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View of La question du remboursement des anticancéreux onéreux telle que présentée dans les journaux Canadiens

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La question du remboursement des

anticancéreux onéreux telle que

présentée dans les journaux Canadiens

DaviD HugHes & JoHanne CoLLin

Introduction

Les nouveaux médicaments onéreux représentent un défi considérable pour les décideurs. Ces derniers ont le mandat d’assurer, dans des délais raisonnables, l’accès par les patients à des médicaments sécuritaires et efficaces. Ils ont aussi le mandat d’utiliser l’argent des contribuables de manière responsable et efficiente tout en allouant les ressources équitablement entre les groupes de patients atteints de différentes conditions cliniques. Enfin, ils doivent contrôler l’augmentation des dépenses en médicaments de manière à préserver la pérennité de l’offre et à s’assurer que

les générations futures aient aussi un accès équitable aux médicaments. L’efficience, l’équité et la pérennité peuvent entrer en conflit avec l’accessibilité. Il s’agit alors de trouver un équilibre entre ces différents objectifs.

Certains nouveaux anticancéreux sont extrêmement chers et apportent peu de bénéfices par rapport à leur coût. La question d’inscrire ou non ces médicaments sur la liste des assurances publiques provinciales a récemment donné lieu à des débats houleux. Les journaux ont rapporté ces débats ou en ont été le théâtre. Les médias ont le pouvoir d’influencer l’agenda politique. Entre autres, cette influence s’exerce sur l’établissement des priorités en matière de soins de santé, notamment sur les décisions de rembourser les anticancéreux.[1-3]

Parce qu’elle peut entrainer une limitation de l’accès aux médicaments, la mise en place d’une politique efficiente et équitable d’assurance médicament requiert l’adhésion du public. L’opinion publique sur les enjeux sociaux se construit en grande partie à partir de ce qui se dit dans les

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Résumé

Certains nouveaux anticancéreux sont extrêmement onéreux et apportent peu de bénéfices par rapport à leur

coût. La question d’inscrire ou non ces médicaments sur la liste des produits assurés a récemment donné lieu

à des débats houleux. L’opinion publique sur les enjeux sociaux se construit en grande partie à partir de ce

qui se dit dans les médias. Notre objectif est d’identifier et d’analyser les principaux thèmes et de voir dans

quelle mesure cette couverture est équilibrée. Nous avons procédé à une analyse thématique des articles

de journaux qui soulevaient la question de l’accès aux anticancéreux. Nous avons aussi codé les articles

en fonction de leurs sources. Les contenus analysés sont largement en faveur d’une plus grande couverture

publique. Les sources les plus proéminentes sont celles qui sont le plus enclines à défendre un plus grand

accès. De plus, les histoires de patients mourant se voyant refuser l’accès à des médicaments ont une valeur

médiatique considérable.

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médias. Mais les citoyens sont-ils exposés à une couverture complète et équilibrée de la problématique des anticancéreux onéreux? Ont-ils tous les éléments leur permettant de se faire une opinion informée? Dans cette étude, nous avons entrepris d’analyser le contenu des journaux canadiens sur la question de l’accès aux anticancéreux.

Cadre théorique

La production des contenus médiatiques

Les contenus médiatiques sont façonnés par un ensemble de facteurs. Les sources sur lesquelles s’appuient les médias ont un impact important sur les contenus. Pour la couverture médiatique de la santé et de la maladie, les sources privilégiées sont les professionnels de la santé, les revues scientifiques ainsi que les communiqués de presse.[4-6] De plus, l‘industrie pharmaceutique s’impose comme une source incontournable. Lors du lancement d’un nouveau médicament, certains fabricants organisent des conférences de presse et distribuent des trousses comprenant un assemblage d’informations sur le médicament, de communiqués de presse et de citations d’articles scientifiques et d’experts.[7] Certains observateurs accusent l’industrie d’utiliser les médias afin de discréditer le travail des agences d’évaluation lorsque leurs décisions ne sont pas favorables à leurs produits.[8,9] Sur certains enjeux, d’autres acteurs comme les groupes de défense des patients passent aussi par les médias pour faire valoir leurs intérêts.[2]

Les sources ont un rôle fondamental dans la formation des contenus. Cependant, il faut aussi que les contenus soient d’un certain intérêt pour les médias eux-mêmes, qu’ils aient une certaine valeur médiatique (news value, news worthiness). De nombreuses études se sont employées à dégager les caractéristiques que doivent posséder les contenus médiatiques.[10-13] Un des principaux indicateurs de valeur médiatique est le « human interest », c’est-à-dire la charge émotive de l’événement, son caractère spectaculaire ou dramatique.

