• Aucun résultat trouvé

Recevoir en sa ville : Les Capitouls et leurs invités au XVIIIe siècle

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Recevoir en sa ville : Les Capitouls et leurs invités au XVIIIe siècle"

Copied!
89
0
0

Texte intégral

(1)

.

RECEVOIR EN SA

VILLE

Les Capitouls et leurs invités au XVIIIe siècle

Juliette BERTHIER

Mémoire de Master 1 sous la direction de Sylvie Mouysset

Université Toulouse II – Jean Jaurès | Master Histoire et civilisations modernes et contemporaines 2016 – 2017

(2)

2

Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier ma directrice de recherche, Sylvie Mouysset, pour sa patience et son soutien tout au long de l’année. La confiance qu’elle a mise en moi et ses nombreux conseils m’ont permis d’aller jusqu’au bout de ce mémoire.

Je remercie également Géraud de Lavedan, archiviste des archives municipales de Toulouse. Ses idées et ses conseils ont permis d’aiguiller mon sujet tout au long de l’année.

Le personnel de la Bibliothèque Universitaire Centrale et du Centre de Ressources d’Olympe de Gouges pour leur accueil et leur patience.

J’ai une pensée particulière pour mes relectrices qui ont passées de longues heures à me corriger, ma mère, Anne Sauvageot et Marie Vincenti.

Je remercie mes parents pour leur soutien tout au long de cette année.

Enfin, je remercie mes amis et mes camarades de promotion, qui par leurs discussions m’ont aidée à mûrir mon étude et à me donner les moyens de le terminer.

(3)

3

Introduction

Les magistrats municipaux, plus connus sous le nom de Capitouls, sont maîtres de la ville de Toulouse. Ils ont la main mise sur le pouvoir municipal et judiciaire.

« Ils sont les successeurs des consuls médiévaux, membres du ʺCommun conseil de la Cité et du Bourgʺ auquel le comte Raymond V [a] abandonné en 1189 la plus grande partie de ses prérogatives. Leur titre de domini de capitulo, qui signifiait simplement ʺseigneur du chapitreʺ fut transformé au début du XVe siècle en domini de Capitolio, ʺSeigneur du Capitoleʺ. Au siècle suivant se généralisa l’emploi des termes ʺCapitoleʺ et ʺCapitoulsʺ pour désigner la Maison commune et ses occupants1. »

Au XVIIIe siècle, les capitouls sont élus pour un an. Sur une liste de quarante-huit candidats, six par capitoulat, seuls quarante-huit seront choisis par un Sénéchal et deux magistrats assistés d’un cortège de trente électeurs (officiers royaux et anciens capitouls). Le 27 novembre, les huit nouveaux capitouls prêtent serment au Viguier et entrent en fonction le 13 décembre. Ce laps de temps permet aux Capitouls entrants de se familiariser avec l’exercice de leur charge et aux Capitouls sortants de dévoiler leur testament capitulaire. Ceux-ci présentent le bilan de leur gestion et l’état des affaires municipales. Quatre responsabilités sont confiées aux huit capitouls : la justice, la police, les réparations et les hôpitaux. Bien que certaines charges paraissent plus honorifiques que d’autres, et que le Capitoul « premier de justice », qui porte aussi le titre de « chef du Consistoire », ait la préséance sur les autres, aucun n’est supérieur à l’autre, ils sont égaux dans leur charge. Afin de les accompagner dans leur rôle, ils sont secondés par le Conseil général qui rassemble cinquante-quatre membres de droit (capitouls, syndic de la ville,

1

Michel TAILLEFER, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, Toulouse, France, Ombres blanches, impr. 2014, 2014, p. 60.

(4)

4

anciens capitouls, premier président, deux commissaires au parlement, les principaux officiers royaux, des représentants de l’archevêque des chapitres et de l’Université) et trente-deux membres « élus », désignés par les capitouls parmi les notables personnages de leur capitoulat. Ils siègent trois ou quatre fois par an dans le Grand Consistoire, en public. Ce sont eux qui entendent notamment le testament capitulaire. Le Conseil de Bourgeoisie, se rassemble trois ou quatre fois par mois. Il est composé d’une trentaine de personnes. Les Capitouls, les anciens Capitouls, les assesseurs et le syndic représentent la municipalité. Les parlementaires représentent le roi : le premier président du parlement, trois conseillers de la Grande Chambre, le procureur du roi et deux avocats généraux. On y trouve également les officiers du roi : le viguier, le sénéchal, et le Juge Mage. Ils se retrouvent dans le Petit Consistoire à huis clos, afin de délibérer sur toutes les affaires importantes et sur les décisions des capitouls.

Les Capitouls disposent ainsi d’une importante administration pour gérer les affaires de la ville de Toulouse.

Toulouse est alors une ville qui passe de 43 000 habitants en 1695 à 48 000 en 1750. De plus, c’est une ville composée d’une noblesse parlementaire riche qui domine Toulouse, le parlement de Toulouse étant d’ailleurs le plus aristocratique de France2

. Elle reçoit régulièrement la visite de représentants du roi, de ducs ou de comtes de passage ou celle d’un officier ou commissaire nouvellement nommé. Ces personnes restent à Toulouse pour une durée plus ou moins longue. Elles sont les invitées des capitouls qui les accueillent, les hébergent et les divertissent. Lorsqu’un hôte arrive à Toulouse, un cortège plus ou moins fourni est organisé pour lui souhaiter la bienvenue et lui offrir des présents de la part de la ville. Ainsi lorsqu’en 1724, M. de Chalvet fils est nommé par le roi pour succéder à son père en sa charge de Sénéchal de Toulouse, celui-ci fait son entrée à Toulouse. À cette occasion, « Il sera mis un bataillon de huit compagnies de bourgeoisie sur pied […], lequel bataillon ira comme il est d’usage au-devant dudit M. de Chalvet sénéchal pour le recevoir au-delà de la porte par où il désirera entrer ». Les Capitouls sont alors présents

2

(5)

5

à la porte pour l’accueillir, lui offrir les présents d’usage et le conduire avec la compagnie du Guet à l’hôtel de la Sénéchaussée3

.

Pour d’autres visiteurs, l’entrée est plus spectaculaire. Ainsi, lorsque Monsieur, frère du roi4 vient à Toulouse en 1777, une délégation de deux capitouls est envoyée à sa rencontre à Montauban, un feu d’artifice est tiré le jour de son entrée, les rues sont tapissées, l’arc de triomphe est décoré. On fait couler des fontaines de vin, sonner les cloches de la ville et une illumination générale est décidée5. Son arrivée est donc plus prestigieuse : « il a été délibéré de rendre à Monsieur frère du Roi tous les honneurs et hommages dus à son rang et à sa naissance6 ». Chaque invité a donc son entrée propre, délibérée au sein du conseil de Bourgeoisie afin de l’accueillir comme il se doit.

Au début du XVIIIe siècle, la dynamique militaire voulue par Louis XIV se poursuit. Ses successeurs, Louis XV et Louis XVI continuent dans cette voie. Victoires et traités sont alors fêtés comme il se doit dans tout le royaume. À Toulouse, on ne déroge pas à la règle : les fêtes militaires et publications de paix sont nombreuses, plus de quarante pour le XVIIIème siècle7. Cependant, outre les victoires militaires, les célébrations de fêtes dynastiques, religieuses ou profanes font également partie des festivités. Les capitouls mettent un point d’honneur à rendre ces évènements les plus grandioses possible, afin de plaire tant aux élites qu’au peuple. Certaines fêtes sont annuelles comme la fête de « la Délivrance » qui se déroule tous les 17 mai, tandis que d’autres sont organisées au fil des événements, comme les victoires ou les traités de paix.

