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La demande d'aide chez les parents vivant des difficultés avec leur adolescent : exploration de trajectoires à travers les réseaux d'aide formelle et informelle

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Academic year: 2021

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La demande d’aide chez les parents vivant des

difficultés avec leur adolescent

Exploration de trajectoires à travers les réseaux d’aide

formelle et informelle

Mémoire

Véronic Pratte

Maîtrise en service social

Maitre en service social (M. Serv.Soc)

Québec, Canada

(2)

La demande d’aide chez les parents vivant des

difficultés avec leur adolescent

Exploration de trajectoires à travers les réseaux d’aide

formelle et informelle

Mémoire

Véronic Pratte

Sous la direction de :

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Résumé

Cette recherche, de nature exploratoire et descriptive, s’intéresse à la trajectoire de recherche d’aide chez les parents vivant des difficultés avec leur adolescent. Cette recherche utilise une méthodologie qualitative et vise à améliorer la compréhension actuelle des processus de recherche d’aide des parents et à identifier l’influence des dynamiques relationnelles et de la réponse sociale obtenue.

Notre échantillon est composé de dix parents ayant eu recours à une aide professionnelle concernant des difficultés avec leur adolescent. Notre cueillette de données s’est faite à l’aide d’une entrevue semi-structurée à questions ouvertes et nous avons procédé à une analyse thématique de celles-ci.

Les résultats révèlent la complexité derrière les comportements de recherches d’aide et les différentes difficultés rencontrées. Dans leurs trajectoires, trois principaux moments-clés sont distinguables : la reconnaissance du problème, la recherche de solutions et la réponse à la demande d’aide. Les différentes influences et interactions des membres du réseau d’aide informelle, du milieu scolaire et du système de services sont également détaillées. Les résultats mettent en lumière l’importance des dynamiques de négociation au sein du couple parental et l’impact des listes d’attente et des interruptions dans les services d’aide.

Les résultats exposent que cette expérience est assez éprouvante pour les parents. Bien qu’elle ne permette pas de résoudre tous les problèmes rencontrés, elle se révèle avec le recul être salutaire, pour la plupart des parents.

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TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ ... III TABLE DES MATIERES ... IV LISTE DES TABLEAUX ... VI LISTE DES FIGURES ... VII LISTE DES ABRÉVIATIONS ... VIII REMERCIEMENTS ... X AVANT-PROPOS... XII

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 ... 3

LA DEMANDE D’AIDE CHEZ LES PARENTS D’ADOLESCENTS ... 3

Définition de la demande d’aide (help-seeking) ... 5

Les processus de recherche d’aide chez les parents ... 6

Les principaux modèles de la conceptualisation de la demande d’aide ... 13

Principales limites des études recensées ... 17

But et objectifs de l’étude ... 19

CHAPITRE 2 ... 21

CADRE CONCEPTUEL ... 21

Principes du Family Network Episode Model (FNEM) ... 22

CHAPITRE 3 ... 26

LA MÉTHODE DE RECHERCHE ... 26

Approche et type de recherche ... 26

Population à l’étude... 28

Procédure de recrutement et méthode d’échantillonnage privilégiée ... 29

Caractéristiques des participants ... 30

Outils de cueillette de données ... 31

Analyse des données ... 32

Considérations éthiques ... 33

CHAPITRE 4 ... 35

PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ... 35

1. LES MOTIFS ET LE CONTEXTE ENTOURANT LA DEMANDE ACTUELLE ... 36

La compréhension parentale des problèmes rencontrés ... 37

L’évolution et les fluctuations des problèmes dans le temps ... 38

Les difficultés parentales à reconnaître le problème ... 39

L’influence de l’environnement familial et social ... 41

Quand les difficultés extérieures interfèrent dans la relation parent-enfant ... 43

Réactions des parents face aux problèmes rencontrés ... 44

Les démarches antérieures de demande d'aide ... 46

La recherche de solutions ... 47

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2. LA RECHERCHE DE SOLUTIONS EXTÉRIEURES ET LE RÔLE DES AUTRES ACTEURS ... 52

La recherche d’informations ... 52

Le réseau de soutien informel ... 54

L’influence de la dynamique parentale et la négociation de la demande d’aide ... 58

La perception parentale de l’attitude du jeune face à l’aide ... 61

Le rôle de l’école dans la trajectoire : entre soutien social et pression ... 63

En résumé ... 68

3. L’ENTRÉE DANS LES SERVICES ET LE DÉROULEMENT DE L’AIDE FORMELLE ... 70

Les attentes et motivations face à l’aide formelle ... 70

Difficultés à demander de l’aide ... 72

Le choix de l’aide ... 74

L’attente et ses impacts ... 77

Déroulement des services d’aide et satisfaction parentale face à ceux-ci ... 80

Les interruptions dans l’aide et ses conséquences ... 83

La résolution du problème selon le parent ... 85

En résumé ... 87

CHAPITRE 5 ... 89

DISCUSSION ... 89

1. Reconnaissance du problème et du besoin d’aide ... 90

2. Recherche de solution ... 91

3. Réponse à la demande d’aide ... 91

CONCLUSION ... 96

PISTES POUR DE FUTURES RECHERCHES ... 96

IMPLICATIONS POUR LA PRATIQUE DU SERVICE SOCIAL ... 97

LIMITES ... 98

BIBLIOGRAPHIE ... 100

ANNEXE A ... 109

INFORMATIONS À L’INTENTION DES INFORMATEURS-CLÉS ... 109

ANNEXE B ... 110

COPIE À REMETTRE AUX PARENTS PAR L’INFORMATEUR ... 110

ANNEXE C ... 111

AFFICHE POUR RECRUTEMENT ... 111

ANNEXE D ... 112

GUIDE D’ENTREVUE ... 112

ANNEXE E ... 115

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 115

ANNEXE F ... 118

LETTRE D’APPROBATION DE L’ÉTHIQUE ... 118

ANNEXE G ... 119

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LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU I.EXEMPLES D’ÉLÉMENTS DU CONTEXTE FAMILIAL ET SOCIAL ... 41

TABLEAU II.EXEMPLES DE RÉACTIONS PARENTALES ... 44

TABLEAU III.SOURCES D'INFORMATION CONSULTÉES PAR LES PARENTS ... 53

TABLEAU IV.MEMBRES DU RÉSEAU INFORMEL CONSULTÉS PAR LES PARENTS ... 55

TABLEAU V. DIFFÉRENTS TYPES DE SOUTIEN OFFERT PAR LE RÉSEAU INFORMEL ... 56

TABLEAU VI.EXEMPLES D’INTERVENTIONS DE L'ÉCOLE RAPPORTÉES ... 63

TABLEAU VII.TYPES DE SERVICES SOLLICITÉS ET DÉTAILS CONCERNANT L’AIDE ... 75

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LISTE DES FIGURES

FIGURE 1.MODÈLE ADAPTÉ DU FAMILY NETWORK EPISODE MODEL ... 23 FIGURE 2.RECENSION SOMMAIRE DES ÉLÉMENTS PROBLÉMATIQUES RAPPORTÉS PAR LES PARENTS ... 37

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

CERUL : Comité plurifacultataire d’éthique de la recherche (de l’Université Laval) CLSC : Centre local de services communautaires

CRDI : Centre de réadaptation en déficience intellectuelle CRDQ : Centre de réadaptation en dépendance de Québec DPJ : Direction de la protection de la jeunesse

DSM : Manuel diagnostique et statistiques des troubles mentaux de l’Association Américaine de Psychatrie (APA)

FNEM : Family Network Episod Model

IRDPQ : Institut de réadaptation physique de Québec

LSJPA : Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents Programme FEJ : Programme famille-enfance-jeunesse

Programme DI/TSA/DP : gamme de services s’adressant à toute personne ayant : une déficience physique (auditive, visuelle, motrice ou du langage) (DP) ; une déficience intellectuelle (DI) ; un trouble du spectre de l'autisme (TSA)

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À la mémoire de mes parents,

Mes premiers amours,

Fernande Déraspe (1953-2014) &

Fernand Pratte (1951-2014

)

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REMERCIEMENTS

La trajectoire empruntée pour parvenir à la conclusion de ce mémoire, a été sinueuse, laborieuse et parsemée de nombreux obstacles, en somme elle s’est avérée très complexe. Heureusement, les apprentissages que j’en retire sont extrêmement riches autant sur le plan professionnel que personnel. Bien entendu, ce parcours n’aurait pu se compléter sans le soutien inestimable de plusieurs personnes.

