LE PIERRE DE COULEVAIN
T H E S E
PRESENTEE POUR LA MAITRISE ES-ARTS PAR HARRIETT ELLIOTT
TABLE DES MATIERES
AVANT - PROPOS
Chapitre Pierre de Coulevain .Valeur comme écrivain ^Impopularité en France .Vie effacée
'influences
Deux t y p e s d'Anglo-Saxons
Chapitre II Les Anglais, d'après L'Ile Inconnue L'Anglais
L'Anglaise Le Snobisme
Les Différentes classes sociales L'Affection pour les animaux
L'Hospitalité Le Besoin de changement La Liberté Le Loyalisme Le Manque de goût La R e l i g i o n
Chapitre III L'Américaine
Les Américaines à Paris
Caractéristiques américaines Extraits (contemporains)
Idées hardies de l'auteur
Le Catholicisme aux Etats-Unis
AVANT - PROPOS
Valeur comme écrivain. Impopularité en France
Un lecteur au courant des oeuvres essentielles de la littérature française ne laisserait pas entrevoir une lacune considérable dans ses connaissances, s'il demandait en lisant le sujet de cette thèse, qui est Pierre de Coulevain et à
quel titre mérite-t-elle une étude approfondie de ses oeuvres? Il est vrai que très peu de place lui est accordée dans la critique littéraire de son pays. Il a fallu môme des
recherches opiniâtres pour établir la date exacte et le lieu de sa naissance. Son souvenir paraît sombrer dans un oubli parfait• Est-ce que ses écrits ne valent pas la peine d'être lus, ou# plutôt, cette indifférence, peut-elle s'expliquer autrement que par la médiocrité de son talent? A l'appui de cette dernière hypothèse on s'empresse de faire prévaloir les mots d'éloge exprimés dans la mince critique littéraire française ayant trait à son talent et â ses oeuvres.
Il y a d'abord l'appréciation qui n'est pas à dédaigner dans le Larousse du XXème siècle, qui qualifie Madame de
Coulevain «d'écrivain pénétrant, délicat, d'une haute distinc-tion morale.» Ensuite dans l'Histoire de la Littérature
Française Illustrée, dans le chapitre consacré a la Littérature Féminine,se trouve ce court mais éloquent éloge: «Pierre de Coulevain morte en 1913, qui a peint à merveille le monde
cosmopolite».
livre: wLe Roman MerveIlleuxH, un long article sous la plume d'Alhéric Cahuet parut dans l'illustration de
novembre 1913. L'auteur de cet article parle de Madame de Coulevain en termes aussi affectueux qu'élogieux, l'appelant «le doux fantôme toujours familier» et regrettant d'avoir reçu «la dernière pensée de l'émlnente disparue.»
Dans la maigre bibliographie qu'on a pu rassembler sur cette femme auteur dont la vie était si différente de celle de la femme traditionelle en France, il s'en trouve d'autres, cependant bien moins élogieux; à ce propos on peut citer un article qui parut dans «Mercure de France« sous la signature de Rachilde. La lecture de ce passage nous permet de nous rendre compte combien peu la femme cosmopolite était tenue en estime â ce moment-là en France. »Sur la Branche» par Pierre de Coulevain. L'histoire d'une Femme de Lettres de cinquante-huit ans dont le premier roman s'enlève. Je ne crois jamais une femme de lettres sur parole écrite ou verbale, mais moins celle-là que tout autre. Elle écrit
jusqu'à son dernier soupire qui est «Tombée de la Branche.» Elle est heureuse de vivre à l'hôtel et de ne jamais savoir où elle va passer ses vacances de Pâques ou ses villégiatures d'automne. Si le roman n'était pas bien écrit, je dirais aux lecteurs de se méfier de cette femme-là mais ce doit être
un homme car on aperçoit des coins philosophiques d'une désolante sérénité.»
Sur le môme ton on trouve dans ce même Mercure de France un compte-rendu d'^ve Victorieusen mais qui au point de vue
littéraire rend hommage à ce roman » écrit avec soin» et ajoute qu'on y trouve de «curieux détails sur la vie de la noblesse r ornai ne •»
Il reste à l'abbé Bethléem dans Romans à Lire et Romans à Proscrire à faire la critique la plus acerbe de l'écrivain et de ses oeuvres. La condemnation de l'abbé paraît foncière-ment injuste. On se permet de demander si l'abbé, désireux
avant tout de protéger son église de toute critique n&a pas péché par un excès de zèle et irême s'il s'est donné la peine
de lire les écrits dont il fait si catégoriquement le procès. Il est vrai que Pierre de Coulevain ne connaissait pas de
bornes dans les essors de sa pensée et qu'elle n'allait pas régulièrement à la messe, mais, bien qu'elle ne fût prati-quante elle était foncièrement religieuse et très catholique dans son âme. Dans deux de ses livres JSve Vie tori euse„ et
vxl'Ile Inconnue,, l'héroïne de chacun, Hélène Ronald dans le
premier et Edith Baring dans le dernier se convertissent au cahtolicisme. L'abbé la reconnaît toutefois comme étant
wcharmante causeuse» ce qui est pour l'étude en question la partie de sa critique qui a le plus de valeur, étant donné que le Roman Merveilleux est un de ses livres ou les
Anglo-Saxons ont peu de place. Mais il serait intéressant de citer le dernier paragraphe de son article. Vu le fait qu'un grand nombre des lecteurs de l'abbé considère son opinion comme
paroles d'évangile» Le »Roman Merveilleux» plus
répré-hensible encore, n'est qu'un pamphlet aussi perfide qu'odieux dirigé contre la religion «catholique.»
Lorsque Winifred Stephens dans son livre «Freneh Novelests of Today» était en train d'écrire son article sur Pierre de
Coulevain, plusieurs de ses amis à Paris lui ont demandé
pourquoi elle voulait lui accorder une place dans son ouvrage, ajoutant invariablement: «Personne ne la lit en France.»
Il paraît incontestable que Pierre de Coulevain n'a jamais
été très populaire dans son propre pays. Son esprit cosmopolit< faisait froncer les sourcils de ses compatriotes. Elle était elle-même sensible à cette méfiance. Elle dit dans »Sur la Branche» en se trouvant dans un milieu entièrement français qu'elle s'est sentie tout a coup dépaysée. «La femme nomade et cosmopolite que je suis ne leur inspire qu'une médiocre confiance. Ils désapprouvent surtout ma manière de vivre.* Une provinciale avec un cliquetis expressif de ses aiguilles à tricoter, résume parfaitement l'attitude traditionnelle française à l'égard de la femme. «Il faut avoir sa maison, ses oeuvres de charité.» Jean Noël, car c'est sous ce nom de plume qu'elle a écrit «Sur la Branche,« ajoute tristement, «Du coup je me suis sentie annihilée, car je ne possède aucune de ces choses qui font la respectabilité sociale.«
En outre elle s'est aliénée la sympathie de la bourgeoisie traditionnelle dont les filles étaient élevées au couvent ou
ou dans des cours (petites écoles privées) par ses vertes critiques sur l'éducation de l'enfant et de la jeune fille, pour laquelle elle convoitait la liberté dont jouissaient la jeune fille anglaise et américaine.
Après la publication deJL'Ile Inconnue ^.Madame de
Coulevain est reconnue partout comme femme de lettres, même l'abbé Bethléem dans son article la reconnaît comme telle. »Elle conquit la célébrité par l'Ile Inconnue (l'Angleterre). Dans cet ouvrage, comme dans les précédents et danswAu Coeur de la Vieuelle se révèle charmante causeuse mais très
mauvaise philosophe.»
C'est à l'étranger, évidemment que Madame de Coulevain a eu son grand succès. Il est juste, peut-être que ce devait être parmi ceux qu'elle se plaisait surtout à peindre, que ses livres seraient les plus appréciés. Aucun des préjugés qui rend parfois hésitants ses compatriotes à goûter ses romans, n'a de sens pour les Américains et les Anglais. Pourquoi ne pas vivre à l'hôtel si on le désire. Est-ce un Péché de voyager? En outre, le sujet les Intéresse parce qu'elle parle d'eux. Son style est soigné et joli à l'oreille.