Ces quatre types de fêtes ne sont pas les seuls évènements qui permettent à la ville de se draper de ses plus beaux atours. Lorsqu’un visiteur de marque est annoncé, les capitouls délibèrent et vérifient le protocole d’après les anciennes délibérations, afin de les accueillir dans le respect de leur rang. Lorsque le visiteur est très haut placé, le peuple lui-même contribue à l’accueil

3 A.M.T. BB 48 f°47-47v.

4 Comte de Provence, futur Louis XVIII 5A.M.T. BB 56 f°201v

6 A.M.T. BB 56 f°201 7

Michel CASSAN, La fête à Toulouse à l’époque moderne : De la fin du XVIème siècle à la

(6)

6

et profite de la fête. Ainsi, pour la visite du Duc de Richelieu en 1741, la ville s’anime pour quatre jours de réjouissances8

.

Le plus grand honneur reste l’invitation à la table des Capitouls. La réjouissance publique et accessible à tous n’est qu’une infime part de la fête, qui se prolonge dans les murs de la Maison commune, avec des bals, des danses et des dîners privés. Ainsi pour le duc de Richelieu, les Capitouls offrent un repas à l’Hôtel de Ville de même qu’un feu d’artifice sur la place Royale9 permettant à toute la population de le voir et de profiter ainsi de sa visite. Il rencontre également des étudiants qui lui font un discours panégyrique. La Bourse des Marchands l’honore d’un Te Deum et d’une symphonie au couvent des Augustins. Les festivités se déroulent également dans la ville : la place Saint-Etienne est recouverte de sable et des festivités de nuit sont prévues, comme des danses10. Toute la population participe ainsi d’une manière ou d’une autre à l’accueil du Duc de Richelieu, selon son rang social.

L’accueil est soigneusement organisé par les Capitouls lors de leurs délibérations avec le Conseil de Bourgeoisie afin de faire honneur à leur hôte. Durant la séance, on délibère également sur les Toulousains que les Capitouls invitent à leur table. Il peut s’agir de l’élite bourgeoise, comme du Premier président au Parlement. Ainsi, à la diversité des invités des Capitouls correspond celle de leur réception. Si le protocole suit un schéma assez identique, il est cependant modifié pour chaque invité. Chacun a droit à une entrée personnalisée. Les Capitouls vont accueillir les invités à l’extérieur de la ville. Cependant, si pour le frère du roi, deux Capitouls sont requis et vont jusqu’à Montauban11

, pour M. de Chalvet, Sénéchal de Toulouse, c’est le bataillon à pied qui ira à sa rencontre au-delà de la porte, sans précision de la distance12. Lorsque le duc de Richelieu s’annonce en 1741, deux Capitouls et

8 Ibid. 9 Robert A. S

CHNEIDER, The Ceremonial city, Princeton University Press., Princeton, New Jersey, 1995, p. 155‑156.

10 Ibid, p.156. 11

A.M.T. BB 56 f°201v. 12 A.M.T. BB 48 f°43.

(7)

7

quatre anciens Capitouls vont l’accueillir à une journée de cheval de la ville13

. Ainsi chaque invité est-il attendu de manière différente suivant les honneurs exigés par son rang.

Le point culminant de la célébration est le repas. Les Capitouls fotnt en sorte d’honorer leur hôte avec un repas digne de ce nom. Ils déboursent des sommes élevées en plats élaborés, vins de qualité et décorations de table. Au XVIIe siècle, la cour de Louis XIV a défini une certaine étiquette.

« As in social interactions between individuals, etiquette was a constant concern for collective bodies in the Old Regime, particularly provincial cities keen to conform to the ways of Paris and Versailles.14 »

Celle-ci est reprise à travers le royaume afin d’imiter la Cour de Versailles ; les Capitouls suivent le mouvement. Ainsi, durant le repas, de nombreux plats sont-ils présentés, afin de satisfaire la gourmandise des différents convives, mais également de témoigner de la magnificence du maître de maison15.

L’histoire des Capitouls est un sujet qui a passionné de nombreux chercheurs et érudits régionaux, notamment au XIXe siècle16. Les Capitouls font partie de l’histoire de Toulouse : on ne peut évoquer celle-ci sans parler de ses magistrats municipaux. L’administration et la justice capitulaire ont été étudiées dans de nombreux ouvrages sur Toulouse, de l’œuvre de Philippe Wolff à celle de Michel Taillefer17. Sur les Capitouls en particulier, certains

13 A.M.T. BB 50 f°234.

14 Robert Schneider, The Ceremonial City, Princeton University Press, Princeton, 1995, p.156-157.

15 Jean-Louis F

LANDRIN et Massimo MONTANARI, Histoire de l’alimentation, Paris, Fayard, 1996, p. 572.

16 Victor Fons, Quelques notes au sujet des présents de la ville de Toulouse sous

l’administration des Capitouls, Toulouse, Douladour, 1876 ; Buvettes et festins des Capitouls,

Toulouse, Douladour, 1875 ; E. Raymond, Les dîners du Capitole et leurs menus du XVIème au XVIIIème siècle, Journal de Toulouse, 17 et 18 Avril 1864.

17 Philippe Wolff, Histoire de Toulouse, Toulouse, Privat, 1994 ; Michel Taillefer, Vivre à

Toulouse sous l’Ancien Régime, Paris, Perrin, 2000 ; Nouvelle histoire de Toulouse, Toulouse,

(8)

8

travaux de recherche ont été menés, tels celui d’Elena Sanchez18

qui se concentre sur la relation entre les Capitouls et la monarchie absolue. Toulouse sous le règne de Louis XIV a également été étudié par Isabelle Burguion qui met en rapport les différents pouvoirs qui s’opposent dans la ville19

. Quant à Christine Daraud, elle cherche à développer la dimension sociale des Capitouls et à comprendre ce qu’est la véritable puissance capitulaire20

. Les fêtes données en l’honneur des invités ont également fait l’objet de plusieurs mémoires de recherches, dont ceux de Michel Cassan21 et de Delphine Robin22. La thèse de M. Cassan permet une analyse des différents types de fêtes présentes entre le XVIIème et le XVIIIème siècle, tandis que le mémoire de Delphine Robin met en avant l’instrumentalisation politiques et la propagande que ces fêtes engendrent. L’histoire des Capitouls a donc été étudiée sous différentes approches, insérée ou non dans une histoire plus générale de Toulouse.

Parmi les sujets peu abordés, se trouve la question des invités des Capitouls. Les repas ont été évoqués dans une partie du mémoire de Christine Daraud, mais restent à développer23. Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari sont des pionniers en la matière24. Dans leur ouvrage Histoire de

l’alimentation, les auteurs dressent l’état de la recherche sur le sujet depuis

trente ans en brassant une multitude de périodes et de thèmes. Lorsqu’on s’ouvre aux autres disciplines des sciences humaines, on découvre que de nombreuses études ont déjà été réalisées grâce aux philosophes, aux

18

Eléna SANCHEZ, Les capitouls de Toulouse sous le règne de Louis XIV :

1661-1715,Université de Toulouse-Le Mirail, UFR Histoire, histoire de l’art et arts plastiques,

Toulouse, 1994. 19 Isabelle B

URGUION, Les capitouls, le pouvoir royal et ses représentants sous le règne de

Louis XIV : 1659 à 1715,Université de Toulouse-Le Mirail, UFR Histoire, histoire de l’art et

arts plastiques, Toulouse, 1991. 20

Christine DARAUD, La puissance capitulaire à Toulouse pendant la seconde moitié du

XVIIIème siècle, Mémoires, Thèses et HDR, Université de Toulouse-Le Mirail, UFR Histoire,

histoire de l’art et arts plastiques, Toulouse, 1993. 21 Michel C

ASSAN, « La fête à Toulouse à l’époque moderne : De la fin du XVIème siècle à la Révolution », op. cit.

22 Delphine R

OBIN, Etude des fêtes des capitouls de Toulouse au XVIIIème siècle,Toulouse II le Mirail, 2001.

23Christine D

ARAUD, « La puissance capitulaire à Toulouse pendant la seconde moitié du XVIIIème siècle », op. cit., p. 81-85.

24 Jean-Louis F

(9)

9

psychanalystes, aux sociologues et aux écologues25, permettant d’avoir une vision diversifiée du repas.

