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Aphagie à distance des traitements : aspects fonctionnels et psychoaffectifs

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Academic year: 2021

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(1)

HAL Id: dumas-01828865

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01828865

Submitted on 3 Jul 2018

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Mégane Laurent

To cite this version:

Mégane Laurent. Aphagie à distance des traitements : aspects fonctionnels et psychoaffectifs. Médecine humaine et pathologie. 2018. �dumas-01828865�

(2)

Nice 2018

Directeur de Mémoire :

Marilou SERRIS,

orthophoniste

APHAGIE A DISTANCE DES TRAITEMENTS :

Aspects fonctionnels et psychoaffectifs

Présenté et soutenu le 22 juin 2018 par

Mégane LAURENT

Née le 26 mai 1993

(3)

Université Nice Sophia Antipolis - Faculté de Médecine – Département

d’orthophonie

APHAGIE A DISTANCE DES TRAITEMENTS :

Aspects fonctionnels et psychoaffectifs

Directeur de Mémoire :

Marilou SERRIS,

orthophoniste

Nice 2018

MÉMOIRE présenté en vue de l’obtention du

GRADE DE MASTER 2 ET DU CERTIFICAT DE CAPACITE

D’ORTHOPHONISTE

Par

Mégane LAURENT

(4)

REMERCIEMENTS

A ma Directrice, pour la rigueur qu’elle m’a transmise, le temps qu’elle m’a consacré et

son aide précieuse pour la réalisation de ce travail.

Aux Patients, sans qui ce projet n’aurait pas été réalisable ; grâce à eux, ce fut également

une expérience humaine enrichissante.

A mes Parents et à mes Sœurs, chacun d’entre eux est un modèle qui m’inspire au

quotidien.

A mon Frère Kévin, pour sa relecture patiente et l’exemple qu’il me donne depuis toujours

dans le travail comme dans la vie.

A mon Flambeau Vivant, mon guide sur le chemin de la vie. Merci d’avoir placé ta lumière

(5)

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS... 3

SOMMAIRE ... 4

INTRODUCTION ... 6

RAPPELS THEORIQUES ... 8

I. LES TRAITEMENTS DES CANCERS DES VOIES AERODIGESTIVES SUPERIEURES ET LEURS CONSEQUENCES SUR LA DEGLUTITION ... 9

1. Les traitements chirurgicaux et leurs conséquences sur la déglutition ... 9

2. Les traitements non chirurgicaux et leurs répercussions sur la déglutition ... 12

II. LES CONSEQUENCES ET IMPLICATIONS DES TROUBLES DE LA DEGLUTITION : APHAGIE ET REPERCUSSIONS SUR LA QUALITE DE VIE ... 18

1. L’aphagie ... 18

2. Répercussions sur la qualité de vie ... 22

III. EVALUATION DE LA DEGLUTITION ET DE LA QUALITE DE VIE EN CANCEROLOGIE DES VADS ... 26

1. L’évaluation de la déglutition ... 27

2. L’évaluation de la qualité de vie ... 34

PARTIE PRATIQUE... 37

I. PROBLEMATIQUES ET OBJECTIFS ... 38

1. Problématiques ... 38

2. Objectifs ... 38

II. MATERIEL ET METHODES ... 39

1. Sujets ... 39

2. Matériel ... 41

3. Méthododologie ... 46

III. STRATEGIE D’ANALYSE DES DONNEES ... 48

IV. RESULTATS ... 49

1. Objectif 1 : évaluation des mécanismes fonctionnels de l’aphagie ... 49

2. Objectif 2 : évaluation de la qualité de vie chez des patients aphagiques ... 50

DISCUSSION ET LIMITES ... 63

I. DISCUSSION ... 63

II. LIMITESDEL’ETUDE ... 71

CONCLUSION ... 73

BIBLIOGRAPHIE ... 74

TABLE DES ILLUSTRATIONS ... 83

(6)

ANNEXES... 85

ANNEXE I : SYNTHESES DES PRINCIPALES CHIRURGIES DES VADS ET LEURS REPERCUSSIONS POSSIBLES SUR LA DEGLUTITION ... 86

1. Annexe I.a. : Principales chirurgies de la cavité buccale et de l’oropharynx et leurs répercussions directes possibles sur la déglutition,... 86

2. Annexe I.b. : Principales chirurgies pharyngo-laryngées et leurs répercussions directes possibles sur la déglutition ... 87

ANNEXE II :MATERIEL D’ANALYSE DES EXAMENS VIDEOFLUOROSCOPIQUES ... 88

1. Annexe II.a. : Grille d’analyse de la vidéofluoroscopie ... 88

2. Annexe II.b. : Penetration-Aspiration Scale ... 89

ANNEXE III :GRILLE D’EVALUATION CLINIQUE ORTHOPHONIQUE DE LA DEGLUTITION ... 90

ANNEXE IV :MATERIEL D’ANALYSE DE LA QUALITE DE VIE... 91

1. Annexe IV.a. : Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) ... 91

2. Annexe IV.b. : EORTC QLQ C30 v.3.0 ... 92

3. Annexe IV.c. : EORTC QLQ-H&N35 ... 93

(7)

INTRODUCTION

En 2015, l’Institut National du Cancer estime à un peu moins de 15 000 le nombre de nouveaux cas de cancers Lèvre-Bouche-Pharynx-Larynx. La survie nette standardisée sur l’âge à 5 ans en ce qui concerne les cancers Lèvre-Bouche-Pharynx est de 37%. Elle est de 56% dans le cadre des cancers du Larynx. Les progrès techniques permettent d’augmenter la survie des patients qui doivent ensuite vivre avec les conséquences du cancer mais également de ses traitements au quotidien. En effet, bien que la part des traitements dits « préservateurs d’organes » augmente, elle ne signifie pas forcément la préservation de la fonction. Les troubles de la déglutition font partie des complications des traitements pour un cancer des voies aéro-digestives supérieures (VADS). Dans certains cas, la dysphagie empêche toute alimentation orale : on parle d’aphagie. Le patient devient dépendant d’une nutrition artificielle. Il est nourri mais ne mange plus. Or, dans notre société, l’alimentation ne joue pas seulement un rôle nutritif, mais également un rôle social et un rôle de repère temporel. Lorsque nous nous réunissions en famille, entre amis, entre collègues, il est rare que cette réunion ne soit pas accompagnée de nourriture ou de boissons. L’alimentation n’est pas qu’un besoin physiologique, elle est également un plaisir, et un vecteur de contacts sociaux. Dans ce contexte de chronicité, il est important de pouvoir identifier les causes fonctionnelles de l’aphagie, ainsi que ses répercussions psycho-affectives pour les patients. Cela permettrait, entre autres, de pouvoir mieux comprendre les troubles. Grâce à cette éclairage, il serait plus aisé d’anticiper et de prendre en charge ces patients à risque afin de prévenir l’aphagie.

Si la dysphagie après traitements pour un cancer des VADS a été beaucoup étudiée et a permis de mettre en évidence des mécanismes physiopathologiques prédominants, ce n’est pas le cas de l’aphagie chronique pour laquelle il n’existe pas, à notre connaissance, de recueil de données. Le premier objectif de cette étude est donc d’évaluer les aspects fonctionnels de l’aphagie à distance des traitements, afin d’essayer de dégager des mécanismes communs à l’aphagie chronique. Pour cela, une évaluation clinique et instrumentale de la fonction de déglutition des patients est réalisée.

De même, de nombreuses études font état des répercussions des troubles de la déglutition sur la qualité de vie, mais peu d’entre elles citent une population aphagique chronique. Notre second objectif est donc d’évaluer la qualité de vie chez cette population. Pour cela, nous avons choisi d’utiliser des questionnaires de qualité de vie validés ainsi qu’un entretien semi-dirigé dont la trame a été élaborée pour cette étude.

(8)

Dans la première partie de cette étude, nous réalisons une revue de la littérature existante concernant les conséquences des traitements des cancers des VADS d’une part, l’aphagie et ses répercussions sur la qualité de vie d’autre part, et enfin concernant les modalités d’évaluation de la déglutition et de la qualité de vie. Dans la seconde partie de ce travail, nous évaluons les aspects fonctionnels de l’aphagie chronique et ses répercussions sur la qualité de vie des patients.

