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Identification des déterminants de l'intention des infirmières à exercer la surveillance clinique d’adultes hospitalisés lors du pic d'action des opioïdes sous-cutanés

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Academic year: 2021

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Identification des déterminants de l'intention des

infirmières à exercer la surveillance clinique d’adultes

hospitalisés lors du pic d'action des opioïdes

sous-cutanés

Mémoire

Geneviève Lemire

Maîtrise en sciences infirmières - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

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Identification des déterminants de l’intention des

infirmières à exercer la surveillance clinique

d’adultes hospitalisés lors du pic d’action

des opioïdes sous-cutanés

Mémoire

Geneviève Lemire

Sous la direction de :

Frédéric Douville, directeur de recherche

Geneviève Roch, codirectrice de recherche

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Résumé

Introduction : L’administration d’opioïdes par voie sous-cutanée peut occasionner

des épisodes de dépression respiratoire menant à des décès évitables. Grâce à leur efficacité, les opioïdes demeurent la thérapie de premier choix pour le soulagement de la douleur modérée à sévère. Cependant, de plus en plus d’usagers présentent un ou plusieurs facteurs de risque de dépression respiratoire qui justifient une surveillance clinique adaptée à leur condition. Pour assurer une surveillance sécuritaire des usagers, des lignes directrices professionnelles doublées de mesures organisationnelles sous forme de directives et protocoles de surveillance infirmière ont été instaurées. La surveillance clinique demeure toutefois inadéquate, nous permettant de supposer qu’il existe, au-delà des éléments organisationnels, des déterminants individuels influençant la surveillance infirmière. Objectif : Identifier les déterminants de l’intention des infirmières d’exercer la surveillance clinique lors du pic d’action des opioïdes sous-cutanés auprès d’adultes hospitalisés. Méthodes : Étude corrélationnelle prédictive auprès d’infirmières d’unités de chirurgie et médecine (n = 104) d’un établissement de santé québécois par le biais d’un questionnaire auto-rapporté. Des régressions multiples ont été réalisées pour identifier les déterminants associés à l’intention d’adopter le comportement souhaité. Résultats : La perception de contrôle et la norme professionnelle ont été identifiés comme étant les principaux déterminants de l’intention des infirmières à exercer une surveillance lors du pic d’action des opioïdes. Discussion et conclusion : Par l’identification des déterminants individuels les plus susceptibles d’expliquer l’intention d’exercer une surveillance adaptée lors du pic d’action des opioïdes, cette étude permet de cibler des pistes d’intervention en matière de sécurité clinique.

Mots clés : Surveillance clinique, infirmière, opioïde, intention, théorie psychosociale

N.B. : Dans ce mémoire, le mot infirmière au féminin inclut le masculin et est utilisé, sans discrimination, afin d'alléger le texte.

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Abstract

Introduction: Subcutaneous administration of opioids may cause episodes of respiratory depression leading to preventable deaths. Due to their efficacy, opioids remain the first-choice therapy for the relief of moderate to acute pain. However, more and more inpatients have one or more risk factors for respiratory depression that justifies clinical surveillance adapted to their condition. To ensure safe monitoring of inpatients, professional guidelines, coupled with organizational measures in the form of guidelines and nurse monitoring protocols, have been introduced. Despite the action taken, clinical surveillance remains inadequate, allowing us to assume that there are, beyond the organizational elements, individual determinants influencing nurse supervision. Objective: Identify the determinants of the intention of nurses to conduct clinical surveillance of adults in hospital during the peak action of subcutaneous opioids. Methods: Predictive correlational study among nurses of surgical and medicine units of a Quebec health facility (n = 104) through a self-reported questionnaire. Multiple regressions were carried out to identify the determinants associated with the intention to perform the desired behaviour. Results: Perceived control and professional standards have been identified as the key determinants of nurses' intention to perform clinical surveillance associated with opioid at the time of peak effect. Discussion and conclusion: By identifying the individual determinants most likely to explain the intention to exercise appropriate surveillance at the peak of opioid action, this study helps to target clinical safety interventions.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Liste des abréviations ... viii

Remerciements... ix

Avant-propos ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 2

1.1 Surveillance clinique ... 2

1.2 Facteurs de risque de dépression respiratoire ... 4

1.3 Effets secondaires indésirables ... 5

1.3.1 Effets secondaires indésirables mineurs et leur impact ... 5

1.3.2 Effets secondaires indésirables modérés et leur impact; ... 6

1.3.3 Effets secondaires indésirables sévères et leur impact;... 6

1.4 Activités infirmières ... 7

Chapitre 2 : Revue des écrits ... 12

2.1 Facteurs liés aux opioïdes... 12

2.2 Causes d’erreurs d’administration ... 14

2.3 Facteurs intrinsèques ... 15

2.4 Facteurs extrinsèques ... 17

Chapitre 3 : Cadre théorique ... 22

3.1 Théorie du comportement planifié ... 22

3.2 Modèle intégrateur de Godin (2002) ... 24

3.2.1 Composantes du modèle intégrateur de Godin (2002) ... 25

3.2.2 Norme professionnelle ... 26

3.2.3 Regret anticipé ... 26

Chapitre 4 : But, objectifs et hypothèses de recherche ... 27

4.1 But ... 27

4.2 Objectifs ... 27

4.3 Hypothèses ... 27

Chapitre 5 : Méthode ... 29

5.1 Description de l’étude ... 29

5.1.1 Comité d’éthique à la recherche ... 29

5.1.2 Recrutement et collecte de données ... 29

5.1.3 Développement de l’instrument de mesure... 30

Chapitre 6 : Article intégré... 32

6.1 Résumé ... 32

(6)

6.3 Article ... 33

Introduction ... 33

Objectif ... 38

Méthodes ... 38

Recrutement et collecte de données ... 40

Développement de l’instrument de mesure ... 41

Vérification des qualités psychométriques du questionnaire principal ... 41

Échantillonnage ... 46

Plan d’analyse des données ... 46

Résultats ... 46

Discussion ... 50

Limites ... 53

Pistes d’intervention et de recherche ... 53

Conclusion ... 54 Références ... 55 Chapitre 7 : Discussion ... 59 7.1 Pistes d’interventions ... 62 7.2 Pistes de recherche ... 62 7.3 Limites de l’étude ... 63 Conclusion ... 64 Bibliographie ... 65

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Liste des tableaux

Mémoire

Tableau 1 : Croyances saillantes ………..……….….…...…30

Article intégré

Tableau 1 : Consistance interne et stabilité temporelle des construits du questionnaire….……...…..43 Tableau 2 : Caractéristiques de l’échantillon…….……….….…..……48 Tableau 3 : Valeurs moyennes des construits du modèle théorique….………49 Tableau 4 : Coefficients de corrélation entre les construits et variables à l’étude………..49 Tableau 5 : Modèle final de régression multiple : Déterminants liés à l’intention d’exercer la

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Liste des figures

Mémoire

Figure 1. Schématisation du modèle adapté de Godin (2002)……….. 24

Article intégré

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Liste des abréviations

ASPMN American Society for Pain Management Nursing ETCO2 Dioxyde de carbone télé-expiratoire

MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux OIIQ Ordre des infirmières et infirmiers du Québec POSS Pasero Opioid-induced Sedation Scale SIPS Science infirmière et pratiques en santé SpO2 Saturation capillaire en oxygène TAR Théorie de l’action raisonnée TCP Théorie du comportement planifié

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Remerciements

La réussite de ce projet n’aurait pas été possible sans la contribution de gens d’exception.

J’aimerais premièrement remercier mon directeur de recherche Monsieur Frédéric Douville. Frédéric, tu as su me guider, m’encourager, me motiver et me diriger tout au long de ce beau projet. Ta compréhension, ton sens de l’humour doublé de ta rigueur m’ont permis de mener à terme ce projet. Ce fut un plaisir de t’avoir à mes côtés lors de cette aventure.

En second lieu, j’aimerais remercier Madame Geneviève Roch. Notre rencontre fut décisive dans la poursuite de ma maîtrise et tu es restée une source de motivation tout au long du projet. Ta candeur, ta soif de savoir et ton énergie font de toi un être unique. Merci pour ton soutien et surtout, la générosité de ton temps.

