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Pragmatique et théorie de l'esprit chez les patients cérébrolésés : à partir d’une épreuve : le PragmaToM

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-01925073

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01925073

Submitted on 16 Nov 2018

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Pragmatique et théorie de l’esprit chez les patients

cérébrolésés : à partir d’une épreuve : le PragmaToM

Chloé Moreau

To cite this version:

Chloé Moreau. Pragmatique et théorie de l’esprit chez les patients cérébrolésés : à partir d’une épreuve : le PragmaToM. Sciences cognitives. 2018. �dumas-01925073�

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Université Caen Normandie

UFR de Médecine

Département d’Orthophonie

Mémoire pour l'obtention du

Certificat de Capacité d'Orthophonie

Pragmatique et théorie de l'esprit chez les patients

cérébrolésés : à partir d’une épreuve le PragmaToM

Présenté par :

Chloé MOREAU

Née le 17/02/1993

Directeurs de mémoire :

Mme Solenn BOCOYRAN, Orthophoniste CH Aunay sur Odon

M. Mickaël LAISNEY, MC EPHE

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Remerciements

Je tenais à remercier en tout premier lieu mes deux directeurs de

mé-moire, Solenn Bocoyran et Mickaël Laisney pour leur aide précieuse

et grande disponibilité tout au long de l’année.

Un grand merci également à l’ensemble des patients et des sujets

té-moins qui ont accepté de participer à cette étude et de m’offrir un peu

de leur temps.

Merci aux orthophonistes, particulièrement Maryel Hardel, qui se

sont mobilisées pour le recrutement des patients et la passation du

protocole.

Merci aux orthophonistes auprès de qui j’ai eu la chance de me

for-mer ces dernières années, Laure Davoine, Isabelle Lecron-Miossec et

Charlotte Gosset.

Merci à mes deux fidèles amies, Élise et Manon, sans qui ces cinq

années n’auraient définitivement pas eu la même saveur.

Mille merci à mes parents et ma soeur pour leur soutien

incondition-nel et encouragements pendant ces cinq années d’études.

Enfin, merci à Elliott pour son aide, sa patience et sa présence

solaire à mes côtés toute cette année.

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SOMMAIRE

LISTE DES ABREVIATIONS ... 0

INTRODUCTION ... 1

PARTIE THÉORIQUE ... 2

1. La théorie de l’esprit ... 2

1.1 La théorie de l’esprit au sein de la cognition sociale ... 2

1 2 Définition de la théorie de l'esprit ... 2

1.3 Différents niveaux de représentations de la théorie de l'esprit ... 3

2. Liens entre la théorie de l'esprit et le langage ... 3

3. La pragmatique ... 4

3.1 Pragmatique, intentionnalité et implicite ... 4

3.2 Les actes de langage ... 5

3.3 Les maximes conversationnelles de Grice ... 6

4. Troubles pragmatiques chez les sujets cérébrolésés ... 6

5. Évaluation de la pragmatique et de la théorie de l'esprit ... 7

6. Relation entre la pragmatique et la théorie de l'esprit ... 9

7. Problématique, objectifs et hypothèses ... 11

PARTIE EXPERIMENTALE ... 13

1. Matériel et méthode ... 13

1.1 Population ... 13

1.2 Matériel utilisé ... 13

1.2.1 Épreuve originale : Le PragmaTOM ... 14

1.2.2 Évaluation de la théorie de l’esprit ... 17

1.2.3 Évaluation de la pragmatique du langage ... 17

1.2.4 Évaluation de l’efficience cognitive globale ... 18

1.3 Conditions de passation ... 18

1.4 Hypothèses détaillées ... 19

1.5 Analyse statistique ... 19

(5)

2.1 Données démographiques et cliniques ... 19

2.2 Scores totaux, Pragmatique et théorie de l’Esprit ... 19

2.3 Détails des résultats des patients au PragmaToM ... 22

2.3.1 Comparaison des scores Actions et Intentions ... 22

2.3.2 Analyse des différents types d’erreurs en réponses libres ... 23

2.3.3 Analyse de l’effet de l’ordre de présentation des questions Action et Intention ... 24

DISCUSSION ... 24

CONCLUSION ... 30

BIBLIOGRAPHIE ... 32

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LISTE DES ABREVIATIONS

ACR : Arrêt cardio-respiratoire

ALI : Actes de langage indirects

AVC G : Accident vasculaire cérébral gauche

AVC D : Accident vasculaire cérébral droit

CL : Cérébrolésés

CLD : Cérébrolésés droit

EH : Encéphalite herpétique

MOCA : Montréal Cognitive Assessment

NSC : Niveau socio-culurel

Protocole MEC : Protocole Montréal d’Évaluation de la Communication

TC : Traumatisme crânien

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« Entre

Ce que je pense,

Ce que je veux dire,

Ce que je crois dire,

Ce que je dis,

Ce que vous avez envie d'entendre,

Ce que vous croyez entendre,

Ce que vous entendez,

Ce que vous avez envie de comprendre,

Ce que vous comprenez,

Il y a 10 possibilités qu'on ait des difficultés à

communiquer

Mais essayons quand même... »

Encyclopédie du savoir relatif et absolu

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INTRODUCTION

La communication est un processus complexe qui implique de nombreux paramètres. Chez les êtres humains, l'un des principaux vecteurs de la communication est le langage, sous-tendu par le principe d'intentionnalité. Par de nombreux aspects et en dehors de tout déficit langagier, elle peut représenter un défi pour ceux qui ont en sont les acteurs. On peut alors imaginer les difficultés vécues par les personnes qui souffrent de troubles du langage lors de situations de communication. En effet, certaines pathologies comme les accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou les traumatismes crâniens (TC) entraînent une altération du langage formel ou de la pragmatique, notamment atteinte en présence de lésions cérébrales frontales ou de l’hémisphère droit. Les troubles pragmatiques s'objectivent principalement en situation de compréhension du langage implicite, de l'ironie ou de l'humour et constituent une altération de la cognition sociale. Ces patients révèlent aussi couramment des difficultés dans l'attribution d'états mentaux c'est-à-dire la théorie de l'esprit (TDE). La présence de ces deux atteintes de façon concomitante a conduit les chercheurs, notamment dans le domaine des neurosciences, à explorer le lien qui pouvait exister entre la pragmatique du langage et la TDE. Aujourd'hui, il n'existe toujours pas de consensus autour de cette question. L’observation clinique de sujets cérébrolésés (CL) suite à un AVC ou un TC indique que certains ont des comportements inadaptés dans les interactions sociales avec leur entourage alors que leurs performances aux tests évaluant la pragmatique ne sont pas déficitaires. Les tests existants semblent ne pas évaluer suffisamment le lien entre la théorie de l'esprit et la pragmatique avec des épreuves très axées sur la dimension cognitive de la TDE.

Ce mémoire fait suite à celui de Lucille Chartier et de Anne Leborgne qui ont commencé à élaborer une épreuve : le PragmaToM dans leurs précédents travaux. L'objectif de ce mémoire est donc d'explorer la relation entre la TDE et la compréhension pragmatique en poursuivant l'élaboration de ce test qui propose des items plus écologiques combinant la TDE et la pragmatique. Pour ce faire, nous recruterons un groupe de sujets sains et un groupe de sujets CL (à la suite à un AVC ou d’un TC) avec un langage formel relativement préservé mais présentant des difficultés dans les interactions au quotidien. Nous leur ferons passer le PragmaToM et différents tests évaluant la pragmatique et la TDE afin de pouvoir étudier et comparer les résultats entre les différentes épreuves proposées et évaluer la sensibilité de notre test.

