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Exposition aux organochlorés et démence dans la population âgée du Canada

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Academic year: 2021

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EXPOSITION AUX ORGANOCHLORÉS ET DÉMENCE

DANS LA POPULATION ÂGÉE DU CANADA

Thèse

THIERRY COMLAN MARC MEDEHOUENOU

Doctorat en sciences pharmaceutiques – pharmaco-épidémiologie

Philosophiae Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

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Résumé

Très peu d’études ont évalué l’exposition aux organochlorés [polychlorobiphényles (PCB) et pesticides organochlorés], contaminants environnementaux persistants et neurotoxiques, sur le risque de démence ou de son type le plus fréquent, la maladie d’Alzheimer (MA). Le premier objectif de cette thèse était d’établir chez les Canadien(ne)s âgé(e)s de 65 ans et plus, la distribution des concentrations plasmatiques des organochlorés et d’identifier les facteurs qui y étaient associés. Le deuxième objectif visait à mesurer l’association entre ces concentrations et la prévalence de la démence et de la MA. Le troisième objectif visait à mesurer l’association entre ces concentrations et l’incidence de la démence et de la MA. Les données utilisées provenaient de l’Étude sur la santé et le vieillissement au Canada.

Les concentrations plasmatiques des PCB 105, 118, 138, 153, 156, 163, 170, 180, 183, 187, et des pesticides organochlorés ainsi que leurs métabolites [β-hexachlorocyclohexane (β-HCH), hexachlorobenzène (HCB), oxychlordane, cis-nonachlor, trans-nonachlor, 1,1,1-trichloro-2,2-bis(p-chlorophényl)éthane (p,p'-DDT), et 1,1-dichloro-2,2-bis(p-chlorophényl)éthylène (p,p'-DDE)] rapportées sur une base lipidique étaient dans la fourchette des études sur les personnes âgées d’autres pays ; l’âge et le sexe en étaient les principaux déterminants. Après ajustement pour plusieurs facteurs de risque conventionnels ou de confusion, aucun PCB n’était associé à la prévalence de la démence et de la MA. À l’exception du HCB, du cis-nonachlor et du p,p'-DDT, aucun autre pesticide ou métabolite n’était associé à la prévalence de la démence et de la MA. L’augmentation des concentrations de HCB, de cis-nonachlor et de p,p'-DDT était significativement associée à une réduction de la prévalence de la démence ; seule l’augmentation des concentrations de HCB était significativement associée à une réduction de la prévalence de la MA. Après un suivi moyen de cinq années, aucun organochloré n’était associé à l’incidence de la démence et de la MA. En revanche, des analyses subsidiaires ont suggéré que l’augmentation des concentrations des PCB 153, 156, 163 était associée à une baisse des performances cognitives reliées à la démence.

En résumé, les résultats de la présente thèse suggèrent que les PCB et les pesticides organochlorés ainsi que leurs métabolites ne sont pas reliés à la démence, plus particulièrement à la MA, cliniquement diagnostiquée.

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Abstract

Few studies have investigated relationships between exposure to organochlorines (OCs) [polychlorinated biphenyls (PCBs) and organochlorine pesticides], which are persistent and neurotoxic environmental contaminants, and the risk for dementia or Alzheimer’s disease (AD), the most frequent type of dementia. The first objective of this thesis was to describe the OC concentrations in plasma of Canadians aged 65 and over, and to identify associated factors. The second objective was to evaluate the association between these concentrations and the prevalence of dementia and AD. The third objective was to evaluate the association between these concentrations and the incidence of dementia and AD. Analyses were performed using data from the Canadian Study of Health and Aging.

Reported plasma lipid-weight PCB 105, 118, 138, 153, 156, 163, 170, 180, 183, and 187 and OC pesticide and their metabolite [β-hexachlorocyclohexane (β-HCH), hexachlorobenzene (HCB), oxychlordane, cis-nonachlor, trans-nonachlor, 1,1,1-trichloro-2,2-bis(p-chlorophenyl)ethane (p,p'-DDT), and 1,1-dichloro-2,2-bis(p-chlorophenyl)ethylene (p,p'-DDE)] concentrations are similar to those from other older populations; age and sex were the main determinants of these concentrations. After adjustment for several conventional risk factors or confounders, PCB concentrations were not associated with the prevalence of dementia and AD. Except for HCB, cis-nonachlor and p,p'-DDT, no other pesticide or metabolite was associated with the prevalence of dementia and AD. Elevations of HCB, cis-nonachlor and p,p'-DDT concentrations were significantly associated with a reduced prevalence of dementia; only those of HCB were significantly associated with a reduced prevalence of AD. After a mean follow-up of five years, OC concentrations were not associated with the incidence of dementia and AD. However, additional analysis showed that elevations of PCB 153, 156 and 163 concentrations were associated with lower dementia-related cognitive performances.

Overall, the results of the present thesis suggest that PCBs and OC pesticides and their metabolites were not related to clinically diagnosed dementia, in particular AD.

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The most important pathological effects of pollution are extremely delayed and indirect.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... ix

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xiii

Liste des abréviations... xv

Remerciements ... xxi

Avant-propos ... xxiii

CHAPITRE I : INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

CHAPITRE II : RECENSION DES ÉCRITS ... 5

2.1 Mise en contexte ... 5 2.2 Démence ... 6 2.2.1 Maladie d’Alzheimer ... 8 2.2.1.1 Épidémiologie ... 9 2.2.1.2 Histopathologie ... 12 2.2.1.3 Physiopathologie ... 16 2.2.1.4 Approche pharmacologique ... 19 2.2.2 Autres démences ... 21 2.3 Atteintes cognitives ... 22 2.4 Organochlorés ... 25 2.4.1. Polychlorobiphényles ... 26 2.4.2 Pesticides organochlorés ... 29

2.4.3 Mécanismes de neurotoxicité des organochlorés ... 32

2.5 Études épidémiologiques : exposition aux organochlorés et démence... 38

2.5.1 Exposition aux polychlorobiphényles ... 38

2.5.2 Exposition aux pesticides organochlorés ... 40

2. 6 Objectifs de la thèse ... 44

CHAPITRE III : ÉTUDE SUR LA SANTÉ ET LE VIEILLISSEMENT AU CANADA ... 45

3.1 Introduction ... 45

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3.2.1 Étude sur la santé et le vieillissement au Canada - Phase 1 ... 46

3.2.2 Étude sur la santé et le vieillissement au Canada - Phase 2 ... 48

3.2.3 Étude sur la santé et le vieillissement au Canada - Phase 3 ... 50

3.3 Constitution de la banque de sang ... 51

3.4 Analyses chimiques pour les travaux de thèse ... 52

3.5 Considérations éthiques ... 53

CHAPITRE IV: POLYCHLORINATED BIPHENYLS AND ORGANOCHLORINE PESTICIDES IN PLASMA OF OLDER CANADIANS ... 55

CHAPITRE V: PLASMA POLYCHLORINATED BIPHENYL AND ORGANOCHLORINE PESTICIDE CONCENTRATIONS IN DEMENTIA: THE CANADIAN STUDY OF HEALTH AND AGING ... 83

CHAPITRE VI: EXPOSURE TO POLYCHLORINATED BIPHENYLS AND ORGANOCHLORINE PESTICIDES, AND RISK OF DEMENTIA: A PROSPECTIVE ANALYSIS OF THE CANADIAN STUDY OF HEALTH AND AGING ... 105

CHAPITRE VII: CONCLUSION GÉNERALE... 129

7.1 Problématique ... 129

7.2 Synthèse des travaux ... 130

7.3 Discussion ... 132

7.4 Conclusion ... 138

BIBLIOGRAPHIE ... 139

ANNEXE A. Exposition aux PCB et pesticides organochlorés : déficits des fonctions mnésique, exécutive et spatio-visuelle chez des sujets adultes et/ou âgés. ... 159

ANNEXE B. Estimated coefficients of plasma log-transformed PCB and OC pesticide concentrations (μg/L) in relation to 3MS scores in a restricted sample that excluded all cases of incident dementia at follow-ups ... 165

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Liste des tableaux

CHAPITRE II

Tableau 1. Critères relatifs au diagnostic de la démence tirés du DSM-IV-TR (American Psychiatric

Asssociation 2000) ... 6

Tableau 2. Approche pharmacologique contre la MA ... 20 Tableau 3. Différents groupes homologues de PCB ... 27