(9)

Partie I

RAPPELS THEORIQUES

(10)

I.

Les traitements des cancers des voies aérodigestives

supérieures et leurs conséquences sur la déglutition

Le traitement des cancers des VADS emprunte diverses stratégies. Son but « est la

destruction complète des cellules tumorales en assurant un contrôle local optimal, tout en limitant les séquelles fonctionnelles » (Puech, 2011, p.92). Les modalités primaires de

traitement comprennent la chirurgie, la radiothérapie, ainsi que la chimiothérapie et les thérapies moléculaires qui occupent un rôle croissant (Raber-Durlacher et al., 2012). Ces différentes modalités de traitements peuvent être combinées ; « le choix thérapeutique est

déterminé par l’étendue de la tumeur, sa localisation, l’état ganglionnaire et le profil du patient » (Puech, 2011, p.92). Ainsi, les troubles de la déglutition chez les patients porteurs

de cancer des VADS peuvent avoir plusieurs origines. Ils peuvent être le retentissement direct ou indirect de la lésion avant tout traitement (la dysphagie est alors un symptôme important du cancer) ou la conséquence des effets adverses des différents traitements (Benlyazid, 2011 ; Manikantan et al., 2009). Le taux de survie des patients atteints d’un cancer des voies aéro-digestives supérieures augmentant, il est d’autant plus important de comprendre quelles sont les complications tardives des traitements (Murphy & Deng, 2015).

Dans cette partie, nous avons répertorié les principaux traitements des cancers des VADS ainsi que leurs séquelles et les conséquences sur la déglutition.

1.

Les traitements chirurgicaux et leurs conséquences sur la

déglutition

x Généralités concernant la chirurgie carcinologique des VADS

La chirurgie vise à enlever la tumeur dans sa totalité ainsi qu’une bande de tissu sain l’entourant appelée « marge de sécurité » tout en épargnant au maximum la fonction de l’organe ou de la zone concernée (Institut National du Cancer, 2012). Un curage ganglionnaire peut y être associé. Il est « plus ou moins étendu, uni ou bilatéral, fonctionnel

ou radical, selon le siège de la tumeur primitive et le stade de la maladie » (Haute Autorité

de Santé [HAS], 2009, p.17).

Selon les parties réséquées lors de l’intervention, une chirurgie de reconstruction peut être réalisée, en un ou plusieurs temps (HAS, 2009 ; Institut National du Cancer, 2012).

(11)

Beaucoup d’avancées ont lieu concernant la reconstruction par lambeau libre vascularisé. Cette reconstruction permet d’améliorer les devenirs fonctionnels, oncologiques (Chinn & Myers, 2015), et esthétiques des patients.

La chirurgie peut également constituer un traitement de rattrapage (Chinn & Myers, 2015) en cas de récidive ou de poursuite évolutive (Vallicioni, 2003).

La chirurgie reste aujourd’hui un traitement de choix dans la prise en charge primitive ou de rattrapage des cancers des VADS. La déglutition peut être perturbée par des conséquences directes de la résection, ou par des séquelles plus tardives.

x Conséquences directes de la chirurgie affectant le fonctionnement de la déglutition

Les conséquences directes de la chirurgie sont liées au fait que des structures essentielles à la déglutition sont réséquées au cours de l’intervention (Murphy & Deng 2015). En effet, la résection de muscles ou de nerfs, la suppression de points d’insertion de muscles impliqués dans la déglutition, la présence de tissus cicatriciels, peuvent affecter le fonctionnement normal de la déglutition (Murphy & Gilbert, 2009 ; Robert, 2011). La sévérité de la dysphagie est corrélée au site primaire de la tumeur, à sa taille, à l’étendue de la résection et au type de reconstruction (Murphy & Gilbert, 2009). D’après Manikantan et al. (2009), en ce qui concerne les chirurgies orales et oropharyngées, le site de l’excision serait un facteur prédictif plus important que l’étendue de la résection.

En fonction de la chirurgie utilisée, les mécanismes perturbés varient donc. Ainsi, les chirurgies de la cavité buccale et de l’oropharynx peuvent affecter les mécanismes de mastication, de transport des aliments et de protection des voies aériennes (ANNEXE I.a.). Les chirurgies pharyngo-laryngées peuvent affecter les mécanismes de transport des aliments et de protection des voies aériennes (ANNEXE I.b.).

Dans le cadre des chirurgies cervico-faciales, une atteinte nerveuse est fréquemment observée (Crunelle & Crunelle, 2010) :

(12)

ATTEINTE

NERVEUSE REPERCUSSIONS POSSIBLES SUR LA DEGLUTITION

NERF FACIAL (VII) - Incontinence labio-jugale

NERF TRIJUMEAU (V) - Troubles masticatoires

NERF GLOSSO-PHARYNGIEN (IX)

- Déficit sensitif +/- déficit moteur pharyngé

Æ Retard de déclenchement du temps pharyngé et défaut de propulsion pharyngée

NERF

PNEUMOGASTRIQUE (X)

En cas d’atteinte laryngée

- Défaut de fermeture laryngée

- Diminution de l’ouverture du SSO

En cas d’atteinte vélopharyngée et laryngée

- Défaut de protection laryngée - Défaut de propulsion pharyngée

- Défaut de protection des voies aériennes supérieures

- Diminution de l’ouverture du SSO

NERF GRAND

HYPOGLOSSE (XII) - Défaut de contrôle et de propulsion du bol alimentaire

Tableau 1. Lésions nerveuse fréquentes entrainant des conséquences sur la déglutition, d'après Crunelle & Crunelle (2010) ; Schweizer (2011)

x Conséquences indirectes de la chirurgie affectant le fonctionnement de la déglutition

La chirurgie des VADS peut également altérer le fonctionnement des tissus par des séquelles plus tardives, contribuant à l’apparition d’une dysphagie chronique. La chirurgie peut notamment favoriser l’apparition d’un lymphoedème, lié à la réduction du flux lymphatique (Raber-Durlacher et al., 2012). Le lymphoedème est causé par l’accumulation de protéines et de fluides dans l’espace interstitiel voisin des structures lésées par la chirurgie (Murphy & Deng, 2015). Il se traduit par un gonflement du visage et du cou (Institut National du Cancer, 2012). Avec le temps, le tissu devient fibrotique (durcissement et perte d’élasticité) à cause de la perte de plasticité et/ou de fonction. Ce lymphoedème est associé à une inflammation chronique et les troubles de la déglutition peuvent apparaître des années après les traitements. Une sténose peut également apparaître chez ces patients. Après chirurgie, elle affecte 19% des patients laryngectomisés totaux, 82% d’entre eux la première année post-opératoire (Murphy & Deng, 2015). Un impact sur la déglutition est donc possible même après laryngectomie totale.

Ces conséquences ne sont cependant pas spécifiques aux traitements chirurgicaux. Le lymphoedème, la fibrose et la sténose affectent une grande partie des patients traités pour un cancer des VADS, peu importe la modalité (Murphy & Deng, 2015).

(13)

En résumé, les traitements chirurgicaux impactent la déglutition directement (selon le type de résection effectuée) mais également à plus long terme.

2.

Les traitements non chirurgicaux et leurs répercussions sur la

déglutition

L’augmentation du nombre de patients traités par radiothérapie s’explique par les progrès significatifs qui ont eu lieu concernant cette technique (Grégoire, Langendijk, et Nuyts, 2015). Elle vise aujourd’hui une amélioration de la sélectivité et de la délimitation des cibles, avec l’ajout de drogues permettant d’augmenter la radiosensibilité des cellules cancéreuses (Rives, 2011). Ces avancées se traduisent par un meilleur contrôle locorégional et de meilleures probabilités de survie (Grégoire et al., 2015). Ces traitements ont pour objectif supplémentaire le maintien des fonctions de respiration, déglutition, phonation et le respect de l’esthétique (Rinkel et al., 2016, Boscolo-Rizzo et al., 2009). Mais la préservation d’organes ne signifie pas forcément la préservation de la fonction. La chimiothérapie et la radiothérapie ont chacune leurs effets secondaires, bien qu’il soit difficile de délimiter l’impact de chacune (Kraaijenga, van der Molen, van den Brekel et Hilgers, 2014).

