• Aucun résultat trouvé

Sécurisation des parcours professionnels : la mise en regard de dispositifs expérimentaux

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Sécurisation des parcours professionnels : la mise en regard de dispositifs expérimentaux"

Copied!
15
0
0

Texte intégral

(1)

Anne Dietrich

IAE de Lille, UMR-CNRS 8179

Françoise Lozier

Université Dauphine, IRISSO UMR 7170 adietrich@iaelille.fr

lozier@dauphine.fr

Colloque international

Université Paris Dauphine

12-14 juin 2014

TRAJECTOIRES PROFESSIONNELLES et

DISPOSITIFS PUBLICS EN ACTION

Sécurisation des parcours professionnels :

la mise en regard de dispositifs expérimentaux

(2)

Sécurisation des parcours professionnels :

la mise en regard de dispositifs expérimentaux

Anne Dietrich, IAE Lille, UMR-CNRS 7981

Françoise Lozier, Université Dauphine, IRISSO UMR 7170  

Cette communication rend compte de dispositifs d’action collective dont l’objectif est de sécuriser les trajectoires professionnelles de salariés de PME ou de grandes entreprises. Mis en oeuvre dans deux régions différentes, à des périodes successives, ils témoignent de la manière dont des acteurs publics ou privés s’emparent des problématiques d’emploi, mobilisent des financements ou des structures publics, enrôlent d’autres acteurs dans des dispositifs d’action collective souvent sophistiqués. Expérimentaux, ces dispositifs sont à l’initiative d’acteurs qu’on peut qualifier « d’entrepreneurs de cause » (Lascoumes, Le Galès, 2007), ce qui leur confère une certaine originalité. Ils illustrent ainsi la diversité des modalités d’action et de concertation, soulignant leurs liens avec les ressources et l’histoire d’un territoire, en même temps que l’évolution continue de l’action publique en faveur de l’emploi. Ils révèlent aussi le passage d’une politique d’Etat centralisée à une gouvernance de l’emploi décentralisée, pluri-acteurs, à saisir « par le bas » (Lascoumes, Le Galès, 2007). Confrontée de manière récurrente à des suppressions d’emploi souvent impossibles à compenser au niveau régional, a fortiori au niveau local (Beaujolin, 2008), l’action en faveur de l’emploi se territorialise à la fois pour répondre aux effets destructeurs des délocalisations mais aussi aux exigences de compétences nouvelles de grandes entreprises soucieuses d’un ancrage renouvelé dans des territoires (Raveyre, 2005) capables de leur fournir de telles ressources (Kaisergruber, 2010). La territorialisation croissante de la politique d’emploi en France, la régionalisation de la formation professionnelle (Berthet, Conter, 2011) prennent ainsi acte de l’émergence d’une dialectique complexe entre les niveaux global et local (Pecqueur, 2006). Après un retour sur les concepts (1) qui marquent une reconfiguration de la relation d’emploi, nous présentons les dispositifs étudiés (2) et tirons quelques enseignements de la comparaison de ces expérimentations menées à quelques années d’intervalle (3).

1. RETOUR SUR DES CONCEPTS

La sécurisation des parcours professionnels constitue le dernier mot d’ordre en date en France des mesures et dispositifs d’action en faveur de l’emploi et de l’employabilité des travailleurs, qu’ils émanent des pouvoirs publics, des partenaires sociaux ou des entreprises et des territoires. Elle apparaît comme un objectif fédérateur en matière de politique et de gestion de l’emploi, susceptible de prendre en compte les préoccupations des pouvoirs publics et les contraintes de gestion des entreprises, voire d’articuler des intérêts divergents entre employeurs et employés. Pour comprendre l’intérêt qu’elle suscite, il convient de la resituer dans le champ des conceptualisations de l’emploi afin de prendre la mesure de leur évolution et de comprendre l’invitation à se focaliser sur « un nouvel objet de gouvernement », la trajectoire, qu’il s’agisse de celle de l’individu ou du territoire (Aggeri, Pallez, 2005).

(3)

1.1. D’une politique d’inactivité à une politique d’activation

Depuis le choc pétrolier des années 1970 et la crise durable qui s’en est suivie, les politiques publiques de l’emploi ont évolué. La lutte contre le chômage a initié dès les années 1980 un processus d’exclusion durable de certaines catégories de travailleurs, dont les jeunes et les seniors. Politiquement efficace à court terme pour réduire les statistiques du chômage, elle a donné lieu à une « politique de l’inactivité » (Maruani, Reynaud, 2004) préjudiciable à long terme à la main-d’œuvre. Lui ont succédé dans les années 1990, des « politiques d’activation du marché du travail », sous l’impulsion de la Commission Européenne, incitant les Etats membres à réduire les coûts de leurs politiques d’emploi et à les inscrire dans une perspective territoriale pour les optimiser. Ces politiques ont transformé les principes et les instruments de l’action publique (Salais et al. 2002 ; Berthet, Conter, 2011). Fondées sur un accompagnement individualisé et un contrôle accru des demandeurs d’emploi, elles visent un retour rapide à l’emploi (Fretel, 2013) et tendent à substituer à une logique « curative » une logique « préventive » (Salais et al. 2002) dont l’employabilité devient le concept clé. Au début des années 2000, face au caractère inéluctable et rapide des transformations de l’emploi et des compétences, les pouvoirs publics imposent aux entreprises des obligations nouvelles en faveur du maintien dans l’emploi des salariés. GPEC, mobilité, anticipation des mutations économiques, formation tout au long de la vie incarnent les « bonnes pratiques » (Duclos, 2008) au fondement d’une gestion responsable des salariés et d’un essor de l’action publique en faveur de nouvelles cibles : actifs occupés et PME. Les dispositifs d’actions concertées se multiplient (ADEC1, GPEC territoriale) visant à aider les PME à faire face aux changements et à sécuriser les parcours professionnels de leurs salariés et à favoriser le développement d’actions multi-acteurs et multiformes, au plus près des besoins d’un territoire en vue de dépasser les limites de politiques d’emploi centralisées.