Dans son étude de la couverture médiatique de la santé et de la maladie, Seale[14] s’inspire d’un courant en études des médias qui applique aux contenus médiatiques une méthode d’analyse des récits. Ces dernières ont révélé l’existence de structures narratives fondamentales constituées d’oppositions telles que le bien et le mal, le bon et le méchant, l’ordre et le désordre, le danger et la sécurité, etc. qui se succèdent pour générer une tension dramatique et des émotions chez le récepteur. Dans sa forme la plus simple, le récit commence par un ordre initial, puis un élément « malfaisant/

maléfique » vient perturber l’équilibre, faisant des victimes au passage, souvent bonnes et innocentes, l’ordre est par la suite rétablit par l’intervention d’un élément bénéfique, souvent magique ou héroïque. Chaque article ou reportage particulier ne contient pas toujours tous les éléments narratifs fondamentaux. Cependant, le paysage médiatique pris comme un tout réunit l’ensemble des oppositions présentes dans un récit. En présence d’un de ces fragments, le récepteur peut remplir les trous, reconstruire la trame complète à partir du stock de connaissance qui lui vient de la culture médiatique.

Appliqués aux contenus médiatiques sur la santé, ces idées apportent un éclairage intéressant. Les éléments compris dans un fait de santé remplissent chacun une fonction narrative, deviennent le terme d’une opposition dans le paysage médiatique consacré à la santé : A- le malade joue le rôle de la victime ou du héro luttant pour sa vie; B- les professionnels de la santé et les chercheurs sont aussi des héros; C- les médicaments et biotechnologies font office de baguettes ou de potions magiques; D- le danger ou le vilain sont incarnés par les agents pathogènes de toutes sortes, la maladie, la nourriture contaminée, un personnage malveillant, etc.

Les histoires de cas sont souvent employées dans les médias car elles permettent au lecteur de mieux s’identifier à la « victime » et de susciter un sentiment d’empathie. Plus la victime est vulnérable, plus son sort est tragique, plus la tension dramatique est grande.[14] L’idéal type est ainsi l’enfant malade, comme en témoigne la couverture exceptionnellement importante qu’a reçue le cas de Jaymee Bowen, cette enfant atteinte de leucémie à qui les autorités avaient refusé un traitement expérimental onéreux.[15]

La nature des contenus médiatiques

De nombreuses études ont fait l’analyse des contenus médiatiques sur le cancer. Ces analyses ont révélé que les médias se focalisent sur le caractère « effrayant » de cette maladie, empruntent principalement la perspective biomédicale et négligent les facteurs sociaux et environnementaux.[16-26] Par ailleurs, des analyses des contenus médiatiques sur les médicaments ont révélé une accentuation des bénéfices et/ou un manque important d’information sur les risques et effets indésirables.[7,27,28] Les études des contenus sur les médicaments contre le cancer vont dans le même sens[3,23,29-32]. De plus, la couverture se concentre davantage sur les visées thérapeutiques et ignorent les usages palliatifs, donnant ainsi une image démesurément positive des anticancéreux.[33]

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À notre connaissance, seulement trois (3) articles analysent les contenus médiatiques sur l’accès aux anticancéreux.[3,29,34] Une seule de ces études porte sur les journaux canadiens mais elle se focalise sur un seul médicament, Herceptin, et emploie une méthode quantitative.

Dans le cadre de l’étude actuelle, nous procédons à l’analyse qualitative du contenu des journaux canadiens sur l’accès aux anticancéreux. Notre objectif principal est d’identifier et d’analyser les principaux thèmes puis de voir dans quelle mesure cette couverture est complète et balancée. Un deuxième objectif est de voir dans quelle mesure la nature ces contenus s’expliquent par les sources choisies et par la notion de « valeur médiatique ». Pour ce faire, notre étude combine une approche « politique », fondée sur l’influence des sources et leurs intérêts d’une part, et une approche fondée sur la valeur médiatique et inspirée des travaux de Clive Seale d’autre part.

Méthode

Nous avons sélectionné 16 quotidiens en fonction de

l’importance du tirage et la représentativité régionale (tableau 1). Les articles ont été identifiés et collectés à partir de la base de données Eureka (pour les journaux francophones) et ProQuest-Canadian Newsstand (pour les journaux anglophones). Les journaux de Terre-Neuve (The Telegram et The Western Star) et du Yukon (The Whitehorse Star) n’ont pas été inclus parce qu’ils ne sont pas accessibles via Canadian Newsstand. Les Territoires du Nord-Ouest ne publient pas de quotidien.

La période couverte s’étend du 1 janvier 2010 au 31 juillet 2011. Nous avons effectué une recherche à partir des termes « cancer ET médicaments », « cancer AND drugs ». Nous avons retenu les articles qui soulevaient la question de l’accès aux anticancéreux. Nous avons aussi essayé d’autres mots clés tels que « leucémie / leukemia », « hodgkin » et « chimiothérapie / chemotherapy » sans obtenir de nouveaux articles traitant de la question du remboursement.

