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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'écologie comme ouverture culturelle

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Academic year: 2021

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L’ÉCOLOGIE COMME OUVERTURE CULTURELLE

Daniel BRABIS

Groupe de Réflexion Inter et Transdisciplinaire

MOTSCLÉS : ÉCOSYSTÈME COMPLEXITÉ NATURE TERRE CULTURE

IDENTITÉ

RÉSUMÉ : L’écologie nous apprend le fonctionnement des écosystèmes, notre appartenance à la

nature et à une Terre globale. D’où une identité Terrienne et la perception du destin commun de l’espèce humaine. Une prise de conscience qui peut transformer nos modes de pensée et nos comportements, avec l’appoint du système éducatif pour former à la complexité. Les interactions culturelles et la dynamique citoyenne amèneront peut-être un art de vivre et une civilisation plus évoluée.

ABSTRACT : Ecology is learning us the ecosystems woorking, fact that we belong to the nature

and global Earth. From which an earthling identity and the commun destiny of human kind. The consciousness of that could change our thinkings and behaviours, thanls to an education system based on complexity training. Then culturals interactions and citizen dynamics will maybe bring more advanced art of living and civilization.

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1. LES APPORTS FONDAMENTAUX

1.1 Introduction

L’histoire des sciences est jalonnée de découvertes dont la portée majeure n’a pas été perçue de suite. Sous l’action écologique courante, se cache une des avancées majeures de la seconde moitié du XXe siècle : la science des écosystèmes. Son impact équivaut à celui de la mécanique quantique avec des concepts radicalement différents, marquant une rupture dans la façon de penser. L’écologie démontre que l’ensemble des structures vivantes fonctionnent et interagissent entre elles, du local au global, selon des principes qui n’ont rien à voir avec ceux que les hommes utilisent pour réguler leurs propres organisations.

1.2 Une Terre globale

La Terre des hommes est hérissée de frontières et barrières de toutes sortes délimitant des territoires, souverainetés, compétences. En correspondance, leur esprit aussi est encombré de cloisons : entre le tout et les parties, spécialisations extrêmes, compartiments étanches entre les savoirs, cultures ou activités. Régulée par des structures pyramidales via des réseaux d’information descendants se prêtant aux coups de boutoirs des dominations et tentatives hégémoniques. L’homme, et aujourd’hui une nation en particulier, prétend dominer la planète.

La Terre planète est à l’opposé de cette description. Les écosystèmes, présents partout du local au global, interagissent tous azimuts, s’adaptent sans cesse aux situations, évoluent en permanence. De proche en proche, l’unité de lieu et d’action s’étend à la Terre entière. D’ailleurs, vue de l’espace, la luxuriance de ses couleurs tranchant sur le noir profond du ciel, la planète apparaît constituée d’une seule forme de vie. Harmonie globale rendue possible par des processus sophistiqués d’autorégulation. Réseaux d’échanges essentiellement de proximité transversaux du local au global, en recherche constante d’équilibres à tous niveaux pour gérer d’innombrables paramètres. La Terre était ronde, elle est aussi globale.

Évoluer dans ce milieu appelle un mode de pensée qui soit en adéquation. La pensée linéaire et le réductionnisme, hors jeu, laissent place à la pensée complexe. Le mot fait peur. Heureusement elle se laisse aborder facilement par l’entremise du développement durable qui en fournit une illustration concrète et d’actualité. On en fera notre fil rouge. Lui aussi est global puisqu’il tend vers l’équilibre de ses 3 pôles : environnemental, humain, économique.

1.3 Un outil : relier

La culture, dit-on, résulte des interactions entre l’homme et son environnement. Sans doute faut-il avoir conscience d’appartenir à un espace global pour qu’une pensée globale émerge ? Il en est ainsi

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de la pensée complexe rendant compte des écosystèmes. Sa quintessence réside dans le fait que la somme des parties, grâce à leur reliance qui crée du sens, façonne un ensemble global doté de propriétés nouvelles, différentes de celles des parties. Le contraire du réductionnisme, qui se contente d’additionner les morceaux. La fréquentation des écosystèmes apporte un double avantage : une lecture correcte de l’environnement par la mise à jour de ses principes de fonctionnement et un outil conceptuel qui, validé par l’observation, rend possible l’évolution de nos sociétés. Voici donc poindre l’ouverture culturelle annoncée.