Je tiens à remercier l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l’Université Laval et l’Ordre régional des infirmières et infirmiers de Québec de m’avoir octroyé les bourses MEES-ULaval ainsi que la bourse Denise Lévesque-Boudreau qui m’ont permis de me consacrer à temps plein à ma recherche. Je remercie aussi l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-ULaval de m’avoir accordé un congé d’études pour me consacrer à ma recherche durant la période de bourses.

Des remerciements particuliers vont au personnel du CHU de Québec-ULaval. La collaboration et la participation de la DSI, des chefs d’unité, AIC et infirmières des unités ciblées par l’étude ont contribué à sa réussite.

Finalement, je tiens à remercier tous les proches qui m’ont soutenue dans cette grande aventure.

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Avant-propos

Ce mémoire inclut l’intégration d’un article publié en juin 2019 dans le deuxième numéro de la revue Science infirmière et pratiques en santé (SIPS) produite par le Réseau de recherche en interventions en sciences infirmières du Québec. L’article original peut être consulté au https://snahp-sips.ca/journal/vol2/iss1/5/

L’auteure principale de l’article est Madame Geneviève Lemire. L’article a été écrit en collaboration avec Monsieur Frédéric Douville, inf., PhD, Professeur adjoint à la Faculté des sciences infirmières de Université Laval et Madame Geneviève Roch, inf., PhD., Professeure titulaire à la Faculté des sciences infirmières de Université Laval. Geneviève Lemire a dirigé le développement de l’étude, procédé à la collecte de données, réalisé les analyses et écrit la première version de l’article. Frédéric Douville a supervisé le développement et le déroulement de l’étude en plus de procéder aux analyses des données et a procédé à une révision critique de l’article. Geneviève Roch a supervisé le développement et le déroulement de l’étude en plus de procéder à une révision critique de l’article.

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Introduction

Les opioïdes administrés par voie sous-cutanée engendrent des épisodes de dépression respiratoire pouvant mener à des décès évitables. Plusieurs facteurs relatifs à l’usager et l’administration augmentent le risque de dépression respiratoire. En centre hospitalier, l’incidence de dépression respiratoire est de 0,5% à 1% chez les usagers recevant des opioïdes. La surveillance clinique lors de l’administration d’opioïdes est omise dans plus du tiers des cas, malgré le fait qu’il s’agisse d’une activité réservée inscrite au code de déontologie des infirmières. Les facteurs influençant les infirmières à exercer, ou non, à la surveillance clinique post-administration d’opioïdes sous-cutanés sont méconnus. Cette étude vise donc à identifier les déterminants d’intention des infirmières à exercer la surveillance clinique lors du pic d’action des opioïdes sous-cutanés.

Le chapitre I explore la problématique. La surveillance clinique, les facteurs de risque de dépression respiratoire, les effets secondaires indésirables des opioïdes ainsi que le rôle et les obligations de l’infirmière en lien avec la surveillance clinique y sont décrits. Le chapitre II se compose de la revue des écrits qui se rapportent aux facteurs liés aux opioïdes, les causes d’erreurs d’administration ainsi que les facteurs intrinsèques et extrinsèques qui influencent la réalisation du comportement. Le chapitre III explore les cadres théoriques utilisés lors de l’étude soit la théorie du comportement planifié ainsi que le modèle intégrateur de Godin (2002). Le chapitre IV énonce le but de cette étude, les objectifs et énumère les hypothèses de recherche. Le chapitre V se compose de l’article intégré tel que publié. Le chapitre VI regroupe les éléments complémentaires à la méthode non discutés dans l’article intégré à ce mémoire. Ces éléments se rapportent au recrutement, la collecte de données, le développement et la validation de l’instrument de mesure. Le chapitre VII discute de l’impact de cette recherche sur sa contribution au développement des connaissances, à la pratique clinique, la gestion et la formation. Finalement, la conclusion synthétise les résultats obtenus ainsi que la contribution de cette étude à la profession infirmière.

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Chapitre 1 : Problématique

1.1 Surveillance clinique

Grâce à leur efficacité et métabolisation rapide, les opioïdes se sont imposés comme traitement de premier choix pour soulager les douleurs modérées et sévères en centre hospitalier malgré les effets secondaires qu’ils peuvent induire (Dahan, Aarts, & Smith, 2010; Dunwoody & Jungquist, 2018; Dupont et al., 2015; Jarzyna et al., 2011; Pasero, 2013). La voie d’administration sous-cutanée est communément utilisée pour le soulagement des douleurs modérées à sévères en contexte périopératoire et en urgence (Anesthesiologists, 2012; Beaudoin, Merchant, Janicki, McKaig, & Babu, 2015). Les opioïdes administrés via la voie sous-cutanée par des professionnels de la santé sont fréquemment liés à des épisodes de dépression respiratoire pouvant mener au décès (Beaudoin et al., 2015; Daoust, Paquet, Lavigne, Piette, & Chauny, 2015). La surveillance clinique suivant l’administration d’un opioïde est la pratique la plus efficace pour évaluer l’efficacité d’un opioïde ainsi que pour détecter des potentielles complications (Jarzyna et al., 2011; Pasero, 2009a). Il est estimé que 51% des usagers hospitalisés reçoivent des opioïdes donc requièrent une surveillance clinique adaptée (Yung, Lee, Hsu, Furnish, & Atayee, 2017).

Cependant, la surveillance clinique effectuée par les infirmières lors du pic d’action des opioïdes est souvent déficiente, et les complications liées aux opioïdes ne cessent d’augmenter (DeRemer, Fleming, Brown, & May, 2011; Jungquist, Karan, & Perlis, 2011; Lee et al., 2015; Paans, Sermeus, Nieweg, & van der Schans, 2010; Soto & Yaldou, 2015; Willens, Jungquist, Cohen, & Polomano, 2013). L’émergence de nouvelles thérapies analgésiques de plus en plus agressives ainsi que l’arrivée sur le marché de nouvelles molécules opioïdes font partie des facteurs qui ont complexifié cette surveillance clinique (Jarzyna et al., 2011). Les principales lacunes à la surveillance clinique post-administration d’opioïdes sont associées à un manque de réévaluation de la douleur et d’évaluation clinique de l’usager (Kalisch & Williams, 2009). Moins de 15% des usagers voient leur douleur réévaluée après l’administration d’un opioïde et environ 80% des usagers sur les unités de médecine

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et de chirurgie sont inadéquatement soulagés de leur douleur (Kalisch & Williams, 2009; Teike Lüthi, Gueniat, Nicolas, Thomas, & Ramelet, 2015). Selon Kane-Gill, Rubin, Smithburger, Buckley, and Dasta (2014), les incidents-accidents impliquant des opioïdes représentent 29% des complications survenant en centre hospitalier. Des usagers qui reçoivent des opioïdes, 0,5% à 1% expérimentent un épisode de dépression respiratoire pouvant mener au décès (Dahan et al., 2010; Jungquist, Pasero, et al., 2014; Kobelt, Burke, & Renker, 2014; Lee et al., 2015; Pasero, 2009b; Yung et al., 2017). De ces dépressions respiratoires, près de 50% sont liées à des doses d’opioïdes erronées, environ 29% sont liées à un manque de surveillance clinique et 11% à des doses trop importantes (Jungquist et al., 2016; Kobelt et al., 2014; Lee et al., 2015; Pasero, 2013; Yung et al., 2017). Plusieurs rapports de coroners ont d’ailleurs démontré l’existence d’une relation entre les décès liés aux opioïdes et une surveillance clinique inadéquate (Durand, Brodeur, & Thibault, 2009).

En 2006, le groupe de travail sur l’analyse de décès reliés à l’utilisation d’analgésiques opiacés du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a déposé un rapport recommandant l’adoption de protocoles de surveillance clinique lors d’administration d’opioïdes parentéraux. Pour se conformer à ces recommandations, les centres hospitaliers ont mis en place plusieurs mesures composées de lignes directrices, interventions organisationnelles, formations, formulaires de documentation, règles de soins et protocoles de surveillance infirmière (Yin, Tse, & Wong, 2015). Toutefois, une persistance des infirmières à ne pas exercer systématiquement la surveillance clinique est constatée (Jarzyna et al., 2011; Jungquist, Willens, Dunwoody, Klingman, & Polomano, 2014). Lee et al. (2015) ont démontré la fréquence de l’omission de prise de signes vitaux et d’évaluation auprès d’une clientèle chirurgicale. La majorité des usagers chez qui une dépression respiratoire s’est produite présentaient des signes cliniques évidents qu’une surveillance adéquate aurait pu discerner prouvant ainsi sa pertinence (Dunwoody & Jungquist, 2018).

