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Observer, manipuler, classer : un pari gagnant pour faire de la grammaire autrement

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Academic year: 2021

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MÉMOIRE de MASTER 2

Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation

Mention Second degré Parcours Lettres modernes

Présenté et soutenu par :

Clarissa Boulanger

n°33000438

Sous la direction de :

Christine Vénérin, Maitre de conférences en Sciences du langage

Jury :

Cathy Vidalou, PRAG de Lettres modernes

Christine Vénérin, Maitre de conférences en Sciences du langage

Année 2017 - 2018

Observer, manipuler, classer :

un pari gagnant pour faire de

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REMERCIEMENTS

À la mémoire de mon père, qui m’a appris à toujours donner le meilleur de moi-même.

J'adresse mes remerciements aux personnes qui m'ont aidée dans la réalisation de ce mémoire. Je tiens à remercier tout d’abord ma directrice de mémoire, Madame Christine Vénérin, maitre de conférences en sciences du langage à l’ESPE de La Réunion, qui est une formatrice investie et impliquée pour la réussite de ses étudiants. Je la remercie également pour l’aide et le temps consacré à la réalisation de ce mémoire. Elle m'a guidée dans mon travail et m'a aidée à avancer dans mes recherches.

Je remercie également ma tutrice de stage, Coralie Nouveau, qui m’a beaucoup aidée dans l’élaboration de mes corpus en ayant un regard critique. Je la remercie de m’avoir donné de nombreux conseils et surtout d’avoir été ravie d’essayer elle aussi la grammaire rénovée au sein de ses classes. Merci également de m’avoir toujours encouragée.

Mes remerciements vont aussi à toute l’équipe de lettres du collège Hégésippe Hoarau à La Rivière Saint Louis, et plus particulièrement à Sophie Gybely et Aurélie Hibon qui ont bien voulu partager leur expérience, m’accueillir au sein de leur classe et me donner de nombreux conseils.

Enfin, je remercie mes élèves de cinquième ainsi que mes élèves de quatrième qui ont partagé mon goût pour l’étude de la langue et qui se sont réellement investis dans mon projet.

Je suis passionnée par l’étude de la langue et j’ai pris plaisir à effectuer tout ce travail de recherches et de réflexions. Mais, sans l’aide de toutes ces personnes, ce mémoire n’aurait pas été le même.

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SOMMAIRE

Introduction

……….5

1. La grammaire scolaire d’hier à aujourd’hui

……….9

1.1. La grammaire scolaire au fil des décennies

……….9

1.2. Les programmes de 2015 en étude de la langue : nouveauté ou continuité?

14

1.3. La grammaire rénovée enseignée comme une science.

………..21

2. L’élaboration de corpus : un travail complexe

………..…29

2.1. Les manipulations de la langue

………..29

2.2. Des corpus à visée didactique

………. 31

2.3. Le travail entre pairs

.……….36

3. Une démarche grammaticale réflexive en classe de cinquième

………42

3.1. Une progression grammaticale

.………..………43

3.2. L’analyse de séances en grammaire de phrase

……….47

3.2.1. La séance sur la fonction sujet……….47

3.2.2. La séance sur le complément de phrase et le complément verbe……….52

3.2.3. La séance sur le pronom personnel………..56

3.3. L’orthographe grammaticale : la dictée négociée

………..62

3.4. Le réinvestissement des connaissances grammaticales en production écrite

65 3.4.1. La séance sur le complément de verbe……….66

3.4.2. L’écriture d’un article de journal du futur………68

Conclusion générale

………..71

Références bibliographiques et sitographiques

………...73

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Introduction

« L’important n’est pas de convaincre, mais de donner à réfléchir » Bernard Werber (Le Père de nos pères, 2000)

La grammaire ou la galère ? Voici le titre d’un livre de Danielle Bouix-Leeman (1993) qui m’a donné envie de choisir la grammaire comme objet de réflexion pour mon mémoire professionnel. En effet, professeure stagiaire en lettres modernes, j’ai souvent constaté que mes collègues n’aimaient pas enseigner cette discipline ou qu’elle était mise au second plan, après la littérature. Pourtant, l’étude de la langue est l’une des composantes les plus importantes de l’enseignement du français. De plus, comme l’a dit Jean-François Halté (2004 : 12), « Pour enseigner une matière, il faut maitriser le savoir bien sûr, mais il faut aussi croire à ce que l’on enseigne, adhérer et pourquoi pas même, aimer ». Mais avant de comprendre le fonctionnement de la grammaire scolaire, il est important tout d’abord de clarifier ce qu’est la grammaire. Parmi toutes les approches définitoires qui foisonnent, nous avons choisi celle de Suzanne Chartrand dans l’introduction de l’ouvrage Mieux enseigner la grammaire (2016 : 2) qui sera l’un des piliers de notre mémoire. La didacticienne du français en donne une définition claire :

« Par grammaire, nous entendons la description historiquement située et faisant largement consensus dans la communauté des chercheurs dans les sciences du langage des règles du système d’une langue et les normes d’usage de la variété standard de cette langue écrite. […] Le mot règle renvoie à la description d’une régularité dans le système d’une langue à un moment de son évolution. Par exemple, en français, le déterminant se place avant le nom. […] Le mot

norme renvoie à l’usage jugé correct par l’institution sociale qui en a le contrôle

politique et ceux qui l’actualisent (les auteurs de dictionnaires et de grammaires par exemple), usage auquel l’usager devrait se conformer, même si cette norme est discutable du point de vue de l’intelligibilité du système de la langue décrit ou de l’usage courant. »

Le manque d’intérêt pour la grammaire se sent encore plus chez les élèves du secondaire. Faire de la grammaire semble être un travail laborieux pour eux, sans intérêt. Comment alors susciter l’intérêt de mes élèves pour cette discipline ? Dans la présentation du numéro thématique consacré à l’étude de la langue dans les nouveaux programmes, Cécile Avezard-Roger et Patrice Gourdet (2017 : 5-6) rappellent des idées-forces déjà développées dans des numéros antérieurs de la revue Le français aujourd’hui dont nous retenons ces extraits du numéro 162 (2008) :

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« D’une manière générale, c’est la description de la langue qu’il convient d’interroger et de renouveler […] c’est également l’approche de la langue avec les élèves qu’il faut réexaminer et sans doute modifier. […] l’apprentissage et la maitrise du français ne se réduisent pas à l’acquisition d’une terminologie, dont l’abstraction et l’incohérence restent une source inépuisable de difficultés, masquant indubitablement les faits de langue qu’elle tente de désigner. »

Les nouveaux programmes d’enseignement du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2), du cycle de consolidation (cycle 3) et du cycle des approfondissements (cycle 4) publiés en 2015 semblent proposer une piste pour susciter l’intérêt des élèves pour l’étude de la langue. En 1 effet, l’enseignement de la grammaire y est renouvelé. Il s’agit « d’étudier la grammaire autrement » pour reprendre une expression déjà ancienne de Suzanne Chartrand (1995 : 32-34). Les élèves de l’école primaire et du collège devraient étudier désormais la langue différemment. Ces nouveaux programmes insistent sur la nécessité d’étudier la langue en adoptant une posture réflexive. L’objectif principal de l’étude de la langue peut se résumer par ce principe clef extrait du préambule de la rubrique « Étude de la langue » pour le cycle 4 (MEN 2015 : 236) : « La grammaire au service de la réflexion sur la langue : l’objectif n’est pas la mémorisation de règles ou d’étiquettes grammaticales pour elles-mêmes, mais bien la formation intellectuelle des élèves et le développement d’une posture réflexive. Faire percevoir que la langue est un système organisé. » Pour cela, il est clairement avancé que « l’inflation terminologique doit être évitée » car « il s’agit moins de parvenir à une connaissance exhaustive de tous les éléments de la phrase et du texte que de comprendre que la langue est un système ». Les activités en langue doivent donc engager les élèves dans « une démarche active de découverte » (désormais DADD), procédure proposée par Suzanne Chartrand (1995 : 14) qu’elle explique en ces termes :