Il est difficile de donner un chiffre précis concernant le taux de patients présentant des troubles de la déglutition après traitements, à cause de la grande variabilité des études et du nombre de paramètres à prendre en compte (design, modalités d’évaluation, etc.) (Raber-Durlacher et al., 2012). On sait néanmoins que la dysphagie fait partie des séquelles majeures de la radiochimiothérapie (Wang & Eisbruch, 2016).

2.1. Les traitements non chirurgicaux – principes, effets secondaires et dommages causés aux structures impliquées dans la déglutition

La radiothérapie externe

x Principes de la radiothérapie

La radiothérapie est utilisée seule ou en association à la chimiothérapie et/ou la chirurgie (Institut National du Cancer, 2012). Elle « utilise des rayonnements ionisants

pour détruire les cellules cancéreuses tout en préservant le mieux possible les tissus sains et les organes avoisinants, dits organes à risque » (Institut National du Cancer, 2012).

(14)

Depuis quelques années, la RCMI (radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité) a remplacé la délivrance standard de la radiothérapie en post-opératoire dans le cas des cancers de la cavité buccale (Chinn & Myers, 2015). Elle a au départ été introduite pour limiter la xérostomie (Grégoire et al., 2015). Feng et al. (as cited in Raber-Durlacher, 2012) rapportent que la préservation des organes à risque avec la RCMI contribue à la réduction de la dysphagie chronique. De plus, cette technique n’impacte pas le contrôle locorégional. Enfin, de par la réduction de la toxicité engendrée, elle permet une amélioration de la qualité de vie post-traitement (Chinn & Myers, 2015).

En traitement principal par radiothérapie, une RCMI est donc le traitement de choix. « Elle délivre [alors] une dose de 65 à 70 Gy (Gray) en 6.5 à 7 semaines » (HAS, 2009).

x Effets secondaires aigus et tardifs et dommages causés aux structures par la radiothérapie

La toxicité de la radiothérapie cause des dégâts précoces aux muqueuses et tissus mous irradiés. En clinique, parmi les effets aigus de la radiothérapie, on peut observer localement une dermatite, des infections (candidose oropharyngée notamment) ou une radiomucite (présente chez 80% des patients traités par radiothérapie (Lazarus, 2009)).

A ces effets peuvent s’ajouter des douleurs (Institut National du Cancer, 2012 ; Murphy & Gilbert, 2009) ainsi que des altérations du goût (Rives, 2011), une asialie et une perte d’appétit. Les troubles salivaires sont dus aux dégâts causés aux glandes salivaires par la radiation qui altère le volume, la consistance, et le pH de la salive sécrétée (Wang & Eisbruch, 2016).

Trois mois après la fin des traitements, les effets aigus dus à la radiothérapie sont en général résolus (Murphy & Gilbert, 2009). La toxicité peut cependant être tardive, liée « à une perte cellulaire au niveau des tissus à renouvellement lent et/ou à une atteinte de

la vascularisation » (Guerder, 2010, p.212). A long terme, la radiothérapie entraine

fibrose, lymphoedème et dégâts causés aux structures neurologiques (Murphy & Gilbert, 2009). La fibrose de la musculature orale, pharyngée et laryngée fait notamment partie des mécanismes primaires de la dysphagie à long terme (Hutcherson et al., 2012). Une xérostomie chronique peut également s’installer tardivement (Guerder, 2010). Elle entraine une sensation de sécheresse buccale (tandis que l’hyposialie est une réduction du flux salivaire mesuré). Une étude (Murphy & Deng, 2015) menée sur 70 patients rapporte

(15)

que 90% d’entre eux présentent une xérostomie après traitement par RCMI. Les modifications salivaires peuvent entrainer des complications comme des pathologies dentaires.

Un trismus et une ostéoradionécrose mandibulaire peuvent s’ajouter (Institut National du Cancer, 2012). Le trismus fait partie des troubles musculosquelettiques et concerne environ 45% des patients d’après Murphy & Deng (2015). Il s’agit d’une sclérose des muscles masticateurs, provoquant une contracture permanente des muscles de la mâchoire. On parle de trismus lorsque la distance inter incisives maximale est de 35mm (40mm pour les patients édentés). D’après Murphy & Deng (2015), le trismus affecte la déglutition mais également la parole, la prise de soins oraux. Il s’accompagne de spasmes douloureux et peut être définitif si une prise en charge n’est pas mise en place (Guichard, 2011).

La mucite initiale serait responsable à moyen et long terme de modifications anatomiques des muscles constricteurs supérieur et moyen du pharynx, à cause de l’inflammation et de l’œdème qu’elle provoque. Popovtzer, Cao, Feng et Eisbruch (2009) observent 100% de modifications de ces muscles chez 12 patients irradiés (suite à une tumeur nasopharyngée, amygdalienne, basilinguale, ou hypopharyngée). Une étude (Mortensen et al., 2013) rapporte que la dose délivrée aux constricteurs supérieur et moyen du pharynx est corrélée significativement avec les anomalies de déglutition observées. Forastière et al. (2015) précisent que cette dose est corrélée au risque de dysfonctionnement pharyngé et donc à la dépendance à une sonde de gastrostomie.

D’autres structures sont affectées par la radiothérapie. Eisbruch (2004) identifie les DARS (Dysphagia/Aspirations-Related Structures). Ce sont les zones qui contiennent les structures le plus à risque d’entrainer dysphagie et aspirations. En plus des muscles constricteurs du pharynx, Eisbruch y inclut les étages glottique et supraglottique du larynx (et ses muscles adducteurs), les muscles supra-hyoïdiens et la base de langue.

La chimiothérapie et les thérapies ciblées

x Principes de la chimiothérapie et des thérapies ciblées

Dans les années 80, la chimiothérapie apparaît comme une alternative possible à la chirurgie, une possibilité d’augmenter le taux de survie des patients (Forastière, Weber et Trotti, 2015). Elle consiste en des médicaments qui « agissent sur les mécanismes de la

(16)

les thérapies ciblées « bloquent des mécanismes spécifiques [de la croissance] des cellules

cancéreuses » (Institut National du Cancer, 2012), le but de la chimiothérapie est la mort

cellulaire (Pivot, 2003). La chimiothérapie peut avoir plusieurs utilisations. Associée à la radiothérapie, on parle de radiochimiothérapie concomitante. La chimiothérapie vise alors à « potentialiser les effets de la radiothérapie réalisée en traitement principal ou après

chirurgie » (Institut National du Cancer, 2012). Utilisée seule avant une chirurgie ou une

radiothérapie, on parle de chimiothérapie néoadjuvante. Son but est par exemple de « réduire la taille d’une tumeur afin de pouvoir pratiquer une chirurgie moins mutilante » (Institut, National du Cancer, 2012). Le plan de traitement est déterminé au cas par cas.

x Effets secondaires de la chimiothérapie et des thérapies ciblées

La chimiothérapie a ses propres effets secondaires. Parmi eux : troubles digestifs (nausées, vomissements, anorexie), troubles rénaux, sensations d’engourdissement, perte d’appétit, chute des cheveux, fatigue, neuropathies... mais également le développement de mucites (Institut National du Cancer, 2012, HAS, 2009).

De plus, la toxicité de la chimiothérapie augmente les effets indésirables de la radiothérapie , 2011). On sait que l’association des deux (radiothérapie et chimiothérapie) augmente fortement le taux de survie des patients, mais qu’elle augmente également la fréquence et l’intensité d’apparition des effets secondaires (Kraaijenga et al., 2014) aigus et chroniques par rapport à la radiothérapie seule (Raber-Durlacher et al., 2011).

Les thérapies ciblées, associées à la radiothérapie, en majorent également les effets secondaires muqueux et cutanés (Guerder, 2010).