Tout d’abord, merci du fond du cœur aux parents qui ont accepté de prendre parole dans le cadre de ce projet. Votre résilience et votre courage dans votre recherche d’aide ont été une grande source d’inspiration qui a donné le sens à ce projet et qui m’a permis de l’achever.

Un merci tout particulier à Daniel Turcotte qui a accepté la direction de ce mémoire. Je me sens extrêmement privilégiée d’avoir pu cheminer aux cotés d’un humain doté d’une feuille de route si impressionnante combinée à cette très grande humilité qui t’habite. Merci pour ta grande disponibilité, ton incroyable rapidité et efficacité d’exécution, ton sens de l’humour, ta grande rigueur, mais surtout pour cet accueil inconditionnel et sans jugement que tu m’as toujours offert. Mon parcours a été ponctué de longs moments de silence, merci de ne jamais m’en avoir tenu rigueur et de m’avoir encouragé à persévérer. Ta grande expérience que je qualifie davantage de grande sagesse a été pour moi d’un immense secours autant pour recadrer mon esprit vagabond et désordonné que pour m’inviter à prendre soin de mes états émotifs. Sans ta présence, ce mémoire n’aurait sans doute pas vu le jour ou serait probablement dénaturé. Merci d’avoir respecté mes choix et de m’avoir permis à les rendre plus clairs. Merci pour cette grande dose d’inspiration, ces grands apprentissages et cet amour du service social mais surtout des êtres humains. Que cette nouvelle route qui débute pour toi, soit belle, joyeuse et bienveillante.

Merci aux informateurs-clés qui ont accepté de présenter mon projet aux parents. Je préserve votre anonymat pour des considérations éthiques mais sachez que mes remerciements sont tout aussi sincères que s’ils vous étaient adressés personnellement.

Merci à Sylvie Greco-Lemay et Marie-Hélène Hardy avec qui j’ai découvert l’existence du 7ième

étage au pavillon DeKoninck mais surtout avec qui j’ai partagé de nombreux moments et états d’âme lors de ce long périple. Merci pour votre soutien, votre empathie et votre solidarité mais surtout votre présence dans ma vie. Je célèbre cette victoire avec vous.

Merci à Dre. Julie St-Pierre pour ton amitié, tes judicieux conseils ainsi que pour le prêt de la « pédale de transcription » sans lequel je serais probablement encore en train de tenter de retranscrire mes entrevues.

Dans un ordre plus personnel, merci à ma famille pour votre présence et votre soutien inconditionnel. Ce mémoire s’est déroulé en même temps que notre plus intense traversée familiale, c’est-à-dire le cancer de ma mère. Mes parents n’auront pas le plaisir de savourer ce couronnement (rien de moins) avec moi puisqu’ils sont décédés avant celui-ci. Toutefois, je suis reconnaissante d’avoir fait le choix de profiter au maximum de nos derniers moments et de célébrer la beauté des liens qui nous unissaient. Merci d’avoir toujours cru en moi et de m’avoir aimé sans condition. Merci à mon petit frère Alexandre qui est venu m’encourager sur la ligne d’arrivée et m’a donné un coup de main pour la correction, je suis si fière de ton parcours. Merci à ma sœur Marie-Andrée

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Merci à Nicolas mon amoureux pour ton soutien indéfectible, surtout dans mes moments les plus sombres et pour ton soutien sur le plan technique. Ta présence à mes côtés, me donne le courage de me dépasser. Merci à mon petit bébé Ludivine, pour ta lumière, tes sourires et pour l’inspiration que ta détermination à vouloir marcher m’a procurée. (Merci à Cathie, Yuva, Vesna et Cynthia, ses éducatrices, qui ont rassuré mon cœur de maman et m’ont permis d’écrire en la sachant dans un cadre sécuritaire et bienveillant).

Enfin, merci à moi-même de ne « pas m’être lâchée ». J’ai eu envie de prendre la poudre d’escampette plus d’une fois dans ce long périple. Le terme maitrise prend son sens dans la persévérance et la discipline que j’ai appris à cultiver.

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AVANT-PROPOS

Ce projet est né à la suite à deux principaux constats.

Premièrement, j’ai réalisé en travaillant auprès d’adolescents vivant des difficultés (dans une Auberge du cœur qui offrait un hébergement temporaire aux adolescents) que je ne connaissais rien de la réalité de leurs parents. Bien souvent, ceux-ci étaient à l’origine de la demande d’aide mais j’avais du mal à comprendre leur détresse et leurs inquiétudes puisque toute mon attention était dirigée vers l’adolescent. Puis un jour, j’ai réalisé que je ne pouvais pas travailler à un retour à la maison sans créer un espace pour permettre aux parents d’exprimer leurs souffrances et leur point de vue. Bref, j’ai eu envie de comprendre ce qu’ils avaient traversé afin de développer mon empathie à leur égard.

Parallèlement dans ma vie personnelle, j’ai vécu des difficultés exigeant une recherche d’aide extérieure. Je me suis rendu compte à quel point cet exercice était difficile et que d’exposer sa vulnérabilité demandait beaucoup de courage.

Dans un cas comme dans l’autre, ces expériences m’ont invité à remettre en question ma compréhension de la demande d’aide et à vouloir mieux comprendre ce que cette expérience implique lorsqu’elle concerne l’un de nos enfants.

Ce projet de recherche aura donc permis essentiellement de changer mon regard sur la demande d’aide mais surtout sur la façon d’accueillir les gens qui en font la demande. Sur le plan professionnel, c’est sans doute ma plus importante prise de conscience.

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INTRODUCTION

L’adolescence est une période critique dans le développement humain. Habituellement cette période demande aux parents des ajustements dans l’exercice de leur rôle parental. En général, les conflits entre les parents et leur enfant ont tendance à augmenter, de sorte que plusieurs parents vivent des conditions de stress intense (Steinberg, 1990) face à leur adolescent qui revendique plus d’indépendance. Les transformations de cette relation ont non seulement une incidence sur le développement de l’adolescent, mais également sur l’état de bien-être psychologique des parents. Les difficultés à s’adapter à ces changements combinés à l’apparition d’autres difficultés psychosociales peuvent dans certains cas amener les jeunes ou les parents à avoir recours à différents types de soutien et certains doivent recourir à des services spécialisés. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, au Québec 10 à 15 % des jeunes auront des difficultés d’adaptation au cours de leur vie. Ces situations seraient bien souvent transitoires si elles bénéficient d’une intervention de soutien ou d’accompagnement (MSSS, 2002).

Certaines études ont démontré que les adolescents ont tendance à se tourner vers leurs parents ou leurs amis lorsqu’ils ont besoin d’aide (Rickwood, Deane, Wilson et Ciarrochi, 2005). Ils iraient rarement vers les services d’aide par eux-mêmes et ils seraient même réfractaires à ce type de démarche (Stiffman, Pescosolido et Cabassa, 2004 ; Rothi et Leavey, 2006). En fait, les adolescents ne possèdent pas toujours l’autonomie ou les moyens nécessaires afin d’obtenir une aide professionnelle (Boutler et Rickwood, 2013) et ils comptent sur l’intervention d’un adulte pour y accéder (Sayal, 2006). Ce sont souvent les parents, habituellement les mères, qui initient les démarches d’aide pour les problèmes d’ordre psychosocial1 de leur enfant (Costello, Pescosolido, Angold et Burns, 1998 ; Logan et King, 2001 ; Broadhurst, 2003 ; Sayal, 2006 ; Shanley, Reid et Evans, 2008). Ils sont souvent les premières personnes à identifier les problèmes (Costello, Pescosolido, Angold et Burns, 1998). Il a été démontré que lorsque les parents ne trouvent pas de réponses à leurs préoccupations, ils développeront de l’anxiété et éprouveront de la pression au plan psychologique (Dixey, 1999), et ces dernières risquent de se transformer en des problèmes

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plus sérieux. L’accompagnement des parents est donc primordial et comporte de nombreux enjeux. Cependant, la façon dont les parents demandent de l’aide commence tout juste à intéresser les chercheurs et les cliniciens (Logan et King, 2001)

Le présent mémoire vise à explorer les parcours de recherche d’aide de parents2 d’adolescent3. Cette recherche utilise une méthodologie qualitative pour mieux comprendre ce que représente l’expérience de demande d’aide chez les parents vivant des difficultés avec leur adolescent. Étant donné que le discours des professionnels domine les recherches sur les soins et les services d’aide et (Broadhurst, 2003), nous nous sommes intéressés à la perspective parentale, pour élargir compréhension des problématiques vécues dans les trajectoires de services.