« D’abord, il y a une prise de conscience d’une difficulté. L’observation du phénomène à partir d’un corpus. Des manipulations (classement, comparaison, modification des énoncés, test auquel on soumet les énoncés, etc.) permettent de de faire émerger certains aspects du fonctionnement du phénomène à l’étude. Les résultats obtenus à la suite de ces manipulations permettent alors de formuler une ou plusieurs hypothèses explicatives qui seront vérifiées à l’aide d’autres corpus. Si elles s’avèrent généralisables, elles pourront prendre la forme de lois ou de règles. Vient ensuite une phase d’application de ces lois (phase d’exercisation). Enfin, ils réinvestissent ces nouvelles connaissances, dans des activités de compréhension et de production de textes (phase de transfert conscient de ces connaissances). »

Ministère de l’Éducation nationale (MEN). (2015). Bulletin official de l’Éducation nationale, spécial n° 11, 26

1

novembre. Programmes d’enseignement du cycle d’apprentissage (cycle 2), du cycle de consolidation (cycle 3), du cycle des approfondissements (cycle 4). < http://cache.media.education.gouv.fr/file/MEN_SPE_11/35/1/

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L’enseignant n’est plus dans une démarche transmissive, il n’est pas le détenteur du savoir et ne doit pas le transmettre directement. Le cours n’est plus magistral. Au contraire, il doit favoriser une démarche inductive. Il s’agit de partir d’une observation d’un problème, pour trouver des hypothèses, des solutions, des règles issues de cette observation.

Les élèves devront donc s’exercer à la métacognition. Catherine Brissaud et Danièle Cogis (2011 : 31) expliquent cette étape réflexive importante dans l’apprentissage, « (elle) concerne la connaissance et le contrôle des stratégies pour acquérir des connaissances. Les élèves faibles ont du mal à faire ce retour réflexif sur leur façon d’apprendre à la différence des élèves avancés. ». Réfléchir sur la langue, c’est percevoir l’étude de celle-ci comme une science. La réflexion est au cœur du processus de l’apprentissage de la langue comme l’ont démontré bon nombre de chercheurs en éducation. Les élèves seront donc des chercheurs, des scientifiques. Ils ne seront plus que dans l’écoute mais dans l’action, ils devront être acteurs de leurs apprentissages. Le professeur devient alors en quelque sorte un « chef d’orchestre ». L’enseignant assure une cohésion, son rôle évolue, c’est ce que décrit Marie-Christine Fougerousse (2001 : 170) à propos du rôle de l’enseignant de français langue étrangère :

« La grammaire n’apparaît plus désormais comme la composante linguistique sur laquelle seul l’enseignant possède un savoir qu’il doit transmettre. Il devient un médiateur pour l’apprentissage. L’apprenant est considéré comme un être intelligent qui sait réfléchir sur la langue et qui s’exprime. »

Comment alors permettre cette méthode inductive ? Afin de permettre la réflexion des élèves sur la langue, il faut proposer des activités qui engagent les élèves intellectuellement.

Pour étudier la grammaire, les élèves devront avoir recours à des manipulations syntaxiques (remplacement, déplacement, pronominalisation, encadrement, réduction, expansion) afin d’avoir « une posture qui met la langue à distance pour examiner le fonctionnement et en appréhender l’organisation ». Le maniement de la langue semble être la solution pour amener les élèves à maîtriser la langue. Ainsi, enseigner la grammaire aujourd’hui, c’est permettre aux élèves d’avoir une réelle observation réflexive sur sa langue en manipulant des phrases extraites des lectures, des productions d’élèves, ou de préférence des corpus. Les élèves vont observer, identifier, trier, classer… une série de verbes largement visibles dans les programmes.

L’objet de ce mémoire sera donc de se demander si mettre en place la manipulation syntaxique permet d’enseigner la grammaire efficacement et de susciter l’intérêt des élèves, tout en réinvestissant en écriture ou encore à l’oral. Fonctionnaire stagiaire, j’ai été affectée au collège

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Hégésippe Hoarau à la Rivière Saint-Louis où les élèves parlent majoritairement le créole réunionnais comme langue maternelle. J’ai deux classes en responsabilité : une cinquième et une quatrième dont les profils sont très différents. Ma cinquième est une classe très dynamique mais réputée difficile par l’équipe pédagogique. Les élèves sont souvent agités et manquent de bienveillance les uns envers les autres. Dans le cadre de mon mémoire, j’ai décidé d’effectuer mes séances de démarche active en grammaire uniquement avec ma classe de cinquième. Ma classe de quatrième ne présentant pas de difficulté particulière, j’ai trouvé plus intéressant de tester cette démarche avec une classe plus difficile et problématique afin de voir si véritablement elle permet d’intéresser et d’impliquer tous les élèves, même les perturbateurs. Mon projet sera réalisé donc au sein de ma classe de cinquième comme le recommande le programme du cycle des approfondissements (MEN 2015 : 236) : « Au cycle 4, c’est la syntaxe qui fait l’objet d’une étude plus systématique et c’est dans la perspective de leur fonctionnement syntaxique que sont étudiées les classes de mots et leurs relations. ». Il s’agira donc de voir si cette nouvelle grammaire serait une « victoire » afin de faire progresser les élèves en syntaxe, en leur permettant de comprendre comment elle fonctionne.

Dans une première partie, je présenterai un aperçu historique de la grammaire scolaire rénovée et son intérêt. J’expliquerai dans un second temps la pertinence des corpus à manipuler en présentant également la façon dont je les élabore en classe. Enfin, dans une dernière partie, je présenterai l’expérimentation de la nouvelle grammaire au sein de ma classe de cinquième en analysant différentes séances.

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1. La grammaire scolaire d’hier à aujourd’hui

1.1. La grammaire scolaire au fil des décennies

La grammaire scolaire s’est construite au cours du XIXème siècle. Elle est définie par André Chervel (1977 : 26) comme étant « l’ensemble des « connaissances » grammaticales que l’école livre à son public dans son programme d’étude de la langue française ». Elle a été mise en place au XIXe siècle pour « apprendre à écrire à tous les petits Français », comme le souligne le sous-titre de l’histoire de la grammaire scolaire élaborée par le même auteur. La thèse d’André Chervel est donc que la grammaire scolaire s’est mise en place au XIXème siècle principalement pour apprendre l’orthographe, en particulier l’orthographe grammaticale. La grammaire scolaire est donc limitée au XIXème siècle essentiellement à la morphosyntaxe. Le but de son enseignement est « l’art de parler et d’écrire correctement ». La grammaire scolaire a donc un côté normatif. Elle transmet des normes scolaires à respecter afin de bien parler et bien écrire. « Ce que l’école enseigne, dès le début du XIXème siècle », comme le souligne André Chervel (1977 : 26), « c’est une grammaire bien précise. La même, aux variantes près dans tous les établissements. Une grammaire qui évoluera certes considérablement. Mais qui, à chaque époque, présentera partout la même doctrine fondamentale, à travers toute la France […] ». La grammaire scolaire a été construite à l’époque de la scolarisation massive au XIXème siècle à partir des grandes lois fondatrice de l’institution scolaire de Jules Ferry. Il fallait donc former les professeurs et leur offrir un outil qui puisse faire travailler leurs élèves : la grammaire scolaire. Des années 1880 jusqu’aux années soixante-dix, c’est une grammaire sémantique qui « règne sans partage » et « qui, en particulier, a élaboré les différents types de compléments (objet, circonstanciel, agent) identifiables à l’aide de questions (où ? quand ? comment ? pourquoi ? avec qui ? etc. » comme le souligne Claude Vargas (2009 : 21-22).