2.2. Conséquences des effets de la radiochimiothérapie sur la déglutition x Facteurs de risque de troubles de la déglutition

Dans leur article, Murphy & Gilbert (2009) synthétisent les facteurs de risque de troubles de la déglutition après radiothérapie : une irradiation des DARS telles que définies par Eisbruch en 2004, une chimiothérapie concomitante (augmentant le risque de mucite sévère), un curage cervical (qui serait associé à la dépendance à une sonde gastrique), la présence d’une trachéotomie et certaines prédispositions génétiques. De plus, il existerait des facteurs aggravants : l’utilisation d’une sonde gastrique (certains auteurs pensent qu’elle favorise l’inutilisation et donc l’atrophie des muscles nécessaires à la déglutition) et la présence d’une xérostomie (affectant la formation du bolus). Hutcherson et al. (2012)

(17)

insistent sur le facteur de risque que constituent les traitements combinés. A long terme, 62% des patients dysphagiques ont été traités par modalité combinée.

x Mécanismes de déglutition altérés après traitement par radiochimiothérapie Les anomalies de déglutition retrouvées après radiothérapie sont corrélées au site primaire de la tumeur (Murphy & Gilbert, 2009) et au volume des structures irradiées (Wang & Eisbruch, 2016).

D’après la revue de Wall, Ward, Cartmill et Hill (2013), les anomalies de déglutition chez les patients traités par radiochimiothérapie prédominent sur la phase pharyngée de la déglutition. Lazarus (2009) publie une revue de la littérature dans laquelle il rapporte des troubles de la déglutition concernant à la fois les phases orale et pharyngée.

Concernant la phase orale, Lazarus (2009) relève notamment la réduction de la mobilité linguale et de son tonus, le trouble de la formation du bolus et de son transport, l’allongement du temps oral, et l’observation de la présence de stases résiduelles.

D’après Wall et al. (2013), les anomalies du temps pharyngée comprennent un dysfonctionnement du complexe hyolaryngé qui est rapporté chez 31 à 100% des patients suivant les études, la plupart plaçant ce risque au-delà de 50%. De plus, un dysfonctionnement du complexe « base de langue-paroi postérieure du pharynx » est rapporté dans 55 à 100% des patients, la plupart des études plaçant ce risque au-delà de 80%. Enfin, 75% des études rapportent une diminution de la contraction pharyngée chez plus de 50% des patients. Lazarus (2009) insiste dans sa revue sur la faiblesse et le manque de coordination des structures pharyngées qui semblent le plus réduire la clairance pharyngée.

Selon Pauloski et al. (2006), la réduction de l’élévation laryngée et la diminution de l’ouverture cricopharyngée semblent être les troubles les plus associés à une réduction des apports oraux et à des modifications de textures alimentaires.

x Evolution des troubles de la déglutition après radiochimiothérapie

Pauloski et al. (2006) rapportent que les troubles observés chez les patients traités par radiothérapie avec ou sans chimiothérapie changent en fonction de la période d’évaluation.

A 1 mois, elle observe une prédominance pour les troubles du recul de la base de langue et de l’élévation laryngée. A 3 mois, il s’agit du retard de déclenchement de la phase pharyngée, de la fermeture incomplète du vestibule laryngé et de la réduction

(18)

de l’élévation laryngée. A 6 et 12 mois, les troubles majeurs sont la réduction de l’élévation laryngée et la réduction de l’ouverture cricopharyngée. Douze mois après les traitements les troubles sont donc encore présents. D’autres peuvent encore apparaître après les phénomènes de fibrose survenant à long terme (Hutcherson et al., 2012).

Le nombre de patients présentant des troubles de la déglutition évolue aussi avec le recul face aux traitements. Une étude (Rinkel et al., 2016) rapporte une prévalence de 79% de troubles de la déglutition après radiochimiothérapie (étude menée sur 60 patients, entre 6 mois et 5 ans après les traitements, toutes localisations confondues). Une autre étude (Garcia-Peris et al., 2007) rapporte une prévalence de dysphagie de 50.6% chez des patients traités par chirurgie et radiothérapie ou radiochimiothérapie, entre 10 mois et 45 mois de recul face aux traitements.

D’après Pauloski et al. (2006), 12.5% des patients rapportent encore une réduction des apports oraux, et 40.3% rapportent un régime anormal après 12 mois de recul face aux traitements. Les troubles de la déglutition sont donc durables et peuvent se chroniciser avec le temps. En ce qui concerne le déclin de la production de la salive, il semble se maintenir à 6 et 12 mois après traitements (Logemann et al., 2003).

Nous venons de voir que la dysphagie est un phénomène fréquent dans les suites du traitement d’un cancer des VADS, quelle que soit l’option thérapeutique proposée. Les troubles sont d’autant plus importants que les traitements sont cumulés.

Au cours de l’analyse de ces études, certains points semblent être à approfondir. Premièrement, très peu d’études font état des troubles observés par rapport au degré de sévérité de la dysphagie, et notamment dans le cas de l’aphagie stricte. Deuxièmement, un nombre limité d’études porte sur les troubles observés à long terme. Or, les troubles évoluent. En effet, les difficultés peuvent s’aggraver dans le temps et même survenir à distance des traitements. De même, l’impact sur la qualité de vie sera d’autant plus important que les traitements sont cumulés (et donc plus à risque de causer une dysphagie importante) (Garcia-Peris et al., 2007).

(19)

II.

Les conséquences et implications des troubles de la

déglutition : aphagie et répercussions sur la qualité de vie

Les traitements pour les cancers des VADS ne cessent de s’améliorer, et la tendance va vers des protocoles de préservation d’organes (Boscolo-Rizzo et al., 2009) qui ne sont pas sans conséquences sur la déglutition. Les troubles de la déglutition peuvent causer plusieurs complications sévères. Le risque d’aspiration (Garcia-Peris et al., 2007) pouvant entrainer des pneumopathies (Murphy & Gilbert, 2009) constitue une complication possible. Le développement de malnutrition, de dénutrition ou de déshydratation est également un risque lié aux troubles de la déglutition. Le patient risque une altération de son état général, qui peut nécessiter le port d’une sonde gastrique (Murphy & Gilbert, 2009). Dans des cas extrêmes, le patient ne peut strictement plus rien absorber par voie orale ; on parle d’aphagie chronique. Il est alors nourri exclusivement par voie entérale.

Dans cette revue, nous nous sommes intéressés aux patients porteurs d’un déficit chronique. Dans cette partie, nous explorons la littérature existante sur les aspects fonctionnels de l’aphagie, la nutrition entérale, et leur impact sur la qualité de vie du patient.

1.

L’aphagie

1.1. Les complications liées aux troubles de la déglutition

Les troubles de la déglutition peuvent être source de complications graves comme les aspirations, les pneumopathies d’inhalation d'une part, la malnutrition, la dénutrition et la déshydratation d’autre part.

L’aspiration est le passage de substance (salive, alimentation) sous les cordes vocales (Murphy & Gilbert, 2009) alors que la pénétration comprend le passage de matériel au-dessus ou au niveau des vraies cordes vocales (Logemann, 1993 d’après Cot & Bélisle, 1996). Elle peut survenir avant la phase pharyngée (diminution de la sensibilité intra-buccale, problème fonctionnel au niveau lingual, réflexe de déglutition absent/retardé), pendant la phase pharyngée (défaut de protection des voies aériennes par fermeture laryngée), ou après la phase pharyngée (présence de résidus pharyngés due à un trouble du péristaltisme pharyngé, une dysfonction pharyngée unilatérale ou une dysfonction crico-pharyngée) (Cot & Bélisle, 1996 ; Murphy & Gilbert, 2009). Normalement, lors du passage de substance, un réflexe de toux ou de hemmage est présent, dans le but

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de l’expulser (Cot & Bélisle, 1996). Dans certains cas, les aspirations sont silencieuses. Le réflexe de toux est inefficace chez la moitié des patients (Murphy & Gilbert, 2009), à cause des traitements. Les taux de pénétrations/aspirations varient considérablement selon les études. Dans leur revue, Wall et al. (2013) rapportent des taux variant de 0 à 100% pour les aspirations (dont 35 à 68% d’aspirations silencieuses) et variant de 7 à 95.9% pour les pénétrations. Une étude (Kraaijenga et al., 2015) menée sur 22 patients à 10 ans et plus de recul face aux traitements rapporte que 68% d’entre eux présentent des pénétrations et/ou des aspirations. 45% présentent des aspirations silencieuses.