Thématiquement particulièrement rassembleuse,

l’histoire de l’alimentation est obligatoirement une recherche pluridisciplinaire. Loin de ne concerner que l’historien et l’archéologue, elle requiert, le concours du géographe, du sociologue, de l’ethnologue, de l’anthropologue, de l’économiste, du philosophe mais aussi du médecin et du nutritionniste… voire du chimiste à l’image des travaux de ʺgastronomie moléculaireʺ d’Hervé This26. »

Les pratiques changent selon le contexte, le lieu, les individus qui participent au repas. La nourriture permet de vivre, mais également de rassembler des personnes autour d’une table. « Partout, s’alimenter ensemble est signe de réjouissance, de "partage", et scelle l’appartenance à la communauté. Il n’y a pas de fête sans absorption de nourriture ou de boissons27 ». Cette analyse permettra d’éclairer les festins donnés par les Capitouls. Plus récemment, Sandrine Krikorian28 s’est intéressée aux tables des élites et des rois de France en s’appuyant sur un corpus iconographique de peintures et de gravures, notamment celles d’Abraham Bosse. Elle a mis en avant le service « à la française » sous Louis XIV. Elle a analysé l’étiquette et le protocole pour le service. Ainsi, en centrant son propos sur la cour de

25Ibid. ; Jean Pierre Corbeaux et Jean Pierre Poulain, Penser l’alimentation : entre imaginaire

et rationalité, Toulouse, Privat, 2002 ; Maguelonne Toussaint-Samat, Histoire naturelle et morale de la nourriture, Paris, Bordas, 1987 ; Saadhi Lahlou, Penser, manger, Paris, PUF,

1998 ; Massimo Montanari, Le manger comme culture, Bruxelles, Edit de Bruxelles, 2010 ; Florent Quellier, La table des français. Une histoire culturelle XV-XIX, Rennes, PUR / PU François Rabelais, 2013 ; Gérard Haddad, Manger le livre, Paris « Figures », Grasset, 1984 rééd. sous le titre Manger le livre. Rites alimentaires et fonctions paternelles, Paris, Fayard / Pluriel, 2012 ; Jean Pierre Poulain, Sociologie de l’alimentation : les mangeurs et

l’espace social alimentaire, Paris, PUF, 2013 ; Aïda Kanafani-Zahar, Séverine Mathieu et

Sophie Nizard, A croire et à manger, Religions et alimentations, Paris, L’Harmattant, 2008 ; Jacques Barrau, Les hommes et leurs aliments. Esquisse d’une histoire écologique et

ethnologique de l’alimentation humaine, Paris, Temps actuels, 1983.

26 Florent Q

UELLIER, La table des Français : une histoire culturelle, XVe - début XIXe siècle, Édition revue et corrigée., Rennes Tours, Presses universitaires de Rennes Presses

universitaires François-Rabelais de Tours, coll. « Tables des hommes », 2013, p. 10. 27

Saadhi Lahlou, Penser, manger, Paris, PUF, 1998, p.9.

28

Sandrine KRIKORIAN, Les rois à table : iconographie, gastronomie et pratiques des repas

(10)

10

Versailles, elle étudie l’importance et la qualité des repas dans l’élite française au XVIIIe siècle.

Pour explorer le sujet des invités des Capitouls, j’ai choisi de travailler à partir des archives que les magistrats toulousains nous ont laissées, et ce de 1700 à 1789. Jusqu’en 1715, les victoires militaires de Louis XIV sont fêtées, les déclarations de paix publiées. Peu d’années passent sans qu’il n’y ait quelque chose à fêter. De plus, sa mort a eu un grand impact sur le Royaume et Toulouse lui rend des honneurs dignes de son nom. Les relations avec le pouvoir royal et les cérémonies commémoratives sont donc particulièrement intéressantes à étudier. Je me suis arrêtée en 1789, à l’aube de la Révolution Française qui va bientôt signer la fin du Capitoulat et donc aussi celle de ses archives.

Dans un premier temps, j’ai dépouillé les pièces à l’appui des comptes, les registres de factures, en me concentrant exclusivement sur les factures de repas, de buvettes et de collations. Reliés en recueils factices de taille et d’épaisseur variables, ces archives sont plus ou moins bien conservées suivant le recueil, mais sont consultables. Ce n’est pas un greffier qui a recopié les factures, il faut donc souvent déchiffrer l’écriture des commerçants. Ensuite, afin de travailler sur les invités, et sur l’accueil des Capitouls, je me suis penchée sur les délibérations. Ceux-ci, en plus mauvais état ont été numérisés afin d’éviter que les consultations ne les endommage plus. Les séances des conseils ont été reportées sur papier par un greffier, ce qui permet d’avoir une écriture très lisible et continue, agréable à la lecture. En repérant les événements ordinaires et récurrents de la ville, on voit apparaître ceux qui sont exceptionnels et qui génèrent de nouveaux frais. Je recherche ensuite les événements trouvés dans les commissions afin de voir tout ce qui a pu être écrit à leur sujet. Mon enquête nécessite donc le dépouillement des pièces à l’appui des comptes, des délibérations et des commissions afin de croiser les éléments qui permettent de comprendre les raisons et les modalités de l’accueil, ainsi que des différents honneurs rendus aux hôtes. Sur la période considérée, surgit ainsi un échantillon d’invités très divers qui ont assisté à un repas et/ou une fête donnée par les capitouls.

(11)

11

La question principale est simple : qui est invité ? Comment ces invités préviennent-ils les Capitouls de leur arrivée ? Sont-ce les Capitouls qui les invitent ou bien s’agit-il d’hôtes subis ? Les mentions de lettres, voire la copie de ces lettres, permettent de répondre à ces questions. Cependant, une fois l’invité identifié, on peut se demander ce qui lui est offert, les honneurs qui lui sont donnés. Qu’offre-t-on à un invité royal, un invité de la noblesse toulousaine ? Quelle est l’importance du rang dans le choix des cadeaux ? L’entrée des invités est très détaillée dans les délibérations : c’est là que les magistrats déterminent la procédure de l’accueil, et la qualité des officiers en charge de préparer l’entrée. Quelquefois est même mentionné l’endroit où ils seront logés. Au cours du siècle, peut-on voir une évolution des rapports entre hôtes et invités ? Enfin, d’une manière plus subtile, on peut essayer de comprendre l’intérêt des Capitouls pour ces réceptions. S’ils gagnent quelque chose à recevoir les invités de cette manière, une évolution est visible, tant sur le plan politique que sur le plan plus concret de l’accueil lui-même.

Afin d’en savoir plus sur les invités des Capitouls, je me suis attachée à les classer en trois catégories : celle des invités dits « toulousains » ou qui ont un lien avec la ville, celle des étrangers de passage et enfin, les invités ʺfantômesʺ, qui ne sont pas à Toulouse au moment de la fête.

Les honneurs offerts par la ville sont également classés en trois parties : la cérémonie de l’accueil, plus ou moins recherchée suivant l’invité ; les repas et collations, avec les animations à l’extérieur de l’Hôtel de ville ; les présents offerts en signe de bienvenue ou envoyés à des personnalités en dehors de Toulouse afin d’entretenir une tradition.

Enfin, la comparaison de deux festins, l’exemple du Duc de Richelieu et l’observation de l’économie durant le siècle permettra de se rendre compte des différentes stratégies politiques des Capitouls et leurs apports.