La lecture de deux de ses livres «Eve Victorieuse» et «Noblesse Américaine» est parfois passionnante. En général, cependant, l'Intrigue est mince et les personnages nébuleux. La valeur réelle de ses livres réside dans le fait qu'ils conservent un intérêt historique, documentaire, sur l'esprit d'un certain mondera une certaine époque, et sur le dévelop-pement de quelques institutions mondaines. Comme par exemple,
sa description dans „Sur la Branche,, de l'évolution du five o'clock à Paris. Pour les étrangers l'intérêt qui prime dans ses écrits est dû à ses dons remarquables d'observatrice et de sa conception profonde des traits nationaux.
En outre, Madame de Coulevain sait sortir d'elle-même et d'y faire entrer un autre personnage vivant et impression-nable. Sans ce talent, l'observateur le plus minutieux n'arriv erait jamais à pénétrer dans le fond d'une civilisation
étrangère.
SI l'on s'amuse à faire -une causerie charmante et spirituelle, si on veut au moyen de dialogues délicats et d'observations brillantes et fines, connaître mieux l'espèce humaine, surtout cet individu si peu compris, l'Anglo-Saxon, on ne pourrait mieux faire que d'entamer la lecture de cette femme pénétrante et bonne. On passera des moments charmants avec elle et on aura plus d'admiration pour les qualités de ses semblables et plus d'indulgence pour ses défauts.
Sa Vie Effacée
Influences Qui Ont Pu Orienter Son Goift
Le talent littéraire qui a poussé Pierre de Coulevain à
écrire ses romans s'est révélé a l'auteur sur le tard. Pendant sa vie errante et solitaire elle avait été le dépositaire de
mille impressions. Psychologue par excellence, doublée de fine observatrice, elle avait amassé, à son insu, peut-être, le
matériel dont elle s'est servie plus tard.
On connaît très peu la vie de Madame de Coulevain. Tous les renseignements que l'éditeur de ses livres de la maison
Calmann-Lévy a pu nous fournir se bornaient à l'adresse de Madame Medge, censée être sa seule héritière. Une lettre envoyée à celle-ci, cependant, a été retournée par la poste à l'expéditrice. Madame de Coulevain serait la dernière à se plaindre du mystère qui enveloppe sa vie. Dans l'Epilogue duaRoman Merveilleux,,le lecteur est averti que le désir formel de l'auteur est de demeurer inconnue et elle répète souvent dans ses écrits que son oeuvre seule appartient à la critique et à la curiosité. Presque tout ce qui rappelle cette femme auteur est un simple monument élevé à sa mémoire au cimetière de Territet, et mentionné seulement dans l'article de Monsieur Cahuet (dans l'Illustration de 1913).
Le Larousse du XXème siècle et le Dictionnaire Encyclopédiqi Quillet, publié en 1934 sont les seules sources qui s'accordent sur la date de sa naissance. Même The Library of Congress s'est trompée d'à peu près un demi-siècle. Le compte rendu dans
Le Larousse est le plus complet: on y apprend qu'Augustine
Favre de Coulevain est née dans le pays de Gex en 1938 et morte à Lausanne en 1913. Sa vie assex mystérieuse s'est écoulée en Algérie, à Genève, à Rome, en Angleterre et à Paris. La lecture de ses romans nous porte à croire qu'elle appartient à une
famille aisée. Dans son livre «Sur la Branche,» qui est
con-sidéré comme une auto-biographie, l'auteur nous laisse entrevoir quelques influences qui auraient pu orienter son goût. Dans un roman de ce genre, cependant, on n'est jamais sûr, où la vérité finit et où la fantaisie commence. Quoi qu'il en soit, voici, ce qu'on y apprend.
D'aussi loin que l'auteur peut se souvenir, l'influence anglaise avait déjà pénétré dans sa famille. Sa mère avait beaucoup d'admiration pour la littérature anglaise. Cette
prédilection avait été entretenue chez elle par l'arrivée d'une jeune femme anglaise, épouse d'un médecin qui s'est installé dam la maison voisine. Madame de Coulevain, petite fille à ce
moment-là se souvient comme si c'était hier, de cette amitié,
qui a influencé son éducation physique aussi bien que littéraire, Elle était vêtue et soignée comme une enfant anglaise. Ses
robes courtes, qui donnaient libre cours à ses petites jambes, scandalisaient quelque peu son entourage. On blâmait sévère-ment sa mère, que cette mode hygiénique avait séduite. La petite Augustine qui adorait ses robes courtes et qui était
Intriguée par la nouvelle langue que lui parlait la dame, comme elle le faisait à son petit garçon, a eu une Impression favorable de l'anglais que même la mort de celle-là et le départ du
docteur, n'ont pas pu effacer.
Une fois la petite a eu douze ans, il est arrivé dans cette ville un autre agent envoyé par la Providence en la
per-sonne de Monsieur Gray «triste figure à longue silhouette mince.. Personne ne savait rien sur son histoire, mais la mère d'Augus-tine qui avait pitié de lui, l'a engagé pour donner des leçons de littérature à sa petite fille.
Ce pauvre professeur que la petite aimait et qui est mort peu de temps après, lui a fait connaître la littérature anglaise enfantine et ainsi l'a mise à même d'étudier l'âme saxonne.
a continué l'étude qu'elle aimait tant, avec une religieuse irlandaise.
Ce goût pour l'anglais, formé par des influences diverses pendant ses années les plus impressionnables, était forcément destiné à s'accentuer, étant donné les rencontres continuelles avec les Anglo-Saxons dues à sa vie passée constamment en
voyage. A force d'entrer en communion avec l'âme anglo-saxonne elle s'est éloignée quelque peu de celle de sa propre race.
Ayant vécu pour ainsi dire toute sa vie au milieu des enfants de John Bull et d'Oncle Sam, elle a subi fatalement l'Influence et a adopté la plupart de leurs idées. Cependant, Madame de
Coulevain est restée foncièrement française. Cette fidélité aux instincts latins se fait sentir à tout bout de champ dans ses écrits, malgré le fait qu'elle semble apprécier tout ce qui est meilleur dans la vie anglaise ou américaine.
"Whatever he may do man is always and above ail things the représentative of his race." (Gustave Le Bon).
Il y a peu de personnes qui comprennent véritablement l'Anglais. C'est un des êtres humains dont le caractère échappe à l'analyse. Sa reserve, son conformisme, sa
dis-cipline cachent ses vraies qualités, celles qui, selon Pierre de Coulevain,font de lui un être supérieur. Elle n'est pas le seul parmi les écrivains français à rendre cet hommage au voisin de l'autre côté de la Manche. André Maurois dans «Le Colonel Bramble» a mis cette citation élogieuse sur le
„Parmi les types d'hommes que chacun de nous peut espérer réaliser»il y en a peu de meilleurs que celui du gentle-man anglais avec ses goûts conventionels,
ses étalons d'honneur, de religion, de
sympathie, d'opinion et d'instinct.» Lecky. En 1897 Edmond Demolins a publié un livre qui a fait sensation en France. Ce livre porte le titre flatteur pour les Anglais «A Quoi Tient la Supériorité Anglo-Saxonne?,,
Il a paru ensuite, l'ouvrage de Max Lecler en 1901. L'auteur a été envoyé en Angleterre en mission spéciale pour étudier sur place les principes de l'instruction anglaise dans le but de déterminer en quoi consiste sa supériorité sur l'Instruction française. Tandis que certains penseurs comme Andrew Lang
accordent peu d'importance à l'influence de la race, Madame
de Coulevain se range du côté de son compatriote Gustave Le Bon. Prenant comme point de départ que certaines qualités sont
innées chez certaines races, elle procède à son analyse de caractère en se basant sur ce principe. Dans mille circon-stances les traits nationaux se trahissent. La manière de
jouer aux cartes, la réaction lorsqu'on se trouve en compagnie des dames, la façon de faire du sport, en un mot, à chaque
instant, avec variations de toutes nuances, on agit en Latin ou en Anglo-Saxon.