Le risque majeur de l’aspiration est le développement de pneumopathie d’aspiration (Cot & Bélisle, 1996) aussi appelée pneumopathie d’inhalation. Il s’agit d’une atteinte inflammatoire du poumon. L’aspiration de nourriture, de liquide, d’un reflux ou de sécrétions oro-pharyngées peuvent en être la cause (Langmore, 1991, as cited in Cot & Bélisle, 1996). D’après une étude (Hutcherson et al., 2012), 86% des patients développent des pneumopathies après traitement par radiothérapie avec ou sans chimiothérapie. 52% nécessitent une hospitalisation à cause des pneumopathies et 14% une trachéotomie.

Le phénomène d’aspiration peut être responsable également de malnutrition et de déshydratation (Cot & Bélisle, 1996). Alors que la dénutrition est une carence des apports nutritionnels par rapport aux besoins de l’organisme (Grini & Massoni, 2010), la malnutrition prend non seulement en compte la réduction des apports mais également leur inadéquation.

Lorsqu’ils ont des troubles de la déglutition, comme c’est souvent le cas dans le milieu de la cancérologie des VADS, les patients, consciemment ou inconsciemment, réduisent ou modifient eux-mêmes la nature et la consistance de leur alimentation. Si certains changements sont adaptés, d’autres peuvent conduire à des déficiences nutritionnelles et à une malnutrition à long terme (Murphy & Gilbert, 2009). Une perte de poids involontaire de plus de 10% par rapport à une valeur antérieure à l’hospitalisation (ou une perte supérieure ou égale 5% en un mois) est reliée à un risque de dénutrition et de malnutrition (Van den Berg, Rasmussen-Conrad, van Nispen, Binsbergen et Merkx, 2008). A 6 mois de la fin des traitements, il y a 10.6% des patients qui sont malnutris contre 19% avant les traitements (étude menée sur 47 patients avec un staging T2 à T4) (van den Berg et al., 2008).

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La prévention des problèmes nutritionnels est un enjeu de taille. En effet, la dénutrition serait reliée à une diminution de la réponse à la chimiothérapie et à des taux de survie moins élevés (Baciuchka et al., 2006, as cited in Grini & Massoni, 2010). La malnutrition peut atrophier les muscles impliqués dans la déglutition. La déshydratation peut augmenter la sécheresse buccale et diminuer la salivation (Garcia-Peris et al., 2007). Ces troubles engendrés par les difficultés de déglutition peuvent donc en renforcer l’intensité.

En prévention ou en remédiation des complications liées aux troubles de la déglutition, la mise en place d’une nutrition artificielle par voie entérale ou parentérale peut s’avérer nécessaire et parfois être définitive.

1.2. La nutrition entérale

x Généralités sur la nutrition entérale par gastrostomie

La gastrostomie sera préférée à la sonde nasogastrique pour une nutrition entérale d’une durée supérieure à 1 mois. La gastrostomie sera également préférée à la nutrition parentérale pour une nutrition au long cours (Fakhry & Le Jan, 2010). Il y a différentes indications de la nutrition entérale en carcinologie des VADS. La localisation de la tumeur elle-même peut constituer un obstacle au passage des aliments ou occasionner une odynophagie. La présence de fausses-routes est également indicatrice. La nutrition entérale peut aussi être placée lors d’une chirurgie carcinologique ORL, en prévention des complications liées aux traitements ou encore en cas de traitement palliatif (Fakhri & Le Jan, 2010).

Trois techniques différentes permettent la pose d’une sonde de gastrostomie : la gastrostomie percutanée radiologique, la gastrostomie percutanée endoscopique, et la gastrostomie par voie chirurgicale. Sa mise en place nécessite une surveillance et se fait lors d’une hospitalisation (Fakhri & Le Jan, 2010). « Après le premier mois, les

complications [liées à la gastrostomie] sont surtout représentées par des problèmes d’infection locale, d’obstruction de la sonde et les déplacements ou altération du matériel »

(Bouillet et al, 2006, as cited in Fakhri & Le Jan, 2010). En prévention des complications, des soins quotidiens de désinfection et de rinçage doivent être pratiqués chaque jour. La sonde doit être changée tous les 6 à 12 mois, le bouton de gastrostomie est changé en fonction de son usure (Giovanni, 2010).

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x Dépendance à la nutrition entérale

Le taux de patients nourris par sonde diffère en fonction du recul face aux traitements mais également selon les auteurs. Rinkel et al. (2016) estiment à 20% le nombre de patients portant une sonde après 6 mois de recul. Brown et al. (2017) estiment la dépendance totale (aucun apport oral) à 7% à 3 mois de recul et à 4% à 6 mois. Ces taux prennent en compte une dépendance réelle et non apparente, c’est-à-dire qu’ils prennent en compte les patients qui portent une sonde et qui l’utilisent. En ne tenant compte que de la présence d’une sonde, les auteurs trouvent 22% de dépendance apparente à 3 mois, ce qui se rapproche des chiffres précédents.

A 12 mois de recul, Goguen et al. (2006) rapportent que 19% des patients portent encore une sonde, et que 10% la portent à 2 ans. Brown et al. (2017) rapportent que 8% portent encore une sonde à 12 mois de recul. Parmi ces patients, seulement 4% l’utilisent. Enfin, parmi ces 4%, 0.8% (soit un patient en rémission) utilisent exclusivement la sonde pour s’alimenter. Nous pouvons en déduire que seuls 0.8% des patients sont aphagiques à distance des traitements, loin des taux de dépendance apparente.

D’autres auteurs ont évalué le pourcentage de patients porteurs ou dépendants d’une sonde à plus long terme. Une étude (Cheng et al., 2006) menée sur 724 patients montre qu’entre 2 et 3 ans de recul, 8% des patients portent une sonde. Ils sont 9% entre 3 et 5ans de recul, et 10% entre 5 et 10 ans de recul. Kraaijenga et al. (2015) rapportent une dépendance à la nutrition entérale de 13.6% à 10 ans de recul face aux traitements. Mais le degré de dépendance n’est pas précisé dans ces deux études.

x Variables associées au port d’une sonde de gastrostomie

Certains auteurs ont tenté de définir les variables significativement associées au port d’une sonde. Selon Cheng et al. (2006) Les cinq indicateurs les plus forts seraient : la localisation primitive de la tumeur dans l’oropharynx ou l’hypopharynx (à cause du rôle crucial de la base de langue et de la paroi postérieure du pharynx dans la déglutition), le stade avancé de la tumeur, la reconstruction par lambeau, la présence d’une trachéotomie, un traitement par chimiothérapie. Les auteurs rapportent également un effet de l’âge. La probabilité de porter une sonde augmenterait avec le nombre de facteurs réunis par le patient. Parmi ces facteurs de risque, on trouve des facteurs de risque des troubles de la déglutition après cancer des VADS précédemment évoqués, notamment la localisation de la tumeur et les modalités de traitement combinées.

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Concernant la durée d’utilisation de la sonde, Silander et al. (2012) ont mené une étude montrant que la pose d’une sonde prophylactique augmente significativement la durée d’utilisation de la sonde (177 jours d’utilisation pour le groupe « prophylactique » contre 122 pour le groupe contrôle qui n’en a bénéficié que lorsque cela devenait nécessaire). La pose d’une sonde prophylactique serait donc un facteur de risque concernant la durée de son utilisation. Une autre étude (Brown et al., 2017) montre le résultat inverse. De plus, ces auteurs rapportent que le fait d’utiliser la sonde de manière prophylactique permet d’améliorer la qualité de vie des patients pendant la phase aiguë des traitements. Cet effet sur la qualité de vie a également été observé dans l’étude de Silander et al. (2012), mais à 6 mois après le début des traitements.

Les troubles de la déglutition à long terme ne sont pas fréquents mais sont extrêmement sévères (Hutcherson et al., 2012), entrainant des conséquences médicales nécessitant le port d’une sonde parfois définitive. La pose de la sonde peut également être réalisée de manière prophylactique et devenir définitive par la suite. Ce mode d’alimentation peut avoir des conséquences sur la qualité de vie.

2.

Répercussions sur la qualité de vie

2.1. Qualité de vie en lien avec la cancérologie et la déglutition

La qualité de vie est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (1994) comme :

La perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lequel il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes, et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de l’environnement.