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PARTIE THÉORIQUE

1. La théorie de l’esprit

1.1 La théorie de l’esprit au sein de la cognition sociale

L'intérêt pour le domaine des neurosciences sociales n'est pas récent. Dès 1978, Lezak décrit des atteintes du comportement social en dehors de toute autre atteinte cognitive, comme changement clé observé chez des personnes ayant eu un traumatisme crânien. La cognition sociale peut être définie très globalement comme la capacité à comprendre les autres. Elle regroupe un ensemble de processus cognitifs, sociaux et émotionnels de haut niveau, impliqués dans les interactions sociales (Bocoyran, Joyeux, 2016). La cognition sociale permet de prédire et de comprendre le comportement des autres afin de s'y ajuster de la meilleure façon possible. Selon Adolphs (2003), elle résulte d'un impératif évolutionnaire puisque la survie de l'espèce humaine repose sur la coopération et la compétition au sein de groupes de personnes. Pour comprendre son interlocuteur, il est nécessaire de saisir ses intentions qui ne sont pas forcément explicites. En ce sens, la cognition sociale implique donc la perception et la production de signes sociaux tels que les émotions, la communication et la capacité à construire des représentations des états mentaux d'autrui.

1 2 Définition de la théorie de l'esprit

Premarck et Woodruff (1978) définissent la TDE comme la capacité à attribuer des états mentaux à soi et à autrui. L’emploi du terme théorie découle du fait que les états mentaux des autres ne sont pas directement observables et que cette capacité peut également être utilisée pour effectuer des prédictions sur les états mentaux d'autrui. D'après Zeman (2001) la TDE correspond au niveau de conscience le plus élevé puisqu'il s'agit de prendre conscience de l'esprit de l'autre. Après être passé par une étape de conscience de soi et de ses propres pensées, on doit être en mesure d'envisager que celles de son interlocuteur puissent être différentes des siennes afin de comprendre le comportement de celui-ci et de pouvoir l'anticiper pour y répondre de la manière la plus adaptée possible. En ce sens, la découverte de Rizzolatti et ses collaborateurs en 1996 offre un éclairage intéressant sur les processus à l'œuvre puisqu'ils expliquent que des neurones, qu'ils appellent neurones miroirs, peuvent être activés aussi bien lorsque l'on effectue une action que lorsque l'on observe cette action réalisée par autrui.

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1.3 Différents niveaux de représentations de la théorie de l'esprit

Dans la littérature, on distingue différents niveaux de représentations : la TDE de premier ordre qui se réfère à la représentation qu'une personne se fait de l'état mental d'une autre personne comme dans l'exemple suivant : « Jean pense que Marie pense que... » et la TDE de deuxième ordre qui se réfère à la représentation qu'une personne se fait de la représentation de l'état mental d'une autre personne comme dans l'exemple suivant : « Jean pense que Marie pense que Pierre pense que... ». Une dichotomie est également effectuée entre la TDE qui traiterait plutôt des émotions et la TDE en rapport avec les pensées, croyances ou intentions des interlocuteurs. La première est qualifiée de TDE affective ou chaude et la seconde correspond à la TDE dite cognitive ou froide. L'étude de Shamay-Tsoory et Aharon-Peretz en 2007 met en exergue une apparente dissociation entre la TDE cognitive et la TDE affective chez des patients avec un TC. Cette dissociation est renforcée par les constats effectués en neuro-imagerie sur les bases anatomiques sous-tendant ces deux concepts. En effet, il apparaît que la TDE cognitive serait affectée par des lésions préfrontales assez étendues qui touchent à la fois le cortex dorsolatéral et le cortex ventromédian alors que les déficits en TDE affective résulteraient de lésions plus circonscrites du cortex ventromédian. Les capacités en TDE impliquent aussi le lobe temporal, les amygdales et la jonction temporo-pariétale. Les lésions responsables de déficit en TDE s'observent fréquemment dans les lésions droites et plus particulièrement des lésions du sillon temporal supérieur droit (Vuadens, 2005). Les études qui se sont intéressées au développement de la théorie de l'esprit ont souvent rapporté l'existence d'un possible lien entre la TDE et le langage qui sont deux compétences se développant au même moment.

2. Liens entre la théorie de l'esprit et le langage

Les études réalisées chez les enfants au cours du développement ont permis d'enrichir les connaissances et le questionnement autour du lien entre le langage et la TDE. En effet, la TDE subit un changement important grâce à l'acquisition de la grammaire et du lexique (Varley et Siegal, 2006). De villiers et Pyers (2002) développent l'idée selon laquelle la maîtrise de certaines constructions grammaticales complexes comme les subordonnées complétives ou les subordonnées relatives permettraient le raisonnement sur les états mentaux d'autrui. Cela pourrait être expliqué par les exigences langagières des tâches de TDE administrées aux enfants, pourtant assez réduites. Les résultats de l'étude de Harris, De Rosnay et Pons (2005) montrent d’ailleurs que les enfants échouent lors d'épreuves de fausses croyances même s'ils ont acquis et utilisent ces mêmes structures syntaxiques dans

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d'autres tâches. L'étude de Behne, Carpenter et Tomasello (2005) présente également des résultats qui vont à l'encontre de la thèse de De villiers et Pyers puisqu'ils expliquent que des nourrissons de 15 mois seraient capables de se représenter les états mentaux d'autres personnes ce qui va dans le sens d'une indépendance de la TDE et des compétences langagières. D'après Apperly et al (2006), la grammaire pourrait jouer un rôle dans la construction de la TDE chez l’enfant et ce faisant permettrait une fois adulte, de former des capacités de TDE qui ne dépendraient pas de la grammaire comme source de structure ou d'expression.

Afin d’étudier les liens possibles entre la TDE et le langage, les capacités d'inférer des états mentaux ont également été évaluées chez des patients CL présentant des déficits langagiers tel que l'agrammatisme. Grâce à des épreuves conçues spécialement pour éviter d'avoir recours au langage, il a été montré que la TDE pouvait être préservée même en présence d'un langage formel très perturbé. (Varley et Siegal, 2000, Apperly et al, 2006). Néanmoins, les chercheurs ont constaté qu'il n'en allait pas de même pour tous les aspects du langage. En effet, on retrouve fréquemment des déficits de la TDE associés à des troubles des habiletés pragmatiques du langage au sein de populations CL. Il serait donc intéressant de définir le champ de la pragmatique afin de pouvoir étudier les relations qu'elle entretient avec le domaine de la TDE.

3. La pragmatique

3.1 Pragmatique, intentionnalité et implicite

La pragmatique se distingue du langage formel qui traite de la phonétique, de la phonologie et de la morphosyntaxe pour s'attacher à la question du sens dans une perspective globalisante. La notion de contexte revêt une importance particulière dans le champ de la pragmatique car celui-ci permet d'intégrer des informations nouvelles, en dehors de celles fournies par le code linguistique pur, pour pouvoir enrichir le sens d'un énoncé. Kerbrat-Orecchioni, en 1980 dans son ouvrage « L'énonciation : de la subjectivité dans le langage » définit la pragmatique en écrivant qu'elle « a pour objet de réinsérer le texte dans l'acte de communication, c'est-à-dire de décrire les relations qui se tissent entre l'énoncé, les protagonistes du discours et la situation de communication ». La pragmatique concerne donc l'utilisation du langage en situation de communication. Elle s'intéresse également aux capacités de langage élaboré telles que la polysémie, la synonymie, l'antonymie, les définitions de mots et les constructions syntaxiques complexes.

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Dans ces travaux, Searle développe l'idée selon laquelle les activités symboliques et relationnelles effectuées grâce au langage découlent d’un processus plus global que l'on appelle l'intentionnalité. En effet, un locuteur, lorsqu'il communique, présente toujours une intention de communication qui apparaît rarement de façon explicite. Bien souvent, le décodage littéral du message ne suffit pas pour accéder à ce que le locuteur a vraiment voulu dire. Pour accéder au caractère indirect ou implicite d'un énoncé, le locuteur devra mettre en perspective des connaissances sur les principes généraux qui régissent la communication, des informations données par le contexte ou bien acquises grâce aux expériences passées, et des connaissances qui associent aux énoncés une valeur d'actes. (Annick Duchene May-Carle, 2000). Afin de saisir au mieux ce processus complexe, il convient de revenir sur des notions pragmatiques qui le caractérisent.