Comme la plupart des auteurs françcais qui ont écrit sur les Anglais, Madame de Coulevain a pu étudier son sujet sur le vif. Une longue fréquentation de ses voisins et de fréquentes visites en Angleterre lui ont fourni des occasions de faire une étude approfondie des moeurs, des coutumes et du
caractère des habitants de l'Ile Inconnue. Aussi, ayant mené une vie errante et solitaire a-t-telle passé la plus grande
partie de sa vie «Sur la Branche,» c'est a dire dans les hôtels et en voyage. Elle a eu par conséquent maintes occassions de rencontrer d'autres gens qui voyageaient, dont les plus assidus
étaient des anglais et leurs cousins des Américains. nEvery race possesses a mental constitution as determined as its anatomical constitu-tion.» (Gustave Le Bon)
D'un abord très facile, Madame de Coulevain se lie aisément et tous ses amis, à quelque race qu'ils
appartien-nent, lui font volontiers des confidences. C'est très souvent au moyen des confidences que le caractère de ses personnages se révèle. Comme l'auteur excelle dans le dialogue, ce procédé enrichit sensiblement ses livres.
Madame de Coulevain malgré sa bonté est très snob.
C'est par dessus tout le monde élégant et les personnes bien nées qui l'intéressent. Lorsqu'elle dit dans l'Ile Inconnue que ce qu'elle aime le plus en Angleterre c'est le peuple, on se permet un petit sourire sceptique. Quand les Baring, famille aristocratique à demi-ruinée chez qui l'auteur est en visite, fait un héritage, on sent qu'elle monte beaucoup dans l'estime de la visiteuse. Cependant, elle est bonne pour ce qu'elle appelle Hles petits11 et semble sympathiser avec eux dans leur misère.
Deux types d'Anglo-Saxons
l'Américain que l'Anglais, le génie Anglo-Saxon s'est développé d'une manière si différente de l'autre côté de l'Océan et a abouti à un résultat si dissemblable, qu'à
part quelques principes fondamentaux, c'est à ne plus recon-naître que*c'est la même race. Madame de Coulevain remarque bien cette dissemblance et elle s'amuse à faire une étude
comparée des cousins de l'ancien et du nouveau Monde.
Il ne semble pas être établi que Pierre de Coulevain ait vogaye aux Etats-Unis. DanslvFrench Novellsts of Today,, Winifred Stephens ajoute New York aux villes qui ont reçu
la visite périodique de l'éminente Française, mais nulle
part ailleurs, on ne la mentionne. La lecture de ses livres porte à croire que malgré le fait que quelques petites soènes en »Eve Victorieuse» et «Noblesse Américaine» se passent dans des hôtels somptueux à New York, l'auteur n'a pas fait de
séjour en Amérique. On peut se tromper mais on propose comme hypothèse que Madame de Coulevain aurait facilement trouvé tout ce qu'il lui fallait ccmme décor dans »Outre Mer» de Paul Bourget, qui a paru en 1894. Même plus que son éminent prédécesseur avec lequel elle rivalise honorablement dans la peinture du monde cosmopolite et élégant, elle ne connaît que le type d'Américain riche, ceux qui sont arrivés. Les
Américaines de sa connaissance (les Américains ont peu de place dans ses livres) sont presque exclusivement celles qui abandonnent maris et enfants et viennent s'amuser en Europe. Invariablement disposée à voir en tout le doigt de la
condamnés comme étant des frivoles, en disant qu'ils sont envoyés par cette Providence pour faire oeuvre d'accumulat-rlces.
Vu son grand talent de psychologue, on ne peut se
défendre de regretter que l'étude, que fait Madame de Coulevain soit forcément si limitée. Il faut aussi garder toujours
présent à l'esprit que l'Américaine qu'elle décrit si
fidèlement, appartient à la génération précédente et même à cette époque-là elle ne représentait qu'une partie minime de la nation. Son analyse garde beaucoup de sa valeur,
cependant, si l'on se souvient que l'aristocratie américaine, malgré les blasons qu'elle est allée chercher en Angleterre
diffère essentiellement de l'aristocratie d'Europe du simple fait qu'elle n'existe pas. L'Amérique est encore trop jeune et d'un esprit trop démocratique pour qu'une vraie aristocratie ait fait vraiment souche.
CHAPITRE II
IES ANGIAISf D'APRES L'ILE INCONNUE
Puisque notre Intérêt porte en partie sur l'analyse du caractère anglais, le livre par excellence pour cette étude est JL'Ile Inconnue,. Il ne faut pas y chercher un
récit passionnant. L'intrigue y est à peine perceptible et les personnages assez effacés. L'intérêt qu'il suscite
demeure dans le fait qu'il regorge de petites scènes typiques, de dialogues caractéristiques et révélateurs, d'observations fines et brillantes, de paroles spirituelles et qu'on
s'émerveille constamment de la compréhension sympathique
du caractère anglais que l'auteur y révèle. Dans l'ensemble son analyse est remarquablement juste et les anglais one été les premiers à lui rendre cet hommage.
Pour mener son travail à bonne fin l'auteur est allé le faire sur place. Pendant la première partie de son livre elle est en visite chez les Baring, famille aristocratique à demi-ruinée, qui habite Saint Olaf, banlieue sur Wimbleton Common. Au moment où la visiteuse est sur le point de partir à l'hôtel Claridge à Londres où elle doit passer quelque temps, la famille fait son héritage. Dans le dernier chapitre du
livre Madame de Coulevain lui rend visite dans sa demeure majestueuse à Lofts Hall, près de Bath. Ce long séjour lui
permet de mettre à l'étude le caractère, les moeurs, les habitudes de ses voisins sous tous les aspects.
Observations de l'auteur et de quelques écrivains français
con-temporains à propos de l'instruction primaire et secondaire en Angleterre.
A cette époque, vers le commencement du siècle, il était à la mode d'étudier l'éducation et l'instruction anglaises.
Demolins avait publié en 1894 un livre intitulé »A Quoi Tient La Supériorité Anglo-Saxonne.» Cet ouvrage qui a fait sensation a reçu des éloges quoique douloureux d'une légion d'écrivains parmi lesquels figuraient des noms
illustres, tels que Jules Le Maître, Marcel Prévost, François Coppée, etc. En 1901 a paru un premier ouvrage du même genre par Max Le Cler, ayant pour titre «L'Education des Classes
Moyennes et Dirigeantes en Angleterre,» Comme son prédécesseur, Le Cler vantait l'éducation anglaise à laquelle il a attribué la puissance prépondérante de l'Angleterre dans le monde
entier et ses compatriotes obligés de se rendre à l'évidence,
lisaient son livre pour en tirer profit. Les critiques de Madame de Coulevain ne semblent pas avoir été si bien accueillies. Au lecteur Anglo-Saxon, cependant, elles semblent tout aussi
justifiées.
Il y a une explication qui s'impose. Les critiques de Madame de Coulevain avaient trait surtout à l'éducation de l'enfant et de la jeune fille, ce qui était pour ses
com-patriotes une autre paire de manches. Les Latins ne veulent pas que la femme soit trop libre. Je cite à l'appui de cette affirmation un extrait tiré d'Outre-Mer, de Paul Bourget qui
résume l'attitude des Latins vis-à-vis de leurs femmes:
«SI tout en laissant dans le monde latin plus de liberté aux femmes, nous n'acceptons pas sans révolte l'idée de leur
indépendance et de leur initiative personnelle, c'est que nous éprouvons à travers des raffinements de toutes nuances un peu de ce qu'éprouve l'oriental Si l'Anglais, au
contraire, laisse à l'Anglaise plus de liberté, c'est que le climat, la race, la religion ont maté davantage en lui
1 l'ardeur du tempérament.«
Il est peu probable que Madame de Coulevain se soit
inspirée du livre de Monsieur Demolins. Ce dernier voit dans l'enseignement secondaire anglais des éléments supérieurs pour préparer à la lutte et à la concurrence. Madame de Coulevain ne s'emballe que pour l'éducation primaire* A l'opposé de
ses deux compatriotes elle trouve l'enseignement secondaire supérieur en France et constate que les masses en Angleterre, au point de vue intellectuel sont extrêmement ignorantes.
En ce qui concerne l'enfant, Madame de Coulevain ne
peut trop vanter les beautés du système anglais, et elle montre par contraste combien la France est arriérée à ce point de vue.