Nous avons intégré tous les articles retenus (n=80) dans le logiciel NVivo et avons procédé à une analyse thématique des articles. Les textes ont été codés de manière à faire

Tableau 1: Échantillon

Province Articles /

province Journal Propriétaire Tirage / semaine* Articles /journal

Nouvelle-Écosse 0 The Daily News Transcontinental Inc. 33 562 0

Île-du Prince-Édouard 0 The Guardian Transcontinental Inc. 110 453 0

Nouveau-Brunswick 9 Telegraph Journal Brunswick News Inc. 197 667 9

Québec 24 La Presse Power Corp. of Canada 1 505 992 11

Le Devoir Indépendant 178 363 6

The Gazette Canwest Mediaworks Publications 1 144 504 7

Ontario 29 The Globe and Mail

(national) CTV Globemedia Inc. 1 891 629 19

Toronto Star Torstar 2 199 214 3

Natinoal Post

(na-tional) Canwest Mediaworks Publications 939 874 7

Manitoba 0 Winnipeg Free Press F.P. Canadian Newspapers Ltd. 895 323 0

Saskatchewan 5 The Star Phoenix Canwest Mediaworks Publications 324 840 2

The Leader Post Canwest Mediaworks Publications 291 665 3

Alberta 7 Edmonton Journal Canwest Mediaworks Publications 830 343 7

Calgary Herald Canwest Mediaworks Publications 872 247 0 Colombie-Britannique 6 The Vancouver Sun Canwest Mediaworks Publications 1 053 434 4

The Province Canwest Mediaworks Publications 976 588 1

The Times Colonist Canwest Mediaworks Publications 454 408 1

Total 80 80

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émerger, sans grille préalable, les thèmes en lien avec l’accès aux anticancéreux. Nous avons aussi codé les articles en fonction de leurs sources.

Résultats

1. Les sources

Les sources qui ont le plus souvent la parole dans les journaux canadiens sur les questions d’accès sont les groupes de défense des patients, les oncologues et chercheurs biomédicaux, ainsi que les patients individuels et leurs proches. Viennent ensuite les représentants gouvernementaux, les experts et chercheurs des domaines non biomédicaux, les agences d’évaluation et l’industrie pharmaceutique (tableau 2).

2. Les thèmes

La variation interprovinciale

La variation de l’offre de médicaments entre les provinces est le thème le plus récurrent. Il est employé comme argument en faveur d’une plus grande couverture publique des anticancéreux. Il apparait dans 51 articles (tableau 3). Ce thème renvoie à ce qu’on appelle parfois « la loterie du code postal » (postcode lottery) selon laquelle l’offre de services varie en fonction de la location géographique. Il s’agit de souligner qu’un médicament n’est pas offert dans une province alors qu’il l’est dans une autre :

Bill Niblock has the same cancer as hundreds of others in Canada, but he can’t obtain identical treatment. Because he lives in Ontario, he will receive a lesser

Tableau 2: Sources

Sources Nombre d’articles (%)

Groupe de défense des patients 38 (48)

Oncologue et/ou chercheur biomédical 32 (40)

Patient individuel et proches 28 (35)

Représentant du gouvernement 24 (30)

Expert/chercheur non-biomédical 10 (13)

Agence d’évaluation 8 (10)

Industrie pharmaceutique 1 (1)

Tableau 3: Principaux thèmes

Thèmes Nombre d’articles (%)

Variation interprovinciale 51 (64)

Coûts pour les patients 50 (63)

Efficacité des médicaments 37 (46)

Coûts pour les assureurs 34 (43)

Lenteur du processus d’évaluation 20 (25)

Efficience / coût-bénéfice 14 (18)

Refus = condamnation à mort 11 (14)

Données épidémiologiques 8 (10)

Dépenses générales en médicaments 5 (6)

Allocation entre groupes de patients 5 (6)

Prix de la vie 5 (6)

Investissements locaux des pharmas 3 (4)

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therapy, making him the victim of what experts label a geographic lottery. (...) If he lived out west, he would be prescribed rituximab in British Columbia, Manitoba and Saskatchewan. (GM : 2010.01.05) Both are Andrew Goodridge et Shirley Elford are victims of the Canadian healthcare system. The quality of care cancer patients receive may vary according to the province they live in. (TS : 2011.05.31)

Quant aux six médicaments rejetés par le Conseil du médicament, en Ontario ou en Colombie-Britannique, ils sont soit en cours d’étude soit déjà sur les listes des médicaments acceptés. (Pr : 2010.11.24) It’s not fair (…) that some provinces fund some therapies while other provinces do not. (Gz : 2011.05).

L’argument est surtout employé en Ontario et au Québec. Cependant, même en Colombie-Britannique où l’offre d’anticancéreux est la plus généreuse, on le rencontre à l’occasion :

The drug is not funded in British-Columbia. (…) Tykerb is funded in other provinces. Why can someone living in Nova Scotia who has metastatic breast cancer get coverage for this drug but I can’t? (GM : 2011.05.20) En Ontario, les médias ont beaucoup parlé d’un cas sensiblement différent de « postcode lottery ». La variation interprovinciale en question ne porte pas sur la disponibilité du médicament mais sur les critères d’éligibilités à ce médicament. En effet, contrairement à plusieurs autres provinces, l’Ontario ne couvrait Herceptin que pour les personnes atteintes du cancer du sein présentant une tumeur de plus de 1 cm. Comme dans les cas de remboursement, la comparaison avec les autres provinces est un moyen de souligner le caractère inéquitable de la situation :

That Ontario medical guideline is in contrast to British Columbia, Alberta and Saskatchewan, all of which cover the drug for smaller tumours. (GM : 2011.03.09)

Le débat ontarien entourant Herceptin pour les petites tumeurs a été personnifié par Jill Anzarut, une mère de 35 ans. Le cas apparait dans 9 articles ontariens de mars à mai 2011 :

