• Aucun résultat trouvé

Crowdsourcing et design urbain: Vers des approches d'aménagement collaboratif 2.0

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Crowdsourcing et design urbain: Vers des approches d'aménagement collaboratif 2.0"

Copied!
241
0
0

Texte intégral

(1)

CROWDSOURCING ET DESIGN URBAIN

Vers des approches d’aménagement collaboratif 2.0

Mémoire

Marie-Noël Chouinard

Maîtrise en sciences de l’architecture

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

(2)
(3)

RESUME

Ce mémoire documente l’utilisation d’outils du Web 2.0 (site Web, médias sociaux, crowdsourcing) dans un processus d’aménagement collaboratif hybride afin de tester et d’évaluer des approches alternatives pour impliquer des participants, citoyens et experts dans la conception de scénarios d’adaptation aux changements climatiques à l’échelle locale. Menée à l’été 2013 dans le cadre du projet Changements climatiques et transformation urbaine, l’étude a permis de tester différentes stratégies d’utilisation de la plateforme de crowdsourcing Crowdbrite alliant collaboration en ligne et concertation face à face. Un constat clair en ressort : les approches collaboratives en ligne offrent plusieurs potentiels pour augmenter les capacités des orchestrateurs et des participants lors de certaines phases du processus d’aménagement collaboratif (mobilisation, information et cueillette de données factuelles). Cependant, la coprésence entre les acteurs demeure essentielle pour aborder des enjeux complexes et intangibles, et primordiale pour atteindre des niveaux d’interaction favorisant la collaboration et la concertation entre les participants.

(4)
(5)

ABSTRACT

This master’s thesis presents an engagement strategy using mixed media (Web site, social media, crowdsourcing) in a collaborative planning process taking place in summer 2013 as part of the research-action project Changements climatiques et transformations urbaines. Using the crowdsourcing platform Crowdbrite, the case study tested and compared different engagement strategies (Web collaboration and face-to-face consensus building) to involve citizens and experts in a hybrid collaborative planning process and evaluated its potentials and limits according to the concept of usability. One clear outcome emerged from this experience: collaborative Web strategies hold much potential to increase both orchestrators’ and participants’ capacities when applied to phases of the process like mobilisation, information and data collection. However, the simultaneous presence of stakeholders remains essential to tackle complex and ‘wicked’ urban problems, and to attain interaction levels that promote collaboration between participants.

(6)
(7)

TABLE DES MATIERES

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... xi

Remerciements ... xiii

Avant-propos ... xv

1. L’aménagement collaboratif à l’ère du web 2.0 et des médias sociaux – introduction ... 1

1.1 Pertinence et contexte de la recherche... 2

1.2 Cadre conceptuel et définitions ... 4

1.3 Questions et objectifs de recherche ... 10

1.4 Stratégie méthodologique ... 12

2. Les stratégies et outils Web de la participation citoyenne à l’ère des médias sociaux : État de la question ... 15

2.1 évaluation des outils et stratégies participatives en collaboration augmentée ... 21

2.1.1 L’utilité des outils ... 21

2.1.2 La convivialité des outils et stratégies collaboratives ... 32

2.2 Les participants à la collaboration augmentée ... 39

2.2.1 Le profil des participants ... 39

2.2.2 Les dimensions sociales de la participation : implication, confiance et empowerment ... 40

2.3 Stratégies d’interaction à distance et face à face, Vers un processus hybride de collaboration augmentée ... 43

3. Concevoir et Visualiser l’adaptation aux changements climatiques pour la collaboration augmentée ; Le cadre contextuel de la recherche ... 49

3.1 Le contexte de la recherche ... 51

3.1.1 Le projet « Changements climatiques et transformation urbaine » ... 51

3.1.2 Les outils et stratégies pour la mise en œuvre de la collaboration augmentée ... 54

3.2 Le développement d’une stratégie visuelle : Imaginer, ajuster, adapter ... 61

3.2.1 Imaginer les scénarios d’adaptation ... 61

3.2.2 Ajuster et contextualiser les scénarios : La création d’un environnement de référence générique . 66

3.2.3 Adapter et vulgariser l’information graphique et scientifique pour la collaboration en ligne ... 72

4. Orchestrer la collaboration augmentée pour aborder les changements climatiques : Un cadre méthodologique itératif ... 75

4.1 La concertation augmentée en personne – groupes de discussion avec experts ... 77

4.1.1 Les trois stratégies interactives de la phase-test ... 77

4.1.2 Application du groupe de discussion augmenté « traditionnel » ... 79

4.1.3 Les participants-experts et leurs commentaires ... 82

4.2 La consultation en ligne asynchrone – recueillir l’opinion des citoyens ... 87

4.2.1 La phase-test en face à face et à distance ... 87

4.2.2 La phase-application de la consultation Web à distance ... 88

4.2.3 Les participants-citoyens et leurs commentaires ... 92

5. Les potentiels et les limites de l’utilisabilité du crowdsourcing en aménagement collaboratif ... 99

5.1 Utilité ... 100

5.1.1 Mobiliser ... 100

5.1.2 Informer ... 106

(8)

5.2 Convivialité ... 125

5.3 Discussion : Les potentiels, les limites et les opportunités de l’utilisabilité ... 133

6. Crowdsourcing et design urbain : perspectives pour des méthodes d’aménagement collectives .. 137

7. Références ... 143

8. Annexes ... 149

Annexe 1 : Canevas préliminaires des phases-tests ... 151

Annexe 2 : GirbaVille et sa morphogenèse ... 157

Annexe 3 : Scénarios d'adaptation finaux des phases-applications ... 161

Annexe 4 : Catalogue des mesures d'adaptation finales ... 171

Annexe 5 : Tableau comparatif de quelques plateformes participatives Web ... 185

Annexe 6 : Quiz aux participants-experts de la phase-application de la concertation augmentée ... 189

Annexe 7 : Formulaire de consentement pour les participants à la phase-test de la consultation en ligne 197

Annexe 8 : Fiche du profil des participants à la phase-test de la consultation en ligne ... 201

Annexe 9 : Images publicitaires pour Facebook ... 205

Annexe 10 : Formulaire de consentement de la phase-application de la consultation en ligne ... 209

Annexe 11 : Questionnaire pré-consultation de la phase-application de la consultation en ligne ... 213

(9)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Études recensées sur l’utilisation d'outils Web en aménagement participatif (n=24)... 19

Tableau 2 : Tableau comparatif de l'utilisabilité des outils recensés pour la participation à distance ... 45

Tableau 3 : Croisement des étapes types d'un processus d'aménagement participatif avec les stratégies et outils participatifs pour former un processus hybride et intégré. ... 47

Tableau 4 : Caractéristiques des participants-experts à la phase-test (n = 18) et à la phase-application de la stratégie de concertation augmentée (n = 20) ... 83

Tableau 5 : Nombre de commentaires (papiers ou numériques) publiés par les participants experts aux activités de concertation augmentée ... 85

Tableau 6 : Distribution des caractéristiques des participants au test (n=19) et à la consultation Web (n=17) 93

Tableau 7 : Profil et composition des groupes de participants citoyens à la consultation-test Web asynchrone (n=19) ... 94

Tableau 8 : Distribution des participants selon leurs caractéristiques principales et le mode de contact pour les mobiliser à la phase-application de la consultation Web ... 102

Tableau 9 : Fréquence d'utilisation d'Internet et des médias sociaux à des fins interactives selon l'âge ... 103

Tableau 10 : Nombre de commentaires émis par les participants au test concertation augmentée ... 110

Tableau 11 : Commentaires émis lors de la phase-application de la concertation augmenté ... 111

Tableau 12 : Nombre de commentaires selon leur longueur en nombre de caractères ... 114

Tableau 13 : Validation des mesures d'adaptation à l'aide de votes ... 115

Tableau 14 : Interactions des participants à la phase application selon le domaine d'activité ... 116

Tableau 15 : Nombre de commentaires lors de la phase-test (n=19) selon l'âge et le sexe ... 117

Tableau 16 : Nombre de commentaires lors de la phase-application de la consultation Web (n=17) selon le niveau de connectivité ... 118

Tableau 17 : Nombre de commentaires lors de la phase-application de la consultation Web (n=17) selon l'âge et le sexe ... 118

Tableau 18 : Interactions réalisées par les participants à la phase-application ... 119

Tableau 19 : Applications utilisées fréquemment par les participants à la consultation Web selon leur niveau de connectivité... 119

Tableau 20 : Nombre, longueur et temps pris par les participants pour publier leurs commentaires durant la phase-test ... 120

(10)
(11)

LISTE DES FIGURES

N.B. Toutes les figures qui ne mentionnent pas expressément de sources dans le titre ont été réalisées par Marie-Noël Chouinard.