(12)

12

Plan détaillé

Partie I : Sociologie des invités A. Les invités Toulousains

1. Qui est-ce, leur place sociale dans la vie toulousaine a. L’élite

b. Le peuple

2. Les raisons de l’invitation ? a. Respecter les us et coutumes b. La participations du peuple à la fête B. Les invités étrangers à la ville : grands et commis

1. Quelques hôtes esemplaires 2. Les formalités d’accueil

a. Les échanges hôtes/invités b. Le logement

C. Les invités fantômes 1. L’omniprésence du Roi

a. De son sacre… b. … à sa mort

2. Absence/Présence : l’exemple du Duc de Bourgogne

D. Étude iconographique d’un portrait des Annales de Toulouse : Les Capitouls venant saluer les Ducs de Bourgogne et de Berry

1. Histoire des Annales de la Ville de Toulouse 2. Portrait des Capitouls de 1701

Partie II : Don et contre don : le système des présents A. Modalités de l’accueil

1. Organiser une procession 2. Préparer une cavalcade

3. Et quand rien n’est préparé ni organisé ? B. Le repas

(13)

13 1. Repas privé / Repas collectif

a. Nombre d’invités et honneurs rendus b. Dépenses et impression souhaitée 2. Les différents niveaux de collation

a. Collation royale

b. Collation très honorable c. Collation ordinaire 3. Le peuple

a. Est-il convié ? Est-il actif ?

b. Les fontaines à vin dans les lieux publics C. Les présents

1. Présents de bienvenue a. Confitures, cires, dragées b. Collation pour les épouses 2. Présents pour entretenir les relations

a. Jambons et fromages envoyés au loin b. Jambons offerts aux auditeurs de la ville Partie III : Sociabilité et stratégie politique des Capitouls

A. Étude de cas : Deux festins à un siècle d’intervalle

B. Les retombées attendues : l’exemple de la réception du Duc de Richelieu (1741)

1. Étude de cas

2. Espoirs et réalités des effets de la visite

C. Au fil du siècle, l’évolution de l’accueil toulousain

1. La proportion de festin est-elle identique ? plus faible ? 2. Les capitouls mettent-ils autant le prix ?

(14)

14

(15)

15

Introduction

De par sa situation géographique, sa population sans cesse en augmentation, son Parlement et la magistrature des Capitouls, Toulouse est une ville qui fascine, lieu de passage et d’arrêts plus ou moins longs. De nombreuses personnes viennent à Toulouse tant pour visiter la ville que pour y rencontrer les différents membres de la municipalité. Lorsque ces hôtes sont prestigieux et qu’ils ont annoncé leur arrivée, les Capitouls font en sorte de les recevoir avec tous les honneurs dus à leur rang. Cependant, loin de se préoccuper uniquement des grandes personnalités arrivantes, les Capitouls gardent des liens avec la population de leur ville. C’est ainsi qu’ils s’intéressent de près aux étudiants, d’autant plus que l’Université de Toulouse est la plus ancienne de France, faisant de la ville, jusqu’en 1789, une active capitale universitaire29, mais également au peuple anonyme. Ils invitent aussi des personnalités toulousaines, celles qui ont un rôle politique fort et avec lesquelles les Capitouls doivent rester en bon terme. Les étrangers à la ville venant à Toulouse avec un statut social plus élevé sont souvent de passage entre deux missions ou juste pour visiter le Royaume. Ils arrivent à Toulouse en s’attendant à être reçus et accueillis par les Capitouls.

Afin de comprendre comment les Capitouls se comportent face à leurs invités, quels présents ils leur offrent ou quelle retombée politique ils attendent de leur venue, il faut déjà connaitre ces invités. Pour cela, la série BB des archives municipales de Toulouse sera majoritairement utilisée. En effet, ce sont dans les délibérations du Conseil de Bourgeoisie que sont inventoriées les différentes modalités d’accueil qui se sont déroulées durant le siècle. De plus, dans celles du Conseil des Seize, il est noté toutes les autorisations de dépenses qu’ils ont fait lors de situations et de frais extraordinaires, ce qui concerne la venue de dignitaires prestigieux. Par ailleurs, en recoupant ces délibérations des Conseils aves celles des Commissions, nous arrivons à retracer les

29

Michel TAILLEFER, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, Toulouse, France, Ombres blanches, impr. 2014, 2014, p. 363‑366.

(16)

16

différentes étapes de l’arrivée d’un invité. Les pièces à l’appui des comptes, bien que moins utiles pour cette partie, ne seront pas oubliées. En effet, elles permettent d’avoir une connaissance précise des menus présentés. C’est en recoupant ces différents types de sources qu’apparaissent les invités des Capitouls. Qui sont-ils ? Pourquoi viennent-ils à Toulouse ? De quelle manière leur arrivée est-elle annoncée ? Autant de questions auxquelles je vais tenter de répondre ici. Pour plus de lisibilité, j’ai classé les invités dans trois catégories. Tout d’abord, les invités dits « toulousains » recoupent toutes les catégories sociales, de la Vicomtesse de Saint-Priest aux simples écoliers. L’analyse de ces invités permet de comprendre pourquoi et comment les Capitouls s’occupent de la population de leur ville. Lorsque des étrangers viennent à Toulouse, ils préviennent les Capitouls de leur arrivée. C’est ainsi qu’on peut voir les différentes étapes avant l’accueil, lors de la mise en chantier des festivités et des réjouissances auxquelles ces prestigieux invités ont droit. Au regard des archives, une troisième catégorie d’invités apparaît : ceux qui pourraient être qualifiés de « fantômes ». Le Roi est un de ces fantômes, nous verrons donc comment il est fêté par la ville tout au long de son règne, sans y faire d’apparition. Enfin, pour analyser la différence entre les invités physiquement présents et les « fantômes », l’exemple du Duc de Bourgogne est le plus parlant. La transmission de son titre au fur et à mesure des décès et des naissances justifie son apparition à plusieurs reprises dans les délibérations.

(17)

17

I. Les invités toulousains

A. Qui est-ce, leur place sociale dans la vie toulousaine

a. L’élite

La plus grande partie des invités toulousains est, sans surprise, l’élite de Toulouse, ceux qui ont une place et un impact dans la vie politique toulousaine. Lorsque la Vicomtesse de Saint-Priest arrive à Toulouse en 1756, elle est reçue par les Capitouls qui lui offrent les honneurs dus à son rang ainsi qu’une collation30. Le lien qu’elle entretient avec la ville est assez particulier : son mari est l’Intendant du Languedoc. Jean-Emmanuel de Guignard, Vicomte de Saint-Priest a été nommé Intendant par le roi en 1751. Il meurt en 1785 laissant la place à son fils, Marie-Joseph-Emmanuel Guignard de Saint-Priest qui était son associé depuis 1764. « Les intendants, les agents par excellence du gouvernement dans les provinces ont été le rouage principal de l’administration aux XVIIe et XVIIIe siècles, et les instruments les plus actifs de l’œuvre d’organisation, de centralisation et d’unification que l’Ancien Régime a entreprise, mais laissée inachevée31 ». Ces représentants du roi pour la province du Languedoc ne siègent pas à Toulouse, mais à Montpellier. Toulouse abrite le Parlement, Montpellier l’Intendance. L’Intendant nomme donc un subdélégué pour le tenir au courant de la situation toulousaine.

« L’intendant n’effectue à Toulouse que de brèves visites, mais il y est représenté, d’abord de façon temporaire et officieuse, puis de façon permanente à

30 A.M.T. CC 2724 f°123-127 ; BB 53 f°127. 31

Marcel MARION, Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, France, A. et J. Picard, 1968, p. 293.

(18)

18

partir de 1705, par un subdélégué qui lui permet de contrôler étroitement l’action de la municipalité32

».

Force est de constater que leur visite est rare. Par conséquent, les Capitouls accueillent les représentants directs du Roi comme il se doit. Les Capitouls reçoivent l’épouse du Vicomte avec les plus hautes dignités, lui laissant le choix de sa collation et des invités : « lui sera offert la collation la plus honorable qui pourra se faire qu’elle sera priée de vouloir l’accepter. Et d’y inviter toutes les Dames qu’elle jugera à propos33. »

En 1714, le nouvel archevêque de Toulouse fait son entrée dans la ville. Nouvellement nommé par le roi, René-François de Beauvau34 vient s’installer dans son archevêché. Représentant le Roi dans son diocèse, il est l’une des figures la plus prestigieuse de Toulouse. Il y a trois archevêques dans la province du Languedoc : Albi, Narbonne et Toulouse. Celui-ci a 7 diocèses sous sa responsabilité. Être archevêque permet d’être étroitement associé à l’administration civile de la province et de jouer un rôle politique fort. L’Archevêque entretient à cet effet de bonnes relations avec l’Intendant de la Province. Par ailleurs, dans la ville, la religion catholique a une grande importance pour la population. En effet, Toulouse est, depuis le 17 mai 1562, jour du massacre des réformés qui allaient prendre le contrôle de la ville, une place forte du catholicisme35. Les protestants n’y ont plus leur place, et chaque année la ville célèbre le 17 mai le Jour de la Délivrance. Les membres du clergé ont donc un prestige fort dans cette ville.

b. Le peuple toulousain

32

Michel TAILLEFER, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, Toulouse, Ombres blanches, 2014, p. 78.