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1.2 Facteurs de risque de dépression respiratoire

Des effets secondaires indésirables peuvent se produire chez tous les usagers. Les risques de sédation profonde et la dépression respiratoire, effets secondaires indésirables sévères des opioïdes, sont plus élevés lorsque l’usager présente des facteurs de risque de dépression respiratoire (Jarzyna et al., 2011; Jungquist, Card, Charchaflieb, Gali, & Yilmaz, 2018; Jungquist et al., 2011). Des facteurs peuvent favoriser l’apparition d’effets secondaires indésirables tels que le type d’opioïde administré, la dose, le mode d’administration, la durée du traitement, la concomitance avec d’autres médicaments qui potentialisent les effets secondaires des opioïdes et les facteurs de risque propres à la condition de santé de l’usager (Jarzyna et al., 2011; Jungquist et al., 2011). Lors de l’administration de médicaments à haut risque d’effets secondaires indésirables tels que les opioïdes, l’infirmière doit faire preuve de vigilance et de jugement clinique (Brady, Malone, & Fleming, 2009). Cette vigilance implique que l’infirmière doit prendre conscience des facteurs de risque de dépression respiratoire de l’usager (Dupont et al., 2015). Ces facteurs de risque sont :

• Âge (55 ans et plus) • Obésité

• Naïveté aux opioïdes

• Polypharmacie ou toxicomanie

• Consommation récente d’alcool ou drogue • Douleur intense qui cesse subitement

• Troubles respiratoires du sommeil (apnée du sommeil, apnée du sommeil obstructive) • Insuffisance hépatique ou rénale

• Maladie pulmonaire • Traumatisme crânien • Troubles neurologiques

• Prise de médication ayant un effet sur le système nerveux central (Dupont et al., 2015; Herzig, Rothberg, Cheung, Ngo, & Marcantonio, 2014; Jungquist, Willens, et al., 2014; Kane-Gill et al., 2014)

Considérant le volume de procédures et chirurgies effectuées quotidiennement impliquant une sédation-analgésie, les possibilités de complications sont nombreuses et justifient une surveillance clinique conforme adaptée à la situation

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clinique de la personne (Dupont et al., 2015; Kobelt et al., 2014; Pasero, 2010). Les usagers hospitalisés dans les unités de médecine et de chirurgie sont à risque de développer des effets secondaires indésirables allant jusqu’à la sédation profonde et la dépression respiratoire vu le taux d’administration d’opioïde auprès de cette clientèle (Jarzyna et al., 2011; Kobelt et al., 2014; Pasero, 2010).

1.3 Effets secondaires indésirables

Selon Kane-Gill et al. (2014), l’administration sécuritaire de la médication est actuellement l’enjeu le plus urgent à traiter pour le système de santé. Les usagers qui expérimentent les effets secondaires indésirables liés aux opioïdes, qu’ils soient de légers à sévères, présentent des temps de séjours hospitaliers allongés de 55% soit une moyenne de 3.3 jours de prolongation de séjour hospitalier, en plus, d’accuser fréquemment un retard de guérison (Beaudoin et al., 2015; Jungquist et al., 2016; Jungquist, Willens, et al., 2014; Kessler, Shah, Gruschkus, & Raju, 2013; Oderda, Gan, Johnson, & Robinson, 2013). La durée de séjour hospitalier augmente en moyenne de 7,57 jours si des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire ont été effectuées pour contrer une dépression respiratoire ou des effets secondaires sévères (Overdyk et al., 2016). Les dépenses excédentaires associées à ces complications représentent des sommes importantes pour le système de santé et augmentent les risques d’une réadmission hospitalière dans les 30 jours suivant l’événement ainsi que les risques de mortalité (Beaudoin et al., 2015; Jungquist et al., 2016; Oderda et al., 2013). Bien que certains effets secondaires indésirables ne puissent être prévenus, la surveillance clinique lors du pic d’action des opioïdes permet de les déceler et d’intervenir, le cas échéant, pour éviter une dégradation de l’état clinique de l’usager.

1.3.1 Effets secondaires indésirables mineurs et leur impact

Les effets secondaires indésirables mineurs des opioïdes sont multiples et fréquents. Les principaux sont: nausées, étourdissements, prurit ou rash cutané (Dahan et al., 2010; Daoust et al., 2015; Kane-Gill et al., 2014). Plus de la moitié des usagers sous thérapie opioïde expérimentent au moins un de ces effets secondaires et le quart des usagers sous thérapie opioïde expérimentent deux effets secondaires

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ou plus (Herzig et al., 2014; Jungquist et al., 2016; Kane-Gill et al., 2014; Pizzi et al., 2012). La nausée est l’effet secondaire mineur le plus fréquent chez les usagers (Pizzi et al., 2012). Bien que ces effets secondaires indésirables soient considérés mineurs, leur apparition contribue à l’augmentation du temps de séjour hospitalier (Oderda et al., 2003; Pizzi et al., 2012).

1.3.2 Effets secondaires indésirables modérés et leur impact;

Les effets secondaires indésirables modérés des opioïdes sont d’ordre physique et mental. Les principaux sont: vomissements, constipation, iléus, rétention urinaire, confusion, idées noires ou suicidaires (Dahan et al., 2010; Kane-Gill et al., 2014). Ces effets secondaires indésirables modérés touchent environ 13.6% des usagers (Herzig et al., 2014; Kane-Gill et al., 2014; Pizzi et al., 2012). Leur apparition peut mener à de complications graves tels que de la déshydratation, des arythmies cardiaques, une chirurgie intestinale et autre (Kane-Gill et al., 2014). Les complications qui résultent de l’apparition d’effets secondaires indésirables modérés augmentent la probabilité d’une réadmission hospitalière dans les 30 jours suivant le congé (Oderda et al., 2013).

1.3.3 Effets secondaires indésirables sévères et leur impact;

Les effets secondaires indésirables sévères des opioïdes sont la sédation, la narcose, la dépression respiratoire, l’arrêt cardiovasculaire et le décès (Dahan et al., 2010; Kobelt et al., 2014). Près de 1.2% des usagers recevant des opioïdes développent des effets secondaires indésirables sévères et 0.5 % expérimentent une dépression respiratoire potentiellement mortelle (Dahan et al., 2010; Jungquist et al., 2016; Kobelt et al., 2014; Oderda et al., 2013; Pasero, 2009b). La dépression respiratoire peut entrainer un arrêt cardiaque ou un arrêt cardiorespiratoire qui nécessitent des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire. Le taux de survie suite à des manœuvres de réanimation cardiaque, respiratoire ou cardiorespiratoire se situe à 42% (Overdyk et al., 2016). Jungquist et al. (2011) soulignent l’importance d’exercer la surveillance clinique liée aux opioïdes pour détecter les signes précurseurs de la narcose et la dépression respiratoire avant que l’usager ne se rendre à ce stade.

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1.4 Activités infirmières

La surveillance clinique lors du pic d’action des opioïdes est la pratique la plus efficace pour détecter l’apparition d’effets secondaires (Jarzyna et al., 2011). La surveillance clinique est une activité complexe, indissociable du rôle infirmier. Elle est facile à réaliser, n’est pas dispendieuse et prend peu de temps à effectuer (Pasero, 2009b). Afin d’encadrer la surveillance clinique liée aux opioïdes pour favoriser la sécurité des usagers, l’American Society of Anesthesiologists et l’American Society for Pain Management Nursing (ASPMN) ont publié des lignes directrices qui sont mondialement adoptées (Anesthesiologists, 2004, 2012; Jarzyna et al., 2011). Au Québec, l’Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec (OIIQ) (Dupont et al.) identifie la surveillance clinique des usagers recevant des opioïdes comme une priorité de soins. Pour soutenir les infirmières et contribuer au développement de leur jugement clinique, l’OIIQ a publié des articles et des lignes directrices visant à structurer la surveillance clinique lors de l’administration d’opioïdes (Dupont et al., 2015; Durand et al., 2009). Ces lignes directrices détaillent la surveillance clinique attendue, le rôle de chaque intervenant médical, le matériel de surveillance requis ainsi que les délais de surveillance à respecter. Les éléments à documenter sont énumérés précisément, et ce, pour toute la période périanalgésique. La publication des lignes directrices a mené à des interventions organisationnelles sous forme de formations, formulaires, règles de soins, guides de pratique et protocoles de surveillance (Dupont et al., 2015; Gelinas, 2016; Willens et al., 2013).