… Ms. Anzarut, mother to Benjamin, 4 and Laila, 2, begins her first day of chemotherapy, still uncertain whether the Herceptin she needs to start in May will be publicly funded. (GM: 2011.03.09)

Jill Anzarut, 35, made a last-ditch attempt to obtain the drug Herceptin through Ontario’s exceptional access program. She found out from her oncologist on Thursday that her request was turned down. “I feel defeated. I don’t know what I expected to happen, (...) I feel like I am fighting a constant uphill battle”. (Gz: 2011.03.11)

Lorsque le gouvernement accepte finalement de payer Herceptin, Jill Anzarut est présentée comme une championne de la cause :

Jill Anzarut, a thorn to government, a champion to breast-cancer activists. (GM : 2011.05.13)

Au Nouveau-Brunswick, l’argument de l’iniquité interprovinciale ne porte pas tant sur la disponibilité des anticancéreux que sur leur financement. Dans les articles, on rappelle souvent que la province est une des deux seules à ne pas offrir d’assurance publique pour les médicaments onéreux :

New Brunswick and Prince Edward Island are the only two provinces in Canada without catastrophic drug plans. (TJ : 2010.06.16)

Les coûts financiers pour les patients

Les coûts pour les patients est un autre argument fréquemment utilisé en faveur d’une plus grande couverture publique. Il apparait dans 50 articles (tableau 3). Ces coûts sont très souvent chiffrés. Les chiffres avancés vont de 20000$ à 75000$ par année, 65000$ par année étant le montant le plus souvent évoqué. Certains articles rappellent aussi les conséquences catastrophiques de ces coûts sur les finances personnelles des patients :

Certaines personnes âgées doivent retirer leur REER [régime enregistré d’épargne-retraite] pour éponger leurs dettes médicales. (Dv : 2010.08.06)

Many patients end up selling their homes or going bankrupt to pay for new therapies not yet approved by Quebec. (Gz : 2011.05.20)

Le cas de Kelly Mah, qui a été repris dans 3 autres articles, présente une histoire dramatique à laquelle le lecteur peut s’identifier :

Subsequent to the chemotherapy, I was advised that I would be taking a new drug called Lapatinib (also known as Tykerb) and would take it for the rest of my life if it was successful in managing my cancer. What I learned was that Lapatinib is not covered under Alberta Health Care, nor is it covered under Blue Cross and as such, will cost me $3,500-$4,000 per month. Both my husband and I have good jobs, but a cost of $3,500-$4,000 a month for the rest of my hopefully long life would be financially crippling. I became so stressed and depressed that I even contemplated forgoing the drug and letting nature take its course. I mean how could I feel good about financially ruining my family? I didn’t want to leave my family struggling for money just to keep me alive. (EJ : 2010.11.12)

Le cas Andrew Goodridge illustre le même dilemme tragique: When Andrew Goodridge, a Fredericton property manager, was diagnosed with colorectal cancer in

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March 2009, he faced a Solomon-like decision: financial ruin or the funeral home. (GM : 2010.09.30)

L’efficacité des anticancéreux

Trente-sept (37) articles contiennent des énoncés qui portent sur l’efficacité des anticancéreux. Selon la très grande majorité de ces énoncés, les médicaments sont efficaces. Cependant, la plupart des articles contiennent très peu de détail sur la nature et l’ampleur de cette efficacité :

… life-prolonging biologics such as bevacizumab (Avastin)… (GM: 2010.01.29)

… medical evidence showing patients live longer when on it … (GM: 2010.05.13)

... potentially life-saving cancer drugs... (NP: 2011.03.22)

... targeted therapies with drugs are crucial to prolonging the lives of patients. (Gz: 2010.07.17) … certainement plus efficaces en termes de prolongement et de qualité de vie. (Dv: 2010.08.06) … they [patients] respond for years to a pill that causes a little bit of diarrhea… (Gz : 2010.12.03) …un médicament très efficace lorsqu’un cancer du sein fait des métastases. (Pr: 2010.12.09)

…had been shown to significantly extend the lives of people suffering from acute myeloid leukemia... (Gz: 2010.12.18)

D’autres énoncés, tout aussi vague sur l’efficacité, sont cependant plus enthousiastes :

The drug has turned one of the most aggressive forms of the disease into the most treatable. (GM: 2011.05.13)

Les plus récents médicaments contre le cancer, qui font déjà des miracles dans d’autres provinces… (Dv: 2010.12.09)

Dans 6 articles, l’efficacité est principalement anecdotique et fondée sur des histoires de cas :

I am the living proof that Tykerb works and is worth fighting for. (EJ: 2010.12.05)

I’m living testimony that on the right treatment you can stay stable, and you can stay well. (LP: 2010.07.17) Onze (11) articles quantifient d’une manière ou d’une autre l’efficacité des médicaments. Quatre (4) de ces articles expriment cette efficacité en termes relatifs qui ont peu de signification pour le lecteur :

Herceptin, when used with chemotherapy, has been found to half the rates of recurrences within four years of diagnosis. (GM : 211.03.09; 2011.03.18; 2011.03.21)

Torisel significantly increased survival from diagnosis

to death by 49 per cent. (LP: 2010.03.24).

