulus temporel (Droit-Volet & Wearden, 2003; Hopson, 2003).

Modèle de traitement de l’information temporelle. Le modèle de traitement de l’information temporelle basé sur la théorie de l’attente scalaire (Gibbon, 1977) fait également partie des systèmes dits pacemaker-accumulateur. Cette théorie a été élaborée afin de rendre compte des comportements de l’humain et de l’animal en perception du temps et dans les procédures de performances temporelles. Plusieurs principes sont énoncés dans le cadre de cette théorie, entre autres, celui de linéarité de la relation entre la déviation standard de l’intervalle et

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l’intervalle lui-même; la déviation s’accentue avec l’allongement de l’intervalle. Ainsi, le coefficient de variation (le ratio de la déviation standard à la moyenne) est approximativement constant, ce qui réfère plus spécifiquement à la loi de Weber. La relation de l’allongement du temps de réponse médian en fonction de la durée de l’intervalle renforcé est également linéaire, référant au principe d’estimation proportionnelle (Church, 2003).

Le but du modèle de traitement de l’information temporelle (Temporal information processing :TIP) illustré en Figure 1 est alors d’expliquer des résultats en référence aux principes énoncés plus haut. Ce modèle inclut alors des propriétés de la théorie de l’attente scalaire (Church, 1984; Gibbon, 1977; Gibbon et al., 1984) et se compose de trois niveaux de traitement distincts : l’horloge, la mémoire et la décision. Au stade de l’horloge, l’information temporelle serait transposée en pulsations par un pacemaker. Le pacemaker pourrait émettre des pulsations à un rythme plus ou moins rapide selon le contexte de la tâche. Différentes postulats ont été émises concernant la façon dont ces pulsations sont distribuées (Church, 2003). Gibbon et al. (1984) proposent deux modes d’émissions des pulsations : la première où les pulsations se distribueraient selon la loi de Poisson et la seconde selon la loi scalaire. La première stipule que l’intervalle entre les pulsations est aléatoire, mais que sur une longue période de temps, le taux moyen de pulsations par seconde est fixe (Droit-Volet & Wearden, 2003). Selon cette propriété, les pulsations s’accumulent de façon linéaire avec la durée réelle. La seconde loi suggère plutôt que l’intervalle entre les pulsations est fixé pour un essai donné, mais que pour un ensemble d’essais donnés les intervalles inter-pulsations se distribuent normalement autour d’une moyenne donnée. Ces deux propositions soulèvent néanmoins l’idée d’une certaine variabilité dans l’émission des pulsations.

Figure 1. Modèle du traitement de l’information temporelle de Gibbon, Church & Meck (1984). Comparateur Oui Non Mémoire de travail Mémoire de référence

Pacemaker Interrupteur Accumulateur Système

d’horloge interne Système mémoriel

Système décisionnel

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Lorsque les pulsations sont émises, un interrupteur, se fermant lors de l’estimation, permet le passage de ces pulsations à l’accumulateur. Le modèle assume une certaine latence entre l’occurrence du stimulus et la fermeture de l’interrupteur. D’une même façon, à la fin du stimulus, l’interrupteur s’ouvre avec une certaine latence (Church, 2003). Ainsi, la présence physique du stimulus qui doit être estimé (par exemple, la durée d’un son) ne garantit pas un passage des pulsations correspondant exactement à l’apparition et la disparition de ce stimulus. Cette latence se distribuerait normalement avec une certaine moyenne et une déviation standard. Gibbon et al. (1984) parlent de la latence comme d’une variance constante qui ne varie pas avec l’augmentation de la durée de l’intervalle à juger. Ainsi, la latence d’ouverture et de fermeture entraînerait une certaine variabilité dans l’estimation d’une durée (Droit-Volet & Wearden, 2003).

Les pulsations accumulées représentent la durée qui est alors conservée en mémoire de travail. Cette durée en mémoire est ensuite comparée avec celle d’une durée standard en mémoire de référence ou en mémoire à long terme, elle-même préalablement accumulée de façon similaire (Gibbon et al., 1984). Ce traitement comparatif s’exécute grâce aux processus mnésiques et s’effectue donc au stade de la mémoire. La prise de décision relative à cette comparaison permet par la suite de fournir une réponse quant à l’estimation. Afin de déterminer si les intervalles comparés sont ou non identiques, l’atteinte d’un certain seuil est nécessaire, à l’intérieur de ce seuil les durées sont jugées égales (stade de la décision). Enfin, la durée subjective et l’évaluation qui en est fait dépend entièrement du nombre de pulsations accumulées au moment de l’estimation (Pouthas & Macar, 2005).

