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L’orthographe grammaticale : la dictée négociée

3. Une démarche grammaticale réflexive en classe de cinquième

3.3. L’orthographe grammaticale : la dictée négociée

La grammaire peut être mise au service de l’orthographe. Danièle Cogis (2005 : 326) rappelle que « Les liens sont d’ailleurs si forts entre orthographe et grammaire que les territoires de l’une sont souvent confondues avec les territoires de l’autre. Si l’on demande de citer une règle de grammaire, on obtient presque toujours une règle d’orthographe plutôt qu’une règle de syntaxe. » Il faut donc connaître un certain nombre de règles pour maîtriser l’orthographe. De plus, elle précise (2005 : 326) qu’« En raison de leur liens, la prise en compte des représentations orthographiques est non seulement la clé d’une progression des élèves en orthographe, mais aussi une chance pour les acquisitions grammaticales. ». Elle développe ainsi son idée sur les vertus d’un travail sur l’orthographe :

« (L’orthographe) fournit une expérience sensible d’un rapport formel au langage à travers la manipulation consciente des unités de la langue. C’est le cas chaque fois qu’il s’agit d’écrire, puis de réviser l’orthographe d’un texte. En effet, tout système d’écriture est en prise avec la langue qu’il symbolise. En s’interrogeant sur les lettres qu’il doit tracer, l’enfant s’interroge aussi sur les constituantes et l’organisation de la langue qu’il écrit. Il rejoint ainsi la grande chaine des grammairiens et linguistes qui, depuis l’invention de l’écriture il y a plus de 5000ans, s’efforcent de décrire la langue au mieux. »

Mais, les élèves doivent pouvoir se poser les bonnes questions. D’autant plus que le cadre de l’enseignement de l’orthographe pose tout comme celui de la grammaire des problèmes. Danièle Cogis (2005 : 13) rappelle au début de son ouvrage les difficultés liées en particulier à la dictée et à sa piètre réputation :

« L’orthographe a longtemps été une discipline autonome, définie par ses leçons et ses exercices, se règles et ses exceptions, sa dictée et ses corrections. Aujourd’hui, elle est considérée comme une composante nécessaire à la communication écrite. Mais les relations entre écriture et orthographe apparaissent confuses et très conflictuelles, tandis que les leçons et les dictées ne donnent pas plus satisfaction qu’hier : seule une minorité d’élèves est à la hauteur des attentes. L’enseignant se trouve ainsi piégé, condamné à perpétuité à corriger les mêmes fautes et à refaire les mêmes leçons, parce qu’il le faut bien, mais peu convaincu de l’effet de son action. »

Il faut ainsi, selon Jeanne Dion et Marie Serpereau (2009 : 112-113), « revisiter cet exercice traditionnel pour l’envisager comme une situation-problème à résoudre collectivement pour que chacun puisse d’abord apprendre l’orthographe », « Ce qu’il faut d’abord modifier dans la tête de tous, c’est le rapport forcément individuel, que chacun entretient à l’orthographe dans la grande

compétition générale de l’École. ». Pour cela, l’apprentissage des connaissances grammaticales doit être explicite afin de permettre à l’élève d’analyser ce qu’il écrit en respectant les marques de genre, de nombre, de temps, de mode, de personne des classes grammaticales, et en réussissant les accords très souvent muets. Des connaissances grammaticales sont donc indispensables. En effet, il existe deux catégories d’erreurs en orthographe : les erreurs lexicales et les erreurs grammaticales. Ces dernières d’ailleurs « coûtent plus cher » au DNB , moins un point par faute grammaticale. Alors 22 que pour éviter les erreurs lexicales les élèves utilisent le plus souvent leur intuition, voire vérifient les mots dans un dictionnaire. L’orthographe grammaticale ne peut pas souvent être intuitive. Ainsi, si des apprentissages implicites jouent un rôle important dans l’appropriation de l’orthographe lexicale, ce n’est pas le cas de l’orthographe grammaticale qui doit faire l’objet d’un apprentissage explicite. L’atelier de négociation orthographique le permet. Le site Éduscol propose justement une organisation de dictées négociées pour une classe de 3ème . 23

« La dictée négociée ou la dictée débat est une situation d’apprentissage fondée sur la verbalisation des connaissances et des stratégies utilisées pour orthographier. Il s’agit avant tout d’encourager un raisonnement métalinguistique en permettant aux élèves de confronter leurs graphies à celles de leurs camarades. L’acquisition de connaissances solides en orthographe passe par une phase d’appropriation : cette appropriation est facilitée si l’on prend pour support d’apprentissage les productions des élèves en mettant en place des moments de structuration fondés sur l’observation et l’analyse de leurs propres productions. Les textes proposés ici ne sont que des propositions ; leur choix doit être adapté à la progression annuelle et ils doivent prendre place dans les objets d’étude travaillés tout en ciblant une notion linguistique précise. On peut sereinement envisager une dictée débat par période (soit entre 6 à 8 dans l’année) ; elles dureront environ deux heures : dictée individuelle de 15 minutes, phase de débat de 40 minutes, reprise collective sous forme de corpus de 20 minutes, institutionnalisation et création de règles de 30 minutes. »

Pour effectuer au mieux une dictée négociée, il est préférable de choisir un court texte de deux ou trois phrases qui peuvent même être fabriquées. Les élèves travaillent en groupes, de quatre à cinq élèves. Ils vont débattre à l’intérieur du groupe et confronter les résultats. L’enseignant doit valoriser les raisonnements, les élèves doivent toujours justifier l’orthographe d’un mot. Le but n’est pas d’évaluer mais d’apprendre à raisonner.