1.2. De l’employabilité aux parcours professionnels : une reconfiguration de la relation d’emploi

Ces transformations dans les cibles et les modalités de l’action publique en matière d’emploi ont été soutenues et légitimées par un travail permanent de conceptualisation, notamment au niveau européen. Favorisant les échanges de bonnes pratiques entre Etats membres, la Commission européenne a contribué à l’adoption d’un langage commun, d’un répertoire de significations partagées, propice à un certain alignement des Etats en matière de gestion de l’emploi. Ainsi, la notion d’employabilité, largement banalisée dans le monde du travail et de l’entreprise, a-t-elle été proposée par les britanniques, à la place de celle d’emploi. Celle de « flexicurité », empruntée aux Pays-Bas qui la mobilisent dès 1995 pour réduire le dualisme du marché du travail, est surtout référée au modèle danois (1999) capable d’articuler flexibilité du marché du travail et politiques actives d’emploi. Ces notions, reprises et conceptualisées par experts et chercheurs, nourrissent le débat social et favorisent la controverse. C’est au travers de leur appropriation par les acteurs de tous bords que se transforment progressivement, ou à tout le moins se diversifient, les représentations de l’emploi et de la relation d’emploi.

Ces « concepts sociaux » sont flous, incertains dans leur contenu (Freyssinet, 2009), voire contradictoires. La généalogie du concept d’employabilité (Gazier, 2003) montre qu’en fonction des époques, il renvoie tantôt aux exclus du marché du travail, tantôt aux travailleurs hautement qualifiés ! Le rapprochement de ces deux contraires fait émerger une signification                                                                                                                

(4)

nouvelle, celle de sa pertinence à traiter de la capacité d’un individu à trouver un emploi. La notion de flexibilité a une double signification depuis les années 1980 : négative quand elle renvoie à la précarité liée au développement de contrats atypiques, positive quand elle désigne la capacité d’adaptation du système productif (Freyssinet, 2009). L’ambiguïté générée par cette double signification disparaît dans son accolement avec la notion de sécurité : la flexi-sécurité conforte la signification associant la flexibilité à l’intérêt de l’entreprise mais c’est sa version positive qui prévaut, témoignant de la volonté d’un « mieux disant social » en faveur du salarié (Duclos, 2009).

C’est précisément en raison de leur polysémie et de leur pouvoir incantatoire que ces concepts jouent « un rôle majeur dans le débat social » (Freyssinet, 2009). Car les acteurs qui s’en emparent, utilisent leurs connotations et leurs ambiguïtés pour définir des stratégies d’action et en faire « les cadres de référence, au moins provisoires, de leurs négociations » (Freyssinet, 2009). C’est ce que soulignait déjà Reynaud en 2001 à propos du management des compétences. Au fondement de l’élaboration de la doctrine managériale du Medef, il sert les intérêts de l’acteur patronal, mais invite aussi les salariés et leurs représentants à débattre « de règles de vie commune acceptables ». Le choix du vocabulaire constitue ainsi « un élément de la construction des rapports de force » (Freyssinet, 2009). Mobilisés dans la recherche de compromis nouveaux, ces concepts sédimentent des significations qui redistribuent la donne. L’employabilité tend à se substituer à celle d’emploi pour repenser les risques encourus par le salarié dans un environnement économique instable. Le vrai risque n’est plus de perdre son emploi mais son employabilité, c’est-à-dire les compétences attendues par les entreprises. La banalisation du risque de perte d’emploi fait passer un certain nombre de thèses : plein-emploi historiquement daté (Lallement, 1994), raréfaction du travail (Maruani, 1994), rationnement de l’emploi (Gazier, 1999), accroissement inéluctable des transitions professionnelles (Berthet, Conter, 2011). Dès lors que les caractéristiques de l’emploi issu du compromis fordien sont remises en cause, il est possible de reformater les termes de la relation d’emploi dans de nouvelles formes d’échanges (employabilité contre performance, obligation de résultats vs obligation de moyen, Medef, 1998) et d’un partage des responsabilités entre employeur et employé.

Le concept de flexicurité va plus loin. Porteur d’une volonté d’articuler intérêt de l’entreprise et intérêt du travailleur, il devient au niveau européen « une norme de bonne politique » (Duclos, 2009) dont les principes communs, définis en 2007 par la Commission Européenne, sont déclinés par les Etats membres dans des Programmes Nationaux de Réforme. La traduction française de cette norme s’appelle « sécurisation des parcours professionnels » et passe par un ré-aiguillage sémantique. La notion de parcours, associée à la formation et au développement individuel, constitue un « mythe positif » (Luttringer, in Parlier, 2009). Elle subsume celle d’emploi et l’affranchit ainsi d’une signification qui l’associe à une position stable dans une entreprise et aux garanties afférentes. Pour concilier flexibilité/mobilité et sécurité/sécurisation, « il faut adopter une conception de la flexibilité qui renvoie à la capacité d’adaptation du système productif (…) et une conception de la sécurité qui s’applique à des trajectoires professionnelles et non à la garantie de l’emploi à vie dans le même métier chez le même employeur » (Freyssinet, 2009). Pour autant, la sécurisation des parcours est censée rééquilibrer une relation d’emploi mise à mal par les restructurations et donner forme à une politique d’employabilité qui peine à se concrétiser.

Plus floue que celle de trajectoire, la notion de parcours trouve un écho favorable en entreprise. Elle intègre en effet l’idée de cheminement, préalablement associée à la carrière, ou celle de dynamique, associée à la capacité et la volonté d’évoluer du salarié. Elle trouve

(5)

donc sa place dans une rhétorique gestionnaire d’anticipation des évolutions de métiers et des mobilités, là où les opportunités de carrières se réduisent et les reconversions s’annoncent difficiles. Mettre l’accent sur les transitions possibles d’emploi, de métier, plutôt que sur les ruptures, permet à la notion de parcours d’acter à son tour « la déstabilisation de la relation salariale classique » et de traduire « la recherche tâtonnante d’une alternative » (Mériaux, 2009). Celle-ci interpelle le législateur dans la définition de nouveaux droits (Chassard, Kerbourc’h, 2009) et les entreprises dans l’instrumentation de mobilités sortant des frontières de l’entreprise (Defélix, 2012).

1.3. Le territoire comme lieu de sécurisation des trajectoires professionnelles

Diverses expérimentations mettent l’accent sur le territoire comme échelle pertinente de régulation sociale des restructurations, susceptible de répondre à la crise des marchés internes du travail et à celle des modes de fonctionnement traditionnels des Etats (Beaujolin-Bellet, 2008). Malgré la diversité des définitions, des usages et des découpages pour appréhender les contours du territoire, la notion suscite un réel engouement. Elle offre en effet un niveau d’appréhension des problèmes à la fois

- plus fin car mieux contextualisé pour comprendre la complexité des mutations à l’œuvre dans un cadre donné (Aggeri, Pallez, 2005), les tensions entre emplois détruits et demande de compétences nouvelles, entre métiers sensibles et métiers émergents,

- plus global pour penser les questions d’emplois, de compétences et de GRH en dehors des limites organisationnelles dans lesquelles on les a toujours gérées (Defélix et al. 2013). La GPEC sort ainsi du cadre de l’entreprise pour devenir territoriale et élargir le champ des mobilités possibles. Elle répondrait aux souhaits des salariés plus fidèles à leur territoire de vie qu’à leur entreprise ou leur métier (Everaere, Glee, 2011).