CHAPITRE IV

Table 1. Study sample characteristics (n=1,979)………..……73 Table 2. Plasma lipid-weight OC concentrations (ng/g lipid) for study sample and by sex (n=1,979)……….…75 Table 3. Spearman rank correlation coefficients between plasma lipid-weight PCB congeners concentrations

(n=1,979)………..78

Table 4. Spearman rank correlation coefficients between plasma lipid-weight OCP concentrations

(n=1,979)………..…………80

Table 5. Effect of study sample characteristics on selected plasma wet-weight OC concentrations

(μg/L)………...….…………81

CHAPITRE V

Table 1. Baseline characteristics of nondemented and demented subjects including AD…….………...98 Table 2. Plasma OC concentrations (μg/L) in nondemented and demented subjects including AD…….….…100 Table 3. Associations of prevalent dementia and AD with 1-unit increase in log-transformed plasma OC

concentrations (μg/L)...………102

CHAPITRE VI

Table 1. Characteristics at study entry for 669 subjects……….……..………120 Table 2. Plasma PCB and OC pesticides concentrations (μg/L) at study entry (n=669) ………….……..….…122 Table 3. Adjusted HRs for incident all-cause dementia and AD per 1-unit log increase in plasma PCB and OC

pesticide concentrations (μg/L)……….….……124

Table 4. Estimated coefficients of plasma log-transformed PCB and OC pesticide concentrations (μg/L) in

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Liste des figures

CHAPITRE II

Figure 1 : Plaques séniles et amas de fuseaux neurofibrillaires dans le cerveau d’un sujet Alzheimer post

mortem. ... 13

Figure 2 : Le chemin de la pathologie tau dans la MA. ... 14

Figure 3 : Schéma conceptuel de l’hypothèse de la cascade amyloïde ... 16

Figure 4 : Schéma conceptuel des mécanismes physiopathologiques majeurs de la MA ... 17

Figure 5 : Structure chimique générale des congénères de PCB (x = 1 à 5 et y = 0 à 5) ... 26

Figure 6 : Structures chimiques de quelques pesticides organochlorés. ... 30

Figure 7 : Schéma récapitulatif des séquences pathophysiologiques entre l’exposition aux organochlorés et l’expression de la neurotoxicité ... 38

CHAPITRE V Figure 1. Flowchart of analytic sample……….……….97

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Liste des abréviations

2,3,7,8-TCDD 2,3,7,8-tétrachloro-p-dibenzodioxine

3MS Modified Mini Mental State Examination

95% CI 95% confidence interval

AA Alzheimer’s Association

ACh Acétylcholine

AChE Acétylcholine estérase

ADAMS Aging, Demographics, and Memory Study

ADN Acide désoxyribonucléique

ADS Attention and Digital Span

Ah Aryl hydrocarbon

Ah-AHRE III Aryl hydrocarbon receptor responsive element III

AhR-XRE Aryl hydrocarbon receptor-xenobiotic-responsive element

AMPA α-Amino-3-hydroxy-5-méthylisoazol-4-propionate

ANCOVA Analysis of covariance

APP Amyloid protein precursor

ATP Adénosine triphosphate

βA Beta-amyloïdes

β-HCH Beta Hexachlorocyclohexane

bHLH/PAS basic Helix-Loop-Helix/Per Arnt Sim

BDI Beck Depression Inventory

BMI Body mass index

Ca2+ Ion calcium

CAMDEX Cambridge Mental Disorders of Elderly Examination

CAR Constitutive Androstane Receptor

CASI Cognitive Abilities Screening Instrument

CDRS Clinical Dementia Rating Scale

CHU Centre hospitalier universitaire

CIM Classification internationale des maladies

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COMT Catéchol-o-méthyl transférase

CSHA Canadian Study Health and Aging

CSHA-1 Canadian Study Health and Aging-phase 1

CSHA-2 Canadian Study Health and Aging-phase 2

CSHA-3 Canadian Study Health and Aging-phase 3

CVLT California Verbal Learning Test

CYP-450 Cytochrome P-450

DAT Transporteur de dopamine

DSM Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders

DSM-III-R Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 3rd edition, revised criteria

DSM-IV-TR Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4th edition, revised criteria

DSS Digit Symbol Substitution

DVa Démence vasculaire

ECMS Enquête canadienne des mesures de santé

ÉSVC Étude sur la santé et le vieillissement au Canada

ÉSVC-1 Étude sur la santé et le vieillissement au Canada-phase 1

ÉSVC-2 Étude sur la santé et le vieillissement au Canada-phase 2

ÉSVC-3 Étude sur la santé et le vieillissement au Canada-phase 3

GABA Acide gamma-aminobutyrique

HCB Hexachlorobenzène

HDL High-density lipoprotein

HR Hazard ratio ou rapport de risques

HVOT Hooper Visual Organization Test

IC 95% Intervalle de confiance à 95%

ICP-MS Spectrométrie de masse à plasma d’argon induit

IMC Indice de masse corporelle

INSERM Institut national de la santé et de la recherche médicale

INSPQ Institut national de santé publique du Québec

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LDL Low-density lipoprotein

L-DOPA L-3,4-dihydroxyphenylalamine

MA Maladie d’Alzheimer

MCI Mild cognitive impairment

MeSO2-PCB Métabolites méthylsulfonyles des polychlorobiphényles

MMSE Mini Mental State Examination

NIA National Institute on Aging

NINCDS-ADRDA National Institute of Neurological and Communicative Disorders and

Stroke-Alzheimer’s disease and Related Disorders Association

NINDS-AIREN National Institute of Neurological Disorders and Stroke / Association Internationale pour la Recherche et l’Enseignement en Neurosciences

NMDA N-méthyl-D-aspartate

OC Organochlorine

OCP Organochlorine pesticide

OH-PCB Métabolites hydroxylés des polychlorobiphényles

OR Odds ratio

PBDE Polybromodiphényléthers

PPB Parts-per-billion / partie par milliard

PCB Polychlorobiphényle ou Polychlorinated biphenyl

POP Polluant organique persistant

p,p’-DDE 1,1-dichloro-2,2-bis (p-chlorophényl) éthylène p,p’-DDT 1,1,1-trichloro-2,2-bis (p-chlorophényl) éthane

PXR Pregnane-X Receptor

RC Rapport de cotes

RyR Ryanodin receptor

SCT Short Category Test

SCWT Stroop color-word test

SD Standard deviation

SMR Standardized mortality ratio

T3 3,3’,5-triiodothyronine

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TBG Thyroxin-binding globulin

TC Total cholesterol

TG Triglycérides

TL Total lipids

TLC Trouble cognitif léger

TMT Trail-Making Test

UICPA Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée

VMAT2 Transporteurs vésiculaires des monoamines 2

VMR Verbal Memory Recall

VMS Visual Memory Span

WMS Wechsler Memory Scale

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Je dédicace cette thèse à la mémoire de mes défunts grands-pères, Jacob Goudjanou Medehouenou, Eusèbe Ayétchémi Bossou, et de ma feue petite sœur, Pélagie Akpaka.

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Remerciements

D’abord, merci au Professeur Danielle Laurin, ma directrice de recherche, de m’avoir fait confiance, donné l’opportunité de travailler sur ce sujet, d’avoir su m’encourager et m’accompagner dans les dédales de la recherche scientifique épidémiologique. J’espère que je saurai transmettre l’enseignement que j’ai reçu de vous en épidémiologie générale et en épidémiologie de la démence en particulier. Merci également au Professeur Pierre Ayotte d’avoir accepté de codiriger ce travail. Je souhaite souligner l’intérêt et le plaisir d’avoir travaillé avec vous au cours de la maîtrise et du doctorat. J’espère que je saurai transmettre l’enseignement que j’ai reçu de vous en sciences des biomarqueurs et en toxicologie des contaminants environnementaux.

Ensuite, merci aux Professeurs Benoît Levesque du Département de médecine sociale et préventive de la Faculté de médecine de l’Université Laval, Pierre Gagnon de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval, et Michèle Bouchard du Département de santé environnementale et santé au travail de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal d’avoir accepté de juger cette thèse de doctorat.

Ensuite, merci aux autres co-auteur(e)s des articles, je voudrais nommer en particulier, les Professeurs Alexandre Bureau et Suzanne L. Tyas pour leurs édifiantes suggestions et remarques, et surtout le biostatisticien Pierre-Hugues Carmichael pour son aide indéfectible en biostatistique. Ce fut un réel plaisir de collaborer avec vous !