3.2 Les actes de langage

Fondamentalement, Austin remet en cause l’idée largement répandue selon laquelle le langage a pour fonction de décrire un état de fait. Il affirme en 1970 que : « tout énoncé produit dans une situation de communication correspond à la réalisation d'un acte social appelé acte de langage ». « Dire », c'est représenter et informer sur le monde qui nous entoure, mais c'est aussi « faire ». L'angle interactionniste adopté par Austin met en lumière les conséquences que peuvent avoir l'acte de parole sur l'interlocuteur et le locuteur lui-même. Kerbrat-Orecchioni (1990) le résume comme suit : « Parler, c'est échanger, et c'est changer en échangeant ». L'acte de langage défini par Austin se compose de trois actes étroitement intriqués : l'acte locutoire, l'acte illocutoire et l'acte perlocutoire. L'acte locutoire correspond au fait de dire quelque chose. L'acte illocutoire est l’acte effectué par le locuteur en disant quelque chose et l'acte perlocutoire se rapporte à l'effet produit par nos propos sur nos interlocuteurs.

La théorie des actes de langage sera reprise par Searle (1982) qui développe la notion d'actes de langage directs et indirects. Les actes de langage indirects (ALI) correspondent à un énoncé où le locuteur veut signifier autre chose que ce qui est dit littéralement. On reconnaît deux types d'ALI : les ALI conventionnels et les ALI non conventionnels. Par exemple si le but du locuteur est que son interlocuteur ferme la fenêtre, l'ALI conventionnel reviendrait à dire « Peux-tu fermer la fenêtre ? » tandis que l'ALI non conventionnel correspondrait à « Il y a des courants d'airs ici ». Pour être capable d'effectuer des inférences, le sujet fait référence à l'ensemble des savoirs sur les règles de l'échange verbal qu'il a

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intériorisées depuis son enfance. En 1975, Paul Grice en a énoncé les principes au travers de différents préceptes qui vont être exposés.

3.3 Les maximes conversationnelles de Grice

Les maximes conversationnelles dépendent toutes, en amont, du principe de coopération nécessitant que les individus qui ont l'intention de communiquer cherchent à être coopérants avec leurs interlocuteurs en utilisant les mêmes outils de communication. Les maximes conversationnelles sont au nombre de quatre et résumées ainsi : maxime de relation : « Soyez pertinent », maxime de quantité : « Rendez votre discours aussi riche d'information(s), mais pas d'avantage, qu'il n'est requis pour le but de la communication », maxime de qualité : « Ne dîtes pas ce que vous croyez faux, ni ce pour quoi vous manquez de preuve suffisante » et maxime de manière : « Soyez clair, sans équivoque, bref et ordonné ». Les violations volontaires ou involontaires des maximes de Grice sont fréquentes dans les échanges quotidiens. Le respect du principe de coopération et des maximes de Grice, la compréhension et l'utilisation du langage non littéral se fait de façon automatique et très souvent inconsciente chez des individus en bonne santé. Cela permet une communication efficace entre les personnes et un maintien de relations sociales de qualité. Une atteinte de ces habiletés peut avoir un retentissement très important sur le bien-être au quotidien.

4. Troubles pragmatiques chez les sujets cérébrolésés

On observe fréquemment des déficits pragmatiques chez des patients ayant eu un AVC ou un TC. Bien que leur langage formel soit peu perturbé, certains présentent des difficultés de communication qui relèvent de troubles pragmatiques et touchent le versant de la production et de la compréhension. Ces difficultés représentent parfois un véritable handicap lors des interactions quotidiennes avec leur entourage. Joanette et Ansaldo (2001) reconsidèrent la notion d'aphasie et proposent de compléter le tableau de classification des aphasies en y faisant apparaître l'aphasie pragmatique.

Sur le plan réceptif, les sujets CL droit (CLD) et TC présentent des difficultés de compréhension des ALI non conventionnels (Stemmer, Giroux et Joanette, 1994 ; Muller et al, 2009) qui nécessitent de dépasser la signification littérale en ayant recours à ses capacités inférentielles, alors que les ALI conventionnels présentent un traitement beaucoup plus automatique. En 2003, Champagne et al. observent un déficit touchant la compréhension des implicatures conversationnelles de Grice chez les CLD avec la même hiérarchisation de complexité que chez les sujets contrôles : les actes de langage directs sont mieux compris

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que les ALI, la violation de la maxime de qualité est mieux comprise que la violation de la maxime de quantité ou l'ironie. Les travaux de Channon, Pellijeff et Rule (2005) révèlent également un défaut de compréhension du sarcasme chez les TC caractérisé par des erreurs qui correspondent bien plus souvent à des interprétations non littérales erronées qu'à des interprétations littérales des énoncés. La compréhension du discours est également perturbée. Les patients CLD intègrent difficilement les éléments d'une histoire dans une unité qui ferait sens. Ils ont également du mal à comprendre ou à garder en mémoire le thème principal d'un énoncé et se souviennent plutôt des éléments secondaires non pertinents pour la compréhension (Abumsara et al, 2009). D'un point de vue global, la nature souvent rigide du mode de pensées des individus CL et TC impacte leur compréhension puisqu'ils ont du mal à remettre en cause une première interprétation erronée.

Sur le plan expressif, le discours produit par les sujets CL et TC est tangentiel et manque de cohérence avec la présence de nombreuses digressions et commentaires inappropriés (Champagne et Taché, 2016). Bien souvent, le principe de coopération et les maximes de Grice ne sont pas respectés au cours de la conversation comme en témoignent les difficultés à maintenir les tours de parole et à respecter le thème de l'échange rapportées dans la majorité des études. Rousseaux et al (2010) notent également un défaut d'adaptation du discours en fonction des feedbacks émis par l'interlocuteur. L'étude de Sainson, Barat et Aguert (2014) va dans ce sens puisqu'elle souligne les difficultés des patients TC à intégrer leurs idées à celles de l'interlocuteur et à tenir compte des intérêts de ce dernier. Ces éléments viennent d’ailleurs interroger les capacités de théorie de l'esprit. Leur étude fait aussi référence au caractère autocentré et dirigiste du discours produit en situation de conversation. Une familiarité excessive et une atteinte de la communication extralinguistique sont également rapportées.

5. Évaluation de la pragmatique et de la théorie de l'esprit

Différents tests sont actuellement utilisés pour évaluer les compétences pragmatiques et les habiletés de TDE. Certaines épreuves comme le Test de Langage Elaboré (Rousseaux et Dei cas, 2012) évaluent une des dimensions de la pragmatique qui ne nécessite pas de

mind-reading, c’est-à-dire l’attribution d’états mentaux. En effet, les subtests suivants :

définitions et évocations sur définitions, concaténations de phrases, synonymie, antonymie, polysémie, expressions imagées, proverbes, discours argumentatif font appel aux capacités de langage élaboré, indépendantes de la TDE. Le subtest d’interprétation de métaphores du protocole Montréal d'Évaluation de la Communication couramment appelé protocole MEC

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(Coté, Joanette & Ska, 2004) où il est demandé au patient d’expliquer le sens de 10 métaphores nouvelles (décontextualisées) et de 10 idiomes nécessite d’accéder au sens implicite mais ne requiert pas d’attribution d’intentions. De la même façon, l’entretien biographique issu du PragmaTest (Dardier, Bernicot, Gourmi & Ornon, 2012) permet de tester la compréhension des expressions idiomatiques qui sont prononcées au cours de l’échange par l’examinateur en situation écologique.

En revanche, d’autres épreuves évaluent les habiletés pragmatiques en lien avec l’attribution d’intention comme le subtest d’interprétation des ALI issu du protocole MEC dans lequel on présente de courtes situations mettant en scène deux personnages. Un des personnages prononce une phrase qui correspond à un acte de langage indirect non conventionnel explicite ou bien implicite qui nécessite d’effectuer une inférence et d’attribuer une intention au personnage pour la comprendre. La Gestion de l'Implicite (Duchêne May-Carle, 2000) évalue aussi en partie les habiletés pragmatiques et de

mind-reading en proposant une série d’items qui décrivent succinctement une situation pour

laquelle il faut parfois effectuer une inférence en rapport avec le contexte et les pensées des personnages pour la comprendre. Le PragmaTest propose une épreuve de complétion et de jugement d'histoires, à partir de photographies où sont représentées des situations d’interactions sociales dans la vie quotidienne. L’examinateur place les photographies sur la table et raconte l’histoire en pointant les différents personnages. Certains items où les personnages effectuent des demandes ou des réponses implicites du type « Est-ce que je vais faire les courses pour le dîner ? » pour laquelle la réponse proposée est : « Le réfrigérateur est totalement vide » nécessitent le recours aux habiletés inférentielles pragmatiques et d’attribution d’intentions.

