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La contribution des émotions de l'enfant et de la sensibilité maternelle dans la relation d'attachement

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Academic year: 2021

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© Elsa Tremblay, 2021

La contribution des émotions de l’enfant et de la

sensibilité maternelle dans la relation d'attachement

Mémoire

Elsa Tremblay

Maîtrise en psychologie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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Résumé

Avant l’apparition du langage, les nourrissons dépendent fortement de la capacité de leur parent à percevoir, interpréter et répondre à leurs signaux de communication. À cet effet, les manifestations émotionnelles constituent un canal essentiel pour la transmission de signaux permettant au parent de cerner les besoins, les émotions et d’y répondre adéquatement. Ces expressions impliquent souvent des signes de joie, d’intérêt, de colère, de peur ou de tristesse. Les expressions faciales sont également empruntées par le parent pour refléter les états émotionnels du nourrisson, ce qui est essentiel pour la différenciation, la compréhension et la régulation des émotions chez le nourrisson.

Pour plusieurs théoriciens, ces aspects développementaux se manifestent dans un premier temps dans le cadre de la relation d’attachement qui se tisse entre le parent et l’enfant. Les réponses parentales aux manifestations émotionnelles incarnent le concept de la sensibilité maternelle qui contribue de manière importante au développement de ce premier lien. Or, très peu d’études ont porté un regard impliquant les manifestations émotionnelles et la sensibilité maternelle dans le développement de l’attachement. L’objectif principal de ce mémoire de maîtrise est de documenter le lien entre les manifestations émotionnelles de l’enfant et de la sensibilité maternelle dans le développement de la relation d’attachement. Au total, 80 dyades mère-enfant ont été évaluées dans le cadre d’une étude longitudinale, les interactions quotidiennes, les modèles de manifestations émotionnelles de l’enfant et le développement de l’attachement ont été observés lorsque l’enfant était âgé de 4 à 16 mois. Des corrélations et des analyses factorielles avec rotation varimax ont été effectuées afin de distinguer les grands patrons de réponses émotionnelles qui se dégagent des deux tâches. Les résultats ne montrent, de manière surprenante, aucune corrélation entre les émotions des nourrissons et la sensibilité maternelle. Également, aucun lien n’a pu être établi entre le développement émotionnel de l’enfant et les processus d’attachement.

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Introduction ... 1

Chapitre 1 - Cadre théorique et empirique ... 4

Les processus d’attachement :les interactions parent-enfant et la sensibilité maternelle 4 L’attachement et le développement émotionnel ... 7

La sensibilité maternelle ... 10

Les émotions chez le nourrisson ... 12

Les manifestations émotionnelles ... 16

Attachement et manifestations émotionnelles ... 19

Limites des études répertoriées ... 21

Chapitre 2 - Objectifs et hypothèses ... 23

Chapitre 3 – Méthodologie ... 24

Chapitre 4 - Résultats ... 30

Chapitre 5 – Discussion ... 33

Points forts et limites ... 39

Conclusion ... 41 Références ... 42 Tableau 1 ... 58 Tableau 2 ... 59 Tableau 3 ... 60 Tableau 4 ... 61 Tableau 5 ... 62 Tableau 6 ... 63 Tableau 7 ... 64 Tableau 8 ... 65 Annexe A ... 66 Annexe B ... 67 Annexe C ... 68 Annexe D ... 71

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Remerciement

Ce mémoire de maîtrise marque la fin de mon passage au 2e cycle et l’arrivée de nouveaux défis. Avant d’entreprendre une nouvelle aventure, c’est l’occasion pour moi de remercier plusieurs personnes sans qui cet accomplissement n’aurait pu être possible.

Je tiens d’abord à remercier mon directeur, George Tarabulsy, de m’avoir si bien accueillie au sein du laboratoire GénérationS, j’ai eu l’opportunité de faire partie d’une grande famille remplie d’étudiants déterminés entourés de projets captivants. Un milieu de recherche enrichissant, passionnant et vivant qui m’a permis d’approfondir mes connaissances et de découvrir mes intérêts de recherche. À titre de directeur de recherche, Monsieur Tarabusly a su m’accompagner, me guider, m’encourager et me soutenir à travers l’ensemble de mon parcours universitaire. Je vous remercie pour votre confiance, dévouement, disponibilité et votre écoute lors de chacune des étapes de mon cheminement. En considérant mes interprétations et en consolidant mes réflexions, vous avez su faire grandir mon attachement envers le développement de l’enfant.

Je souhaite remercier ma famille et mes amis de s’être intéressés de près ou de loin à mon projet. Un merci spécial à ma maman qui a su me rassurer, me motiver, m’épauler et me soutenir pendant l’entièreté de mon cheminement scolaire. Je remercie également madame Claire Baudry et madame Jessica Pearson qui ont su m’inspirer et croire en moi, votre intérêt et vos conseils ont motivé et enrichie l’objectif derrière toutes ces heures de travail.

Ensuite, je remercie le Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles (CRUJeF) pour leur soutien financier lors de mon parcours au 2e cycle. Merci de reconnaître la contribution sociale et scientifique du travail des étudiants !

Finalement, je tiens à remercier toutes les familles qui ont offert de leur temps au cours de ce programme de recherche permettant de recueillir de précieuses informations.

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1 Introduction

La recherche sur le développement de l’enfant démontre l’importance de la régulation des émotions pour le développement de l’enfant (Lewis, 2011). Un développement émotionnel harmonieux dispose les enfants à être plus attentifs, à adopter des comportements empathiques, à exprimer des émotions adaptées dans un contexte donné, à emprunter des stratégies adaptatives pour contrer les émotions négatives et à réduire la présence de facteurs de risque lié à la psychopathologie (Lewis, 2011). La régulation émotionnelle concerne cette capacité chez l’enfant de manifester un niveau et une qualité émotionnelle cohérente avec les besoins qui se présente dans son environnement (Thompson, 1994). En fait, dès un très jeune âge, les enfants sont en mesure d’éprouver une multitude d’émotions dites primaires telles que la peur, la colère, la tristesse, l’intérêt et la joie (Lewis, 2011). Pour plusieurs chercheurs, ces compétences de régulation émotionnelle sont, en partie, apprises dans le cadre du premier lien avec le parent qui commence à se développer dès la naissance. Dans ce contexte, il est important de souligner que plusieurs recherches démontrent que la qualité des interactions parent-enfant au cours de la petite enfance a une influence importante sur le développement de la relation d'attachement (Bakermans-Kranenburg et al., 2003; Biro et al., 2015 ; De Wolff & van IJzendoorn, 1997) et que la sécurité expérimentée dans cette relation a un impact sur les compétences de régulation des émotions pouvant se manifester dans le cadre de ce lien ou dans d’autres contextes (Fearon et al., 2010; Groh et al., 2012 ; Sroufe et al., 2005).

Ces travaux sont à la base d’une hypothèse importante voulant que la mesure précise de l’organisation émotionnelle de l’enfant, surtout en début de vie, peut nous donner un aperçu de la trajectoire développementale sur laquelle s’engage ce dernier (Broidy et al., 2003 ; Sroufe et al., 2005). L'approche fonctionnaliste conçoit l’émotion comme un processus relationnel découlant de transactions significatives entre l’individu et l’environnement (Soussignan & Schaal, 2005). Dans ce contexte, les méthodes utilisées pour identifier les émotions manifestées par les nourrissons sont des tâches qui suscitent de la frustration et de la méfiance chez l’enfant (Kim et al., 2014). Celles-ci permettent d’observer les stratégies de régulation des nourrissons au cours de tâches qui devrait générer une réponse émotionnelle spécifique.