Le souffle écologique chasse les pollutions qui obscurcissent notre vue et notre jugement. Un nouveau décor limpide et cohérent est planté L’ensemble du vivant, dont l’espèce humaine, se vautre dans un océan d’écosystèmes. Même si nous ne les remarquons pas plus que l’air que nous respirons, ils sont là, aussi indispensables. Sans eux la vie n’aurait pas été viable et il y a bien longtemps que la Terre serait un astre mort. D’ailleurs notre corps fonctionne lui aussi en écosystème de cellules. C’est dans ce milieu que nous baignons et pas dans un autre.

De quoi stimuler notre imaginaire, construire de nouvelles images et structures mentales aptes à voyager dans ce que l’on pourrait appeler, par analogie, un monde des « écosavoirs ». Avec un moteur fonctionnant à la reliance et à la curiosité. Dont les pièces principales seraient : ouverture, échanges, proximité, transversalité, interactions, propriétés globales, recherche d’équilibre et autorégulation. Et en toile de fond, une pédagogie qui se dessine en filigrane.

1.4 Qui suis-je ?

L’homme cartésien croyait maîtriser la nature et le monde. Ici il est perdu, immergé dans la nature, englué dans ces écosystèmes qu’il ne domine nullement. Je ne suis pas cet homme là. J’appartiens pleinement au monde vivant, à la nature. Oui, mais alors qui suis-je ? Ne dit-on pas que l’homme serait la nature prenant conscience d’elle même ? Je suis de l’espèce humaine, une espèce jeune que l’évolution, reliant toujours davantage les composants du vivant, a dotée d’une conscience élargie par rapport à celle des espèces dont elle est issue. D’un cerveau aux connexions plus denses à la palette de sentiments plus étendue. Ressentant la nature, je ressens aussi, dans un mélange d’émotions et de raison, cette appartenance intime à l’espèce et à la planète. Une espèce qui s’est répandue sur une Terre qui pourvoit à sa survie. Je suis un Terrien, c’est en quelque sorte mon identité originelle, celle qui prime. Mon horizon et mon champ de conscience s’élargissent, sans renier pour autant mes appartenances continentale, nationale et régionale, qui mélangées, façonnent mon identité propre.

Ces identités multiples vont cohabiter, interférer sur notre sensibilité, nos repères, les faire évoluer, accentuant le caractère unique, donc précieux de chaque être humain. Si cette humanité là investit l’écosystème culturel terrien vous, moi, devenons les dépositaires, les seuls représentants

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authentiques de l’espèce : elle vit en nous. Elle nous confère une responsabilité, une envie et un atout majeur : tous importants, avec nos talents complémentaires pour jouer un rôle actif dans le cadre d’une société à réinventer.

Cette légitimité terrienne, liée à l’espèce et à sa durée dépasse et rend caduque celle de représentants politiques liés au seul terme de leur mandat. À cause de cette myopie et des autres cloisonnements hérités du passé, une part importante de notre espèce est malade, luttant pour une survie incertaine. Si tant d’hommes et de femmes sont en danger, l’espèce l’est globalement, inexorablement liée par sa communauté de destin et une logique de coopération. Voilà qui ouvre à chacun des horizons, sur ses valeurs et sa transformation personnelle.

2. APPLICATIONS : DES PROPRIÉTÉS NOUVELLES

2.1 Comportements individuels

Nous entrons en écosystèmes. En reprenant notre fil rouge, ces entrées sont multiples, au choix. Au quotidien, on peut aisément se motiver pour trier ses déchets, privilégier l’usage de matériaux biodégradables ou acheter des produits alimentaires dont l’élaboration ne saccage pas trop l’environnement. Mais juste au delà, d’autres comportements sont moins évidents : éviter d’utiliser sa voiture en ville ou sur des trajets courts, en avoir une seule au lieu de deux. Acheter un véhicule moins polluant, pas trop gourmand en carburant. Gérer sa consommation d’eau, d’électricité, son chauffage domestique. Sensibiliser ses enfants à ces comportements.

