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Damien Ernst: "La technologie sauvera la planète"

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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« La majorité du monde politique manque d’idées et de projets en-thousiasmants ». Pour Damien Ernst, professeur à l’ULiège, doc-teur en sciences appliquées et spécialisé en intelligence artifi-cielle et en réseaux électriques, devenu une référence en matière d’énergie, si l’avenir de la planète se joue bel et bien aujourd’hui, les solutions mises sur la table par nos élus pèchent par leur manque d’ambition. « On est tombé dans un discours fort

culpabilisant : prendre l’avion, manger de la viande, rouler en voiture, tout est mal. On a l’im-pression que le seul modèle mis en évidence par un grand nombre de partis politiques, c’est celui ‘circuit court, permacul-ture, tous à vélo’. Or, bien que ce modèle ait indéniablement des avantages au niveau écologique, c’est une mauvaise idée de se fo-caliser uniquement sur ça. » Pour lui, la solution viendra… de la technologie. Un discours à contre-courant de celui tenu par les milliers de manifestants, mais qu’il assume : « C’est vrai qu’on constate chez tous ces manifes-tants un certain dégoût de la technologie. On peut le com-prendre, parce qu’il est vrai aussi que ce sont un peu les technolo-gies, le progrès industriel, qui nous ont mis dans cette situation de catastrophe climatique et en-vironnementale, mais je pense quand même que la solution viendra de tout ce qui est tech-nique et de cette industrie manu-facturière très puissante que le monde a construite. »

Des solutions qui pourraient être mises en oeuvre à court terme. « Toutes ces mesures, on peut les mettre en place en dix ans, af-firme Damien Ernst. Mais à condition qu’il y ait une volonté politique et internationale. Si on est en guerre pour le climat, il faut faire un effort de guerre. Ici, on a un peu l’impression que les politiques surfent sur ce que les manifestants veulent entendre mais ne cherchent pas plus loin, que toutes les solutions doivent être alignées sur ce qu’on voit dans le film ‘Demain’. Mais,

se-lon moi, ce sont des solutions tout à fait anecdotiques. » La preuve ? « Je ne connais pas un seul endroit dans le monde où ce type de solution a réussi à avoir un impact significatif sur le cli-mat. Il suffit de regarder en Hol-lande. C’est le pays-roi du vélo, mais leurs résultats en matière de CO2sont catastrophiques… » Et les machines présentent un avantage certain, estiment le

pro-fesseur de l’ULiège : « C’est la seule solution qui serait acceptée par tous. Par tous les Belges, mais aussi par les autres pays qui n’ont pas la même fibre environne-mentale, comme la Chine ou l’Inde par exemple. En outre, ça n’impliquerait pas un change-ment au niveau du mode de vie des citoyens et ça ne leur coûte-rait pas plus cher. »

-GEOFFREY WOLFF

P

our Damien Ernst, le« Monsieur énergie » de l’ULiège, l’avenir de la planète sera technolo-gique ou ne sera pas. Des solu-tions existent déjà, mais ne sont que peu, voire pas du tout, mises en oeuvre. Réseau élec-trique mondial, capture du CO2

dans l’atmosphère, économie de l’hydrogène vert, tout est réali-sable. Mais encore faut-il s’en donner les moyens…

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JEUDI 4 AVRIL 2019

Le réseau électrique international, ou « global grid », un réseau qui connecte les consommateurs d’électricité et les sources de pro-duction d’électricité du monde entier, permettrait d’optimaliser la production et l’utilisation de toute l’énergie verte produite. « Il aurait le mérite de gérer naturelle-ment tous les problèmes de fluc-tuation liés au renouvelable », précise-t-il.