La nursery, institution anglaise par excellence (et qui n'existe pas en France) l'a fortement impressionnée. Elle raconte, dans,,l'Ile Inconnue,, la visite qu'elle a faite avec Miss Baring à une nursery anglaise chez la mère de deux
petits enfants. «Je voudrais voir une nursery française»
ajoute Madame Arnold, »Je suis sûre qu'elles sont bien élégantes.» Edith eut un sourire malicieux; je me sentis
rougir. „Des nurseries l Nous en n'avons pas,» confessai-je. «Pas de nurseries l Comment pouvez-vous bien élever les
enfants?» »Nous les élevons mal, viola tout. Ohl sous ce rapport nous avons beaucoup à apprendre de vous.»
Les nurses ou wéleveusesH à qui est confié le soin
d'élever les enfants sont recrutées dans la petite bourgeoisie. Elles gagnent énormément en comparaison des nounous françaises. Elles apprennent aux enfants à lire et à écrire, les chansons
de la nursery. Ses jeunes filles, gardiennes des privilèges des classes supérieures, inculquent aux petits le sentiment de leur supériorité. Elles surveillent leurs manières de table, leur enseignent les histoires de la Bible, le respect de soi-même autant que les autres, l'horreur du mensonge, le respect de la parole donnée, un dégoût pour tout ce qui est grossier, bref, toutes les habitudes qui conviennent à leur position sociale*
L'auteur attribue le fait que l'Anglais est rarement inconvenant en paroles aux impressions de beau qu'il a reçues étant enfant. La nursery ou il passe les premières années de sa vie est aussi gaie que possible. De jolies gravures et le plus souvent inspiratrices ornent les murs et les versets de la Bible sont parsemés dans la pièce—de sorte que l'enfant est constamment suggestionné à aimer le beau et le bien.
L'enfant français au contraire est confié pendant ses années les plus impressionnables à une paysanne inculte qui s'appelle
nounou. Elle remplit son petit cerveau d'histoires laides. Cette souillure, ajoute l'auteur, très souvent ne s'efface pas>d'où cette tendance pornographique qui empoisonne la littérature française.
A l'opposé des petits français qui ont la permission d'errer dans toute la maison, où ils sont, selon l'auteur, insupportables, les enfants anglais n'envahissent jamais l'appartement des grandes personnes. Ils mangent avec les bonnes d'enfants et on ne se met jamais à table sane faire
toilette.
L'éducation particulariste qui fait la force, selon M . Demolins des Anglo-Saxons, commencent dans la nursery. On permet aux enfants lorsqu'ils sont très jeunes de faire leurs propres décisions. On leur expose les avantages aussi bien que les dangers si le choix est plutôt hardi et ensuite
on les laisse libres d'agir. Comme par exemple le fils de Madame Loftus à Wimbly Hall, dans «Sur la Branche« lorsqu'il a voulu sauter pardessus une barrière très haute pour un
petit garçon. Sa mère lui dit (en lui accordant la permission) qu'il risquerait de se faire très mal. Il se croyait capable de le faire, et il l'a fait.
Madame de Coulevain est ravie de la littérature enfantine en Angleterre. Les enfants, dit-elle «y comptent pour quelque chose.« Des légions de femmes travaillent pour les amuser et les Instruire. Outre cette brillante littérature, il y a une foule de revues illustrées. Miss Edith Baring à St. Olaf
écrivait pendant quelque temps la page destinée aux enfants dans une revue dominicale sous la signature Tante Cécile. Elle recevait des confidences qui montraient la liberté
laissée aux enfants, une liberté bien faite pour développer l'individualisme et l'initiative.
La beauté enfantine des classes moyennes en Angleterre reçoit l'hommage de l'auteur français. Leurs petits corps mobiles et résistants, les membres agiles auxquels les robes
courtes donnent libre cours, lui font convoiter un costume plus pratique et une vie plus libre pour ses petites com-patriotes.
Au parc, l'auteur ne se lasse pas de regarder les
enfants du peuple, ces petits qui arrivent d'où on ne sait; que personne n'amène et que personne ne vient chercher. Ils ont l'air grave et leurs figures one une saleté presque comique, une saleté de clown. Ils jouent sérieusement ensemble sans
gaieté et les plus forts protègent toujours les plus faibles, et ramenant ccmme d'habitude tout à sa théorie que la race anglo-saxonne est masculine, ttc'est l'instinct mâle de la race qui veut cela» dit-elle.
Comme l'auteur de „A Quoi Tient La Supériorité des Anglais,« Madame de Coulevain prétend que l'anglo-saxon a à un très haut degré l'amour de l'espèce. Pour l'améliorer Il n'épargne rien. Rien ne lui coûte pour que l'enfant ne se trouve dans un état d'infériorité.
ou dans la banlieue pour que les enfants aient plus d'air et d'espace. Les mères nourrissent leurs enfants si elles le peuvent. Les parents se privent de luxe pour leur donner des bicyclettes, des ponies, des instruments de sport, e t c . On les prépare à la lutte, mais on s'Intéresse plutôt à
leurs victoires sportives qu'à leurs victoires scolaires. »C'est l'instinct de la race qui veut cela» ajoute l'auteur. Pendant les premières années les parents surveillent de
près l'instruction de leurs enfants. Mais une fols le «pied dans l'étrier» ils les laissent libres de marcher, trotter ou galoper. Prenant le contre-pied de Messieurs Demolins et Le Cler, l'auteur constate qu'en tout ce qui concerne l'éducation et l'instruction primaires, l'Angleterre est supérieure à la France, mais lorsqu'il s'agit d'instruction supérieure la France reprend le dessus et elle répète avec conviction que la masse est très ignorante en Angleterre.
L'Anglais
En ce qui concerne l'Anglais adulte Madame de Coulevain est tiraillée entre l'admiration et l'amusement. D'abord le physique du jeune Albion ne cesse jamais de l'Impressionner. Elle trouve le pur échantillon de l'Anglo-Saxon dans la
personne de Rodïiey Baring: «très mâle, très gauche, très correct, avec des cheveux blond foncé ardents à l'extrémité, des yeux bleu-clair, des traits d'une extrême netteté» et en décrivant M, Lof tus, beau-fils de Sir William Randolph, elle
complète le tableau nle type du jeune squire de belle race, blond, rose, solide, qui, à quatre-vingts ans, aura d'abon-dants cheveux de neige, de belles joues rouges, l'oeil clair et qui droit sur la selle jusqu'au dernier jour ne sera
désarçonné" que par la mort.,. Elle admire aussi le joli hâle rosé que l'anglais ambitionne secrètement.
L'Anglais convenable est presque toujours élégamment vêtu, une élégance parfois trop parfaite, trop géométrique.
L'Anglais se moque sans cesse de la sentimentalité du Français, mais l'auteur est d'opinion qu'il y a deux traits chez lui
qui le rendent plus ridicule, à savoir son snobisme et sa
coquetterie. Les Français regardent les femmes. Les Anglais se regardent. Leurs vêtements de sport sont on ne peut plus élégants et seyants. Ils parlent vêtements entre eux. Les femmes les regardent et les admirent. Les petites
bour-geoises passent volontiers au deuxième plan pour que leurs maris soient bien mis# A Hyde Park le dimanche, ils se
promènent extérieurement indifférents aux regards admirateurs, mais en réalité ravis de cette attention.
Tout le monde s'accorde à dire que le fils de John
Bull est hypocrite. L'auteur se croit obligée par esprit de justice d'affirmer que ce n'est pas vrai. Son caractère tout d'une pièce n'est pas assez compliqué pour être hypocrite.
Il est égoïste plutôt. Elle fait exception des Hommes d'Etat, qui méritent bien, affirme-t-elle, l'épithete «Perfide Albion» et qui n'hésitent pas à jouer double jeu si cela fait l'affaire de l'Empire Britannique. A ce propos ce serait intéressant
d ' y comparer un passage t i r é de J u l e s Le Maître.
| fH n ' e s t
pas défendu de c o n s t a t e r l e paradoxe psychologique de c e t t e
r a c e anglo-saxonne chez l a q u e l l e l e s v e r t u s i n d i v i d u e l l e s
s o n t grandes e t f o r t e s , mais dont l ' h y p o c r i s i e publique e s t
abominable e t dont l e s a c t e s nationaux sont souvent é g o ï s t e s
j u s q ' à l a s c é l é r a t e s s e . „
Comme nous l ' a v o n s f a i t remarquer, l ' A n g l a i s , quels
que s o i e n t s e s v i c e s , e s t t o u j o u r s convenable en p a r o l e s .