À la fin des années soixante, émergent des projets de modernisation des programmes et des méthodes d’enseignement visant à combattre l’échec scolaire souvent expliqué partiellement par une insuffisante maitrise de la langue. Jean-Paul Bronckaert, contributeur du premier chapitre de l’ouvrage de Suzanne Chartrand (2016 : 8-9), évoque les avancées majeures des réformes impulsées en 1970 par le Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école dit « Plan Rouchette ». 2 Un chapitre important consacré à la grammaire introduit le principe d’une grammaire implicite dans

Le plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école a été adopté en 1970 par une commission 2

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laquelle l’enseignant propose des exercices permettant des améliorations ou des corrections de leurs écrits et une phase de grammaire explicite fondée sur des manipulations d’énoncés qui doivent aboutir à découvrir les règles de base. Les programmes de l’école élémentaire de 1972 introduisirent officiellement le renouvellement d’activités grammaticales en classe. On peut dire que la grammaire rénovée a vu alors le jour. En effet, un mouvement de réforme de l’enseignement de la grammaire s’est déployé. Il s’agit de moderniser et de rénover l’apprentissage de la grammaire traditionnelle.

Ces rénovations sont toujours d’actualité et se poursuivent encore aujourd’hui. Si de nombreux chercheurs en science du langage, de nombreux linguistes et même de nombreux professeurs s’intéressent à la rénovation de la grammaire, c’est que l’enseignement de la grammaire traditionnel a montré de nombreuses lacunes. Claude Vargas (2009 : 22) rappelle une étape de changement important dans l’enseignement de la grammaire par l’introduction de la grammaire de texte et de discours dans les programmes de l’école primaire de 1995 et ceux du collège de 1997. « Pour la première fois, écrit-il, la grammaire va peut-être pouvoir remplir plus correctement l’un des objectifs qu’on lui assigne depuis longtemps : sa contribution à la maitrise de la production écrite et de la lecture, c’est-à-dire à la maitrise d’unités linguistiques qui ne sont pas formées par la simple juxtapositions de phrases grammaticalement correctes. » Cet enseignement grammatical perdure dans les textes institutionnels pendant près de vingt ans. L’étude de la langue voit même sa dénomination modifiée dans les programmes de 2002 qui souhaitent faire encore évoluer les pratiques en instituant « l’observation réfléchie de la langue ». Lionel Audion (2017 : 39) signale le début d’un changement de pratique professionnelle mais précise que « les enseignants qui avaient accepté le changement de posture (faire réfléchir leurs élèves en observant la langue) ont été coupés dans leur élan par les programmes de 2008, plus transmissifs. ». Claude Vargas (2009 : 25 ; 36) est plus critique et déplore « la restauration de la grammaire d’antan » faisant fi des travaux des linguistes et des didacticiens qui ont montré l’intérêt « des activités grammaticales réflexives (et) de prendre en compte les représentations des élèves. »

La situation de l’enseignement grammatical est effectivement problématique. Les élèves témoignent d’une très médiocre maîtrise de la langue. Les enseignants peinent eux-mêmes à maîtriser les notions qu’ils ont à enseigner. Il est ainsi difficile voire impossible de mener des démarches d’enseignement novatrices. Par exemple, les techniques de manipulation demeurent très

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peu utilisées bien qu’elles soient préconisées par les nouveaux programmes de 2015, appliqués à la 3 rentrée 2016. Pourtant, continuer à enseigner la grammaire comme on le faisait au XIXème siècle est une erreur, car elle ne prend pas en considération le public que l’on a devant nous. Si l’on donne pour exemple l’apprentissage par cœur, ce dernier était préconisé en raison de l’enseignement de masse. En regardant l’histoire de la grammaire, on peut donc comprendre pourquoi on devait tout apprendre par cœur. Mais, depuis l’enseignement du français a évolué, nous avons moins d’élèves, nous avons perdu deux tiers des heures d’enseignement du français, et on continue tout de même à enseigner la grammaire de la même manière.

Nous devons donc, nous professeurs, nous engager à proposer des pratiques d’enseignement différentes afin de lutter contre l’échec scolaire en favorisant des démarches grammaticales actives qui impliquent tous les élèves. En effet, ce qui est visé à travers la grammaire rénovée, c’est aussi « une société plus juste et plus égalitaire » comme le montre le constat que propose Suzanne Chartrand (2016 : 43) :

« Au cours de son histoire, l’enseignement de la grammaire a été l’objet de nombreuses luttes entre conservateurs et progressistes. Il a souvent été critiqué parce qu’il constituait un instrument de sélection, donc de discrimination sociale. La rénovation grammaticale doit se comprendre dans cette perspective : elle s’est opposée à la tradition élitiste en proposant des outils et des démarches visant à rendre l’apprentissage de la grammaire française accessible à tous, francophones ou non, socialisés au français normé ou pas. »

C’est bien dans cette perspective que s’inscrivaient les mouvements de rénovation de l’enseignement grammatical. Suzanne Chartrand (2016 : 326) insiste donc sur la nécessité d’enseigner la grammaire rénovée :

« Les enseignants d’aujourd’hui, et cela vaudra plus encore pour ceux de demain, ont besoin de propositions concrètes pour s’engager dans une rénovation qui a été commencée sans eux. Les principes d’une démarche relevant d’une grammaire explicite, introduisant la manipulation dirigée d’énoncés sur la base de laquelle les élèves découvrent progressivement, puis codifient des règles de la langue, sont, à défaut d’être compris et mis en œuvre, connus de nombreux enseignants. Ces principes didactiques ont en effet irrigué certains textes officiels, ont été actualisés dans des manuels et ont guidé leurs formateurs. De nombreux enseignants sont dans l’impossibilité de mettre en place des démarches de type actif et indicatif, par exemple, et continuent à ennuyer, voire à démotiver leurs élèves, qui renoncent peu à peu à comprendre le fonctionnement de la langue. »

Bulletin officiel de l’éducation nationale : http://cache.media.education.gouv.fr/file/MEN_SPE_11/35/1/

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Il s’agit ainsi de faire une distinction essentielle entre la grammaire explicite (explications et utilisation d’un métalangage pour nommer les faits et outils grammaticaux) et la grammaire implicite (pratique implicite de la langue grâce à des exercices structuraux qui permettent de multiplier les rencontres de structures syntaxiques à travers les exemples). En effet, la distinction entre la grammaire explicite et la grammaire implicite est très importante. La grammaire explicite fait appel aux explications, à la terminologie alors que la grammaire implicite fait appel à la pratique. L’élève parfois sait une règle implicitement, c’est-à-dire qu’il est capable de produire des énoncés corrects sans avoir à réfléchir à la règle et sans qu’il ne sache la nommer. Les connaissances implicites sont donc des connaissances dont l’élève n’a pas conscience, elles ne sont pas verbalisées et elles sont très souvent intuitives. En effet, l’élève n’est pas véritablement conscient de son savoir même s’il l’utilise.

Les connaissances implicites présentent alors des limites importantes. Certains règles de grammaire ne peuvent pas être intégrées par le biais d’un apprentissage implicite parce qu’elles ne seront alors pas transférées et réinvesties. Le modèle historique de cette grammaire implicite est ce qu’on appelle les exercices structuraux.

Les connaissances explicites au contraire, sont celles que l’élève est capable de verbaliser. L’élève a besoin d’apprendre des règles lui permettant d’écrire correctement, il doit apprendre à connaitre explicitement sa langue. Il a bien dans ce cas une posture réflexive, il fait appel à la métacognition et a donc conscience de ses connaissances. En effet, il est davantage actif dans son apprentissage et est donc capable de transférer consciemment ses connaissances dans des productions. Il s’agit donc d’un mode d’apprentissage efficace.