Mais ce ‘territoire’ est toujours à construire, au travers de partenariats renouvelés entre les acteurs d’un même espace défini par sa proximité, et donc entendu comme un lieu possible d’échanges, d’intérêts communs, et donc de partage ou de concertation (Zimmerman, 2008 ; Everaere, Glee, 2011). Malgré les délocalisations, la globalisation de l’économie a contribué à démultiplier les échelles d’action spatiale vers le bas (régions, métropoles, bassins d’emploi) et à les faire émerger comme des lieux (ou pas) de ressources cognitives et innovantes (Pecqueur, 2006). Les entreprises continuent d’avoir besoin de ces ressources au point que leurs difficultés de recrutement deviennent un argument décisif de leur entrée dans un dispositif de GPEC territoriale (Everaere, Glee, 2011). Définir des espaces territoriaux pertinents pour l’action devient un enjeu et dans ce cadre, c’est le territoire lui-même qui devient un espace d’expérimentation où s’inventent de nouvelles formes d’action publique, a-centriques et pluri-acteurs (Aggeri, Pallez, 2005).

La permanence de restructurations diffuses et protéiformes impose selon les auteurs de changer de catégories d’analyse. Il ne s’agit plus de raisonner en termes d’emplois à sauver, de personnes à reclasser d’un côté, d’entreprises à aider ou créer de l’autre, mais de raisonner en dynamique, sur la trajectoire de l’individu et sur l’évolution économique du territoire. Il faut coupler ces deux nouveaux « objets de gouvernement » (ibid.) : les trajectoires individuelles prennent sens par rapport aux spécificités du territoire en termes de besoins de qualification des entreprises et d’offres de formation ; les « trajectoires économiques d’un territoire se construisent à partir des compétences existantes ou émergentes »… « La crise n’est plus alors qu’une séquence de transition entre deux moments d’une même trajectoire qu’il s’agit de mieux piloter globalement » (ibid.).

(6)

2. DES DISPOSITIFS EN ACTION

Pour comprendre les logiques d’action à l’œuvre, nous présentons trois dispositifs expérimentaux. Le premier est un peu ancien (il se déploie entre 2006 et 2008 en région Nord-Pas de Calais) mais nous pensons intéressant de l’évoquer car il se situe à la charnière des deux types d’approches évoqués par Aggeri et Pallez(2005) et permet d’en appréhender les évolutions : l’une fondée sur une logique de sauvegarde de l’emploi, de l’entreprise, l’autre sur une logique de trajectoire individuelle/territoriale, telle que mise en œuvre dans deux dispositifs portés par la Maison de l’Emploi et de la Formation de Lyon.

2.1. Présentation du dispositif Anticipations des Mutations en PME

Conçu, initié et porté par l’Aract Nord-Pas de Calais, le dispositif « AME » destiné aux PME a pour objet l’Anticipation des Mutations en Entreprise. Il propose une instrumentation qui constitue une première sur ce thème, suscitant un véritable engouement au niveau régional tant au niveau des institutions que des multiples acteurs de l’accompagnement des entreprises et des salariés. Conçu en réponse à un appel à projet sur le « capital humain » du Ministère de l’industrie, de la recherche, il n’est pas retenu, mais se transforme en action collective expérimentale à la demande de la Drire. Il séduit la Dirrecte qui contribue avec le FSE à son financement. Le correspondant de l’Aract au Conseil Régional (chargé de mission à l’anticipation des mutations économiques nouvellement arrivé) refuse de porter le projet mais le suit avec assiduité.

Ce dispositif est élaboré à partir des leçons tirées d’interventions de l’Aract (2003-2005) auprès de PME ‘anticipantes’, qui soucieuses de prévenir les effets de la fermeture d’un atelier ou d’une ligne de production, ont de fait sécurisé les parcours professionnels des salariés et l’activité des sous-traitants. Il vise à prouver, entre gestion préventive à froid et gestion curative à chaud, la faisabilité d’une troisième voie, celle d’un accompagnement à

tiède2 propice à la gestion et à la sécurisation des transitions : celle de la PME confrontée à

une mutation, celle des salariés exposés à la menace d’une perte d’emploi. L’objectif est double : équiper conjointement le dirigeant et les salariés, face à une mutation de l’environnement externe (marché, technologie, réglementation…), démontrer la pertinence d’un projet multi-acteurs. Un tel objectif répond aux préoccupations des institutions régionales, soucieuses de développer les PME pour relancer l’activité économique d’une région frappée par la désindustrialisation, des restructurations successives, un taux de chômage très élevé, assorti de faibles niveaux de qualifications.

L’action se déploie à un double niveau :

- celui du territoire, enrôlant les acteurs là où ils agissent3 dans la détection de douze PME confrontées à une mutation et acceptant d’intégrer le dispositif,

- celui des PME accompagnées par un consultant, où se déroulent les interventions. Celles-ci associent dirigeant, managers et salariés dans la construction d’un collectif de travail et de solutions nouvelles négociées (réorganisation, déploiement d’outils d’organisation et de gestion).

Affichant sa volonté d’activer une dynamique collective territoriale, le dispositif construit une chaîne d’acteurs, qui va des acteurs institutionnels, financeurs ou non, aux                                                                                                                

2 Les termes en italique sont ceux du projet.

3Chambres de commerce, Comités de bassins d’emploi, Forthac l’OPCA du textile, Union des Industries Textiles, organisations professionnelles, syndicale (CFDT), patronale (CGPME)

(7)

consultants/intervenants en PME en passant par les acteurs du territoire chargés de la détection. Il distribue les rôles, assure les passages de relais entre les différents acteurs auprès des PME, met en réseau les acteurs utiles à la PME (CIBC, organismes de formation, organismes de financement…), planifie rigoureusement les séquences de l’action et les modalités de regroupements et de débat des acteurs (séminaires collectifs, groupes de pilotage, réunions d’analyse réflexive des interventions).