Enfin, certaines épreuves comme la TOM 15 (Desgranges et al, 2012) évaluent spécifiquement la TDE sans avoir recours aux habiletés pragmatiques. En effet, il s’agit d’une épreuve de fausses croyances présentée sous la forme d’une planche de trois dessins accompagnés de légendes limitant ainsi l’implication d’autres fonctions cognitives. Le premier dessin dépeint une situation dans laquelle un personnage a plusieurs informations à sa portée. Dans le deuxième dessin on voit la situation évoluer à l’insu du personnage. Le troisième dessin représente le personnage dont la croyance est désormais erronée. Quinze items (huit avec une croyance de premier ordre et sept avec une croyance de deuxième ordre) sont soumis au patient qui doit déterminer la croyance du personnage. Dans un second temps, une tâche qui vérifie la compréhension des quinze items initialement présentés est effectuée.

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6. Relation entre la pragmatique et la théorie de l'esprit

Le lien entre le langage et la TDE trouve des fondements théoriques dans les travaux de Sperber et Wilson (1986) qui reprennent la thèse de Grice considérant que la communication est avant tout un exercice de mind-reading. En effet, un acte de communication réussi nécessite de saisir le sens de l'énoncé mais aussi d’évaluer les intentions, les connaissances et les émotions de son interlocuteur. En ce sens, la TDE et la pragmatique semblent dépendantes l'une de l'autre, d'autant que l'on observe très fréquemment des troubles concomitants de ces deux habiletés chez des patients CL et TC. Pourtant, il existe de nombreuses controverses quant à l'apparente dépendance de la pragmatique et de la TDE.

L'une des interprétations formulées dans la littérature pour expliquer la coexistence de ces deux troubles serait que les tâches de TDE impliquent des exigences langagières et que les patients verraient donc leurs scores aux tâches de TDE diminuer à cause de leurs difficultés de langage. En effet, Siegal et Varley (2006) précisent que les tâches censées mesurer la TDE telles que les tâches de fausses croyances seraient en fait plutôt basées sur la compréhension de la question qui nécessite de faire une inférence. (Où le personnage va-t-il chercher l'objet « en premier » ?). Il a été montré que lorsque cette indication « en premier » était donnée, l'épreuve était globalement beaucoup mieux réussie. Ils considèrent donc le langage, non comme un élément essentiel, mais comme un facteur de performance lors des tâches de TDE.

Apperly et al. (2007) ont proposé à 11 patients CLD une tâche de fausses croyances évaluant la TDE et une tâche évaluant les capacités de représentations ne concernant pas les états mentaux, appelée tâche de « fausse photographie ». Elle consiste à déterminer l'emplacement d'un objet sur une photo prise avant le déplacement de l'objet dans la situation réelle. Les résultats ont mis à jour deux types de profil distincts : soit les patients ont très bien réussi les deux tâches, soit les patients ont échoué aux deux tâches, ce qui leur a permis d'avancer l'hypothèse selon laquelle les déficits de représentations ne sont pas spécifiques à la TDE mais résultent de difficultés de représentations plus générales. Ce déficit pourrait également être source de difficultés en situation de langage implicite lorsqu’il s’agit de se faire une représentation de la situation afin de saisir l’intention de son interlocuteur.

Une seconde interprétation émerge des différentes recherches : certaines habiletés pragmatiques dépendraient de notre capacité à inférer sur les états mentaux. Cheang et Pell

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(2006) font l'hypothèse qu'un déficit dans la compréhension de l'humour, des ALI ou du discours narratif pourrait être dû à des difficultés dans l'attribution d'états mentaux. Cette explication a déjà été présentée par Martin et MacDonald (2003), qui proposent trois hypothèses pour expliquer les difficultés de compréhension de l'humour des patients CL. L'une étant effectivement la difficulté à se mettre à la place de l'autre pour se représenter ses intentions et états mentaux. Les deux autres se constituant autour d'un déficit des habiletés pragmatiques avec des difficultés à utiliser les informations fournies par le contexte pour interpréter un sens non littéral ; difficultés majorées par un déficit des fonctions exécutives et notamment de la flexibilité mentale qui empêche le locuteur d'interpréter autrement que littéralement le sens d'une phrase.

Concernant les fonctions exécutives, différents aspects ont été étudiés. McDonald et al. (2014) considèrent que les exigences exécutives peuvent expliquer une large part de la relation entre déficit de TDE et déficit pragmatique. Le contrôle inhibiteur et la flexibilité sont nécessaires dans les tâches de TDE qui nécessitent de se mettre à la place de quelqu'un et d'inhiber sa propre perspective mais également dans les tâches langagières. Champagne et Joanette (2009) affirment que le déficit pragmatique pourrait résulter de la conjonction d'un déficit des fonctions exécutives mais aussi d'un déficit de la TDE, plutôt que d'une seule atteinte des fonctions exécutives. Pour Bosco et al. (2016), une altération de la mémoire de travail et de la flexibilité mentale explique en partie le déficit pragmatique mais le rôle de la TDE dans les déficits pragmatiques ne serait pas lié aux fonctions exécutives. Cependant, Muller et al. (2009) font l'hypothèse que la TDE serait certainement distincte des autres aspects de la cognition sociale, tel que le langage, du fait de l’absence de corrélations entre les performances dans ces différentes tâches. Ils attirent donc l'attention sur la pertinence des tâches qui servent à évaluer la TDE, l'empathie, la pragmatique et les fonctions exécutives.

En somme, les résultats de ces études sont contradictoires car les épreuves utilisées sont rarement les mêmes et impliquent très fréquemment plusieurs domaines. De plus, les comparaisons entre les études sont très difficiles à établir puisque les aspects étudiés des fonctions exécutives sont souvent différents. Par ailleurs, l'observation de déficits concomitants dans deux domaines différents ne fournit pas de preuves quant au lien entre ces deux domaines, seule l’indépendance caractérisée par des dissociations peut servir d’argument scientifique.

En parallèle des études effectuées chez les TC et CLD, des études chez des enfants présentant un trouble du spectre autistique ont été réalisées. D’après Whyte et Nelson (2015),

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les habiletés pragmatiques chez les enfants avec autisme sont plus fortement corrélées au développement du langage formel (vocabulaire et syntaxe) qu'au développement de la TDE. Champagne et Stip (2010) font état de difficultés de compréhension des métaphores et métaphores nouvelles et des demandes indirectes au sein d'une population de schizophrènes dont les capacités de TDE et de flexibilité mentale sont également déficitaires. Le score à la tâche de TDE serait cependant meilleur prédicteur d'un déficit en compréhension de métaphores nouvelles que d'une altération de la flexibilité mentale. La corrélation apparaît de manière importante entre la TDE et l'épreuve de métaphores nouvelles contrairement aux autres tâches pragmatiques comme les demandes indirectes. Pour les auteurs, ces résultats confirment la thèse selon laquelle les différentes tâches pragmatiques s'appuient sur des processus cognitifs différents qui nécessitent de prendre en compte ou non l'intention du locuteur.