La distinction entre la grammaire explicite et implicite peut être reliée aux approches transmissive et inductive. En effet, la démarche transmissive désigne un enseignement de la grammaire qui va des règles aux exercices. L’enseignant explique les règles de la grammaire et les élèves doivent les apprendre, puis il leur donne des exercices pour les appliquer. La démarche inductive, quant à elle, désigne un enseignement de la grammaire qui va au contraire de l’observation de la langue à l’élaboration des règles. L’élève devient alors actif parce qu’il doit avoir une posture réflexive afin d’élaborer les règles de grammaire d’après ses constats. La grammaire inductive permet donc la métacognition, les élèves sont investis cognitivement dans leur tâche. La démarche d’enseignement inductive correspond donc bien à l’apprentissage explicite.

Cependant l’enseignement de la grammaire est traditionnellement associé à une méthodologie qui consiste à énoncer des règles, les faire mémoriser et enfin les faire appliquer dans des exercices. La

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grammaire rénovée consiste à changer cette mauvaise habitude qui, comme le précise Jacqueline Bastuji (1977 : 6), n’est pas essentielle à l’apprentissage de la grammaire :

« La nécessité des exercices de grammaire est un principe solidement ancré dans la tradition scolaire. Ils sont jugés indispensables à l’acquisition d’une maîtrise suffisante de la langue française, en même temps que l’on refuse de les considérer comme une fin en soi, l’essentiel étant, pour les élèves, la prise de conscience de la diversité des moyens mis en œuvre pour lire, écrire et communiquer.

À la différence du problème de mathématiques ou des travaux pratiques de sciences, qui donnent directement accès à un savoir ou permettant de le contrôler, l’utilité de l’exercice de grammaire est donc conçue étrangère à son domaine propre. »

Les enseignants utilisent ainsi le plus souvent la leçon de grammaire dans une démarche transmissive. Cette approche suppose malheureusement que les élèves mémorisent les règles données dans la leçon, des règles qui ne sont d’ailleurs pas comprises par les élèves. Ils doivent apprendre par cœur la leçon pour pouvoir les appliquer. L’apprentissage par cœur suppose que les élèves travaillent à la maison et apprennent leur leçon chez eux. Mais les devoirs à la maison ne sont pas faits par tous les élèves. L’apprentissage par cœur met donc de côté de nombreux élèves tout en accentuant les inégalités sociales. De plus, apprendre sans réfléchir semble vain et inutile, car cela ne permettra pas un réinvestissement conscient de la part des élèves des règles apprises. Britt-Mari Barth (2015 : 18) l’a bien démontré en ces termes « afin de pouvoir utiliser ses connaissances plus tard, l’apprenant doit construire son savoir lui-même en mettant en œuvre les outils intellectuels dont il dispose et qui peuvent être perfectionnés. Reproduire un savoir n’est pas la même chose que de le construire. »

L’approche transmissive ne correspond donc pas à l’enseignement de la grammaire rénové. De même, les nouveaux programmes mettent de côté cette approche. L’élève doit être désormais actif. Comme l’a si bien écrit Benjamin Franklin « Dis-moi et j'oublie. Montre-moi et je me souviens. 4 Implique-moi et je comprends ». Le professeur ne peut plus être celui par lequel passe le savoir, il n’est plus le seul détenteur du savoir. Ainsi, il ne peut pas vouloir transmettre des connaissances à ses élèves sans leur demander au préalable de comprendre et de réfléchir par eux-mêmes. Il doit impliquer l’élève afin de développer notamment son esprit critique.

Les instructions officielles parues le 26 novembre 2015 bouleversent alors l’enseignement de la langue. En effet, elles préconisent un enseignement rénové de la grammaire. L’objectif des

Benjamin Franklin (1706 - 1790)

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nouveaux programmes est de prôner l’utilisation de la manipulation syntaxique qui permet justement de faire passer les élèves d’une pratique intuitive de la langue à une posture réflexive sur la langue comme objet.

1.2. Les programmes de 2015 en étude de la langue : nouveauté ou continuité ?

L’enseignement grammatical demeure aujourd’hui encore une composante importante de l’enseignement du français. Les programmes de 2015 l’affirment : « la maîtrise de la langue reste un objectif central ». De plus, la maîtrise de la langue est la première compétence dans le référentiel du socle commun de compétences, de connaissances et de culture . La place de la langue dans 5 l’enseignement du français est primordiale. Elle a une place centrale dans les nouveaux programmes de français, six pages y sont consacrées au cycle 3 et neuf pages au cycle 4. On y voit le désir de changer l’enseignement de la langue par le principe novateur de faire réfléchir les élèves. Il s’agit aussi de « construire progressivement chez l’élève une posture réflexive lui permettant de manipuler la langue, de la décrire et de la commenter » (MEN 2015 : 244).

On pourrait alors regarder un peu en arrière dans l’histoire des programmes de français de l’Éducation nationale pour chercher si un enseignement de la grammaire où les élèves seraient véritablement actifs n’a pas déjà été proposé.

Gérard Parisi et Francis Grossmann (2009 : 163) expliquent que « Les programmes de 1996 et 1997 du collège, en particulier dans le cycle dit central, prônaient, dans le cadre de la « pratique raisonnée de la langue », une démarche « inductive » et l’observation des faits de langue. » De même, Lionel Audion (2017 : 39) rappelle, nous l’avons évoqué supra, que « Les programmes de l’école élémentaire de 2002 avaient pour objectif de modifier les pratiques, en instituant « l’observation réfléchie de la langue française », mais les enseignants qui avaient accepté ce changement de posture (faire réfléchir leurs élèves en observant la langue) ont été coupés dans leur élan par les programmes de 2008, plus transmissifs. » Ainsi, l’observation de faits de langue avait déjà été proposée dans l’enseignement de la langue.

Il n’empêche que cet angle d’approche est perçu comme très novateur. Lionel Audion (2017 : 39) souligne le fait que « les concepteurs des nouveaux programmes de 2015 réorientent l’étude de la langue vers l’observation en souhaitant que les élèves adoptent une posture « réflexive » (Ministère

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de l’Éducation nationale 2015 : 115) » mais que, cependant, « pour les auteurs, il ne s’agit plus seulement d’observer pour comprendre, comme en 2002, mais de rendre compte du « fonctionnement de la langue » (Ibid. 2015 : 98) ». Et pourtant, les nouveaux programmes en étude de la langue ont provoqué beaucoup de controverses lors de leur publication en novembre 2015. Cette nouvelle façon d’enseigner la grammaire n’a pas toujours été perçue d’un bon œil. En effet, pour beaucoup, la grammaire est une série de règles, qui doivent être apprises par cœur pour être maîtrisées. L’apprentissage par cœur est, je le rappelle, le procédé traditionnellement et majoritairement utilisé pour l’étude de la langue. Le professeur donne une leçon à ses élèves qui sera apprise par cœur et appliquée à travers une série d’exercices. Or, les programmes de 2015 demandent la manipulation de la langue afin de comprendre que la langue est un système organisé. La méthode classique du « par cœur » pour l’étude de la langue devrait donc être bannie.