Comme l’indiquent Droit-Volet et Wearden (2003) dans leur article, des écarts sont souvent rapportés entre le temps objectif et le temps subjectif. Deux principales explications sont avancées afin de justifier ces variabilités. La première réfère à la vitesse du pacemaker et la seconde, au délai de fermeture et d’ouverture de l’interrupteur. Lorsqu’un jugement temporel doit être rendu, cette décision est prise en tenant compte du nombre de pulsations totales accumulées, ce nombre croît en fonction du temps écoulé et les deux explications avancées proposent une altération dans le nombre de pulsations comptabilisées. Selon Pouthas et Macar (2005) des variations du niveau d’éveil pourraient altérer la vitesse du pacemaker et ainsi modifier la quantité de pulsations accumulées au terme de la durée cible.

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Le niveau de ressources attentionnelles alloué à la tâche temporelle pourrait aussi perturber l’accumulation d’information temporelle. De nombreuses études ont d’ailleurs démontré qu’en condition de double tâche, lorsque l’attention est détournée de l’estimation temporelle, cela entraîne une erreur systématique, soit une diminution de la durée subjective (correspondant à une quantité moindre de pulsations) (Pouthas & Macar, 2005). Cette variabilité de type attentionnel serait associée au fonctionnement de l’interrupteur (Meck, 1984). Ces différentes hypothèses seront discutées plus en détails dans une section ultérieure du texte en lien avec les caractéristiques physiques des stimuli utilisés dans ce projet.

Modèles d’oscillateurs/détection de coïncidence. Un autre ensemble de modèles propose plutôt que la représentation du temps proviendrait du fonctionnement d’une série d’oscillateurs (Droit-Volet & Wearden, 2003). Church et Broadbent (1990) ont élaboré un modèle selon lequel l’horloge interne est composée de nombreux pacemakers (oscillateurs) et chacun d’entre eux possèderait une période d’oscillation qui lui est propre (Church & Broadbent, 1990). Ce modèle ne permet toutefois pas d’expliquer la capacité à estimer de longues durées (par exemple, 15 minutes) alors que les périodes d’oscillations neuronales n’excéderaient pas 60 secondes (Droit-Volet & Wearden, 2003).

Miall (1989) a développé une théorie, le modèle de fréquences de battement (Beat frequency model), afin d’expliquer comment les durées plus longues peuvent être estimées à l’aide de décharges neuronales qui sont toutefois de courtes durées (Droit-Volet & Wearden, 2003). Selon lui, au début d’une estimation, un ensemble d’oscillateurs débutent leur activité rythmique spontanée. Au moment où l’intervalle temporel prend fin, seuls quelques oscillateurs de cet ensemble produiraient une activité maximale coïncidente. Comme les oscillateurs ne se retrouvent pas tous en phase au même moment, des durées plus longues peuvent être encodées. En effet, il faut que l’ensemble des oscillateurs soit en phase en même temps et tout dépendamment du nombre d’oscillateurs sélectionnés, cela peut prendre plus ou moins de temps avant d’atteindre le dénominateur commun.

Matell et Meck (2000) ont développé cette idée en y intégrant des bases neuroanatomiques. Leur modèle se nomme ainsi le modèle de fréquences de battement striatal (striatal beat frequency model). Ils expliquent que l’estimation du temps est une faculté provenant du

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du striatum agiraient comme détecteurs de coïncidences (Droit-Volet & Wearden, 2003). Le striatum serait en fait une région spécialisée dans la réception d’information neuronale. Entre 10 000 et 30 000 terminaisons axonales se projetteraient sur les dendrites d’un seul neurone striatal (Matell & Meck, 2000). Tel que le suggèrent Matell et Meck, les neurones du striatum pourraient avoir un rôle intégrateur, soit de détecter les phases communes à un ensemble d’oscillateurs. Ils indiquent également que la synchronisation d’un réseau de neurones corticaux permettrait de débuter l’estimation d’un intervalle par une « remise à zéro ». Lorsqu’un renforcement survient, marquant la fin de l’intervalle à estimer, un signal est envoyé à la substance noire qui libère alors la dopamine dans les neurones striataux aidant ainsi à établir un lien entre leur activation et le patron d’activité dans le réseau à ce moment (Bhattacharjee, 2006). Après plusieurs essais, les neurones striataux commencent à reconnaître l’activité maximale coïncidente au moment du renforcement. À ce moment précis, l’activation s’intensifie et cela détermine d’ailleurs la fin de l’intervalle. La trace du patron d’activation serait conservée en mémoire.

En somme, bien que la théorie du temps scalaire soit la plus répandue, des théories alternatives tentent également de rendre compte de notre faculté à estimer le temps.