Ensuite, merci à Nathalie Ouellet de l’Institut national de santé publique de Québec (INSPQ), pour son aide déterminante au cours des démarches ayant conduit au dosage des triglycérides et du cholestérol total au Laboratoire de Biochimie du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec.

Ensuite, merci aux membres du Centre d’Excellence sur le Vieillissement du Québec pour avoir contribué de par leur attitude à une atmosphère saine et propice à la recherche.

Ensuite, merci à toutes mes connaissances et à tous les membres de ma famille pour leurs encouragements.

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Enfin, un grand merci aux organismes subventionnaires (Fonds de la recherche du Québec – Santé et Instituts de recherche en santé du Canada) et organismes d’octroi de bourses doctorales (Société Alzheimer du Canada et Canadian Dementia Knowledge Translation) sans lesquels ce travail ne verrait jamais le jour.

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Avant-propos

L’objectif de l’initiale subvention de recherche intitulée Polychlorinated biphenyls (PCBs) and other organochlorines in cognitive impairment dont est issue en partie la présente thèse, était d’étudier pour la première fois sur une large population canadienne âgée de 65 ans et plus, l’association entre les niveaux plasmatiques des organochlorés [polychlorobiphényles (PCB) et pesticides organochlorés] et les déficits cognitifs d’une part, la démence et ses principaux sous-types que sont la maladie d’Alzheimer (MA) et la démence vasculaire (DVa), d’autre part. Au reste, je n’ai pas pu participer à la rédaction de cette subvention qui a été acceptée en 2005 par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) puisque mon cycle doctoral ne débuta qu’en septembre 2008.

Cette thèse comporte trois manuscrits scientifiques dont le premier fut publié en novembre 2011. Le deuxième manuscrit est en cours d’évaluation pour publication et le troisième sera soumis ultérieurement. Je suis le premier auteur de ces trois manuscrits. Mon rôle au début du présent projet de thèse était de coordonner auprès du Laboratoire de Toxicologie de l’INSPQ, les démarches nécessaires pour assurer en 2010 le dosage manquant des triglycérides et du cholestérol total au Laboratoire de Biochimie du centre de recherche du CHU de Québec. Les concentrations plasmatiques des organochlorés avaient été précédemment mesurées à l’INSPQ entre 2007 et 2008. J’ai été, par la suite, responsable de la revue de littérature, de la formulation de l’hypothèse de la présente thèse, de la définition des principales variables d’intérêt, de l’analyse statistique des données, de l’interprétation des résultats, de la rédaction des trois manuscrits et, enfin, de l’apport des suggestions et corrections suggérées, après révision, par l’ensemble des co-auteur(e)s.

C’est dans l’optique de pallier l’inexistence d’études portant sur l’exposition des personnes âgées de 65 ans et plus aux organochlorés au Canada que l’objectif du premier manuscrit (chapitre IV) a été conçu. Le manuscrit a été publié sous le titre de Polychlorinated biphenyls and organochlorine pesticides in plasma of older Canadians dans la revue Environmental Research. Le résumé du manuscrit tant en français qu’en anglais a été modifié suivant les exigences en nombre de mots de la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval. De plus, pour des raisons

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d’uniformisation et de mise à jour qui ont eu cours les derniers mois de l’année 2012, les affiliations des co-auteur(e)s du manuscrit inclus dans cette thèse diffèrent de celles de l’article publié.

Le deuxième objectif relatif à l’association entre concentrations plasmatiques des organochlorés et la prévalence de démence toutes causes confondues et de la MA, a donné lieu au deuxième manuscrit (chapitre V) qui a été soumis sous le titre de Plasma polychlorinated biphenyl and organochlorine pesticide concentrations in dementia: The Canadian Study of Health and Aging. Les modèles logistiques explicatifs construits ont été non seulement ajustés pour les principaux facteurs de risque de la démence et de la MA tels que l’âge, le sexe, l’éducation et le gène de l’apolipoproteine E mais aussi pour des variables potentiellement confondantes.

Le troisième objectif relatif à l’association entre concentrations plasmatiques des organochlorés et l’incidence de démence toutes causes confondues et de la MA a donné lieu au troisième manuscrit (chapitre VI) qui sera soumis ultérieurement sous le titre de Exposure to polychlorinated biphenyls and organochlorine pesticides and risk of dementia : A prospective analysis of the Canadian Study of Health and Aging. En complément des différentes variables d’ajustement du deuxième manuscrit, des informations relatives aux métaux lourds, autres facteurs de risque environnementaux de la démence et de la MA, ont été introduites dans les modèles de Cox et mixtes à mesures répétées explicatifs construits.

À l’exception de Pierre-Hugues Carmichael, MSc, les autres co-auteur(e)s (Pierre Ayotte, PhD, Edeltraut Kröger, PhD, René Verreault, MD, PhD, Joan Lindsay, PhD, Éric Dewailly, MD, PhD, Suzanne L. Tyas, PhD, Alexandre Bureau, PhD et Danielle Laurin, PhD) des trois manuscrits sont les mêmes personnes qui avaient co-rédigé la demande de subvention en 2005. L’ordre d’apparition dans les manuscrits et les différentes affiliations des co-auteur(e)s se déclinent comme suit :

Thierry Comlan Marc Medehouenou,1,2 Pierre Ayotte,3,4,5 Pierre-Hugues Carmichael,2 Edeltraut Kröger,1,2 René Verreault,2,3 Joan Lindsay,3,6 Éric Dewailly,3,4,5 Suzanne L. Tyas,7 Alexandre Bureau,3,8 and Danielle Laurin1,2

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2 Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec, Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec, Québec, Québec, Canada

3 Faculté de médecine, Département de médecine sociale et préventive, Université Laval, Québec, Québec, Canada

4 Centre de recherche du CHU de Québec, Québec, Québec, Canada

5 Laboratoire de toxicologie, Institut national de santé publique du Québec, Québec, Québec, Canada

6 Department of Epidemiology and Community Medicine, Faculty of Medicine, University of Ottawa, Ottawa, Ottawa, Canada

7 School of Public Health and Health Systems, and Department of Psychology, University of Waterloo, Waterloo, Ottawa, Canada

8 Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec, Québec, Québec, Canada

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CHAPITRE I : INTRODUCTION GÉNÉRALE

Les progrès sanitaires, technologiques et médico-sociaux aidant, l’espérance de vie est en nette progression dans le monde entier. La proportion des personnes âgées ne cessera alors de croître. À cette réalité vient en complément, dans les pays industrialisés, un faible indice synthétique de fécondité, autre facteur contributif à l’inversion de la pyramide des âges. Au Canada, la situation n’est guère différente. En 2011, le nombre de Canadiens de 65 ans et plus était estimé à 5,0 millions. Et, selon tous les scénarios de projection retenus, ce chiffre devrait atteindre en moyenne 10,4 millions soit 24% de la population en 2036, et 13,5 millions, soit 26%, en 2061 (Statistique Canada 2010). Eu égard à de pareilles prévisions, la démence ainsi que ses deux sous-types les plus fréquents, la maladie d’Alzheimer (MA) et la démence vasculaire (DVa), liés à l’avancement en âge, sont en passe de devenir de significatifs problèmes de santé publique (Alzheimer Society of Canada 2010; Gao et al. 1998). Déjà en 1991-92, la plus grande étude jamais réalisée au Canada, l’Étude sur la santé et le vieillissement au Canada (ÉSVC), a rapporté que 8% de la population canadienne âgée de 65 ans et plus était atteinte de démence (The Canadian Study of Health and Aging Working Group 1994). La MA constituait alors le type le plus fréquent de démence avec une prévalence de 5,1%. Par ailleurs, près de 17% des aînés, soit le double du nombre des personnes atteintes de démence, présentaient des atteintes cognitives sans satisfaire aux critères de démence (Graham et al. 1997). Cet état de déficit cognitif sans démence a été défini au Canada sous le terme de cognitive impairment, no dementia (CIND) (Graham et al. 1997). Ce concept revêt un défi particulier en épidémiologie de la démence puisque l’issue démentielle des individus présentant un CIND reste à préciser (Palmer et al. 2002; Ritchie and Tuokko 2010, 2011).