Seulement 7 articles expriment l’efficacité de manière plus comprehensible et accessible :

… the initial study of Tykerb in recurrent HER2-positive breast cancer provided an improvement in overall survival of about 10 weeks for the group who received chemotherapy and Tykerb compared with the group who received only single-agent chemotherapy. (GM: 2011.05.20)

Avastin was found to increase the survival time by 4.7 month for patient with colorectal cancer, and by two month for patients with lung cancer. (SP: 2010.12.30) Enfin, 12 articles mentionnent des cas où les anticancéreux sont inefficaces et/ou signalent des effets secondaires. Cependant, dans 7 de ces articles, lorsqu’on évoque l’inefficacité de certains médicaments c’est pour souligner la nécessité d’avoir recours à un autre médicament efficace dans ce cas :

For some, Tykerb is the last line of defense after the cancer drug Herceptin is no longer effective. (TS : 2010.05.13)

Because radiation and chemotherapy are ineffective in treating kidney cancer when it has spread to other parts of the body, what are known as targeted therapies with drugs are crucial to prolonging the lives of patients. (Gz: 2010.07.17)

La lenteur du processus d’évaluation

Vingt (20) articles soulèvent la question du temps que prend le processus d’évaluation des nouveaux médicaments. Dans la très grande majorité des articles, on déplore le fait que le processus soit trop lent :

… the public policy think-tank, the Fraser Institute, reported that the slow drug approval process and delays by provincial drug plans in approving the medicines for reimbursement keeps some Canadians from getting the best care. (VS: 2010.03.25)

The biggest problem arises with newer drugs (...), often funding comes years after approval by health Canada. (GM: 2010.03.25)

The drug Torisel was approved by Health Canada in 2007, but provinces have been slow to agree to add it to their drug plans. (Gz: 2010.07.17)

Seule la Colombie-Britannique est présentée positivement sur ce plan:

“We have access to a large number of drugs and we have access to them early,” says Charles Blanke, the B.C. Cancer Agency’s vice-president of systemic therapy. (TS: 2011.05.31)

La condamnation à mort et le prix de la vie

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décision d’inscrire ou non un médicament est une décision entre la vie et la mort :

How dare Zwozdesky have the authority to decide who lives or die? (EJ: 2010.12.09b)

... il faut le dire franchement, il y a des gens qui meurent à la suite de ce refus. (Dv : 2010.11.27) Des Québécois meurent inutilement du cancer chaque année parce que le gouvernement leur refuse l’accès à des médicaments de pointe… (Pr : 2010.12.09)

Ce thème est lié à celui de l’efficacité puisqu’il implique indirectement que les médicaments sauvent la vie.

Encore une fois, les histoires de cas sont employées pour incarner ce point. M. Niblock, un ontarien de 68 ans atteint de leucémie lymphoïde chronique, n’a pas accès à rituximab:

Without the drug, I will fatigue away and it will overcome my system it will kill me. (GM: 2010.01.05) Une autre patiente, Deborah Warkus,

spent the last moments of her life fighting the Ontario health ministry to gain access to a $4,000-a-month drug to treat her invasive breast cancer. By the time the province agreed, it was too late and the 50-year-old Brampton mother died. (TS: 2010.11.20)

Benoit Bisson, un père de famille atteint du cancer du rein : Maintenant que l’Afinitor n’arrive plus à contenir la progression de mon cancer du rein, je dois passer à un autre médicament. Mon uro-oncologue m’a prescrit du Sutent. Il veut aussi me prescrire du Zometa. Pour les mois qui viennent, je suis à la merci de la décision d’un Conseil auquel je ne comprends rien, comme un jury qui a sur moi un droit de vie ou de mort. (Pr : 2010.11.27)

Dans le même registre, 5 articles soulèvent la question du prix de la vie :

Is the government playing god? (…) They’ve put a price on human life. (TS : 2010. 11.20)

Si la vie a un prix au Québec, qu’on le dise ouvertement et publiquement. (Pr : 2010.10.22; Pr : 2010.11.24; Dv : 2010.11.27)

J’aimerais bien que la personne qui envoie ces lettre de refus me rencontre, moi, ma blonde, mes enfants. J’aimerais qu’elle me regarde dans les yeux et me dise pourquoi ça coûte trop cher de me laisser vivre. (Pr : 2010.11.27)

Les coûts pour les assureurs publics et privés

Trente quatre (34) articles soulèvent la question des coûts des anticancéreux du point de vue des assureurs. Certains énoncés sont plutôt neutres, se contentant de rappeler qu’ils sont chers pour les assureurs :

As new innovative oncology drugs are discovered to benefit patients, the cost becomes significantly more expensive. (NP : 2010.02.03c)

D’autres sont plus clairement des arguments employés – le plus souvent par des décideurs – pour défendre une limitation de la couverture :

Health minister Don McMorris said at the time that the government couldn’t fund every new drug, indicating the reality of having to make hard choices. (VS: 2010.08.07)

Ms Matthews said the province does not have the financial resources to pay for every drug doctors recommend. (GM: 2011.03.11)

Having processes, rules, policies and cost controls is too often portrayed as bureaucratic, penny-pinching and inhumane. But it is a necessity (...). (GM: 2011.03.17)