La qualité de vie reflète ainsi l’état de santé du patient par évaluation des symptômes et du fonctionnement ainsi que les réponses psychosociales à des limitations (Raber-Durlacher et al., 2012).

La qualité de vie en cancérologie « correspond à la perception subjective par le

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(Brédart, 2006). La place accordée à l’évaluation de la qualité de vie en cancérologie tend à augmenter au fil du temps. Elle entre désormais en compte comme critère de mesure de l’efficacité des traitements et comme critère de choix parmi les protocoles (Boscolo-Rizzo et al., 2009). Les traitements ne doivent pas se focaliser sur l’amélioration des résultats cliniques mais prendre en compte également le maintien ou l’amélioration de la qualité de vie (van den Berg et al., 2008) en étudiant les facteurs pouvant affecter le devenir des patients.

Des études montrent un lien entre qualité de vie et survie. Les patients atteints d’un cancer des VADS qui ont des scores moins élevés de qualité de vie ont des taux de survie moins importants (Goldstein, Hynds Karnell, Christensen, Funk, 2007 ; Ronis, Duffy, Fowler, Khan et Terrell, 2008). Or, de par leurs traitements mutilants et engendrant de nombreuses séquelles, les cancers des VADS entrainent des dégradations de la qualité de vie des patients. De plus, le contexte carcinologique remet en question la personne propre du patient ainsi que tout le contexte social et émotionnel dans lequel il évolue (Gauthier, 2010).

Une étude de Bjordal et al. (2000) montre que la qualité de vie évolue après les traitements pour un cancer des VADS (ils observent une différence de 10 à 20 points entre la qualité de vie mesurée avant et après les traitements).

La déglutition est reconnue comme étant un facteur important de qualité de vie. L’alimentation n’est pas qu’une réponse à un besoin physiologique. Il s’agit d’un plaisir sensoriel stimulant le goût et l’odorat, bien que certaines personnes n’y accordent aucune importance. L’alimentation joue également un rôle social très important. Dans la sphère familiale, sociale et même dans le monde du travail, l’alimentation constitue un canal propice aux échanges. Les fêtes, les réunions de famille et beaucoup d’activités sociales comportent une part d’alimentaire (Blouin & Francoeur, 1996). Les troubles de la déglutition peuvent conduire à un isolement ou à des symptômes dépressifs (Raber-Durlacher et al., 2012). La personne dysphagique peut se sentir exclue des réunions ou activités sociales à cause de la différence de régime alimentaire mais également par la crainte que suscite la dysphagie (Blouin & Francoeur, 1996). La dysphagie constitue également une barrière pour le retour au travail des patients (Verdonck-de Leeuw, van Bleek, Leemans et de Bree, 2010, as cited in Raber-Durlacher et al., 2011).

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2.2. La qualité de vie en lien avec la nutrition entérale

Lorsqu’un patient est placé sous nutrition entérale (aphagique), il est nourri mais il ne mange pas. Le repas est limité à son rôle physiologique, tandis que son rôle social disparaît (Roberge et al., 2000), de même que le plaisir sensoriel qui lui est associé. De plus, le port d’une sonde est un rappel constant de la présence de la pathologie et modifie l’image de soi qui est renvoyée à l’autre (Blouin & Francoeur, 1996).

x La gastrostomie comme prédicteur de la qualité de vie

Les facteurs prédictifs de la qualité de vie à un an des traitements dans le cadre des cancers des VADS sont la dépendance à une sonde d’alimentation, un traitement par radio ou chimiothérapie concomitante, et la qualité de vie du patient avant les traitements. La présence d’une sonde gastrique est le facteur le plus prédictif. Les patients porteurs d’une sonde de gastrostomie à un an des traitements ont des scores significativement plus bas aux échelles de qualité de vie utilisées (Ronis et al., 2008). Cette étude corrobore les résultats de Terrell et al. (2004) qui présentaient déjà la présence d’une sonde comme facteur prédictif principal de la qualité de vie.

Néanmoins, le degré de dépendance à la nutrition entérale n’est pas précisé. Nous ne savons donc pas si l’atteinte de la qualité de vie va croissante avec les restrictions alimentaires (et donc si l’impact est majoré dans le cas des patients aphagiques) ou si la seule présence de la sonde impacte la qualité de vie.

x Qualité de vie à long terme

Une étude (Rogers, Thomson, O’Toole et Lowe, 2007) compare la qualité de vie à long terme chez trois groupes de patients après cancer des VADS. Le premier groupe n’a jamais eu de sonde de gastrostomie, le second a porté une sonde mais l’a enlevée (médiane de port ≈ 7 mois), le troisième groupe porte encore la sonde (médiane ≈ 34 mois). Les scores de qualité de vie mesurée sont significativement plus bas pour les patients avec une dysphagie plus grave. Les problèmes majoritairement rencontrés par les patients concernent leur qualité de vie globale, une interférence avec les loisirs/la vie de famille/les activités sociales/les relations intimes, un changement dans le type de vêtements portés, et un inconfort dû à la présence de la sonde.

En ce qui concerne l’évolution de la qualité de vie en fonction du recul face aux traitements, Nordgren et al. (2008) rapporte que la qualité de vie à 1 an des traitements

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est un bon prédicteur de la qualité de vie à 5 ans dans le cadre de cancers oraux. Il n’y aurait pas d’amélioration significative entre 1 et 5 ans après les traitements. Cependant, il existerait une détérioration significative pour les échelles de fonctionnement au travail et les loisirs, la salive collante et l’ouverture buccale. La sécheresse buccale reste un problème majeur rencontré par les patients à 1 et 5 ans de recul. Ces changements peuvent s’expliquer par l’apparition à long terme de certains effets secondaires des traitements, notamment les modifications salivaires et l’ouverture buccale. Ces résultats ne sont pas surprenants puisque plus de la moitié des patients de cette étude a reçu des traitements combinés, augmentant la fréquence d’apparition des effets secondaires.

x Limites des études reliant qualité de vie et déglutition en cancérologie

La dysphagie est rarement un trouble isolé dans le cadre des cancers des VADS. Elle est souvent associée à des douleurs, des troubles de la parole ou de la voix, une sécheresse buccale, des altérations du goût, impactant également les réponses aux études de qualité de vie (Raber-Durlacher et al., 2012). Il est donc difficile de savoir si l’impact sur la qualité de vie est lié au port d’une sonde, aux troubles associés, ou aux deux. En effet, les patients dépendants d’une nutrition entérale sont souvent les patients dont les traitements ont été plus agressifs. Ils ont donc développé plus d’effets secondaires et leur sévérité est majorée.

De plus, parmi tous les patients porteurs de cancers, les patients porteurs de cancers de la tête et du cou observent parmi les taux les plus élevés de dépression, avec une incidence rapportée à 44%. La dépression elle-même a un impact sur la qualité de vie, plus important que les troubles de la déglutition (Lin, Starmer et Gourin, 2012). Rares sont les études qui prennent en compte ce critère dans l’inclusion de leurs patients. Dans l’étude de Lin et al. (2012), 20% des patients évalués à un an des traitements pour un cancer des VADS présentent des symptômes dépressifs. Il y a de plus des corrélations entre la présence de symptômes dépressifs et la présence de troubles de la déglutition et entre ces deux domaines et la qualité de vie.

La nature du lien n’est pas claire entre ces trois domaines (dépression, qualité de vie et déglutition) et amène à relativiser tous les résultats. En effet, la présence de symptômes dépressifs peut elle-même influencer les réponses à l’échelle d’évaluation de la déglutition. Quelle que soit la nature du lien entre ces domaines, les symptômes dépressifs constituent un paramètre important à maîtriser dans le cadre d’une étude portant sur la déglutition et la qualité de vie chez cette population.

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Pour résumer, les troubles de la déglutition chez les patients ayant eu un cancer des VADS peuvent entrainer des aspirations, une malnutrition, une dénutrition, une déshydratation nécessitant parfois le recours à la nutrition entérale à long terme afin d’éviter une altération de l’état général du patient. Le port d’une sonde de gastrostomie peut être considéré comme un facteur prédictif puissant de la qualité de vie à long terme. L’atteinte de la qualité de vie est d’autant plus importante que les troubles de la déglutition sont sévères.