Bien que les causes initiales du déclenchement des processus conduisant à la MA soient actuellement inconnues, il est intéressant de remarquer que, à part une prédisposition génétique, les facteurs de risque de l’environnement au sens large du terme contribueraient jusqu’à la moitié de la variation dans l’apparition de la MA chez la personne âgée (Pedersen et al. 2004). La MA résulterait au mieux des connaissances actuelles d’un processus multifactoriel impliquant une susceptibilité génétique et une exposition à divers facteurs environnementaux, le tout modulé par des processus biologiques inhérents au vieillissement normal (Bird 2005; Brayne 1993; Ottman 1990, 1994). Dans le cadre de la présente thèse, nous nous sommes intéressés à l’exposition aux facteurs

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environnementaux chimiques persistants, plus exactement les polychlorobiphényles (PCB) et les pesticides organochlorés.

L’intérêt porté à ces contaminants dans le cadre de cette thèse provenait de l’analyse rigoureuse de la littérature scientifique. L’analyse avait d’abord porté sur les études fondamentales ou revues narratives portant sur la neurotoxicité des PCB et pesticides organochlorés (Kodavanti 2005; Kodavanti et al. 1998a; Kodavanti and Tilson 1997, 2000; Kodavanti et al. 1998b; Simon et al. 2007) ; sur les études cliniques ou épidémiologiques montrant des associations entre problèmes neurologiques chroniques, baisse de performances cognitives ou neurobehaviorales et exposition aux PCB et pesticides en général et organochlorés en particulier chez les adultes (Baldi et al. 2001; Baldi et al. 2003; Bosma et al. 2000; Kamel et al. 2005, 2007; Kamel and Hoppin 2004; Kilburn 1997; Kilburn and Thornton 1995; Peper et al. 1999; Schantz et al. 2001; van Wendel de Joode et al. 2001). Ensuite, elle a porté sur une étude de cas où un individu de 30 ans exposé, dans son milieu de travail, à de fortes concentrations d’un mélange industriel de PCB (Aroclor 1260) pendant six ans avait développé une démence similaire à celle de type Alzheimer et un syndrome affectif organique (Troster et al. 1991), et sur une autre étude de cas où un individu de 55 ans exposé professionnellement de façon chronique aux pesticides en général avait développé une démence de type Alzheimer (Cannas et al. 1992). Enfin, sur quelques études observationnelles suggérant l’existence d’associations entre démence et/ou MA et l’exposition occupationnelle ou environnementale chronique aux PCB (Steenland et al. 2006), aux pesticides toutes classes confondues (Baldi et al. 2003; Park et al. 2005; Santibanez et al. 2007; The Canadian Study of Health and Aging 1994; Tyas et al. 2001), et aux pesticides organochlorés (Hayden et al. 2010). Il est à noter que, par rapport à ces dernières études, l’évaluation de l’exposition est faite à partir de questionnaires ou de matrices emplois-expositions, souvent source de biais d’information ou de misclassification en épidémiologie environnementale. Ces études n’étaient alors pas en mesure de déterminer les classes ou les types de pesticides mis en cause. La détermination d’une telle information est cependant primordiale pour une analyse et une gestion adéquate des risques puisque les pesticides en soit constituent un ensemble de classes de produits chimiques toxiques disparates ayant des propriétés toxicologiques différentes et spécifiques. Fort de ce qui précède, l’existence d’une association entre l’exposition aux PCB ou aux pesticides organochlorés et la démence et/ou la MA ne peut être exclue. À notre connaissance, aucune étude d’envergure n’a encore formellement

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évalué une telle association à l’aide de mesures biologiques comme marqueurs d’exposition à ces contaminants.

Le présent projet de thèse visait alors à mesurer chez la population canadienne âgée les niveaux d’imprégnation c’est-à-dire les concentrations plasmatiques de PCB et de pesticides organochlorés, et à évaluer leur association avec la démence toutes causes confondues et la MA à partir des données de l’ÉSVC. L’ÉSVC étant une étude de cohorte multicentrique représentative de la population canadienne âgée de 65 ans et plus, réalisée de 1991-92 à 2001-02, dont l’objectif principal était d’une part d’estimer la prévalence et l’incidence de la démence, de la MA et de la DVa, et d’autre part, d’en déterminer les facteurs de risque (The Canadian Study of Health and Aging Working Group 1994).

Le premier objectif de cette thèse visait à mesurer les concentrations plasmatiques des PCB et pesticides organochlorés et à évaluer leurs déterminants chez les Canadien(ne)s âgé(e)s de 65 ans et plus. Le deuxième objectif visait à évaluer l’association entre ces concentrations plasmatiques et la prévalence de la démence toutes causes confondues et de la MA. Le troisième objectif visait à évaluer l’association entre ces concentrations plasmatiques et l’incidence de la démence toutes causes confondues et de la MA.

Après une recension des écrits et l’énonciation des objectifs de la thèse au chapitre II, le chapitre III sera consacré à la description de l’ÉSVC et les banques de données associées. Les premier, deuxième et troisième manuscrits seront présentés respectivement aux chapitres IV, V et VI, suivis au chapitre VII de la conclusion générale.

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CHAPITRE II : RECENSION DES ÉCRITS

2.1 Mise en contexte

La hausse du vieillissement démographique aidant (Lutz et al. 2008), les maladies neurodégénératives liées à l’avancement en âge, avec en tête de lice la démence toutes causes confondues, et ses principaux sous-types que sont la MA, la DVa, la démence à corps de Lewy, la démence fronto-temporale seront des défis majeurs auxquels les institutions hospitalières, de santé publique et gouvernementales doivent faire face dans un proche futur. Malgré de nombreuses recherches tant en sciences fondamentales (études mécanistiques) qu’en sciences appliquées (études des facteurs de risque), il n’existe actuellement aucune hypothèse étiologique définitive, aucun moyen préventif ou curatif objectif de la MA. La démence se caractérise par une progressive et irréversible déchéance physique et mentale conduisant le sujet à la mort (Moschetti et al. 2012; Suttanon et al. 2012) avec d’énormes coûts financier et économique aussi bien pour les proches que pour la société (Jonsson 2004; Jonsson and Wimo 2009; Wimo et al. 2007).

La présente thèse visait à étudier pour la première fois l’exposition aux PCB et pesticides organochlorés et sa relation avec le risque de démence en général et de la MA en particulier au sein de la population canadienne âgée de 65 et plus. Dans un contexte de recherche scientifique en constante évolution dans le domaine de la démence, il sera recensé dans ce chapitre-ci les grandes lignes des écrits portant sur le sujet et actuellement disponibles. Pour ce faire, ce chapitre a été subdivisé en cinq sections. Il sera résumé dans la première section le concept de démence en général avec un accent particulier sur la MA ; par contre, la DVa, la démence à corps de Lewy, la démence fronto-temporale ainsi que les autres formes de démence y seront abordées à titre informatif. Pour les besoins des recommandations actuelles des organismes tels que le National Institute on Aging (NIA) et l’Alzheimer’s Association (AA) en matière de recherche sur la démence (Albert et al. 2011), les atteintes cognitives seront aussi traitées dans la deuxième section à titre informatif. Dans la troisième section, il sera question des organochlorés et de leurs possibles mécanismes de neurotoxicité. Les études cliniques ou épidémiologiques portant sur les relations entre organochlorés et démence ou MA seront abordées dans la quatrième section. Les objectifs de la thèse seront énumérés à la cinquième section.

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2.2 Démence

Selon la quatrième édition révisée du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV-TR) de l’Association américaine de psychiatrie (American Psychiatric Asssociation 2000), la démence désigne un syndrome conduisant à une détérioration globale des fonctions cognitives avec de sérieuses répercussions sur la vie quotidienne de la personne atteinte. Mieux, la démence est caractérisée par l’altération de la mémoire associée diversement à des troubles du jugement, du raisonnement, du langage ou de la reconnaissance des objets ou des personnes. L’évaluation demeure essentiellement clinique et ce, malgré l’apport inestimable des dernières avancées en dosages biologiques et en neuroimagerie. Un ensemble de critères a été proposé par le DSM-IV-TR pour favoriser le diagnostic de la démence (Tableau 1).