Ce réseau électrique mondial of-frirait de nombreux avantages. « Si on prend l’exemple du photo-voltaïque, quand il est midi ici, il est 6h sur la côte est des Etats-Unis. Avec le global grid, on pour-rait leur envoyer notre surplus d’électricité photovoltaïque. Et on pourrait aussi construire des liens avec des endroits où les énergies renouvelables sont généreuses, comme la côte est du Groenland, où il y a des vents extraordinaires. Des éoliennes y produiraient trois fois plus qu’en Wallonie. Ce serait la manière la moins chère de réa-liser la transition énergétique. Et l’énergie produite serait tellement

moins chère que ça mettrait les combustibles fossiles hors busi-ness. Ce qui signifierait la mort en quelques années du pétrole, du gaz et du charbon. »

DIFFICULTÉS

Pour mettre en oeuvre ce réseau mondial, il faudrait de grandes in-terconnexions électriques entre tous les pays. Et donc des liaisons qui passeraient outre les fron-tières, les divergences politiques… « Il faudrait donc d’abord que tous les pays soient d’accord entre eux », note Damien Ernst. Qui pointe également une autre diffi-culté: « La peur que le réseau se crashe et qu’on doive faire face à un black-out mondial ». Mais des solutions existent également pour parer à cette éventualité.

-2. Un réseau électrique

international

Global grid

© News

« Si, pour le réchauffement cli-matique, le problème, c’est le CO2 dans l’atmosphère, construisons des machines pour aller le rechercher. » Utopique ? Loin de là. À Van-couver, au Canada, la société Carbon Engineering est déjà sur la balle. « C’est une ma-chine assez simple à construire. Un ventilateur as-pire l’air, l’air circule dans un composant qui absorbe du CO2, on le chauffe et il relâche du CO2pur ou quasi pur. » Et ce dioxyde de carbone peut alors avoir de nombreux usages écologiques. « Soit on l’envoie sous terre pour le sto-cker, dans des anciens gise-ments d’hydrocarbures étanches par exemple, soit on le retraite et on le transforme en charbon que l’on stocke, soit, mieux encore, on l’utilise pour certaines filières, comme l’aviation. »

Ce CO2 pourrait en effet se transformer en kérosène vert assez facilement, estime Da-mien Ernst. « Il faudra toujours du kérosène pour les avions.

Mais ici, avec du CO2, de l’eau et de l’énergie, on sait faire du kérosène vert. On travaille en-suite en circuit fermé : les avions produisent du CO2, mais on réutilise le CO2 de l’atmo-sphère pour faire du kérosène. C’est une super approche pour décarboner l’aviation. » DIFFICULTÉS

« Des difficultés pour mettre en oeuvre ce projet ? Aucune. Ce serait un peu plus cher, mais c’est tout. » Avec des résultats impressionnants : « Une usine va capturer un million de tonnes de CO2. La Belgique, c’est 100 millions de tonnes. Cent usines et le pays est neutre en carbone. »

-4. La capture de CO

2

Pollution atmosphérique

Le projet Carbon Engineering. © L’hydrogène, tout le monde en

parle. Les constructeurs auto-mobiles planchent déjà sur ce carburant du futur. Mais pour Damien Ernst, l’hydrogène, vert qui plus est, pourrait avoir bien d’autres utilisations. « Le principe, c’est de générer de l’hydrogène à partir d’élec-tricité. C’est une technologie très mature. On pourrait géné-rer l’hydrogène dans des pays où on trouve beaucoup d’éner-gie renouvelable, et l’importer ensuite. On pourrait l’injecter dans le réseau de gaz, ce serait alors une solution écologique pour chauffer les bâtiments. Mais on pourrait aussi l’utili-ser effectivement comme car-burant ou pour générer de l’électricité. »

Mais quel est l’avantage d’utili-ser de l’électricité pour générer de l’hydrogène que l’on trans-forme ensuite en électricité ? « L’avantage, c’est que l’hydro-gène peut être stocké et trans-porté facilement. »

Difficultés

Mettre en œuvre cette solution réclamerait quelques investis-sements. Dont un de taille : « Il

faudrait changer tout le réseau de gaz pour qu’il soit compa-tible avec l’hydrogène. » D’autres obstacles existent aus-si, dont un davantage de na-ture psychologique : « La peur de l’accident, parce que tout le monde pense à la catastrophe du dirigeable Hindeburg. » En-fin, « quand on produit de l’électricité, le mieux, c’est de l’utiliser tout de suite. Quand on la transforme en hydro-gène, il y a des pertes de l’ordre de 30 à 40 %. Mais ce n’est pas très grave dans le cas présent : le coût de l’énergie de base né-cessaire à la fabrication de l’hydrogène serait tellement faible que la perte financière en deviendrait négli-geable. »

-3. L’économie de l’hydrogène vert

© EPA

Ça ressemble à une

lapalis-sade, mais ça n’en est pas

une.