Ainsi, l’objectif fondamental des programmes de 2015 est de faire comprendre aux élèves que la langue est un système organisé : « permettre aux élèves de comprendre le fonctionnement global de la langue et l’organisation de son système » (MEN 2015 : 236). Pour cela, Cécile Avezard-Roger et Patrice Gourdet (2017 : 8) présentent en ces termes les analyses de Guillaume Duez et Karine Risselin :

« faire évoluer les représentations des élèves comme des enseignants sur l’enseignement de la langue. Pour les élèves, il ne s’agit pas (plus) en effet d’accumuler des savoirs grammaticaux, mais bel et bien de réfléchir sur la langue pour en comprendre le fonctionnement. Le travail sur la langue permet le développement des compétences métalinguistiques des élèves. Ceci implique de la part des enseignants un changement de posture ; les auteurs parlent d’un déplacement du centre de gravité : outre une bonne maitrise des savoirs enseignés ou d’une « compétence linguistique de haut niveau », ils doivent être capables d’interroger et de faire évoluer leurs pratiques afin d’amener les élèves vers une meilleure compréhension des faits de langue étudiés. »

La démarche préconisée est de « permettre aux élèves de raisonner sur la langue en leur proposant un enseignement explicite des gestes de grammairien. »

En fait, les programmes de 2015 s’inscrivent plus dans la continuité que dans la nouveauté : ils sont le fruit d’un long travail de recherches entrepris à partir des années soixante-dix. C’est bien ce que souligne Jean-Christophe Pellat (2017 : 15) : « Les programmes de 2015, qui s’appliquent aux cycles 2, 3 et 4 à partir de la rentrée 2016, manifestent des avancées grammaticales et esquissent des

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démarches didactiques. Ils ont été préparés, pour le français, par une large consultation de pédagogues et de linguistes, et rédigés par des spécialistes qui ont fait des choix réfléchis. »

Parmi ces travaux de recherches, impossible de ne pas citer ceux de Suzanne Chartrand qui en 1995 a prôné la méthode inductive pour enseigner la langue avec la DADD qu’elle explique ainsi : 6

« Un nouvel enseignement de la grammaire à l’école primaire et secondaire est nécessaire. […] Un enseignement qui élargit la conception de la grammaire en y intégrant toutes les dimensions de la langue (lexicale, textuelle, discursive, pragmatique, stylistique) et qui propose des descriptions plus rigoureuses des phénomènes langagiers ainsi qu’un métalangage simplifié et cohérent, mais aussi une façon différente de concevoir l’enseignement de la langue et de l’actualiser. »

Les nouveaux programmes en grammaire sont en effet très proches des travaux qu’elle a effectués. Ainsi, ils sont en continuité avec des travaux de plus d’une vingtaine d’années. Guillaume Duez et Karine Risselin (2017 : 25-26) ont effectivement mis en exergue dans leur article cet appui indéniable sur les travaux de recherche dont voici quelques références représentatives :

« Les nouveaux programmes de français apparaissent à certains acteurs comme en rupture avec les précédents alors même qu’ils entretiennent une forte continuité avec la didactique développée et diffusée depuis plus de vingt ans. Les travaux de C. Brissaud et D. Cogis (2011) sur l’orthographe, de D. Bucheton (1997) sur la didactique de l’écriture, de S.-G. Chartrand (1996) sur l’enseignement de la grammaire, ou encore de B.-M. Barth (1987), J. Picoche (1993), J. Giasson (1990), C. Tauveron (2002) ont en commun de démontrer la nécessité de privilégier la construction de procédures opératoires, de construire avec les élèves les concepts, de proposer des dispositifs didactiques ne reposant pas sur l’assimilation de savoirs puis sur leur application aux supports scolaires proposés, mais sur le développement de capacités dans lesquelles et par lesquelles des connaissances pourront être construites, mobilisées, mises en perspectives, en sommes acquises. »

Les nouveaux programmes ne séparent désormais plus la grammaire, la conjugaison, l’orthographe et le vocabulaire ; toutes les compétences en étude de la langue sont regroupées grâce à la formulation en compétences telles que par exemple au cycle 4 « Connaître les aspects fondamentaux du fonctionnement syntaxique », « Maîtriser la forme des mots en lien avec la syntaxe », ou encore « Maîtriser le fonctionnement du verbe et son orthographe ». Chaque sous-domaine de l’étude de la langue n’est donc plus cloisonné.

Par ailleurs, l’étude de la langue est explicitement mise au service des compétences langagières pour la lecture, l’écriture, et l’oral. En effet, elle doit toujours permettre aux élèves de mieux

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comprendre les textes qu’ils lisent et de maitriser l’écriture de leurs productions. Et inversement, il est nécessaire de réinvestir les notions apprises en étude de la langue dans des productions écrites et orales. L’enseignement de la langue ne doit donc pas être une fin en soi, comme le préconise Joëlle Gardes Tamine (2005 : 68) il y a vingt ans : « On admettra donc que l’enseignement de la grammaire est possible et nécessaire à condition que l’on n’enseigne pas la grammaire comme une fin en soi, mais comme une aide dans la compréhension et le maniement de la langue. »

Ainsi, l’enseignement grammatical rénové a pour objectif majeur de rendre l’élève conscient de ses savoirs pour qu’il puisse le transférer, donc le réinvestir, dans d’autres activités. C’est cette mission que lui assignait Joëlle Gardes Tamine (2005 : 77) : « l’enseignement de la langue ne devrait pas avoir d’autre but que de renforcer l’intériorisation de la langue et la maîtrise des contraintes de l’écrit qui conduisent à un réinvestissement plus assuré dans les productions. ».

Autre aspect novateur des nouveaux programmes pour le cycle 3 en particulier (MEN 2015 : 114), ils préconisent une centration des apprentissages sur les régularités : « l’apprentissage est conduit de manière à mettre d’abord en évidence les régularités du système de la langue ». En effet, selon Suzanne Chartrand (2016 : 47), « Le défaut majeur de la grammaire dite traditionnelle est l’attention trop grande qu’elle accorde aux exceptions et aux irrégularités du fonctionnement de la langue. ». Ce défaut est relevé également par Joëlle Gardes Tamine (2005 : 74) :

« C’est ainsi le statut de l’exception qui se trouve posé. L’enseignement de la grammaire a trop souvent mis l’exception au même rang que la régularité quand il n’en a pas fait le centre de l’attention au détriment de la règle. Certes, elle constitue une vraie difficulté, mais on peut toujours la contourner en employant une construction plus régulière. »

Les programmes de 2015 (MEN 2015 : 114) mettent justement en avant le travail sur la régularité tout en stipulant que « les phénomènes irréguliers ou exceptionnels ne relèvent pas d’un enseignement mais, s’ils sont fréquents dans l’usage, d’un effort de mémorisation. » L’enseignement de la grammaire rénové fait primer les régularités sur les irrégularités, car les élèves doivent d’abord maîtriser les régularités.

Enfin, dernier aspect novateur des programmes de 2015, la terminologie inscrite dans les programmes du cycle 3 et du cycle 4 (MEN 2015 : 236) est peu exhaustive car le parti-pris didactique est affiché clairement : « L’inflation terminologique doit être évitée. (…) L’objectif n’est

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pas la mémorisation de règles ou d’étiquettes grammaticales pour elles-mêmes, mais bien la formation intellectuelle des élèves et le développement d’une posture réflexive. ».

André Chervel (1977 : 27) avait constaté que la grammaire scolaire mise en place à la fin du XIXème constituait « un véritable catéchisme linguistique auquel l’esprit de l’enfant n’est évidemment pas préparé à résister ». Dans le même ordre d’idées, Joëlle Gardes Tamine (2005 : 78) avait bien souligné le fait que l’une des exigences « qui concerne la terminologie devrait être de l’introduire progressivement. Si l’on peut, dès la 6è, demander à l’enfant de repérer qui parle dans un texte, il est prématuré d’employer les termes de « discours » et d’ « énonciation ». […] Ce n’est pas la terminologie qui est ici critiquable, mais son introduction. ». La simplification terminologique prescrite en 2015 irait donc dans le bon sens.