7. Problématique, objectifs et hypothèses

L’étude de la cognition sociale a connu un essor important depuis ces 30 dernières années. Les différents domaines qui la composent ont été l'objet de plusieurs études. Parmi eux, on retrouve la pragmatique du langage et la TDE, habiletés indispensables à l'entretien d'interactions sociales de qualité. Dès la fin des années 1970, les chercheurs ont fait état d'altérations de la pragmatique et de la théorie de l'esprit chez des sujets CL suite à un AVC ou un TC pouvant par ailleurs présenter un langage formel préservé. Le questionnement des chercheurs s'est donc orienté vers la relation entre la pragmatique dont on sait qu'elle nécessite des capacités inférentielles et l'attribution d'états mentaux. Certaines études ont fait l'hypothèse d'un lien fort entre ces deux capacités tandis que d'autres ont présumé de leur potentielle indépendance. Par ailleurs, les hypothèses actuelles soulignent l'intrication avec les fonctions exécutives qui sont souvent touchées suite à des lésions cérébrales. D'une part, l'une des explications possibles serait que les épreuves de TDE, d'ailleurs souvent remises en question dans la littérature, nécessiteraient des habiletés langagières complexes. D'autre part, les épreuves évaluant la pragmatique ne nécessiteraient pas forcément d'attribuer une intention au locuteur. Ainsi un patient pourrait tout à fait échouer lors d'une épreuve pragmatique alors même que les indices pragmatiques (implicite par exemple) ont été correctement analysés car l'intention du locuteur n'a pas été saisie. Ces deux constats incitent à faire l'hypothèse suivante : la pragmatique du langage n'impliquerait pas toujours de la TDE et elles pourraient être dissociées dans certaines épreuves. À l'heure actuelle, la plupart

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des tests évaluant la pragmatique proposent des situations qui n'impliquent pas le participant et/ou font appel à des processus de compréhension très cognitifs.

L'objectif de cette étude est de rechercher d’éventuelles dissociations entre les capacités de pragmatique du langage et de théorie de l’esprit. Pour ce faire, nous avons utilisé une nouvelle épreuve : le PragmaToM impliquant la pragmatique du langage et la théorie de l’esprit. Cette épreuve est constituée d'items proposant chacun une situation contextualisée de la vie quotidienne où le participant est acteur. Elle permet ainsi d’évaluer les capacités pragmatiques et inférentielles en contexte. Afin d'appréhender les qualités de ce nouveau test, les résultats obtenus seront comparés à ceux d’autres épreuves évaluant la pragmatique ainsi que l'attribution d'états mentaux.

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PARTIE EXPERIMENTALE

1. Matériel et méthode

1.1 Population

Neuf patients cérébrolésés et 9 sujets contrôles ont participé à cette étude. Parmi les patients, 3 ont été victimes d’un AVC (un de l’hémisphère droit et deux du gauche), 4 ont subi un traumatisme crânien, 1 a subi un arrêt cardio-respiratoire (ACR) et une anoxie cérébrale suivis d’un traumatisme crânien, et 1 a souffert d’une encéphalite herpétique (EH) (dont les lésions diffuses sont comparables à celle d’un TC). Tous les participants ont un âge compris entre 20 et 60 ans afin d’éviter d’importants effets de l'âge. Ils sont tous alphabétisés et de langue maternelle française.

Aucune évaluation du langage formel des participants n’a été effectuée dans le cadre de cette étude, cependant les bilans orthophoniques des 9 patients ne révèlent pas de difficultés en langage formel. De plus, bien qu’ils ne présentent pas de trouble de la pragmatique ou de trouble de la TDE mis en évidence par des tests cognitifs, les patients ont été recrutés par l’intermédiaire de leurs différents thérapeutes (neuropsychologue, ergothérapeute, ou orthophoniste) qui ont pu observer, notamment lors de prises en charge de groupe, des difficultés globales de cognition sociale.

Les participants contrôles ont un score à la MOCA correspondant à la norme pour leur âge et niveau socio-culturel. Les personnes souffrant de trouble neurologique, psychiatrique ou présentant des antécédents de troubles n’ont pas été inclus. Les patients et les volontaires sains sont appariés en âge, sexe et niveau d'étude évalués selon la procédure du GREFEX (Godefroy et GREFEX, 2008). Les patients de cette étude ont été recrutés au sein du SSR neuro-cognitif et de l’hôpital de jour d’Aunay-sur-Odon ainsi qu’auprès de différentes orthophonistes exerçant à Caen. Les participants contrôles ont été recrutés dans notre entourage.

1.2 Matériel utilisé

L’efficience globale de chacun des patients et sujets contrôles a été évaluée à l’aide de la Montréal Cognitive Assessment (MOCA; Nasreddine et al, 2005). L’évaluation des compétences pragmatiques a été réalisée avec l’épreuve d’interprétation d’Actes de Langage Indirects (ALI) du protocole MEC (Coté, Joanette et Ska, 2004) et l’évaluation de la TDE avec la TOM15 (Desgranges et al, 2012). L’observation par différents thérapeutes des difficultés des patients cérébrolésés à interagir de façon adaptée dans les situations

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quotidiennes, malgré des performances correctes aux épreuves pragmatiques et de TDE a suscité l’élaboration d’une nouvelle épreuve qui associait ces deux aspects dans des situations comparables à celles du quotidien.

1.2.1 Épreuve originale : Le PragmaTOM

L’épreuve PragmaToM implique à la fois des compétences pragmatiques et de théorie de l’esprit. En effet, il s’agit pour le participant de déterminer le sens d’une demande ambiguë en effectuant des inférences qui tiennent compte de l’intention du locuteur et des indices pragmatiques fournis (expressions idiomatiques, implicite, ironie, humour, mimiques). Cette épreuve se présente sous la forme de 20 situations décrivant des interactions entre deux protagonistes. Il est demandé au participant de s’imaginer dans la situation d’un des protagonistes. Pour faciliter ce processus, chaque énoncé reprend le pronom personnel « vous » de manière à ce que le participant se sente impliqué dans la situation.

Les énoncés sont tous construits sur le même modèle : 1/ contexte général (exemple : « Vous écoutez un CD de musique chez votre frère »), 2/ contexte spécifique (exemple : « Comme à votre habitude, vous vous moquez du chanteur que vous n’aimez pas beaucoup ») et 3/ phrase ambiguë de l’interlocuteur, qui pour être comprise, nécessite de réaliser une ou plusieurs inférences et de prendre en compte le contexte (exemple : « Votre frère vous dit ‘’Oh non, change de refrain...!’’»).

A la suite de la présentation de l’interaction, deux questions sont posées au participant. La première (Question Action) est : « Comment réagissez-vous ? » et la seconde (Question Intention) est : « Que veut-il dire (l’interlocuteur) ? ».

Pour chaque question, le participant donne une réponse libre puis effectue ensuite un choix parmi 3 propositions : 1/ la réponse attendue nécessitant l’inférence (exemple : « Il veut dire qu'il en a marre que vous critiquiez ce chanteur qu'il apprécie »), 2/ une interprétation littérale (exemple : « Il veut dire qu'il aimerait bien écouter un autre CD »), et 3/ une inférence erronée (exemple : « Il veut dire que vous chantez faux »). L’ordre des propositions est aléatoire et identique pour tous les participants.

Deux ordres de présentation des questions sont utilisés. Pour les 10 premiers items, la question Action est posée en premier et pour les 10 derniers, la question Intention est posée en premier. Cette procédure permet de mettre en évidence l’hypothèse selon laquelle s’interroger en premier lieu sur l’intention de l’interlocuteur entrainerait une réaction plus adaptée.

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Afin d’alléger la charge en mémoire de travail et de permettre au participant de relire les énoncés et questions, ceux-ci sont proposés sous forme écrite via un diaporama et également lus par l’examinateur. Le participant peut relire l’énoncé autant de fois que nécessaire.

Un point est attribué par bonne réponse en réponse libre et en choix forcé pour cha-cune des questions. Différents scores ont été calculés pour chaque patient :

1) Un score total (maximum 80) qui totalise le nombre de réponses correctes à toutes les questions dans les deux modalités du test (réponses libres, choix forcé)

2) Pour les réponses libres, les productions erronées ont été classées selon 6 catégories : - Interprétation littérale

- Inférence erronée

- Inférence incomplète qui correspond à une réponse pour laquelle le participant n’effectue qu’une partie des inférences nécessaires à la compréhension de l’énoncé dans sa globalité - Absence de prise en compte de l’inférence qui correspond à une réponse pour laquelle le participant effectue la bonne l’inférence mais n’en tient pas compte dans la manière dont il réagit

- Faux pas social qui correspond à une réponse pour laquelle le participant effectue une ma-ladresse ou un impair dans ce contexte social

- Adhérence à la vie personnelle qui correspond à une réponse pour laquelle le participant peine à s’imaginer dans la situation du personnage et fait référence à sa situation personnelle réelle au lieu d’utiliser les informations présentées dans l’énoncé.

Nous avons donc 6 scores (maximum 40) qui correspondent au total des réponses pour chaque catégorie.