En vertu de leurs activités réservées, les infirmières sont responsables d’évaluer la condition physique et mentale des usagers et d’exercer une surveillance clinique de la condition des personnes dont l'état de santé présente des risques incluant le monitorage (Code de déontologie de l’OIIQ, 2018). Elles détiennent donc un rôle primordial dans la surveillance clinique liée aux opioïdes et la prévention de la dépression respiratoire (Pasero, 2010). Pour accomplir leur rôle, les infirmières se doivent de comprendre les risques associés aux opioïdes et respecter les lignes directrices en matière de surveillance clinique (Jungquist, Smith, Wiltse Nicely, &

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Polomano, 2017; Yin et al., 2015). L’ASPMN décrit le rôle infirmier en trois points: (1) identifier les usagers à risque de dépression respiratoire liée aux opioïdes, (2) initier un plan de soins qui intègre la surveillance clinique et le monitorage de l’usager et (3) intervenir pour prévenir la dégradation de l’état clinique de l’usager si apparition d’effets secondaires indésirables (Jarzyna et al., 2011).

Selon les lignes directrices de la sédation-analgésie de l’OIIQ, lors du pic d’action des opioïdes, l’infirmière doit évaluer et mesurer: (1) la pression artérielle, (2) le pouls, (3) la respiration et la perméabilité des voies aériennes, (4) la saturation capillaire en oxygène (SpO2), (5) le niveau de sédation en plus de l’état de conscience et (6) la douleur (Dupont et al., 2015). Chaque élément de la surveillance clinique lors du pic d’action de l’opioïde doit être analysé seul, car chacun réagit différemment à l’effet des opioïdes, puis évalué en relation avec les autres éléments de surveillance. Voici un aperçu des perturbations habituelles de chaque élément de la surveillance clinique suite à l’administration d’opioïdes :

La pression artérielle : une diminution de la pression artérielle de légère à modérée peut se produire, surtout si une hypertension liée à la douleur est présente avant l’administration (Jarzyna et al., 2011). La diminution de la pression artérielle peut se poursuivre légèrement dans les heures suivant le soulagement initial de la douleur, d’où l’importance de la mesurer suite à l’administration d’un opioïde (Manias & Bush, 1999). Il est donc important de disposer de mesures comparatives pré analgésie pour exercer une surveillance clinique rigoureuse. Cette diminution est considérée comme normale puisqu’elle est induite par la diminution de la réponse du système sympathique émise lors du soulagement de la douleur (Manias & Bush, 1999).

Le pouls : les opioïdes peuvent entrainer une bradycardie de légère à modérée qui se manifeste normalement de façon progressive suite la métabolisation de la molécule opioïde (Jarzyna et al., 2011). Tout comme pour la pression artérielle, il est important de disposer de mesures comparatives pour détecter une détérioration de l’état clinique de l’usager suivant l’administration d’un opioïde.

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Respiration et perméabilité des voies aériennes : il est important d’évaluer le rythme respiratoire, l’amplitude respiratoire, la fréquence de la respiration et la présence d’un ronflement (Pasero, 2009b). Ces éléments doivent être évalués avant de réveiller l’usager, afin d’éviter de le stimuler et fausser les données obtenues (Pasero, 2013). Advenant un ronflement, il faut procéder au repositionnement de l’usager et vérifier si le ronflement est cessé ou diminué. Le ronflement est un signe d’obstruction respiratoire non négligeable. Un historique de ronflement ne doit pas rassurer l’infirmière car, sans analgésie, les usagers se réveillent d’eux-mêmes lorsqu’ils ronflent ce qui diminue les périodes d’apnée. Or, un usager sous analgésie se réveillera difficilement ce qui augmente les risques d’apnée et de dépression respiratoire (Pasero, 2009b). Cet élément de surveillance est fréquemment négligé et n’est documenté qu’une fois sur deux dans les notes infirmières malgré son importance (Hogan, 2006).

La saturation en oxygène : la diminution de la saturation en oxygène est un signe d’hypoventilation essentiel à surveiller (Jarzyna et al., 2011). L’apport en oxygène (par exemple, via une lunette nasale ou un masque de ventilation) peut fausser à la hausse les chiffres obtenus et masquer le début d’une détérioration clinique (Jungquist et al., 2017). Lors de l’évaluation au chevet, l’infirmière doit être consciente que la saturation en oxygène d’un usager éveillé peut présenter une élévation de 6.5% comparativement à sa saturation lorsqu’il l’usager est seul et se repose (Jungquist et al., 2016). Cela s’explique par le fait que l’usager se force à prendre de grandes respirations lors de l’évaluation infirmière en plus d’être stimulé à demeurer éveillé (Jungquist et al., 2016). Le monitorage en continu de la saturation est controversé, et ne peut remplacer une observation directe de l’usager, car il ne permet pas de détecter l’obstruction des voies respiratoires supérieures par exemple la langue, des sécrétions ou autre (Dupont et al., 2015). Un constat semblable s’applique au lecteur de dioxyde de carbone télé-expiratoire (ETCO2) qui est dispendieux en plus d’être imprécis. En effet, le temps requis au ETCO2 pour se modifier lors de sédation excessive est long et variable selon les comorbidités de l’usager, surtout s’il est atteint d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (Jarzyna et al., 2011; Jungquist, Willens, et al., 2014).

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Niveau de sédation et l’état de conscience : Un usager sous analgésie doit s’éveiller lorsque l’infirmière entre dans la chambre, se tient à côté du lit ou lui touche (Pasero, 2009b). Si l’usager ne s’éveille pas, il est primordial de le réveiller afin d’évaluer son niveau de sédation. Un usager légèrement sédationné doit être capable de rester éveillé (Pasero, 2009a). Une sédation légère est possible et acceptable, surtout chez un usager naïf aux opioïdes (Jungquist et al., 2017). Plusieurs infirmières craignent de réveiller l’usager de peur de brimer son sommeil, or, un usager soulagé par l’opioïde va se rendormir facilement (Pasero, 2009b). Si l’usager ne se rendort pas, il faut considérer la possibilité que la dose d’opioïde ne soit pas optimale (Jarzyna et al., 2011). Le danger d’une sédation profonde est qu’elle évolue vers une obstruction des voies respiratoires, une hypercapnie, une perte de conscience puis une dépression respiratoire (Aubrun & Le Guen, 2009; Jarzyna et al., 2011; Kobelt et al., 2014). Jarzyna et al. (2011) et Jungquist et al. (2016) ont démontré que le nombre de dépressions respiratoires est plus élevé la nuit soit entre 23h00 et 07h00. Cela s’explique, en partie, par le fait que les infirmières ne réveillent pas les usagers pour les évaluer (Jarzyna et al., 2011). Puisque la sédation précède la dépression respiratoire, il est recommandé d’exercer une surveillance régulière pour prévenir une complication qui peut s’avérer mortelle (Dahan et al., 2010; Dupont et al., 2015; Jarzyna et al., 2011; RNAO, 2013; Smith, Farrington, & Matthews, 2014). L’échelle de sédation la plus fréquemment utilisée pour évaluer la sédation est celle de Pasero Opioid-induced Sedation Scale (POSS) (Kobelt et al., 2014; Pasero, 2009b). Le POSS se démarque par sa simplicité d’utilisation et son efficacité à prévenir la dépression respiratoire (Nisbet & Mooney-Cotter, 2009). Malgré l’existence d’échelle d’évaluation, Jungquist et al. (2016) ont démontré que le niveau de sédation n’a pas été documenté dans 60% des cas de dépressions respiratoires qu’ils ont étudiés.