Comme nous savons déjà, l ' a u t e u r a t t r i b u e c e t t e c o r r e c t i o n au
f a i t que pendant son enfance son p e t i t cerveau n ' a pas été
i m p r e s s i o n n é p a r l e s images g r i v o i s e s . Sa langue simple e t
peu nuancée rend l e s choses g r o s s i è r e s i n t o l é r a b l e m e n t
v u l g a i r e s . Lorsq'un Anglais se choque d'une p i è c e , même
au p o i n t de q u i t t e r l a s a l l e t h é â t r a l e , p i è c e s o i t d i t en
p a s s a n t , que l e s F r a n ç a i s t r o u v e n t i r r é s i s t i b l e m e n t d r ô l e ,
ce n ' e s t pas de l a p o s e . C ' e s t une simple a f f a i r e d ' é d u c a t i o n .
I l y a des c h o s e s , q u i , à son a v i s ne se d i s e n t p a s .
L ' A n g l a i s n ' a pas l e tempérament de grand amoureux. I#
femme ne t i e n t pas l a même p l a c e dans sa v i e q u ' e l l e t i e n t
dans l a v i e du L a t i n . Cependant nul homme n ' e s t s i facilement
trompé. I l a une confiance naive dans l a femme aimée. Son
i n f i d é l i t é l e rend s c e p t i q u e à t o u t j a m a i s , ou l e b r i s e
complètement.
Dans l e mariage i l apporte une s i m p l i c i t é qui é t o n n e r a i t
1
î u l e s Le M a î t r e . Appendix des E d i t e u r s . A Quoi Tient La
un Français. Il ne poétise pas son animalité, il ne cherche à donner aucune illusion et il n'en a pas besoin lui-même. L'Inconnu ne l'intéresse pas. Comme a dit Rodney Baring »Ce que nous cherchons dans la femme, est une créature aimante et reposante non pas un rébus vivant à déchiffrer.» Le vrai
Anglais est très mâle et dans cette qualité très égoïste et quelque fols brutal, ici aussi l'auteur n'est pas d'accord avec Paul Bourget. Le «sera juvenum Venus» de Tacite est aussi vrai des jeunes gens d'Oxford qu'il est vrai des
jeunes gens Germains du 1er siècle. Tous ceux qui ont étudié de près les jeunes Américains s'accordent à dire qu'ils
sont sur ce point pareils aux jeunes Anglais, et plus froids encore» Pour le reste poursuit Madame de Coulevain, il
donne plus de liberté à la femme que le Français.
En matière de sport il ne permet pas à la femme de
tirer parti de son sexe. Lorsqu'il joue aux cartes avec elle il la traite sur un pied d'égalité, ne lui fait aucune con-cession galante et attend d'elle une rectitude parfaite. Sa manière de jouer est bien caractéristique. Il s'en tient
absolument aux règles, garde son visage impassible et reste toujours maître de lui.
L'Anglais est toujours autoritaire. Il se croit
supérieur à tous et à plus forte raison à la femme. C'est un grand point de dissimulation entre lui et son cousin
américain. En même temps il a le respect des autres, plus qu'aucun autre homme. En général il n'est pas buté. Il ne se refuse pas à voir, comme fait le Français.
un Français, il ne poétise pas son animalité. H ne cherche à donner aucune illusion et il n'en a pas besoin lui-même. L'Inconnu ne l'intéresse pas. Comme a dit Rodney Baring »Ce que nous cherchons dans la femme, est une créature aimante et reposante non pas un rébus vivant à déchiffrer.» Le vrai
Anglais est très mâle et dans cette qualité très égoïste et quelque fois brutal, ici aussi l'auteur n'est pas d'accord avec Paul Bourget. Le «sera juvenum Venusw de Tacite est aussi vrai des jeunes gens d'Oxford qu'il est vrai des
jeunes gens Germains du 1er siècle. Tous ceux qui ont étudié de près les jeunes Américains s'accordent à dire qu'ils
sont sur ce point pareils aux jeunes Anglais, et plus froids encore» Pour le reste poursuit Madame de Coulevain, Il
donne plus de liberté à la femme que le Français.
En matière de sport il ne permet pas à la femme de
tirer parti de son sexe* Lorsqu'il joue aux cartes avec elle il la traite sur un pied d'égalité, ne lui fait aucune con-cession galante et attend d'elle une rectitude parfaite. Sa manière de jouer est bien caractéristique. Il s'en tient absolument aux règles, garde son visage impassible et reste toujours maître de lui»
L'Anglais est toujours autoritaire. Il se croit
supérieur à tous et à plus forte raison à la femme. C'est un grand point de dissimulation entre lui et son cousin
américain. En même temps il a le respect des autres, plus qu'aucun autre homme. En général il n'est pas buté. Il ne se refuse pas à voir, comme fait le Français.
par l a r a i l l e r i e coupante, n adore l a taquinerie e t i l a
souvent l e s o u r i r e humoristique p a r t i c u l i e r à L A n g l a i s .
I o r s q u . i l p a r l e aux l a t i n s i l a toujours ce sourire i r r i t a n t
aux l è v r e s .
Une des choses l e s plus chaînantes chez l'Anglais c ' e s t
ce que Madame de Coulevain appelle l a camaraderie, i l appelle
v o l o n t i e r s sa soeur « v i e i l l e camarade.» Dans sa taquinerie
pour sa mère i l met une tendresse p a r t i c u l i è r e . En e f f e t ,
l ' A n g l a i s taquine plus v o l o n t i e r s c e l l e s ou ceux q u ' i l aime.
C'est une manière de dissimuler l e sentiment.
Le f i l s a n g l a i s a une a f f e c t i o n t r è s tendre pour sa
mère, surtout l a mère veuve, e t pour l e s femmes de sa famille.
l ' a u t e u r va jusqu'à dire que l'amour f i l i a l e s t plus f o r t chez
l e s Anglais que l'amour paternel ou maternel. C'est une
tendresse ou s e mêle un f o r t sentiment de p r o t e c t i o n . Lorsqu'il
ouvre l a porte sur l e passage des femmes de sa f a m i l l e ,
l'auteur trouve l e g e s t e plus agréable que l e baise-main,
g e s t e , s o i t - d i t , en passant que John Bull ne s a i t pas f a i r e .
Les Anglais ont une immense d i f f i c u l t é à assimiler l e s
lléments é t r a n g e r s . C'est parce que (selon l'auteur) I l s
Jont gens de synthèse au l i e u d'analyse comme l e s Français.
ieur i n a p t i t u d e à apprendre familement une langue leur donne
m sentiment d ' i n f é r i o r i t é , l e s p a r a l y s e , l e s exaspère. Pour
lissimuler l e u r gêne, i l s l a cachent sous une indifférence
u t a i n e . Puisque leur nature e s t s i b i e n équilibrée i l s sont
ncapables »d'élans e t d'emballements.» La d i s c i p l i n e ne
Madame de Coulevain, en somme, s'entend bien avec L'Anglais; à son arrivée à St. 0'laf, Rodney Baring, son
lôte la regarde avec méfiance. Il tombe vite sous le charme ie la charmante Française qui emploie tout son tact pour le conquérir, et il prend grand plaisir à s'entretenir avec
elle sur les idées générales. Habitude, selon l'auteur, très rare chez les Anglais qui ne développent pas dans leur con-versation plus qu'une idée à la fois.
Malgré leur réputation de mauvais compagnons de voyage, Madame de Coulevain avoue être toujours ravie de faire la
route avec un Britisher. Elle les trouve prêts à rendre service, à hêler un taxi, à descendre ses bagages, etc....
Dans son autobiographie, „Sur la Branche,» l'auteur fait a l'Anglais le plus grand compliment qu'on puisse faire à un autre individu, compliment qu'elle se garde bien de
faire à son propre compatriote, Monsieur de Limeray, qui aurait volontiers reçu les confidences d'Hélène Ronald dans «Eve Victorieuse.» Madame de Myères confie à son vieil ami, Sir William Randolph, le douloureux secret de sa vie.
yfnglalse
Lorsqu'il s'agit de la femme, Madame de Coulevain fait l'analyse de sa nature complexe avec beaucoup de délicatesse et de tendresse. Cette compréhension est d'autant plus
remarquable que ce type de féminité est essentiellement antipathique aux Latins.