Ce mémoire est divisé en cinq sections. Le premier chapitre présentera une brève recension des écrits scientifiques sur le sujet de la recherche d’aide parentale. Le deuxième chapitre présentera le Family Network Episode Model (Costello, Pescosolido, Angold et Burns, 1998) qui servira de cadre conceptuel à cette étude. La méthodologie privilégiée pour cette recherche sera présentée au chapitre 3. Le chapitre 4 présentera les principaux résultats de cette étude. Enfin, nous terminerons avec une discussion des résultats et une conclusion.

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CHAPITRE 1

LA DEMANDE D’AIDE CHEZ LES PARENTS D’ADOLESCENTS

Historiquement, les modèles s’intéressant aux comportements de demande d’aide ont d’abord été conçus pour expliquer l’utilisation de services concernant des problèmes de santé physique touchant les adultes. Par la suite, ces modèles ont été étendus à d’autres problèmes notamment les problèmes de santé mentale. Récemment, la recherche s’est intéressée aux particularités de la demande d’aide et de l’utilisation de services chez les enfants et les adolescents. Ces études ont souligné l’importance du rôle des parents dans le processus de demande d’aide chez les jeunes.

Les recherches actuelles positionnent habituellement les parents en tant qu’« aidants informels » ou d’entremetteurs aux services, c’est-à-dire qu’ils apportent un soutien informel à leur adolescent en les dirigeant vers les services d’aide. L’implication des parents dans les trajectoires de demande d’aide est complexe puisque bien souvent ils ne sont pas seulement témoins des difficultés de leur adolescent, ils peuvent à la fois faire partie du problème et de sa solution. Ces parents ont également besoin de soutien afin de pouvoir continuer de jouer leur rôle parental et accompagner adéquatement leur adolescent face à ses difficultés. Par contre, les trajectoires de demande d’aide initiées par les parents d’adolescents sont encore très peu étudiées (Logan et King, 2001).

Ce sujet commence tout juste à susciter un intérêt chez les chercheurs, notamment afin de mieux saisir les disparités entre les besoins d’aide en terme de santé mentale de la population adolescente et l’utilisation des services spécialisés (ex. Srebnik, Cauce et Baydar, 1996 ; Shanley, Reid et Evans, 2008). Par contre, il y a peu d’études s’intéressant spécifiquement aux efforts et stratégies employés par les parents d’adolescent pour aller chercher une aide psychosociale pour leur enfant. Singer (2009) soulève que la compréhension actuelle de la demande d’aide parentale est limitée par la dominance de recherches quantitatives qui s’intéressent aux caractéristiques des demandeurs d’aide, aux types de problèmes rencontrés et du type de services. Ces données sont utiles pour établir

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les politiques de santé publique et orienter la planification des services, mais ont une application limitée concernant la compréhension de la démarche recherche d’aide des parents.

Bref, de nombreuses questions demeurent encore méconnues en ce qui concerne la demande d’aide parentale. Quelques recherches (Logan et King, 2001 ; Singer, 2009, Boutler et Rickwood, 2013) signalent la pertinence de clarifier le rôle et l’influence des parents dans la trajectoire d’utilisation des services s’adressant aux jeunes et leurs familles ainsi que l’importance d’étudier plus en profondeur leur participation dans le processus de demande d’aide. Il est nécessaire de mieux comprendre comment elles identifient les difficultés et y réagissent (Broadhurst, 2003). La présente recherche s’intéresse à cette question.

Pour établir l’état des connaissances sur le sujet, une recherche documentaire a été réalisée à partir des mots-clés suivant : parents adolescents, parental-seeking, parent ; service

utilisation, service use ; service-seeking, help-seeking ; pathways et ce dans les banques de données suivantes : Social Services Abstracts, Social work abstracts, PsycInfo, Sociological

Abstracts. Les banques québécoises Érudit et Familia ont également été consultées avec les mots clés : demande d’aide, soutien social, parents d’adolescents. La littérature de cette recension provient en majorité de travaux publiés après 1980, à l’exception de quelques travaux incontournables. Nous nous sommes intéressés aux recherches dont les données étaient applicables à notre contexte ou à des contextes que nous jugions similaires (Coté et Turgeon, 2002).

L'étude des comportements de recherche d’aide (help-seeking) intéresse de nombreux chercheurs des sciences sociales et des sciences de la santé. Le phénomène a été abordé sous de multiples angles, ce qui a donné naissance à de nombreux modèles s’appuyant sur des théories et paradigmes différents. On peut néanmoins distinguer quelques grandes tendances dans la façon de conceptualiser les stratégies de recherche d’aide qui conduisent à l’utilisation de services professionnels. Cette recension des écrits tentera de présenter un bref survol de ces principales orientations, en lien avec notre sujet d’étude, les parents d’adolescents vivant des difficultés. La première section consiste à résumer l’implication

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fait un bref survol des principaux modèles de conceptualisation de la trajectoire d’aide. Les limites des études recensées sont ensuite présentées.

Définition de la demande d’aide (help-seeking)

Le terme demande d’aide est généralement utilisé pour désigner les comportements de recherche de soutien auprès de personnes dans le but de résoudre un problème, généralement d’ordre émotionnel ou comportemental, ou de traverser une expérience pénible. Cet acte implique généralement une communication avec d'autres personnes pour obtenir une aide pouvant prendre différentes formes (Srebnik, Cauce et Baydar, 1996 ; Redmond, Spoth et Trudeau, 2002 ; Rickwood, Deane, Wilson et Ciarrochi, 2005). Rickwood, Deane, Wilson et Ciarrochi (2005) la considèrent comme une transaction sociale, c’est-à-dire que la recherche d’aide est un processus qui consiste à traduire la détresse d’un individu en une demande d’aide s’adressant à autrui. C’est donc à la croisée de la sphère personnelle et celle de l’interpersonnelle que s’inscrit la recherche d’aide. Dans le cas spécifique des parents, cette définition englobe toutes les actions prises pour améliorer l’exercice de la parentalité, c’est-à-dire de la simple demande de renseignement à la demande d’assistance pour un problème clairement diagnostiqué (Redmond, Spoth et Trudeau, 2002).

Le concept de demande d’aide est souvent présenté en distinguant les deux sources suivantes : l’aide formelle et l’aide informelle. On entend par aide formelle, la participation à une activité d’aide structurée ou la consultation de professionnels spécialisés tels les travailleurs sociaux, les intervenants d’organismes communautaires ou le personnel scolaire. L’aide informelle est souvent décrite comme étant le recours au réseau naturel, qui comprend les parents, la famille, les amis et la communauté. Elle peut également faire référence à la consultation de périodiques, de livres ou de sites internet pour obtenir de l’information sur un problème spécifique (Redmond, Spoth et Trudeau, 2002).