‘I believe it’s going to move the employer drug plan into an era of unaffordability and unsustainability’ said David West of Mercer Human Resources Consulting. (NP: 2011.04.14)

Pour d’autres, le plus souvent des médecins, le recours à l’impact budgétaire afin de justifier une limitation de la couverture est inadmissible :

What is worse, say Gerald Batist of the Jewish General Hospital and Normand Blais of Notre Dame Hospital, is that the Conseil du Médicament appears to be more concerned about keeping costs down than saving or extending the lives of cancer patients. (Gz: 2010.12.03)

... le Dr Audet-Lapointe (...) accuse Québec de faire des économies sur le dos des patients. (Dv: 2010.12.09)

... lors des refus, les arguments financiers prennent trop de place. (Pr : 2010.12.09)

Il faut faire fi, dans un premier temps de l’objectif de contrôler le budget qu’on leur consacre. (Pr : 2010.12.14a)

Seulement 16 articles quantifient ces coûts pour les assureurs. Pour donner une idée de l’impact budgétaire que peuvent avoir les anticancéreux, il est plus utile pour le lecteur d’avoir des coûts agrégés. Or, 5 articles fournissent de telles données :

… the drug had been approved at $750 000 per year, which the province expects will cover the cost of the drug for 48 women. (EJ: 2011.03.02)

Under the new program, the bill for an estimated 120 additional Ontario cancer patients would come to about $4-8 million annually. (GM: 2011.05.13). Deux (2) articles nous laissent faire le calcul :

... a full course of treatment ranges from $14,400 to $24,000 per patient (...). An estimated 200 to 300

(8)

patients a year are expected to use the drug. (GM: 2010.05.13)

Les 9 autres articles, bien qu’ils se placent du côté de l’assureur, ne donnent que les coûts par patient.

L’efficience

Quatorze (14) articles soulèvent la question de l’efficience, c’est-à-dire du rapport entre le coût et les bénéfices des médicaments. Aucun article ne quantifie clairement l’efficience (ex. coût/QALY, etc.) et le concept est rarement expliqué. On se contente de présenter l’efficience comme un critère d’évaluation en employant des expressions plus ou moins éclairantes telles que :

…it’s high cost dosn’t match its effectiveness… (Prov: 2010.03.05)

Mr. Morrisson said the drug is cost-effective. (GM: 2010.05.13)

... value-for-money issues... (TS: 2010.11.20); ...economic and pharmaco-economic criteria. (Gz: 2010.12.18)

Quelques-uns des articles sont un peu plus explicite : Or, plusieurs nouveaux anticancéreux coûtent extrêmement chers et apportent très peu de bénéfices, soit à peine quelques mois de survie. (Pr : 2010.12.14b)

Tout comme le Québec, l’Ontario choisit de rembourser des nouveaux médicaments lorsque leur prix est compensé et justifié par le bénéfice que ces nouveaux médicaments procurent aux consommateurs, par rapport aux médicaments déjà commercialisés et remboursés. (Pr : 2010.12.17)

Enfin, seulement 4 articles problématisent la notion d’efficience et/ou en soulignent la légitimité :

We have a publicly funded health system. We owe it to ourselves to spend our health dollars as prudently and efficiently as possible. (...) Are the angry, unabashed supporters of Ms. Anzarut seriously suggesting that an insurance program – be it public or private- has to pay for every single drug and every single treatment no matter how marginal the benefit, how high the cost and how grave the risk? (GM : 2011.03.17)

[Il faut] déterminer combien il est raisonnable de payer pour chaque année de vie ajustée par la qualité de vie (QALY) apportée par un médicament. (Dv : 2010.04.30)

Même si le traitement coûte environ 20 000$ par années, les bénéfices sont évidents. La question ne se pose pas. Mais ce n’est pas toujours aussi clair… (Pr : 2010.05.22)

Une évaluation de qualité doit être capable de faire des recommandations impopulaires comme lorsqu’une technologie apporte peu de bénéfices par

rapport aux coûts. (Pr : 2010.12.14b)

Les dépenses générales en médicaments

Cinq (5) articles replacent leur contenu dans le contexte des dépenses générales en médicaments. Ils rappellent que ces dépenses augmentent à un taux de plus de 10% annuellement. Un seul article chiffre ces dépenses :

In 2005, $20.6 billion was spent on outpatient prescription drugs (…). (TJ : 2010.09.08)

L’allocation des ressources entre groupes de patients

5 articles soulèvent des questions d’équité et d’allocation des ressources entre les personnes atteintes de cancer et les autres groupes de patients. Deux (2) articles contiennent des énoncés selon lesquels on devrait prioriser davantage le cancer en allouant plus de ressources à cette maladie :

Re-balancing the cost distribution within the drug portfolio may allow spending for priority treatment options such as those for cancer and other serious illnesses. (NP : 2010.02.03c)

Les 3 autres soulèvent la question sans clairement prendre position.

investissements de l’industrie dans les économies locales

Trois (3) articles soulignent le lien entre le remboursement public des médicaments et le développement économique local. En effet, la décision des gouvernements de rembourser des médicaments peut avoir un impact sur la décision des manufacturiers d’investir en recherche et développement dans ces juridictions, et vice versa.