Douleur et efficacité de l’analgésie : Les échelles d’évaluation de la douleur sont utilisées dans la majorité des centres hospitaliers (Pasero, 2009b). L’évaluation de la douleur peut être réalisée à l’aide de diverses échelles de douleur. La plus répandue auprès de la clientèle adulte est celle dite de «0 à 10» (Pasero, 2009b). L’usage d’une échelle standard d’évaluation de la douleur et de la sédation contribue à un suivi fiable et sécuritaire de l’usager tout en normalisant la terminologie

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employée par les infirmières (Nisbet & Mooney-Cotter, 2009). Selon Jungquist et al. (2017), inclure la surveillance associée aux opioïdes dans le plan de soins quotidien et informer d’avance les usagers qu’ils pourraient être réveillés durant leur sommeil augmentent la compliance à réaliser la surveillance clinique en plus de favoriser la collaboration des usagers. Échouer à contrôler la douleur d’un usager peut mener à une détérioration de sa santé physique, mentale et sociale (Pretorius, Searle, & Marshall, 2015). Cet échec peut mener à une augmentation de la thérapie analgésique qui accentue les risques de complications (Pretorius et al., 2015).

Une dépression respiratoire peut survenir jusqu’à élimination complète du médicament (Dupont et al., 2015). Elle se manifeste par une diminution de la fréquence respiratoire (plus petit que 8 ou 10 à la minute), une diminution de la SpO2 ou une élévation de la ETCO2 (Dupont et al., 2015; Jarzyna et al., 2011). La mesure de ses éléments doit être réalisée pendant l’évaluation de l’infirmière au chevet. Malheureusement, une absence de prise de signes vitaux atteignant parfois 40% a été démontré à plusieurs reprises (Beaumont, Luettel, & Thomson, 2008; Cardona-Morrell et al., 2016; Kalisch, 2006). La surveillance clinique est une activité indissociable du rôle infirmier qui implique d’être physiquement au chevet de l’usager et qui ne peut être remplacée par un monitorage à distance (Curry & Jungquist, 2014; Dupont et al., 2015; Durand et al., 2009; Jarzyna et al., 2011; Pasero, 2012). Lors de monitorage en continu, l’usager peut retirer son appareillage créant ainsi de nombreuses fausses alarmes qui vont contribuer à diminuer la vigilance des infirmières face aux alarmes, phénomène surnommé «fatigue des alarmes» (Curry & Jungquist, 2014). Cette fatigue des alarmes est en fait une désensibilisation aux alarmes entrainée par le volume d’alarmes erronées, manquées et l’incapacité des infirmières à répondre à toutes les alarmes (Voepel-Lewis et al., 2013). Il est peu probable que des infirmières soient toujours à proximité de la console de surveillance et disponible pour se déplacer pour valider la véracité de chaque alarme (Curry & Jungquist, 2014). Les infirmières s’habituent donc aux alarmes, notent la valeur affichée sur la console de monitorage sans procéder d’emblée à une évaluation clinique au chevet (Jarzyna et al., 2011; Jungquist, Willens, et al., 2014).

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Une surveillance clinique complète et documentée permet de prévenir des complications telle la sédation profonde et la dépression respiratoire chez l’usager en plus de maintenir et développer le jugement clinique chez l’infirmière (Jarzyna et al., 2011; Kobelt et al., 2014; Lee et al., 2015; Oderda et al., 2013; Tower & Chaboyer, 2014). Cependant, exercer la surveillance clinique demeure un défi quotidien pour les infirmières, seules intervenantes à assurer une présence et une continuité de soins 24 heures sur 24, dans le contexte de l’usager hospitalisé (Jarzyna et al., 2011; Pasero, 2009b, 2012). Malgré l’ensemble des interventions réalisées pour encadrer la pratique, interventions principalement de nature organisationnelle, la surveillance clinique liée aux opioïdes demeure déficiente (Jungquist, Pasero, et al., 2014).

Chapitre 2 : Revue des écrits

2.1 Facteurs liés aux opioïdes

La dose d’opioïde qui procure un soulagement de la douleur est voisine de la dose d’opioïde qui peut provoquer une dépression respiratoire (Aubrun & Le Guen, 2009). Peu importe le mode d’administration de l’opioïde, une surveillance clinique s’impose pour évaluer l’efficacité de la molécule et détecter l’apparition d’effets secondaires indésirables. Le moment où la surveillance doit être la plus rigoureuse est lors du pic d’action de la molécule (Pasero, 2009b). Les premières 24 heures suivant l’administration de la première dose constituent la période où la surveillance doit être la plus assidue puisqu’il a été démontré que 75 % des décès liés aux opioïdes et 84% des dépressions respiratoires réversibles se produisent durant cette période (Jarzyna et al., 2011; Lee et al., 2015; Pasero, 2009b; Smith et al., 2014). Les premières 12 heures suivant la chirurgie, de même que les premières deux heures suivant le transfert des soins intensifs vers les unités de soins sont aussi des périodes critiques (Jarzyna et al., 2011; Lee et al., 2015). Herzig et al. (2014) ont démontré que les centres hospitaliers où beaucoup d’opioïdes sont administrés affichent des statistiques plus élevées de complications sévères. Cela suggère qu’une administration régulière d’opioïdes ne diminue en rien les risques de

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complications (Herzig et al., 2014). Il est donc permis de supposer qu’une exposition fréquente des infirmières à des usagers recevant, ou non, des opioïdes influence leur surveillance clinique. Parmi les molécules impliquées dans les complications, les opioïdes sous-cutanés sont responsables de plusieurs épisodes de dépression respiratoire ayant, ou non, mené au décès (Aubrun & Le Guen, 2009; Beaudoin et al., 2015; Daoust et al., 2015).

Certaines voies d’administration incluant la voie intermittente sous-cutanée, intramusculaire ou intraveineuse par contrôle de l’usager via une pompe peuvent augmenter les risques de sédation (Nisbet & Mooney-Cotter, 2009). Les administrateurs doivent être conscients que les opioïdes administrés par voie sous-cutanée ou intramusculaire ont un pic d’action tardif comparativement aux autres voies d’administration (Dahan et al., 2010). Même lorsque les opioïdes sont prescrits adéquatement, certaines complications sont inévitables (Beaudoin et al., 2015). L’administration de plusieurs doses peut mener à une accumulation et favoriser l’apparition d’effets secondaires indésirables à des moments inattendus (Beaudoin et al., 2015). Outre le nombre de doses d’opioïdes, le type de chirurgie a une incidence sur le risque décès lié aux opioïdes (Oderda et al., 2003). Beaudoin et al. (2015) ont démontré que la majorité des dépressions respiratoires sont prévisibles et réversibles.

L’hydromorphone (Dilaudidmd) est la molécule la plus fréquemment impliquée dans

les cas de dépressions respiratoires, ayant mené ou non au décès, suivi par la morphine et du fentanyl (Beaudoin et al., 2015). Les auteurs avancent que le fait que l’hydromorphone soit administré en de plus petits volumes que la morphine diminue la vigilance à son égard et peut être impliqué dans les événements survenus. Chez un usager naïf sans tolérance croisée, une dose de 1mg d’hydromorphone équivaut à une dose de 6,7mg de morphine, puissance parfois sous-estimée par les infirmières (Dupont et al., 2015). Des 51 cas étudiés par Beaudoin et al. (2015), des manœuvres de réanimation ont été nécessaires pour 17 usagers et les opioïdes ont contribué au décès d’un usager.

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L’usage d’outils standardisés pour effectuer l’évaluation de la douleur et la surveillance clinique post-administration d’opioïdes facilite les décisions infirmières pour une administration sécuritaire des opioïdes. Il facilite aussi l’identification d’un changement de l’état clinique de l’usager, en plus d’offrir un langage standard pour communiquer avec les autres membres de l’équipe de soins (Kobelt et al., 2014; Soto & Yaldou, 2015; Tower & Chaboyer, 2014).

L’évaluation de l’infirmière étant primordiale dans l’administration sécuritaire des opioïdes, il importe de bien comprendre les enjeux et facteurs favorisant cette surveillance. Une revue des écrits a été effectuée pour identifier les facteurs déterminants de l’administration des médicaments, des actes manquants dans le processus de soins et des barrières rencontrées par les infirmières dans le cadre de leur travail.