Diplôme National du Brevet

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Dictées négociées pour une classe de troisième : http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Etude_de_la_langue/

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Je vais donc présenter un atelier de négociation orthographique que j’ai mené afin de montrer 24 comment la dictée peut être au service de la grammaire. Les élèves ont effectué une dictée négociée ayant pour objectif « 0 faute ». Cette dictée a eu lieu durant la première séquence sur les héros. J’ai donc choisi un extrait de Mythes fondateurs, d’Hercule à Dark Vador, sur ce thème dans le manuel scolaire L’envol des lettres pour la classe de cinquième (2016 : 167). Cette dictée au présent a 25 permis un réinvestissement de la notion du présent de l’indicatif qui avait été étudiée par les élèves. Elle a permis également aux élèves, de réfléchir sur les accords au sein de la phrase, en travaillant la compétence « Maitriser la forme des mots en lien avec la syntaxe », et plus précisément : « Connaitre le fonctionnement des chaines d’accord ».

Après une lecture magistrale de la dictée, je dicte aux élèves qui écrivent. Les élèves ont ensuite une première phase individuelle, de quinze minutes, avant la confrontation en groupe. Il s’agit lors de cette phase d’effectuer la révision orthographique grâce au balisage du texte. L’utilisation de balisages est très intéressante car elle permet aux élèves de justifier leurs accords, leurs marques de genre, de nombre, de personne, de temps et de mode. Ils peuvent ainsi avoir des traces écrites des chaînes d’accord avec des flèches et des soulignements. On peut également demander aux élèves, d’inscrire des marques (M, F, Pl, Sg), des classes grammaticales (N, Adj, V,…), des doutes (= ?). Pour les élèves en difficultés, il est préférable de cibler un type d’erreur, par exemple, l’accord entre le sujet et le verbe.

Annexe 6 : séance de dictée négociée

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Les élèves ont ensuite travaillé en groupe pendant trente minutes. Cette phase de travail entre pairs leur a permis de négocier, de coopérer, ou encore de s’entraider. Lors des débats, chaque mot doit être analysé, et son orthographe doit être modifiée par l’ensemble du groupe. Je me mets alors en retrait, tout en passant dans les rangs pour écouter les élèves. J’interviens parfois pour faire avancer le débat, ou encore pour demander aux élèves comment ils s’y sont pris pour trouver l’orthographe de tel ou tel mot. Le questionnement s’affine au fur et à mesure. Les élèves sont amenés à réfléchir aux manipulations de la langue. Ils doivent alors écrire une dictée sans faute par groupe tout en justifiant par écrit la correction apportée grâce aux échanges dans le groupe, cette phase dure quarante-cinq minutes. Il est important que les élèves notent les mots qui leur ont posé problème et leur démarche pour essayer de trouver la bonne orthographe.

La dictée négociée est donc bien au service de la grammaire. Elle permet de travailler plusieurs compétences : « Maitriser la forme des mots en lien avec la syntaxe », « Connaitre le fonctionnement des chaines d’accord » et « Savoir relire un texte écrit ». La pratique régulière de cette activité suscite des interactions toujours pertinentes. D’autant plus que les élèves gardent en mémoire ces interactions et les réinvestissent. Danièle Cogis (2005 : 306) le note en ces termes :

« Le langage est le second élément clé de l’évolution des conceptions, sous un double aspect : celui des verbalisations par le sujet qui explicite une graphie et celui des interactions qui ont cours dans l’échange qui s’ensuite. En effet, la classe, qu’elle soit en formation complète ou subdivisée en groupes, est naturellement une situation interactive dynamique : tout banalement, les êtres humains se parlent. Et leur parole produit des effets de tous ordres, sociaux, affectifs, et, au premier rang à l’école, cognitifs. »

Ainsi, mes élèves ont été investis lors de cette dictée négociée. Ils ont aimé réfléchir ensemble sur la langue. Après un bilan métacognitif, j’ai eu le plaisir d’avoir des remarques tels que « pour une fois, la dictée c’était bien », ou encore « j’ai aimé travailler dans le groupe car j’ai compris maintenant comment accorder ». La dictée est donc une façon d’approfondir les notions de grammaire. Il est clair que les élèves sont alors davantage capables de réinvestir leurs connaissances, ce qui est l’aboutissement espéré de tout travail sur la langue.