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Le but de ce projet est d’examiner la manière dont les manifestations émotionnelles des enfants durant la période du nourrisson et la sensibilité maternelle sont associées ensemble et comment les deux prédisent l’attachement à 16 mois. Une récente méta-analyse de Cooke et al. (2019), démontre comment l'attachement est lié aux expériences affectives et à la régulation des émotions tout au long du développement. Lors de leur étude, ils ont établi une distinction entre les émotions négatives et positives et ont pu constater que les enfants avec un attachement sécure1 avaient une meilleure habilité à réguler leurs émotions, vivaient moins d’émotions négatives en plus d’utiliser plus souvent des stratégies d’adaptation de soutien social, surtout en se référant à leur parent, comparativement aux enfants avec un attachement insécure qui éprouvaient davantage d’émotions négatives, avaient plus de difficulté à réguler leurs émotions et avaient moins tendance à se référer à leur parent. En effet, la littérature sur l’attachement et les émotions de l’enfant a démontré l’influence de l’attachement sur la régulation des émotions, plus particulièrement face aux émotions négatives, et l’importance de la compréhension des émotions et des stratégies de soutien social (Brumariu, 2015 ; Waters et al., 2010). Cependant, les études incluses dans cette méta-analyse portent surtout sur des liens concurrents ou prédictifs entre l’attachement et la régulation des émotions. Très peu d’études ont examiné si et comment les émotions des enfants en bas âge sont associées à l’émergence de l’attachement, en tenant compte de la sensibilité manifestée par les parents lors d’interactions quotidiennes avec leur enfant. C’est l’objectif de l’étude actuelle. Deux tâches suscitant des émotions négatives (la tâche de limitation et la tâche de nouveauté) ont été administrées pour générer respectivement de la frustration et de la méfiance chez l’enfant, des observations au domicile des familles sont réalisées afin de déterminer le niveau de sensibilité maternelle dans le cadre d’interactions quotidiennes et des rencontres de laboratoire sont également réalisées afin d’évaluer la sécurité d’attachement chez l’enfant. L’étude actuelle se réalise auprès de participants pouvant être considérés comme étant à risque sur le plan social, soit de jeunes enfants de mères peu scolarisées, âgées de moins de 24 ans.

Le présent projet de mémoire est divisé en six sections. La première section comprend une recension de la littérature portant sur les émotions négatives et sur l’attachement parent-enfant. Dans cette section, les liens entre l’attachement, la sensibilité maternelle, les émotions chez le

1 Les termes « sécure », « insécure-évitant » et « insécure-ambivalent » représentant les patrons d’attachement, ont

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nourrisson ainsi que l’attachement et les manifestations émotionnelles sont abordés. La seconde section expose les limites conceptuelles et méthodologiques rencontrées. La troisième partie fait état des objectifs de l’étude. La quatrième section porte sur la méthodologie utilisée pour réaliser ce projet. La cinquième section consiste à rapporter les analyses et les résultats de cette étude. Enfin, sixièmement, une discussion des principaux résultats est proposée.

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Chapitre 1 - Cadre théorique et empirique

Les processus d’attachement : les interactions parent-enfant et la sensibilité maternelle Depuis les 50 dernières années, le domaine de l’attachement parent-enfant est devenu parmi les concepts les mieux documentés de la science du développement social et émotionnel de l’enfant (Lemelin et al., 2012). À la base, Bowlby (1969), cherchait à démontrer que la relation qui s’établit entre l’enfant et ses donneurs de soins principaux constitue un mécanisme visant à assurer la survie et le développement de l’adaptation de l’enfant. Ces énoncés de Bowlby dans lesquels on postulait un rôle crucial aux liens parent-enfant s’établissaient dans le cadre d’un contexte scientifique dominé par les approches béhavioristes et psychanalytiques, dans lesquels ces liens étaient perçus comme étant moins importants (Lamb et al., 2013). Pour Bowlby, l’attachement parent-enfant impliquait les processus essentiels à la base de nombreux autres aspects du développement social et émotionnel de l’enfant.

En effet, dans la mesure où l’attachement est évalué comme étant sécurisant pour l’enfant, il favorise l’émergence d’un développement harmonieux à moyen et long terme. Inspirée par les travaux de Bowlby, Mary Ainsworth (1967) s’est dédié à l’observation des interactions parent-enfant dans différents contextes naturels et de laboratoire. Ses travaux ont donné lieu à la description de trois catégories distinctes d’attachement reflétant l’histoire des interactions entre enfant et parent ; l’attachement sécure, l’attachement évitant et l’attachement insécure-ambivalent (Ainsworth et al., 1978). L’attachement sécure se développe dans le cadre d’interactions impliquant un parent qui répond de manière sensible, prévisible et cohérente aux signaux, aux émotions et aux besoins que l’enfant manifeste. Le parent interprète correctement les signaux de l’enfant et y répond de manière prompte et appropriée dans le cadre d’interactions quotidiennes et lorsque l’enfant manifeste des besoins ou de la détresse. L’attachement insécure-évitant se développe dans le cadre d’interactions impliquant un parent qui peut ne pas percevoir les signaux et émotions de son enfant. Parfois, le parent peut rejeter les manifestations émotionnelles de l’enfant, valorisant davantage la compétence et l’autonomie chez ce dernier (Pederson & Moran, 1996). Dans cette perspective, sur le plan théorique, on présume que l’enfant expérimente ces comportements comme étant une forme de rejet de la part du parent de ses demandes d’affection ou de ses manifestations émotionnelles. Parfois, le parent est intrusif,

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semblant ne pas se préoccuper de l’intérêt de l’enfant et imposant un rythme et un contenu inapproprié aux interactions avec son enfant. Dans de telles relations, l’enfant apprend à ne pas rechercher le contact et la proximité physique avec le parent et l’enfant assimile rapidement qu’il doit gérer ses enjeux émotionnels en faisant le moins souvent référence à sa figure d’attachement (Pederson et al., 2014). Une certaine inhibition du système d’attachement est ainsi décelée chez le nourrisson. Le modèle insécure-ambivalent se développe dans le cadre d’interactions impliquant un parent qui répond de manière imprévisible aux signaux de l’enfant et de façon à accentuer les manifestations émotionnelles. En fait, bien que le parent puisse manifester des réponses appropriées, elles sont souvent imprévisibles. Cette imprévisibilité cause chez l’enfant le besoin d’augmenter ses manifestations. Dans un tel contexte, le parent ne répond qu’à des manifestations émotionnelles fréquentes ou continues à travers le temps (Pederson & Moran, 1995 ; 1996). Ces trois catégories d’attachement étaient à la base de la majorité des travaux jusqu’au milieu des années 1990.

Quelques années plus tard, s’est ajoutée la notion de l’attachement désorganisé (Main & Solomon, 1986). L’attachement désorganisé évoque plusieurs constats. Selon les premières descriptions du phénomène (Main & Solomon, 1986 ;1990) et d’un point de vue développemental, la désorganisation se réfère au fait que l’enfant a peur du parent. Que ce soit pour des raisons de maltraitance (Lyons-Ruth & Jacovitz, 2008 ; Savage et al., 2019) ou par le fait d’avoir une approche plus mésadaptée, le parent qui devrait être une source de réconfort est plutôt associé à l’origine de la peur et amène l’enfant à devoir gérer cette peur. La détresse de l’enfant se manifeste dans les interactions par des comportements incomplets (des approches du parent interrompues), une désorientation face au parent, ou encore l’adoption de stratégie d’attachement contradictoire (par exemple, une manifestation d’évitement du parent, tout en tendant les bras ; Main & Solomon, 1990). À la base de ces comportements inusités, on présume un certain niveau de peur ou de crainte chez l’enfant qui s’expérimente dans le cadre des interactions quotidiennes.

La principale procédure pour évaluer l’attachement est la Situation étrangère (SE) développée par Mary Ainsworth suite à ses nombreuses observations en milieu naturel (Ainsworth, 1967) et en laboratoire (Ainsworth et al., 1978). Cette procédure comprend sept épisodes de 3 minutes, dont deux séparations et deux retrouvailles avec la mère, et deux séquences d’interactions

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avec une étrangère. Les comportements d’attachement des enfants sont codés à partir de bandes vidéo conformément aux échelles d’attachement organisées d’Ainsworth et al. (1978) et le système de codage de Main et Solomon (1990) pour classifier la désorganisation de l'attachement. En fait, plusieurs études ont été menées afin de démontrer que la SE est une mesure d’attachement qui reflète l’expérience de l’enfant dans son quotidien (Moss et al., 2005 ; Pederson & Moran, 1996 ; Steele et al., 2008).