3) 2 scores (maximum 40) qui correspondent au total des réponses correctes obtenues aux questions Action puis aux questions Intention dans les deux modalités confondues (choix forcé et réponse libre).

4) Nous avons subdivisé le score total aux questions Action en 2 sous-scores (maximum 20) en fonction de l’ordre d’apparition de la question :

- un score qui correspond aux réponses correctes à la question Action lorsqu’elle est posée en premier

- un score qui correspond aux réponses correctes à la question Action lorsque cette question est présentée en deuxième.

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Le développement du PragmaToM a donné lieu à deux mémoires d’orthophonie (Chartier, 2016 ; Leborgne, 2017). La majorité des items ont été élaborés dans les mémoires précédents mais de nombreux remaniements ont été effectués pour la version utilisée cette année. La distinction entre les items de TDE affectives et cognitives a été abandonnée. En effet, nous nous sommes rendu compte qu’il était très compliqué d‘extraire des caractéris-tiques générales pour classer les items selon ces deux aspects de la TDE. En fonction des sujets, de leur personnalité et de leur histoire de vie, la composante émotionnelle intervient plus ou moins fortement pour une même situation, rendant la classification des items trop subjective. Cette distinction a donc été laissée de côté au profit d’une nouvelle modalité dans le test : la généralisation des questions Action et Intention pour chaque item afin de pouvoir en faire varier l’ordre de présentation (alors que la version précédente proposait 10 items auxquels il fallait répondre à la question Action et 10 autres items auxquels il fallait répondre à la question Intention). Les travaux précédents ont également permis d’intégrer aux énoncés l’emploi du pronom personnel ‘’vous’’ pour favoriser l’identification du participant au per-sonnage de la situation ainsi que de définir un modèle de présentation d’énoncé précis.

En ce qui concerne les remaniements effectués cette année, nous avons modifié l’énoncé de certains items dont la signification nous semblait trop équivoque ou bien lorsqu’il semblait ne mettre en jeu que des capacités inférentielles pragmatiques et ne néces-sitait pas de déceler l’intention du locuteur. Pour ce faire, certaines expressions idiomatiques ont été modifiées, le contexte dans lequel une expression apparaissait a été précisé, parfois la fonction de l’interlocuteur a pu être modifiée, et des indices pragmatiques tels qu’une mimique ou une interjection ont été ajoutés. Nous avons également revu toutes les réponses proposées en choix forcé pour offrir un ensemble homogène en veillant à ce que chacune des réponses soit conforme à la signification littérale, à une inférence erronée et à l’inférence correcte. Quelques items ont également été supprimés parce que trop ambigus et remplacés par d’autres que nous avons créés. En outre, les réponses libres donnant lieu à des réponses non stéréotypées de la part des patients, la cotation a été affinée en ajoutant 4 nouvelles catégories : inférence incomplète, absence de prise en compte de l’inférence, adhérence à la vie personnelle et faux-pas social que nous avons définies ci-dessus. Enfin, nous avons for-mulé les consignes et conditions de passation et avons déterminé les instructions concernant la cotation des réponses afin d’obtenir des scores similaires, quel que soit l’examinateur.

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1.2.2 Évaluation de la théorie de l’esprit

L’épreuve TOM-15 (Desgranges et al, 2012) a été utilisée pour évaluer les capacités de théorie de l’esprit. Elle comprend 15 histoires décrivant des situations de la vie quoti-dienne où l’un des personnages a une croyance erronée sur l’état du monde. Chaque histoire est exposée sous la forme d’une planche avec 3 dessins en couleur accompagnés d’une lé-gende. L’implication d’autres fonctions cognitives telles que la mémoire de travail est ainsi réduite. Dans la première partie de l’histoire, une situation matérielle ou interpersonnelle dans laquelle un personnage a accès à différentes informations est présentée. En deuxième partie, cette situation évolue, à l’insu du personnage. Enfin, la troisième partie expose la situation nouvelle à propos de laquelle le personnage a désormais une croyance erronée. Le participant doit alors répondre à une question en choisissant parmi deux réponses proposées. Chaque question porte sur la croyance du personnage qui n’a pas accès à la totalité des in-formations pour comprendre la situation. Pour répondre correctement, le participant doit donc se mettre à la place du personnage et faire abstraction des connaissances auxquelles il a eu accès. Les 8 premières histoires présentées correspondent à des histoires de fausses croyances de premier ordre tandis que les 7 suivantes sont des histoires de fausses croyances de deuxième ordre. Cette tâche de fausses croyances est suivie d’une tâche de compréhen-sion utilisant le même matériel mais pour laquelle les questions portent sur la compréhencompréhen-sion globale de la situation. Un score de 15 points maximum qui correspond au nombre de ré-ponses correctes est recueilli pour ces deux tâches. Un score seuil de 12 a été retenu pour la tache de compréhension.

1.2.3 Évaluation de la pragmatique du langage

L’interprétation d’actes de langage indirects issue du protocole MEC (Coté, Joanette et Ska, 2004) a été utilisée pour évaluer la pragmatique du langage. Cette épreuve permet d’évaluer les capacités inférentielles à travers des situations de la vie quotidienne qui mettent en jeu des processus plutôt cognitifs et automatiques pour en comprendre l’implicite. Une vingtaine de très courtes situations mettant en scène deux personnages sont présentées. L’un des personnages prononce une phrase. Dix items nécessitent d’effectuer une inférence pour comprendre la phrase qui correspond à un acte de langage indirect non conventionnel, dix sont totalement explicites. Il est ensuite demandé au participant d’expliquer ce que veut dire le personnage. Le participant doit dans un premier temps répondre librement, puis choisir une réponse parmi deux solutions proposées : une signification littérale et une signification

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réelle qui implique d’effectuer une inférence. La cotation des réponses libres du patient s’ef-fectue au moyen d’une grille de cotation qui n’attribue aucun point si la réponse est trop éloignée, 1 point si la réponse est partiellement correcte et 2 points si la réponse est correcte.

Pour le choix de réponses, un point est attribué si le participant choisit la bonne pro-position. Deux scores sont ensuite calculés, un score de réponse libre côté sur 40 et un score de choix de réponses côté sur 20. Ces deux scores sont divisés en deux sous-scores (respec-tivement sur 20 et 10) pour différencier les situations directes et les situations indirectes. En faisant la somme de ces deux sous-scores, on obtient un score total pour les situations indi-rectes qui évaluent la pragmatique et un score total pour les situations diindi-rectes.

Des données normatives sont disponibles avec l’épreuve. Elles ont été recueillies au-près de 185 personnes exemptes de troubles neurologiques, psychiatriques ou d’antécédents d’alcoolisme et de toxicomanie, réparties en 3 groupes d’âges : 30-49 ans, 50-64 ans, 65-85 ans et 2 niveaux de scolarité.

1.2.4 Évaluation de l’efficience cognitive globale

La MOCA (Nasreddine et al, 2005) a été utilisée dans cette étude afin d’obtenir une estimation de l’efficience cognitive globale. Ce test évalue les capacités de mémoire, d'at-tention, de langage, d'abstraction, de visuo-construction, d’orientation, de calcul et le fonc-tionnement exécutif. Le score maximal est de 30 points, un score entre 27 et 30 est considéré comme normal ; entre 18 et 26 indique la présence d’une atteinte cognitive légère ; entre 10 et 17 indique la présence d’une atteinte cognitive modérée ; inférieur à 10 indique la présence d’une atteinte cognitive sévère.

1.3 Conditions de passation

Tous les patients et sujets témoins étaient volontaires pour participer à cette étude. Il leur a été remis une lettre d’information puis ils ont signé un consentement éclairé. Les con-ditions de passations étaient dans la mesure du possible optimales (relation duelle, pièce calme). Dans un premier temps, les données démographiques des sujets ont été recueillies (nom, prénom, date de naissance, latéralisation, nombre d’années d’études, dernier diplôme obtenu, profession). Pour les patients, un rapide historique de leur accident ou maladie a été réalisé (type d’accident ou maladie, localisation et types de lésions cérébrales, éventuels signes associés, suivi orthophonique…). La passation des quatre épreuves étant assez longue et la fatigabilité des patients relativement importante, la totalité des épreuves n’a pas été proposée le même jour. La passation a ainsi pu s’échelonner sur 2 ou 3 jours. La durée totale

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de la passation a pu varier de 45 minutes pour les sujets sains les plus rapides à 2 heures pour certains patients, parfois lents ou logorrhéiques.