Tableau 1. Critères relatifs au diagnostic de la démence tirés du DSM-IV-TR (American Psychiatric Asssociation 2000)

Critères Manifestations

A1 Atteinte de la mémoire : antérograde, rétrograde ou combinée ;

A2a Aphasie : atteinte du langage et problème de traduction de la pensée par

des mots ;

A2b Apraxie : atteinte de la capacité à exécuter des mouvements dans le but proposé malgré l’intégrité des fonctions motrices et sensorielles et la compréhension de la tâche à exécuter ;

A2c Agnosie : atteinte de la capacité à reconnaître des objets ou des personnes

malgré l’intégrité des fonctions sensorielles ;

A2d Atteinte des fonctions exécutives qui incluent la capacité d’abstraction et permettent de planifier, d’initier, de poursuivre et d’arrêter des actions complexes ;

B Déclin du niveau fonctionnel en comparaison au niveau antérieur.

D’abord, le diagnostic nécessite la présence du critère A1 et au moins un des critères A2a à A2d. Ensuite, les atteintes doivent être suffisamment sévères pour compromettre la fonction occupationnelle ou sociale et elles doivent représenter un déclin du niveau fonctionnel détenu auparavant (présence du critère B). Enfin, le diagnostic initial ne doit pas être posé au moment d’un

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delirium. Le type le plus fréquent, le plus connu et le plus étudié est la MA ; viennent ensuite la DVa, la démence à corps de Lewy, la démence fronto-temporale et autres étiologies démentielles dues à une pathologie sous-jacente ou à une exposition à des substances neurotoxiques.

À l’échelle mondiale, 35,6 millions de personnes vivaient avec une démence en 2010 (Alzheimer’s Disease International 2010); elles seront 65,7 millions en 2030 et 115,4 millions en 2050 (Alzheimer’s Disease International 2010; Ferri et al. 2005). Aux États-Unis, l’Aging, Demographics, and Memory Study (ADAMS), la première étude sur la démence, basée sur un échantillon national, a estimé en 2002 que la prévalence de la démence chez les Américain(e)s âgé(e)s de 71 ans et plus était de 13,7%, soit 3,3 millions de personnes (Plassman et al. 2007). Au Canada, l’ÉSVC a estimé en 1991-92 une prévalence de 8% chez les Canadiens âgés de 65 ans et plus, soit 252 600 personnes (The Canadian Study of Health and Aging Working Group 1994). La répartition de ces personnes était quasi égale entre la communauté et les institutions et le ratio femme:homme était de 2:1. Les plus récentes estimations canadiennes prévoient que 1 125 184 personnes seront atteintes de démence en 2038, soit 2,8% de la population ou 11,3% des 65 ans et plus (Alzheimer Society of Canada 2010).

On estimait d’après les données d’ADAMS de 2008-09 que le taux d’incidence par 1 000 personnes-années aux États-Unis était de 33,3 soit 18,9 chez les 72-79 ans ; de 42,2 chez les 80-89 ans et de 82,1 chez les 90 ans et plus (Plassman et al. 2011). Au Canada, d’après les données de l’ÉSVC de 1996-97, on estimait à 60 150 le nombre annuel de nouveaux cas de démence, soit un taux d’incidence par 1 000 personnes-années de 5,5 chez les 65 à 69 ans ; de 10,9 chez les 70 à 74 ans ; de 22,3 chez les 75 à 80 ans ; de 42,0 chez les 80 à 84 ans et de 106,5 chez les 85 ans et plus (The Canadian Study of Health and Aging Working Group 2000). Les nouvelles projections prévoient globalement en 2038 au Canada, 257 811 nouveaux cas par an chez les 65 ans et plus (Alzheimer Society of Canada 2010).

Quelques récentes études basées sur la population en Europe (Lobo et al. 2007; Qiu et al. 2013) et aux États-Unis (Hall et al. 2009) avaient plutôt montré que la prévalence de la démence reste relativement stable c.-à-d. ne croit pas avec le temps. Deux autres études récentes (Rocca et al.

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2011; Schrijvers et al. 2012) avaient aussi suggéré une stabilité de l’incidence de la démence. Les causes d’une telle stabilité ne sont pas encore très claires. Cependant, on peut raisonnablement émettre comme hypothèse que les mesures de santé publique visant à réduire le risque des accidents vasculaires cérébraux ou des maladies cardio-vasculaires également impliqués dans l’étiologie démentielle (Barnes and Yaffe 2011; Qiu et al. 2010; Viswanathan et al. 2009), ainsi que l’amélioration de l’état nutritionnel, du style de vie ou de la situation financière des personnes âgées en seraient les principaux facteurs contributifs (Whalley 2012). Si cette stabilité venait à être confirmée par d’autres études, l’explosion du nombre de sujets déments annoncée, essentiellement basée sur des extrapolations, dans les prochaines décennies devrait être relativisée.

2.2.1 Maladie d’Alzheimer

La MA, du nom du médecin allemand Alois Alzheimer qui l’a décrite la première fois en 1907 (Alzheimer et al. 1995; Moller and Graeber 1998; Vishal et al. 2011), représente environ les deux tiers de tous les cas de démence (Ferri et al. 2005; Qiu et al. 2007 ; The Canadian Study of Health and Aging Working Group 1994). Elle se définit comme une pathologie dégénérative et évolutive du cerveau de cause inconnue, caractérisée par une perte insidieuse, progressive et irréversible des fonctions cognitives (American Psychiatric Asssociation 2000). Cette pathologie serait attribuable à une dégénérescence neuronale et synaptique reliée à la présence de lésions pathologiques typiques menant ultimement à une perte neuronale (Desikan et al. 2011; Smale et al. 1995). À la perte des fonctions cognitives, peuvent s’ajouter au tableau clinique un déficit des fonctions motrices, ainsi que l’apparition de symptômes psychologiques comme les troubles comportementaux, les hallucinations diverses et la dépression (Baldwin and Farias 2009). À un stade avancé, la maladie entraîne une perte complète de l’autonomie fonctionnelle et conduit inéluctablement à la mort (American Psychiatric Asssociation 2000; Cummings et al. 1998). L’évaluation de la MA est essentiellement clinique. Le diagnostic de la MA présuppose la satisfaction des critères relatifs au diagnostic de la démence du DSM-IV-TR (American Psychiatric Asssociation 2000). Un diagnostic différentiel est ensuite posé après élimination d’autres étiologies démentielles. Il existe d’autres critères établis pour le diagnostic de la MA tels que ceux du National Institute of Neurological and Communicative Disorders and Stroke - Alzheimer’s Disease and Related Disorders Association (NINCDS-ADRDA) (McKhann et al. 1984). Ces critères ont fait l’objet d’une profonde révision avec incorporation

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notamment de l’usage de biomarqueurs et de la neuroimagerie (McKhann et al. 2011). Malgré le recours aux dosages biologiques et à la neuroimagerie (Albert et al. 2011; Jack et al. 2011; McKhann et al. 2011; Sperling et al. 2011), il demeure que le diagnostic définitif relève d’un examen post mortem montrant des changements histomorphologiques caractéristiques tels que les plaques amyloïdes ou séniles constituées de peptides bêta-amyloïdes (βA) et les dégénérescences neurofibrillaires reliées à la protéine tau (LaFerla and Oddo 2005; Sloane et al. 2002).

2.2.1.1 Épidémiologie

La prévalence de la MA chez les personnes de 71 ans et plus était de 9,5% aux Etats-Unis, soit de 2,3% chez les 71-79 ans, 18,1% chez les 80-89 ans et 29,6% chez les 90 ans et plus (Plassman et al. 2007). Elle était de 5,1% chez les 65 ans et plus au Canada (The Canadian Study of Health and Aging Working Group 1994). La prévalence au Canada croît aussi avec l’âge de façon exponentielle, passant de 1,0% parmi les sujets de 65 à 74 ans à 6,9% parmi les sujets de 75 à 84 ans et jusqu’à 26,0% parmi ceux de 85 ans et plus (The Canadian Study of Health and Aging Working Group 1994). Les différences méthodologiques liées aux critères de diagnostic ou à l’échantillonnage (échantillon non représentatif, constitué uniquement de survivants, de sujets de communauté ou d’institution) rendent difficiles les comparaisons objectives d’une étude à l’autre. Toutefois, une méta-analyse sous l’autorité de l’Alzheimer’s Disease International avait permis de conclure que les prévalences rapportées un peu partout dans le monde étaient comparables dans la mesure où elles se situaient entre 1,5 et 6,5% (Ferri et al. 2005). Le taux d’incidence par 1 000 personnes-années était, d’après les données d’ADAMS de 2008-09, de 22,9 chez les 72 ans et plus aux Etats-Unis, soit 16,6 chez les 72-79 ans ; 24,2 chez les 80-89 ans et 64,0 chez les 90 ans et plus (Plassman et al. 2011). D’après les données de l’ÉSVC de 1996-97, on estimait, pour tous âges confondus, que le taux d’incidence par 1 000 personnes-années était de 7,4 chez les femmes et de 5,9 chez les hommes (soit chez les femmes, un taux de 1,4 chez les 65 à 69 ans, de 2,9 chez les 70 à 74 ans, de 4,8 chez les 75 à 79 ans, de 19,0 chez les 80 à 84 ans et de 49,0 chez les 85 ans et plus; chez les hommes, un taux non défini chez les 65 à 69 ans, de 3,7 chez les 70 à 74 ans, de 7,8 chez les 75 à 79 ans, de 13,5 chez les 80 à 84 ans et de 44,2 chez les 85 ans et plus) (The Canadian Study of Health and Aging Working Group 2000).