Figure 1 : Le principe du crowdsourcing ... 10

Figure 2 : Schéma comparatif de différentes échelles de la participation et de la e-participation afin de déterminer les fonctions essentielles pour rencontrer les objectifs des phases du processus ... 22

Figure 3 : Application OurMaps visant l'analyse participative (Muller et al., 2011) ... 24

Figure 4 : La carte argumentaire ArgooMap (Rinner et al., 2008) ... 26

Figure 5 : Exemple de représentations abstraites et réalistes utilisées dans l'étude de Hayek (2011) ... 29

Figure 6 : Exemple de discussion localisée avec fonctions de dessin sur MapChat (Hall et al., 2010) ... 31

Figure 7 : Les participants dans l'environnement immersif de Community Viz (Salter et al., 2009) ... 34

Figure 8 : Utilisation des technologies par les participants dans la M-R Tent (Basile &Terrin, 2009) ... 36

Figure 9 : Le territoire de l’agglomération de Québec ... 52

Figure 10 : Étapes du projet de recherche « Changements climatiques et transformations urbaines » ... 53

Figure 11 : Les outils (Web et traditionnels) utilisés pour remplir les objectifs et étapes de la validation des scénarios d'adaptation ... 56

Figure 12 : Le canevas Crowdbrite et les post-its virutels ... 57

Figure 13 : Les deux stratégies d’interaction testées à l’aide de Crowdbrite ... 59

Figure 14 : Processus itératif de conception et de validation des scénarios d'adaptation ... 61

Figure 15 : Localisation des projets des étudiants de l’atelier de design urbain de l'automne 2012 ... 62

Figure 16 : Images issues de projets de l'atelier de design urbain de l'automne 2012 (A. Bouchard & E. Lizotte, C. Bourgeois, R Dalpé Morin, A. Légaré & M.Rochette) ... 63

Figure 17 : Les différents éléments inclus aux canevas préliminaires ... 65

Figure 18 : Les brise-soleils en façade et la forme des bâtiments se sont révélés être des mesures « étrangères » pour les participants de la phase-test ... 66

Figure 19 : Les secteurs choisis pour la composition de GirbaVille comme «condensé» de Québec ... 67

Figure 20 : GirbaVille, un contexte urbain fictif pour localiser et « ancrer » les scénarios d’adaptation ... 68

Figure 21 : Scénario de la rue commerciale tel que présenté aux participants des phases-applications ... 70

Figure 22 : Exemple de fiche associée à l’une des 18 mesures d'adaptation, le levier d’action auquel elle correspond et les enjeux climatiques auxquels elle répond. ... 71

(12)

Figure 23 : Page d'accueil du site Web de la consultation en ligne ... 73

Figure 24 : Les étapes du processus de collaboration augmentée ... 76

Figure 25 : Stratégies interactives éprouvées lors de la phase-test ... 78

Figure 26 : Disposition spatiale des groupes de discussion augmentée ... 79

Figure 27 : Les participants divisés en trois groupes de discussion dans le même local lors de la validation finale du 5 juillet 2013 ... 81

Figure 28 : Secteurs de résidence (code postal) des participants experts à la test (n=18) et à la phase-application (n=20) des groupes de discussion augmentée ... 84

Figure 29 : Répartition des types de commentaires selon les deux groupes d'experts ... 85

Figure 30 : Images publicitaires pour Facebook ... 90

Figure 31 : Schéma de la structure des étapes préalables à la consultation ... 91

Figure 32 : Lieu de résidence (code postal) des participants à la phase-test (n=19) et à la phase-application (n=17) de la consultation Web ... 95

Figure 33 : Répartition des types de commentaires des participants citoyens ... 96

Figure 34 : Étapes de récolte des données ... 99

Figure 35 : Efficacité des outils de mobilisation selon le nombre de participants mobilisés ... 101

Figure 36 : Outils employés pour informer les participants lors des différentes phases du processus ... 106

Figure 37 : Interaction entre les experts, animateurs et transcripteurs lors de la phase-application ... 112

Figure 38 : Proportion des types d'actions posés durant la phase application ... 115

Figure 39 : Nature des commentaires selon la stratégie d'interaction lors du test ... 121

Figure 40 : Un canevas préliminaire surchargé de commentaires durant la phase-test de groupes de discussion ... 128

(13)

REMERCIEMENTS

Un premier merci tout spécial à Geneviève Vachon, ma directrice, pour son dévouement sincère, sa disponibilité à toute épreuve, son flair incroyable et sa complicité conséquente et robuste. Merci pour les multiples opportunités que tu m’as offertes. Tu demeures pour moi une grande source d’inspiration.

Merci à Carole Després pour ses conseils toujours justes lors de l’élaboration du processus et pour m’avoir laissé une belle liberté d’expérimentation avec les étudiants de son cours. Merci également à Geneviève Cloutier, Catherine Dubois et Martial Labarthe pour leur appui et leurs conseils durant la mise en place du processus et du projet Ouranos à l’été 2013.

Merci aux membres du GIRBa présents à l’été 2013 et qui ont pris part à mon terrain durant la conception des scénarios d’adaptation ou durant les différents tests et activités participatives orchestrées : Laurence Jodoin-Nicole, Dominique Morin-Robitaille, Michel Després, Antony Bouchard. Un remerciement plus particulier à Etienne Coutu Sarrazin et Maxime Rochette avec qui j’ai étroitement collaboré durant l’intégralité de la mise en place du projet et sans qui GirbaVille ne serait peut-être pas née. Merci aussi pour les rires et les petites folies qui ont mis de la vie dans notre local.

Et enfin, un très grand merci à mes parents pour leur soutien inconditionnel, leur immense générosité et leurs petits plats qui m’ont permis de tenir lors des derniers milles.

(14)
(15)

AVANT-PROPOS

Ce mémoire a été réalisé dans le cadre du projet de recherche-action « Changements climatiques et transformations urbaines » financé par Ouranos et le Fonds vert, et réalisé conjointement avec le Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Banlieues (GIRBa) et la Chaire en aide à la décision territoriale du Centre de Recherche en Aménagement et Développement (CRAD) de l’Université Laval.

Par ailleurs, l’utilisation de la plateforme de crowdsourcing Crowdbrite n’aurait pas été possible dans le cadre de ce projet de recherche sans l’ouverture d’esprit et la latitude qu’a témoignée l’équipe de Darin Dinsmore à San Francisco.

Enfin, la recherche effectuée dans le cadre de ce mémoire a débouché sur une publication qui présente les résultats préliminaires discutés dans ce mémoire et de multiples conférences. Les commentaires sur la validation des scénarios d’adaptation aux changements climatiques colligés lors du projet de recherche ont fait l’objet d’analyses présentées dans l’article « An Interdisciplinary and Intersectoral Action-research Method: Case-Study of Climate Change Adaptation by Cities Using Participatory Web 2.0 Urban Design » (Vachon, Chouinard et al., 2013),et dans le cadre de conférences internationales et régionales évaluées par les pairs : Environmental Design Research Association (EDRA 45, Nouvelle-Orléans, mai 2014), Association Francophone pour le Savoir (ACFAS 82, Montréal, mai 2014), European Network for Housing Research (ENHR, Tarragona, juin 2013), Ville Région Monde (VRM, Montréal, mai 2014), Centre de Recherche en Aménagement et Développement (CRAD, Université Laval, mars 2014).