Par ailleurs, certains paramètres sont importants à contrôler, comme nous avons pu le voir. Les symptômes dépressifs ainsi que la présence de troubles associés font partie des facteurs pouvant également influencer la qualité de vie à long terme des patients traités pour un cancer des VADS.

III.

Evaluation de la déglutition et de la qualité de vie en

cancérologie des VADS

L’évaluation de la déglutition est très importante, à chaque étape des traitements pour un cancer des VADS (Kraaijenga et al., 2014). Elle doit commencer avant les traitements (Raber-Durlacher et al., 2012) car certains patients présentent déjà des troubles de la déglutition. Elle permet de repérer les patients à risque de pénétrations/aspirations et peut donc contribuer aux décisions de traitement et de prise en charge de la déglutition avant, pendant, et après les traitements. Cette évaluation est nécessaire pour minimiser les risques de complications associées aux aspirations chroniques (Starmer, Gourin, Lua, Burkhead, 2011).

L’évaluation de la qualité de vie est nécessaire, que ce soit pour mesurer l’efficacité d’un traitement ou pour évaluer les répercussions des troubles de la déglutition au quotidien.

Dans cette partie, nous rapportons dans un premier temps les différentes modalités d’évaluation de la déglutition couramment pratiquées : les principaux examens instrumentaux, l’évaluation orthophonique et les outils d’auto-évaluation. Dans un second temps, nous rapportons les moyens existants pour évaluer la qualité de vie chez les patients en lien avec la cancérologie des VADS et la déglutition : les échelles de qualité de vie et la pratique de l’entretien.

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1.

L’évaluation de la déglutition

1.1. Les évaluations instrumentales

L’évaluation instrumentale procure des informations objectives sur la déglutition du patient, et sur les risques (Kraaijenga et al., 2014). Nous avons choisi de ne présenter que les deux principaux examens instrumentaux de la déglutition utilisés en pratique et considérés comme complémentaires : la vidéofluoroscopie et la fibroscopie endoscopique.

x La vidéofluoroscopie

La vidéofluoroscopie est considérée comme l’outil standard de l’évaluation des troubles oropharyngés de la déglutition. Le clinicien peut visualiser la coordination des muscles impliqués à chaque étape de la déglutition (Starmer et al., 2011). Elle permet également à l’orthophoniste de tester directement des manœuvres compensatoires, des postures, et d’en visualiser les effets (Murphy & Gilbert, 2009 ; St-Guily et al., 2005).

Il s’agit d’une « étude radiologique

morphologique et dynamique de l’ensemble de la déglutition » (St-Guily et al., 2005).

Des clichés de face, de profil +/- des clichés en obliques antérieures à 30° sont réalisés. Plusieurs quantités d’une solution barytée sont dégluties au cours de l’examen (5, 10 et 20mL) sur plusieurs consistances.

Les paramètres analysés comprennent des mécanismes participant à la déglutition (durées de transits oral et pharyngé ; déclenchement du réflexe de déglutition ;

durées de fermetures laryngée et cricopharyngée, fermeture vélopharyngée ; ouverture du SSO), la présence de résidus (oraux et pharyngés), et les relations entre les structures anatomiques (contact base de langue – paroi postérieure du pharynx ; élévation laryngée) (Mlynarek et al., 2008 ; St-Guily et al., 2005). Certains éléments plus subjectifs peuvent également être analysés : formation et maintien du bolus, mastication. Une échelle, la penetration-aspiration scale (PAS), peut être utilisée conjointement à la vidéofluoroscopie afin de décrire les pénétrations et aspirations observées (Mlynarek et al., 2008).

Image 1. Examen vidéofluoroscopique normal avec bolus de pâte, de profil, d'après Woisard-Bassols

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Au final, cet examen permet une bonne visualisation de la coordination entre propulsion du bolus et protection des voies aériennes.

x Fibroscopie du carrefour aéro-digestif

La fibroscopie du carrefour aéro-digestif utilise un nasofibroscope, et peut bénéficier d’une visualisation sur un écran et d’un enregistrement vidéo. Il permet au patient ainsi qu’à son entourage de visualiser les troubles observés. Il permet également de tester différentes textures, postures et manœuvres compensatoires (Starmer et al., 2011).

Le nasofibroscope est introduit sans anesthésie dans le cavum jusqu’au bord inférieur du voile pour observer la physiologie des déglutitions salivaire et alimentaire grâce à différentes textures proposées au cours de

la séance (St-Guily et al., 2005).

Il permet de visualiser le nasopharynx, la base de langue, l’hypopharynx, le larynx, les cordes vocales (Murphy & Gilbert, 2009) et donc d’observer directement la phase pharyngée réflexe de la déglutition (Kraaijenga et al., 2014). La mobilité des structures, leur sensibilité et leur coordination au cours de

la déglutition peuvent être appréciées (St-Guily et al., 2005).

La fibroscopie permet de repérer les stases (salivaire et alimentaire) et de déceler les fausses-routes qui occurrent avant, pendant ou après la déglutition permettant d’objectiver un défaut de continence buccale postérieure (fausse route primaire), un trouble de la sensibilité ou de la propulsion linguale (fausse route synchrones), ou encore un défaut de protection laryngée, la présence de stases ou d’aspirations (fausse route secondaire). Elles peuvent également être le signe d’un diverticule de Zenker (St-Guily et al., 2005).

Alors que l’examen par vidéofluoroscopie permet le mieux de repérer les aspirations pendant la déglutition, l’évaluation par fibroscopie endoscopique est en revanche plus accessible (Kraaijenga et al., 2014). Dans leur revue visant à documenter les différentes méthodes d’exploration fonctionnelle de la déglutition, Mlynarek et al. (2008) rapportent que la méthode la plus utilisée dans la littérature est la vidéofluoroscopie.

Image 2. Illustration d'un examen de la déglutition sous nasofibroscopie, d'après Woisard-Bassols (2011)

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Ces deux examens sont considérés comme des gold standard, car ils sont objectifs. Cependant, ils sont tout de même soumis à l’interprétation clinique d’un praticien (Kraaijenga et al., 2014).

1.2. Le bilan orthophonique de la déglutition

Le bilan clinique orthophonique évalue qualitativement et quantitativement le trouble et permet de dresser un profil global du patient en prenant en compte son autonomie, ses capacités d’adaptation et sa compliance (Puech, 2011). Les rôles de ce bilan orthophonique sont d’évaluer la déglutition, afin de déterminer si des anomalies sont présentes, de déterminer si des examens supplémentaires sont nécessaires, de créer un plan de soins, d’identifier les patients à risque d’aspirations (Murphy & Gilbert, 2009).

Le bilan orthophonique de la déglutition de l’adulte se déroule en plusieurs étapes (d’après Crunelle & Crunelle, 2010 ; Puech, 2003).

Il débute par un entretien dont le but est de cerner la plainte du patient ainsi que de prendre en compte les symptômes relevés. Pour cela, l’orthophoniste pratique la conduite d’une anamnèse comprenant l’histoire de la maladie, les antécédents médicaux et chirurgicaux, des questions sur la nature et les caractéristiques des troubles. Dans le cadre de la cancérologie des VADS, l’orthophoniste recueille des informations chirurgicales les plus précises possibles (compte-rendu opératoire) afin de connaître les structures préservées et les structures réséquées ainsi que les modalités de reconstruction entreprises. De plus, l’orthophoniste veille à connaître les modalités de traitements complémentaires administrés (chimiothérapie, radiothérapie) pouvant impacter la déglutition (Alfonso-Guarella, 2010). L’orthophoniste questionne le patient ou son entourage concernant le mode nutritionnel du patient, la présence de symptômes spécifiques directs (la toux, le bavage, etc.) et indirects (la présence d’une voix mouillée, d’un reflux gastro-œsophagien, etc.). Enfin, des questions concernant le contexte des repas et les conséquences des troubles sur la vie du patient sont posées.