La terminologie utilisée et qui doit être connue par les élèves du cycle 3 est la suivante :

- Nom / verbe / déterminant (article indéfini, défini, partitif – déterminant possessif, démonstratif) / adjectif / pronom / groupe nominal

- Verbe de la phrase / sujet du verbe / complément du verbe (complète le verbe et appartient au groupe verbal) / complément de phrase (complète la phrase) / complément du nom (complète le nom)

- Sujet de la phrase – prédicat de la phrase

- Verbe : radical – marque du temps – marque de personne / mode indicatif (temps simples : présent, imparfait, passé simple, futur) / mode conditionnel / mode impératif.

- Phrase simple / phrase complexe.

Celle du cycle 4 est plus longue, mais toujours simplifiée. Certaines étiquettes grammaticales apparaissent au cycle 4 alors qu’elles n’y figuraient pas au cycle 3 afin de permettre une progression dans l’apprentissage des élèves. Ils voient au fur et à mesure des notions nouvelles. Par exemple, pour les classes grammaticales, les déterminants comportent en plus le déterminant indéfini, interrogatif et numéral ; pour les pronoms, la classe est sous-catégorisée, on y trouve le pronom personnel, possessif, démonstratif, relatif, interrogatif, indéfini. D’autres classes grammaticales ne sont abordées qu’à partir du cycle 4 telles que l’adverbe, la préposition, la conjonction de coordination et de subordination, ainsi que l’interjection. Les fonctions abordées sont les mêmes mais présentées en deux catégories : les fonctions dans la phrase (sujet de la phrase, prédicat de la phrase (ce qu’on dit du sujet), complément de phrase ou circonstanciel) et les fonctions dans les groupes grammaticaux (complément du nom, complément du verbe, complément de l’adjectif). Dans les deux cycles, il convient de mettre en évidence les distinctions entre les groupes grammaticaux par les manipulations.

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Le fonctionnement de la phrase complexe est approfondi au cycle 4 avec la compréhension de la juxtaposition, de la coordination et de la subordination qui contient en plus la proposition subordonnée relative, conjonctive et interrogative indirecte.

Il y a bien là un désir de non exhaustivité et d’approfondissement. Les élèves vont donc travailler les régularités en utilisant une terminologie simplifiée. Il semble effectivement préférable d’adopter une terminologie simplifiée et limitée, mais dont la signification est claire pour les élèves. Il faut enlever toute ambiguïté. Il convient également de tenir compte des conceptions des élèves afin de s’assurer d’un univers de référence commun à la classe. Il est donc nécessaire d’adopter une métalangue commune à la classe, comme le stipule Suzanne Chartrand (1995 : 14) : « la réflexion sur la langue exige d’avoir des mots pour nommer ce qu’on observe. L’adoption d’une métalangue commune à la classe est nécessaire. »

L’un des plus gros changements de terminologie est le complément de verbe qui remplace complément d’objet direct (désormais COD), complément d’objet indirect (désormais COI) et complément d’objet second (désormais COS) ainsi que le complément de phrase pour les compléments circonstanciels. En effet, la terminologie des nouveaux programmes met en avant le point de rattachement. Il ne s’agit plus de connaitre des étiquettes grammaticales pour elles-mêmes, mais de comprendre véritablement pourquoi ces étiquettes s’appellent ainsi. Les élèves sont alors amenés à manipuler des phrases pour comprendre le point de rattachement, le complément de verbe est lié au verbe, il ne peut être déplacé ou supprimé (sans changement de sens), alors que le complément de phrase est mobile et effaçable. On voit bien ici l’intérêt des manipulations pour l’analyse syntaxique.

Jean-Christophe Pellat (2017 : 19) résume le changement opéré ainsi : « les nouveaux programmes prônent « une grammaire de dépendance ». On distingue trois principales fonctions dans les groupes grammaticaux : complément du nom, complément du verbe, complément de l’adjectif (voir supra). Chaque complément indiqué dépend d’une des trois catégories majeures, le nom, le verbe et l’adjectif, tandis que le « complément de phrase » dépend de la phrase elle-même. »

Une autre des grandes nouveautés dans la terminologie est l’apparition du prédicat, ou plutôt « une prétendue nouvelle notion » comme le souligne Claudie Péret (2017 : 67) qui justifie la présence du prédicat dans les instructions officielles :

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« l’introduction de cette notion dans les programmes est une opportunité pour rendre la grammaire plus facile et qu’elle permet de faire du lien entre pratiques langagières des apprenants et le français cible des apprentissages scolaires. C’est parce qu’il aura une première analyse, valable pour toutes les phrases de base en deux éléments qu’il commencera son apprentissage de la prise de conscience des phénomènes syntaxiques. Ce n’est que parce que l’élève comprendra qu’il maitrise déjà la base des structures grammaticales qu’il acceptera d’élargir le champ de ses savoirs. Ce n’est que parce qu’on l’invitera à jouer avec la langue qu’il prendra de l’assurance dans la manipulation et pourra percevoir les effets de style des auteurs qu’il lira. »

Ainsi, je ne m’attarderai pas sur cette notion, mais je précise simplement qu’il n’est pas paradoxal de vouloir une simplification des terminologies et d’introduire le prédicat. Le prédicat permet au contraire une clarification.

La simplification terminologique a tout de même ses limites. Pour Jean-Christophe Pellat (2017 : 20-22), « Certaines simplifications ne vont pas de soi et la cohérence de la terminologie n’est pas complète. » Il critique notamment la simplification des COD, COI et COS en « complément de verbe ».

« Une simplification majeure de la terminologie est introduite : le « complément du verbe » remplace les COD, COI et COS, y compris au cycle 4. Dans l’ensemble des programmes de 2015, le COD est nommé une seule fois, dans l’accord du participe passé avec le « COD antéposé » (page : 239). Ainsi, une seule étiquette regroupe tous les compléments du verbe. […] Peut-on se passer du COD et du COI au cycle 4 ? Cela semble très difficile, pour trois raisons principales : ces deux fonctions aident à expliquer les variations de la forme des pronoms personnels objets (le, lui…) : pour les langues à cas (latin, grec ancien, allemand…), l’explication de l’accusatif et du datif s’appuie sur ces deux fonctions ; en orthographe, le COD est inévitable pour travailler l’accord du participe passé employé avec avoir.] »

Je reviendrai sur ce point plus tard, en développant une séance sur le complément de verbe et en montrant son intérêt. Nous pouvons retenir à ce stade les maîtres mots qui doivent contrôler l’enseignement de la grammaire qui sont formulés par Joëlle Gardes Tamine (2005) : la simplicité, la clarté, et la progression. Ce nouvel enseignement de la grammaire recherche « une façon différente de concevoir l’enseignement de la langue ». Il s’agit bien d’un enseignement de la langue rénové qui suppose également un changement de posture aussi bien de la part des élèves que de l’enseignant.

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1.3. La grammaire rénovée enseignée comme une science

La grammaire doit être désormais considérée comme une science. Les élèves dans l’apprentissage rénové de la grammaire effectuent une démarche expérimentale. Il s’agit pour l’enseignant de leur proposer une observation guidée des faits de langue, puis de créer une situation-problème afin de susciter chez eux un questionnement. Gérard de Vecchi (2005 : 66) le constate : « En français, comme dans presque toutes les autres disciplines, on tente de proposer et de mettre en œuvre des situations-problèmes […]. L’observation réfléchie de la langue s’y prête facilement. ». Les élèves sont amenés à fournir une explication en manipulant la langue. Ils vont alors pouvoir formuler des constats. Au fil des étapes, les élèves auront réellement réfléchi sur la langue et développé des connaissances. Ainsi, l’apprentissage de la grammaire rend actifs les élèves, ce dont se félicitent Jeanne Dion et Marie Serpereau (2009 : 20) : « Il s’agit en effet non plus d’une série de tâches scolaires à accomplir mais bien d’un engagement de l’élève dans une démarche personnelle de réflexion, de découverte et d’appropriation, dans une activité véritable d’apprentissage. Il s’agit d’une toute autre logique de l’apprentissage. » L’élève devient donc actif grâce à cette démarche inductive. Les nouveaux programmes prônent justement la méthode inductive. Les élèves sont ainsi invités à réfléchir sur la langue. Pour ce faire, ils effectuent des tâches en plusieurs étapes : observation et manipulation ; bilan métacognitif des élèves ; élaboration d’une trace écrite ; réinvestissement.