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La MA existe sous deux formes partageant les mêmes deux principaux types de lésions neuropathologiques. Il s’agit de la forme héréditaire ou familiale, et celle sporadique. Dans la première forme, les mutations génétiques en sont la cause, tandis que dans la seconde, plusieurs facteurs tant génétiques, nutritionnels, environnementaux, que relatifs au mode de vie et au vieillissement normal semblent y contribuer. La forme héréditaire ou familiale autosomique dominante apparaissant avant 65 ans est due à des mutations sur les gènes APP (codant pour la protéine précurseur de l’amyloïde) sur le chromosome 21, PSEN-1 (codant pour la protéine préséniline 1) sur le chromosome 14 et PSEN-2 (codant pour la protéine préséniline 2) sur le chromosome 1. Plus de détails sur la forme héréditaire de la MA se retrouvent dans la revue de la littérature de Migliore et Coppede (Migliore and Coppede 2009).

Quant à la forme sporadique, principal objet de la présente thèse, représentant 90-95% des cas de MA diagnostiqués, elle survient généralement chez les personnes de 65 ans et plus (American Psychiatric Asssociation 2000). Le facteur de risque majeur et définitif est l’avancement en âge (Morris 1999; Raji et al. 2009). En effet, la fréquence de la pathologie double à chaque cinq ans après 65 ans et atteint 50% à 85 ans (Puglielli et al. 2003). Cette forme est dite multifactorielle car en plus de l’âge, un nombre inconnu de facteurs de risque génétiques et environnementaux agissent isolement ou en concert dans le développement de la maladie (Finckh 2003; Finckh et al. 2003). L’un des facteurs définitifs de risque génétique mis en cause est l’allèle epsilon 4 (ε4) du gène de l’apolipoprotéine E (Strittmatter et al. 1993). Le gène de l’apolipoprotéine E est situé sur le chromosome 19 et possède trois allèles (ε2, ε3 et ε4) qui interviennent différemment dans l’homéostasie des lipides (Smith 2002). L’allèle ε2 semble jouer un rôle protecteur ; l’allèle ε3 sert habituellement de référent. Ces allèles sont impliqués dans le transport du cholestérol dans le cerveau, le maintien de l’homéostasie lipidique du système nerveux central, la plasticité synaptique et la croissance neuronale ainsi que le métabolisme de l’APP; la présence de l’allèle ε4 est associée à une baisse d’efficacité dans la régulation de ces mécanismes (Martins et al. 2006). Le risque de développer cette forme de MA triple chez les porteurs hétérozygotes de l’allèle ε4 et est multiplié par 15 chez les homozygotes (Farrer et al. 1997). Toutefois, sa présence chez l’individu ne mène pas nécessairement à la forme sporadique de la MA : 12 à 18% de tous les cas y sont associés (Evans et al. 1997; Slooter et al. 1998; Tol et al. 1999). À ces deux facteurs de risque s’ajoute le facteur de protection que représente une scolarité élevée (Caamano-Isorna et al. 2006) ; ce facteur de

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protection, à la base de la théorie de la réserve cognitive, permettrait au sujet de tolérer plus longtemps les dommages neuronaux ou de compenser par d’autres processus cognitifs, et retarder ainsi l’apparition des signes cliniques de la maladie (Caamano-Isorna et al. 2006; Kalpouzos et al. 2008; Valenzuela 2008).

Au-delà des trois facteurs suscités, d’autres facteurs de risque ou de protection ont été rapportés dans la littérature (Devanand et al. 2012; Esiri and Chance 2012). Les conclusions auxquelles parviennent les différentes études portant sur ces facteurs sont assez contradictoires au point où présentement la communauté scientifique demeure perplexe à leur sujet. Parmi ces facteurs, il y a le sexe féminin (Andersen et al. 1999; Jorm and Jolley 1998; Launer et al. 1999; Lin et al. 1998; Rocca et al. 1998; Seshadri and Wolf 2007), plusieurs gènes de susceptibilité (Elias-Sonnenschein et al. 2012; Finckh 2003; Finckh et al. 2003; Masoodi et al. 2012; Migliore and Coppede 2009), le style de vie à savoir une faible activité physique (Scarmeas et al. 2011; Scarmeas et al. 2009; Teri et al. 1998), une faible participation sociale (Saczynski et al. 2006), le tabagisme (Anstey et al. 2007; Letenneur et al. 2004; Tyas 1996; Tyas et al. 2000), la consommation excessive d’alcool (Huang et al. 2002; Letenneur et al. 2004; Peters et al. 2008; Tyas 1996), une alimentation carentielle en vitamines, en minéraux, en antioxydants (Bowman 2012; Harrison 2012; Joshi and Pratico 2012; Lerner et al. 2012; Vassallo and Scerri 2012) ou en acides gras polyinsaturés oméga-3 (Gu et al. 2012; Jicha and Markesbery 2010; Pomponi et al. 2011; Quinn et al. 2010), et la présence d’autres pathologies comme les accidents vasculaires cérébraux, maladies cérébrovasculaires et cardiaques (Beach et al. 2007; DeCarli 2003; Gamaldo et al. 2006; Luchsinger et al. 2005; Regan et al. 2006; Roher et al. 2003; Roher et al. 2006; Sparks et al. 2000), l’hypertension artérielle et le diabète (Blennow et al. 2006; Gorospe and Dave 2007; Luchsinger et al. 2001; Mayeux 2003; Merchant et al. 1999; Panza et al. 2007; Panza et al. 2008; White and Launer 2006) ou tout simplement le syndrome métabolique (Misiak et al. 2012; Razay et al. 2007; Vanhanen et al. 2006). Il en est de même pour l’obésité (Blum and Buee 2013; Gustafson et al. 2003; Kivipelto et al. 2005; Razay et al. 2006; Rosengren et al. 2005; Stewart et al. 2005; Whitmer 2007), les antécédents familiaux de démence (Breitner et al. 1988; Devi et al. 1998; LaRusse et al. 2005; Mayeux et al. 1991), les traumatismes crâniens (Gedye et al. 1989; Guo et al. 2000; Plassman et al. 2000; Schofield et al. 1997), la perturbation de l’homéostasie des métaux dans le cerveau des personnes âgées (Solfrizzi et al.

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2006), et l’exposition à certains contaminants environnementaux comme l’aluminium (Frisardi et al. 2010; Solfrizzi et al. 2006; Tomljenovic 2011).

En ce qui concerne le cas particulier du sexe, la MA semble toucher particulièrement plus de femmes que d’hommes : la longue espérance de vie observée chez les femmes expliquerait en partie ce phénomène ; une autre explication résiderait dans la perte des effets neuroprotecteurs des œstrogènes suite à la diminution de leur taux après la ménopause (Henderson 1997; Vina and Lloret 2010). Cette dernière hypothèse semble présentement incertaine selon les résultats d’une récente étude clinique sur les effets à long terme de l’hormonothérapie sur les fonctions cognitives des femmes ménopausées (Espeland et al. 2013). La majorité des études épidémiologiques s’accordent, néanmoins, pour mentionner qu’il n’existe pas de différences réelles entre les hommes et les femmes par rapport au développement de la MA ; ce, à cause des problèmes de devis relatifs au débalancement du nombre d’hommes et de femmes dans les premières études de cohorte.

2.2.1.2 Histopathologie

L’étiologie exacte de la maladie demeure inconnue et les mécanismes impliqués dans son initiation et évolution restent encore abscons. Les avancées en histopathologie ont apporté, grâce aux deux principales lésions reconnues par la communauté scientifique (les plaques séniles et les amas de fuseaux neurofibrillaires ; Figure 1), une éclaircie dans la tentative de compréhension de la maladie. Aucune des lésions n’est spécifique puisqu’elles peuvent être retrouvées aussi bien dans le vieillissement normal que dans la MA (Bennett et al. 2006). Ce sont plutôt leur intensité et leur répartition topographique qui sont spécifiques à la MA.