1.4 Hypothèses détaillées

Les diverses modalités de l’épreuve ayant été exposées, nous pouvons préciser nos hypothèses. Pour rappel, notre hypothèse principale suggérait que la pragmatique du langage n'impliquait pas toujours de la TDE et que ces deux aspects pourraient être dissociés. En ce qui concerne plus précisément les résultats au PragmaToM, nous formulons l’hypothèse se-lon laquelle une modalité de question (Action ou Intention) pourrait être échouée de façon plus importante en fonction de l’atteinte prédominante de la TDE ou de la pragmatique. Par ailleurs, nous pensons que les performances des patients aux items Action pourraient être améliorées par la présentation préalable des items Intention.

1.5 Analyse statistique

Compte-tenu de la taille des échantillons et de la non normalité des distributions des mesures, des analyses non paramétriques ont été réalisées. Pour les scores totaux aux épreuves d’ALI, de TOM15 et du PragmaToM, des z scores ont été effectués et comparés grâce à des scores z de différences (Payne et Jones, 1957). Pour comparer les performances entre les groupes de patients et de sujets contrôles à chacune des épreuves, nous avons utilisé le test de Mann-Whitney. Enfin, des tests de corrélations R de Spearman ont été réalisés entre les scores aux questions Action et Intention et les épreuves d’ALI et de TOM15.

2. Résultats

2.1 Données démographiques et cliniques

Les caractéristiques démographiques et cliniques de chacun des patients et celles du groupe de patients et du groupe contrôle sont présentées dans le tableau 1.

2.2 Scores totaux, Pragmatique et théorie de l’Esprit

Les scores totaux aux ALI du protocole MEC, à la TOM15 et au PragmaToM du groupe de patients et du groupe de sujets contrôles ainsi que les scores individuels des patients sont présentés dans le tableau 2.

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Tableau 1. Caractéristiques démographiques des 9 patients et des deux groupes

Patient/groupe JPH AD CL FF EM SM FL WM LD Patients Contrôles

Age (années) 58 51 47 39 54 23 51 42 39 44,9 (±10,6) 39,9 (±8,9) Sexe (M/F) M M M M M F M M F (7/2) (7/2) Étiologie AVC G ACR TC TC TC AVC D TC AVC G EH TC na na Latéralisation manuelle (D/G) G D D D D G D D D (7/2) (8/1) NSC GREFEX (1/2/3) 2 2 2 2 2 3 2 2 3 (0/7/2) (0/7/2) MoCA score 19 23 26 24 25 27 24 24 28 24,4 (±2,6) 28,6 (±1)

AVC G : Accident vasculaire cérébral de l’hémisphère gauche ; AVC D : Accident vasculaire cérébral de l’hémisphère droit; ACR : accident cardio-respiratoire; TC : Traumatisme crânien; EH : Encéphalite herpétique; NSC : Niveau socio-culturel

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Tableau 2. Scores totaux des patients aux ALI, à la TOM 15, au PragmaToM et scores aux questions Action et Intention

Patient/groupe JPH AD CL FF EM SM FL WM LD Patients Contrôles

ALI Score total (max 60) 48* 53 47* 41** 50 51 55 52 59 50,7 (±5,1) 56,1 (±4,1)

TOM15 fausse-croyance score total (max. 15) 10* 4** 13 13 11 12 12 14 15 11,6 (±3,2) 13,2 (±1,6) TOM15 Compréhension score total (max. 15) 9** 14 14 12 14 15 13 15 14 13,3 (±1,9) 14,9 (±0,3) PragmaToM score total (max. 80) 57 41** 47** 47** 50* 57 59 60 71 54,3 (±9) 65,2 (±5,3) Score total Action (max. 40) 28 20** 25* 24** 21** 32 30 32 36 27,6 (±5,4) 32,4 (±2,7) Score total Intention (max.40) 29 21** 22** 23** 29 25* 29 28 35 26,8 (±4,4) 32,8 (±2,9) * indique un score z < .05 unilatéral (ddl = 8) ; ** indique un score z < .01 unilatéral (ddl = 8).

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En ce qui concerne les deux groupes, pour les ALI, les performances du groupe de patients diffèrent significativement de celles du groupe contrôle (z ajusté = 2,18 ; p = .02). En revanche, les performances du groupe de patients ne diffèrent pas de celles du groupe de sujets contrôles pour le score de fausse-croyance de TOM-15 (z ajusté = 1,25; p = .20). Pour le score total du PragmaToM, les performances du groupe de patients sont inférieures à celles du groupe contrôle (z ajusté = 2,57 ; p < .01).

Sur le plan individuel, pour les ALI, seuls 3 patients (JPH, CL, et FF) obtiennent des scores significativement inférieurs à ceux des contrôles. Pour la TOM-15, deux patients (JPH et AD) ont des scores déficitaires. Toutefois, le score de compréhension de la TOM-15 du patient JPH (9/15) est inférieur à la limite proposée par les auteurs de l’épreuve (12/15). Un score de compréhension déficitaire rend l’interprétation du score de fausse-croyance difficile. En revanche le score de compréhension de la TOM-15 du patient AD est tout à fait correct (14/15) alors que son score pour les fausses-croyances est très faible (4/15). Pour le PragmaToM, 4 patients (AD, CL, FF, et EM) obtiennent des scores significativement inférieurs à ceux des contrôles.

Six patients ont des profils comparables pour les ALI et PragmaToM, dont 4 patients (SM, FL, WM, et LD) ont des scores comparables aux contrôles pour les deux épreuves et deux patients (CL et FF) ont des performances déficitaires pour les deux épreuves. De façon intéressante, ces deux derniers obtiennent à l’inverse des scores tout à fait satisfaisants à la TOM15 (z différence CL = -5,31 ; FF= -5,31). Certains patients présentent des dissociations entre leurs performances aux ALI et au PragmaToM. Le patient AD a un score comparable aux contrôles pour les ALI alors que son score au PragmaToM est déficitaire (z différence = 3,52). En outre, il présente également un trouble de la théorie de l’esprit attesté par ses performances à TOM-15. Le patient EM présente également une différence entre son score aux ALI convenable et son score déficitaire au PragmaToM (z différence = 1,29) mais obtient, à l’inverse de AD, un score correct à la TOM15 qui diffère significativement de son score au PragmaToM (z différence = -2,46).

2.3 Détails des résultats des patients au PragmaToM

2.3.1 Comparaison des scores Actions et Intentions

Le tableau 2 expose également les scores totaux des patients pour les questions Actions et Intention dans les deux modalités confondues (Choix forcé et réponse libre). S’agissant des résultats des deux groupes, les patients révèlent des scores significativement

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inférieurs à ceux du groupe contrôle, à la fois pour le score total aux questions Action (z ajusté = 2 ; p = .04) et pour le score total aux questions Intention (z ajusté = 2,53 ; p = .01).

Les analyses de corrélations R de Spearman effectuées montrent une corrélation positive mais pas significative entre les scores des patients aux questions Action et aux questions Intention. En revanche, les analyses révèlent une corrélation significative entre le score des patients aux questions Action et leurs scores à la TOM15 (R= 0.66 ; p (unilatéral) = .02) mais aucune corrélation significative n’est retrouvée entre le score aux questions Intention et le score à l’une des deux épreuves (ALI et TOM15).

Sur le plan individuel, trois patients (AD – CL - FF) ont des performances déficitaires pour actions et intentions. Deux patients (EM – SM) présentent un profil avec une dissociation entre les performances aux questions Actions et Intentions.