(16)
(17)

1. L’AMENAGEMENT COLLABORATIF A L’ERE DU WEB 2.0 ET DES

MEDIAS SOCIAUX – INTRODUCTION

Ce mémoire de recherche porte sur l’usage de différents outils du Web 2.0 susceptibles de bonifier les étapes d’un processus d’aménagement collaboratif pour contribuer à résoudre des problématiques urbaines qui demandent à être abordées et résolues collectivement. Plus précisément, cette recherche s’interroge sur les potentiels et les limites de ces technologies pour favoriser l’émergence de différents angles d’analyse menant à la cocréation de meilleures solutions par des groupes de participants collectivement intelligents. Pour ce faire, elle vise à évaluer, sous la forme d’une étude de cas, les potentiels et les limites de l’utilisabilité de site Web, réseaux sociaux et plateforme de crowdsourcing Crowdbrite dans la validation collaborative de scénarios d’adaptation aux changements climatiques. Elle s’attarde au processus de l’aménagement collaboratif augmenté, aux stratégies de communication nécessaires pour la mobilisation de grands groupes de participants citoyens, ainsi qu’aux stratégies d’interaction avec et entre ces derniers, que ce soit à distance ou face à face.

L’utilisation de ces technologies participatives apparaît pertinente dans le contexte de l’agglomération de Québec pour rejoindre plus aisément ses quelques 750 000 résidents habitant un territoire métropolitain de 3 500 km2 pour qu’ils contribuent à la construction d’une vision collective de leur environnement urbain. Au

Québec, en 2014, un peu plus de 8 internautes sur 10 (soit 85 %) utilisaient les médias sociaux de manière régulière (CEFRIO, 2014)1. Cette utilisation grandissante n’est plus une affaire de jeunes, mais bien un

phénomène de société (CEFRIO, 2012). En plus de permettre de rester en contact et d’interagir avec d’autres personnes, ces technologies sont de plus en plus utilisées dans une volonté de s’impliquer dans les affaires politiques, les organismes et les administrations publiques (CEFRIO, 2011). Ceci contribue à recomposer autant les sphères du savoir, axées de plus en plus sur l’intelligence collective et le savoir non expert, que les sphères de décision (Ross, 2008), et modifie les structures d’utilisation de l’Internet davantage tourné vers des approches interactives (CEFRIO, 2014). Mais comment, appliquées à l’environnement urbain, les technologies numériques et leurs méthodes d’interaction peuvent-elles enrichir, voire transformer, les démarches d’aménagement participatif? À l’automne 2012, les consultations publiques menées par la Ville de Québec concernant le Plan Particulier d’Urbanisme (PPU) pour le Plateau de Sainte-Foy ont attiré plus de 2000 citoyens. Dans cette optique, les médias sociaux pourraient-ils contribuer à modifier les approches participatives en aménagement qui impliquent les citoyens afin d’encourager leur participation, même à

(18)

distance, et d’ainsi faciliter leur interaction avec les acteurs impliqués dans la prise de décision? L’hypothèse que pose ce mémoire de recherche est qu’une approche d’aménagement collaboratif « augmenté », c’est-à-dire qui mise sur les outils Web, tels qu’Internet et les médias sociaux, contribuerait à efficacement engager les citoyens pour résoudre des problématiques d’aménagement complexes qui demandent à être abordées et résolues collectivement.

L’aménagement participatif se définit comme un processus de délibération et de négociation itératif entre des acteurs hétérogènes – différents les uns des autres selon leurs disciplines, leurs préoccupations et leurs champs d’intérêt – de manière à influencer réellement la démarche de design (Esnault, Zeiliger et al., 2006). Ce processus collaboratif permet de transcender les barrières disciplinaires en mettant l’accent autant sur les buts fixés que sur les manières de les atteindre (Elzinga, 2008). Dans le contexte actuel où technologies dites intelligentes (ordinateurs, tablettes et téléphones), réseaux sociaux, blogues et autres applications Web connaissent une utilisation grandissante, les approches participatives augmentées en aménagement urbain gagnent en popularité dans différents contextes, mais souvent avec des résultats mitigés (De Cindio & Peraboni, 2012; Hall et al. 2010; Mandarano et al. 2010; Salter et al., 2009; Steiniger et al., 2012; Stern et al., 2009). Ces approches de participation 2.0 dépendent pour la plupart de l’utilisation de plateformes Web et des médias sociaux pour réseauter efficacement les citoyens et les acteurs impliqués afin de leur permettre d’interagir et de s’engager, même à distance, dans le processus de transformation de l’environnement urbain. Elles offrent entre autres de multiples avenues et potentiels pour communiquer des informations, ainsi que pour impliquer virtuellement un nombre plus significatif d’acteurs. Appliquée à l’aménagement participatif, une approche « augmentée » permettrait d’aborder efficacement des enjeux urbains complexes, comme les changements climatiques, pour planifier des environnements plus résilients et de favoriser l’émergence de différents angles d’analyse par des groupes collectivement intelligents pour produire de meilleures solutions.

1.1 PERTINENCE ET CONTEXTE DE LA RECHERCHE

Ce mémoire s’intègre et contribue au programme de recherche-action du Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Banlieues (GIRBa) de l’École d’architecture de l’Université Laval. Dans les quinze dernières années, le GIRBa a en effet orchestré plusieurs processus participatifs d’aménagement, dont le Projet PACTE Myrand (2005-2006)2 qui misait en majeure partie sur des méthodes « traditionnelles » d’implication des

2 Le PACTE Myrand est une démarche participative visant la conception d’un nouveau quartier sur le campus de l’Université Laval en misant sur la

construction graduelle d’un consensus entre quelque 120 participants. C’est le résultat d’un effort collectif consenti, entre novembre 2005 et novembre 2006, par plusieurs professionnels, étudiants et auxiliaires de recherche du GIRBa et de l’École d’architecture de l’Université Laval, de même que par de nombreux intervenants, collaborateurs et partenaires. Pour plus d’informations : http://www.girba.crad.ulaval.ca/recherche/projets-completes/projet-pacte-myrand.html

(19)

acteurs concernés (GIRBa, 2006; Vachon, Després et al., 2007)3. Huit ans plus tard, les technologies

d’information et de communication (TIC), désormais omniprésentes, suggèrent que les processus participatifs d’aménagement s’adaptent aux nouvelles réalités qu’imposent notamment les médias sociaux afin de simplifier les actions en matière de recherche-action et de recherche-création. Ce mémoire propose d’une part de documenter les approches d’utilisation de différents outils Web en aménagement participatif et, d’autre part, d’expérimenter et de tester les outils identifiés, tels que site Web, réseaux sociaux et plus particulièrement la plateforme de crowdsourcing Crowdbrite, afin d’en évaluer les potentiels et les limites lorsqu’employés dans un processus d’aménagement collaboratif augmenté. De fait, ce travail de recherche s’insère dans un projet plus large co-orchestré par le GIRBa intitulé Changements climatiques et

transformation urbaine : un projet de recherche-action pour renforcer la résilience de la Communauté métropolitaine de Québec (dirigé par F. Joerin et G. Cloutier, 2010-2013)4.

Les technologies numériques prennent de plus en plus part au quotidien et proposent de nouvelles formes d’interactions plus actives qui mèneraient à plus d’implication dans toutes les sphères de la vie collective. Leur utilisation dans une démarche d’aménagement participatif permettrait une plus grande représentativité des représentants du milieu local (Al-Kodmany, 2000), et donc une production de savoirs locaux plus importante (Foth, 2006), puisque l’expertise citoyenne en matière de perception des défis posés par l’environnement bâti est aussi valable que celle des décideurs. En effet, les citoyens sont des « experts du quotidien », attachés à leur milieu par un vécu affectif et symbolique, et sont donc en mesure de donner un avis constructif sur la transformation de la ville ou de leur quartier (Després et al., 2004). Par ailleurs, leur intégration au processus participatif favorise la production de savoirs transdisciplinaires par les connexions et les échanges d’information facilités entre acteurs de différents secteurs et disciplines impliqués dans le processus d’aménagement (Després et al., 2004). Dans ce contexte, les médias sociaux comptent parmi les nouvelles formes de communication qui laissent place à la participation, mais aussi au partage d’expertises plurielles, voire à la contre-expertise (Ross, 2008). C’est là le potentiel majeur de l’utilisation des médias sociaux à l’intérieur d’une démarche participative d’aménagement : la connexion et l’interaction améliorées avec un plus grand nombre de citoyens et d’acteurs, avec moins d’effort pour ceux qui peuvent participer à partir de leur lieu de résidence ou de travail, sans se déplacer (Foth, 2006). Miser sur cette connexion numérique est particulièrement intéressant dans le contexte des défis que posent la croissance, l’étalement et la transformation des aires métropolitaines ou, à l’inverse, celui de la décroissance de régions dont la population est dispersée sur un large territoire. À titre d’exemple, la Gaspésie s’est dotée en 2012 d’un « plan numérique » qui vise à placer l’utilisation des technologies de l’information au cœur de son développement