„Pour la plupart des Français,w dit-elle, »1'anglaise est une femme qui a les cheveux jaunes ou rouges, des
tâches de rousseurs, de longues dents et de grands pieds, une femme qui grimpe sur toutes les montagnes et qui li t la
Bible.n Madame de Coulevain affirme cependant qu'elle a souvent une beauté très rare. «Elle a tous les tons d'or dans sa chevelure, un coloris fin et éclatant, des traits
purs, des pux admirablement enchâssés.» Même si elle est vrai-ment laide un air de distinction rachète presque toujours
cette laideur. Ses pieds sont longs parce qu'elle est faite pour l'action et elle couvre beaucoup de terrain.
Les femmes des classes supérieures (et Madame de
Coulevain ne connaît que les filles bien nées de John Bull) ont le sport et le cheval dans le sang. A voir une Américaine marcher a côté du Squire ou du Lord, son mari, dit-ejle, on
devine qu'elle ne sera jamais sa camarade. Elle lui semblera toujours un peu bourgeoise.
A cause du sport il existe entre les deux sexes en Angleterre une chose très jolie, la camaraderie. Madame de Coulevain n'en revient pas et elle regrette beaucoup que ce soit chose inconnue en France.
Bien que l'anglaise ait énormément de tempérament et une inconsciente adoration pour le mâle de sa race, le
féminisme est un mouvement très actif dans l'Ile Inconnue. »Vers 1867, je crois,» dit-elle, »le féminisme a refleuri
pour la troisième fois dans l'Ile Inconnue. Et voilà la fille de John Bull coupant ses cheveux, masculinisant son costume,
réclamant l'égalité devant la loi, le droit à une éducation supérieure, à l'exercice de toutes les professions, au vote politique It Ce mouvement a excité le ridicule en
Angle-terre et partout ailleurs. Elle a été criblée de traits par les satiriques, tournée en ridicule sur la scène, mais elle n'a pas bronchée. L'Anglaise cependant, selon l'auteur, est plus qu'une femme, c'est un apôtre, un merveilleux Instrument
de propagande. Elle emploie tous les moyens de suggestions imaginables, brochures, revues, tracts, conférences, etc.... La Providence ne jette pas dans son cerveau des poignées
d'idées à la fois, mais une seule. Cette idée la possède.
Pour la répandre, rien ne lui coûte. Elle surmonte sa timidité nerveuse, porte son idée aux salles de conférences, sur les
plate s-formes, dans les lieux les plus inhospitaliers. Elle a péché souvent, si vous voulez, par un excès de zèle, mais apprôs quelques années l'oeuvre s'est révélée dans toute sa grandeur» » Des collèges féminins se sont élevés à Oxford, à Cambridge. Le King's Collège de Londres a institué une branche pour les femmes....et cette culture plus élevée a
produit des médecins, des chimistes, des économistes, etc....n La femme siège maintenant sur les comités scolaires. «Elle n'a pas encore forcé la porte des Parlementsw (On voit bien que Pierre de Coulevain est d'une autre époque) mais vaincue de ce côté-là, poursuit-elle, elle s'est jetée corps et âme dans les oeuvres humanitaires. Les femmes ont maintenant leurs propres journaux, des clubs. Elles se solidarisent de plus en plus. Elles sont «quelqu'un.» On sent leur influence
partout. Dans la perfection active donnée a l'enfant et à
l'animal. «Si la santé publique s'est améliorée, si la crimin-alité a diminué, cela est dû à 3es efforts incessants.„ »Si l'Angleterre est le pays ou on meurt le moins, c'est grâce à elle.» «S'il y a des abreuvoirs placés sur les routes où chevaux et bestiaux peuvent se désaltérer c'est grâce à elle.» Dans ses oeuvres humanitaires elle est Inlassable, l'auteur signale une chose curieuse. »Depuis une centaine d'années sa taille a augmenté et celle des hommes a diminué.» Dans son livre » Outre-Mer» Paul Bourget constate un fait quelque peu semblable chez les Américaines.
L'auteur est sûre que rien n'est plus faux que l'idée que l'âme de l'Anglaise est simple. Au contraire elle est
wandrogyne, complexe, spiritualiste, passionnée, enthousiaste.» Les sentiments chez l'Anglaise sont peu nuancés, par conséquent
ils sont forts et s'extériorisent difficilement. Madame de Coulevain fait cette analyse de son caractère. «Dans le caractère de l'Anglo-Saxonne, je vois beaucoup de droiture, un loyalisme Inné, le respect de la vérité, de la parole
donnée surtout, le sens de la justice, une précision mathé-matique, l'attachement au devoir, l'amour de la lutte et une
inlassable persévérance. J'y vois aussi une certaine sécheresse une certaine cupidité,teaucoup de petitesse, de snobisme et
de vanité mesquine. Ce caractère est chez elle comme un régulateur implacable. Il tue nombre d'élans généreux, il
enserre son ême trop étroitement, mais II est nécessaire à la majorité.
L'Anglaise a une v i s i o n r e s t r e i n t e e t â cause de cela
t r ô S n e t t E l l e a f o r
* Peu d ' i n t u i t i o n . Pour savoir
quelque chose, i l f a u t q u ' e l l e apprenne beaucoup....sa
nature n ' e s t pas joyeuse, pas e n s o l e i l l é e , e l l e peut-être
i n t é r e s s a n t e , o r i g i n a l e , e l l e e s t rarement amusante. Tout
au fond de son ê t r e , dans son imagination p l u t ô t ,
quelque-f o i s i l y a une veine curieuse de morbidité qui r e s s o r t dans
son idéalisme b i z a r r e , dans s e s e s s a i s a r t i s t i q u e s ou
l i t t é r a i r e s , une v e i n e produite sans doute par l ' e s s e n c e
masculine de sa race e t l a féminité de son sexe.»
En ce qui concerne son apparence, l'Anglaise e s t
tou-jours b i e n en t o i l e t t e du s o i r ou en costume t a i l l e u r , mais
l ' a u t e u r c o n s t a t e q u ' i l l u i manque complètement l e sens de
l'harmonie des c h o s e s . On l a v o i t dans l e noir e t la fumée
des s t a t i o n s s o u t e r r a i n e s , sur l ' i m p é r i a l des omnibus, en
robe t r è s c l a i r e , portant un chapeau de p o r t r a i t e t un boa
de plumes. Les costumes que portent l e s sports women sont
on ne peut plus a f f r e u x .
L'auteur s'amuse â doter tout ce qui peut différencier
extérieurement l e s mondaines américaines e t a n g l a i s e s . Chez
l e s A n g l a i s e s i l y a ,,beaucoup plus d'art e t d ' a r t i f i c e ,
une d i s t i n c t i o n i n n é e , une grâce étudiée, la beauté rare
mais i d é a l e . Chez l e s Américaines plus de chic que d'élégance,
une beauté b r i l l a n t e e t jeune, une v i t a l i t é joyeuse. Chez l e s
Américaines l e charme du n a t u r e l , chez l e s Anglaises l e
cha-rme de l ' e x p é r i e n c e . E l l e c r o i t que ces cousines entre
l e s q u e l l e s i l y a une a n t i p a t h i e h é r é d i t a i r e , peuvent l u t t e r
avec l e s chances é g a l e s de s u c c è s . La vue de la jeune f i l l e
a n g l a i s e vôtue simplement, en p l e i n e l i b e r t é , c a u s e à
l ' é c r i v a i n un v r a i p l a i s i r . E l l e d i t dans »Sur l a Branche»
«Habituée à l ' a l l u r e franche de l ' A n g l a i s e , à l ' e s p r i t
ouvert de l'Américaine, l a jeune f i l l e française me f a i t
l ' e f f e t d'un v é r i t a b l e anachronisme.»