L’acte d’aller chercher du soutien peut également être perçu comme une démonstration de la volonté de remédier à sa situation et peut constituer un premier pas vers son amélioration. La capacité à demander l’aide dans sa communauté et auprès de services professionnels est alors considérée comme un élément important de la résilience (Gilchrist

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et Sullivan, 2006). La capacité à demander de l’aide équivaut à une stratégie d’adaptation (coping) qui bien souvent est apprise à partir des comportements de résolution de problèmes des parents (Fallon et Bowles, 2001). Si ces derniers ont tendance à aller chercher de l’aide auprès des autres, ce comportement risque d’influencer leur progéniture à faire de même en cas de besoin. De plus, la capacité de demander de l’aide aurait des répercussions positives tout au long de la vie chez les individus (Lee, 1999). Aussi, lorsque les parents vont demander de l’aide pour leur enfant, ces derniers percevraient que leurs parents répondent à leur détresse (Lamb, 2005). Donc, les stratégies de résolution de problème des parents exerceraient une certaine influence sur les comportements de leur enfant, renforceraient le lien parent-enfant et auraient de façon globale une influence positive.

Les processus de recherche d’aide chez les parents

De façon générale, la recherche d’aide est considérée comme un processus complexe impliquant de multiples facteurs (Rogler et Cortes, 1993 ; Andersen, 1995 ; McMiller et Weisz, 1996 ; Srebnik, Cauce et Baydar, 1996 ; Zima, Bussing, Yang et Belin, 2000 ; Logan et King, 2001 ; Richardson, 2001 ; Cauce, Domenech-Rodriguez, Paradise, Cochran, Shea, Srebnik et al., 2002 ; Zwaaswijk, Van der Ende, Verhaak, Bensing, et Verhulst, 2003, 2005 ; Arcia, Fernandez, Jaquez, Castillo et Ruiz 2004), qui peut varier substantiellement selon les individus. La plupart des recherches portant sur la demande d’aide parentale sont quantitatives et portent sur les caractéristiques des individus qui utilisent les services plutôt que de s’intéresser aux processus qu’ils ont dû traverser pour demander de l’aide (Cauce, Domenech-Rodriguez, Paradise et coll., 2002).

La plupart des parents seraient hésitants à avoir recours à des services professionnels (Pavuluri, Luk et McGee, 1996). De façon générale, les individus préfèrent se diriger vers des sources d’aide informelle c’est-à-dire leurs parents et leurs amis plutôt que les sources formelles comme les professeurs, médecins, psychologues (Horowitz, 1978 ; Raviv, Sills, Raviv et Wilansky, 2000 ; Hallett, Murray, et Punch, 2003 ; Zwaanswijk, Verhaak,

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intervenir dans un premier temps les proches puis progressivement les acteurs des organisations sociales est observable lorsqu’il est question de manifestations de comportements problématiques (Horowitz, 1993). La demande d’aide formelle arrive lorsque le soutien du réseau informel est insuffisant, inadéquat ou ne peut apporter de solution au problème rencontré. Broadhurst (2003) a interrogé des parents sur leurs choix d’aide concernant certains problèmes en lien avec leur rôle parental. Les répondants ont affirmé que l’aide formelle est pour eux une option résiduelle, c’est-à-dire qu’elle apparaît seulement lorsqu’ils n’ont personne d’autre vers qui se tourner. Cette préférence peut s’expliquer de différentes façons. Le fait de s’adresser à ses amis ou ses proches en cas de besoin est davantage considéré comme une démarche normale alors qu’aller voir un professionnel, en particulier un psychologue, est perçu comme étant stigmatisant (Wills, 1992 ; Sullivan et Gilchrist, 2006).

Dans notre société, la recherche d’aide peut être perçue comme synonyme d’échec. Demander de l'aide pour son enfant peut être dur pour l'estime d’un parent, elle peut représenter une intrusion ou une menace dans l’exercice de son rôle parental (Pavuluri, Luk et McGee, 1996). La peur d’être étiqueté de « mauvais parent » peut venir freiner la recherche d’aide du parent. Sayal, Tischler, Coope, Robotham, Ashworth, Day et coll. (2010) dénotent que les parents peuvent être embarrassés de présenter ce type de problème. Également, ils craindraient les hypothétiques conséquences de la demande d’aide, soit : se faire blâmer, se faire attribuer une « étiquette », voir leur enfant être retiré de la famille. En somme, la demande d’aide impliquerait de surmonter ses peurs et de prendre le risque de subir des conséquences négatives suite à cette décision.

Dans une étude d’Arcia, Fernandez, Jàquez, Castillo et Ruiz (2004) portant sur le mode d’entrée dans les services de mères d’enfants présentant des troubles de comportements (disruptive behaviors), les mères interrogées se décrivent comme proactives et décisives au moment de la demande d’aide auprès de services professionnels. Néanmoins, les chercheurs soulignent qu’elles ont initié leur démarche suite à de nombreuses pressions exercées par leur réseau social, par l’école de leur enfant ou par un professionnel (ex. médecin) plutôt que simplement suite à une initiative personnelle. À cet égard, l’école jouerait un rôle important puisque les parents seraient plus enclins à reconnaître qu’il y a un problème lorsqu’ils recevaient des avis de l’école au sujet des comportements

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problématiques (Arcia et Fernandez, 2003 ; Sayal, Taylor et Beecham, 2003 ; Wilcox, Washburn, Patel, 2007). Cette situation pourrait, entre autres, s’expliquer par le fait que les parents ont souvent peu d’indices pour déceler les besoins d’aide de leur enfant :

Although society is quick to blame parents for not knowing or doing more to prevent the harmful consequences that arise when adolescent problems reach an extreme, little guidance has been offered on effective ways to recognize early warning signs of psychological distress that might enable parents and professionals to preempt negative outcomes (Logan et King, 2001 : p. 453)

Comme Arcia, Fernandez, Jaquez, Castillo et Ruiz (2004) le mentionnent, dans le cas de problème de comportements, il n'y a pas nécessairement de repères précis. Au lieu de cela, les parents reçoivent des signaux multiples et fréquents qui sont susceptibles de les alerter ou de les désensibiliser. Dans sa thèse portant sur les trajectoires de demande d’aide maternelle, Singer (2009) a observé que les mères se sentent davantage concernées par la sévérité, la fréquence ou la durée des comportements que par le type de comportement. Les comportements considérés comme étant les plus sévères sont ceux susceptibles de nuire au jeune ou à autrui. En fait, selon les résultats de sa recherche, les comportements menaçants seraient souvent l’élément déclencheur du recours aux services. Si ces derniers apparaissent régulièrement ou durant une courte période de temps, la trajectoire risque d’être directe vers les services. Le chercheur fait également le constat qu’une variété de stratégies d’adaptation peut être choisie comme première solution au problème (ex. intervention béhaviorale, utilisation de services formels, adaptation interpersonnelle, consultation du réseau social, changement d’environnement, aucune action). Bien souvent, les mères vont utiliser plus d’une stratégie et si elles constatent qu’elles ne fonctionnent pas, elles passent à une étape suivante jusqu’à l’aide formelle.

Également, lors de l’adolescence la relation entre le parent et son enfant est sujette à des changements importants, parfois au point de déstabiliser le parent et modifier sa capacité à percevoir les difficultés (Cauce, Domenech-Rodriguez, Paradise, Cochran, Shea, Srebnik et al., 2002). Peu d’accompagnement est offert aux parents pour les aider à reconnaître les signes avant-coureurs de détresse chez leur adolescent (Logan et King, 2001). Le parent

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leur détresse à leur parent, ce qui amène des défis supplémentaires (Offer, Howard, Schonert et Ostrov, 1991). Bref, cette période amène des particularités au niveau de la détection du problème et il apparaît normal que certains parents aient du mal à s’y retrouver (Highet, McNair, Davenport et Hickie, 2004).