À la base, la SE capitalise sur le fait que les courtes séparations entre l’enfant et son parent suscitent des émotions négatives et qu’au retour du parent, la dyade doit interagir afin de soutenir la régulation des émotions chez l’enfant. Le type d’attachement est inféré à partir du comportement de l’enfant prioritairement (Ainsworth et al., 1978). Dans l’attachement sécure, l’enfant en détresse se rend à son parent, recherche le contact physique ou l’interaction, afin de l’aider à réguler sa détresse et puis il retourne au jeu et à l’exploration. Dans l’attachement insécure-évitant, l’enfant gère sa détresse seul, parfois bien que le parent l’invite à venir le voir. La plupart du temps, l’enfant s’éloigne du parent, malgré son malaise évident. Enfin, dans l’attachement insécure-ambivalent, l’enfant se rend vers le parent, établis un contact physique et une proximité, mais sa détresse persiste et parfois se transforme en une sorte de passivité ou de colère à l’égard du parent. L’enfant dans un attachement insécure-ambivalent peut demander à être pris dans les bras du parent puis demander à être déposé par terre même s’il est évident qu’il soit toujours en détresse. Dans l’attachement désorganisé, on voit des indices de peur ou de crainte chez l’enfant (approche avec la tête baissée ; l’enfant se cache au retour du parent) ainsi que des comportements inusités : l’enfant fige pendant de longues périodes ; l’enfant s’approche du parent, mais bifurque à la dernière minute ; l’enfant manifeste sa détresse au départ du parent, mais s’éloigne de lui en pleurant à son retour.

Dans les premières années de l’étude de l’attachement, plusieurs recherches ont été réalisées afin de valider l’idée que les catégories d’attachement dérivées de la SE correspondent aux expériences relationnelles durant la petite enfance (Tarabulsy & Symons, 2016). Cependant, bien que les chercheurs pensent que d’autres aspects dans les processus d’attachement devraient être mesurés, ces derniers ont confiance en la SE au point où celle-ci est devenue une sorte de standard dans l’évaluation de cette première relation (Waters et al., 2013). À cet effet, un des

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consensus qui se dégage de ce domaine de recherche est que le nourrisson qui grandit dans des situations de risque social et qui développe un attachement insécure ou désorganisé aura des modèles d’expressions d’émotions négatives différents de l’enfant qui développe un attachement sécure et dont le développement a lieu dans des contextes plus favorables (Raikes & Thompson, 2005).

Or, de telles différences ont rarement été considérées. Historiquement, la recherche a surtout mis l’accent sur les liens entre la qualité des interactions parent-enfant et les classifications de l’attachement dans la SE (Tarabulsy & Symons, 2016). Les différences identifiées au niveau du type d’attachement perçu dans la SE sont associées à la sensibilité maternelle, à sa capacité de percevoir les signaux de l’enfant, à les interpréter et à y répondre de manières adéquates (Leyhn et al., 2016). D’autres travaux ont mis en lien l’attachement et le développement ultérieur de l’enfant. En effet, à partir de 2010, plusieurs méta-analyses et recensions des écrits mettent en évidence la validité prédictive de l’attachement tel qu’il est mesuré dans la SE. Fearon et ses collègues (2010) ont démontré des liens entre l’attachement insécure, surtout l’attachement désorganisé, et l’émergence d’enjeux externalisés. Madigan et ses collègues (2012) ont fait de même avec les difficultés intériorisées. D’autres travaux font le lien avec le développement langagier et cognitif (van IJzendoorn et al., 1995). En somme, la validité de l’attachement s’est construite au fil des années en établissant les liens avec la sensibilité maternelle lors d’interactions quotidiennes et en démontrant des liens entre l’attachement et la suite du développement de l’enfant. Cependant, certains enjeux théoriques centraux en lien avec les manifestations émotionnelles des enfants en bas âges ont fait l’objet de très peu de travaux empiriques.

L’attachement et le développement émotionnel

L’attachement, au même titre que l’apport nutritionnel, est estimé comme un besoin primaire à un enjeu vital (Miljkovitch, 2001). La nature du lien entre l’enfant et son parent semble être essentielle. L’enfant arrive dans le monde en étant complètement dépendant de son parent pour sa survie et pour le soutenir dans les apprentissages essentiels qui vont le guider à travers son développement. Les processus et manifestations émotionnels chez l’enfant sont perçus comme étant des moyens pour ces derniers de communiquer leurs états et leurs besoins à leur figure d’attachement. Les nourrissons affichent des émotions, et ce, dès leur naissance. Ils empruntent

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ces états affectifs pour plusieurs raisons donc, entre autres, pour exprimer leur inconfort. On perçoit ces processus interactifs comme étant à la base de l’apprentissage de la gestion ou de la régulation des émotions chez l’enfant. Sachant que l’enfant n’a pas encore acquis de stratégies pour réguler ses états émotionnels, il a besoin de son parent afin de l’aider à effectuer cette régulation. Les comportements des parents sont considérés comme étant des processus extrinsèques primaires qui influencent le développement de cette régulation émergente chez l’enfant et ayant un impact dans la manière de manifester des émotions. Certaines études suggèrent que la manière dont les parents réagissent aux démonstrations d'émotions négatives de leurs enfants et leur disponibilité lorsque ce dernier est bouleversé affectera les types de stratégies adoptées par les enfants pour réguler leurs états émotionnels dans d’autres circonstances (Contreras & Kerns, 2000). Dans cette perspective, on peut présumer que l’attachement de l’enfant serait affecté par ces réponses et qu’on devrait pouvoir le décoder dans la SE (Cassidy, 1994).

Les manifestations émotionnelles des enfants et différents aspects de leur développement émotionnel sont attribuables à une multitude de facteurs : génétiques et épigénétiques, influences intra-utérines et programmation fœtale, interactions parent-enfant après la naissance ainsi que l’interaction entre ces différents éléments (Champagne, 2010). Durant la période postnatale, les initiatives des parents à l’égard de leur enfant dans le cadre d’interactions, ainsi que les réponses aux manifestations des enfants, semblent être particulièrement importantes dans l’expérience émotionnelle des nourrissons (Mirabile et al., 2018). Cependant, les enfants influencent également le comportement de leurs parents à leur égard. En fait, les apprentissages que les enfants doivent réaliser au regard de la compréhension, de la régulation et de l’expression de leurs émotions renvoient au processus de socialisation des émotions qui prend racine dans les interactions avec le parent (Johnson et al., 2017). Saarni (1999), propose que le processus de socialisation des émotions fait partie intégrante des relations ; par conséquent, la dynamique émotionnelle de ces relations joue un rôle dans la forme et la qualité de la socialisation des émotions chez chaque enfant. Il a également été démontré que, lorsqu'une mère est présente, mais non disponible dans une situation imprévisible, les nourrissons font preuve de moins de plaisir et d'exploration que lorsque la mère est réactive (Braungart-Rieker et al., 2001), soulignant l’importance d’une dimension de la sensibilité – le caractère prévisible des réponses parentales. Une relation claire a également été établie entre la sécurité d’attachement et la régulation émotionnelle des enfants, notamment à l’âge

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scolaire (Brumariu, 2015). En d’autres termes, les enfants ayant un attachement sécure à qui l’on répond de façon constante et prévisible sont davantage outillés pour accepter et comprendre les affects positifs et négatifs, tandis que les enfants avec un lien d’attachement insécure présentent davantage d’affects négatifs et ont de la difficulté à moduler leurs émotions (Landy, 2002).