Attention et estimation du temps

Rôle de l’attention dans l’estimation du temps. L’estimation efficace d’une durée exigerait, selon plusieurs auteurs, que l’attention soit orientée sur cette estimation. Selon cette prémisse, lorsque l’attention est détournée du processus d’accumulation d’information temporelle, le temps s’écoulerait plus rapidement. La durée serait alors perçue comme étant plus courte. Différents modèles proposent que les ressources attentionnelles proviennent d’un bassin limité et qu’un partage de ces ressources doit survenir lorsque plus d’une tâche est exécutée au même moment (Broadbent, 1958; Kanheman, 1973; Wickens, 1980, 2002). Même le modèle de mémoire de travail propose qu’une composante (administrateur central) assurerait l’allocation des ressources disponibles selon la tâche en cours (Baddeley et Hitch, 1974; Baddeley, 2000)

L’attention dans le modèle de traitement de l’information temporelle. Le modèle de Gibbon et al. (1984) inclut une composante permettant d’expliquer cet effet. L’interrupteur

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qui se situe entre le pacemaker et l’accumulateur permettrait le passage des pulsations. Cette composante se fermerait lors de l’estimation et s’ouvrirait quand l’accumulation de pulsations se termine. Si l’interrupteur s’ouvre durant l’estimation temporelle, une perte de pulsations se produit, donnant l’impression d’une durée plus courte. Cet interrupteur serait ainsi sous le contrôle de l’attention et il serait nécessaire d’allouer cette ressource à l’estimation du temps pour accumuler l’information concernant une durée. En présentant une tâche concurrente à l’estimation temporelle, l’attention se partagerait entre les deux tâches et cela entraînerait une perte d’information temporelle et la durée serait perçue plus courte. Dans une telle situation, l’interrupteur serait en mode « oscillatoire » (Lejeune, 1998). Cela signifie qu’il s’ouvre et se ferme périodiquement puisque l’attention n’est pas totalement orientée sur la tâche temporelle. L’effet d’une oscillation de l’interrupteur ou plus globalement, l’impact d’une perte d’information temporelle durant l’estimation d’une durée s’exprime de façon différente selon la procédure expérimentale utilisée. Dans une tâche de production temporelle, la production s’allonge proportionnellement avec l’importance de la perte d’information temporelle survenant durant cet intervalle à produire. Pour Zakay et Block (1997), l’ajout d’une porte attentionnelle (attentional gate) entre le pacemaker et l’interrupteur, serait plutôt en cause dans le passage de l’information temporelle modulé par l’attention. Dans ce dernier modèle, l’effet de cette porte attentionnelle est similaire à celui de l’interrupteur tel qu’expliqué par Lejeune; plus l’attention est fixée sur l’intervalle à produire, meilleur sera le passage de l’information.

Paradigme de double tâche : tâche temporelle et non temporelle. Brown (2010) a recensé la littérature sur l’interférence entre une tâche temporelle et une tâche non temporelle et selon son constat, sur 77 études analysées, 91% d’entre elles montrent un effet d’interférence. Cet effet se manifeste de la façon suivante; l’intervalle temporel est plus variable et jugé plus court lorsqu’une seconde tâche s’ajoute. Bien que l’exactitude de la tâche temporelle soit affectée par la charge de la tâche concurrente, l’auteur dénote que même une très faible demande entraîne des effets délétères sur l’estimation du temps. En somme, comme le justifie Brown, l’effet d’interférence observé entre une tâche temporelle et non temporelle s’expliquerait par un effet attentionnel de base. En effet, le simple ajout d’une tâche distractrice, peu importe sa nature, suffit à perturber le traitement temporel.

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Estimation temporelle simultanée. Les premières recherches portant sur l’estimation temporelle parallèle ont été réalisées avec des animaux. Essentiellement, ces études ont appuyé l’idée qu’il est possible d’estimer deux durées simultanément comme le rapportent Church, Ghilhardi, Keen, MacInnis et Kirkpatrick (2003) dans une revue de la littérature. D’autres études ont par la suite tenté d’évaluer cette hypothèse avec des sujets humains. Ces études ont fourni des évidences sur la capacité à partager des ressources entre deux tâches temporelles. Brown et West (1990) ont découvert que l’exécution simultanée de plusieurs estimations a pour effet de diminuer l’exactitude des reproductions et des productions temporelles et d’augmenter la variabilité des réponses. Ce résultat appuie alors l’hypothèse que des estimations temporelles concurrentes rivalisent pour l’allocation des ressources attentionnelles. L’effet serait d’ailleurs toujours plus important pour l’estimation d’une durée survenant à la suite d’une autre suggérant que plus d’attention serait allouée à la première durée présentée.