Acteur reconnu de l’espace social de l’action publique, l’Aract joue un rôle de médiateur entre les mondes de l’action publique et de la logique entrepreneuriale. A ce titre, le dispositif constitue à la fois un lieu d’expérimentation et d’apprentissage collectif. Les interventions en PME font l’objet de récits réguliers par les consultants qui durant deux ans servent de support à une analyse réflexive mobilisant l’ensemble des acteurs intéressés. La mise en commun des expériences ouvre un espace de réflexion et de débat sur les caractéristiques, difficultés, modalités de fonctionnement des PME et débouche sur des connaissances partagées. Cette expérimentation a en effet deux enjeux majeurs : produire et capitaliser des connaissances sur les transitions en PME, décider du financement et de la duplication de deux actions portées par la CGPME et le Forthac. Une évaluation rigoureuse conduite par un chercheur (2009) positionne la situation des PME avant et après l’intervention, sur une grille d’analyse, mesure leur évolution et synthétise les conditions de la mutation à « tiède ».

 

2.2. Deux expérimentations de mobilité professionnelle sécurisée, sur le grand Lyon Le point commun aux deux expérimentations est le souci d’engager des salariés en poste dans un effort d’anticipation de leur mobilité non pas dans les établissements qui les emploient dans le bassin d’emploi lyonnais mais sur le territoire du grand Lyon. L’horizon proposé aux salariés acceptant de réfléchir à leur avenir pour y mener un projet professionnel ou imaginer leur évolution est ainsi largement ouvert : il ne se limite plus à l’entreprise qui les emploie et au métier qui est le leur, il se déploie sur le territoire qui les a accueillis et sur lequel ils veulent continuer à vivre.

Les deux dispositifs étudiés sur Lyon sont relativement récents. Le dispositif Alliance est un dispositif de mobilité inter-entreprises imaginé en 2010 à l’initiative de DRH de quatre groupes internationaux dont le siège social est à Lyon et qui relèvent de l’industrie pharmaceutique (Groupe Bayer en France, Merck Serono France, Mérial Groupe) et l’équipement industriel (Aldes Groupe). Ces différents acteurs s’accordent à reconnaître les insuffisances des démarches jusque là adoptées face à des restructurations qui semblent sans fin : il faut donner aux salariés qui vivent et travaillent sur le territoire, le moyen d’y rester en mettant à jour des possibilités de mobilité territoriale. Cette prise de conscience s’opère pour le dispositif Alliance à l’issue d’une succession de plans sociaux menés par des DRH de sites qui au sein des groupes auxquels ils appartiennent, ont toujours eu le souci de développer des politiques de GPEC. Il leur apparaît nécessaire d’aborder différemment la question de la mobilité, en considérant que les limites des politiques de GPEC « intra-muros » sont atteintes : il paraît impossible à la fois d’assurer à chaque salarié un parcours professionnel cohérent au sein du groupe, et de répondre à ses souhaits de mobilité professionnelle sur le territoire lyonnais. Il faut à la fois inciter un personnel, qui dans ces entreprises est composé majoritairement d’ingénieurs et de cadres, à explorer des possibilités nouvelles de mobilité et à faire évoluer la représentation que ces salariés se font du marché du travail (le Boulaire, 2006). A l’issue d’un an de réflexion et de débats, ces DRH décident d’associer à leur démarche Entreprise et Personnel, réseau associatif d’entreprises consacré au management des hommes et des organisations, et se tournent vers la Maison de l’Emploi et de la Formation

(8)

de Lyon pour porter le projet. L’expérimentation devait prendre fin au 31 décembre 2011, elle est reconduite. Le groupe intègre l’entreprise de téléphonie mobile Orange en 2012, à la demande de son DRH puis selon le même processus, deux nouvelles entreprises qui relèvent de secteurs d’activité différents, l’assistance à l’habitat (Doméo) et la prévoyance (April), en 2013.

La plate-forme de Sécurisation des Parcours sur Lyon est mise en place à titre expérimental en 2013. Le dispositif relève d’une approche de GTEC, créée à l’issue d’expérimentations de plate-forme de mobilité professionnelle sur plusieurs territoires de la région Rhône Alpes, en 2008. Les partenaires historiques du grand Lyon4 décident de s’associer pour répondre à un appel à projet lancé par la région. Le dispositif proposé consiste en une offre d’accompagnement de salariés du territoire, dans leur évolution professionnelle et de sécurisation de leur parcours en développant en direction notamment de TPE-PME des aides afin de les inciter à des démarches d’anticipation. La région a un rôle majeur dans la conception de cette expérimentation, lors du lancement de l’appel à projets. C’est encore la région qui fixe les orientations des plateformes de sécurisation des parcours créés en définissant les publics cibles et les secteurs vers lesquels l’action doit se déployer : pour la Maison de l’Emploi et de la Formation de Lyon, qui est désignée comme le porteur de projet, les cibles sont les bas niveaux de qualification et les secteurs industriels. La région intervient enfin dans le financement du projet, totalement financé sur de l’argent public. C’est donc la région qui fixe les objectifs à atteindre et assure l’évaluation des résultats. Au total il s’agit d’une aide de la région aux entreprises, notamment PME, afin de favoriser la mobilité de leurs salariés : la TPE-PME est considérée comme l’acteur le mieux placé pour assurer le relais dans l’information destinée aux salariés. L’objectif est donc de prendre contact avec ces PME, de les sensibiliser à l’importance d’accompagner les salariés dans leur évolution professionnelle et le développement de leurs compétences. La question soulevée, dans cette expérimentation est celle de l’opportunité de la mobilité du personnel pour des TPE-PME qui éprouvent souvent les plus grandes difficultés à recruter (Everaere, 2011). Pour certaines de ces PME, l’objectif est clairement de ne pas garder des salariés qui n’ont aucune perspective d’avenir5 ou qui doivent développer des compétences nouvelles que l’entreprise ne leur permet pas d’acquérir6. Mais pour la plupart d’entre elles, favoriser la mobilité des salariés ne constitue pas un objectif pour leurs dirigeants, bien au contraire.