Ces travaux, réalisés après la période du nourrisson, suggèrent un lien prédictif entre l’attachement et le développement émotionnel. Dans ce contexte, on peut conclure que les recherches ont confirmé l'importance de la sécurité d'attachement en tant que prédicteur de la régulation des émotions. La classification de l'attachement d'un enfant est en lien avec sa capacité à s'autoréguler face aux sentiments négatifs, notamment la peur, la colère et la tristesse. Il n’est pas étonnant de constater que dans différents travaux, la théorie de l'attachement a été décrite comme une théorie de la régulation des émotions (Cassidy, 1994). Ces travaux brossent un portrait des enfants qui se fient aux stratégies qui font partie des modèles d’attachement afin de gérer les enjeux émotionnels plus tard durant l’enfance. Les enfants avec un attachement sécure ont été décrits comme plus expressifs sur le plan émotionnel et comme ayant une meilleure maitrise de l’impulsivité. En général, les études démontrent que ces enfants affichent un affect plus souvent positif et lorsqu’ils sont plus vieux ils dépendent moins des adultes pour réguler leurs émotions (Landy, 2002), suggérant que les modèles de leur enfance sont graduellement intériorisés (Bernier et al., 2012). Ils sont capables de communiquer l'affect négatif qu’ils peuvent expérimenter de manière plus équilibrée et, par conséquent, sont plus susceptibles de recevoir une réponse sensible (Grant et al., 2010). L’attachement insécure a été associé à certaines difficultés de régulation émotionnelle chez les enfants. Ces derniers peuvent agir de manière inappropriée quand ils sont bouleversés, exprimant des niveaux élevés de colère et d'hostilité, de peur ou de tristesse, dépendamment des modèles d’attachements qu’ils ont formés. Parce qu’ils sont souvent impulsifs et tendus, ils peuvent être plus difficiles à consoler, sont plus susceptibles d’agir avec agressivité (Fearon et al., 2010) et sont plus susceptibles d’être rejetés par leur donneur de soin (Landy, 2002).

De plus, on identifie l’attachement et l’exploration de l’environnement comme des systèmes qui varient sur un continuum (Bowlby, 1969). À la base, Bowlby postule que la sécurité qui se développe entre un enfant et son parent donne lieu à différents niveaux d’exploration de l’environnement. Il propose qu’un enfant sécure est plus facilement en mode exploration, décode

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plus aisément les contingences de son entourage et acquiert des connaissances lui permettant de manifester davantage de compétence en raison de la confiance qu’il a et que s’il se retrouve dans une situation problématique, il puisse faire appel à sa figure d’attachement. L’enfant qui ne jouit pas d’une telle relation peut voir son exploration être plus déficiente. Plusieurs travaux réalisés avec des enfants d’âge préscolaire (Frankel & Bates, 1990 ; Matas et al., 1978), scolaire (Grossmann et al., 2008), à l’adolescence ainsi qu’à l’âge adulte (Larose et al., 2005) supportent cette idée centrale de Bowlby.

Ces travaux soulignent l’importance de la sécurité de l’attachement afin de permettre à l’enfant d’acquérir une certaine autonomie dans différentes facettes de son développement, incluant la régulation émotionnelle. Afin d’améliorer son développement, l’enfant doit acquérir un certain équilibre entre la découverte de son environnement physique et social ainsi que le besoin de sécurité qu’il démontre en se référant à sa figure d’attachement en cas de détresse (Lemelin et al., 2012). Dans cette perspective, la capacité des parents de décoder les émotions de leur enfant dans différents contextes semble être un élément incontournable du développement social et émotionnel de ce dernier. La relation d’attachement peut ainsi servir de contexte pour ce développement.

La sensibilité maternelle

Bien étayé dans la littérature comme étant le principal précurseur de la sécurité d’attachement, la sensibilité maternelle est définie comme l’habileté à répondre de manière adéquate, cohérente et efficace aux signaux du nourrisson. En effet, parmi certains comportements maternels, la sensibilité de la mère à la détresse de son enfant est un prédicteur particulièrement saillant de la sécurité de l’attachement (McElwain & Booth-LaForce, 2006). Les réponses sensibles et prévisibles du parent font émerger un sentiment de compétence chez l’enfant et ainsi l’enfant développe la capacité de faire appel à son parent lorsqu’il en a besoin, mais d’également être autonome quand il peut l’être. Selon les théoriciens, par le biais de ses interactions avec son parent, l’enfant développe une représentation de sa compétence à faire face à différents enjeux contextuels, selon le niveau de sensibilité auquel il a été exposé (De Wolff & van IJzendoorn, 1997 ; Meins et al., 1998 ; Meins et al., 2001). De plus, les réponses prévisibles permettent à l’enfant de trouver un équilibre entre l’exploration autonome de son environnement et l’affiliation à son parent

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impliquant un besoin de proximité et d’interaction (Grant et al., 2010). Dans cet ordre d’idée, la sensibilité maternelle est perçue comme étant un des mécanismes principaux par lequel les représentations relationnelles chez la mère sont transmises à l’enfant, qui les intègre et les manifeste dans la relation qu’il développe avec son parent (Verhage et al., 2018).

Précédemment, les variations générales dans les modèles de réponses parentales qui caractérisent les différentes formes d’attachement ont été décrites. Il est important de souligner que dans la perspective du domaine de l’attachement, la sensibilité du parent lors d’interactions avec son enfant est un médiateur incontournable du lien entre l’écologie développementale et l’émergence de l’attachement chez l’enfant. En effet, la sensibilité maternelle vient affecter la manière dont les autres aspects de l’écologie du développement peuvent influencer le développement de l’enfant à plusieurs égards (Lemelin et al., 2006 ; NICHD, 2005 ; Raikes & Thompson, 2005). De fait, certains travaux montrent même des liens entre la sensibilité maternelle en bas âge et différentes caractéristiques du développement jusqu’à l’âge adulte (Raby et al., 2015).

Différentes études tracent un lien entre la sensibilité maternelle et les manifestations émotionnelles chez les enfants. Ces travaux indiquent que la sensibilité du parent aux émotions de l’enfant permette à ce dernier d’avoir des modèles d’expression émotionnelle qui correspondent à l’élaboration du sentiment de confiance, qui fait partie prenante de la sécurité d’attachement. Des études examinant le rôle des donneurs de soins dans le contexte de la douleur suggèrent que la sensibilité maternelle joue un rôle influent dans les expériences de douleur des nourrissons (Leerkes, 2011 ; McElwain & Booth-Laforce, 2006). À son tour, Horton et al. (2015) ont examiné la relation entre l’attachement, la peur et la régulation de la détresse pendant la vaccination de nourrissons à l’âge de 12 mois. Pour ce faire, 130 dyades mère-enfant ont été filmées pendant la vaccination des nourrissons à 12 mois, puis ils ont été invités à participer à une évaluation de l’attachement (avec la SE) et de la peur lorsque les nourrissons étaient âgés de 12 et 18 mois. Les résultats démontrent qu’immédiatement avant la vaccination, les nourrissons avec un attachement insécure-évitant ont présenté moins de détresse que les nourrissons avec un attachement sécure (les nourrissons sécures utilisaient efficacement leurs mères pour réguler leur détresse), suggérant un lien entre l’histoire des interactions et les manifestations émotionnelles. Cependant, la peur vécue par le nourrisson a modéré la relation entre l'attachement et la régulation de la détresse liée

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à la douleur. Autrement dit, dans des conditions de forte peur, les nourrissons avec un attachement insécure-évitant régulaient plus lentement la détresse après la vaccination que les nourrissons avec un attachement sécure, mais dans des conditions de faible peur, les nourrissons avec un attachement sécure régulaient plus lentement la détresse que les nourrissons insécure-évitants et désorganisés. Somme toute, les chercheurs ont pu constater que le comportement de se blottir après le vaccin est un prédicteur important de l'attachement, les nourrissons qui se blottissaient sont plus susceptibles d'être dans un attachement sécure qu’insécure-évitant ou désorganisé. Cette étude indique que la régulation de la détresse liée à la douleur à l'âge de 12 mois est influencée par une interaction entre l'attachement et la sensibilité maternelle.

Les émotions chez le nourrisson

Ces travaux portent presque toujours sur les liens entre l’attachement et les manifestations émotionnelles ultérieures, peu sur les émotions pendant que se construit l’attachement. Bien que l’on présume que les manifestations émotionnelles sont en lien avec la sensibilité parentale et, par conséquent, lié à l’émergence de l’attachement, peu d’études ont examiné ces liens avant que l’attachement ne puisse se mesurer dans la SE.