Damien Ernst précise en

ef-fet sa pensée: « Collecter

beaucoup d’énergies

pho-tovoltaïque et éolienne,

mais là où il y a beaucoup

de soleil et beaucoup de

vent. C’est la base de tout.

Pour l’instant, le prix de ces

énergies renouvelables est

de 2 cents/kwh. C’est donc

beaucoup moins cher que

l’électricité générée par le

gaz, qui est à 5 ou 6 cents/

kwh, sans taxe CO

2

. Mais

pour qu’on puisse rivaliser,

il faut que les politiciens

ar-rêtent de penser que

l’élec-tricité, c’est meilleur quand

c’est en circuit court,

quand c’est produit près de

chez soi. »

En produisant au meilleur

endroit, on réduit en effet

drastiquement les coûts.

Or, « les gens sont d’accord

de changer, mais à

condi-tion que ça ne leur coûte

pas et même, pour certains,

que ça leur apporte un

avantage financier. »

Sur ce point, Damien Ernst

rejoint ainsi le discours

am-biant, qui veut promouvoir

à tous crins les énergies

vertes. Mais il voit plus

loin…

-1. Collecter beaucoup

d’éolien et de photovoltaïque

© Belga

LIÈGE - EXPERT

Damien Ernst: « La technologie

Pour le « Monsieur énergie » de l’ULiège, les mesures évoquées actuellement par le monde politique sont insuffisantes.

Seule une solution globale, acceptée par tous et par tous les pays, sera efficace. Et elle passera inévitablement par la technologie

Damien Ernst dévoile ses idées pour sauver la planète. © Sophie Kip

« Toutes ces

mesures, on peut

les mettre en place

en dix ans. A

condition qu’il y

ait une volonté

politique »

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technologie sauvera la planète »

Damien Ernst l’avoue lui-même, un des risques liés au réseau élec-trique international, c’est le black-out mondial en cas de crash du système ou d’attaque terroriste bien planifiée sur ce dernier. Mais des solutions pour pallier pareille catastrophe sont déjà en dévelop-pement. C’est le cas notamment à Seraing, où CMI a lancé le projet MiRIS, pour Micro Réseau Intégré Seraing. Ces micro-réseaux de-vront nous permettre dans le fu-tur une certaine autonomie éner-gétique en cas de problème sur le réseau électrique mondial. Une sorte de réserve stratégique non pas de pétrole, mais d’électricité. « Au départ, ce sont 6.500 pan-neaux photovoltaïques qui ali-mentent les bureaux de Seraing et sont aussi connectés au réseau pu-blic, détaille François Henry, le responsable du projet. Mais la par-ticularité de ce projet, c’est que l’installation est couplée à diffé-rents systèmes de stockage. » L’intérêt ? « Les énergies renouve-lables sont par essence intermit-tentes, continue M. Henry. Le consommateur ne sait donc pas nécessairement les utiliser quand il le veut. Par contre, si on stocke cette production, on peut la

réuti-liser plus tard. »

CMI teste donc actuellement plu-sieurs modèles de batteries ca-pables d’emmagasiner cette éner-gie verte. Avec succès. « Au total, on va avoir quatre technologies : des batteries Lithium-ion, diffé-rentes batteries à flux et une bat-terie au sulfure de sodium. Pour CMI, il n’y a pas une solution unique de stockage, on doit pou-voir s’adapter en fonction des cas que l’on rencontre. »

D’autant que l’objectif, à terme, est d’équiper de grosses structures

aux quatre coins du monde. « Peu importent les besoins ou le type de connexion, ce micro-réseau peut être mis en situation par-tout. »

Si le programme de test en cours à Seraing va encore se poursuivre, des applications sur le terrain sont également déjà en place. « Nous avons déjà réalisé un projet au Maroc et nous sommes en discus-sion pour d’autres, en Belgique et à l’étranger », termine le respon-sable du projet MiRIS.