Dans ces deux expérimentations l’objectif est de permettre à des salariés employés sur le territoire de développer de la mobilité, en valorisant les trajectoires individuelles dans le champ territorial, et de mobiliser les outils et services existants. L’ancrage territorial peut apparaître naturel dans le cas de la plateforme de sécurisation des parcours professionnels : le dispositif constitue une réponse d’acteurs historiques locaux institutionnels, et acteurs aux compétences spécifiques (organisme de conseil, centre bilan de compétences) à un appel d’offres régional. Il l’est moins pour Alliance dont la démarche est issue d’une initiative de DRH appartenant à des groupes internationaux, qui possèdent tous des établissements ou un siège social sur Lyon. C’est à travers le partenariat établi avec la Maison de l’Emploi et de la Formation que ces acteurs d’entreprise donnent à leur démarche un ancrage à la fois territorial et institutionnel. Le choix de la Maison de l’Emploi et de la Formation pour porter ces deux projets n’a rien d’anodin, car cette structure constitue le lieu de coordination des acteurs                                                                                                                

4 Participent à la construction d’une réponse à cet appel à projets : les structures d’accueil, information et

orientation et d’accompagnement /CIBC, les acteurs économiques,/ CCI, les financeurs de la formation ie les OPCA, Agefos PME, Opacif

5 comme peuvent le déclarer certains dirigeants de PME dans les services à la personne 6 l’exemple en est donné par une entreprise de nettoyage

(9)

présents sur le territoire et un lieu d’articulation de différentes logiques (Loubès, 2010). La mise en œuvre de ces deux dispositifs est confiée à la chargée de mission de la MDEF, à savoir l’accompagnement des salariés dans leur projet de mobilité professionnelle pour Alliance, et la sensibilisation des PME à ce type de problématique pour la plate-forme de sécurisation des parcours.

Par contre, les deux expérimentations sont différentes si l’on considère leur cible. Engagé par un réseau de DRH de groupes internationaux, Alliance entend favoriser la mobilité des salariés diplômés (bac+ 4 ou 5) et qualifiés employés dans de grosses structures, dont l’avenir n’est pas assuré sur le territoire du Grand Lyon. Initié par la région, la plate-forme de sécurisation des parcours a une autre cible : inciter des salariés souvent peu qualifiés de PME implantées sur le territoire lyonnais dont les perspectives de carrière sont inexistantes dans les petites structures qui les emploient. Les logiques sous-jacentes aux deux dispositifs sont également totalement différentes, l’une est de nature entrepreneuriale, l’autre de type institutionnel.

3. QUELQUES ENSEIGNEMENTS

Bien que différents, les dispositifs observés soulignent un certain nombre de conditions d’émergence d’une action collective territoriale. La première de ces conditions est la construction d’un collectif d’acteurs que favorise l’existence de relations interpersonnelles, souvent anciennes entre certains d’entre eux. Dans les dispositifs observés, ce collectif associe des acteurs dont les intérêts et les logiques d’action peuvent profondément différer : employeurs et employés, acteurs publics et privés. La seconde condition est l’engagement individuel , la conviction et la personnalité du ou des porteur(s) de projet, sans lesquels la pérennité de l’action ne semble pas assurée. Le succès du dispositif AME doit beaucoup à la compétence d’intermédiation du porteur de projet et à son expérience, l’Aract. L’existence d’un tiers apparaît nécessaire pour faire travailler ensemble des acteurs qui ne le font pas spontanément (dirigeant et salariés par exemple), ou qui appartiennent à des mondes différents (public/privé). Le dispositif Alliance est davantage construit sur la base d’un engagement collectif qu’un ensemble de règles structure et stabilise. L’adoption d’un référentiel commun semble également constituer une condition essentielle d’un dispositif d’action collective. Composé de postulats, d’hypothèses à tester, de concepts empruntés aux discours scientifiques ou ordinaires, de méthodologies, de convictions et de valeurs partagées, ce référentiel que nous avons qualifié de « théorie de l’action » dans le cas du dispositif de l’Aract (Dietrich, 2013) rend possible l’enrôlement d’acteurs et favorise la réflexion sur l’action. Ce référentiel commun est à constituer au sein du groupe d’entreprises partenaires à l’origine d’Alliance et nécessite du temps pour s’accorder sur le vocabulaire : à raison d’une réunion tous les deux mois, on s’efforce d’abord de s’entendre sur le sens des mots, et ce durant un an, avant d’identifier les problématiques d’emploi spécifiques à chaque entreprise membre, et celles qui sont communes à toutes. La constitution d’un référentiel commun passe aussi par l’adoption de règles de fonctionnement pour définir les engagements des membres du groupe porteur du projet qui se trouvent consignés dans une charte, avec partage de l’information, et mutualisation des outils et bonnes pratiques de gestion des ressources humaines. Créer un référentiel commun passe enfin par la construction d’outils de gestion de l’emploi, la création d’une bourse d’emploi commune puis l’élaboration d’un répertoire commun des emplois et cartographie des métiers d’Alliance. Mais les logiques sous jacentes à ces dispositifs sont différentes.

(10)

3.1. Alliance, une logique entrepreneuriale

La conduite du dispositif Alliance a été menée à partir d’une logique entrepreneuriale, qui mobilise des configurations d’acteurs proches de la décision économique (Verdier, 2010) chargés de représenter les intérêts économiques et financiers du groupe et d’abord ceux des établissements implantés sur le territoire7. Le projet de mobilité inter-entreprises a été

construit, selon les termes d’un des acteurs, par des entreprises dont les projets et les stratégies sont différentes, mais qui partagent une « même sensibilité à ces questions de GPEC ». Dans ce contexte, la question posée est la suivante : comment coopérer, en s’engageant dans la construction d’un dispositif de mobilité inter-entreprises, sans mettre en péril les intérêts économiques et financiers de chacune d’elles, en prenant en compte aussi le fait que certaines d’entre elles peuvent être concurrentes sur le marché des biens et des services. D’emblée, il est écarté pour cette raison la possibilité de confier la mise en œuvre du projet à un des acteurs d’entreprise. Le choix de confier à la Maison de l’Emploi et de la Formation le soin de porter le projet et d’assurer sa mise en œuvre est un moyen d’éviter que l’un ou l’autre représentant d’entreprise prenne une position dominante, au sein du groupe. La réponse apportée est à cette question, fondamentale pour la pérennité du projet, a été un quasi-cloisonnement entre ce qui relève de la politique de Ressources Humaines des firmes, notamment de la GPEC au sein de ces groupes, et ce qui est de la mobilité proposée aux salariés de ces entreprises sur la base du volontariat dans le cadre d’Alliance. Le principe du volontariat est à la base de toute entrée dans le dispositif Alliance, un principe à l’opposé de toute idée de mobilité imposée, ou même nécessaire au sein de l’entreprise. En outre, la mobilité envisagée dans le cadre d’Alliance doit se faire hors de tout projet de restructuration. Impossible donc de recourir à ce dispositif pour résoudre des problèmes d’emploi immédiats et urgents. La démarche de mobilité part de l’individu : si la demande du salarié est faite au référent Alliance (un responsable RH) au sein de l’entreprise qui l’emploie et s’il reçoit le soutien de son manager, il est accompagné dans la construction de son parcours professionnel, par le coordinateur d’Alliance, salarié de la MDEF ; car il est très rare que les salariés disent dès le départ « je veux aller sur tel poste »8. Par contre, la condition fixée pour intégrer le Comité de Pilotage est d’avoir négocié pour l’entreprise membre un accord de GPEC.