La régulation des émotions, parfois appelée régulation affective, fais référence au processus par lequel les personnes contrôlent ou autorégulent leurs émotions qui peuvent se manifester de différentes façons dont, notamment, par les expressions faciales. La compréhension des émotions implique de connaître la manière dont ceux-ci se régulent ; la régulation des émotions est un processus complexe impliquant des éléments physiologiques, comportementaux, sociaux et cognitifs permettant à un individu de modérer l’apparition, l’expérience et l’expression d’émotions (Thompson, 1994).

L’attachement à plusieurs fonctions dont l’une est d’aider l’enfant à réguler ses émotions (Waters et al., 2010). Il s’agit d’un élément sur lequel se fie la codification, dans la SE, pour inférer la sécurité de l’attachement. Dans cette procédure, le fait qu’un enfant, lors d’une réunion suite à une séparation, soit en mesure d’être réconforté et de retourner à son exploration démontre que la relation et les interactions servent à gérer les états affectifs de l’enfant. La présomption est que ces modèles sont un reflet des interactions habituelles. Les parents aident les enfants à gérer leurs

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émotions dans différentes situations par la qualité des interactions. L’effet de ces interactions est d’internaliser chez l’enfant le mode de gestion émotionnelle dans différentes situations. En effet, la relation d’attachement que l’enfant entretient avec son parent lui sert de modèle qu’il applique dans d’autres contextes, à travers son développement.

L’appropriation de stratégies de régulations émotionnelles chez le nourrisson dépend de processus intrinsèques et extrinsèques à ce dernier, lui permettant d’observer, d’évaluer et de modifier ses réactions émotionnelles sur la base d’éléments contextuels afin d’atteindre différents objectifs (Contreras et al., 2000). Les processus intrinsèques font référence aux processus d’éveil émotionnel et de contrôle de l’attention perçus comme étant fondés en grande partie sur les caractéristiques du tempérament de l’enfant (Rothbart et al., 2003). Ceci comprend des aspects génétiques, des dimensions psychophysiologiques, propres à l’enfant et à des processus précédents l’interaction post-natale. Il s’agit, à la base, des prédispositions émotionnelles de l’enfant.

Les pratiques de socialisation des parents sont considérées comme étant les processus extrinsèques primaires influençant le développement de la régulation des émotions. Par exemple, la façon dont le parent réagit aux manifestations d’émotions négatives de l’enfant ou leur disponibilité envers l’enfant lorsqu’il est bouleversé affectera les types de stratégies adoptées par l’enfant pour réguler ses états émotionnels (Contreras et al., 2000). Un parent qui répond de manière prévisible et cohérente à la détresse de son enfant n’engendrera qu’une faible intensité d’émotions négatives chez l’enfant afin d’obtenir une réponse – l’intensité de la détresse, par exemple, ne sera pas trop élevée, car l’enfant possède et se fie sur l’expérience d’un parent qui répond. Comme il a déjà été mentionné, derrière cette idée, on retrouve plusieurs études qui montrent que les enfants impliqués dans des relations sécures manifestent des niveaux d’émotions négatives moins importants que ceux qui sont dans des relations insécures (Horton et al., 2015). Cependant, selon Cassidy (1994) et Tarabulsy et al. (1996 ; 2003), le parent qui ne répond que lorsque les pleurs sont pressants et fréquents favorise chez l’enfant un mode dans lequel l’expression émotionnelle intensive lui permet d’obtenir l’aide pour réguler ses émotions. La régulation nécessite davantage de ressources en raison des manifestations plus importantes d’émotions négatives. De manière analogue, le parent qui ne répond que peu ou pas à son enfant qui manifeste des besoins place l’exigence de la régulation uniquement sur lui. Très souvent les

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enfants n’ont ni l’autonomie ni les compétences pour gérer leurs émotions, les enfants étant encore dépendants de leurs parents à cet égard. Dans ces scénarios, le contexte qui donne principalement lieu à l’apprentissage de la régulation émotionnelle est le lien et les interactions parent-enfant (Gunnar et al., 2006).

La théorie et les études dans le domaine de l’attachement offrent une riche description de l’élaboration et l’organisation de ce lien, ainsi que la manière dont il vient jouer un rôle sur la régulation des émotions de l’enfant. Cette perspective stipule que de nombreuses fonctions de régulation se développent à partir des premières expériences vécues avec la figure d’attachement. De façon générale, les enfants avec un attachement sécure ont été plus souvent exposés à des réponses prévisibles et cohérentes de la part de leurs parents lors d’interactions et ainsi, apprennent à gérer leurs émotions négatives en dépendant de ces derniers. En outre, lorsque les parents jouent le rôle de soutien et de fidèle ressource, les enfants sont plus enclins à rechercher un soutien social lorsqu’ils sont en détresse afin de réguler leurs émotions, ce qui pourrait être intégré comme une stratégie d’adaptation et utilisé même en l’absence du parent (Cooke et al., 2019). Le résultat est que ces enfants apprennent à composer avec les émotions négatives et à rechercher de l’aide lorsqu’ils sont dans le besoin (Laible & Thompson, 2000 ; Steele et al., 1999).

Les enfants avec une relation d’attachement de type insécure-évitant ou désorganisé doivent, pour leur part, savoir davantage gérer leurs émotions de façon autonome, sans pouvoir faire appel à leur parent. Les enfants dans des relations d’attachement désorganisées n’ont pas la possibilité d’élaborer des stratégies efficaces. En effet, l’enfant désorganisé doit gérer la crainte qu’il a de son parent dans des circonstances où il a besoin de son parent pour gérer ses émotions. Les enfants ayant des relations d’attachement sécures utilisent, quant à eux, leurs figures d’attachement comme des bases sûres pour explorer leur environnement et comme des références en cas de besoin (LeCompte & Moss, 2014). Par conséquent, les enfants désorganisés affichent des réactions émotionnelles incohérentes ou contradictoires, traduisant une rupture de leur stratégie d’attachement qui résulte probablement de méthodes d’adaptation inadéquates ou indisponibles pour résoudre leur détresse (Cooke et al., 2019). Parfois, la relation fait que l’enfant est craintif de son parent dans des situations où, normalement, il devrait pouvoir s’y fier. Dans de

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telles circonstances, l’enfant doit gérer son état émotionnel en plus de composer avec la situation qui provoque l’état de stress (LeCompte & Moss, 2014).

Les liens entre l’étude des processus d’attachement et la régulation émotionnelle chez l’enfant sont parfois complexes à établir en raison du besoin de réaliser des observations détaillées et fiables des émotions chez ce dernier. De plus, les nourrissons ont une motricité limitée, ce qui peut rendre plus difficiles la mesure et la compréhension des émotions via une tâche physique. Certains chercheurs ont enregistré les émotions des enfants face à des cliniques de vaccination pour voir comment les interactions parent-enfant pouvaient aider les enfants à gérer leur état émotionnel lorsque ces derniers trouvent la situation désagréable (Horton et al., 2015). Les cliniques de vaccination ont cet avantage qu’ils créent, pour des raisons de santé, de la douleur chez l’enfant et le besoin manifeste de réguler des émotions. L’étude en question a démontré que l’interaction entre la peur et l’attachement était associée à la régulation de la détresse liée à la douleur. En fait, la peur a un impact sur la régulation de la détresse liée à la douleur de différentes manières, selon la qualité de la relation d’attachement parent-enfant. Lorsque l’enfant manifeste beaucoup de peur, une relation d'attachement de type insécure-évitant engendre des difficultés à réguler la détresse après la vaccination chez le nourrisson, suggérant que l’évitement ne permet pas à l’enfant de s’adapter de manière appropriée à cette situation précise. Dans un contexte de peur élevée et un attachement sécure, la détresse chez l’enfant semble mieux être gérée. Selon les auteurs, ces résultats indiquent que les caractéristiques émotionnelles propres au nourrisson (la peur) et la relation parent-enfant (sécurité de l’attachement) interagissent pour influencer la manière dont les nourrissons régulent la détresse due à la douleur au cours de la première année de vie. Du point de vue de la régulation des émotions, la capacité à exprimer de la détresse et à demander l’aide de son parent constitue une régulation adaptative des émotions pendant la petite enfance en permettant au donneur de soins de reconnaître les signaux de détresse et d’y répondre adéquatement. Cependant, d’autres recherches sont nécessaires pour consolider ces liens et les valider dans des contextes plus fréquents qui impliquent des enjeux sociaux et non uniquement la douleur.