33 A.M.T. BB 53 f°127v. 34 Claude de V

IC, Joseph Vaissète, Histoire générale de Languedoc, Nouvelle édition, Toulouse] [Paris, Privat C. Tchou pour la Bibliothèque des introuvables, 2003, T. IV p. 364. 35 Pascal Julien, D’ors et de prières. Art et dévotions à Saint-Sernin de Toulouse, XVIe-XVIIIe

(19)

19

Le peuple toulousain est également invité lors de l’arrivée de grandes personnalités. « Du pain, des biscuits et de petits gâteaux »36 leur sont parfois distribués et pour certaines entrées, la ville se dote de fontaines de vin, permettant au peuple de participer aux réjouissances37. De plus, le peuple peut profiter du traditionnel feu d’artifice lorsque celui-ci est tiré en présence d’un invité prestigieux. Toute la foule toulousaine peut en effet y assister, sans distinction de nom, de classe ou de statut.

Il arrive parfois que les Capitouls invitent des personnes sans rang social honorifique. On retrouve ainsi la trace dans les archives de plusieurs repas offerts à Maitre Dauroux et ses ouvriers entre septembre et octobre 171938. Le contrat de ces ouvriers n’est pas référencé dans les archives consultées. C’est pourquoi la nature exacte de leurs travaux reste floue. Mais en dépouillant les délibérations, il apparait que la fontaine de Saint-Étienne était en travaux à ces mêmes dates. Il est donc possible que Maître Dauroux soit le chef de chantier de ces réparations. Par ailleurs, ils ne sont pas les seuls à profiter de cette « dépense de bouche », les Capitouls ont l’habitude d’en faire. Michel Cassan en a profité pour analyser la composition des repas servis à des ouvriers en 1729, afin de mettre en avant la grande place faite aux viandes39. L’étude des repas servis à Maître Dauroux est simple. En effet, ils ont le choix au diner entre soupe ou viande avec du vin, tandis qu’au déjeuner ils ont droit à de la viande avec du vin et au goûter, uniquement du vin. Du poisson vient de temps en temps varier ce menu40. En 10 ans, le régime des ouvriers n’a presque pas changé. La viande reste l’aliment principal des repas.

Une autre catégorie de la population a droit aux largesses des Capitouls. En 1762, une collation est offerte aux écoliers du Grand Collège et à ceux du

36 Edmond L

AMOUZÈLE, Toulouse au XVIIIe siècle d’après les « Heures perdues » de Pierre

Barthès, Marseille, Laffitte Reprints, 1981, p. 116.

37 4 fontaines sont installées place Saint-Etienne, place du Salin, au bout du Pont Neuf et devant l’hôtel de ville lors de l’entrée des Ducs de Bourgogne et du Berry en 1701. BB 44 f°130-130v.

38 A.M.T. CC 2736 f°353. 39 Michel C

ASSAN, La fête à Toulouse à l’époque moderne : De la fin du XVIème siècle à la

Révolution, Thèse imprimée, Université Toulouse le Mirail - Toulouse II, 1980, p. 162.

(20)

20

Collège de la Doctrine Chrétienne41 aussi connu sous le nom de Collège de l’Esquile. Lorsque les magistrats se déplacent dans le cadre des examens d’ouvrages de ces écoliers, ils font venir avec eux des gâteaux, du fromage, du vin ainsi que de la limonade dans la plupart des cas. A la fin de l’année scolaire, vers le 15 aout pour le XVIIIe siècle, une distribution de prix a lieu en présence du clergé, d’universitaires, de parlementaires et des Capitouls, avec remise de livres et de couronnes achetés aux frais de la ville42. C’est cet évènement qui permet aux Capitouls d’offrir une collation à ces élèves.

Chaque Toulousain peut donc avoir le privilège, à un moment de sa vie, d’être invité par les Capitouls. Si ce n’est pas à leur table, ce sera au moins à leurs frais.

B. Les raisons de l’invitation ?

a. Respecter les us et coutumes

Pour les Capitouls, aller visiter les collégiens dans le cadre de l’examen de leurs ouvrages présente un intérêt assez important. Cette visite leur donne l’occasion de sortir du Capitole en tenue d’apparat43

, de se faire voir, de montrer leur prestige et leur intérêt pour les enfants de la ville. Ce n’est d’ailleurs pas la seule institution qui invite les Capitouls pour un évènement de ce genre. En effet, lorsque les Pères Jacobins de la ville soutiennent des thèses publiques en théologie, il est dans la tradition d’inviter les Capitouls. Or, en 1764, si les pères jacobins ont invité tous les corps de la ville, séculiers et réguliers à assister à ces thèses, ils ont omis d’inviter les Capitouls. En réponse, ceux-ci, vexés, décident qu’ils n’assisteront plus à aucune fête, ni procession

41 A.M.T. CC 2724 f°150. 42

Michel TAILLEFER, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 360. 43 Voir IV. Étude iconographique.

(21)

21

où ils seront conviés par les pères jacobins44. Compter les Capitouls parmi l’assemblée reste un honneur. Pour eux, la tradition est importante et si elle n’est pas suivie, ils n’hésitent pas à montrer leur mécontentement.

Lorsque c’est une personnalité, un membre nouvellement nommé de l’élite toulousaine qui entre pour la première fois dans Toulouse, ou qui revient après une absence, les Capitouls lui fournissent un cérémonial d’accueil suivant son rang45. Si les Capitouls ne fournissent pas un accueil, ou le traitent comme une personne moins élevée socialement, ils s’attendent à quelques remontrances. Ainsi, le Duc de Richelieu fit plusieurs entrées à Toulouse. Sa première entrée en mai 1741 fut somptueuse et pleine de festivités46. Mais lorsqu’il revient quelques mois plus tard, en février 1742, « La ville ne lui fit aucune entrée ; ce que le seigneur ayant trouvé étrange, il manda le lendemain MM. Les Capitouls, qui ne s’étant pas excusés à sa fantaisie, il les gronda sévèrement, les menaçant de son indignation47 ». Robert Schneider précise que « whenever he even got near Toulouse he was punctiliously regaled with ceremonial honors48 ». Ils ne refont pas la même erreur. Inviter ces grands noms et leur offrir les honneurs est donc parfois plus une obligation qu’un véritable choix pour les Capitouls.

b. La participation du peuple à la fête

Ces réjouissances coûtent cher, et il faut être attentif aux dépenses de la ville. C’est ainsi qu’à partir de 1750, on voit apparaitre une nouvelle forme de festivité afin de proposer un meilleur emploi du budget des réjouissances des Capitouls. Louis XV inaugure cette nouvelle dépense en 1744 lors des fêtes marquant sa convalescence. Il demande aux autorités municipales que la même

44 Voir annexe 2 ; A.M.T. BB 55 f°45. 45

Sera détaillé dans le chapitre II. 46 Edmond L

AMOUZÈLE, Toulouse au XVIIIe siècle d’après les « Heures perdues » de Pierre

Barthès, op. cit., p. 61.

47 Ibid., p. 68. 48

Robert A. SCHNEIDER, The Ceremonial city, Princeton University Press., Princeton, New Jersey, 1995, p. 156.