Ces petites initiatives de la vie personnelle peuvent se transposer dans la vie professionnelle, dont l’enseignement. Nul besoin d’attendre de lointaines réformes des programmes pour avancer. Dans un établissement scolaire, sous l’impulsion de quelques innovateurs, l’équipe pédagogique peut parfaitement décider de mettre en exergue, dans chaque discipline, les liens et influences interdisciplinaires chaque fois qu’ils se présentent. Afficher dans chaque classe un poster de la Terre vue de l’espace. Sans entrer encore dans la complexité, ces petites touches successives feront leur œuvre dans l’inconscient.

La culture, étant, dans sa définition la plus large, la manière de vivre ensemble, ces actes sont des comportements culturels. Ils interagissent dans le champ collectif. Les écosystèmes nous apprennent que ces modestes « gouttes d’eau » initient la dynamique globale. Elles en sont le moteur, à l’inverse du sentiment d’impuissance si répandu. Ainsi les initiatives personnelles, annoncent le rôle novateur et déterminant des « petits groupes », chers à Edgar Morin pour la transformation de la société.

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2.2 Les petits groupes

Un peu partout, ces éclaireurs sont déjà à l’œuvre. On en retrouve à Porto-Alègre. Agissant en réseaux connectés, ils contestent les sociétés actuelles, ouvrent des pistes pour changer le monde, créent des contre-pouvoirs. Exemple : le boycott d’une compagnie pour des agissements écologiquement ou humainement incorrects. Bien maniée cette arme est redoutable et, sans le crier sur les toits, les grandes entreprises en ont très peur, d’où le poids de consommateurs organisés et motivés. Concrète mise en évidence du pouvoir d’agir.

Autres exemple, les réseaux alternatifs connectés aux précédents s’intéressant au sort des pauvres. Ils mettent en œuvre des solutions alternatives, complémentaires au marché : les réseaux d’économie solidaire, les monnaies locales, les banques de micro crédit, le commerce équitable. Leur bilan est appréciable et commence à être remarqué. Quand les revenus de quelques centaines d’hommes équivalent à ceux de plusieurs milliards, quand les fossés entre riches et pauvres, Nord et Sud s’accroissent sans cesse, où est la recherche d’équilibres ? Où sont les principes d’un développement durable quand les pays pauvres voient disparaître leur autosuffisance alimentaire ? Toutes ces détresses au nom de l’hégémonie économique et du profit de quelques-uns est un prix à payer exorbitant.

2.3 Affaire d’identité

L’empilement des constats, des indignations, des résistances positives mieux connues du public, créent des images mentales, des stimulations fortes pour notre cerveau. D’où le besoin en parallèle d’un appui massif du système éducatif forgeant le raisonnement. Jeter des passerelles interdisciplinaires, notamment entre SVT, biologie, chimie, physique qui constituent l’épine dorsale d’une formation à la pensée complexe, beaucoup plus que les mathématiques. Les relier pour comprendre, illustrer l’organisation des connaissances en écosavoirs et la faculté de pouvoir s’y promener en toute liberté. Par exemple des sorties « nature » pour disséquer et faire ressentir charnellement un écosystème à ciel ouvert. Aujourd’hui les citadins vivent dans un monde virtuel coupé de la réalité : le béton y crée une rupture totale avec la nature, avec nos racines. Comment la comprendre sans la ressentir ?

Point de passage sans doute obligé pour découvrir l’autre sous un nouveau jour, sinon, depuis des millénaires, on y serait déjà parvenu. La recette : une dose de pensée complexe, ajouter la touche d’humanité et remuer le tout. Je suis de la Nature, l’autre aussi. Aimer la Nature incline à s’aimer soi-même et les autres avec. S’émerveiller de la Nature c’est aussi s’émerveiller avec ceux qui se reconnaissent en elle. Adieu méfiance, peur, violence, haine, barbarie. Oui au respect, à l’envie de se relier, de coopérer, de vivre ensemble. D’autant que par effet miroir les autres seront enclins aux mêmes comportements. De quoi transformer et enrichir en profondeur notre identité. Rien à voir

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avec une habituelle carte de visite professionnelle, tellement factice. Elle ouvre la perspective d’un accomplissement personnel, d’un art de vivre et d’une transformation de la société.