Selon une perspective évolutionniste, les émotions ont une fonction développementale, biologique, sociale et ontogénique (Izard, 1992). Un corpus considérable de théories et de soutien

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empirique plaide en faveur d’un concept d’émotions de base défini par ces critères. Les émotions soutiennent la communication du contexte dans lequel un enfant se retrouve (Brumariu & Kerns, 2015). De plus, les émotions spécifiques qu’expérimente et manifeste un enfant sont associées à son contexte. Par exemple, l’intérêt motive le jeu, l’exploration et l’apprentissage (Renninger & Wozniak, 1985) ; la tristesse suscite un comportement empathique et altruiste (Barnett et al.,1979) ; le dégoût permet d’éviter l’inconfort (Rozin & Fallen, 1987) ; de nombreuses études relient la colère à des actions défensives (Berkowitz, 1990) et à la peur de fuir ou à des comportements protecteurs qui visent à maximiser la sécurité (Bowlby, 1973). Dans cette conception des émotions en tant que base à la motivation, l’expérience des émotions est perçue comme étant fondamentale ; elles permettent à l’individu de s’adapter à son environnement. Il faut voir le développement émotionnel comme une entité dans laquelle s’insèrent les expressions faciales uniques et universellement reconnues (Izard, 1972). Ces résultats soulignent l’importance des émotions pour l’adaptation tout au long du développement.

Les manifestations émotionnelles

Comme il a déjà été mentionné, les nourrissons et les jeunes enfants dépendent des adultes afin de les aider à réguler les différentes émotions qui émergent face aux demandes environnementales auxquelles ils sont confrontés. Les interactions qui ont lieu avec les adultes dans ces moments sont intériorisées avec le développement de l’enfant (Calkins & Dollar, 2014). Tel qu’il a été mentionné dans la section précédente, la régulation émotionnelle fais référence au processus par lequel les personnes contrôlent ou autorégulent leurs réactions internes (émotions) et puis dégagent celles-ci par certaines manifestations émotionnelles dont les expressions faciales.

Selon plusieurs chercheurs, afin de bien cerner le phénomène de la régulation et de l’expression émotionnelle, il est important de bien comprendre les expressions faciales des enfants afin de les intégrer correctement dans l’observation des émotions. Selon plusieurs auteurs, les expressions faciales des enfants communiquent différents états affectifs et témoignent des stratégies de régulation émotionnelle (Messinger, 2002). Dans le cadre du mémoire actuel, l’observation des visages des enfants et les expressions qu’ils manifestent font partie de la compréhension de la régulation émotionnelle. Des stratégies semblables ont été utilisées par différents auteurs pour démontrer que les nourrissons ont la capacité d’afficher des expressions

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faciales tôt dans la vie et que les conditions dans lesquelles ils grandissent et les caractéristiques des soins maternels influent sur cette capacité (Scharfe, 2000).

Plusieurs théories proposent que l’être humain à la capacité innée d’exprimer les émotions de joie, de peur, de colère, de tristesse, de surprise et de dégoût (Izard et al., 1995). Celles-ci se traduisent par les expressions faciales de l’enfant qui véhiculent une émotion non-verbale qui se manifeste de plusieurs manières ; sourcils froncés, yeux grands ouverts, bouche contractée, plis au niveau du front, élévation des joues, etc. Les comportements faciaux et l’identification des expressions affectives de l’enfant permettent de détecter l’émotion vécue de celui-ci dans un contexte donné. Les expressions du visage et du corps expriment un état émotionnel et servent de moyen de communication entre la mère et son enfant. Les expressions faciales transmettent des informations sur l'état émotionnel du donneur de soins envers le nourrisson, telles que des signes de joie, de colère, de peur, de tristesse ou d'affect émoussé. Les parents utilisent également des expressions faciales pour refléter les états émotionnels du nourrisson, ce qui est essentiel pour la différenciation, la compréhension et la régulation des émotions en développement chez l’enfant (Kim et al., 2014 ; Rayson et al., 2017).

Différentes études démontrent que plusieurs variables influencent le développement de différences individuelles dans les expressions faciales des nourrissons (Scharfe, 2000). Parmi celles-ci, le comportement expressif de la mère influence les changements d’expression faciale du nourrisson en répondant de manière contingente aux expressions de l’enfant. Camras et Shutter (2010) ont démontré que l’intérêt maternel pour les premières manifestations émotionnelles du nourrisson est associé à une expressivité plus positive chez ce dernier. Les enfants de mères qui ne montrent pas un tel intérêt ont des niveaux d’expression positive plus faibles. Cela dit, une mère qui ignore les manifestations telles que la colère et la tristesse lors d’un épisode de séparation-retrouvaille réalisé avec le protocole de la SE, à deux ans, occasionnera plus de tristesse et de colère chez le nourrisson (Camras & Shutter, 2010). De tels résultats suggèrent que des différences individuelles d’expressions faciales chez les enfants peuvent être attribuables à des variations dans la qualité des comportements maternels.

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Les parents peuvent agir en tant que filtres émotionnels à travers leurs interactions avec l’enfant, leurs comportements et leurs actions viennent sélectionner ce qu'ils estiment être souhaitables pour leurs enfants. À ce sujet, les croyances et les attentes des parents sur ce qui est approprié ou souhaitable pour le fonctionnement émotionnel des enfants leur sont transmises par des moyens verbaux et non verbaux. Les enfants évaluent par la suite si la communication parentale est une base cohérente et sécurisante pour formuler leurs réponses dans différents contextes (Hastings, 2018). Cette interprétation de la disposition émotionnelle et de l’expressivité des émotions du nourrisson, ainsi que de la réactivité affective et de la gestion des émotions des parents sont à la base de la relation d’attachement et, tel que mentionné plus haut, de tels processus sont impliqués dans la transmission à l’enfant des représentations cognitives des parents à l’égard des relations. Ces processus agissent, en quelque sorte, comme régulateur pour l’enfant, l’aidant à comprendre, par le biais de ses interactions précoces avec sa mère, le monde qui l’entoure et la manière d’y répondre (Feldman, 2009 ; Fonagy et al., 2002 ; Hofer, 1994).

La théorie des émotions différentielles est importante à considérer présentement afin de mieux cerner la façon dont les expressions faciales sont interprétées (Abe et al., 2003). Cette théorie, possiblement la plus importante dans le domaine de l’expression émotionnelle chez le nourrisson (Tracy & Randles, 2011), propose que les expressions du visage du nourrisson peuvent être négatives et se traduire par des émotions plus intenses ou plus fortes, tandis que les expressions positives constituent un indice d’émotions impliquant plus de régulation. En effet, la valence des émotions peut être positive, comme la joie, ou négative, comme la tristesse. Les émotions dites primaires comme la peur, la colère, la tristesse, l’intérêt et la joie qui apparaissent au cours de la première année de vie comportent trois émotions à connotation négative ; la peur, la colère et la tristesse. Ces dernières se distinguent des émotions positives considérant qu’elles peuvent être associées à des difficultés développementales chez l’enfant (Denham, 1998 ; Denham et al., 1994). L’importance d’exprimer des émotions positives est primordiale, et ce, surtout au cours de la première année de vie. Ces expressions sont un reflet de l’état de l’enfant et de la trajectoire développementale sur laquelle il est engagé.