Afin de proposer des situations-problèmes dignes de ce nom, Gérard de Vecchi donne des pistes à suivre (2005 : 7) :

- Instaurer progressivement un état d’esprit dans la classe qui puisse permettre aux apprenants de s’exprimer librement, notamment en leur permettant d’échanger entre eux, et d’accepter l’erreur comme outil de progrès ;

- Faire émerger les conceptions des élèves ; - Utiliser largement le travail en petits groupes ;

- Présenter chaque situation-problème comme une situation provocatrice ou une énigme à résoudre ; - Inciter les apprenants à émettre des hypothèses ;

- Accompagner les apprenants en leur permettant d’avancer dans leur propre démarche de recherche;

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- La recherche arrivant à sa fin, mettre les apprenants en situation de valider leur travail en les faisant se référer à des documents qui sont porteurs de la solution et qui leur permettront d’affiner leur réponse ;

- Toute recherche doit aboutir à une production ;

- Aller vers une généralisation qui représentera le véritable savoir.

Britt-Mari Barth (2013 : 65) souligne également les bienfaits de ces situations-problèmes : « Quand l’élève a bien compris le problème qu’on lui pose, cela suffit en général pour lui donner envie de le résoudre ; ceci est d’autant plus vrai qu’on lui assure une aide si nécessaire. Le défi qui lui est proposé éveille son désir de chercher. Au lieu d’écouter un discours, il peut entreprendre quelque chose et peut-être réussir. Il participera activement à l’élaboration de la réponse, il aura l’occasion de confronter en classe sa vision des choses. Il pourra exposer ce qu’il découvre. »

Les séances deviennent donc dynamiques et attractives afin de mettre l’élève en posture réflexive. Il faut donner aux élèves un problème qui va les impliquer dans la tâche et leur permettre de réfléchir sur la langue. En effet, la « pédagogie bavarde » pour reprendre l’expression de Philippe Meirieu, est très pratiquée par les enseignants qui veulent apporter beaucoup de connaissances à leurs élèves. Nadia Mekhtoub (2012 : 145) insiste également sur ce constat :

« En classe, la pratique la plus répandue est celle du cours dialogué. Les réseaux de communication au sein de la classe vont essentiellement du professeur aux élèves et d’un élève au professeur, car le reste du groupe n’est pas toujours conscient du fait que ce qui se dit concerne tout le monde. De même à l’écrit, la communication s’effectue majoritairement de l’élève vers l’enseignant. »

En grammaire par exemple, les enseignants vont chercher à donner beaucoup de leçons, qui plus est, leçons qui portent sur des irrégularités à apprendre par cœur aux élèves. Les élèves doivent alors retenir de très nombreuses règles sans jamais être impliqués dans leur apprentissage. Or, si les élèves n’ont pas un temps afin d’effectuer des recherches et des manipulations, on les empêche de comprendre et de savoir. Pour donner un maximum de connaissances aux élèves en grammaire, il faudrait au contraire les laisser avoir une expérience sensible de la langue. L’élève est donc invité à s’investir dans une activité à la fois accessible et difficile, où il peut effectuer des hypothèses afin de « percer le secret ». En effet, Philippe Meirieu (1987 : 92) constate que : « nous croyons trop souvent rendre service à autrui, dans ses apprentissages, en lui livrant « le secret » […] nous croyons rendre service à autrui en le privant de ce temps de recherche, en lui donnant ce qu’il devrait tenter de trouver par lui-même. Nous pratiquons alors une pédagogie bavarde, qui, au lieu

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de suspendre l’explication et faire naître le désir, anticipe la demande et tue le désir dans l’œuf avant même son éclosion ». Il s’agit ainsi de « créer l’énigme ». Il est effectivement nécessaire d’amener l’élève à se poser des questions, à réfléchir afin qu’il s’investisse réellement dans son apprentissage et en devienne acteur. C’est ainsi que l’élève apprend et comprend les notions grammaticales et arrive par la suite à les réinvestir consciemment dans des productions. Et ce d’autant mieux que l’élève est amené à formuler la règle par lui-même. En effet, après avoir observé, manipulé, réfléchi sur la langue, l’élève confronte ses observations à celles de ses pairs. La mise en commun métacognitive permet finalement d’élaborer ensemble la règle. Le professeur valide ou réfute des constats et les constats validés servent d’appui pour construire la règle. L’élève peut ainsi être amené à élaborer la règle par lui-même lors d’un retour à un écrit de travail individuel après la confrontation collective. Les supports tels que le Bescherelle ou le manuel de français sont alors très utiles pour vérifier le contenu de la trace écrite. La construction de la règle étant faite par les élèves, il est clair qu’ils la comprennent et pourront donc mieux se l’approprier. Les apprenants sont investis. La règle ne leur a pas été donnée tout simplement pour être mémorisée ; elle a été construite par eux. Ils seront alors capables de la réinvestir.

Cette démarche expérimentale serait donc la clef pour permettre aux élèves de maîtriser véritablement la langue. En effet, cette dernière devient un véritable objet d’étude qui favorise chez les élèves une posture de métacognition qui, comme le rappelle Britt-Mari Barth (2013 : 139), « conduit les élèves à prendre conscience des « méthodes de pensée » qui leur permettent effectivement de réussir pour qu’ils puissent les mobiliser volontairement dans une situation d’apprentissage ultérieure. Cette prise de conscience est réalisée par un travail de réflexion et de retour sur la démarche mentale que l’enseignant, par le choix conscient des situations d’apprentissage qu’il propose, a déclenché chez l’élève. » Le but est d’impliquer l’élève et de l’amener à la posture réflexive dont il est question dans les programmes. Les élèves sont amenés à verbaliser leurs connaissances par eux-mêmes et sont ainsi capables de maîtriser les faits de langues, « au-delà de l’étiquetage des faits de langue, il s’agit de développer chez les élèves, dans une attitude métalinguistique, une distance critique sur la langue pour qu’ils maitrisent en profondeur » comme le souligne Jean-Christophe Pellat (2017 : 21-22). L’enseignant ne peut donc qu’encourager les élèves à adopter cette posture de métacognition afin qu’ils comprennent le fonctionnement de la langue, d’autant plus qu’« elle développe un esprit de rigueur et favorise le doute… créateur. », pour reprendre l’expression de Suzanne Chartrand (1995 : 14). Le grand intérêt de cette démarche est donc bien pour la didacticienne qu’elle « amène l’élève à être actif tout au

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long de son apprentissage, celui-ci étant dans un état de recherche. » L’élève est naturellement plus concerné, donc plus attentif. Il est alors davantage motivé à apprendre. Le changement de posture de l’élève est donc primordial. L’élève doit être actif et réfléchir par lui-même, et avec l’aide de ses pairs. Mais, l’enseignant lui aussi doit changer de posture.