La fixation des prix par les fabricants

Étonnamment, un seul article soulève la question de la fixation des prix des médicaments onéreux par les fabricants:

La question du prix des médicaments pourrait même être réglée à la source, croit Jack Shapiro : “Les fabricants fixent leurs prix en toute liberté, avec très peu de transparence. Nous ne savons pas jusqu’à quel point ils sont peut-être exagérés”. (Dv : 2010.08.06)

Discussion

Une couverture déséquilibrée

Notre analyse révèle que les contenus vont essentiellement dans le sens d’un plus grand accès aux anticancéreux et que la couverture manque sérieusement d’équilibre. Les médicaments sont présentés comme sauvant/prolongeant des vies et le refus de les rembourser est une condamnation à mort. Cependant, cette efficacité est rarement quantifiée ou quantifiée en termes relatifs. Or, l’expression des bénéfices

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en termes relatifs a peu de signification pour les lecteurs. Par exemple, si une condition médicale se détériore chez 2 personnes touchées sur 100, et qu’un médicament réduit ce taux à 1 sur 100, on dira en termes absolus que le médicament réduit les risques de détérioration de 1%. Cependant, en terme relatifs, cette réduction de 2 à 1 sur 100 équivaut à 50%. Sans informations sur les quantités absolues, dire qu’un médicament réduit les risques de 50% frappe l’imaginaire mais a peu de signification.[35]

La variation entre les différentes provinces quant à l’accès à ces médicaments est abondamment soulignée. Les coûts des médicaments pour les patients sont très souvent chiffrés et les conséquences du manque d’accès sur les finances et la vie des patients sont souvent décrites de manière dramatique. La question de la pérennité de l’assurance médicament est peu discutée. Les coûts pour les assureurs du remboursement des anticancéreux n’est pratiquement pas quantifié et sont souvent présentés comme un argument non valable. L’efficience n’est pas quantifiée et est peu présente dans le corpus compte tenu de son importance centrale dans l’évaluation des médicaments. Enfin, une plus grande présence de thèmes comme « les dépenses générales en médicaments », « l’allocation des ressources entre les différents groupes de patients », et « la fixation des prix par les fabricants » contribuerait aussi à offrir une couverture plus complète et équilibrée.

À cet égard, le code de l’Association of Health Care Journalists (AHCL) [36] contient des principes pertinents qu’il convient de rappeler :

Recognize that most stories involve a degree of nuance and complexity that no single source could not provide. Journalists have a responsibility to present diverse viewpoints in context.

Distinguish between advocacy and reporting. There are many sides in a health care story. It is not the job of the journalist to take sides, but to present an accurate, balanced and complete report.

Le lien entre les sources et les contenus

Les sources qui ont le plus souvent la parole sur les questions d’accès sont aussi celles qui sont le plus enclines à défendre un plus grand accès. Les groupes de défense des patients sont les sources les plus souvent citées dans notre corpus. Un de leurs rôles est de tenter d’influencer les décideurs sur les questions qui concernent les patients qu’ils représentent et les médias sont un des canaux qu’ils empruntent. Cependant, comme ces groupes reçoivent le plus souvent du financement de l’industrie pharmaceutique, de nombreux observateurs

questionnent leur indépendance. Ils attirent la sympathie du public et peuvent servir de cheval de Troie pour une industrie qui inspire moins confiance. Ces groupes sont ainsi pour le moins en conflits d’intérêt apparent lorsqu’ils militent pour le remboursement des médicaments de leurs partenaires financiers.[37,38]

Les médecins et les chercheurs dans les domaines biomédicaux sont eux aussi très souvent cités. Ils se prononcent sur l’efficacité des médicaments mais aussi sur des questions –dont celle de l’accès- qui dépassent largement leur expertise première. Ils se prononcent à partir de leur perspective de soignant et en fonction de leurs intérêts et de ceux de leurs patients. Des études ont démontré que les oncologues ont un seuil de tolérance excessivement élevé en ce qui concerne le rapport coût-bénéfice des anticancéreux. Ce seuil serait en moyenne de plus de 245 000(US)$ par QALY[39,40], ce qui est extrêmement élevé. Les expertises en éthique, en allocation des ressources, en économie / politiques / administration de la santé sont plus pertinentes mais beaucoup moins sollicitées.

Les journalistes doivent être prudents dans leurs rapports avec les sources. Le code de l’Association of Health Care Journalists (AHCL)[36] prescrit de toujours varier les sources, de prendre en considération leurs intérêts personnels ou professionnels et de divulguer et les conflits d’intérêts potentiels :

Be vigilant in selecting sources, asking about, weighing and disclosing relevant financial, advocacy, personal or other interests of those we interview as a routine part of story research and interviews.

Investigate and report the possible links between sources of information (studies or experts) and those (such as the manufacturers) who promote a new idea or therapy. Investigate and report the possible links between researchers and private companies, researchers and public institutions, patient advocacy groups and their sponsors, celebrity spokespersons and their sponsors, non-profit health and professional organizations and their sponsors.

Considérant les sources proéminentes dans notre corpus, il n’est pas étonnant que les contenus soient largement en faveur d’une plus grande couverture publique. Mais les sources choisies ne sont probablement pas la seule raison pour laquelle les contenus prennent cette forme. Afin d’être retenus et publiés, les contenus doivent aussi posséder une certaine valeur médiatique.