3.2.1. Une voie pour gérer différemment l’emploi

Alliance concerne au départ plus de 8500 salariés, 10 000 à partir de 2013. Il s’agit de salariés diplômés, où les cadres sont sur-représentés9. Ce public est d’un âge élevé : 55% des effectifs

d’Alliance ont plus de 45 ans, cette proportion n’étant que de 46% pour la zone d’emploi de Lyon.

Alliance Zone emploi Lyon

Plus 45 ans 55,5% 46,5%

Plus 50 ans 39% 34%

Plus 55 ans 21,7% 22%

 

                                                                                                               

7 La limite de cette analyse tient au fait que nous n’avons pas pu jusqu’à présent accéder à des sources directes

d’informations, à des entretiens avec les DRH concernés, et aux documents faisant des échos aux débats qui ont eu lieu au sein du Comité de Pilotage.

8 selon les termes du coordinateur Alliance

(11)

Face à un déséquilibre de la pyramide des âges, le dispositif Alliance apparaît comme une réponse à un problème ancien, que la crise n’a fait qu’accentuer en réduisant la mobilité des salariés employés dans ces grosses structures. Des recrutements sont nécessaires, encore faut-il qu’faut-il y ait des départs suffisamment nombreux pour embaucher des jeunes, notamment en contrats d’apprentissage ou contrats d’avenir. A court terme, le dispositif Alliance n’apporte aucune réponse à ce problème. Il ouvre par contre, une voie pour résoudre un problème récurrent dans ce type de structures. La mise en œuvre d’Alliance permettrait aux salariés employés dans ces groupes d’envisager leur avenir professionnel hors de l’entreprise, en bénéficiant de parcours qui se dessineraient dans un champ territorial. Comme l’indique une note de présentation récente, l’objectif est d’identifier de nouvelles passerelles vers d’autres métiers et d’autres entreprises, et de favoriser l’employabilité sur le bassin d’emploi des collaborateurs amenés à évoluer (2013).

3.2.2. Un projet collectif basé sur des engagements forts

C’est sur la base de relations interpersonnelles anciennes que le groupe Alliance s’est constitué : les quatre DRH à l’origine du dispositif se connaissaient et entretenaient une relation de confiance. Puis c’est sur la base d’un principe de cooptation et d’un agrément explicite du Comité de pilotage que le groupe s’est étoffé, à partir de 2012, en intégrant de nouveaux membres (Orange, Doméo, April). Il a été établi à cet effet une procédure d’intégration pour les petites structures, « un partenariat premier pas », qui ne donne pas droit au nouveau membre de prendre part aux décisions.

* un engagement financier des entreprises membres

Le fonctionnement d’Alliance repose sur l’engagement financier de toutes les entreprises engagées dans Alliance. En se dotant d’un budget propre, les entreprises membres assurent au groupe une indépendance financière totale : le dispositif est financé à 90% par des fonds privés. Elles manifestent tout autant leur volonté de contribuer matériellement à son fonctionnement, que de préserver leurs intérêts propres. Comme membre du Comité de pilotage, la Maison de l’Emploi et de la Formation est soumise à la même participation financière, Entreprise et Personnel y faisant un apport en accompagnement. Cet engagement financier donne aux membres du Comité de pilotage le droit de participer aux décisions débattues en son sein. Le résultat est que ce sont « les entreprises qui financent, décident et donnent les orientations ».

* Un engagement stabilisé dans des structures et des dispositifs organisationnels

La condition pour construire une action collective et prévenir l’effet des risques attachés à l’emploi et au travail est l’existence d’un haut niveau de coopération (Verdier, 2008, Defélix, Retour, 2013). Le degré de coopération atteint dans le dispositif Alliance est le résultat d’une série de décisions prises au cours des deux premières années d’expérimentation, afin de formaliser le fonctionnement du groupe et de stabiliser l’engagement de ses membres. Le comité de pilotage prévoit que chaque entreprise sera représentée par un décideur, en l’occurrence un DRH. Un responsable RH au sein de chaque entreprise est désigné pour être référent Alliance au sein du groupe opérationnel, chargé de la mise en œuvre du dispositif. Il revient au comité de pilotage de fixer les grandes orientations de l’expérimentation et d’assumer les décisions prises en son sein.

Le souci de garder la maîtrise du processus engagé est manifeste tout au long de la démarche de construction du dispositif. Dès le départ, les entreprises entendent limiter le nombre d’acteurs participant au groupe de réflexion. Si la Maison de l’Emploi de Lyon est sollicitée

(12)

pour porter le projet, son statut ne diffère pas au sein du comité de Pilotage des entreprises membres (participation au budget, et capacité de prendre part aux décisions). Intégrer d’autres acteurs institutionnels n’a pas de sens pour le comité de pilotage. L’objectif n’est pas de donner de la visibilité à une expérimentation, et de lui assurer de la légitimité institutionnelle. La légitimité de la démarche est d’ordre économique et sociale, elle s’adosse à la légitimité des décideurs que sont ces DRH, au sein de leur groupe.

* Un engagement sollicité du côté des salariés

Si la démarche repose sur l’engagement des entreprises partenaires, elle suppose aussi de la part du salarié des engagements, consignés également dans une charte. Celle-ci prévoit « des engagements réciproques entre le salarié bénéficiant du dispositif et le coordinateur Alliance en charge de son pilotage » : implication dans la mise en œuvre du plan d’actions de développement professionnel établi et promotion d’une démarche partagée dans le cadre d’explorations métier et d’échange de pratiques.