Le rôle de l’enseignant est de faire émerger les stratégies, d’apprendre aux élèves à formuler leurs stratégies, et à décomposer leur tâche. Il s’agit de poser des questions afin qu’ils justifient leur démarche. Comme le préconise Suzanne Chartrand (2016 : 41), il ne faut pas « donner l’impression aux élèves que la bonne réponse doit venir rapidement, mais leur laisser du temps pour réfléchir : ce qui compte le plus n’est pas tant la réponse que le raisonnement suivi pour arriver à une réponse. Ainsi, on pourra leur poser des questions telles que : Comment êtes-vous arrivés à cette réponse ? ; Quelles hypothèses avez-vous émises au départ ? ; Lesquelles avez-vous rejetées ? Pourquoi ? ; Avez-vous des doutes au sujet de la réponse que vous avez trouvée ? ; Si oui, pourquoi ? ; Quels ouvrages de référence ou qui avez-vous consultés pour vous aider ? »

La construction de l’apprentissage chez les élèves consiste à faire émerger des stratégies et des procédures, faire justifier le « comment ». L’enseignant a donc bien un rôle de médiateur. L’enseignant va encadrer, guider et prendre en charge les activités que l’élève n’arrive pas à exercer seul, par exemple en donnant des indices, des informations s’ils ne les ont pas. L’idée, c’est que les élèves apprennent à se poser des questions tout seuls en effectuant une observation réfléchie de la langue.

Nous rappelons ce que nous avons déjà dit plus haut, le schéma traditionnel de l’enseignement de la langue qui consiste à donner une leçon puis à l’appliquer avec des exercices ne permet pas de faire progresser les élèves en difficulté. Il faut un temps de réflexion sur la langue, un temps d’observation de la langue qui est objet d’étude. Il faut favoriser des activités différentes qui permettent l’étude de faits de langue de façon rigoureuse afin d’améliorer la posture métacognitive de l’élève. Il est nécessaire de permettre aux élèves de saisir complètement leur langue, de la commenter, et enfin, de la comprendre. En effet, afin de motiver les élèves à maîtriser le fonctionnement de la langue, il faut leur proposer des tâches et des activités qui les engagent cognitivement. Cette implication des élèves dans des activités stimulantes intellectuellement est également l’un des cinq piliers de base que préconisent Catherine Brissaud et Danièle Cogis (2011) pour enseigner l’orthographe aujourd’hui.

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Suzanne Chartrand (2016 : 39) énonce deux qualités qu’un enseignant doit posséder pour motiver ses élèves : « être convaincu de la pertinence des contenus à enseigner (notions, procédures et stratégies) et faire preuve de respect envers les capacités des élèves. ». Elle rappelle également trois principes fondamentaux efficaces lors de l’élaboration de démarches mis en exergue dans les travaux de recherche de Roland Viau (2009) :

- Proposer des activités signifiantes et stimulantes qui engagent cognitivement les élèves - Diversifier les tâches proposées et les intégrer à une séquence d’activités

- Proposer des activités qui obligent les élèves à interagir avec leurs condisciples.

Il est donc bien nécessaire que l’enseignant change de posture. Guillaume Duez et Karine Risselin (2017 : 31) insistent alors sur ce fait. Ils relèvent que « Les programmes de 2015 encouragent surtout les enseignants à rénover leurs pratiques, à réactualiser leurs savoirs grammaticaux et à problématiser les enjeux de l’enseignement de la langue. » Ce changement de posture est obligatoire. En effet, s’il n’est pas réalisé, il est clair que cela sera un frein pour une bonne réalisation de la démarche expérimentale. C’est ce frein que signalait déjà Suzanne Chartrand (1995 : 15) : « Nous avons tendance à trop encadrer les observations, à proposer des corpus trop restreints et trop simplifiés, évitant de présenter des contre-exemples essentiels à la compréhension. Nous n’exploitions pas suffisamment les erreurs ou les propositions inexactes des élèves qui sont autant d’indices de leurs représentations et de leurs connaissances. »

Ainsi, la difficulté que peut rencontrer l’enseignant est de vouloir contrôler la réflexion des élèves en les empêchant de réfléchir par eux-mêmes. Or, le désir de contrôler les expérimentations des élèves leur donne un côté très artificiel. Britt-Mari Barth (2013 : 77) explique que « si on n’encourage pas, dans un premier temps, une recherche libre, en recevant toutes les réponses et questions comme elles viennent, sans jugement, l’enfant va vite se méfier et uniquement chercher la « bonne » réponse. » Les élèves ne sont alors pas dans une véritable activité et donc ne sont pas investis cognitivement dans la tâche. Catherine Brissaud et Daniel Bessonnat (2001 : 107) le constatent également : « Les élèves s’exécutent avec plus ou moins d’application, accordant la même importance à l’écriture de la date ou l’écriture de la consigne qu’aux contenus à traiter. » On le comprend bien, les élèves ne s’investiront dans leur recherche que s’ils en sont les acteurs. L’enseignant doit être avant tout un médiateur. Il doit, selon Gérard De Vecchi (1996 : 130), faire preuve de « guidance », c’est-à-dire aider l’élève à construire son questionnement et sa problématique, à se repérer dans sa démarche, à déterminer ses priorités, à gérer ses résultats partiels, à aller au bout des problèmes à résoudre et à émettre des hypothèses sur ses erreurs, et non

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de « guidage », c’est-à-dire baliser le parcours des élèves en leur indiquant les activités à effectuer, la manière de les effectuer et l’ordre d’exécution. L’élève devient ainsi plus autonome.

Mais, afin de permettre au mieux la « guidance », il faut libérer la parole. En effet, les élèves doivent pouvoir s’exprimer librement. L’erreur ne doit pas être redoutée mais acceptée comme un outil de progrès. Ce désir de vouloir contrôler la réflexion des élèves est justement lié au refus de l’erreur. C’est ce que déplorent Catherine Brissaud et Francis Grossmann (2009 : 8) : « La minimisation, par les enseignants, de la part de l’erreur et le peu de place pour le tâtonnement dans la réflexion grammaticale conduisent parfois à faire de la grammaire un exercice dogmatique, peu propice à la réflexion. » Cependant, dans ce genre d’apprentissage, l’erreur est prépondérante pour la réussite des élèves. Il faut donc accepter l’erreur. C’est pourquoi, comme le propose Britt-Mari Barth (2013 : 66), « dans cette approche, dès les premières consignes, on dit clairement que toute idée peut être bonne […] les règles du jeu données permettent de vérifier sa validité au fur et à mesure. On assure ainsi à l’élève que si jamais il se trompait, il y a moyen pour lui de rectifier l’erreur en cours de route. Il est libre d’explorer. ».

Le professeur doit, pour que l’apprentissage fonctionne, être en second plan, et laisser les élèves proposer leurs propres réflexions, même si celles-ci sont à priori fausses. Par conséquent, c’est bien la posture de l’enseignant qui est remise en cause. L’enseignant doit rénover sa façon d’enseigner et son rapport aux élèves. La démarche expérimentale n’avance pas sans tâtonnement, sans erreur. Le statut de l’erreur se trouve ainsi transformé. L’erreur devient une aide à l’apprentissage de l’élève. En comprenant leurs erreurs, les élèves peuvent faire évoluer leurs conceptions. L’enseignant doit pouvoir réussir à sortir du schéma classique apprenant / détenteur du savoir où l’enseignant explique quelque chose, l’apprenant écoute puis reproduit ce qu’il a écouté. L’élève ne doit plus être passif et effacé. Le professeur ne peut plus aujourd’hui occuper seul le devant de la scène alors qu’il doit développer l’autonomie de l’élève et lui apprendre à apprendre. L’élève doit pouvoir être à ses côtés. L’enseignant ne s’efface pas pour autant. Il aide l’élève à construire ses savoirs. Il devient un « médiateur » comme l’a démontré Britt-Mari Barth (2013 : 65). Son rôle est alors d’amener l’élève à être acteur de son apprentissage, « il devient ici un médiateur entre l’élève et le savoir, celui qui organise des rencontres avec ce dernier, dans ses formes variantes, pour que tous les élèves puissent interagir avec ce savoir, et entre eux. »

Mais, le problème va souvent plus loin. L’état d’esprit des professeurs de français du secondaire est effectivement problématique, comme le décrit Jean Ehrsam (2013 : 9) :

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