3. ÉCOLOGIE POLITIQUE

3.1 Légitimité naturelle

Voici poindre l’écologie politique. Pas le brouet insipide qui en tient lieu aujourd’hui. Mais la transformation des systèmes politiques actuels en écosystèmes humains. Le cap est bien sûr culturel. Si à l’intérieur d’une culture, donc d’un peuple, des ébauches locales de partage de pouvoir sont en cours, il en va autrement dans l’espace global, entre les cultures. On entre dans un univers brouillé où les mots et les concepts ont plusieurs sens. Comment se comprendre ? Par des dialogues multiples et variés. Provoquer, mettre en place dans toutes les régions du monde des groupes de discussion interculturels sur des sujets concrets identiques, mais aux approches différentes les mettre en réseau pour multiplier et enrichir les interactions. Notre fil rouge revient immédiatement à l’esprit : expérimenter des ateliers interculturels sur le développement durable, un peu sur le modèle des groupes d’expertise citoyenne.

L’interculturel aborde des questions encore taboues. Ainsi le « patrimoine de l’humanité » recensait initialement les chefs d’œuvre marquants des cultures humaines, sensés appartenir à l’ensemble des hommes. Mais, depuis, il y a dérive : on y englobe allégrement des sites et réserves naturelles propriété de la planète et non des hommes. Aucune instance ne tient à créer le patrimoine de la Terre : de propriétaires nous deviendrions de simples usufruitiers. Et pourtant, s’agissant des ressources minières et énergétiques non renouvelables, des terres arables, des forêts des océans, de la biodiversité, de l’eau, de l’air, ce nouveau statut est indispensable à toute forme de développement durable crédible. Aucune souveraineté nationale n’y est soutenable. Et puis, dans ce patrimoine de la Terre, n’y aurait-il pas une certaine espèce humaine ? Gênant quand on l’utilise surtout comme une ressource.

En pratique, la gestation d’un écosystème terrien partira d’un double existant : un vide et une hégémonie. Un vide : l’humanité constitue un ensemble vide. À coté des espaces culturels nationaux, l’espace terrien, vu sa dimension, se caractérise par une densité extrêmement tenue de liens humains entre cultures. Les relations internationales, comme les espaces politiques, n’ont rien de commun avec des écosystèmes. Encore moins la mondialisation économique qui en serait plutôt l’image en négatif. Centrée sur un seul domaine, elle se préoccupe uniquement des interactions économie finance en érigeant des barrières pour bloquer toutes interférences extérieures gênantes, sauf à phagocyter le monde politique pour renforcer son contrôle. Sous prétexte de libre échange,

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elle impose ses réglementations contraignantes aux États pour préserver ses privilèges. Danger : ce prédateur vise une hégémonie mondiale.

3.2 Démocratie partagée contre hégémonie

Hégémonie veut dire rupture d’équilibre et uniformisation. La solution écologique : établir le contre-pouvoir humain en faisant entendre la voix de l’espèce : se relier plutôt que se replier. Depuis le local les interactions au niveau national remettent en cause nos démocraties confisquées. La pratique d’un fonctionnement équilibré mène vers la « démocratie partagée ». Partagée entre les hommes, entre les réseaux de citoyens et l’administration du pays, partagées en aires de compétences transversales pour réaliser des projets d’ensemble, influence partagée et équilibrée entre les pouvoirs humains et économiques, échanges et informations partagées en temps réel pour que la société, donc chaque culture puisse s’autoréguler, s’adapter aux circonstances comme les autres structures vivantes. Le pouvoir disséminé, mais relié est par sa flexibilité un gage d’efficacité… et de moindre corruption.

Enfin démocratie partagée entre les cultures pour créer cet espace humain global, à l’inverse d’une hégémonie, puisque tendant vers l’équilibre entre les 3 pôles de notre fil rouge. Gestation de cette culture terrienne, annonçant le changement de civilisation pour sortir de l’impasse actuelle. Changement porté par l’initiative des peuples, donc des cultures revigorées et non par des États d’une autre ère. Cultures qui auront appris à s’estimer, comprendre le monde et interagir en confortant leurs spécificités. La culture globale qui en résulte se nourrit des différences et les enrichit en retour pour entretenir la diversité humaine gage sa pérennité.

C’est l’entrée dans le transculturel, avec l’acquisition de propriétés nouvelles dont on ne saurait présager du résultat. L’incertitude n’enlève rien à la force d’attraction exercée par la perspective d’une civilisation évoluée pour un avenir viable.

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