(22)

22

somme qui a été employée pour la convalescence de Louis XIV soit transformée en aumônes et bonnes œuvres49

. En janvier 1770, le Premier Président du Parlement, M. de Niquet entre à Toulouse. Lors de l’échange de lettres pour préparer sa venue, les Capitouls lui proposent le traditionnel feu d’artifice auquel sa prise de fonction lui donne droit. Celui-ci refuse et demande aux Capitouls d’employer la somme d’argent à doter des ménages pauvres50.

« M. de Niquet, premier Président, ayant demandé aux Capitouls d’employer les frais que la ville fait pour l’entrée des premiers Présidents, à doter des ménages pauvres, ces magistrats municipaux décident de marier 12 jeunes filles à 12 jeunes gens et de donner à chaque couple une somme de 120 livres. Ces mariages eurent lieu dans l’Hôtel de Ville, à la fin de janvier51. »

Cette nouvelle manière de dépenser touche de plus en plus de personnes. Outre les mariages et les donations, on s’intéresse aussi aux prisonniers et à la jeunesse. Ainsi en 1775, le corps de commerce libère 18 hommes et 2 femmes retenus en prison ; ou encore, en 1781, une somme est attribuée à l’apprentissage des métiers pour 16 enfants choisis par les Capitouls52. Ces actes permettent à ces personnes d’avoir un avenir plus serein dans une époque où la pauvreté reste présente.

Cette nouvelle dépense lors de fêtes n’est cependant pas propre à Toulouse. En effet, Montpellier y est également confronté afin d’éviter l’aspect éphémère et le gaspillage de l’instant. Elle préfère une utilisation positive et durable53.

Quel que soit le rang social de leurs invités, les Capitouls font en sorte de combler leurs attentes. Que ce soit pour des évènements annuels ou

49 Michel C

ASSAN, « La fête à Toulouse à l’époque moderne : De la fin du XVIème siècle à la Révolution », op. cit., p. 167.

50

A.M.T. CC 2800 f°101. 51 Edmond L

AMOUZÈLE, Toulouse au XVIIIe siècle d’après les « Heures perdues » de Pierre

Barthès, op. cit., p. 323.

52 Michel C

ASSAN, « La fête à Toulouse à l’époque moderne : De la fin du XVIème siècle à la Révolution », op. cit., p. 169.

(23)

23

ponctuels, ils n’hésitent pas à proposer rafraîchissements et collations, ce qui leur permet d’assoir leur popularité.

II. Les invités étrangers à la ville : grands et

commis

Toulouse n’est pas une ville refermée sur elle-même. De par sa position à la fois proche des frontières espagnole et italienne et par la Garonne qui traverse son périmètre, elle est un lieu de halte pour de nombreux voyageurs.

A. Quelques hôtes exemplaires

Le choix des hôtes qui vont suivre ont été fait pour leur grande présence dans les sources et pour l’illustration des différents honneurs suivant donnés suivant le prestige.

Si Toulouse n’est pas visitée par le Roi durant le XVIIIe

siècle54, des princes du sang55 y font tout de même des apparitions. On trouve les Ducs de Bourgogne et du Berry en 1701, le prince et la princesse de Conty en 1730 ainsi que Monsieur le frère du Roi en 1777.

Lorsque les Ducs de Bourgogne et du Berry viennent à Toulouse, ceux-ci sont âgés de 18 et 14 ans. Ils sont les petits-fils et héritiers de Louis XIV. Ce voyage aurait été organisé afin de conduire leur frère ainé Philippe à la frontière de la France. Ce dernier est, en effet, devenu Philippe V d’Espagne et a rejoint son royaume. La venue de ces princes de sang donne l’occasion à la

54 La dernière visite royale se fait en 1659 avec Louis XIV. 55

Les princes et princesses du sang de France sont les princes et princesses issus légitimement par les mâles de France.

(24)

24

ville de faire une fête qui se déroule sur au moins trois jours56, mettant à contribution les milices afin de former une haie d’honneur, ainsi que les différents corps de métiers de la ville57.

Louise-Élisabeth de Bourbon dit Mademoiselle de Condé avant de prendre le titre de Princesse de Conty en 1713 à la suite de son mariage, arrive à Toulouse avec son fils en 1730. Louis-François de Bourbon devient Prince de Conty à la mort de son père en 1727. Ce passage à Toulouse se déroule dans le cadre d’une « tournée dans le midi qui [est] une suite ininterrompue de fêtes et de galas58 ». Ainsi, outre Toulouse, font ils également étape à Carpentras et à Marseille où ils sont reçus avec les honneurs59. Lors de leur venue à Toulouse, les Capitouls sont informés assez tardivement de leur arrivée. En effet, c’est lors du Conseil de Bourgeoisie du 4 juin 1730 que le Chef du Consistoire informe l’Assemblée que l’archevêque de Toulouse lui a fait part d’une lettre les prévenant de l’arrivée de la Princesse de Conty et de son fils le 8 ou 9 dudit mois60.

« Les Capitouls attendant des ordres supérieurs, M. Gaye chef du Consistoire receut le 6e une lettre de M. L’Intendant par laquelle il marquoit que la princesse et le prince de Conty deuvient arriver le 8e à sept heures du matin, quil convenoit de leur rendre les memes honneurs qui avoient été deférés en pareille occazion aux princes du sang61. »

C’est ainsi que la ville débourse 2753 livres 8 sols et 1 denier62

pour l’ensemble de la réception qui comporte l’accueil, les présents de la ville et des rafraîchissements. La collation sera refusée par la Princesse, mais elle demande une comédie donnée dans le théâtre de l’Hôtel de Ville63

. En un temps assez court, les Capitouls sont capables de se mobiliser pour accueillir leurs invités et leur rendre les honneurs, même si ceux-ci se présentent tardivement.

56 Michel C

ASSAN, « La fête à Toulouse à l’époque moderne : De la fin du XVIème siècle à la Révolution », op. cit., p. 12.

57 A.M.T. BB 44 f°123. 58

G. Capon et R. Yve-Plessis, Vie privée du prince de Conty, Paris, J. Schemit, 1907, p.22. 59 Ibid.

60 Voir annexe 3 ; A.M.T. BB 49 f°56v. 61 A.M.T. BB 49 f°57v.

62

A.M.T. BB 49 f°58.

(25)

25

Pour la venue de Monsieur, frère du Roi, le Conseil se rassemble le 30 mai pour une arrivée annoncée le 20 juin64. Ils ont donc un temps plus long pour s’organiser. Louis-Stanislas-Xavier de France, Comte de Provence, futur Louis XVIII est appelé Monsieur lorsque son frère aîné monte sur le trône et prend le nom de Louis XVI. La ville est prête à organiser une fête digne d’un roi pour le recevoir65. Cependant, à la suite d’un ordre de l’Intendant, la ville ne peut fournir tous les honneurs qu’elle voudrait rendre. C’est pourquoi la Commission délibère pour modifier ce qui était prévu et pour faire part de leurs regrets.

« Elle [la commission] a été davis décrire au ministre du Département et a M. l’intendant pour leur témoigner le regret que la ville a ressenti en recevant les ordres qui lui défendent de rien faire à l’occasion de larrivée du prince qui puisse causer la moindre dépense66. »

Monsieur a donc droit à des honneurs moins fastueux que prévus, mais qui sont tout de même assez honorables pour son rang. On supprime les fontaines de vin, mais les portes de la ville sont décorées, les rues sont tapissées et un cortège est mis en place67.

Un invité moins prestigieux, mais tout aussi fêté, fait son entrée en mai 1741. Louis François Armand de Vignerot du Plessi, troisième Duc de Richelieu, qui est le Commandant pour le Roi dans la Province du Languedoc. Étant le chef des armées du Languedoc, il a donc le devoir de se rendre plusieurs fois à Toulouse. En 1741, il y fait sa première entrée et pour le conseil de bourgeoisie, « il n’est pas douteux que la ville veuille lui rendre en cette occasion tous les honneurs qui ont été déférés en pareilles rencontres, en lui donnant des marques de son zèle de son empressement et de la reconnaissance de la protection singulière dont il a bien voulu honorer cette ville68 ». Pour sa venue, les Capitouls mettent en place des festivités qui se

64 A.M.T. BB 56 f°201. 65 A.M.T. BB 124 f°18-20. 66 A.M.T. BB 124 f°22. 67

Voir annexe 5 ; Voir BB 124 f°22. 68 A.M.T. BB 50 f°234.