3 Ces méthodes incluent des workshops, des charrettes de design, des groupes de discussion, etc.

4 Débuté en 2010, le projet a été financé et réalisé en partenariat avec Ouranos, un consortium sur les changements climatiques (www.ouranos.com), le

(20)

régional et territorial (Rivard-Déziel, 2012)5. Les décideurs locaux sont ainsi conscients que les distances sont un facteur important dans le partage d’informations et la prise de décisions collectives, et qu’Internet et les médias sociaux peuvent aider à rapprocher virtuellement les citoyens, ainsi que les différents services. Depuis les années 2000, plusieurs tests et expérimentations ont été réalisés pour tenter de complémenter, voire remplacer, les techniques participatives dites « traditionnelles », par des technologies numériques et outils Web : des approches d’analyse basées sur les Systèmes d’Information Géographique (SIG ou GIS)6 et

les Systèmes d’Information Géographiques participatifs (Public Participation Geographic Information System – PPGIS)7 aux approches Web interactives plus récentes basées sur le Web 2.0 et le crowdsourcing.

Cependant, ces expériences n’ont pas connu de succès suffisamment significatif pour réellement « révolutionner » les techniques déjà connues. Cet insuccès provient largement de la difficulté d’intégration des technologies dans le processus d’aménagement. En effet, le concept d’aménagement collaboratif sous-entend différentes méthodes comprenant chacune des niveaux de participation ou d’implication distincts qui permettent à la solution d’émerger graduellement à travers le processus itératif de construction d’un consensus entre experts et non-experts (Bugs, 2012). Ainsi, tester un outil de participation Web, tel que le crowdsourcing, à différentes étapes d’un processus d’aménagement participatif dans le but d’en évaluer les potentiels et les limites à chacune des phases paraît pertinent. Cette approche évaluative permettrait de mixer interaction à distance et interaction en mode face à face afin d’en déterminer l’efficacité à différentes phases du processus d’aménagement collaboratif. Ceci permettrait de proposer une méthodologie de design urbain interdisciplinaire et en réseau alliant différentes stratégies d’interactions et méthodes participatives à des moments-clés, dans le but d’obtenir un niveau optimal d’implication des participants à chacune des étapes du projet.

1.2 CADRE CONCEPTUEL ET DEFINITIONS

Plusieurs concepts touchent aux différentes dimensions du numérique tant sous l’angle des technologies que des systèmes, des approches et des outils. Pour les aborder, quelques définitions et concepts clés tirés de la littérature récente sur l’usage des outils Web en aménagement collaboratif sont utiles.

5 Le plan numérique de la Gaspésie a été adopté en novembre 2012 par la Conférence régionale des élus Gaspésie-les-îles (CRÉGÎM). C’est d’ailleurs

la première région au Québec à le faire. Les objectifs du plan numérique visent l’augmentation du nombre de foyers connectés à Internet, à encourager la production et la diffusion de contenus régionaux sur Internet, à favoriser le secteur des TI et à aider les commerçants à prendre le virage Web afin d’améliorer leur chiffre d’affaires.

6 Un système d'information géographique (SIG) est un système d'information permettant de créer, d'organiser et de présenter des données

géoréférencées ainsi que de produire des plans et des cartes. Une information est dite géographique lorsqu’elle se rapporte à un lieu de la surface terrestre. La représentation est généralement en deux dimensions, mais un rendu 3D ou une animation présentant des variations temporelles sur un territoire est possible (Béguin & Pumain, 2012)

7 Les PPGIS ou « public participatory geographic information systems », des systèmes d’information géographique sont spécialement adaptés pour la

mobilisation et la participation publique en offrant la possibilité aux participants non seulement de commenter, mais aussi d’apporter des modifications géo-référencés à une proposition d’aménagement en temps réel durant un processus participatif (Gordon & Manosevitch, 2010).

(21)

Les TIC et technologies numériques

Selon plusieurs auteurs, les avancées de l’ère du numérique sont semblables à celles de la révolution industrielle et auraient causé d’aussi grands changements et bouleversements, tant au niveau social, que celui du développement des connaissances (Maeng, 2008). Le changement de paradigme causé par les technologies numériques résulte d’une transformation de la production d’objets matériels à la production d’information (Castells, 2001). Castells ajoute que ces technologies permettent d’agir sur les activités humaines et ne se contentent pas de présenter de nouveaux produits. En effet, les technologies numériques ne sont pas seulement des outils à utiliser, mais bien des procédés à développer :

Ce qui distingue l’actuelle révolution technologique, ce n’est pas le rôle majeur du savoir et de l’information, mais l’application de ceux-ci aux procédés de création des connaissances et de traitement/diffusion de l’information en une boucle de rétroaction cumulative entre l’innovation et ses utilisations pratiques. (Castells, 2001 : 56)

Les technologies de l’information et des communications (TIC) incluent les « technologies de la microélectronique, de l’informatique (machines et logiciels), des télécommunications/diffusion et de l’optoélectronique » (Castells, 2001 : 54) et représentent « l’infrastructure de nos communications » (traduction libre, Mandarano et al., 2010 : 123). Dans le cadre de ce mémoire, les TIC, ou technologies numériques, réfèrent aux appareils, ou technologies, numériques utilisés dans le traitement et la transmission des informations par le biais de l’informatique, du Web et des télécommunications. Ces technologies numériques prennent aujourd’hui la forme des téléphones intelligents, des tablettes et des ordinateurs qui permettent d’accéder au Web 2.0.

Le Web 2.0 et l’intelligence collective

Le Web 2.0 est un concept introduit pour la première fois en 2004 pour décrire une nouvelle génération d’Internet centrée sur la participation et la collaboration des internautes (Gautrin, 2012). O’Reilly explique lors de la Web 2.0 Conference tenue à San Francisco en 2004 que le Web 2.0 se sert de « l’effet de réseau » à travers lequel l’information circule très rapidement pour faciliter les interactions entre les utilisateurs. Ces derniers ne sont plus vus comme de simples consommateurs d’information, comme c’est le cas pour les médias classiques comme les journaux, la radio, la télévision et les sites Internet qui forment la première génération du Web (Rinner et al., 2008), mais bien comme d’importants diffuseurs d’information. Pour exprimer ce phénomène, on parle alors de « contenu généré par les utilisateurs » (« user-generated content » ou UGC, Rinner et al., 2008) ou encore « d’information géographique fournie volontairement » (‘volunteered

geographic information’ ou VGI, Goodchild, 2007) lorsque l’information générée est géo-référencée. Les

(22)

d’intérêt est l’utilisateur. En retour, les internautes alimentent les sites Web avec du contenu original, que ce soit de manière isolée par initiative personnelle comme dans le cas des blogues, ou de manière plus collaborative comme dans les wikis.

Le Web 2.0 comporte donc des dimensions plus sociales, participatives et interactives, en se basant sur des principes comme la décentralisation de l’information et la simplicité d’utilisation (Gautrin, 2012). Cette capacité grandissante à se coordonner les uns avec les autres est au cœur du principe de l’intelligence collective issue des internautes en réseau (O’Reilly, 2005) qui collaborent à des activités créatives communes et partagées où, avec les bonnes conditions, la foulle (crowd) peut surpasser même l’individu le mieux qualifié ou encore l’expert (Brabham, 2013). Cette notion d’intelligence collective, ou de « wisdom of the crowd », partage les prémisses de l’aménagement participatif sur l’importance du savoir local et du savoir non-expert, et devient progressivement un domaine de recherche interdisciplinaire reconnu (Brabham, 2013).