L’effet d’une estimation simultanée de deux durées en fonction de la modalité a aussi été relevé dans certaines études. Klapproth (2011) propose que la présence d’une seconde tâche temporelle engendre un conflit d’utilisation de ressources qui sont limitées. Dans cette expérience, deux intervalles sont présentés, l’un étant toujours plus court, complètement intégré dans l’autre. L’intervalle cible est toujours le plus long alors que l’intervalle distracteur est toujours imbriqué dans l’intervalle cible. La modalité de chacun des intervalles varie et les deux intervalles sont produits par les participants à chaque essai. Selon l’auteur, cette tâche impliquerait une division de l’attention entre les deux durées. En allouant moins d’attention à chacune des durées, moins de pulsations seraient accumulées et cette hypothèse se reflèterait par un allongement des productions temporelles. Les données obtenues appuient cette prédiction puisque les productions temporelles d’une durée visuelle et d’une durée auditive s’allongent lorsqu’elles sont superposées par une autre durée. De plus, ces productions sont plus longues lorsqu’elles sont accompagnées d’un distracteur visuel que d’un distracteur auditif.

Dans un même ordre d’idées, Gamache et Grondin (2010) utilisent une méthodologie similaire impliquant toutefois, à chaque essai, la reproduction de l’un des deux intervalles. Les résultats indiquent que les reproductions sont moins variables lorsque l’essai comprend

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deux durées auditives et deux durées de modalité différente contrairement aux essais formés de deux durées visuelles.

Rousseau et Rousseau (1996) ont plutôt voulu tester s’il est possible pour l’humain de se représenter deux durées différentes de façon simultanée. Ils ont alors élaboré une manipulation avec laquelle le sujet doit intégrer la durée de l’intervalle entre des signaux auditif et visuel. Une de leurs expériences présente des signaux auditifs et visuels en alternance où la durée entre chaque signal auditif diffère de celle présente entre chaque signal visuel. Les résultats suggèrent que deux durées peuvent être intégrées en parallèle. En effet, les participants évaluent distinctement l’intervalle séparant chaque son et l’intervalle séparant chaque lumière, bien que les deux intervalles se superposent. Bien que ces données suggèrent que l’estimation parallèle est possible, l’estimation en modalité visuelle se détériore, contrairement à l’estimation en modalité auditive, dans ces conditions. Puisque l’estimation d’un intervalle visuel est affectée lorsque des signaux auditifs doivent être traités simultanément, l’une des hypothèses proposées est l’interférence du signal auditif sur le traitement temporel visuel. Ainsi, le signal auditif lors d’un traitement temporel parallèle serait nuisible plutôt qu’aidant pour le traitement du signal visuel.

Vanneste et Pouthas (1999) ont également étudié l’estimation temporelle parallèle en lien avec l’âge. Les participants plus jeunes sont âgés en moyenne de 20 ans alors que les participants plus âgés, eux, de 65 ans. Les participants estiment un, deux ou trois intervalles visuels asynchrones. Seul l’un des intervalles présentés doit être reproduit. Les données montrent que la performance des participants jeunes et des plus âgés diminue avec l’ajout d’intervalles à estimer, mais que la diminution de la performance est plus importante pour les participants âgés. Cela appui l’idée que la tâche exige des ressources attentionnelles et que celles-ci sont plus limitées pour ce groupe d’âge.

Dans une étude de Lustig et Meck (2001), les participants, jeunes (moyenne d’âge : 20 ans) et plus âgés (moyenne d’âge : 69 ans), doivent juger si le signal (auditif ou visuel) présenté correspond à l’intervalle cible long (six secondes) ou à l’intervalle cible court (trois secondes) qui ont préalablement été présentés. Il y a cinq durées testées, de trois à six secondes. Il y a des essais où un seul signal apparait et d’autres où deux signaux se superposent partiellement

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dernier cas, le participant doit se prononcer sur la longueur des deux intervalles de temps. Les résultats montrent que la performance temporelle des participants plus jeunes n’est pas altérée par la présentation simultanée des intervalles, alors que les participants plus âgés ont eu plus de difficulté dans cette dernière condition. Avec une méthodologie très similaire, l’étude de Penney et al. (2000) a été réalisée auprès de jeunes adultes seulement. Les auteurs ont obtenu des résultats compatibles à ceux de Lustig et Meck; la performance liée à l’estimation d’intervalles simultanés est équivalente à celle d’un seul intervalle. Les auteurs soulèvent l’hypothèse que la tâche n’est peut-être pas suffisamment exigeante pour engendrer un coût attentionnel.