2.2

Causes d’erreurs d’administration

Outre la molécule administrée et les facteurs de risque de l’usager, les erreurs d’administration sont en cause dans plusieurs événements indésirables (Brady et al., 2009). Les erreurs de médicaments ont été identifiées comme le type d’erreur le plus commun qui affecte la santé des usagers en plus d’être une cause commune isolée pouvant être prévenue (Brady et al., 2009).

Brady et al. (2009) identifie cinq causes d’erreurs d’administration : (1) barrières à dénoncer/rapporter, (2) dérogation aux procédures, (3) connaissances et compétences (savoir et aptitudes), (4) système de distribution des médicaments et (5) corrélation entre l’histoire médicale et la prescription (ex.: bilan comparatif des médicaments). Le processus de gestion de la douleur à l’aide d’opioïde est complexe. Une erreur peut se produire à plusieurs étapes de la prescription, la préparation et l’administration, ce qui justifie d’exercer la surveillance clinique adéquatement (Brady et al., 2009). Celle-ci est le seul moyen de détecter un changement clinique qui mène à découvrir l’erreur et intervenir pour la sécurité de l’usager.

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Pour sa part, Kalisch (2006) a étudié les causes pouvant expliquer pourquoi certains soins ou actions infirmières sont omis. Ses recherches ont identifié huit causes soit: (1) le manque de personnel, (2) l’usage pauvre des ressources en personnel, (3) le temps requis pour effectuer la tâche, (4) l’intervention, (5) le syndrome du ce n’est pas mon travail, (6) l’habitude (7) la délégation inefficiente et (8) le déni. Blackman et al. (2015) ont mené une recherche similaire portant sur les causes qui entrainent l’absence de prise d’actions par les infirmières. Leur recherche a identifié douze causes : (1) le lieu de travail, (2) l’horaire de travail, (3) la satisfaction au travail, (4) l’intention de poursuivre le même emploi, (5) le quart horaire de travail, (6) l’intensité de travail, (7) les problèmes de communication, (8) la satisfaction personnelle, (9) le travail d’équipe, (10) la charge de travail (11) la disponibilité du matériel et (12) nombre d’infirmière adéquat.

Les causes d’erreurs ou d’activités de soins manquantes identifiées par Brady et al. (2009) et Kalisch (2006) ont en commun d’être influencées par des facteurs intrinsèques et extrinsèques à l’infirmière. Une revue de littérature a permis de détailler ces facteurs intrinsèques et extrinsèques.

2.3 Facteurs intrinsèques

Divers facteurs intrinsèques à l’individu l’influencent à adopter un comportement. Ces facteurs intrinsèques se composent de croyances, de connaissances, de désirabilité sociale, de perception de contrôle, d’attitudes cognitives et affectives qui impactent directement sur l’intention d’adopter un comportement ou pas.

Certaines infirmières réfutent la possibilité de soulager en totalité la douleur, elles croient plutôt que la douleur s’inscrit dans le processus normal postopératoire (Dihle, Bjolseth, & Helseth, 2006; Twycross & Finley, 2014). Cette croyance est possiblement liée à une gêne à administrer des opioïdes de peur d’induire des effets secondaires (Dihle et al., 2006; Rejeh, Ahmadi, Mohammadi, Kazemnejad, & Anoosheh, 2009). Drayer, Henderson, and Reidenberg (1999) ont démontré que les infirmières semblent plus craintives à l’idée de créer une dépendance aux opioïdes chez l’usager que d’induire une dépression respiratoire. Or, les risques de

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développer une dépendance aux opioïdes sont inférieurs à ceux de développer des effets secondaires indésirables et quasi identiques à ceux de faire une dépression respiratoire sévère (Anesthesiologists, 2004; Drayer et al., 1999).

Le niveau de diplomation des infirmières influence les soins administrés car il a été démontré que les taux de complications et de décès dans une unité de soins diminuent lorsque le pourcentage d’infirmières possédant un diplôme universitaire augmente (Aiken et al., 2011). Outre la diplomation, la formation continue et les connaissances des infirmières influencent leur aptitude à effectuer la gestion de la douleur (Pretorius et al., 2015; Yin et al., 2015). Un manque de connaissances sur les opioïdes et leurs effets secondaires est fréquent chez les infirmières de tous âges (Albrecht, Cook, Riley, & Andreoni, 1992; Drayer et al., 1999; Jarzyna et al., 2011; Pretorius et al., 2015; Pud, 2004; Samuels & Fetzer, 2009a; Tower & Chaboyer, 2014; Yin et al., 2015). La moitié des infirmières identifient à tort la diminution de la fréquence respiratoire comme le signe précurseur d’une dépression respiratoire (Jungquist et al., 2017). Pour pallier ce manque de connaissances, des lignes directrices et des échelles d’évaluation ont été implantées. L’implantation de ces outils favorise l’intégration des facteurs de risque par les infirmières (Jungquist, Willens, et al., 2014). Environ 65% des infirmières rapportent que l’utilisation d’une échelle de sédation peut aider à identifier les effets secondaires indésirables liés aux opioïdes et que son utilisation est primordiale lors d’administration d’opioïdes (Jarzyna et al., 2011; Jungquist, Willens, et al., 2014; Pretorius et al., 2015; Willens et al., 2013). Cependant, 23% des infirmières mentionnent être devenues rébarbatives à administrer des opioïdes depuis la publication des lignes directrices qui ont intensifié la surveillance clinique requise de leur part (Jungquist, Willens, et al., 2014; Pretorius et al., 2015).

Le rapport entre expertise et connaissances versus la surveillance clinique post-analgésie est parfois inversement proportionnel (Samuels & Fetzer, 2009b). Certaines infirmières considèrent l’observation directe de l’usager comme une tâche facilement réalisable, mais non prioritaire, surtout s’il n’est pas attendu que l’état clinique de l’usager se détériore (Beaumont et al., 2008). En effet, certaines

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infirmières ne conceptualisent pas qu’un usager stable et en santé, puisque présenter des complications à bref intervalle (Beaumont et al., 2008). Dans ces circonstances, la gestion et l’évaluation de la douleur ne sont pas priorisées au plan de soins (Ene, Nordberg, Bergh, Johansson, & Sjostrom, 2008). Certaines études avancent une sous-estimation de l’importance d’exercer la surveillance clinique post-administration d’opioïdes chez certaines infirmières (Beaudoin et al., 2015; Blackman et al., 2015; Jarzyna et al., 2011; Kalisch & Williams, 2009; Tower & Chaboyer, 2014). En effet, seulement 66% des infirmières accordent de l’importance à la surveillance associée à l’administration d’opioïdes alors que 37% la voient comme une surcharge de travail (Jarzyna et al., 2011; Jungquist, Willens, et al., 2014; Pretorius et al., 2015).

2.4 Facteurs extrinsèques

Les facteurs extrinsèques, tout comme les facteurs intrinsèques, influencent l’intention de procéder à un comportement (Godin, 2002). Les facteurs extrinsèques sont externes à l’individu soit son environnement, les autres professionnels, les outils de travail, etc.

L’existence de diverses barrières rencontrées par les infirmières a été démontrée à maintes reprises. Les principales barrières évoquées sont le manque de temps et la surcharge de travail (Aiken et al., 2011; Albrecht et al., 1992; Drayer et al., 1999; Jarzyna et al., 2011; Pretorius et al., 2015; Roch, Dubois, & Clarke, 2014; Samuels & Fetzer, 2009a). La charge de travail est identifiée comme étant le facteur d’influence principal sur la pratique infirmière (Coker et al., 2010; Ene et al., 2008; Roch et al., 2014; Teike Lüthi et al., 2015; Yin et al., 2015). Le ratio de répartition d’usagers par infirmière impacte sur la fatigue physique et mentale des infirmières car il affecte la perception qu’elles ont de leur propre pratique ainsi que du degré d’épuisement émotionnel et physique dont elles souffrent (Halm et al., 2005). Il est démontré que le ratio d’usagers par infirmière a une incidence directe sur la surveillance clinique, les erreurs de médicaments et les probabilités de renverser une sédation profonde ou dépression respiratoire (Aiken, Clarke, Sloane, Lake, & Cheney, 2008; Brady et al., 2009; Halm et al., 2005; Jarzyna et al., 2011; Kalisch,

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Friese, Choi, & Rochman, 2011). Un environnement avec une charge de travail élevée, qui expose les infirmières à un risque d’épuisement, les prive du temps requis à une analyse critique de leur environnement ou d’effectuer des vérifications d’usage permettant de déceler une erreur (Halbesleben, Wakefield, Wakefield, & Cooper, 2008). Curry and Jungquist (2014) soulignent d’ailleurs qu’un manque de répartition optimale de la charge de travail dans les unités de chirurgie limite la détection d’événements indésirables. En milieu hospitalier, les probabilités d’échec à réanimer et de la mortalité inattendue chez la clientèle de chirurgie augmentent de 7% pour chaque usager excédentaire à la charge de l’infirmière (Halm et al., 2005). Une charge de travail de 4 à 6 usagers par infirmière entraine une augmentation des risques de mortalité de 14% contre 31% lors d’une charge de travail 6 à 8 usagers par infirmière (Halm et al., 2005).