Sur le plan technique, les recherches montrent que les expressions faciales humaines fondamentales (joie, intérêt, colère, tristesse, peur et dégoût) peuvent être observées avant l’âge de

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4 mois, dans des contextes de laboratoire. Cependant, les processus régissant la manifestation de la colère et des expressions faciales témoignant de la tristesse dans l’enfance sont encore mal compris (Sullivan, 2018). Le consensus dans la littérature sur les expressions infantiles est que ni les mouvements expressifs spécifiques ni les expressions faciales (groupes de mouvements expressifs spécifiques reconnaissables) ne correspondent directement aux états émotionnels uniques et sous-jacents (Camras & Shutter, 2010). De manière générale, les chercheurs reposent leurs jugements concernant ces émotions sur des évaluations rapportées par les parents (Briggs-Gowan et al., 2004 ; Kubicek et al., 2013). Ceci étant dit, il est possible de concevoir que certains biais peuvent survenir face à la compréhension des émotions chez l’enfant. Les outils offerts aux parents pour identifier et comprendre les expressions faciales de leurs enfants sont peu nombreux et permettent de constater qu’il est difficile pour les parents de bien comprendre et différencier les émotions que leurs enfants expérimentent (Sullivan, 2018). Pour cette raison principale, Sullivan (2018) suggère qu’il est tout de même avantageux de se fier aux expressions émotionnelles des enfants, obtenues par observation, plutôt qu’uniquement aux rapports parentaux, surtout durant la première année de vie.

Attachement et manifestations émotionnelles

Comme il a déjà été mentionné, la plupart des études qui examinent les liens entre l’attachement et les émotions le font dans une perspective de prédiction. Essentiellement, on pose la question : est-ce que l’attachement prédit les manifestations émotionnelles des enfants dans différents contextes ? Il existe relativement peu d’études qui ont examiné les liens entre le développement de l’attachement et le développement émotionnel de l’enfant dans une perspective prospective. Dans une vieille étude, Izard et al. (1991) présentent une hypothèse selon laquelle les caractéristiques émotionnelles des mères et des nourrissons contribuent au développement de la relation d’attachement du nourrisson à la mère. Cette étude implique 114 dyades mère-enfant dont les données ont été récoltées lorsque les nourrissons étaient âgés de 2.5, 3, 4.5, 9 et 13 mois. Les mesures des émotions des enfants provenaient de questionnaires rapportés par les mères et par l’observation de manifestations émotionnelles, notamment des émotions négatives. Les résultats ont confirmé l’hypothèse de l'influence de la mère sur la sécurité de l'attachement du nourrisson. De plus, un des faits saillants des résultats est que les comportements d'expression des émotions des nourrissons lors d'interactions légèrement stressantes avec leur mère permettent de prédire le

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niveau de sécurité d’attachement. En fait, les nourrissons avec des scores d’insécurité relativement élevés manifestent des émotions plus négatives au début de la petite enfance et dans le protocole de la SE. Les nourrissons avec un attachement insécure ont réagi aux évènements stressants avec des émotions ou des comportements négatifs à des niveaux plus élevés. De plus, les résultats pour les manifestations émotionnelles des nourrissons et ceux pour la variabilité de la fréquence cardiaque appuient l’hypothèse que les différences individuelles chez les nourrissons jouent un rôle important dans la détermination du niveau de sécurité d’attachement, un peu comme le proposent certains théoriciens du tempérament (Kagan, 1982).

Bien que la littérature établisse que la première année de vie est essentielle au développement des liens d’attachement des nourrissons avec leur donneur de soins. Les différents schémas d’attachement (sécures, insécures et désorganisés) s’expriment à travers les comportements, les réactions émotionnelles et les signaux de communication des nourrissons ou lorsqu’ils éprouvent d’autres émotions engendrant de la peur et du stress (Ainsworth et al., 1978). On en sait beaucoup moins sur les caractéristiques du nourrisson prédisant les différences de développement dans les modèles d’attachement.

Dans une autre étude, Peltola et al. (2018) obtiennent des données qui soulignent l’importance pour les parents de bien détecter les émotions de l’enfant. Ici, les chercheurs tentent de déterminer si les réponses neuronales et comportementales des nourrissons à des expressions faciales sont associées au développement de l’attachement. Dans cette étude impliquant 61 nourrissons, les résultats indiquent un lien entre l’attachement et les indicateurs psychophysiologiques de l’émotion. Les résultats suggèrent que la sécurité d’attachement à 14 mois est liée à la capacité de détecter les visages craintifs des visages non craintifs à l'âge de 7 mois. Les enfants qui ont un parent qui détecte efficacement leur détresse à 7 mois refléteront un attachement plus sécure à 14 mois.

Ces études font écho aux résultats de Cohn et ses collègues (1991). Dans cette étude, les auteurs font la démonstration que les émotions négatives manifestées dans le cadre d’interactions impliquant certains défis à 6 mois étaient en lien avec la sécurité d’attachement dans la SE à 12

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mois. Plus spécifiquement, les niveaux d’émotions positives durant l’interaction étaient associés à la sécurité, alors que les émotions négatives étaient en lien avec l’attachement insécure-évitant.

Limites des études répertoriées

Ces trois études font partie des rares travaux ayant tenté de faire le lien entre les manifestations et expressions émotionnelles tôt dans la vie et le développement de l’attachement. Elles suggèrent un lien entre les processus d’attachement et l’expression émotionnelle au début de l’enfance. Cependant, elles présentent également certaines limites.

Premièrement, elles ne présentent pas de lien avec le comportement maternel, le comportement maternel lors d’interactions avec l’enfant n’ayant pas fait l’objet d’évaluation dans ces trois études. Or, le domaine de l’attachement énonce des idées claires concernant les liens entre ces trois catégories de variables, notamment qu’il existe un lien indirect entre sensibilité maternelle et attachement qui transite par l’expérience émotionnelle de l’enfant. Dans la perspective de pouvoir établir un modèle dans lequel la sensibilité maternelle, les manifestations émotionnelles chez l’enfant et l’attachement sont associés, il est important d’examiner la qualité des interactions parent enfant telle qu’elle se manifeste dans le contexte de la sensibilité maternelle.

Deuxièmement, une limite inhérente à la plupart des études sur les émotions des enfants est que les conclusions concernent davantage les populations qui sont à faible risque et qui ont des interactions moins problématiques. Il est pertinent d’étudier les manifestations émotionnelles des enfants dans des contextes où les relations sont plus problématiques, afin de savoir s'il existe des liens entre le risque élevé et la contribution des émotions du nourrisson au développement de l’attachement. Cette question est particulièrement importante lorsqu’on considère la possibilité de dépister les enjeux développementaux le plus tôt possible afin de pouvoir intervenir auprès de l’enfant et/ou de la dyade.

En ce qui concerne les études réalisées de manière prospective, liant l’attachement avec la régulation émotionnelle, d’autres catégories de limites existent. Très souvent, ces travaux comportent des mesures rapportées par les parents ou des mesures générales des « émotions négatives » sans pour autant préciser si les émotions témoignent de colère/frustration, de tristesse

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ou de peur. Cette critique peut également être adressée à certaines études ayant porté sur l’observation des émotions (Izard et al., 1991). Pourtant, les travaux dans le domaine de l’attachement présument que de telles différences existent, notamment en lien avec le développement de la désorganisation de l’attachement. Pour cette catégorie relationnelle, il a régulièrement été proposé que ces enfants manifestent de la peur plus souvent que les enfants ayant d’autres types d’attachement (Madigan et al., 2016). Bien que certaines études aient pu dégager que les enfants désorganisés vivent plus d’affects négatifs et ont une plus grande difficulté à réguler leurs émotions comparées aux enfants ayant un attachement sécure (Cooke et al., 2019), aucune n’a pu confirmer un lien entre l’émotion de peur et la désorganisation chez l’enfant. Le lien entre les manifestations de la peur et la désorganisation de l’attachement, qui est central à la théorie, mérite d’être mieux documenté, notamment en utilisant une démarche observationnelle qui permet de distinguer cette émotion chez les enfants.