3.3. Logique de sécurisation et PME

La PME est une cible privilégiée des pouvoirs publics et des institutions territoriales pour plusieurs raisons : son potentiel de création d’emploi, les risques de dévitalisation du territoire liés au vieillissement des dirigeants, aux difficultés de transmission, mais aussi l’absence de GRH, de management et de développement des compétences, préjudiciable au devenir des salariés mais patente dans les PME du dispositif AME. Pourtant ces PME se révèlent difficiles à enrôler10 ! Méfiance des dirigeants à l’égard des institutions publiques, culte du secret mais aussi saturation face à des démarchages concurrents et redondants de la part d’une multitude de structures. Car il existe une multiplicité de dispositifs destinés aux PME (création, reprise, transmission, accompagnement…) et leur dimension pléthorique, leur manque de lisibilité ont fait l’objet de débats tout au long de l’action. Pour le représentant du Conseil régional, AME n’avait pas de raison d’être, vu les dispositifs existants. Pour la CGPME au contraire, le dispositif AME a précisément l’intérêt « d’offrir une aide aux

entreprises n’entrant dans aucun des dispositifs mis en place régionalement »11, soulignant

que « les politiques publiques sont d’abord des choix de clientèles et par contre coup de victimes » (Lascoumes, Le Galès, 2007). Pour la Direccte, la logique publique de dispositifs, avec ses critères d’éligibilité parfois complexes, ses temporalités qui ne sont pas celles de l’entreprise, ne répond pas aux besoins d’une dynamique de projet.

Fondée sur l’hypothèse d’une proximité entre les acteurs de l’emploi, de l’aide aux entreprises, du développement du territoire et les PME locales, l’action AME se heurte à la difficulté d’enrôler des PME. Bien que nombreux à vouloir participer, ces acteurs ne se sont pas tous mobilisés. Ils ont presque tous exprimé un sentiment d’ingérence12 face à un dirigeant non demandeur de conseil, même dans le cas d’une proximité forte avec leurs adhérents (CGPME et Forthac). Mais les PME détectées, loin d’être ‘anticipantes’, se sont toutes révélées en retard d’anticipation, et pour certaines, en grande difficulté, menacées dans leur activité, avec parfois un dirigeant défaillant (maladie, refus d’entendre que son activité est menacée à terme). L’échantillon s’est ainsi révélé très hétérogène, imprévisible, instable, à l’image des PME elles-mêmes, plutôt anciennes, familiales ou coopératives, sur des secteurs en difficulté, confrontées pour certaines à des problèmes de trésorerie, pour d’autres à un enjeu de transmission ou de reprise, à une concurrence internationale... Le suivi de cet                                                                                                                

10 La MDEF de Lyon rencontre la même difficulté.

11 Ainsi le dispositif de GPEC territoriale démarrant en 2008, exclut-il les PME qui ont des problèmes d’emploi. 12 formulé ainsi : « comment lui dire qu’il va dans le mur ? ».

(13)

échantillon a toutefois été riche d’enseignements quant à la mesure des risques qui menacent une PME.

Les caractéristiques de la PME en difficulté ont été formalisées à partir de trois critères : l’exposition à l’incertitude (visibilité très courte sur le carnet de commande par exemple), la dépendance au client ou au donneur d’ordre (PME mono-clientes13), l’état des ressources,

notamment cognitives (Beaujolin-Bellet, 2009). C’est le cumul de ces facteurs qui crée la situation de mutation. La PME est d’autant plus menacée que l’écart entre les risques d’incertitude et de dépendance, et les ressources internes est fort. C’est donc la capacité de l’entreprise à recombiner rapidement ses ressources qui fait bouger le curseur entre la gestion curative à chaud et la possibilité d’un traitement à tiède. L’évaluation des interventions montre que nombre de PME ont rebondi : elles n’ont pas supprimé les emplois là où elles pensaient devoir le faire, mais ont au contraire redistribué les compétences ; elles ont renforcé et professionnalisé leur management de proximité, remis à flot leur trésorerie, formalisé leurs modalités de gestion. Les consultants ont défini l’intervention comme « une recombinaison globale des ressources » et fait de la « plasticité » de la PME, une caractéristique de sa capacité à rebondir dans un environnement difficile. Pour autant, des PME qui avaient assaini leur situation, ont fermé deux ans plus tard, témoignant de leur non pérennité. L’action AME a ainsi nourri une vive controverse à l’échelle régionale : dans quelle mesure les institutions publiques doivent-elles aider des PME en difficulté ? Faut-il ‘sauver’ à tout prix ces entreprises pour maintenir leurs emplois ? Ou vaut-il mieux les laisser ‘mourir’ et consacrer l’argent public à l’accompagnement individuel de leurs salariés ? Les dirigeants de ces PME affichaient tous le souci de préserver ou de sécuriser l’emploi de leurs salariés. C’est la raison de leur entrée dans le dispositif. Mais l’option dominante au niveau du Nord-Pas de Calais est plutôt aujourd’hui de partir des besoins du territoire et des opportunités de développement, choisies ou émergentes, pour aider des entreprises à se développer autour de nouvelles activités vers lesquelles orienter le développement des qualifications attendues.

Conclusion

La comparaison de ces dispositifs expérimentaux fait apparaître des points communs, si l’on considère la dynamique de l’action collective qui en est à l’origine. Celle-ci prend des formes diverses, elle répond à des logiques très différentes si l’on considère la logique entrepreneuriale que portent les entreprises membres du groupe Alliance à Lyon, et celle plus institutionnelle de la plateforme de sécurisation des parcours à Lyon ou l’action Anticipation des Mutations en PME dans le Nord Pas de Calais. Pourtant, à travers des expérimentations menées à quelques années d’écart, la question passe bien de la sauvegarde des emplois/ entreprises à celle de la trajectoire individuelle à construire, dans un champ territorial donné. L’expérimentation menée dans le Nord Pas de Calais a le grand intérêt d’ouvrir de multiples débats sur les PME. A travers le débat engagé à cette occasion au niveau régional, émerge l’idée qu’il vaut mieux partir du développement du territoire, pour soutenir les besoins des entreprises, notamment des PME qui y sont implantées. A Lyon, la mise en place de la plate-forme de sécurisation des Parcours se heurte à la difficulté de toucher les PME et plus encore de les mobiliser sur le thème de la mobilité de leurs salariés. Le groupe d’entreprises à l’origine du dispositif Alliance apparaît de son côté, porteur d’une dynamique propre qui dépasse la mutualisation des ressources et des problématiques inter-entreprises, sans que l’on sache encore très bien quel pourra être la relation à terme entre le dispositif de mobilité créé                                                                                                                

13Une PME entrée dans le dispositif à l’issue de la reconduction de son contrat par son donneur d’ordre, a fermé peu après, suite à la réduction des coûts imposée.