Madame de Coulevain p l a i n t l e s Français qui ne peuvent
préquenter que l e s mondaines e t l e s demi-mondai ne s , l e s
femmes des a u t r e s . I l s ne connaissent pas l a camaraderie
féminine s i c a r a c t é r i s t i q u e de la vie a n g l a i s e . E l l e ajoute
que l a jeune f i l l e p u r i f i e r a i t la v i e en France.
Cette analyse se termine sur un ton c r i t i q u e . Madame
de Coulevain n'approuve pas l ' a t t i t u d e de l'Anglaise envers
l a m a t e r n i t é . Autrefois e l l e acceptait c e t t e r e s p o n s a b i l i t é ,
sinon avec enthousiasme, du moins avec résignation e t d i g n i t é .
Maintenant e l l e s ' y r e f u s e . La dernière pose e s t d'affecter
hautement l e mépris de l'amour e t du mariage.
Le Snobisme
Ayant j e t é un coup d ' o e i l sur l e s hommes e t l e s femmes
en p a r t i c u l i e r , nous pourrons considérer avec l'auteur c e r
-t a i n e s c a r a c -t é r i s -t i q u e s propres aux deux s e x e s .
L'Anglais e s t connu dans l e monde e n t i e r comme étant
l ' i n d i v i d u l e plus snob qui s o i t . L'auteur d e
y il ' I l e Inconnue,
n'ignore pas ce f a i t mais e l l e avoue que l e côté vulgaire et
r i d i c u l e n ' e s t pas l e s e u l aspect de c e t t e c a r a c t é r i s t i q u e .
e l l e l'expose soua quelques-unea de aea formes.
Madame de Coulevain fait-
Y^™^,*,^
ux«vuin i a i t remarquer au commencement,
que l a r e i n e V i c t o r i a ayant é t é presque une reine »en
p a r t l b u s ,
t tnia haute s o c i é t é s ' e s t trouvée comme une troupe
d ' a c t e u r s p r i v é e de d i r e c t i o n e t d'emploi,,,
N,
a y a n t p a sde cour pour é v o l u e r , e l l e é t a i t obligée de jouer son rôle
sur l e s scènes qui s ' o f f r a i e n t . Elle a commencé donc à
fréquenter c e r t a i n s h ô t e l s cosmopolites où e l l e a pu
«exhiber s e s b i j o u x , ses t o i l e t t e s , ses t i t r e s , f a i r e assaut
d'élégance avec ses p e t i t e s cousines américaines.»
Un a u t r e e n d r o i t qui o f f r a i t une galerie beaucoup plus
grande e t m i l l e f o i s plus v a r i é e é t a i t Hyde Park le dimanche
matin, après l ' é g l i s e . »Des gens de toutes l e s conditions,,
tt
un mélange f a n t a s t i q u e de grande a r i s t o c r a t i e , de haute
b o u r g e o i s i e , de bourgeoisie moyenne e t p e t i t e , de peuple,
de bas p e u p l e , de vagabonds e t de parias» semble y être
d i r i g é inéluctablement. Les uns viennent pour se montrer,
l e s a u t r e s pour r e g a r d e r . I l s semblent pressés les uns
contre l e s a u t r e s mais i l s sont séparés par plusieurs
g é n é r a t i o n s . Puisque ces parades se répètent dans »toute
l ' é t e n d u e de l'Empire Britannique,» l ' a u t e u r conclue que
c ' e s t l a r a c e qui veut c e l a . Cela montre que l'Anglais n ' e s t
pas foncièrement s i e x c l u s i f q u ' i l veut l e f a i r e c r o i r e .
I l se donne l a peine d'impressionner ceux q u ' i l a l ' a i r de
dédaigner.
l ' A n g l a i s en e s t particulièrement a f f e c t é . Madame de
Coulevain ajoute q u ' i l e s t impossible de vivre huit jours
en Angleterre sans s ' e n apercevoir. Du bas en haut de
l ' é c h e l l e c ' e s t une émulation s e r v i l e de tout ce qui e s t
au-dessus de s o i . L'employé singe son patron, la femme de
chambre i m i t e sa m a î t r e s s e , l e bas peuple, l e peuple, l e
peuple, l a p e t i t e bourgeoisie e t a i n s i de s u i t e jusqu'au
haut de l ' é c h e l l e . C'est à dire la royauté, qui ne courtise
que l ' a r g e n t . Cela s ' a r r ê t e l à parce q u ' i l n'y a r i e n
a u - d e s s u s .
Ce snobisme dont t o u t e s l e s c l a s s e s sont a t t e i n t e s ,
e s t p e u t - ê t r e l e plus exagéré chez l e peuple. Les
domestiques connaissent aussi bien que leurs maîtres l e s
r è g l e s du décorum. Une personne d'une c l a s s e inférieure
a u r a i t peu d'estime pour c e l u i ou c e l l e d'une c l a s s e
supérieure qui l a t r a i t e r a i t d'égale en é g a l e . Ce snobisme
d ' é t i q u e t t e f a i t de s e s domestiques, des automates. I l s
ne s a l u e n t pas l e u r s m a î t r e s , i l s ne parlent que l o r s q u ' i l s
sont i n t e r r o g é s , sont tenus à garder l e s yeux baissés e t
l ' e x p r e s s i o n i m p a s s i b l e . Madame de Coulevain parle du
désarroi d'une femme de chambre chez Miss Baring à S t .
0 ' l a f , qui après avoir é t é avisée par sa maîtresse que
c ' e s t l a coutume en France, l u i souhaite l e bonjour en l u i
apportant son thé l e matin. Bien q u ' i l n'y a i t aucun l i e n
de sympathie entre l e s maîtres e t leurs gens, l e s
domes-t i q u e s sondomes-t mieux soignés en Angledomes-terre q u ' a i l l e u r s . I l s
sont b i e n l o g é s , b i e n n o u r r i s , leurs d r o i t s scrupuleusement
observés e t i l s ont l e u r s vacances payées. I l s ne témoignent,
cependant, aucune reconnaissance à leurs maîtres e t l e s
q u i t t e n t sous l e moindre p r é t e x t e . I l y en a qui passent
toute l e u r v i e sous l e môme t o i t , mais i l s appartiennent
p l u t ô t à l a maison qu'à l a f a m i l l e . Tout autant que l e s
maîtres l e s domestiques sont â cheval sur la préséance.
Leurs p l a c e s â t a b l e sont r é g l é e s d'après leur fonction dans
l a maison, e t s ' i l s sont en v i s i t e , d'après l'importance
de l e u r s m a î t r e s . S i un Anglais v i t hors de l'Angleterre
»que ce s o i t sous une t e n t e , dans la maison coloniale ou
dans un jungle i l é t a b l i t l e s mômes usages, observe l e môme
r i t e domestique.» Cette correction e s t nécessaire à toute
âme a n g l a i s e . Le conformisme e s t l e fond de sa nature.
Cela f a i t une nation merveilleusement d i s c i p l i n é e , mais
uniforme e t d'une b a n a l i t é sans é g a l e . L'auteur prétend
que c e t t e d i s c i p l i n e e s t n é c e s s a i r e , cependant, à cause de
l'immense population de c e t t e p e t i t e î l e .
E l l e remarque que l e s Anglais des colonies sont g a i s ,
e x p a n s i f s . I l s paraissent vulgaires aux habitants de l a
mère p a t r i e , qui â leur tour semblent f i g é s aux parents
c o l o n i a u x .
Cette correction, cette sécheresse de machine s'étend aux petits employés également. Les vendeurs et les
ven-deuses affichent une indifférence achevée. Ils ne disent pas un mot de plus qu'il ne faut.
A la maison, la vie est réglée comme du papier à
dans l e monde. Les femmes sont en t o i l e t t e du s o i r à
d e m i - d é c o l l e t é e s . Cet usage, qui donne aux repas une
élégance, a i d e à e n t r e t e n i r l e respect que l ' a n g l a i s a
pour lui-même.