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Chapitre 2 - Objectifs et hypothèses

Le but de cette étude est d’examiner le lien entre la sensibilité dans les réponses maternelles aux émotions et comportements des enfants dans le cadre d’interactions quotidiennes, les modèles de manifestations émotionnelles chez les enfants et les processus d’attachement dans le cadre d’une étude longitudinale ayant lieu lorsque l’enfant est âgé de 4 à 16 mois.

Relativement au principal objectif, quatre hypothèses précises sont proposées :

1. Des liens bivariés entre la sensibilité maternelle, les expressions émotionnelles des enfants et la sécurité d’attachement seront observés.

2. Des liens indirects entre la sensibilité, les modèles de manifestation émotionnelle et l’attachement, liant les trois variables, seront également observés. On propose que les manifestations émotionnelles médiatisent le lien entre la sensibilité et l’attachement. 3. Comparés aux enfants ayant un attachement insécure, les enfants manifestant un

attachement sécure à 16 mois manifesteront de moins hauts niveaux d’expressions de colère/frustration, de tristesse ou de peur dans des tâches suscitant des émotions négatives.

4. Comparés aux enfants dans un attachement non-désorganisé, les enfants manifestant un attachement désorganisé à 16 mois manifesteront davantage de peur dans ces mêmes tâches.

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Chapitre 3 – Méthodologie Participants

Un échantillon de 80 dyades mère-enfant a été sélectionné pour la présente étude. Ces participants proviennent du programme de recherche « GénérationS » dirigé par Tarabulsy, Boivin et Larose (2007). Les participants ont été recrutés par une infirmière dans la salle d’attente du Pavillon Saint-François d’Assise du Centre hospitalier universitaire de Québec lors d’une rencontre de suivi vers la vingtième semaine de grossesse. Au début de l’étude, les mères sont âgées de 21.91 ans (ÉT=1,88) et ont réalisé moins de 12 années de scolarisation (11,54 ; ÉT=1,88). Au moment de la grossesse, 70 des 80 mères habitent avec le père biologique de l’enfant qui est âgé de 25,41 ans (ÉT=4,16) et a 11,08 années de scolarité (ÉT=1,83). Le revenu total du ménage (deux parents ou monoparental) se distribue selon les catégories suivantes : moins de 10 000$ par année - n=4 ; entre 10 000$ et 20 000$ - n=8 ; entre 20 000$ et 30 000$ - n=11 ; entre 30 000$ et 40 000$ - n=10 ; entre 40 000$ et 50 000$ - n=16 ; entre 50 000$ et 60 000$ - n=8 ; plus de 60 000$ par année : n=23. Ces caractéristiques socioéconomiques font que le groupe de participants représente des dyades mère-enfant à risque sur le plan social.

Les 80 enfants étaient âgés de 4, 8 et 16 mois aux moments des rencontres pour évaluation. Le groupe était composé de 36 filles et 44 garçons. Les critères d’exclusion étaient la présence d’anomalies congénitales, la naissance prématurée (moins de 37 semaines de gestation) ou l’incapacité des parents de communiquer en français.

Procédures

Les dyades mère-enfant ont été rencontrées aux fins d’évaluation durant la période prénatale (7 mois de gestation) et lorsque l’enfant était âgé de 4 mois, 8 mois et 16 mois. Les données sociodémographiques ont été obtenues lors de la rencontre prénatale, réalisée au domicile de la dyade. La sensibilité maternelle a été évaluée par le biais d’observations lors de la visite de 4 mois. À 8 mois, l’évaluation des manifestations émotionnelles des enfants a été mesurée à l’aide de deux tâches précises qui ont été filmées ; une tâche de limitation et une tâche de réaction à la nouveauté. La dyade mère-enfant a été rencontrée en laboratoire lorsque l’enfant était âgée de 16 mois afin de réaliser la SE et évaluer la sécurité et la désorganisation de l’attachement.

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La tâche de limitation. Ayant pour objectif de générer de la frustration chez l’enfant, la tâche de limitation consistait à limiter l'enfant dans ses mouvements en lui prenant les poignets, et ce, pendant une période d'une minute sans contact facial. Une séquence de 20 secondes pendant laquelle l’enfant manifeste de la détresse évidente permet à l’assistante de mettre un terme à la procédure. Cette séquence est enregistrée sur vidéo afin d’être codifiée. La codification porte sur les manifestations de l'enfant sur le plan verbal, comportemental et aux expressions faciales.

La tâche de nouveauté. Cette procédure avait pour but de susciter davantage de méfiance chez l'enfant. La tâche de nouveauté comprend un camion de pompier (avec bruit et sirène) dirigé vers l'enfant puis éloigné de l'enfant, et ce, de manière répétitive pendant une minute. Encore ici, si l’enfant manifeste de la détresse de manière importante pendant 20 secondes consécutives, on met un terme à la procédure. Cette tâche est enregistrée sur vidéo afin d’être codifiée. Comme pour la tâche de limitation, la codification porte sur les manifestations de l'enfant sur le plan verbal, comportemental et aux expressions faciales.

Les deux tâches ont été sélectionnées en raison de leur capacité de générer des émotions négatives chez l’enfant. L’administration des tâches était identique pour chaque enfant. Lors de ces procédures, l’emplacement, l’orientation et le visage de l’enfant étaient au centre de l’enregistrement vidéo. Les procédures ont eu lieu dans le domicile des familles. Pour chaque tâche les mères étaient informées de la procédure qui allait être effectuée par l’assistante. Les procédures étaient interrompues si l’enfant pleurait pendant plus de 20 secondes consécutives. À l’âge de 16 mois, les nourrissons et les mères sont venus au laboratoire de recherche afin de participer à la SE (Ainsworth et Wittig, 1969). Cette procédure implique sept épisodes de 3 minutes. Au cœur de la codification de l’organisation de la relation, il y a deux épisodes de séparation mère-enfant et deux épisodes de réunion.

La collaboration des enfants et des mères aux différentes tâches fait en partie état de la différence du nombre de participants dans les analyses. Dans certains cas l’enfant collaborait pour une tâche, mais pas pour l’autre, ce qui était le cas pour 11 enfants. Dans le cas de 9 enfants, des données sont disponibles pour seulement un des deux derniers temps de mesure (8 ou 16 mois).

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Dans certaines analyses, les nombres rapportés varieront en raison de ces écarts entre les sujets et l’absence de résultats pour certaines tâches du présent projet.

Grille de codification des émotions de l’enfant

Conception et construction

La grille de cotation a été élaborée par l’auteure du présent projet, sur la base de différents travaux dans le domaine de l’expression émotionnelle des enfants. Cette grille permet de déterminer les niveaux d’expression des émotions suivantes. La codification se fait en décomposant les séquences vidéo en tranches de 10 secondes. Pour chaque tranche, à l’intérieur des deux procédures, on codifie les éléments suivants : l’intérêt, la joie, la peur, la colère/frustration, et la tristesse. La codification portait sur les expressions verbales et faciales.

La construction de la grille et l’établissement de l’accord inter-juge du schème de codification ont été réalisés en suivant les étapes suivantes :

1. Plusieurs travaux portant sur la codification ont été consultés et les informations principales ont été extraites afin d’inclure les éléments centraux de la codification des expressions faciales et vocales dans le schème.

2. Le document au centre du schème de codification, réalisé par Carroll E. Izard (1989),

Un système d’identification des expressions affectives par des jugements holistiques, a

été central dans l’élaboration de la grille. Ce manuel illustre de nombreuses expressions faciales des enfants.

3. D’autres éléments à portée émotionnelle sont identifiés dans la littérature, soit la latence avant de manifester de la détresse (temps entre le début de la procédure et les premières manifestations d’émotions négatives), les regards vers le parent, les regards vers l’assistante de recherche, les vocalisations positives et les vocalisations négatives. 4. Lorsque les différents éléments de la codification ont été identifiés, quatre enfants

n’ayant pas fait partie de l’étude ont été codifiés afin de permettre à la conceptrice de poursuivre sa familiarisation avec les différents éléments.

5. À la suite de cette première séquence de codification « pilote », une seconde codificatrice s’est jointe à l’équipe afin d’être formée et de permettre l’établissement d’un accord inter-juge des différentes composantes de la grille.

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