(26)

26

déroulent sur plusieurs jours eux-mêmes répartis sur trois semaines69. Durant ce séjour, il a droit à une cérémonie d’accueil fastueuse70, une visite du Prévôt71, un Te Deum, une visite du Palais du Parlement ainsi qu’un dîner à l’Hôtel de Ville et un feu d’artifice sur la Place Royale72

. Ce sera la première d’une longue série de visites puisqu’il revient à Toulouse quelques mois plus tard, puis en 1750, 1754, 1759 et 1766.

Autre représentant du Roi, l’Intendant de Montauban, Monsieur de Saint-Maurice, se rend à Toulouse. Or Toulouse est rattachée à l’Intendance de Montpellier. Recevoir l’Intendant d’une autre Généralité est donc assez particulier, et inhabituel pour la ville. Par ailleurs, les Capitouls précisent :

« Il lui sera donné une collation ou une feste digne d’une ville aussy célèbre que celle de Toulouze et qui réponde à l’honneur de la vizitte du filz de Mgr de Bernage intendant de la province du Languedoc qui n’a jamais reffuzé à nos habitans et à la ville même l’honneur et la protection dans toutes les occazions73

».

En raison de ce lien filial, les Capitouls mettent un point d’honneur à recevoir le fils de l’Intendant actuel de la meilleure manière possible afin de rester en bonne relation avec M. de Bernage. Par ailleurs, M. de Saint-Maurice deviendra Intendant du Languedoc en 1724. Pour la prise de ses fonctions, il ne reviendra pas à Toulouse. Les Capitouls enverront une délégation à Montpellier pour le saluer74.

Il arrive aussi que de « vrais » étrangers passent par Toulouse. En effet, Élisabeth Farnèse, héritière de Parme, de Plaisance et de Toscane, nouvellement Reine d’Espagne, passe par Toulouse en novembre 1714 afin de rallier sa nouvelle patrie. Accompagnée de la princesse de Piombino, M. de los Balbases, ambassadeur de la Cour de Madrid et de M. des Granges, elle reste quatre jours à Toulouse. Durant son séjour, elle visite principalement les

69 « His sojourn occasioned citywide festivities lasting nearly three weeks », Robert Schneider,

The ceremonial city, Princeton University Press, Princeton, 1995, p.155 ; Michel CASSAN, « La fête à Toulouse à l’époque moderne : De la fin du XVIème siècle à la Révolution », op. cit, p.262.

70 Le cérémonial de la visite sera détaillé dans la partie sur l’accueil (Chapitre 2). 71 Le prévôt était le doyen du Chapitre.

72 Robert A. S

CHNEIDER, The Ceremonial city, op. cit., p. 155‑156. 73

A.M.T. BB 47 f°36. 74 A.M.T. BB 48 f°82.

(27)

27

églises et les chapelles, afin de rendre hommage aux reliquaires des apôtres et des martyrs75. En 1777, l’empereur Joseph II d’Allemagne vient également passer quelques jours à Toulouse. Mais il se présente sous un pseudonyme, le Comte de Falckenstein, ce qui évite à la ville les dépenses dues aux honneurs donnés traditionnellement pour un souverain76. Cet anonymat est voulu par l’empereur afin de voir les choses dans leur état naturel. Tout le fruit de son voyage et de son agrément en dépendait77

La ville de Toulouse sert donc d’étape vers l’Espagne, et n’est pas oubliée du Roi qui y envoie son frère et ses intendants. Les Capitouls font en sorte de recevoir ces invités dans le respect dû à leur rang, leur offrir un accueil digne de leur nom, tout en obéissant aux ordres royaux.

B. Les formalités d’accueil

Afin de préparer leur venue, de nombreux échanges ont lieu entre les protagonistes, tant pour préparer leur arrivée que leur séjour sur place.

a. Les échanges hôte/invité

Avant même que l’invité soit à sa porte, la ville se prépare à l’accueillir. Ce sont les lettres échangées qui permettent de prévoir les festivités. Les délibérations de conseil permettent aux Capitouls de décider ce qu’il faut faire et d’en informer le principal concerné.

Chaque personnalité a son propre protocole défini en fonction de son rang ou de son statut. Afin de fixer le cérémonial, les magistrats se basent sur les anciennes entrées enregistrées dans les délibérations. Ainsi, lorsque

75 Claude de V

IC, Joseph VAISSÈTE, Histoire générale de Languedoc, op. cit., T.XIII p. 903.

76 Ibid., p. 1314.

77 Annie Henwood, « L’empereur Joseph II à la découverte de la marine et de la France de l’Ouest (juin 1777) » , Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 1984, vol. 91, p.351-368.

(28)

28

M. d’Imbercourt, Intendant de la Haute Guyenne à Montauban de 1714 à 1720, arrive à Toulouse en 1714, les Capitouls décident de faire la même entrée que pour M. Legendre78, son prédécesseur à l’Intendance de Montauban. M. Legendre et M. d’Imbercourt ont la même fonction ; de fait, les mêmes honneurs leur sont adressés.

« Messieurs les Capitouls depputeront quatre d’entre eux pour aller visiter M. Legendre Intendant de Montauban Lui fairont offrir par M. Le Syndic le present de la ville et Ensuite Lui offriront pour le Jour quil voudra leur faire l’honneur de venir dans l’hotel de ville une collation79. »

Lorsque le Comte de Peyre, lieutenant du Roi annonce sa venue à Toulouse, il précise qu’il souhaite recevoir les mêmes honneurs que ceux offerts à M. de Montanégré, lieutenant du Roi venu en 1677 :

« Il nous auroit temoigné qu’il vouloit voir l’hostel de ville et nous auroit dit quil desiroit qu’on luy donnat la collation et les honneurs qu’on avoit rendues a M. de Montanégré lieutenant du Roy en 167780. »

Ainsi, certains n’hésitent pas à demander eux-mêmes les honneurs, mais toujours en se référant sur leurs prédécesseurs. Ce sont lors de l’échange des lettres qu’ils demandent les honneurs qui leur sont dus. Dans ce cas-là, les Capitouls mettent en place une visite de l’hôtel de ville, du grand et du petit consistoire où se trouvera la collation en son honneur, le tout escorté par les Capitouls qui l’accueillent à sa descente du carrosse devant la Grande Porte et qui le raccompagnent à son carrosse qui se trouve dans la grande cour à la fin de la visite.

Les Capitouls ont l’habitude de relire les anciennes délibérations afin que chaque invité se sente accueilli à la hauteur de son rang. Pour l’arrivée des différents Premiers Présidents du Parlement de Toulouse, M. de Bertier

78 Voir annexe 6 ; A.M.T. BB 46 f°61v. 79

A.M.T. BB 44 f°91v. 80 A.M.T. BB 44 f°55v.

(29)

29

1722), M. de Maniban (1722-1762) et M. de Bastard (1762-1769)81, la ville de Toulouse procède également de façon identique :

« Il sera dressé deux arcs triompheaux, l’un a la porte de la ville et l’autre a son hotel et que deux de Messieurs les Capitouls et quatre de Messieurs les anciens deux de chaque robes seront tout presentement deputés vers ledit seigneur Premier prezident qui iront le recevoir a une journée de cette ville et a l’arrivée dudit seigneur Maniban il lui sera fait entrée en la même forme qu’il est accoutumé de faire a ceux qui occupent sa place et encore avec plus d’Eclat et de magnificience sil est possible82 ».

Or, si ces trois présidents doivent avoir la même entrée, ils font également la même réponse aux Capitouls : aucun des trois ne veut de cérémonie d’entrée publique afin d’éviter des dépenses à la ville83

.