Un employé surchargé ou épuisé a tendance à se dissocier de son travail et par le fait même, des usagers et de leur bien-être (Halbesleben et al., 2008). Bergman (2012) a démontré que le sentiment d’oppression des infirmières à devoir effectuer des tâches cléricales, administratives ou non reliées à l’usager les amène à négliger des tâches liées à l’usager telles l’évaluation et la surveillance des usagers. Une charge de travail élevée amène les infirmières à favoriser les actions et interventions qui demandent peu de temps, peu de déplacements ou les tâches qu’elles considèrent personnellement essentielles (Halbesleben et al., 2008; Kalisch, 2006). Il est démontré qui démontré que l’emplacement de la chambre de l’usager sur l’unité de soins influence la surveillance clinique dont il fait l’objet (Kalisch, 2006). Kalisch (2006) rapporte l’existence de déni chez les infirmières ainsi qu’un détachement à faire certaines tâches. Lorsqu’une tâche n’a pas été effectuée et qu’aucune conséquence grave s’en suit, il est probable que le manquement se répète les jours suivants et devienne progressivement une habitude (Kalisch, 2006). Le niveau d’activités sur les unités de soins, les multiples interruptions et distractions ainsi que la difficulté à garder l'accent sur les priorités de soins représentent des obstacles à l’administration sécuritaire des médicaments (Brady et al., 2009). Par exemple, effectuer la double vérification de l’identité des usagers lors de l’administration d’opioïdes (Halbesleben et al., 2008). Le risque d’erreur augmente

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chez les infirmières qui travaillent plus 12 heures d’affilée, plus de 40 heures par semaine ou qui font du temps supplémentaire (Brady et al., 2009).

La documentation infirmière est un autre facteur extrinsèque qui influence les comportements des infirmières. Plusieurs études démontrent l’existence d’un lien entre la prévalence et la précision de l’évaluation infirmière versus la prise de décision d’action et la qualité de la documentation infirmière (Paans, Nieweg, van der Schans, & Sermeus, 2011). Les multiples interruptions, le manque de formation sur l’entrée de documentation pertinente, le manque de motivation ainsi que la peur de rétroaction négative des collègues face aux informations documentées expliquent en partie le manque de documentation (Paans et al., 2011). La documentation liée à l’administration et la surveillance d’opioïdes est souvent incomplète ou absente ce qui complique le suivi (Beaudoin et al., 2015; DeRemer et al., 2011; Jarzyna et al., 2011; Paans et al., 2010). Beaumont et al. (2008) et Cardona-Morrell et al. (2016) rapportent un manque d’observations infirmières à la suite de l’analyse des notes au dossier les heures ou les jours précédents le décès des usagers. Ce manque est doublé d’un manque de lien clinique menant à un manque d’interventions pour pallier à la situation (Beaumont et al., 2008). Une documentation inadéquate de la surveillance effectuée entraine une diminution de la vigilance infirmière et diminue les probabilités d’anticiper une complication (Beaumont et al., 2008; DeRemer et al., 2011; Hogan, 2006; Pasero, 2009b; Tower & Chaboyer, 2014). Le processus décisionnel de l’infirmière est affecté par la routine du département, la charge de travail, les multiples interruptions, la pression de réaliser les tâches dans un temps précis, les ordonnances des médecins, les politiques et protocoles à initier, les conflits avec ses valeurs personnelles et l’obligation de connaitre l’usager ainsi que son historique (Paans et al., 2011).

La communication entre les infirmières joue aussi un rôle important dans la surveillance clinique des usagers et leur sécurité (Kobelt et al., 2014). L’utilisation d’une terminologie différente par les intervenants pour décrire les effets secondaires et la sédation affecte la sécurité des usagers (Kobelt et al., 2014). Un manque de communication entre les infirmières, mais aussi avec le personnel médical est

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prédominant (Beaudoin et al., 2015; Beaumont et al., 2008; Ebright, Urden, Patterson, & Chalki, 2004).

Le travail d’équipe figure parmi les facteurs extrinsèques qui affectent l’exécution des soins. Un manque de travail d’équipe ou une équipe de travail inconnue entraine un support limité ou absent pour certaines infirmières ce qui a une incidence sur les détériorations cliniques des usagers (Beaumont et al., 2008; Blackman et al., 2015; Ebright et al., 2004). Certaines infirmières novices déclarent ressentir de la pression de leurs pairs à réaliser leurs tournées de soins dans un horaire préétabli ce qui a entrainé des erreurs ou un manque de surveillance (Ebright et al., 2004; Yin et al., 2015). Le climat de travail favorise une élévation de la qualité des soins ou, au contraire, une diminution de la qualité des soins socialement acceptée dans par le groupe (Beaumont et al., 2008). Beaumont et al. (2008) avancent que certains groupes ou climats de travail rendent acceptable le fait de ne pas suivre des politiques ou procédures établies ce qui peut entrainer un manque de surveillance clinique (Blackman et al., 2015; Kalisch, 2006). Une diminution du sens moral de l’équipe soignante s’ensuit et entraine de l’irrespect entre collègues (Beaumont et al., 2008).

Le recours à des pratiques locales plutôt qu’à des lignes directrices est possiblement lié à un manque de connaissances, l’absence ou l’inaccessibilité d’outil standard pour l’évaluation (Kobelt et al., 2014). Cette théorie a déjà été mentionnée par Paans, Sermeus, Nieweg, Krijnen, and van der Schans (2012) qui se questionnent à savoir s’il est possible que les infirmières aient plus facilement recours au savoir local en l’absence ou inaccessibilité d’outils de référence pour l’évaluation de la douleur. Pour pallier ce manque, les infirmières développent des techniques personnelles d’évaluation et de gestion de la douleur basées sur les pratiques locales de leur milieu de travail (Ene et al., 2008). Une pression sociale à se conformer aux pratiques locales plutôt que se référer à son savoir ou aux lignes directrices sévit d’ailleurs dans certains milieux (Dihle et al., 2006; Yin et al., 2015). Pretorius et al. (2015) mentionnent que le manque de support de l’organisation affecte les compétences éthiques des infirmières. Cette situation peut affecter la

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sécurité des usagers (Kobelt et al., 2014). Pour pallier ces situations, la présence d’une conseillère spécialisée en douleur favorise les bonnes pratiques des équipes (Jungquist, Willens, et al., 2014). Les éléments essentiels pour travailler selon les bonnes pratiques sont l’harmonie, la collaboration et la clarté des rôles de chacun au sein de équipe (Kalisch et al., 2011; Roch et al., 2014).

Dans un tel contexte, il est possible de supposer qu’il existe, au-delà d’éléments organisationnels, certains déterminants d’intention individuels pouvant influencer les infirmières à exercer une surveillance clinique adaptée à la situation clinique de la personne suivant l’administration d’un opioïde sous-cutané. Plusieurs études se sont intéressées à la documentation relative à la douleur ainsi qu’aux divers outils existants pour l’évaluation de la douleur, mais très peu à l’indice motivationnel des infirmières à exercer la surveillance clinique lors du pic d’action des opioïdes ni aux déterminants qui l’influence. Ces déterminants se rapportent aux variables et construits de plusieurs théories psychosociales pour expliquer ou prédire un comportement.