La collaboration augmentée

La notion de réseaux (networks) a été développée entre autres par Manuel Castells (2001, 2004), William J Mitchell (2007) et Jan Van Djik (2012) pour conceptualiser les interactions et les connexions créées par les technologies numériques et les médias sociaux. Selon Castells (2001), les réseaux constitueraient la morphologie de la société contemporaine. Internet et la dispersion des technologies mobiles produisent des modèles de communication qui modifient le caractère et la qualité de l’implication sociale et des interactions dans une communauté (Foth, 2006). De ce fait, les interactions sociales qui étaient autrefois basées sur le voisinage, par exemple, ne tiennent plus nécessairement ou alors se sont considérablement modifiées. La notion même de communauté se définit d’ailleurs de plus en plus en termes de réseaux (Foth, 2006). En contrepartie, des études notent que les TIC permettent la croissance des réseaux sociaux et du bien-être des communautés, et que l’utilisation de l’Internet ne se substitue pas à d’autres formes plus traditionnelles de contact social comme l’appel téléphonique, les visites entre voisins et amis, la reconnaissance du voisinage et l’action collective (Mandarano et al., 2010). En fait, ces formes d’interaction sociales seraient même moins fréquentes chez les personnes sans accès à Internet à domicile (Mandarano et al., 2010). C’est un phénomène que décrit également Fortin (2005) selon qui les TIC sont utilisées davantage pour planifier des rencontres physiques que pour les remplacer. L’expérience électronique et l’expérience face à face demeurent des systèmes d’interaction spécifiques et la clef de la compréhension de leur rôle n’est justement pas de le remettre en question, pas plus que leur pertinence, mais bien d’assurer leur articulation en des termes compatibles (Castells, 2004). Dans cette optique, les TIC et les outils Web permettent d’étendre les interactions et de dépasser les limites géographiques des communautés traditionnelles. En fait, ils permettent d’élargir les possibilités des communautés basées sur une pratique commune, partagée.

(23)

Les outils Internet permettent alors une forme de participation directe des citoyens (direct citizen participation) (Mandarano et al., 2010). Selon Roberts (2004), la participation directe est définie comme un processus selon lequel les membres de la société partagent le pouvoir avec les élus dans la prise de décisions et dans la mise en place d’actions concernant la communauté (Roberts, 2004; cité par Mandarano et al., 2010). Cette participation permet, entre autres, la formation d’un capital social, une variable qui facilite la prise d’actions collectives dans les pratiques d’aménagement. Le capital social est formé des connexions entre les individus qui leur permettent d’agir plus efficacement et de poursuivre des objectifs communs (Mandarano et al., 2010). Mandarano et ses collègues (2010) introduisent le concept de digital social capital (capital social numérique), une adaptation du concept original, pour définir le processus de création de communautés à travers les pratiques d’aménagement, et spécifiquement les processus publics de participation qui utilisent les outils Internet.

Dans le cadre de la participation en ligne, les approches collaboratives en ligne se basent sur des concepts où on réfère de plus en plus à ces communautés comme à des foules (crowds) détenant une intelligence collective. En ce sens,soumettre une problématique à une communauté virtuelle qui s’apparente à un groupe collectivement intelligent par le biais de réseaux favorise l’émergence de plusieurs angles d’analyse, avec davantage de potentiel pour améliorer le processus de résolution de problèmes (Brabham, 2009). Ces concepts réfèrent alors à la possibilité « ouvrir » le processus d’aménagement afin de faciliter la participation et l’implication citoyenne pour atteindre des niveaux d’interaction plus élevés entre les participants (Foth, 2006; Mandarano et al., 2010), et pour inclure des contributions d’individus motivés plutôt de seulement ceux pré-invités (Paulini et al., 2013). Lorsque ces technologies sont employées pour « augmenter » le processus participatif, plusieurs chercheurs font désormais référence à l’« e-participation » (De Cindio & Peraboni, 2012; Steiniger et al., 2012; Van Dijk, 2012).

E-participation can be defined as taking part in public affairs by governments and citizens by means of ICTs to shape these affairs in a particular phase of the institutional policy process, from agenda-setting through policy evaluation. This definition implies that e-participation can be the initiative of both governments and citizens (Van Dijk, 2012 : 112).

Cette définition de l’e-participation prend une tangente surtout démocratique de l’implication civique et citoyenne. Dans le cadre de la présente recherche, ce concept sera abordé sous l’angle de l’aménagement et du design urbain qui requiert des approches s’apparentant davantage au processus de création plutôt qu’aux dimensions plus normatives ou règlementaires habituellement associées à l’urbanisme. C’est pourquoi, dans le cadre du mémoire, le terme de collaboration augmentée sera employé plutôt que celui d’e-participation. Ce

(24)

concept croise d’ailleurs ceux de réalité virtuelle8 et de délibération augmentée (Gordon & Manosevitch, 2010)

pour référer aux technologies Web qui « augmentent » les capacités des participants et des orchestrateurs dans un processus d’aménagement participatif. Toujours dans le cadre du mémoire, la collaboration augmentée englobe deux stratégies interactives distinctes qui seront développées plus en détail : la collaboration augmentée à distance et la collaboration augmentée en personne, ou face à face.

Les outils de la collaboration augmentée

Alors que pratiquement toute technologie numérique a le potentiel d’augmenter la participation citoyenne en aménagement, Mandarano et ses collègues (2010) identifient onze outils du Web 2.0 particulièrement utiles et efficaces à cette fin: les sites Web9, le courrier électronique, les enquêtes Internet, les sites de réseaux

sociaux10 (Facebook, Twitter), les forums de discussion11, les wikis (Wikipédia), le partage de vidéo (YouTube, Vimeo), les applications composites (mashups), les plateformes de crowdsourcing12, la visioconférence, les systèmes de messagerie instantanée, les blogues et, enfin, les fils RSS13. Dans la littérature, on réfère à

certains de ces outils en termes de « médias sociaux », des applications qui utilisent les TIC pour faciliter et favoriser les interactions entre utilisateurs inscrits (Gautrin, 2012) pouvant prendre plusieurs formes (forums Internet, blogues, wikis, applications vidéo, réseaux sociaux, etc.). Cependant, pour éviter toute confusion, le terme outils Web est utilisé dans le cadre de ce mémoire pour référer aux applications et plateformes disponibles et accessibles sur le Web par différents TIC comme l’ordinateur ou la tablette, par exemple. En plus de ces outils Web existe des outils et techniques basés sur le principe des Systèmes d’Informations Géographiques (SIG) et les Systèmes d’Information Géographiques participatifs (Public Participation

Geographic Information System – PPGIS). Les PPGIS réfèrent à la fois à un système d’organisation de

l’information et des données, ainsi qu’à un ensemble d’outils numériques utilisés en aménagement participatif (Mandarano et al., 2010). Ils visent à impliquer des citoyens sans formations ou connaissances préalables en aménagement dans un processus d’aménagement participatif qui s’appuie sur les SIG. Enfin, la carte

8 Le mot virtuel est employé dans le mémoire non pas en référence aux activités et interactions pouvant être effectuées en ligne, mais en référence à la

réalité abstraite et formalisée que l’on peut retrouver dans certains environnements en ligne, en opposition au réel. Par exemple, l’environnement que l’on retrouve dans un jeu comme Second Life est un environnement virtuel.

9 Un site Web est un ensemble de pages web hyperliées et accessibles par une adresse Internet. Les sites Web sont la première utilisation d’Internet,

mais également la plus puissante (Mandarano et al., 2010).

10 Les sites de réseaux sociaux offrent aux professionnels et aux citoyens plusieurs façons de créer et de renforcer des liens et réseaux entre amis et

collègues (Mandarano et al., 2012) « dans le but de faciliter, par exemple la gestion des carrières professionnelles, la distribution, la visibilité ou les rencontres privées » (traduction libre, Mandarano et al., 2010 : 127).

11 Un forum est un espace de discussion public ou ouvert à plusieurs participants. Les discussions y sont archivées, ce qui permet une communication

asynchrone, les différenciant ainsi de la messagerie instantanée (Wikipédia). Les forums de discussion permettent au public de participer à des discussions en ligne.

12 Les auteurs associent le crowdsourcing à « l’action de travailler avec un focus group, ou de plus grands groupes de constituants, dans le but

d’obtenir de la rétroaction en ligne » (Mandarano et al., 2010 : 128; traduction libre). Les sites de crowdsourcing permettent à la communauté de « voter » sur les meilleures idées tout en en soumettant de nouvelles.