Habituellement, ce sont les mères qui font les démarches et qui prennent les décisions concernant la demande d’aide au sujet d’un enfant (Costello, Pescosolido, Angold et Burns, 1998 ; Logan et King, 2001 ; Broadhurst, 2003 ; Sayal, 2006 ; Shanley, Reid et Evans, 2008). De façon générale, les hommes auraient moins tendance à demander de l’aide que les femmes (Boldero et Fallon, 1995 ; Dulac, 1997 ; Turcotte, Dulac, Lindsay, Rondeau, Dufour, 2002). Les hommes sont plus susceptibles de nier la présence d'un problème au départ et, par la suite, de compter sur eux-mêmes que de chercher l'aide auprès d'autres personnes (Offer, Howard, Schonert et Ostrov, 1991). Dans le cas de parents qui demandent de l’aide, les différences entre les pères et les mères ont été peu explorées. Dans leur étude, Raviv, Sharvit, Raviv, Stein, (2008) se sont intéressés aux intentions de demander de l’aide en cas de problèmes concernant son enfant, ils n’ont pas perçu de différences de genre dans la motivation et les intentions parentales à aller chercher de l’aide.

Aussi la nature des problèmes a un impact sur la demande d’aide. Comme le constatent Boydell, Pong, Volpe, Tilleczek, Wilson, et Lemieux (2006), il serait moins évident d’avoir de l’aide pour des problèmes moins visibles ou tangibles que lors de problèmes physiques. Les problèmes extériorisés (problèmes de comportements, crise, violence, acte de délinquance, etc.) seraient plus facilement discernables (Pavuluri, Luk et McGee, 1996 ; Cornelius, Pringle, Jernigan, Kirisci et Clark, 2001 ; Logan and King, 2001 ; Wu, Hoven, Cohen, Liu, Moore et Tiet, 2001) en raison de leur impact sur le parent. Néanmoins, une étude de Verhulst et Van der Ende (1997) évoque que les problèmes de comportements internalisés et externalisés, sans mesurer de différence entre ces deux types, seraient avec les problèmes académiques et le stress familial les facteurs les plus prédominants pour prédire le besoin d’aide et l’utilisation de services. Quoi qu’il en soit, la reconnaissance du problème par le parent est une étape déterminante dans le processus de demande d’aide. Horwitz, Leaf, Leventhal, Forsyth, et Speechiers (1992) ont démontré que le facteur le plus important associé à l'utilisation des services en santé mentale serait la croyance des parents

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que leurs enfants ont besoin de soins. Lorsque le parent met du temps à s’apercevoir qu’il y a problème, l’entrée dans les services est nécessairement retardée (Pavuluri, Luk et McGee, 1996 ; Czuchta et MaCay, 2001 ; Arcia et Fernandez, 2003). Par contre, pour certains parents, il ne serait pas nécessaire de reconnaître que son enfant a un problème pour aller consulter des services professionnels (Pavuluri, Luk et McGee, 1996 ; Arcia, Fernandez, Jaquez, Castillo et Ruiz, 2004). Dans certains cas, le parent irait consulter à la suite des pressions de son milieu, tout en croyant qu’il n’y a pas vraiment de problème majeur avec son enfant.

Dans une recension des études portant sur la demande d’aide concernant des problèmes émotionnels et comportementaux d’enfants et d’adolescents, Zwaanswijk et coll. (2003) soutiennent que la reconnaissance du problème par les parents dépend davantage du niveau de détresse ou du sentiment de « fardeau » ressenti face à leur responsabilité parentale que de la problématique en tant que telle. Cette charge parentale peut s’observer notamment par la peur de la stigmatisation, la restriction des activités personnelles ou la menace au bien-être parental (Angol, Messer, Framer, Costello et Burns, 1998 ; Teagle, 2002). Les parents auraient tendance à aller demander de l’aide lorsque le problème de leur enfant a un impact sur leur bien-être, leur fonctionnement et leur sentiment de compétence parentale (Farmer et Burns, 1997 ; Logan et King, 2001 ; Boutler et Rickwood, 2013).

La perception du problème par les parents serait meilleure que la sévérité des symptômes tels qu’évalués par les cliniciens ou autres professionnels pour prédire la recherche d’aide (Hricik et Keane, 1988). Il n’est donc pas étonnant que la perception du problème par l’individu qui demande de l’aide diffère de celle des professionnels :

Children and their families may have their own understanding about diagnoses, level of impairment, and the extent of behavior problems. These perceptions may differ from those of clinicians or other observers. Nonetheless, there is no commonly accepted estimate of subjective mental health need for children, and little is known about the relation between clinically assessed need and subjective perception of need, and their individual and conjunctive impact on help-seeking (Srebnik, Cauce et Baydar, 1996 : p. 211)

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mentale (Watson, Kelly, Vidalon, 2009). Rogler et Cortes (1993) soulignent que le savoir médical, professionnel ou clinique, se combine au savoir populaire ; les individus se basent sur ces deux types de savoirs pour construire leur propre vision du problème. La façon propre aux parents de définir les problèmes et d’y répondre résulte de l’influence de différents systèmes. Par exemple, en comparaison avec les familles caucasiennes, les familles afro-américaines et d’origines latines consulteraient moins souvent les services d’aide professionnelle (McMiller et Weiz, 1996). Pour comprendre la logique sous-jacente à la demande d’aide, il importe donc de sortir du strict discours des professionnels et des agences de santé afin de considérer les problèmes et leurs définitions selon la perspective et l’expérience du demandeur d’aide (Broadhurst, 2003).

Les caractéristiques des comportements problématiques, le contexte où ils surviennent et les normes subjectives auxquelles le parent se réfère pour déterminer l’anormalité du comportement doivent être pris en compte pour comprendre comment le parent en vient à considérer qu’il doit poser une action. Selon les recherches sur les trajectoires d’aide, la plupart des mères attribuent le problème à l’une ou plusieurs de ces causes : intrinsèque à l’enfant, héréditaire, développementale, psychologique, familiale, scolaire (Singer, 2009). Wilcox, Washburn, Patel (2007) ont établi un lien entre l’attribution causale et la demande d’aide. Le choix de la source d’aide serait déterminé par l’explication donnée par le parent au problème. Par exemple, un problème scolaire les dirigera vers le personnel scolaire tandis qu’un problème trouvant une explication basée sur un modèle plus médical les conduira vers des services spécialisés.

Certaines caractéristiques propres à l’organisation des services sociaux influenceraient également la recherche d’aide. L'une des hypothèses dans la littérature sur la recherche d'aide est que les parents ne vont pas consulter les services parce que le système d’aide formel leur apparaît trop confus et parce qu’il y a trop d'obstacles pour y accéder (Burns, Costello, Angold, Tweed, Stangl, Farmer et coll., 1995 ; Pescosolido, Gardner et Lubell, 1998 ; Farmer, Stangl, Burns, 1999 ; Farmer, Burns, Phillips, Angold et Costello, 2003). Des recherches dressent le constat que d’être placé sur une liste d’attente peut faire en sorte que les parents iront consulter de multiples sources pour répondre à leur besoin d’aide (Shanley, Reid, Evans, 2008, Reid, Cunningham, Tobon, Evans, Stewart, Brown, Lent et coll., 2011). Également une attente prolongée aurait un impact négatif sur l’engagement

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subséquent des familles dans le suivi (Clemente, McGrath, Stevenson et Barnes, 2006). Les délais d’attente peuvent conduire à une perte de motivation à recevoir des services d’aide ou peuvent contribuer à diminuer les attentes de recevoir un traitement efficace (Stallard and Sayers 1998 ; Westin, Barksdale et Stephan, 2013). Les problèmes liés aux coûts des services seraient également une barrière à l’accès aux services dans les pays où l’offre de services n’est pas desservie par un régime public (Broadhurst, 2003).

Bref, l’utilisation des services professionnels peut être amorcée de différentes façons : la décision des parents, la réponse à une référence, le recours à des services déjà utilisés, la pression sociale ou la demande de l’enfant (Singer, 2009, Arcia et Fernandez, 2003). Certaines études (Pescosolido, 1991 ; Pavuluri, Luk et McGee, 1996 ; Arcia, Fernandez, Jaquez, Castillo et Ruiz, 2004) ont démontré que les parents ne suivent pas nécessairement une trajectoire de recherche d’aide linéaire et unique. Il y a plusieurs trajectoires empruntables, oscillantes à différents degrés entre l’aide informelle et formelle. Selon les données de Singer (2009), certaines étapes marquent la trajectoire d’utilisation de services. Ces étapes sont les suivantes : reconnaître un problème, répondre au problème, avoir recours à des services, évaluer les services reçus. Malgré une certaine similarité, il est important de noter que les trajectoires sont hétérogènes et singulières. C’est-à-dire que chaque étape est influencée par différents facteurs qui varient en importance selon les parents.