McAuley, Miller, Wang et Pang (2010) ont également réalisé une expérience comparant la performance de participants jeunes (18-39 ans) et de participants plus âgés (60-74 ans et 75 ans et plus). Dans leur protocole, deux durées asynchrones sont estimées en parallèle. Chaque intervalle est associé à une durée (six ou douze secondes) et à une modalité (auditive ou visuelle). La tâche exige de produire l’intervalle cible. Les données montrent que l’estimation de deux intervalles parallèles ne diffère pas de l’estimation d’un seul intervalle chez les sujets jeunes. Toutefois, les personnes âgées performent moins bien quand la tâche requiert le traitement de deux intervalles; les productions temporelles visuelles sont plus variables que celles en modalité auditive pour les productions de courte durée (six secondes). Cet effet suggérerait que le coût du partage d’attention entre deux tâches temporelles serait plus important chez ce groupe d’âge.

L’étude de Van Rijn et Taatgen (2008), en appui à plusieurs études (Lustig & Meck, 2001; McAuley et al., 2010; Penney et al., 2000), montre que la reproduction de deux intervalles simultanés asynchrones (délai variable entre le début des deux stimuli) par de jeunes adultes n’entraîne pas d’effet de partage attentionnel. En effet, en observant un allongement de la reproduction du second intervalle à mesure que le second intervalle débute plus tardivement, les auteurs ont alors conclu que le traitement des intervalles ne s’exécute pas en parallèle. Au contraire, les participants semblent plutôt traiter les signaux en une représentation séquentielle où chaque changement perceptuel (marqueur temporel) représenterait un segment de cette représentation.

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Estimation temporelle et neuroanatomie

Des avenues de recherche ont aussi été proposées afin de situer anatomiquement et déceler les processus biologiques impliqués dans l’estimation du temps. Jusqu’à présent, plusieurs études convergent vers l’implication d’un ensemble de structures dans l’estimation du temps. Selon une revue de la littérature sur le sujet, l’estimation du temps nécessite l’activation d’un réseau des régions cortico-striatales (voir Coull, Cheng & Meck., 2011). Plus spécifiquement Pouthas et Macar (2005) ont relevé les études en imagerie des années 1990 et 2000 visant à détecter les zones du cerveau impliquées dans le traitement de l’information temporelle. Ces études montrent qu’un réseau fréquemment activé comprendrait d’abord des structures corticales, telles que le cortex préfrontal, mésiofrontal (AMS) et pariétal. Puis, des structures sous-corticales : les ganglions de la base, le thalamus et le cervelet. Bien que les mêmes structures soient rapportées comme étant impliquées dans la faculté à percevoir le temps, différentes combinaisons de connexions neuronales peuvent être activées selon le contexte et les particularités de la tâche (Coull et al., 2011).

Par exemple, pour de très courtes durées (inférieures à une seconde) impliquant un contrôle moteur, des études rapportent une activation du cervelet (Buhusi & Meck, 2005, 2009a; Coull et al., 2011). L’activation du cortex préfrontal serait davantage associée aux durées variant de quelques secondes à quelques minutes. L’estimation de telles durées exigerait davantage de ressources attentionnelles et mnésiques – lesquelles ne sont pas nécessaires pour les durées plus courtes – expliquant ainsi l’apport du cortex préfrontal (Coull et al., 2011; Lewis & Miall, 2003).

La littérature a aussi mis en évidence l’importance des ganglions de la base dans l’acuité temporelle. D’abord, ils seraient sollicités dans l’estimation d’événements sensoriels et moteurs pour des durées de quelques secondes, mais moins d’évidences suggèrent un rôle de cette structure dans les durées inférieures à une seconde (Mauk & Buonomano, 2004).

La durée de l’intervalle à estimer est donc importante à considérer et les processus requis pour effectuer la tâche sont dépendants de celle-ci. La modalité et la méthode par lesquelles l’intervalle est jugé peuvent également avoir un impact sur les structures cérébrales qui s’activent durant l’estimation. Par exemple, une étude de Kanai, Lloyd, Bueti et Walsh (2011)

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a démontré l’implication du cortex auditif dans l’estimation temporelle visuelle alors que des impulsions au niveau du cortex visuel ne seraient apparentes, par stimulation magnétique transcrânienne, qu’au moment de l’estimation visuelle. Cette implication amodale du cortex auditif pourrait être expliquée par l’encodage des durées visuelles sous forme de signal auditif durant la tâche, appuyant l’idée d’une dominance auditive. À cet effet, les données de Mioni et al. (2016) appuient également un rôle amodal du cortex auditif (aire A1) dans le traitement temporel. En effet, une augmentation de la variabilité est observé sur les stimuli temporels visuels lorsqu’une stimulation est appliquée sur l’aire A1.