13 Les fils RSS sont des « web feed » qui permettent aux utilisateurs de colliger des articles provenant de divers sites Web et de les regrouper en une

(25)

argumentaire est un outil basé sur la visualisation bidimensionnelle de type SIG et un modèle de plateforme visant la discussion géoréférencée. À la manière de messages disposés sur une carte en ligne, ce type d’outil permet aux utilisateurs de publier, de répondre et de parcourir l’historique des messages qui alimentent la conversation et qui est géolocalisée sur une carte 2D. La carte argumentaire est probablement le type le plus répandu de plateforme permettant d’engager les participants et se base sur le principe du voluntary geographic information (VGI), c’est à dire de l’information géographique fournie de manière volontaire par les participants (Rinner et al., 2008).

Dans le cadre de la présente recherche, les approches d’utilisation de différents outils Web, de SIG et de SIG participatifs pour impliquer des participants dans des processus d’aménagement participatif sont documentées dans le chapitre 2. Cependant, ce sont des outils Web (site Web, réseaux sociaux, courriels et plateforme de crowdsourcing Crowdbrite) qui seront utilisés, testés et évaluer dans le cadre du projet de collaboration augmentée relaté ici.

Le crowdsourcing

Le crowdsourcing (en français : production participative ou externalisation ouverte) est un type d’outil Web participatif qui gagne en popularité pour son accessibilité dans le contexte de l’aménagement participatif. Le terme est introduit en 2006 par Jeff Howe pour décrire des approches participatives variées partageant une caractéristique commune : elles dépendent toutes d’une contribution de la foule (crowd) (Fennel, 2013). Le principe consiste donc à consulter un groupe de participants pour provoquer des réactions en ligne sur une proposition ou des idées. C’est un processus qui allie la création bottom-up de solutions et d’idées et l’orchestration top-down par l’organisme réalisant le processus (Brabham, 2013; Estelles-Arolas & Gonzalez-Ladron-de-Guevara, 2012). En effet, le principe du crowdsourcing ne part pas de la population à la manière d’initiatives grassroots, mais bien d’institutions, d’organismes ou de compagnies qui soumettent une tâche participative à un groupe d’individus hétérogènes aux expériences et aux connaissances variées qui y réagissent de manière volontaire. Les participants contribuent à l’aide de commentaires sur les idées soumises par l’organisme ou sur celles des autres participants, et à l’aide d’un système de votes pour faire émerger la meilleure idée (Brabham, 2009; Dodge & Kitchin 2013 ; Estellés-Arolas & Gonzalez-Ladron-de-Guevara, 2012) (Figure 1). Le crowdsourcing est donc basé sur cette notion que l’expertise locale peut émerger des masses et former une intelligence collective (Dodge & Kitchin, 2013) en mettant en valeur le savoir non expert et non commun (Brabham, 2009). En effet, soumettre un problème à une communauté virtuelle incite et facilite la création de multiples angles d’analyse, augmentant ainsi le potentiel pour les groupes de bénéficier du processus de résolution de problème (Brabham, 2009). Dans ce contexte, le savoir non expert colligé via une consultation de type crowdsourcing fournit des indices sur les pratiques locales et

(26)

aide à définir la perspective des futures utilisations, d’un projet ou d’un bâtiment par exemple, de manière très précieuse autant pour les designers que pour les preneurs de décision. De plus, un tel outil interactif de consultation en ligne peut potentiellement rejoindre des participants de contextes distincts de ceux qui se présentent déjà aux rencontres de consultation publique ou à des sessions de conception participative à un moment et à une localisation précis.

Cependant, bien que le crowdsourcing se base sur des concepts longuement établis de consultation publique, de résolution de problème et de collaboration ouverte (open call), c’est un phénomène relativement récent qui dépend de la technologie d’Internet. L’accessibilité, la portée et la vitesse des interactions du crowdsourcing le différencie des processus antérieurs de production collaborative et de résolutions de problèmes ouvert. Pour ces raisons, Brabham (2013) argumente que le crowdsourcing est un concept qui ne peut pas s’effectuer hors ligne et n’est rendu possible que par la pensée créative en réseau (creative networked thinking) issue du Web 2.0.

Figure 1 : Le principe du crowdsourcing

1.3 QUESTIONS ET OBJECTIFS DE RECHERCHE

Le principal objectif de ce mémoire est d’identifier, de tester et d’évaluer les outils Web et stratégies d’interaction susceptibles de bonifier les démarches en aménagement collaboratif afin d’aider à résoudre des

(27)

problématiques urbaines complexes qui demandent à être abordées et résolues de manière collective. Cet objectif s’associe aux préoccupations du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues (GIRBa) concernant la requalification et l’adaptation des milieux bâtis pour faire face aux défis sociaux et environnementaux contemporains, dont les changements climatiques.

Plus précisément, la recherche visa à :

1. Identifier les outils Web et les stratégies d’interactions les plus utiles dans un processus d’aménagement participatif orchestré par le GIRBa et réalisé dans le cadre d’un projet de recherche-action sur l’adaptation aux changements climatiques du territoire de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ);

2. Utiliser les outils identifiés en lien avec des techniques de participation traditionnelles pour tester un processus hybride utilisant une mixité d’outils et de techniques;

3. Évaluer les potentiels et les limites des outils dans le cadre d’un processus d’aménagement participatif.

Cependant, les défis en matière d’intégration et d’utilisation des technologies numériques et des outils Web en aménagement participatif sont nombreux et ce, autant sur le plan social, que technique et qu’éthique. En effet, alors que les TIC continuent à influencer le quotidien, leur rôle dans l’aménagement urbain devient controversé. Par exemple, les modifications qu’apportent des médias sociaux sur les activités urbaines ont le potentiel de déstabiliser les bases d’un type d’aménagement traditionnel « top-down » au profit d’initiatives

« grassroots » (Maeng, 2008) s’apparentant aux principes qui sous-tendent les relations proposées par les

technologies à l’étude. C’est pourquoi ce mémoire s’intéresses au processus collaboratif en aménagement : il propose un type de démarche intégrant à la fois les principes « top-down » et « bottom-up », c’est-à-dire mis en place par un groupe orchestrateur, mais prenant racine parmi les citoyens (qu’elle soit d’initiative citoyenne ou s’appuyant sur les savoirs citoyens dans le cas de ce mémoire), ce qui permet une relation symbiotique mutuellement bénéfique aux deux parties (Brabham, 2013). Cependant, la seule mise en relation de ces deux paradigmes -- aménagement participatif et outils Web – n’assure pas en soit l’intégration durable de participants citoyens au processus, ni l’interaction harmonieuse et porteuse entre le groupe orchestrateur et les participants, et entre les participants eux-mêmes. Ces quelques considérations soulèvent les questions de recherche suivantes :

1. Comment rejoindre et impliquer citoyens et experts de manière efficace dans un processus d’aménagement collaboratif augmenté en recourant au Web?

(28)

2. Quels outils, méthodes et stratégies sont les plus susceptibles de contribuer à la collaboration des acteurs sur des questions qui touchent l’aménagement sous l’angle du design et de la conception?

3. Comment adapter le principe du crowdsourcing, dont l’utilisation est émergente en aménagement, à un processus de design urbain incluant des problématiques autour des changements climatiques?

4. À quelle(s) étape(s) du projet serait-il le plus pertinent d’inclure une utilisation de la plateforme de crowdsourcing Crowdbrite, et avec quelle(s) méthode(s) participative(s) et stratégie(s) d’interaction des participants?

1.4 STRATEGIE METHODOLOGIQUE

Comme mentionné précédemment, la méthode employée dans le cadre du mémoire prend l’allure d’une étude de cas, soit l’étude d’un processus d’aménagement collaboratif augmenté visant à concevoir et à valider de manière itérative la faisabilité et l’acceptabilité de scénarios d’adaptation aux changements climatiques à l’aide de technologies numériques et d’applications Web, dont le crowdsourcing. Plus précisément, elle procède à l’élaboration, puis à l’évaluation du processus dont les étapes visent essentiellement à concevoir, consulter et valider des propositions d’aménagement auprès de citoyens et de groupes d’experts au moyen de technologies et stratégies interactives. Il est important de noter que l’analyse des commentaires colligés lors du projet de recherche sur la validation des scénarios d’adaptation ne fait pas l’objet de la recherche. Présentée ci-après dans ses grandes lignes, la méthode s’articule en 3 étapes et s’échelonne de la session d’hiver 2013 à celle d’hiver 2014.

Étape 1_ Concevoir.