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Figure 1 : Plaques séniles et amas de fuseaux neurofibrillaires dans le cerveau d’un sujet Alzheimer post mortem.

(a) Microphotographie de plaques séniles marquées par un anticorps spécifique anti-βA42.

(b) Microphotographie de neurofibrilles marquées par un anticorps spécifique anti-paires de filaments en hélice de tau (LaFerla and Oddo 2005).

Les dégénérescences neurofibrillaires sont des dépôts intraneuronaux formés par accumulation de neurofilaments dont le principal constituant est la protéine tau, une protéine normalement présente à l’origine par unités individuelles et requise pour la stabilisation des microtubules des neurones dans un cerveau sain. Cette protéine est anormalement phosphorylée au point de devenir pathologique chez le sujet Alzheimer (Grundke-Iqbal et al. 1986a; Grundke-Iqbal et al. 1986b;

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Mandelkow and Mandelkow 1998; Price et al. 1998). Les unités individuelles de tau vont au cours du temps s’assembler par faisceaux d’unités pour former des oligomères extrêmement toxiques pour les neurones (Lasagna-Reeves et al. 2012). Ces oligomères se dissocient alors des microtubules neuronaux et contribuent à la formation des amas de fuseaux neurofibrillaires, responsables de la dégénération du cytosquelette neuronal,de la mort des neurones et, en partie, des troubles cognitifs afférents à la maladie (Iqbal et al. 2009; Mandelkow and Mandelkow 2012). Cette protéine devenue pathologique envahit progressivement les aires cérébrales suivant un chemin pathologique précis, invariable allant dans le sens des signes cliniques de la maladie. Dix stades correspondant à dix aires cérébrales qui s’atrophient successivement suivant la progression invasive de la protéine pathologique tau ont été définis (Delacourte et al. 1999; Delacourte et al. 2002b) (Figure 2).

Figure 2 : Le chemin de la pathologie tau dans la MA.

Les icônes de poids marqués APP* (APP pour amyloid protein precursor) symbolisent le développement synergique de la pathologie des protéines tau avec les plaques séniles. La figure est d’André Delacourte, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Association pour le Développement des Neurosciences Appliquées 2007).

Les manifestations cliniques de la MA n’apparaissent généralement que vers les stades avancés quand les régions polymodales associatives, comme le cortex pariétal, le frontal antérieur et le temporal supérieur, commencent à être touchées. Le seuil des manifestations cliniques varie

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habituellement suivant des caractéristiques intrinsèques à chaque sujet. Il est admis actuellement par une partie de la communauté scientifique que la MA est due à la propagation de la protéine tau hyperphosphorylée qui passe de neurone en neurone comme une infection à virus à partir du cortex entorhinal vers les aires centrales du cerveau par l’intermédiaire des synapses (Liu et al. 2012). De plus, une revue narrative de la littérature a montré récemment que la tau pathologique est la première cause de la perte synaptique et de la dégénérescence neuronale observées chez le sujet Alzheimer (Crespo-Biel et al. 2012). Les dégénérescences neurofibrillaires semblent s’intensifier sous l’influence des dysfonctionnements du peptide βA associé aux plaques séniles (Blurton-Jones and Laferla 2006; LaFerla 2010).

Les plaques séniles, quant à elles, sont issues majoritairement de l’accumulation progressive et irréversible du peptide βA dans le domaine extracellulaire du parenchyme nerveux de l’écorce cérébrale (Glenner and Wong 1984; Masters et al. 1985; Price et al. 1998; Selkoe 1997). Il a été établi que le peptide βA est le produit du clivage protéolytique de l’APP, une glycoprotéine membranaire (Kang et al. 1987). Or l’APP peut être clivée par les sécrétases α et β (voie non amyloïdogénique et amyloïdogénique), mais seul le clivage par la β-sécrétase (voie amyloïdogénique) peut conduire, suite à l’action de la γ-sécrétase, au peptide βA. Il ressort que deux formes principales du peptide βA sont issues de ce dernier clivage (Findeis 2007). Il s’agit de la forme courte (βA40) et de la forme longue (βA42). Chez un individu sain, la majorité des βA se trouve sous la forme courte (Younkin 1998). La forme longue, plus insoluble, est neurotoxique et tend à s’agréger beaucoup plus rapidement que la forme courte chez le sujet Alzheimer (Gravina et al. 1995; Iwatsubo et al. 1994; Jarrett et al. 1993). Un dépôt trop élevé de cette forme neurotoxique est associé à une accélération de l’atrophie corticale chez les sujets âgés et cognitivement normaux (Chetelat et al. 2012). Cette dernière caractéristique histopathologique, constituant une troisième lésion d’après certains auteurs, est assez accentuée chez les sujets atteints de la MA (Sabuncu et al. 2011; Tsai et al. 2011). Elle s’accompagne d’une dilatation des ventricules cérébraux et des sillons corticaux ainsi que d’une perte synaptique et neuronale affectant particulièrement le système cholinergique (Cummings et al. 1998). C’est en 1992 que la célèbre hypothèse de la cascade amyloïde (Figure 3) fut formulée (Hardy and Higgins 1992) : le dépôt de βA est vu comme le déclencheur de toutes les formes d’Alzheimer, plaçant en aval, et comme conséquences directes, les pathologies associées à tau, ainsi que les autres modifications dégénératives observées chez le

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sujet Alzheimer. De vifs échanges eurent lieu par la suite entre experts sans résoudre pour autant la question de la préséance du peptide βA sur la protéine tau (Adlard and Cummings 2004; Hardy 2004; King et al. 2006; Price and Morris 2004; Schonheit et al. 2004; Terry 2004). Cependant une hypothèse subséquente d’un défaut de clairance des fragments du neuropeptide toxique βA, qui serait responsable de l’apparition de la maladie, semble se confirmer (Mawuenyega et al. 2010).

Figure 3 : Schéma conceptuel de l’hypothèse de la cascade amyloïde

Bien que le dépôt d’une forme insoluble et neurotoxique du peptide βA semble être le primum movens de la MA, tout porte à croire que la MA serait plutôt due à une action synergique entre le βA et la tau (Delacourte et al. 2002a). Par ailleurs, les diverses hypothèses (amyloidogénèse, synaptique bêta-amyloïde, tauopathie, dysfonction cholinergique, etc.) formulées au fil des années dans la littérature scientifique montrent toutes la difficulté et la complexité liées à la compréhension de la MA (An et al. 2008).

2.2.1.3 Physiopathologie

Les mécanismes neurobiochimiques responsables de l’effet neurotoxique résultant des deux principales lésions susmentionnées ne sont pas totalement élucidés. Toutefois les connaissances

Précurseur de la protéine amyloïde

Peptide beta amyloïde

Plaque sénile Réponse inflammatoire Stress oxydatif Dégénérescence neurofibrillaire

Dysfonction synaptique / mort neuronale

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actuelles montrent que la production des radicaux libres, la réponse à l’inflammation, la dérégulation des systèmes de neurotransmetteurs, la perturbation du flux calcique et l’excitoxicité semblent être au cœur des mécanismes physiopathologiques qui, interconnectés, conduisent à la dégénérescence ou à la mort neuronale observée chez le sujet Alzheimer (Figure 4).