En dénotant l’activation de certaines structures neuro-anatomiques lors de la réalisation d’une tâche temporelle, cela a également permis d’appuyer ou de rejeter l’implication de différents processus cognitifs liés à l’estimation temporelle. En effet, l’activation du cortex préfrontal et pariétal peut suggérer l’implication de l’attention (Coull, Vidal, Nazarian & Macar, 2004) et de la mémoire de travail (Buhusi & Meck, 2009b) dans l’estimation du temps. Le cortex frontal latéral serait d’ailleurs impliqué dans le partage attentionnel. En effet, la capacité à partager l’attention entre deux durées simultanées serait liée au fonctionnement des neurones agranulaires de ce cortex (Pang, Yoder & Olton, 2001).

Dans un article, Bhattacharjee (2006) décrit la position actuelle des chercheurs quant aux régions cérébrales qui s’activeraient spécifiquement en lien avec les composantes relatives à l’horloge interne. Selon cet article, les données actuelles proposent que l’horloge interne se situerait au niveau des ganglions de la base. Des neurones localisés dans la substance noire et sécrétant de la dopamine seraient l’équivalent du pacemaker. Des neurones accumulateurs se situeraient pour leur part dans le striatum. En lien avec le modèle de fréquence de battements striatal présenté plus haut, l’auteur de l’article souligne l’idée que les neurones du striatum détermineraient la longueur des intervalles à partir de l’activité d’un réseau de neurones corticaux.

Certaines données ont permis plus spécifiquement d’appuyer le modèle théorique de traitement de l’information temporelle. Ainsi, l’accumulation du temps serait associée à l’activation des aires motrices supplémentaires, alors que l’encodage d’une durée en mémoire de référence impliquerait plutôt les ganglions de la base. Pouthas et Macar (2005) qui supportent ces données, proposent plus particulièrement que dans le processus de traitement

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de l’information temporelle, l’activation de l’aire motrice supplémentaire pourrait précéder celle des ganglions de la base, puisque des connexions relient directement cette structure au putamen et au noyau caudé.

Le rôle du cortex frontal et temporal supérieur serait lié aux étapes plus tardives du modèle soit à l’intégration des pulsations accumulées ou à la comparaison de l’intervalle avec une durée cible en mémoire. Le cortex préfrontal serait aussi associé à la comparaison en mémoire (Coull et al., 2011). Les cortex préfrontal dorsolatéral et pariétal, pour leur part, pourraient être nécessaires à la comparaison d’une durée avec la représentation d’une durée de référence. En effet, cette comparaison requiert des capacités mnésiques et attentionnelles qui pourraient relever de l’activation de ces structures, sans pour autant être spécifique à la dimension temporelle (Pouthas & Macar, 2005).

Effet de modalité

L’estimation temporelle peut être affectée par la modalité sensorielle l’accompagnant. En comparaison, pour une même durée, un son serait jugé plus long qu’une lumière (Penney, 2003). Différentes explications sont proposées afin de comprendre cet effet de modalité. Bien que ces théories s’appuient essentiellement sur le modèle de traitement de l’information temporelle (Gibbon et al. 1984), il n’y a pas de consensus concernant l’attribution spécifique de ce phénomène. À cet effet, plusieurs hypothèses sont relevées dans la littérature en lien avec les processus requis pour estimer le temps et avec les composantes de l’horloge. Rythme du pacemaker : processus d’activation. Il est d’abord possible que le pacemaker émette des pulsations plus rapidement lors de l’estimation d’une durée de modalité auditive que visuelle (Chen & Yeh, 2009; Klink et al., 2011;Wearden, Edwards, Fakhri & Percival, 1998; Wearden, Todd & Jones, 2006). Si les pulsations sont émises plus rapidement lorsqu’un intervalle sonore est estimé, un plus grand nombre total de pulsations représenterait alors cet intervalle et il serait perçu comme étant plus long. Les auteurs appuyant cette théorie expliquent qu’une plus grande activation résulterait de l’usage de stimuli auditifs en comparaison avec des stimuli visuels comme marqueur temporel. Ainsi, le rythme du pacemaker diffèrerait selon la modalité présentée. Pour justifier l’association du pacemaker à cette distinction entre l’estimation d’intervalles auditifs et visuels, les auteurs indiquent que

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l’effet devrait être proportionnel à la longueur de l’intervalle estimé. Ainsi, en fonction de l’allongement de la durée objective de l’intervalle, la pente associée à l’estimation d’une durée visuelle devrait différer de celle associée à l’estimation d’une durée auditive. Si les pentes sont similaires entre les deux modalités, cela indique que l’effet de modalité est constant avec l’allongement des durées et le pacemaker ne serait alors pas impliqué dans l’effet. L’étude de Wearden et al. (1998) est la première à appuyer l’implication du pacemaker puisque leurs données indiquent une modulation de l’effet de modalité avec la variation de la durée employée. D’autres études ont par la suite démontré que l’effet de modalité augmente proportionnellement avec la longueur de l’intervalle évalué, et ce, malgré certaines différences méthodologiques (Droit-Volet, Tourret & Wearden, 2004; Wearden et al., 2006).