Afin de nous guider dans l’étude des trajectoires de demande d’aide chez les parents, certains modèles expliquant la recherche d’aide ont été examinés. Ils sont décrits dans la prochaine section.

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Les principaux modèles de la conceptualisation de la demande d’aide

Le processus en étapes

Parmi les premières études à s’être intéressé à la recherche du point de vue des demandeurs d’aide, certaines (Gurin, Veroff et Feld, 1960 ; Darley et Latane, 1970 ; Keith-Lucas, 1972 ; Gorlberg et Huxley, 1980) ont identifié les actions précédant la demande d’aide comme étant des étapes fondamentales. Ces modèles considèrent qu’un individu qui effectue un choix parmi différentes sources d’aide, de type formel ou informel, traverse les étapes suivantes :

1. Reconnaissance du problème 2. Décision d’aller chercher de l’aide

3. Recherche active d’aide (stratégies et choix de la source)

Par la suite, de nombreuses recherches ont tenté d’identifier les facteurs susceptibles d’influencer les choix du demandeur d’aide à chacune de ces étapes ainsi conceptualisés. Certaines se sont concentrées sur les variables sociodémographiques ou psychologiques, d’autres ont examiné la définition du problème par le demandeur d’aide, alors que certaines se sont penchées sur l’influence du réseau social (Broadhurst, 2003). McMullen et Gross (1983), pour leur part, ont repris ces travaux en spécifiant qu’il existe une interrelation entre les stades et qu’il peut y avoir des mouvements dynamiques entre ceux-ci. C’est-à-dire que bien que les étapes soient présentées théoriquement de façon séquentielle, elles peuvent s’entrecroiser, interagir l’une sur l’autre et ne pas se présenter nécessairement de façon linéaire. Ces auteurs ont également considéré la recherche d’aide sous l’angle des enjeux qu’implique l’acte de demander et recevoir de l’aide. Ainsi, la décision d’aller chercher de l’aide serait basée sur une analyse des coûts et des bénéfices d’ordre personnel, psychologique et social reliés à celle-ci. Lorsque les coûts sont jugés trop élevés en comparaison aux bénéfices perçus, la personne évitera d’aller demander de l’aide afin d’éviter de détériorer sa situation.

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Le modèle comportemental

Une autre façon d’aborder la demande d’aide est de s’intéresser à l’utilisation des services. Le modèle Andersen (Andersen et Newman, 1973 ; Andersen, 1995), connu également sous l’appellation de modèle comportemental, est l’un des modèles les plus utilisés encore aujourd’hui pour étudier l’accessibilité aux services médicaux. Issu au départ d’une perspective épidémiologique, il visait à mesurer les taux d’utilisation de services professionnels de soins de santé et ainsi mieux comprendre les écarts existants entre les besoins de la population et l’utilisation des ressources disponibles. Ce modèle a été adapté à d’autres services professionnels, et également à la compréhension de la recherche d’aide puisqu’il permet d’observer certains facteurs prédisant l’entrée effective dans les services d’une population donnée. Selon ce modèle, l’accessibilité potentielle dépend à la fois des composantes du système de services (organisation, disponibilité des services et pratiques organisationnelles) et des caractéristiques individuelles des utilisateurs potentiels. Trois facteurs seraient en jeu dans l’utilisation des services. Le premier fait référence aux besoins de l’individu, c’est-à-dire à la fois à ses besoins subjectifs en terme d’aide ainsi qu’à ceux évalués par le professionnel consulté. Le deuxième facteur est la prédisposition de la personne à utiliser les soins ou les services. Ceci renvoie aux caractéristiques sociodémographiques de la personne (sexe, âge, ethnicité, etc.) qui augmentent ou diminuent, selon le cas, sa propension à demander de l’aide. Le dernier facteur comporte les éléments situationnels qui facilitent ou entravent la recherche d’aide formelle. Par exemple, la localisation des services peut agir comme barrière ou facilitateur à la démarche. Srebnik, Cauce et Baydar (1996) ont adapté le modèle Andersen pour étudier l’utilisation de services destinés aux enfants et aux adolescents. Pour ce faire, ils ont utilisé les déterminants individuels et les ont associés aux trois étapes des modèles traditionnels4, tout en tenant compte de la présence des parents dans le processus. Certains déterminants individuels, telles la perception du besoin de l’enfant et les croyances culturelles, y sont étudiés sous l’angle de l’enfant en difficulté, mais également sous celui de ses parents. Toutefois, ce modèle ne tient pas compte des besoins de soutien propres aux parents et ne

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permet pas de comprendre les mécanismes d’interactions entre les différents facteurs et acteurs qui sous-tendent la recherche d’aide. Il est néanmoins l’un des premiers à reconnaître le rôle des parents dans l’accès aux services jeunesse.

Modèle basé sur la théorie de l’action raisonnée

Adoptant une optique où les déterminants du comportement face à la santé ou du bien-être sont davantage liés à la motivation de l’individu, à ses croyances et ses perceptions, d’autres chercheurs se sont penchés sur le processus décisionnel lié à la recherche d’aide. Dans ce courant de recherches, les théories le plus utilisées sont celle de l’action raisonnée (Fishbein and Ajzen, 1975) et sa version améliorée, la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1998). Ces théories se fondent sur le postulat que les gens sont habituellement rationnels dans leurs comportements, c’est-à-dire qu’ils les contrôlent de façon consciente, et qu’ils consultent l’information qui leur est accessible avant d’adopter un nouveau comportement, pour en anticiper les conséquences et les implications. En découle une intention qui précède le comportement et l’influence. Cette intention est liée à trois5 composantes soit : l’attitude à l’égard du comportement, les normes subjectives l’entourant et le contrôle perçu sur le comportement. Ces variables à leur tour dépendent des croyances, valeurs, motivations et perceptions liées au comportement étudié. Cette théorie semble moins appropriée dans le contexte particulier d’un parent demandeur d’aide concernant une problématique touchant son enfant en raison de la forte composante affective de la situation. En effet, à la lumière de leurs résultats, Arcia, Fernandez, Jaquez, Castillo et Ruiz (2004) considèrent qu’il serait plus approprié d’utiliser l’expression « théorie de l’action affective » au lieu de « théorie de l’action rationnelle » en ce qui concerne les mères de leur étude. Celles-ci ont effectivement répondu d’une façon plus émotive que rationnelle au problème de leur enfant. Ceci vient souligner le rôle central des liens de nature affective, qui se construisent à travers le lien parent-enfant, dans le choix des stratégies de recherche d’aide ; ils pourraient même prendre le dessus sur les facteurs rationnels.

5 Dans la théorie de l’action raisonnée, il y a deux composantes seulement : l’attitude et la norme. Le contrôle du comportement perçu a été ajouté à la « version améliorée » de la théorie.

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Concept de trajectoire

Pour étudier les mécanismes plus complexes derrière le processus d’aide et unifier les différentes recherches portant sur la demande d’aide dans le domaine de la santé mentale, Rogler et Cortes (1993) ont utilisé la notion de trajectoire pour illustrer le lien critique entre l’apparition du problème et l’approvisionnement en services d’aide. Ils en proposent la definition suivante: « The sequence of contacts with individuals and organisations prompted by the distressed person’efforts, and those of his or her significant others, to seek help as well as the help that is supplied in reponse to such efforts. » (Rogler and Cortes, 1993 : p.555). La trajectoire possède une direction propre, une durée et elle est structurée, c’est-à-dire qu’elle n’est pas le fruit du hasard. Elle débute avec la détresse de l’individu et se termine lorsque le problème est résolu, ce qui implique que l’entrée dans les services n’est pas nécessairement synonyme d’arrêt du problème. Selon Rogler et Cortes (1993), les facteurs psychologiques et environnementaux viennent construire la trajectoire et la moduler. Il apparaît important de prendre en considération l’environnement de l’individu et non seulement ses cognitions et la signification qu’il attribue à son problème. Pour la plupart des individus, la famille est habituellement le premier groupe social où la détresse vécue est exprimée. Selon la réponse de la famille, l’individu ira consulter ou non des réseaux sociaux plus éloignés. Les différentes sources d’aide peuvent exercer une influence mutuelle. Ces intersections doivent être prises en compte dans l’étude des trajectoires. Deux études récentes ont révélé que le chemin vers l’aide que les familles emprunteraient serait davantage désorganisé que linéaire et pourrait comporter plusieurs accès vers différents services de façon simultanée (Shanley, Reid, Evans, 2008 ; Reid, Cunningham, Tobon, Evans, Stewart, Brown, Lent et coll. 2011) La trajectoire serait donc difficile à décrire chronologiquement et séquentiellement.