(14)

pour les salariés de ces entreprises et le bassin d’emploi de Lyon. Ces dernières expérimentations ont comme autre intérêt de marquer le rapprochement opéré entre les sphères publique et privée, en reconnaissant aux Maison de l’Emploi et de la Formation un rôle déterminant dans la mise en œuvre des dispositifs de mobilité professionnelle sécurisée.

Bibliographie

Aggeri F., Pallez F. (2005), « Restructurations, délocalisations : les nouvelles formes de l’action territoriale », Revue de l’Ires n° 47/1, p. 235-256.

Chassard Y., Kerbouc’h J.Y. (2009), « Les institutions de la flexicurité », Revue de l’Ires n°63/4, p. 77-103.

Beaujolin-Bellet R. (2008), Le territoire, laboratoire d’innovations en matière de gestion des conséquences des restructurations », Revue de Gestion des Ressources Humaines, n° 70, p.17-29.

Beaujolin-Bellet R. (2009) « L’action collective AME dans les PME menée par l’ARACT NPdC » Rapport d’évaluation, juin, Reims Management School.

Berthet T., Conter B. (2011), « Les changements d’instruments de la politique de l’emploi en Wallonie et en France », Travail et Emploi, n° 125, janvier-mars, p. 55-65.

Defélix C. (2012) « Gestion des Ressources Humaines et des Compétences dans les territoires », Encyclopédie des Ressources Humaines, Allouche J. coord., 3ème Edition, Vuibert, p. 230-235.

Defélix C., Dégruel M., Le Boulaire M., Retour D. (2013), « Elargir la GRH aux dimensions du territoire : quelles réalités derrière les discours ? », Management et Avenir, n° 59, p. 120-138.

Dietrich A. (2013), « Anticiper les mutations en PME : étude d’un dispositif d’action collective », Gérer et Comprendre, Annales des Mines, n° 114, décembre, p. 8-18.

Duclos L. (2008), « Le droit de la bonne pratique : enquête sur une norme de GPEC », Cahiers philosophiques, n° 116/décembre, p. 41- 69.

Duclos L. (2009), « la flexibilité et la question des sécurités adéquates », Revue de l’Ires n°63, p. 35-62.

Everaere C., Glee C., (2011), « Observatoire de l’évolution des emplois et des compétences de la ville de Lyon : une contribution à une GRT territoriale durable ? », Colloque Développement durable, territoires et localisation des entreprises, vers une attractivité durable ?, Université Montesquieu Bordeaux 4, septembre.

Fretel A. (2013), « La notion d’accompagnement dans les dispositifs de la politique d’emploi : entre centralité et indétermination », Revue Française de Socio-économie, n°11, p. 53-67.

Freyssinet J. (2009), « Flexibilité et sécurité : quelles stratégies d’acteurs », Travail et Emploi, n° 118, avril-juin, p. 113-121.

Gazier B. (1999) « Employabilité : concepts et politiques », InforMISEP, n° 67/68, p. 38-51. Gazier B. (2003) « L’employabilité », Encyclopédie des ressources humaines, J. Allouche (coord.), Vuibert, 1ère Edition, p. 418-427.

Kaisergruber D. (2010), « Anticiper et accompagner les mutations : Europe, territoires et entreprises », Actes 16è rencontres Economie, Emploi, Travail en Rhône-Alpes, DIRECCTE Rhône-Alpes, Université Lyon II, MIFE de Savoie, 23 novembre.

Lascoumes P., Le Galès P. (2007), Sociologie de l’action publique, Armand Colin.

Maruani M. (1994) « Marché du travail et marchandage social », Travail et Emploi, Lallement M. (éd.), L’Harmattan, p. 237-246.

(15)

Maruani M., Reynaud E. (2004) Sociologie de l’emploi, Collection Repères, Editions La Découverte.

Mériaux O. (2009) « Les parcours professionnels : définition, cadre et perspectives », Education Permanente, n° 181-4, p. 11-21.

Parlier M. (2009), « La construction des parcours professionnels : Editorial », Education Permanente, n° 181-4, p. 5-10.

Pecqueur B. (2006) « Le tournant territorial de l’économie globale », Espaces et sociétés, n° 124-125, p. 17 à 32.

Raveyre M. (2005), « Restructurations, grands groupes et territoires. De l’utilité de la construction d’espaces de coordination localisés », Géographie, Economie, Société, 7.

Reynaud J-D. (2001), « Le management par les compétences : un essai d’analyse », Sociologie du Travail, vol. 43, n°1, janvier-mars, p. 7-31.

Salais R., Raveaud G., Grégoire M. (2002) « L’évaluation de l’impact de la Stratégie Européenne pour l’Emploi –Thème 10 : Elaboration des politiques, Etude pour la DARES, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, janvier.

Verdier E. (2008), « Vers une gouvernance territoriale face aux risques du travail ? »,  Travail   et  Emploi,  n°113  

Zimmermann J.B. (2005), « Entreprises et territoires : entre nomadisme et ancrage territorial », Revue de l’Ires, n° 47/1, p. 21-36.

   

Références

Documents relatifs

Production : grandes cultures - 2ha Recherches : impacts et performances agronomiques, économiques et environnementaux Date de conversion : 1998-2000. Production : système

Iddac, institut départemental de développement artistique et culturel de la Gironde 59 avenue d’Eysines – BP 155 – 33462 Le Bouscat Cedex – 05 56 17 36 36 – www.iddac.net..

Cette équipe a produit un premier schéma qui explique ce que bouleverse dans les établissements la mise en place de l’individualisation des parcours2. Elle évoque l’ensemble

Dans ce texte, le Ministre précise les modalités de mise en place de l'enseignement de l'histoire des arts, le principe d'une évaluation des connaissances, le développement

Le 4 septembre :République proclamée par Léon Gambetta (Républicain modéré) qui met en place un gouvernement provisoire de Défense nationale» et poursuit sans succès la

Activé dans le cadre d’un Pack Jeune Rénové, le TAJ se veut un levier renforcé d’accompagnement des jeunes réunionnais vers une insertion professionnelle durable avec

7 C’est donc la question des effets indésirés, si ce n’est clairement nocifs, de ces dispositifs sur les parcours professionnels des bénéficiaires comme

Deux dispositifs expérimentaux ont été utilisés : une unité technologique permettant la synthèse de solutions métalliques colloïdale, et un dispositif permettant une étude