2.3.2 Analyse des différents types d’erreurs en réponses libres

Le graphique 1 présente les différents types d’erreurs des patients dans la modalité réponse libre. Les interprétations littérales (57) et les inférences erronées (49) constituent la majorité des erreurs (106/134) des réponses libres. CL commet principalement des erreurs d’interprétation littérale et très peu d’erreurs d’inférence. À l’inverse, 2 patients (JPH -AD) commettent principalement des erreurs d’inférences erronées. Le profil de AD est singulier à plusieurs points de vue parce qu’il est également le seul à commettre un grand nombre d’erreurs de type adhérence à la vie personnelle. En dehors des erreurs littérales et d’inférences erronées, seul un autre patient (EM) commet un nombre important de faux pas sociaux.

Graphique 1. Différents types d’erreurs des patients en réponse libre

4 5 14 8 9 8 3 4 2 9 10 2 9 5 6 4 3 1 2 1 1 1 1 12 2 1 5 8 2 1 0 2 4 6 8 10 12 14 16 JPH AD CL FF EM SM FL WM LD

Interprétations littérales Inférences erronées

Inférences incomplètes Absence de prise en compte de l’inférence Faux-pas sociaux Adhérence à la vie personnelle

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2.3.3 Analyse de l’effet de l’ordre de présentation des questions Action et Intention

Le graphique ci-dessous présente la différence (positive ou négative) entre les scores totaux obtenus aux questions Action quand la question Intention est posée au préalable et la différence entre les scores totaux obtenus aux questions Intention quand celle-ci intervient après la question Action. Deux patients (EM – WM) obtiennent des scores significativement supérieurs pour leurs performances aux questions Action lorsque la question Intention a été posée au préalable et un patient (FF) a un score significativement supérieur pour les questions Intention lorsque la question Action a précédé.

On ne retrouve pas de tendance globale quant au fonctionnement des patients en fonction de l’ordre de présentation des deux questions.

Graphique 2. Différences entre les scores aux questions Action et aux questions Intention,

en fonction de l’ordre de présentation

DISCUSSION

L’objectif de ce mémoire était d’étudier les liens qui peuvent exister entre la TDE et la pragmatique au moyen d’épreuves évaluant ces deux domaines. À l’heure actuelle, la majorité des tests évaluant la pragmatique n’impliquent pas le participant et font intervenir des processus de compréhension plutôt cognitifs et assez automatiques. Ce constat a donc motivé l’élaboration d’une épreuve visant à évaluer le raisonnement inférentiel, au moyen de situations contextualisées de la vie quotidienne où le participant est acteur, nécessitant à

-10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 JPH AD CL FF EM SM FL WM LD

PragmaToM score total action modifié par intention préalable PragmaToM score total intention modifié par action préalable

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la fois des compétences pragmatiques et de TDE. Deux mémoires précédant celui-ci ont permis d’élaborer cette épreuve mais la version que nous proposons aujourd’hui a fait l’objet de remaniements et d’enrichissements tout au long de l’année.

Afin d’appréhender les qualités de cette nouvelle épreuve et d’examiner les relations entre TDE et pragmatique, nous avons soumis le PragmaToM à un groupe de patients cérébrolésés et un groupe de sujets contrôles et comparé leurs scores avec ceux de deux autres épreuves, les ALI du protocole MEC et la TOM15, évaluant respectivement la pragmatique et l’attribution d’états mentaux.

En référence aux travaux de Cheang et Pell (2006) et Champagne et Stip (2010), notre hypothèse principale suggérait que la pragmatique du langage n’impliquait pas toujours d’attribution d’états mentaux. Certains auteurs tels que Muller et al (2009) soutiennent même l’idée d’une indépendance totale entre la théorie de l’esprit et les autres aspects de la cognition sociale comme la pragmatique du langage.

Afin de tester cette hypothèse, nous avons comparé les résultats des patients aux épreuves des ALI, de la TOM15 et du PragmaToM. Nous avons obtenu plusieurs profils de patients mettant en exergue des dissociations entre leurs scores aux épreuves d’ALI et de TOM15 et leurs scores au PragmaToM. Étant donné le nombre de patients ainsi que l’hétérogénéité des pathologies et donc des localisations de lésions (traumatiques ou vasculaires), il nous a semblé pertinent de privilégier une analyse individuelle.

Ainsi AD semble présenter un trouble authentique de théorie de l’esprit comme le montrent ses résultats à la TOM15 tandis que son score aux ALI est comparable à ceux des sujets contrôles. On observe également que son score au PragmaToM est très déficitaire ce qui semble rationnel puisque cette épreuve est censée faire appel aux compétences pragmatiques mais aussi à l’attribution d’états mentaux. Si l’on poursuit ce raisonnement, tous les sujets présentant un score pathologique à la TOM15 ou aux ALI devraient également obtenir un score déficitaire au PragmaToM. Il se trouve que c’est toujours le cas excepté pour un patient au profil assez atypique. Il s’agit de JPH dont les performances aux ALI sont significativement inférieures à celles des sujets contrôles alors que son score au PragmaToM est satisfaisant. Par ailleurs, il présente un score déficitaire à la TOM15 en fausse croyances mais également en compréhension ce qui ne permet pas d‘affirmer l’existence d’un vrai trouble de théorie de l’esprit. On peut s’interroger sur ses difficultés de compréhension à la TOM15 alors même que le PragmaToM nécessite également des capacités de compréhension fine et que l’énoncé est soumis, dans les deux cas, en modalité auditive et visuelle pour soulager la mémoire de travail. On peut supposer que les situations du PragmaToM plus

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proches des situations de la vie quotidienne du patient favorisent sa compréhension. De plus, ses résultats à la MOCA soulignent des difficultés attentionnelles qui peuvent expliquer en partie ses résultats à l’épreuve de compréhension de la TOM15 qui intervient après l’épreuve de fausses croyances, coûteuse du point de vue cognitif.

Pour revenir aux dissociations entre les scores aux ALI et à la TOM15, les patients CL et FF présentent eux aussi une dissociation, inverse de celle de AD, avec de bonnes capacités de TDE mais des scores déficitaires aux ALI et au PragmaToM qui laissent supposer que c’est la pragmatique du langage qui est atteinte ici.

Pour finir, un seul patient (EM) présente un score total déficitaire au PragmaToM sans révéler de scores pathologiques aux ALI ou à la TOM15 : le PragmaToM pourrait donc se révéler plus sensible, notamment aux difficultés pragmatiques, que l’épreuve d’ALI. L’existence de ces dissociations va donc en faveur de notre hypothèse principale. En effet, l’épreuve d’ALI ne semble pas requérir l’attribution d’états mentaux et les domaines de la pragmatique et de la TDE semblent fonctionner indépendamment.

En ce qui concerne les scores des patients aux questions Action et Intention, les analyses montrent une corrélation positive mais non significative entre ces deux scores. En revanche, il existe une corrélation significative entre le score des patients aux questions Action et leurs scores à la TOM15. Cela laisse donc penser que les questions Actions font appel à plus de capacités d’attribution d’états mentaux que les questions Intention. Cependant, cette corrélation n’est pas suffisante pour confirmer l’hypothèse selon laquelle une modalité de questions (Action ou Intention) échouée signe la présence d’une atteinte spécifiquement pragmatique ou de TDE devant la très grande hétérogénéité de profils observés.

Par ailleurs, il semble logique de penser que toute situation interpersonnelle ambiguë comme celles exposées dans le PragmaToM nécessite d’analyser l’intention du locuteur en lui attribuant un état mental afin de réagir de façon adaptée. Pourtant EM affiche par exemple un résultat déficitaire en Action mais pas en Intention. Ces résultats soulignent donc que le comportement d’un sujet dans une situation interpersonnelle n’est pas forcément dépendant de l’analyse qu’il a faite de l’intention de son interlocuteur. Ils mettent en exergue les disparités de personnalité et de fonctionnement cognitif de chacun, certainement à mettre en lien avec des déficits de certaines composantes exécutives, comme les études de Champagne et Joanette (2009), MacDonald et al. (2014) et Bosco et al. (2016) le suggèrent.

Figure

Tableau 1. Caractéristiques démographiques des 9 patients et des deux groupes
Tableau 2. Scores totaux des patients aux ALI, à la TOM 15, au PragmaToM et scores aux questions Action et Intention
Graphique 1. Différents types d’erreurs des patients en réponse libre
Graphique 2. Différences entre les scores aux questions Action et aux questions Intention,  en fonction de l’ordre de présentation

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