Interrupteur : processus attentionnels. Le fonctionnement de l’interrupteur, tel qu’il a été décrit précédemment dans la section portant sur le modèle du traitement de l’information temporelle, est associé à l’attention allouée à la tâche temporelle. Néanmoins, différents fonctionnements de l’interrupteur (latence et oscillation) ont été associés à l’effet de modalité; ils sont décrits en de plus amples détails dans les paragraphes qui suivent. Également, plus récemment dans la littérature, un débat a également resurgi sur la nature des processus attentionnels pouvant expliquer l’effet de modalité (Berry et al., 2014). Les différents types d’attention soulevés (attention soutenue et attention partagée) sont également explicités plus bas.

Latence d’ouverture et de fermeture de l’interrupteur. Il est possible qu’une différence de latence d’ouverture et de fermeture de l’interrupteur pour les deux types de modalité explique le phénomène (Grondin, 2001). Une expérience de Rousseau et Rousseau (1996) appuie cette théorie en démontrant qu’il y a un délai plus important pour mettre fin à une séquence de signaux visuels que de signaux auditifs. Certains auteurs partagent aussi l’idée qu’il pourrait y avoir une part de l’effet qui soit dû au rythme du pacemaker et une autre part à la latence d’ouverture de l’interrupteur (Droit-Volet et al., 2004; Wearden et al., 1998). L’effet de la latence correspondrait spécifiquement à l’effet de modalité qui subsiste indépendamment de la durée utilisée.

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Oscillation de l’interrupteur. L’interrupteur pourrait également moduler l’effet de la modalité du signal d’une autre façon, soit par son oscillation. Le modèle de traitement de l’information temporelle stipule que l’interrupteur doit demeurer fermé lors de l’estimation d’une durée pour permettre l’accumulation des pulsations en mémoire (Gibbon et al., 1984). Or, pour demeurer fermé, l’interrupteur requiert que l’attention soit dirigée sur la durée à estimer. Lorsque l’attention est attirée par une autre tâche, l’interrupteur oscille résultant en une perte de pulsations (Lejeune, 1998). Le nombre total de pulsations accumulées est alors moins important et la durée est jugée plus courte. En ce qui concerne la modalité de la durée à estimer, il est proposé qu’un stimulus auditif capte plus facilement l’attention qu’un stimulus visuel (Meck, 1984; Posner, 1978). Cette capture attentionnelle du stimulus auditif permettrait alors à l’interrupteur de rester plus aisément en état fermé et ainsi d’accumuler plus d’information temporelle.

Il est difficile de départager l’effet engendré par la vitesse du pacemaker, l’oscillation de l’interrupteur ou sa latence d’ouverture. Tel qu’expliqué, un effet de latence serait associé à une perte d’information temporelle indépendante de la durée estimée. L’effet du pacemaker ou de l’oscillation de l’interrupteur serait toutefois identique; cela résulterait en une perte d’information proportionnelle à la longueur de la durée (Penney & Tourret, 2005). Alors que certains auteurs ont démontré que l’effet de modalité est proportionnel à la durée estimée (Penney et al., 2000), il est difficile actuellement de départager si l’effet est dans ce cas attribué au pacemaker ou à l’oscillation de l’interrupteur (Penney & Tourret, 2005).

Attention soutenue. Jusqu’à tout récemment, les hypothèses proposées afin de rendre compte des différences temporelles selon la modalité du signal étaient centrées sur les composantes du modèle et sur les processus sous-jacents de ces composantes sans toutefois creuser davantage la question. En 2014, Berry et al. ont rédigé un article sur les différents processus attentionnels qui pourraient être en cause dans le phénomène. Comme leur expérience montre une altération plus importante du jugement temporel en modalité visuelle qu’en modalité auditive avec le temps passé à la tâche, les auteurs proposent ainsi l’implication de l’attention soutenue. Ils indiquent également que cet effet attentionnel serait modulé par l’interrupteur, dans une optique plus théorique.

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Attention partagée. L’idée que l’attention partagée pourrait expliquer l’effet de modalité a aussi été développée par Berry et al. (2014) dans leur souci de distinguer les différents sous-types d’attention. Ils ont alors également inclus une mesure de partage attentionnel dans leur expérience; les participants doivent réaliser une tâche temporelle tout en ignorant une présentation vidéo qui se déroule sur un second écran d’ordinateur. Les résultats montrent que l’effet de modalité ne s’avère pas plus prononcé lorsque la tâche temporelle est réalisée seule que lorsqu’elle est réalisée avec la vidéo en simultané.