La trajectoire d’utilisation de services, bien qu’elle comporte des éléments similaires, n’est pas à confondre avec la trajectoire de demande d’aide. La distinction entre les deux est souvent négligée dans les recherches. La trajectoire d’aide inclut les différents types d’aide (formelle et informelle) qui sont utilisés et tient compte du fait que différentes sources d’aide peuvent être utilisées simultanément par le demandeur d’aide. De plus, la

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dans les services, il faut tenir compte de la perception de la terminaison du besoin d’aide du demandeur d’aide afin établir la fin de la trajectoire d’aide.

Principales limites des études recensées

Cette brève recension de la littérature portant sur les trajectoires de demande d’aide nous permet de soulever quelques limites et omissions venant appuyer la pertinence de notre étude. De façon générale, les études portant sur les trajectoires d’aide sont américaines donc basées sur leur système de santé et de services sociaux. Il est difficile de les transposer au contexte québécois qui comporte des différences majeures dans l’organisation des services d’aide, notamment au niveau de l’accessibilité et l’universalité. En outre, au Québec, avec la progression usuelle entre les services généraux de première ligne6 et les services plus spécialisés en deuxième ligne, il est possible que les processus de recherche d’aide soient différents. La majorité des études sont axées sur les problèmes appréhendés selon la définition ou perspective des problèmes par les cliniciens ou les chercheurs. Il y a également une prédominance du paradigme médical qui est souvent basé sur les catégories du DSM (Diagnostic Statistical Manual, American Psychiatric Association). Ces travaux représentent bien la question de l’accessibilité aux service s de soins en santé mentale (Alegria, Canino, Lai, Ramirez, Chavez, Rusch, et coll., 2004), mais nous en disent peu sur l’expérience parentale et leur compréhension des problèmes.

La compréhension actuelle des trajectoires d’aide parentales est également limitée par la dominance de recherches quantitatives qui se concentrent sur les caractéristiques des demandeurs d’aide, le type de problème rencontré et le type de services professionnels utilisés. Ces recherches quantitatives ne permettent pas de cerner en profondeur la complexité du processus de demande d’aide. Pour l’instant, seulement quelques études (ex.

6« Dans les services de première ligne, on évalue le besoin de la personne et on y répond directement, sans étape préalable. Ce besoin peut être lié à la santé physique ou mentale de la personne. Il peut aussi être lié à une situation difficile à vivre ou à un problème psychosocial. Le professionnel du service de première ligne peut ensuite diriger une personne vers un service spécialisé (dit de deuxième ligne). » Définition tirée du site: http://santecapitalenationale.gouv.qc.ca/a-propos-de-nous/organisation-des-services/fonctionnement-du-reseau/acces-aux-services-generaux-et-specialises/ (consulté le 01-10-2015)

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Arcia, Fernandez, Jaquez, Castillo et Ruiz, 2004 ; Singer, 2009 ; Boutler et Rickwood, 2013) ont utilisé une approche qualitative pour traiter la question de la trajectoire d’aide parentale. Le besoin d’étudier les trajectoires d’aide de façon qualitative est nécessaire afin d’apporter un éclairage nouveau sur certains aspects de la demande d’aide.

Les recherches actuelles ont souvent omis de considérer le rôle des deux parents dans la trajectoire d’aide. Les quelques études (Arcia, Fernandez, Jaquez, Castillo et Ruiz, 2004 ; Singer, 2009) portant sur l’expérience parentale de demande d’aide interrogent seulement des mères laissant une absence de données concernant la réalité des pères. La seule recherche identifiée qui aborde le rôle du père et de la mère porte sur leur intention de demander de l’aide en cas de problème et non sur leur réelle expérience de recherche d’aide (ex. Raviv, Sharvit, Raviv et Rosenblat-Stein, 2009).

Dans les études actuelles, l’implication de l’école est encore floue et souvent négligée ou minimisée. Or, dans le cas de problème relié aux adolescents, deux études (Arcia, Fernandez, Jaquez, Castillo et Ruiz, 2004 ; Wilcox, Washburn, Patel, 2007) soulignent l’influence du rôle de l’école sur la trajectoire d’aide. D’ailleurs à ce sujet, les problèmes à l’école et l’absentéisme auraient plus de chance d’attirer l’attention des parents que les émotions (colère, désespoir, anxiété) vécues par l’adolescent (Pottick, Lerman et Micchelli, 1992). Le rôle du milieu scolaire mérite donc d’être examiné davantage.

Également, la plupart des études portant sur les trajectoires se terminent au moment de l’implication dans les services professionnels. Ce qui peut créer une fausse impression que le problème est résolu lors de l’entrée dans les services d’aide. Or, la détresse et les difficultés des personnes ne disparaissent pas systématiquement avec la consultation de services professionnels. De plus pour certaines personnes, les ressources professionnelles ne représentent pas la source d’aide idéale, ce qui impliquera un retour à d’autres sources même après les avoir consultés (Rogler and Cortes, 1993). Les recherches sur la demande d’aide parentale portent généralement sur l’aide formelle uniquement, si bien que les liens existant entre les réseaux formels et informels restent encore flous (Broadhurst, 2003). Néanmoins, les différentes sources d’aide consultées devraient être étudiées, car elles font partie intégrante des stratégies d’aide et peuvent être en lien avec la décision d’aller

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But et objectifs de l’étude

Les recherches concernant le rôle des parents dans les trajectoires de demande d’aide en sont encore à leurs débuts (McMiller et Weisz, 1996 ; Srebnik, Cauce, et Baydar, 1996 ; Logan et King, 2001 ; Richardson, 2001 ; Cauce, Domenech-Rodriguez, Paradise, Cochran, Shea, Srebnik et al., 2002 ; Zwaaswijk, Verhaak, Bensing, van dere Ende, et Verhulst, 2003) et mérite qu’on s’y intéresse davantage. Le processus de recherche d’aide demeure un processus subjectif puisque c’est l’individu qui détermine s’il a besoin d’aide ou non. Dans le cas des parents, cette subjectivité est liée avec l’exercice de leur rôle parental. Cette brève recension des recherches scientifiques permet de soulever la complexité et les différentes perspectives auxquelles les parents peuvent être confrontés lorsqu’ils font face à un problème avec leur adolescent. Comment les parents traversent-ils le processus de recherche d’aide? Comment prennent-ils leurs décisions sur la façon de répondre aux besoins de leur adolescent? Les réponses à ces questions demeurent méconnues (Logan et King, 2001). Notre recherche s’intéresse à ces questions. Elle vise à améliorer la compréhension des trajectoires de demande d’aide chez les parents vivant des difficultés avec leur adolescent.