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Chapitre 3 : Cadre théorique

Dans le cadre de cette étude corrélationnelle prédictive, l’intention d’exercer la surveillance clinique lors du pic d’action des opioïdes est étudiée sous l’angle d’un comportement de santé puisqu’elle s’inscrit dans la lignée des bonnes pratiques de soins (Dupont et al., 2015; Jarzyna et al., 2011). L’intention d’adopter un comportement est influencée par différentes variables, intrinsèques et extrinsèques. Au cours du chapitre précédent, les facteurs intrinsèques et extrinsèques qui influencent l’accomplissement des tâches et le travail des infirmières ont été abordés. Ces facteurs se rapportent aux connaissances, aux attitudes affectives et cognitives, au groupe de travail, à la culture du milieu, aux pratiques locales, aux barrières rencontrées, à l’environnement de travail, au contrôle perçu ainsi qu’à l’intention. Ces facteurs s’apparentent aux variables de la théorie du comportement planifié (TCP), une théorie de prédiction du changement de comportement, sélectionnée à cet effet comme cadre théorique pour cette étude.

3.1

Théorie du comportement planifié

La théorie du comportement planifié est une extension de la théorie de l’action raisonnée (TAR), toutes deux inscrites dans la lignée des théories de prédiction du changement de comportement. Introduite par Fishbein et Ajzen en 1980, la TAR affirme que l’adoption d’un comportement est directement déterminée par la motivation (ou l’intention) d’effectuer ce comportement (Armitage & Conner, 2001; Godin, 2002). L’intention étant elle-même influencée par les attitudes cognitives et affectives de l’individu ainsi que les normes sociales auxquelles l’individu est exposé (Armitage & Conner, 2001; Godin, 2002). Bien que la TAR aille démontré sa pertinence lors de plusieurs études, elle présente certaines lacunes à prédire un comportement lorsque celui-ci est soumis à certaines contraintes externes ou qu’il n’est pas entièrement volitif (Armitage & Conner, 2001; Godin, 2002). Pour pallier à ces lacunes, Ajzen a intégré la notion de perception de contrôle à la TAR ce qui mena à l’obtention de la TCP (Armitage & Conner, 2001; Godin, 2002).

(34)

La TCP propose que la perception de contrôle ressentie par un individu, en interaction avec l’intention, influence la réalisation du comportement et permet de prédire l’accomplissement de ce comportement par l’individu (Armitage & Conner, 2001; Godin, 2002). La perception de contrôle, une variable qui s’apparente au concept d’auto-efficacité de Bandura (1982), se rapporte à la perception de contrôle ressentie par l’individu pour accomplir le comportement (Godin, 2002). De manière similaire à la TAR, la TCP considère que l’intention est influencée par les attitudes cognitives et affectives ainsi que les normes sociales (Armitage & Conner, 2001; Godin, 2002). Toujours selon la TCP, les variables externes influencent indirectement le comportement, car elles influencent le comportement les autres variables de la théorie qui influencent à leur tour le comportement (Ajzen, 1991; Godin, 2002).

La TAR et la TCP ont été utilisées à maintes reprises lors d’études de prédiction de comportement dans le domaine de la santé (Godin, Belanger-Gravel, Eccles, & Grimshaw, 2008). Godin et al. (2008) ont démontré grâce à une revue systématique que la TCP est la théorie appropriée pour expliquer ou prédire un comportement chez les professionnels de la santé. Dans son intégralité, la TCP implique la mesure de 11 variables: l'intention, le comportement, l'attitude envers le comportement, la norme subjective, la perception du contrôle, les croyances comportementales, l'évaluation des croyances comportementales, les croyances normatives, la motivation à se conformer, les croyances liées au contrôle et l'évaluation de l'intensité avec laquelle les croyances liées au contrôle peuvent faciliter ou nuire à l'adoption du comportement (Gagné & Godin, 1999). Pour augmenter l’exactitude de la prédiction du comportement, l’action, l'objet, le contexte et le moment doivent être établis avec précision (Ajzen, 1980). L’efficacité de la prédiction de l’intention ou de la réalisation du comportement est aussi dépendante de la justesse de la méthode utilisée. Le recours à une théorie qui permet l’ajout de construits lorsque pertinent pour personnaliser la théorie en fonction du comportement est donc justifié pour garantir la justesse de la précision de l’intention (Ajzen, 1991; Godin et al., 2008).

(35)

3.2 Modèle intégrateur de Godin (2002)

Ce modèle propose que l’intention d’effectuer un comportement peut être prédite par trois regroupements de construits et des variables externes (Godin, 2002). Ces regroupements de construits sont les normes perçues (norme morale, norme sociale, norme descriptive et injonctive), la perception de contrôle (contrôle perçu, barrières et facteurs facilitants) et les attitudes (cognitives et affectives) (Godin, 2002). Des variables externes, qui regroupent les caractéristiques individuelles et environnementales influencent les trois regroupements de construits. Le modèle intégrateur de Godin permet, au besoin, l’ajout de construits pour augmenter sa précision. Dans le cadre de cette étude, considérant le caractère normatif de la surveillance clinique ainsi que les conséquences graves que peut entrainer un manque de surveillance clinique, la norme professionnelle et le regret anticipé ont été ajoutés en tant que construits au modèle (Godin, 2002). De plus, le comportement ne sera pas mesuré car cette étude vise à identifier les déterminants de l’intention d’effectuer le comportement et non le comportement en lui-même.

La figure 1 schématise le modèle intégrateur de Godin, incluant les ajouts de la norme professionnelle et du regret anticipé ainsi que le retrait du comportement puisque cette étude portait sur l’intention d’effectuer un comportement et non le comportement en soi.

Figure 1. Schématisation du modèle adapté de Godin (2002)

Norme

professionnelle Normes perçues

• Norme subjective • Norme morale

• Norme descriptive et injonctive

Perception de contrôle • Contrôle perçu • Barrières • Facteurs facilitants Variables externes • Caractéristiques individuelles • Caractéristiques environnementales INTENTION Regret anticipé Attitudes • Dimension cognitive

(36)

3.2.1 Composantes du modèle intégrateur de Godin (2002)

Les composantes du modèle intégrateur de Godin (2002) sont les normes perçues (norme morale, norme sociale, norme descriptive et injonctive), la perception de contrôle (contrôle perçu, barrières et facteurs facilitants) et les attitudes (cognitives et affectives).

L’intention réfère à l’intention qu’à l’individu de procéder au comportement de santé (Godin, 2002). Il s’agit de la composante centrale de la théorie qui est influencée par les autres composantes (Godin, 2002). Pour sa part, la perception de contrôle influence l’intention, mais aussi le comportement (Armitage & Conner, 2001). Les normes subjectives réfèrent à la norme sociale soit l’influence de l’entourage de l’individu à performer un comportement (Godin, 2002). La perception qu’à l’individu de l’opinion de son entourage peut encourager ou décourager la réalisation du comportement (Godin, 2002). Les normes normatives incluent les normes comportementales et morales (Godin, 2002). Elles font aussi partie des normes subjectives et référent à la motivation de se conformer à l’opinion des autres (Godin, 2002). Les attitudes regroupent les attitudes cognitives et affectives. Giner-Sorolla (2001) définit les attitudes affectives comme des émotions conscientes agréables (qui mènent à une émotion positive telle la satisfaction ou la fierté) ou des émotions désagréables (qui mènent à une émotion négative tel le stress ou la honte). L’existence d’émotions agréables est impliquée dans la réalisation de certains comportements de santé lorsque celui-ci procure une satisfaction immédiate (Conner, McEachan, Taylor, O'Hara, & Lawton, 2015). Les variables externes se composent des caractéristiques de l’environnement de l’individu et se rapportent au matériel, à l’environnement de travail, etc. (Godin, 2002 ). Une revue systématique réalisée par Godin et al. (2008) a démontré que l’intention et la perception de contrôle sont les facteurs cognitifs les plus prédictifs du comportement. Les autres variables influencent le comportement, mais de façon moins significative (Godin et al., 2008).

Figure

Figure 1. Schématisation du modèle adapté de Godin (2002)
Tableau 1 : Croyances saillantes  Croyances saillantes
Figure 1. Schématisation adaptée du modèle intégrateur de Godin (2002)

Références

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