Durant l’entretien, mais également durant la totalité de la période d’évaluation, une observation générale du patient et des fonctions associées à la déglutition est menée. L’orthophoniste prend note des capacités de vigilance, communication, phonation (articulation et voix) ainsi que de l’état respiratoire (présence d’une trachéotomie,

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d’un trachéostome) du patient. De plus, il note la présence éventuelle de troubles associés (de type phasique par exemple) et le degré de conscience des troubles par le patient.

Par la suite, l’orthophoniste mène un examen clinique des structures anatomiques et neuromusculaires comprenant (d’après Crunelle & Crunelle, 2010 ; Puech, 2011) :

 Un examen morphologique des structures au repos. Il examine principalement les structures bucco-linguo-faciales (joues, lèvres, langue, maxillaire, oropharynx), l’état bucco-dentaire, la posture de tête et celle du tronc.

 Une évaluation dynamique évaluant la motricité volontaire de la tête, de la face, de la sphère bucco-pharyngée exo et endobuccale. Le but est de noter la qualité de la réalisation des mouvements, soit l’initiation, la coordination et leur contrôle. Le force motrice ainsi que le tonus musculaire des sphères oro-faciale et vélo-pharyngée sont évaluées également.

 Une évaluation sensitive et sensorielle par des stimulations olfactives, tactiles, thermiques, et gustatives

 Une évaluation des réflexes normaux nauséeux, vélopalatin et tussigène

Une fois l’examen clinique terminé, l’orthophoniste pratique une évaluation de la déglutition salivaire et de l’alimentation. Le clinicien s’assure tout d’abord de la présence de certains prérequis : un état de vigilance correct, une déglutition spontanée et des mécanismes d’expulsion efficaces (Crunelle & Crunelle, 2010 ; Puech, 2011). Le déroulement de l’essai alimentaire se fait « selon une chronologie de consistance et de

quantité dictée par la réalité alimentaire du patient, les résultats du premier essai et la pathologie » (Puech, 2011, p.151).

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AVANT LA DEGLUTITION PENDANT LA DEGLUTITION APRES LA DEGLUTITION QUESTIONS POSEES AU PATIENT SIGNES CLINIQUES - Ouverture buccale - Position linguale - Préhension labiale - Bavage - Reflux nasal - Bruits (toux, bruits déglutition) - Fermeture buccale postérieure - Mouvements mandibulaires - Mouvements plancher buccal - Mouvements ascension laryngée - Toux, hemmage - Voix mouillée - Bruits - Stases buccales - Stases pharyngées - Blocage buccal, pharyngé

Tableau 2. Principaux signes cliniques recherchés par l'orthophoniste au cours de la déglutition alimentaire, d'après Puech (2011, p.160)

Les signes cliniques relevés permettent à l’orthophoniste d’émettre des hypothèses sur les mécanismes physiopathologiques impactés (Tableau 3).

Il est important de coupler l’évaluation orthophonique à un bilan instrumental de la déglutition en cas de suspicion d’aspirations silencieuses car cette évaluation ne permet pas leur détection efficace. En effet, d’après Nguyen et al. (2006), les cliniciens ne prédisent correctement que 6 patients sur 11 ayant effectivement des aspirations. L’absence du réflexe de toux peut notamment s’avérer trompeuse.

Les troubles de la déglutition ayant un impact sur la qualité de vie du patient, il est important de prendre en compte également les perceptions du patient dans l’évaluation de la déglutition.

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MECANISMES

PHYSIOPATHOLOGIQUES SIGNES OBSERVES POSSIBLES

DEFAUT DE COMPORTEMENT ADAPTE

- Ouverture buccale incorrecte / inexistante - Position linguale inadaptée

DEFAUT DE MASTICATION - Bol alimentaire non homogène

DEFAUT DE PROTECTION DES VOIES AERIENNES Défaut de contention postérieure de la cavité buccale Toux ou hemmage :

- avant ou pendant la propulsion orale - avant le début de l’ascension laryngée

Défaut de fermeture

vélopharyngée Reflux nasal Défaut de protection des

voies aériennes inférieures

Toux ou voix mouillée :

- pendant ou après ascension laryngée

Défaut de mécanisme d’expulsion

Voix mouillée alors que la toux n’a pas été déclenchée :

- avant, pendant ou après l’ascension laryngée

DEFAUT DE TRANSPORT DES ALIMENTS Défaut d’initiation du temps oral

Introduction correcte des aliments en bouche mais : - absence de mouvement buccal et lingual

- sensation de blocage

Défaut de contrôle du bol alimentaire

Stases buccales non focalisées en dehors des appuis buccaux normaux

Défaut de propulsion orale

- Augmentation du nombre de mouvements du plancher buccal

- Stases focalisées ou diffuses

- Stases localisées sur points d’appuis normaux

Défaut d’initiation du temps pharyngé

Mouvements répétés du plancher buccal mais : - sans ascension laryngée

Retard de déclenchement du temps

pharyngé

- Décalage temporel entre mouvements plancher buccal et ascension laryngée

- Toux avant ou pendant la déglutition

Défaut de transport pharyngé

- Sensation d’aliments collés dans la gorge - Sensation de blocage bas

- Bruits anormaux - Déglutitions répétées

Défaut d’ouverture du SSO

- Bruits anormaux

- Diminution de l’ascension laryngée

Tableau 3. Définition des mécanismes physiopathologiques dans le cadre d’un essai de déglutition (d’après Puech, 2011, p.161)

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1.3. L’auto-évaluation de la déglutition

Il est important de coupler évaluation objective et subjective de la déglutition (Kraaijenga et al., 2014). En effet, si la perception par le patient est mauvaise concernant ses propres troubles, cela peut avoir un impact sur l’adhérence et la motivation à un programme de réhabilitation de la déglutition. Au contraire, une bonne perception de la déglutition peut permettre au patient de surveiller lui-même les signes de dysphagie dans sa déglutition au quotidien et d’en alerter le clinicien (Pauloski et al., 2002). Il est donc important de savoir quelle est la perception du patient concernant ses propres troubles.

Certains questionnaires sont validés en français et sont très utiles pour évaluer la fonctionnalité de la déglutition dans le cadre de la cancérologie ORL.

Le DHI (Deglutition Handicap Index), créé par Woisard et al. (2006) permet par exemple de recueillir les ressentis des patients dysphagiques et d’évaluer le handicap résultant des troubles de la déglutition. Il comprend l’évaluation de 3 domaines (symptômes spécifiques, symptômes fonctionnels et domaine émotionnel) qui comprennent chacun 10 items.

L’évaluation subjective permet d’obtenir des résultats complémentaires. Cependant, dans la plupart des études, il n’y a pas ou peu de corrélations avec les résultats objectifs (Kraaijenga et al., 2014). Tous les auteurs ne sont pas d’accord concernant la fiabilité de la perception du patient pour prédire des troubles de la déglutition.

Ding & Logemann (2008) ont conduit une étude dont le but était d’étudier cette fiabilité. Pour les patients avec des déficits structuraux (dont des patients en cancérologie des VADS), la corrélation entre examen subjectif et objectif en ce qui concerne la présence de troubles et leur localisation reste modérée. Il n’y a pas de significativité en ce qui concerne la sévérité des troubles. Cette faible significativité pourrait selon les auteurs s’expliquer par la présence d’un mauvais feed-back sensoriel.

Pauloski et al. (2002) rapportent dans leur étude que les patients ayant une plainte concernant la déglutition ont en effet une déglutition moins efficace, des phases orale et pharyngée plus longues, plus de stases orales et pharyngées et plus d’aspirations à la déglutition que les patients qui n’ont pas de plainte. Ces patients qui ont une plainte ont également tendance à réduire leurs apports oraux, ainsi que la variété de textures alimentaires que ceux qui n’ont pas de plainte. Les patients sont donc capables,

Figure

Tableau 1. Lésions nerveuse fréquentes entrainant des conséquences sur la déglutition, d'après Crunelle
Tableau 2. Principaux signes cliniques recherchés par l'orthophoniste au cours de la déglutition  alimentaire, d'après Puech (2011, p.160)
Tableau 3. Définition des mécanismes physiopathologiques dans le cadre d’un essai de déglutition  (d’après Puech, 2011, p.161)
Tableau 4. Caractéristiques des patients (H: homme, F: femme ; M : marié ; Ch: chirurgie, RTP:
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