Dominance auditive

La dominance auditive, bien qu’elle puisse sembler liée à l’effet de modalité sensorielle, provient en fait d’une littérature totalement distincte. La dominance auditive implique une intégration de plusieurs modalités sensorielles où le traitement de la modalité auditive est priorisé sur celui d’une ou de plusieurs modalités différentes. Cette priorisation des indices auditifs a été soulevée à maintes reprises dans des tâches de nature temporelle.

Un paradigme souvent utilisé pour tester la dominance auditive consiste à créer une intégration de multiples informations sensorielles qui sont discordantes. Effectivement, en créant un conflit sensoriel, il est possible d’étudier s’il y a une priorisation de l’un ou l’autre des indices sensoriels dans le traitement d’une situation donnée. Une des premières études à soulever le phénomène (Gebhard & Mowbray, 1959) vise d’ailleurs l’intégration de différents rythmes en modalité auditive et visuelle. Les auteurs, qui ont observé une prédominance de l’indice rythmique auditif, ont nommé cet effet : auditory driving. En support à ces résultats, Shipley (1964) détecte également l’influence de rythmes auditifs sur la perception de rythmes visuels sans observer l’effet inverse. Plus récemment, Shams et Kim (2010) ont également évalué la présence simultanée de rythmes auditifs et visuels incongruents et ils en viennent à la même conclusion; les rythmes auditifs sont priorisés aux dépens des rythmes visuels.

Afin d’étudier l’effet de dominance auditive, certains auteurs ont aussi importé le paradigme dans une méthodologie d’estimation temporelle. C’est dans ce type de tâche qu’initialement en comparant un intervalle auditif avec un intervalle visuel, il est possible d’observer l’effet de modalité sensorielle. Walker et Scott (1981) ont démontré que l’estimation d’un intervalle

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de temps à l’aide d’un signal bimodal (auditif et visuel) est davantage déterminée par l’indice auditif. Pour évaluer cela, ils ont simplement comparé l’estimation des signaux bimodaux avec celle des signaux unimodaux; l’estimation de l’intervalle bimodal est alors beaucoup plus similaire à l’estimation d’un intervalle seulement auditif que d’un intervalle seulement visuel.

À l’aide d’une tâche de jugement de l’ordre temporel, Morein-Zamir, Soto-Faraco et Kingstone (2003) ont démontré que des sons peuvent altérer la perception d’un stimulus visuel. Une de leur expérience indique que la présence d’un son avant une première lumière et après une deuxième lumière améliore la performance d’une tâche de jugement temporel comparativement à la condition contrôle où les sons et les lumières sont présentés simultanément. Il est suggéré que cette disposition des sons permette de mieux distinguer les lumières dans le temps. Une autre expérimentation a plutôt démontré que lorsque deux sons surviennent entre deux lumières, la performance à la tâche décline. Les auteurs indiquent ainsi que les sons peuvent biaiser le jugement des lumières et plus spécifiquement, leur ordre temporel.

En appui à cette idée, Klink et al. (2011) ont rapporté que l’information auditive distractrice affecte l’estimation temporelle d’un stimulus visuel, mais que le contraire n’est pas vrai. En effet, en présentant un stimulus auditif non pertinent simultanément à un stimulus visuel, mais de durée différente, un impact est observé sur la performance à l’estimation du signal visuel. Leurs expériences suggèrent néanmoins que les deux stimuli ne doivent pas être désynchronisés de façon importante pour permettre une influence de l’audition sur l’estimation visuelle. Romei, De Hass, Mok et Driver (2011) ont également étudié la présence cooccurrente de signaux visuels et sonores intermittents. Les résultats montrent que lorsque la durée de stimuli de modalités différentes est incongruente, le stimulus auditif interfère quand même sur la discrimination temporelle visuelle; celle-ci est moins exacte. Cela suggère que les propriétés temporelles du stimulus auditif influencent la perception du temps en modalité visuelle.

La théorie de l’adéquation de la modalité (Modality appropriateness theory). Différentes interprétations ont été soulevées afin d’expliquer ce phénomène de la dominance de

Figure

Figure  1.  Modèle  du  traitement  de  l’information  temporelle  de  Gibbon,  Church  &  Meck  (1984)
Figure 2. Structure des essais expérimentaux en fonction du SOA.
Tableau 2. Type d’essais de l’Expérience 1. Le nom, le nombre et la structure de chaque  essai de l’expérience sont présentés et imagés
Figure  3.  Durée  de  superposition  moyenne  en  fonction  de  la  valeur  du  SOA.  Les  barres  d’erreurs représentent l’erreur standard de la moyenne
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