-GEOFFREY WOLFF

Avec MiRIS, CMI apprend

à stocker l’électricité verte

Seraing

A Seraing, CMI développe le projet MiRIS. © CMI

À quelques kilomètres de là, à Méry, Enodia (Nethys), l’ULiège (partenaire également du projet CMI) et CE+T développent un autre projet de micro-réseau, de type communauté énergétique cette fois. Les entreprises Méry-bois, Mérytherm et CBV, toutes trois installées dans le parc du

Monceau, produisent chacune de l’électricité verte via des panneaux photovoltaïques et des turbines hydroélectriques. Electricité qui est ensuite mise en commun, stockée et parta-gée. Le tout sous l’oeil vigilant d’une intelligence artificielle développée au sein de l’ULiège.

« Ces communautés énergé-tiques plus locales seront essen-tielles dans le paysage électrique du futur. Non seulement en cas de problème sur le réseau mon-dial mais aussi pour favoriser l’intégration des énergies renou-velables dans nos réseaux de distribution d’électricité. »

-Méry

Une communauté énergétique locale en test

Ça, c’est déjà connu. Mais les véhicules électriques peinent encore à se faire leur place sur les routes du pays. Pour Da-mien Ernst, l’avenir passera toutefois par là. Et plus vite qu’on ne le croit. « On peut ci-bler 100 % de voitures neuves électriques en 2030 et l’obliga-tion pour tout le monde de pas-ser à l’électrique en 2035, es-time le professeur de l’ULiège. Les véhicules électriques vont devenir tellement performants et peu chers que tout le monde y passera naturellement. À par-tir de 2022-2023, les construc-teurs vont s’attaquer à la tranche 12-20.000 euros et tout

le parc va ensuite y passer. C’est le bel exemple pour démontrer qu’avec la technologie, on ar-rive à tout faire. »

Difficultés

« Un certain travail doit être fait au niveau du réseau élec-trique, pour que les voitures puissent être rechargées au bon moment, quand il y a beaucoup d’énergie renouve-lable. Voire même pour qu’elles puissent injecter de l’électricité sur le réseau, quand il y en a trop peu. Il fau-drait travailler sur la couche numérique du réseau élec-trique pour que cela soit pos-sible. »

-5. Les véhicules électriques

Mobilité

© Belga

Voici une mesure

préconi-sée par Damien Ernst qui

risque de faire du bruit.

« On abandonne les

prai-ries et les champs utilisés

pour l’agriculture pour y

replanter beaucoup

d’arbres. »

Tout bénéfice pour la

na-ture, estime-t-il. Ces

nou-veaux arbres absorberont

une partie du CO

2

et

contri-bueront à résoudre les

pro-blèmes liés à la biodiversité.

Mais où cultive-t-on les

fruits et légumes alors?

« En usine, massivement,

sous lampes LED. Ce qui est

bien, c’est qu’on n’a plus

be-soin de pesticides, parce

qu’on travaille dans un

uni-vers contrôlé, et donc qu’on

ne pollue plus l’eau, qui est

de toute façon recyclée

im-médiatement. Et ça permet

de rendre des terres

agri-coles à la nature. »

L’avènement du « bio

indus-triel » ? « Un autre modèle

d’agriculture en tout cas ».

Difficultés

Pour basculer vers cette

agriculture industrielle, il

faut de l’énergie.

« Mais la chance de base,

c’est toujours que le

renou-velable ne coûte rien. On

peut tout repenser à partir

de ça, termine Damien

Ernst. Et tout imaginer, y

compris les projets les plus

fous. »

-6. La culture des légumes en usine

Agriculture

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