Plus précisément, nous souhaitons améliorer la compréhension des processus de recherche d’aide des parents et identifier l’influence des dynamiques relationnelles et de la réponse sociale obtenue. L’atteinte de ces objectifs nous apparaît passer par les opérations suivantes:

. Explorer le vécu des parents en lien avec leur trajectoire de demande d’aide . Identifier les motifs et le contexte derrière leur besoin d’aide

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Pertinence scientifique

Étant donné le peu de connaissance sur les trajectoires d’aide parentale, il apparaît significatif pour la construction du savoir de s’y intéresser. Cauce et ses collègues (2002) notent qu’il n’y pas une direction unique à privilégier en matière de recherche sur les trajectoires d’aide parentale ; la nécessité d’étudier le sujet, peu importe l’angle, prime. Quelques chercheurs soulignent qu’il y a un besoin de compléter la compréhension des mécanismes de demande d’aide en ayant une meilleure compréhension des processus sous-jacents à celle-ci (Cauce, Domenech-Rodriguez, Paradise, Cochran, Shea, Srebnik et al. 2002 ; Logan et King, 2002 ; Mowbray, Lewandowski, Bybee et Oyserman, 2004 ; Singer ; 2009). En ce sens, une approche qualitative pourrait permettre de trouver de nouvelles pistes et hypothèses pour de futures recherches.

Pertinence pour le service social

Singer (2009) fait le constat que le champ du service social s’est peu intéressé à l’étude des trajectoires d’aide. Or, une compréhension plus concrète du processus par lequel les parents demandent de l’aide et en reçoivent peut aider les travailleurs sociaux et les autres professionnels aidants à être plus sensibles aux besoins des parents dans leur pratique professionnelle. Il importe de considérer le point de vue des parents afin de mieux les soutenir et ainsi prévenir l’aggravation des problèmes. L’étude peut, en quelque sorte, favoriser une meilleure communication et compréhension entre les intervenants et ceux qui font la demande de services. Cela pourrait également contribuer à donner des pistes aux intervenants afin d’améliorer leur rôle d’accompagnateur et ainsi faciliter la démarche de demande d’aide parentale. S’intéresser au point de vue des parents est également une façon de reconnaître et respecter ce que Asselin et Gagnier (2008) nomment la « hiérarchie familiale » et qui consiste à aider les parents à aider leurs enfants. Offrir un espace pour raconter et exprimer leur vécu vient permettre à ces parents d’utiliser leur propre expérience pour contribuer à une réflexion sur les enjeux de la recherche d’aide. Dans le contexte actuel de changement dans le réseau des services sociaux, cette étude peut sans doute venir donner quelques perspectives sur la réalité des parents d’adolescents en tant que

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CHAPITRE 2

CADRE CONCEPTUEL

Le cadre conceptuel que nous avons choisi pour notre recherche s’inspire des principes de base du Family Network Episode Model (Costello, Pescosolido, Angold et Burns, 1998). Ce canevas favorise l’exploration des trajectoires et des stratégies de recherche d’aide parentale sous l’angle du contexte social. Certains chercheurs sont d’avis que les processus de demande d’aide apparaissent d’abord et avant tout dans le contexte social et qu’il importe de s’intéresser aux phénomènes relationnels derrière le processus d’aide (Pescosolido, Brooks Gardner et Lubell, 1998 ; Watson, Kelly, Vidalon, 2009). Selon eux, les interactions ne sont pas une source d’information passive, mais plutôt active et dynamique qui vient répondre aux problèmes d’ordre émotionnel et comportemental. Le modèle « Épisode-Réseau7 » (Pescosolido, 1991) a été conçu dans cette perspective. Issu de la sociologie, ce modèle met l’accent sur le rôle central des interactions sociales en suggérant que le processus d’aide implique la consultation de nombreuses sources formelles et informelles. Au lieu de concevoir l’individu en action, ce modèle tente davantage de le considérer en interaction. Le modèle Épisode-réseau est fondé sur les quatre énoncés suivants (Pescosolido, 1991 ; Carpentier, 1999) :

1) Il importe de reconnaître la diversité des ressources d’aide formelles et informelles et de considérer leur utilisation simultanée

2) Les décisions proviennent d’une « rationalité limitée », c’est-à-dire que l’individu n’est en mesure de sélectionner qu’une variété restreinte d’alternatives à partir de quelques informations qui lui semblent pertinentes. 3) Les décisions ne sont pas prises isolément du contexte social. Les stratégies d’aide surviennent dans un processus dynamique à partir de la consultation des gens de son milieu.

4) Le mécanisme sous-jacent à la prise de décision est l’interaction. L’influence découle des interactions au sein du réseau social.

Une autre particularité du modèle tient au fait que Pescosolido (1992) conceptualise le processus de décision en terme d’« épisodes » au lieu de « choix ». C’est-à-dire qu’au lieu de considérer l’utilisation des services comme un moment précis où l’individu choisit de se

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rendre à un point de services, il considère l’ensemble des actions entourant la demande d’aide. Dans le contexte d’une problématique de santé mentale, par exemple, les individus ne posent pas un choix unique et ne planifient pas nécessairement leurs choix futurs. Les épisodes se poursuivent dans le temps en fonction des interactions du réseau qui ont une influence sur les multiples décisions qui surviennent lors d’une trajectoire de demande d’aide (Carpentier, 1999). Dans ce modèle initialement conçu pour les problèmes psychiatriques, la trajectoire est découpée en « épisodes » qui sont associés à certaines étapes de la « carrière de malade ». La carrière représente les étapes du processus d’adaptation face à la maladie. Le concept « carrière de malade » rappelle que la trajectoire ne se termine pas lors de l’entrée dans les services et qu’il peut y avoir des entrées et sorties multiples, c’est-à-dire qu’un individu peut interrompre les services et y retourner à un autre moment. Il évoque également le fait que certains problèmes n’ont pas une trajectoire définissable aussi facilement que celles empruntées lors de problèmes de santé physique exigeant une réponse immédiate et sans équivoque.

Principes du Family Network Episode Model (FNEM)

Le Family Network Episode Model (Costello, Pescosolido, Angold et Burns, 1998) se base, tout comme son modèle d’origine le Network Episode Model, sur la prémisse suivante : lorsqu’un individu recherche de l’aide, il y a un contexte social initial, un réseau social de soutien, une « carrière de malade » et un système de services qui s’influencent les uns les autres dynamiquement et réciproquement. En d’autres mots, il existe de multiples influences qui affectent la façon dont une personne obtient de l’aide formelle (Pescosolido, 1992). Ce modèle considère également que le demandeur d’aide peut à tout moment entrer ou sortir des services d'aide formelle, ce qui fait en sorte qu’il existe de multiples trajectoires vers, et à travers, les services durant la demande d’aide. Il faut donc prendre connaissance de ces moments qui modulent les modes d’entrée dans les services, afin de mieux comprendre leurs influences sur la trajectoire.

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FIGURE 1.MODÈLE ADAPTÉ DU FAMILY NETWORK EPISODE MODEL

Le principal ajout au modèle original est que ce n’est pas uniquement le demandeur d’aide qui est au cœur du processus d’aide, mais sa famille entière. Dans le cadre de l’étude des trajectoires d’aide parentale, cette référence au système familial est, selon nous, appropriée et pertinente puisqu’elle reconnaît le rôle des autres membres de la famille dans le processus de demande d’aide. Ainsi, l’individu demandant de l’aide, ici le parent, n’est pas le seul acteur impliqué de façon explicite dans la démarche de demande d’aide. Les caractéristiques de l’adolescent dont les comportements sont problématiques sont considérées dans ce modèle. Logan et King (2001) font le constat que le FNEM offre une vision davantage écologique (voir Bronfenbrenner, 1986) et qu’il s’applique bien aux problèmes qui concernent les enfants et les adolescents. Ainsi cette façon de concevoir les personnes impliquées dans la demande d’aide permet de considérer le rôle de l’autre parent, du jeune, des autres systèmes et leurs interactions. Bref, cette considération pour les influences systémiques est selon nous pertinente à considérer dans le cas des trajectoires d’aide parentales. Aux fins de la présente recherche, certains principes et éléments de ce modèle seront utilisés ; ils sont mentionnés dans la figure 1.

A- Contexte social initial Adolescent genre| age histoire personnelle caractéristiques du problème Famille(Parents) Sociodémographiques Histoire familiale Contraintes organisationnelles

B- Réseau de soutien social

I. Famille II. Communauté (amis, voisinage) III. École Structure |Contenu | Fonction

C- Carrière de malade

reconnaissance du problème|entrée |sorties |moments clés-séquence

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