Préalablement au terrain du mémoire, une recension de processus collaboratifs utilisant technologies numériques et outils Web a été réalisée. Cette étape préliminaire a permis d’identifier les outils numériques à être intégrés dans le développement de la stratégie d’aménagement collaboratif augmenté visant la création et la validation de scénarios d’adaptation aux changements climatiques sur le territoire de la CMQ.

La première étape de terrain à proprement parler, débutant à l’hiver 2013 et s’échelonnant tout au long du projet en boucles itératives d’ajustement, est la conception et la préparation des documents supports nécessaires au processus d’aménagement collaboratif. En plus de la création des scénarios et mesures d’adaptation, cette étape comprend la création d’une stratégie visuelle en vue de la consultation en ligne.

(29)

Étape 2_ Tester

Au printemps 2013 a commencé le terrain du mémoire qui inclut le test des outils et stratégies identifiées et la collecte des données. La collecte des données s’est principalement réalisée sous la forme d’entrevues, d’observations in situ et des questionnaires visant à déterminer le profil des participants ainsi que leur satisfaction envers le processus. Site Web, courriels, réseaux sociaux et plateforme de crowdsourcing

Crowdbrite ont été testés durant ce projet de recherche. D’avril à octobre 2013, deux phases-tests et deux

phases-applications utilisant la plateforme de crowdsourcing de différentes manières eurent lieu à travers les différentes phases itératives de conception :

1. un test de consultation Web asynchrone auprès de citoyens réalisé à l’aide d’entrevues en ligne et hors-ligne (avril 2013);

2. un test de groupes de discussion simultanés en face à face auprès d’experts réalisé à l’aide de 3 stratégies interactives différentes (avril 2013);

3. un groupe de discussion augmentée en face à face avec experts hors ligne (juillet 2013); 4. une consultation Web asynchrone avec citoyens en ligne (septembre/octobre 2013).

Étape 3_ Évaluer

Le concept d’utilisabilité (Bugs et al. 2010) est utilisé pour évaluer les stratégies d’implication et les outils Web employés lors du terrain du mémoire. Le concept d’utilisabilité est expliqué plus en détail dans le chapitre 2, et sert à évaluer et comparer les différentes études recensés dans le cadre du mémoire. Deux critères principaux ont été retenus pour l’évaluation des outils numériques et stratégies d’interaction testés dans le cadre de ce mémoire : l’utilité et la convivialité.

Ces différentes étapes de la stratégie méthodologique sont présentées en détail dans les prochains chapitres du mémoire. Auparavant, le chapitre 2 fait état des résultats d’une revue de la littérature ayant servi à l’identification des outils Web employés dans la recherche ainsi que le développement de la stratégie collaborative en comparant les processus recensés et l’utilisabilité des outils Web. Les chapitres 3 et 4 présentent deux aspects distincts de la méthode, mais qui, dans la mise en place du processus, étaient intimement interreliées en phases itératives successives : la conception des scénarios d’adaptation et leur validation auprès des citoyens et experts. Durant l’ensemble des exercices participatifs, 140 personnes ont participé à l’une ou l’autre des activités participatives et plus de 900 commentaires furent récoltés sur la faisabilité et l’acceptabilité sociale des scénarios d’adaptation. Cependant, comme mentionné précédemment, l’analyse de ces commentaires ne fait pas l’objet de la présente étude qui se concentre davantage sur les participants et les interactions entre eux selon les différentes stratégies interactives et méthodes participatives mises en place lors des différentes activités. Les résultats issus de l’analyse de l’utilisabilité, les potentiels et

(30)

les limites des outils testés, en mettant l’emphase sur la plateforme Crowdbrite, sont présentés dans le

Chapitre 5. Il compare, pour chacun des critères de l’utilisabilité employés dans le chapitre 2, les stratégies et

outils qui se sont révélés être les plus efficaces tout au long du processus. Enfin, un retour sur l’outil testé, la méthode et sur les potentiels d’utilisation futurs d’outils Web en aménagement participatif pour la CMQ et la Ville de Québec concluent ce mémoire.

(31)

2. LES STRATEGIES ET OUTILS WEB DE LA PARTICIPATION

CITOYENNE A L’ERE DES MEDIAS SOCIAUX : ÉTAT DE LA

QUESTION

L’arrivée des technologies numériques et des TIC dans les années 1990, et plus récemment encore des médias sociaux et des différents outils, applications et plateformes interactives du Web 2.0, a influencé les processus participatifs d’aménagement, mais aussi les modes de représentation, de diffusion et de partage de l’information. Cette interrelation entre technologies numériques, médias sociaux et moyens de communiquer favorise l’apparition de diverses approches, à distance ou face à face, pour impliquer les citoyens dans le processus d’aménagement de leur environnement urbain. Celles-ci incluent l’usage de sites web ou de plateformes en ligne encourageant la participation, la collaboration et l’implication citoyenne à l’initiative d’individus ou d’organismes publics.

De manière générale, la valeur de l’utilisation des processus participatifs en design urbain pour engager une communauté visée dans un processus donné est clairement démontrée. Par contre, la forme qu’elle peut prendre ainsi que les stratégies pour la mettre en œuvre ne le sont pas nécessairement (Gordon et al., 2011). Les écrits suggèrent que l’utilisation et l’intégration d’outils et de plateformes Web aux différentes phases du processus d’aménagement collaboratif permettent d’atteindre des niveaux d’implication variables selon les étapes et les types d’acteurs engagés, qu’ils soient citoyens ou experts. Cependant, alors que les techniques et outils entourant l’aménagement participatif plus « traditionnel » sont testés et évalués depuis longtemps par les chercheurs et sont relativement bien connus des praticiens, les outils et stratégies entourant la collaboration augmentée sont en constante évolution et redéfinition depuis le début des années 2000 qui marque un essor des expérimentations, que ce soit dans les domaines de l’aménagement, de la géographie, de la géomatique ou autre, pour conjuguer technologies Web et participation citoyenne.

Plusieurs chercheurs s’entendent pour dire que les TIC et les outils Web ont le potentiel d’étendre, de renouveler et d’améliorer les processus participatifs en aménagement (Bugs et al., 2010; Gordon & Manosevitch, 2010; Proulx, 2010; Steiniger et al., 2012; Stern et al., 2009). Les avantages à utiliser les outils Web et les médias sociaux pour complémenter les processus participatifs traditionnels dénombrés dans la littérature sont nombreux. Les principaux, et ce pourquoi l’engouement pour leur usage est tel, sont qu’ils permettent la démocratisation (Bugs, 2012) du processus en offrant la possibilité aux participants d’intégrer un processus participatif à n’importe quel moment et depuis n’importe quel endroit, en plus de leur permettre une libre expression sans pression sociale (Carver, 2001; cité par Stern et al., 2009). Ils permettent également aux

(32)

orchestrateurs de la collaboration un accès à un large public (Kingston et al., 2001; cités par Stern et al., 2009), favorisant ainsi une plus grande représentativité des acteurs du milieu local (Al-Kodmany, 2000) et, de ce fait, l’émergence de savoirs locaux (Foth, 2006).

Ce chapitre présente un inventaire et une caractérisation de différents outils Web et stratégies utilisés dans des processus participatifs « augmentés » tels que relevés dans les écrits scientifiques récents. Cet inventaire a été essentiel pour faire un choix éclairé des outils et des stratégies d’implication et des méthodes participatives à mettre en œuvre pour le processus d’aménagement collaboratif augmenté que teste et décrit ce mémoire.

Une première distinction essentielle ressort de cet inventaire et a dicté plusieurs des choix méthodologiques et analytiques de ce mémoire, soit celle de l’utilisation des outils numériques qui se fait majoritairement selon deux stratégies d’interaction distinctes dans les écrits recensés : les stratégies de la participation augmentée à

distance (Gordon et al., 2011) et les stratégies de la participation augmentée en face à face. La participation à

distance a été la première forme d’utilisation des TIC en aménagement participatif. Encore pratiquée aujourd’hui, cette stratégie propose essentiellement d’élargir le processus participatif et de le rendre le plus accessible possible grâce aux fonctionnalités permises par le Web. La participation à distance peut, dépendamment des cas, s’effectuer de manière asynchrone, où les participants sont libres de s’impliquer au moment qui leur convient et qui suggère des interactions entre les participants qui s’échelonnent dans le temps, ou encore de manière simultanée, où les participants s’impliquent tous en même temps à un moment prédéterminé et qui permet des formes d’interactions rapides et directes entre les participants, voire instantanées. Comparativement, la participation augmentée en face à face utilise les outils Web et numériques pour simultanément augmenter les capacités des participants et orchestrateurs afin d’intégrer des informations ou des méthodes de visualisation autrement inaccessibles. Sur les 24 études recensées, onze utilisent des outils Web selon des stratégies interactives de participation augmentée à distance, neuf selon une stratégie de participation augmentée en face à face et enfin trois qui comparent ou utilisent les deux stratégies.