Les matinées e t l e s robes de chambres ne sont jamais
de mise â l a t a b l e de f a m i l l e , pas môme au rez-de-chaussée
de l a maison. L'auteur a é t é intriguée par l a «cap» anglaise
qui e s t portée par des femmes de diverses conditions. Pour
e l l e c e t t e cap a l ' e f f e t symbolique d'un é t e i g n o i r e . «Elle
é t e i n t toujours quelque c h o s e , la l i b e r t é ou la jeunesse.
nOn rencontre p a r f o i s de p l a i s a n t e s manifestations de
snobisme. Dans un h ô t e l où é t a i t a l l é e l'auteur voir des
amis, une c a r t e p l a c é e sur l a porte de l'appartement v o i s i n
a t t i r a son a t t e n t i o n . E l l e s'approcha et l u t ses mots qu'elle
q u a l i f i e d ' e n f a n t i n s , h a b i l e s , caractéristiques,«En v i s i t e
au château de «
S i l e snobisme e s t responsable d'une foule de choses
mesquines e t r i d i c u l e s , i l a aussi un bon nombre de bonnes
oeuvres à son c r é d i t . Très souvent i l s u f f i t d'une bonne
a c t i o n par quelqu'un de haut placé pour lancer une mode.
Aussi c e t t e admiration progressive s e r t - e l l e a refréner l e s
i n s t i n c t s v i o l e n t s des Anglo-Saxons, â l e s p o l i c e r , à l e s
r a f f i n e r . Une femme de basse naissance en s'efforçant de
ressembler â w i . „ l a d y „ l a devient un peu. De même pour un
i n d i v i d u qui joue au gentilhomme. Si on se s u r v e i l l e du
* f
0i t riAa nroarês. C'est une force de fcnd
que l e b o i r e e t l e manger. Un anglais en rupture de r e s
-p e c t a b i l i t é a l ' a i r gauche e t honteux e t Madame de Coulevain
ajoute qu'on l e s rencontre quelquefois sous l e s arcades de
l a rue de R i v o l i avec leurs maîtresses et toujours i l s
manquent d'assurance. La moralité de l'Anglo-saxon e s t
plus a u s t è r e , plus pure e t plus r i g i d e que la moralité de
l a race l a t i n e mais son immoralité e s t bien p i r e . Selon
l ' é c r i v a i n , en France, i l y a plus de mousse que de
sub-s t a n c e , en Angleterre plusub-s de sub-subsub-stance que de mousub-ssub-se.
L ' a l c o o l joue un r ô l e plus néfaste en Angleterre qu'en France.
Là-bas l e s b a s s e s c l a s s e s seulement en sont a t t e i n t e s , en
Angleterre i l n'épargne personne. L'ivresse terrasse sa
victime complètement ou r é v e i l l e en l u i l e s i n s t i n c t s
p r i m i t i f s qui sont encore à f l e u r de peau.
Ce que l ' a u t e u r aime mieux en Angleterre ( s i on peut
l a c r o i r e ) , c ' e s t l e peuple. Son i n t e l l i g e n c e , d i t son
admiratrice, n ' e s t ni v i v e ni b r i l l a n t e , mais i l e s t f o r t ,
p a t i e n t e t bon. Ses i n s t i n c t s sont v i o l e n t s e t primitifs
mais deux courants l e s modèrent ou l e s tiennent en échec,
son c o n t a c t avec l e s c l a s s e s supérieures et sa propre
s p i r i t u a l i t é . La B i b l e , s e l o n l'auteur^lui e s t une sorte
de v i a t i q u e e t l e s o u t i e n t merveilleusement. Le goût
a r t i s t i q u e l u i manque mais i l possède à un haut degré la
compréhension de l a j u s t i c e , de la l i b e r t é , l ' o r g u e i l de
son i n d i v i d u a l i t é . E l l e ajoute que l'homme du peuple met
un t e l p r i x à son i n d i v i d u a l i t é q u ' i l ne c o n s e n t i r a i t
trouvait une nourriture plus substantielle, il a une
ambition démesurée pour son pays. (Ici, Madame de Coulevain est d'accord avec Demolins) ambition, dit-elle, qu'aucun
effort, aucun sacrifice ne lui coûterait pour le maintenir au premier plan. Pour être à la tête de son gouvernement 11 veut le ugentleman„ le mieux né et du sang le plus élevé. Il ne serait pas content d'être gouverné par un bourgeois. Lorsqu'on considère le gouvernement actuel on donne raison pour une fois â l'abbé Bethléem. Madame de Coulevain s'est carrément montrée mauvais prophète. On se demande si le gouvernement travailliste se révélera conforme au génie
anglais et si cette ambition démesurée, dont parle l'auteur, sera de nouveau assez forte pour pousser une nation épuisée par une longue guerre, vers un effort et un sacrifice suf-fisants, pour regagner sa place â la tête des nations.
Son loyalisme envers son pays est un des traits les plus remarquables de l'Anglais. Pour le peuple comme pour toute la nation, le roi incarne l'idée de la patrie. C'est comme s'il lui appartenait en propre et comme s'il travaillait pour lui. Il aime passionnément »les cortèges, la pompe
royale.» Il adore »le déploiement du luxe sous toutes ses formes.»
La femme ne va pas aux champs avec son mari. Il est censé la soutenir. Elle a presque toujours une nombreuse famille et elle est très mauvaise ménagère. Elle ignore complètement cet art ou la française est passée maîtresse, l'art de faire beaucoup avec rien.
La c l a s s e moyenne i n f é r i e u r e , se compose de p e t i t s
commerçants, de p e t i t s r e n t i e r s , de p e t i t s employés. A
l ' e x t r é m i t é de l a t i g e nous avons l a haute bourgeoisie.
» I c i , l a l u t t e e s t plus âpre, l'ambition e t l'émulation
plus ardentes.» Pour a r r i v e r v i t e à sa f i n on j e t t e à
bord une f o u l e de scrupules e t de sentiments e t cet e f f o r t
énorme e s t d i r i g é vers l ' a r g e n t e t la p o s i t i o n s o c i a l e .
La t r a n s i t i o n que l'Angleterre subit e s t marquée par
l e mariage de l ' a r i s t o c r a t i e avec l a haute bourgeoisie.
L ' a r i s t o c r a t i e sauvée, a été obligée de recevoir ceux q u ' i l s
l ' o n t secourue. »A porter sa ceinture de sauvetage,» ajoute
l ' a u t e u r . Cette émulation, c e t t e révérence pour l a c l a s s e
supérieure e s t f o r t e aussi dans l ' a r i s t o c r a t i e , qui, à
son tour révère la royauté.
Les Animaux
Dans toutes les classes de,l'Ile Inconnue, il y a certaines qualités fondamentales, qui se trouvent du haut en bas de l'échelle. L'affection par exemple que chaque Anglais éprouve pour les animaux. „C'est déjà au degré
d'humanité envers les bêtes que se mesure le degré de la civilisation,» dit l'auteur dans^l'Ile Inconnue,, et elle continue «Il est impossible d'étudier la vie anglaise sans remarquer la place que les animaux y tiennent.» Dès sa petite enfance, l'enfant anglais est accoutumée en être entouré et il les considère comme faisant partie de la famille, d'où vient ce besoin d'affection canine qu'on
associe toujours avec l'anglais mais non pas avec l'Américain. L'auteur se rappelle le dévouement d'un vieux colonel anglais, Sir James Bret, pour son chien, qui pendant deux
mois à Cannes promenait chaque matin une vieille bête aveugle. Il mettait le bout de sa canne contre le flanc de son pauvre ami et l'animal le suivait.
Le chien anglais a un dressage tout spécial, il n'échappe pas lui non plus â la discipline anglaise et il a l'air John Bull autant que son maître. Il est froid, nerveux et digne. S'il lui arrive de se gratter au salon ou de se mettre sur le dos, ce qui est considéré comme inconvenant, il suffit de lui dire »Plus de tenue Monsieur» pour qu'il retombe sur ses quatre pattes.
Dans les animaux comme dans les êtres humains, ce que l'Anglais recherche surtout c'est la race. L'auteur redoute le moment ou l'Anglais découvrira le roquet, petit chien
français par excellence, car soumis â la discipline anglaise, il perdrait sa gaieté, son individualité.
Le sentiment public veille sur le bonheur et le bien-être des animaux. Les prairies sont soigneusement pourvues d'auges. La Société Protectrice des Animaux est toujours sur la brèche prête à Intervenir. Les amateurs de combats de coqs, de rats et de chiens, sont moins nombreux. La Société les surveille.
Le cheval est jfcitôt l'associé ou l'ami de son maître et l'auteur constate que le cheval de cocher à Paris a l'air