La structure narrative générale de « l’histoire »

médiatique de l’accès aux anticancéreux

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victims; heroes), on peut révéler la structure narrative générale de l’histoire médiatique de l’accès aux anticancéreux :

Le cancer menace la vie de victimes innocentes. Il y a des médicaments qui sauvent/prolongent la vie mais le gouvernement ne veut pas payer. Les patients meurent ou bien paient eux-mêmes pour les traitements et se ruinent. Des patients et des médecins se battent contre le gouvernement pour avoir accès aux médicaments.

Comme le rappellent Ferner et al., les histoires de patients mourant se voyant injustement refuser l’accès à des médicaments « miracles » ont une valeur médiatique assurée.[8] Elles mettent en tension la vie et la mort, l’espoir et le désespoir, la rédemption et la condamnation, l’équité et la discrimination.

Les patients sont doublement « victimes », du cancer et du gouvernement. En lui-même le cancer a une aura de catastrophe, il possède les caractéristiques idéales pour représenter la source du « danger » dans une histoire médiatique et susciter la peur chez le lecteur.[16] Le gouvernement, en ne payant pas pour les nouveaux anticancéreux, fait des économies sur le dos des patients et les condamne une deuxième fois. Il met un prix sur la vie humaine. Le sentiment d’injustice est accentué par le fait que ces médicaments sont offerts dans d’autres provinces. En ce sens, le gouvernement est le « vilain » par excellence. On prend bien soins de ne pas quantifier l’efficience et l’impact budgétaire de ces médicaments, ce qui pourrait aider à comprendre la décision des autorités. Par contre, les coûts des médicaments pour les patients, eux, sont très souvent quantifiés et les conséquences sur leurs conditions matérielles sont soulignées de manière dramatique : « Many patients end up selling their homes or going bankrupt to pay for new therapies », laissant les patients face à un dilemme tragique : « I didn’t want to leave my family struggling for money just to keep me alive »; « financial ruin or the funeral home ». On quantifie peu et mal efficacité des médicaments (qui souvent se limite à prolonger la vie de quelques mois) donnant ainsi l’impression que l’enjeu est entre la vie et la mort.

Enfin, la lutte pour l’accès est souvent présentée comme un combat : « “I feel like I am fighting a constant uphill battle” » et ceux qui s’y consacre comme des héros : « Jill Anzarut, a thorn to government, a champion to breast-cancer activists », ce que Seale appelle les héros profanes (lay heroes).[41] Ce caractère héroïque des personnes atteintes de cancer a été observé dans les représentations des journaux britanniques[42] et les magazines féminins australiens[43].

Les histoires de cas sont souvent employées dans les médias car elles permettent au lecteur de mieux s’identifier à la «victime» et suscitent chez lui un sentiment d’empathie. Plus on donne d’informations sur la victime, plus l’histoire la rend familière, plus la réaction émotive est grande. Ce phénomène psychologique est connu sous le nom de « identifiable victim effect ».[44,45]

Conclusion

Les agences d’évaluations et les décideurs ont la responsabilité de trouver un équilibre entre différents objectifs des régimes d’assurance médicament : l’accessibilité, l’efficience, l’équité et la pérennité. En ce qu’elle peut entrainer une limitation de l’accès aux médicaments, la mise en place d’une politique efficiente et équitable d’assurance médicament requiert l’adhésion du public. L’opinion publique sur les enjeux sociaux se construit en grande partie à partir de ce qui se dit dans les médias. Mais les citoyens sont-ils exposés à une couverture complète et balancée de la problématique des anticancéreux onéreux?

Notre analyse révèle que les contenus vont essentiellement dans le sens d’un plus grand accès aux anticancéreux et que la couverture manque sérieusement d’équilibre. Les sources les plus souvent citées sur les questions d’accès sont aussi ceux qui sont le plus enclins à défendre un plus grand accès : les groupes de défense des patients, les oncologues et chercheurs biomédicaux, ainsi que les patients individuels et leurs proches. De plus, les histoires de patients mourant se voyant «injustement» refuser l’accès à des médicaments ont une valeur dramatique considérable et constituent ainsi du bon matériel médiatique.

Des contenus favorables au remboursement des anticancéreux présentés dans des histoires vécues auxquelles le lecteur peut s’identifier ont le pouvoir d’imposer le point de vue des patients individuels au détriment du collectif. Un plus grand accès aux anticancéreux devient l’enjeu principal au détriment des questions d’efficience, d’équité et de pérennité.

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Remerciements

Cette étude a été réalisée grâce à des bourses d’étude du Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC) et du groupe de recherche interuniversitaire MéOS.

Pour contacter les auteures:

David Hughes, M.A., Candidat au Ph.D. Université de Montréal

Sciences Humaines Appliquées Spécialisation bioéthique 2940, chemin de Polytechnique Pavillon Jean-Coutu, local 2250 Montréal (Québec) H3C 3J7 Canada Courriel: david.hughes@umontreal.ca Johanne Collin, Ph.D. Professeur titulaire Université de Montréal Faculté de pharmacie

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