Parallèlement, compte tenu du caractère généralement pluridisciplinaire des différentes recherches recensées, les angles d’analyse des 24 études varient entre aspects techniques des outils et aspects sociaux, liés le plus souvent au processus démocratique d’implication des participants. En ce sens, la majorité des études recensées (16/24, Tableau 1) portent spécifiquement sur l’utilisation d’outils Web dans des processus d’aménagement collaboratif le plus souvent en design urbain ou en aménagement du territoire. Ces 16 études recensées réfèrent principalement à des outils comme les sites Web (1/16), les réseaux sociaux (1/16), les forums de discussion (1/16), le crowdsourcing (2/16) et les systèmes d’information géographique (SIG) (2/16).

(33)

Elles réfèrent aussi à des principes d’utilisation de SIG en ligne grâce à un type d’outil nommé la carte argumentaire (6/16) et à l’utilisation de différents médias de visualisation 3D combinés à des stratégies d’interaction des participants plus traditionnelles (3/16), telles que des charrettes et des groupes de discussion, afin de les plonger dans un environnement immersif propice à la discussion et à la délibération sur des enjeux urbains complexes, tels que les changements climatiques.

De ces études, 7/16 sont des tests de prototypes dont six portent sur les cartes argumentaires en ligne (Plan

Your Place, Steiniger et al., 2012 ; OurMaps, Muller et al., 2011 ; Canela PPGIS, Bugs et al., 2010 ; MapChat,

Hall et al., 2010 ; ARGOOmap, Rinner et al., 2008 ; CityMap, DeCindio & Peraboni, 2009) et une sur le crowdsourcing dans le cadre du concours de conception d’abribus en ligne Next Stop City (Brabham, 2012). Les tests d’utilisation de ces prototypes se réalisent soit dans le cadre de réelles utilisations de participation en ligne (2/7) (Next Stop City, City Map), dans le cadre de workshop (2/7) (OurMaps, MapChat), ou sous la forme de simulations (3/7) (Plan Your Place, Canela PPGIS, ARGOOmap).

Comparativement, 9/16 des études sont orientées sur des tests d’utilisation d’outils numériques existants. De ces dernières, certaines cherchent à évaluer les dimensions comme la satisfaction des utilisateurs (Facebook, Ong et al., 2012) ou l’utilité de fonctions délibératives (forums de discussion, Baek et al., 2011) et des types de visualisation (SIG3D, Hayek, 2011) sur la discussion et l’implication en ligne des participants. D’autres évaluent les manières de combiner l’utilisation de technologies existantes avec des techniques plus traditionnelles de participation (Al-Kodmany, 2000) ou des approches immersives (Gordon & Manosevitch, 2010 ; Salter et al., 2009 ; Basile & Terrin, 2009). La plupart de ces études sont évaluées lors de workshop (7/9), par des questionnaires (2/9) téléphoniques (Baek et al. 2011) ou en ligne (Ong et al., 2012).

Enfin, huit autres études sont des cas comparatifs qui mettent en relation différents types de plateformes en ligne ou différents types d’outils Web utilisés en aménagement participatif. La majorité de celles-ci (5/8) sont des études de différents cas d’utilisation d’outils Web en aménagement participatif (Bugs, 2012 ; DeCindio & Peraboni, 2012 ; Hanzl, 2007) ou des revues de littérature (Shipley & Utz, 2012 ; Mandarano et al., 2010). Trois d’entre elles sont des études comparatives entre différents médias de visualisation pour en évaluer l’impact en aménagement participatif (Senbel & Church, 2011), entre outils Web et numérique, pour en évaluer la perception des professionnels de l’aménagement quant à leur utilité (Slotterback, 2011), et entre méthodes participatives en ligne versus traditionnelles (Stern et al., 2009). Dans les cas des études sur les médias de visualisation et les méthodes participatives, l’évaluation se réalise sous forme de workshop ou d’atelier, dans le cadre de processus d’aménagement participatif réels (Senbel & Church, 2001 ; Stern et al., 2009), alors que

(34)

l’évaluation de la perception des professionnels se réalise sous forme de questionnaires portant sur des mises en situation fictives (Slotterback, 2011).

Plusieurs auteurs exprime un besoin dans la littérature pour des études évaluatives qui considèrent l’impact de la participation numérique non seulement sur le processus, mais également sur les participants eux-mêmes (Bugs et al., 2010; Mandarano et al., 2012). L’angle d’évaluation choisi pour faire le pont entre les 24 différentes cités est celui de l’utilisabilité. L’utilisabilité (usability, Grudin 1992 ; cité par Bugs et al., 2010) est un concept issu de la discipline des interactions individu-ordinateur (Human-Computer Interaction) qui réfère non seulement au fonctionnement des applications Web, mais aussi à l’efficacité avec laquelle elles remplissent les objectifs de conception en fonction des besoins des utilisateurs. Autrement dit, le concept d’utilisabilité des applications Web dans un processus participatif réfère à l’évaluation de l’impact des fonctionnalités de la participation en ligne sur le processus d’aménagement, mais également sur les participants eux-mêmes. Ce concept s’avère donc particulièrement utile pour évaluer et comparer les études recensés, mais également pour ultérieurement évaluer les applications et plateformes Web utilisées et testées dans le cadre de ce mémoire.

Bugs et ses collègues ont établi une combinaison de critères visant à proposer un cadre analytique pour l’évaluation de l’utilisabilité des outils et techniques pour l’aménagement collaboratif : utilité, convivialité, satisfaction, accessibilité. Ces critères, regroupés en deux sections principales, structurent ce chapitre. La section 2.1 présente l’évaluation de l’utilisabilité des outils en aménagement collaboratif : 2.1.1 l’utilité des outils et 2.1.2 leur convivialité (facilité d’utilisation, satisfaction des utilisateurs, et accessibilité en termes de coût humain et matériel). La section 2.2 présente quant à elle les potentiels et les limites pour les utilisateurs, que ce soit les participants ou les orchestrateurs de la collaboration en mettant en évidence le profil des participants et leur participation. Enfin, à la lumière des comparaisons, la section 2.3 discute des potentiels et des limites perçues des outils et stratégies participatives recensées dans l’optique de leur combinaison dans un processus hybride et intégré.

Figure

Tableau 1: Études recensées sur l’utilisation d'outils Web en aménagement participatif (n=24)
Figure 3 : Application OurMaps visant l'analyse participative (Muller et al., 2011)
Figure 5 : Exemple de représentations abstraites et réalistes utilisées dans l'étude de Hayek  (2011)
Figure 6 : Exemple de discussion localisée avec fonctions de dessin sur MapChat (Hall et al.,  2010)
+7

Références

Documents relatifs

Fonction principale : gestion de projets --> gestion de flux Fonction dans le processus éditorial :. Rédaction (gestion du

CAPN : commission administrative paritaire nationale, composée à parts égales des élus nationaux du corps concerné et de représen- tants de l’administration

FPMA : formation paritaire mixte académique, composée à parts égales des élus académiques des corps concernés et de représentants de l’ad- ministration rectorale. La

Grâce à la réalisation en parallèle des travaux et une grande expérience de l’élaboration des dossiers du projet, de validation et de construction, nous pouvons offrir les

Le soumissionnaire remet, comme pièce constitutive de son offre, un document par lequel il marque son engagement à mettre en œuvre

Les actions engagées en s'appuyant sur les enjeux précédents permettent non seulement d'argumenter des solutions techniques visant à une gestion plus intégrée, donc plus pertinente,

Pour que l’aide au développement soit renforcé par le processus de désarmement pour le développement, des conditions politiques (fondées sur la confiance et la

Cette collaboration a consisté notamment à élargir la couverture des bases de données de l’OCDE pour y inclure les pays africains et à établir de nouveaux indicateurs