Figure 4 : Schéma conceptuel des mécanismes physiopathologiques majeurs de la MA

Production de radicaux libres : Les radicaux libres sont un ensemble de dérivés radicalaires de l’oxygène ou d’autres composés non radicalaires très réactifs produits par le métabolisme cellulaire. Le stress oxydatif subséquent crée des dommages tant au niveau cellulaire que moléculaire s’il y a déséquilibre entre production des radicaux libres et leur élimination par les systèmes de défense antioxydants (Halliwell 2012). Ces radicaux libres sont soupçonnés d’implication dans les maladies neurodégénératives comme la MA par le biais de dommages oxydatifs occasionnés aux neurones (Halliwell 2006, 2011; Pratico 2010). Le stress oxydatif observé chez le sujet Alzheimer proviendrait des radicaux libres générés par les dégénérescences neurofibrillaires (Sayre et al. 2000) et les plaques séniles (Roberts et al. 2012; Sayre et al. 2000; Smith et al. 2007) par le biais de réaction d’oxydoréduction des molécules d’oxygène avec les métaux indispensables à l’organisme comme le

Facteurs déclencheurs partiellement connus ou complètement inconnus

Dégénérescence neurofibrillaire Cascade amyloïde Hypothèse cholinergique

Neurotoxicité /Dommages neuronaux Perte de la transmission de l’influx nerveux

Dégénérescence synaptique et neuronale / mort neuronale

Perturbation de l’homéostasie du cerveau / Perturbation de

l’influx calcique / excitotoxicité / Inflammation

Déficit cholinergique dans la fente synaptique Production de

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cuivre, le fer et le zinc qui tendent à s’accumuler dans le cerveau avec l’âge (perturbation de l’homéostasie des métaux) (Bush 2003; Roberts et al. 2012). Les radicaux libres sont à l’origine de la fragmentation de l’ADN, de l’oxydation des protéines et de la peroxydation des lipides (Smith et al. 2007) qui conduisent à la mort neuronale par libération de médiateurs proinflammatoires par la microglie ou les astrocytes, par apoptose, suite à un dysfonctionnement mitochondrial, ou par excitotoxicité (Bachurin 2003; Emerit et al. 2004; Mohsenzadegan and Mirshafiey 2012).

Dérégulation des systèmes de neurotransmetteurs : La transmission de l’influx nerveux à travers la fente synaptique se fait grâce à des substances chimiques appelées neurotransmetteurs. Les neurotransmetteurs impliqués dans la MA sont l’acétylcholine (ACh) et le glutamate. Les circuiteries des neurotransmetteurs (acétylcholine et le glutamate) sont affectées lors de la MA, en particulier dans les zones du cerveau les plus sensibles à la maladie comme l’hippocampe et le cortex cérébral.

L’ACh joue un rôle important dans l’apprentissage et l’attention. Elle est synthétisée à partir de la choline et de l’acétylcoenzyme A par la choline acétyl-transférase (ChAT) et hydrolysée par l’acétylcholine estérase (AChE) après libération dans la fente synaptique. Chez le sujet Alzheimer, on observe une perte importante de neurones cholinergiques avec de faibles niveaux d’acétylcholine dans la fente synaptique. Vu que l’activité de l’AChE diminue aussi avec la progression de la maladie, cette enzyme à elle seule ne peut expliquer le faible taux de l’ACh observé. La pseudocholinestérase ou butyrylcholinestérase dont l’activité croit au cours de la maladie et qui peut avoir comme substrat l’ACh, à cause de sa ressemblance structurale à la butyrylcholine, pourrait contribuer à ce déficit en ACh (Scarpini et al. 2003). Ce déficit se traduit cliniquement par une diminution des fonctions cognitives due à une décroissance de l’activation des récepteurs cholinergiques donc de la transmission du signal cholinergique qui, à la fin, peut conduire à une perte neuronale (Terry and Buccafusco 2003).

Le glutamate est un excitateur impliqué dans le processus de potentialisation à long terme de l’apprentissage et de la mémoire. Les dysfonctionnements du métabolisme énergétique et des systèmes de transport de glutamate, ainsi que le stress oxydatif conduisent à l’accumulation de ce neurotransmetteur dans les fentes synaptiques lors de la MA. Cette accumulation de glutamate induit

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un effet neurotoxique appelé excitotoxicité via l’activation excessive des récepteurs comme ceux du N-méthyl-D-Aspartate (NMDA). L’hyperactivation de ces récepteurs par le glutamate en excès est accompagnée d’une entrée massive des ions calcium (Ca2+) dans les neurones entrainant leur mort au passage (Lipton 2006).

Perturbation du flux calcique : Le cation Ca2+ est un important messager intracellulaire impliqué non seulement dans le processus d’apprentissage et de mémoire mais aussi dans le suivi et la mort neuronale. Il se trouve que chez le sujet Alzheimer, il y ait un déficit de régulation de l’homéostasie du Ca2+. L’entrée massive du Ca2+ dans les neurones occasionnant un excès de Ca2+ intracellulaire est accompagnée d’un stress oxydatif au niveau des mitochondries, de l’activation des kinases, des caspases et d’autres facteurs d’induction d’apoptose, et d’effets délétères des fonctions neuronales dépendant du Ca2+ telle que la libération des neurotransmetteurs et la plasticité synaptique. Toutes ces conséquences conduisent ultimement à la perte neuronale accompagnée de phénomènes inflammatoires significatifs (LaFerla and Oddo 2005; Querfurth and LaFerla 2010).

2.2.1.4 Approche pharmacologique

Il n’existe présentement aucun traitement permettant de guérir la MA ou de stopper son évolution. En revanche, quelques médicaments peuvent apparemment retarder l’évolution de la maladie en atténuant les pertes de mémoire, les difficultés langagières et du jugement. À cet effet, deux classes de médicaments ont été approuvées par Santé Canada (Tableau 2) : les inhibiteurs de la cholinestérase (ICh) [chlorhydrate de donépézil, bromhydrate de galantamine, tartrate hydrogéné de rivastigmine et chlorydrate de tacrine], et un antagoniste des récepteurs NMDA, le chlorydrate de mémantine (Carriere et al. 2009; Doraiswamy and Xiong 2006; Farlow 2004). Malgré l’augmentation de l’utilisation des ICh (Morden et al. 2007), le débat sur l’efficacité clinique et le ratio coût-efficacité persiste (Ames et al. 2008; Courtney et al. 2004). En effet une vaste étude de cohorte basée sur la population ontarienne a montré que l’utilisation des ICh est associée significativement à des risques accrus de syncope de 76%, de bradycardie de 69%, d’implantation de stimulateur cardiaque de 49% et de fracture de la hanche de 18% chez les personnes âgées atteintes de démence comparativement à celles qui n’en prennent pas (Gill et al. 2009).

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Tableau 2. Approche pharmacologique contre la MA

Conçu à partir du sitehttps://www.e-therapeutics.ca/cps.showMonograph.action

Après des échecs en clinique de plusieurs approches thérapeutiques, y compris la vaccination contre la production de la βA (Scarpini et al. 2003), la communauté scientifique étudie actuellement la piste de l’utilisation d’un agent antinéoplasique, le Bexarotène ou Targretin®, à des fins thérapeutiques de la MA (LaFerla 2012). Il a été montré qu’il accélère la clairance des plaques amyloïdes neurotoxiques de plus de 50% en 72 heures chez le modèle murin avec un rapide recouvrement des fonctions cognitives (Cramer et al. 2012). Au reste, des essais cliniques avec cet antinéoplasique sont prévus en 2013. Toutefois, vu le nombre d’échecs des essais cliniques observés au cours des dernières décennies, un changement de paradigme dans la conceptualisation des devis d’études pourrait être profitable. En effet, l’approche classique du devis basée sur la sévérité de la maladie devrait, pour une meilleure efficience, être remplacée par celle faisant appel à la segmentation de la population grâce à l’utilisation de biomarqueurs (Cummings 2011; Hampel and Prvulovic 2012) et des

Classe Principe actif Nom

commercial Traitement Posologie

Effets indésirables Inhibiteur de la cholinestérase Chlorhydrate de donépézil AriceptMD Symptomatique de la MA d’intensité légère à modérée et sévère 5 à 10 mg die Nausées, vomissements, diarrhées, syncope Bromhydrate de galantamine ReminylMD Symptomatique de la MA d’intensité légère à modérée 16 à 24 mg die Nausées, vomissements, diarrhées, syncope Tartrate hydrogéné de rivastigmine ExelonMD Symptomatique de la MA d’intensité légère à modérée 1,5 à 6 mg bid Nausées, vomissements, diarrhées, syncope Antagoniste non compétitif des récepteurs glutaminergiques de NMDA Chlorhydrate de mémantine EbixaMD Symptomatique de la MA d’intensité modérée à sévère 5 à 10 mg die Confusion, constipation, étourdissements, céphalées

Figure

Figure 1 :  Plaques séniles et amas de fuseaux neurofibrillaires dans le cerveau d’un sujet Alzheimer post  mortem
Figure 2  : Le chemin de la pathologie tau dans la MA.
Figure 3 :  Schéma conceptuel de l’hypothèse de la cascade amyloïde
Figure 4 :  Schéma conceptuel des mécanismes physiopathologiques majeurs de la MA
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