Ainsi, chaque personne entrant à Toulouse a droit à des honneurs. Ensuite, libre à eux de les accepter, de les refuser ou bien de demander autre chose. C’est pourquoi M. de Bertier demande un feu d’artifice pour le mariage de sa fille en octobre 1712 afin que la ville le remercie de sa bonté lorsqu’il a refusé les frais que la ville voulait dépenser pour son entrée84. Ce feu d’artifice ne dépassant pas le coût de deux cents livres sera tiré sur la place Saint George.

b. Le logement

Préparer la venue des invités nécessite également de se préoccuper de leur logement. Souvent logés aux frais de la ville, il faut prévoir un lieu d’hébergement. Dans la plupart des cas, c’est l’archevêché qui est réquisitionné. En effet, celui, par sa position géographique se trouve à la fin de l’itinéraire emprunter par le cortège lors de l’entrée officielle. Celle-ci se termine donc lorsque le visiteur est laissé à son logement. Ainsi, les Ducs du 81 Voir annexe 11. 82 A.M.T. BB 47 f°145v. 83 A.M.T. BB 45 f°275v ; BB 47 f°151 ; BB 55 f°4v. 84 A.M.T. BB 45 f°260.

(30)

30

Berry, de Bourgogne en 170185 ou encore le Duc de Richelieu en 174186 y seront logés. C’est également le lieu de résidence pour la Reine d’Espagne87

. Il arrive parfois que ce soit l’invité qui choisisse son logement. Ainsi, pour l’arrivée du Prince du Portugal, en avril 1726, M. de Laffare qui est le Commandant pour le Roi dans la Province, soit le chef des armées pour le Roi, envoie une lettre précisant que « l’intention du Roi est que M. les Capitouls aillent le [Prince du Portugal] recevoir à la porte de la ville et ensuite le complimenter dans la maison qu’il aura choisie pour logement88

». Lors de son passage de 1750, le Duc de Richelieu est logé à l’Hôtel de Caraman89 et non plus à l’archevêché. En 1754, il est de nouveau hébergé à l’archevêché. Pour cette visite, le Commandant a plusieurs instructions, dont celle de vérifier l’avancée des travaux de l’Hôtel de Ville. Deux corps de logis doivent être consacrés « aux appartements du commandant en chef et de l’intendant, qui ne seraient plus contraints, pendant leur passage à Toulouse, de recevoir l’hospitalité de l’archevêque ou de quelque grand personnage90

». En effet, lorsque l’Intendant vient à Toulouse il n’a pas de logement officiel. En novembre 1753, le Vicomte de Saint-Priest, intendant de 1764 à 1786 vient à Toulouse avec son fils. Il est logé chez un particulier, M. de Lafage, syndic de la Province, dont son hôtel particulier se situe place Saint-Georges91. Avoir un logement propre à ces deux fonctions permettrait à la ville de réduire la dépense d’aménagement du logement car pour la venue du Duc de Richelieu en 1754, la ville a déboursé près de 1800 livres pour meubler son logement à sa convenance92.

En 1757, c’est le Duc de Mirepoix qui arrive à Toulouse. Il demande lui aussi un hébergement particulier : il veut être logé à l’Hôtel du Comte de

85

Voir annexe 7 ; A.M.T. BB 44 f°123. 86 Robert A. S

CHNEIDER, The Ceremonial city, op. cit., p. 155. 87 Claude de V

IC, Joseph VAISSÈTE, Histoire générale de Languedoc, op. cit.,T.XIII p. 903. 88 A.M.T. BB 48 f°143.

89

Edmond LAMOUZÈLE, Toulouse au XVIIIe siècle d’après les « Heures perdues » de Pierre

Barthès, op. cit., p. 123.

90 Claude de V

IC, Joseph VAISSÈTE, Histoire générale de Languedoc, op. cit., T. XIII, p. 1135. 91 Edmond L

AMOUZÈLE, Toulouse au XVIIIe siècle d’après les « Heures perdues » de Pierre

Barthès, op. cit., p. 155.

(31)

31

Lévis93. Succédant au Duc de Richelieu en 1755, c’est le nouveau Commandant pour le Roi en Languedoc. C’est ce titre qui lui permet notamment de choisir son hébergement à Toulouse. Le logement qui devait être construit à l’Hôtel de Ville pour le commandant ne semble pas avoir vu le jour.

La question du logement est également étudiée par le Roi lui-même : en 1769, il demande aux Capitouls d’acheter un hôtel « afin de faire jouir les Premiers Présidents de Toulouse de l’avantage dont jouissent la plupart des Premiers Présidents [des] autres Parlements94 »95. Il s’ensuit un échange de lettres et de délibérations concernant cet achat, la ville ayant peur que le Roi ne les rembourse pas. C’est le Comte de Saint-Florentin qui fait l’intermédiaire entre les deux partis. Dans une de ses lettres, il précise donc que Sa Majesté « n’exige qu’une avance dont le remboursement est assuré sur un fonds qui ne doit laisser à la ville aucun doute sur sa sureté & sa solidité96 ». Le choix du Roi se porte sur l’hôtel du Marquis de Fumel, connu sous le nom d’Hôtel de Ciron-Fumel97. Il résulte de la réunion de deux hôtels particuliers construits au XVIIe siècle dont l’un appartenait à la famille Ciron. Il fut embelli et aménagé par le Marquis de Fumel au XVIIIe siècle, qui le céda en 1770. Acheté par la municipalité au nom du Roi, il devient la résidence officielle des Premiers Présidents du Parlement de Toulouse. Joseph de Niquet est le premier Premier Président à y habiter. Les Capitouls n’ont donc plus à se préoccuper du logement lors de la venue du Premier Président du Parlement.

En 1777, le Marquis de Grimaldy, ambassadeur d’Espagne auprès du Saint-Siège, utilise l’hôtel du Premier Président. En effet, comme celui-ci n’est pas présent à ce moment-là, la ville consent à disposer de l’hôtel pour le Marquis. Cependant, lorsqu’on loge une personnalité quelle qu’elle soit, des dispositions sont à prendre.

93

A.M.T. B53 f°142v. 94 Claude de V

IC, Joseph VAISSÈTE, Histoire générale de Languedoc, op. cit., p. 2299. 95 Comme le Parlement de Rennes avec les hôtels de Coniac ou de Lanjamet.

96

Claude de VIC, Joseph VAISSÈTE, Histoire générale de Languedoc, op. cit., p. 2300. 97 Il abrite aujourd’hui le Palais Consulaire.

(32)

32

« Il a été délibéré de prier M. Moncassin de s’informer si les meubles qui sont dans ledit hotel seront suffisans et dans le cas qu’ils ne se seront pas de tacher de convenir avec un tapissier a raison de la fourniture de ceux qui manqueront ainsi que de toute l’ustencille qui sera necessaire audit ambassadeur pendant le séjour qu’il faira en cette ville98

. »

Bien que cette sitation concerne le Marquis le Grimlady, ce sont ces préparatifs-là qui expliquent les 1800 livres dépensées pour le Duc de Richelieu mentionnées plus tôt.

Ainsi les Capitouls accueillent-ils des Toulousains, des habitants du Royaume de France et parfois des membres de pays voisins. Sauf lorsqu’ils veulent garder l’anonymat, une lettre les précède afin de prévenir la ville de leur arrivée. C’est cet échange qui permet d’assurer le bon déroulement des festivités afin que chaque partie soit satisfaite de l’accueil. Si certains Toulousains n’ont pas leur propre logement, cela s’explique par la volonté du Roi de les garder près de lui. Ils ne vont à Toulouse que lorsque celui-ci a besoin d’avoir un représentant direct sur place.

III. Les invités fantômes

Les invités qualifiés ici de « fantômes » sont ceux dont on trouve une trace dans les archives, qui ont été mentionnés, fêtés, mais qui ne sont pas à Toulouse le jour de la fête. Les Toulousains fêtent l’évènement rattaché au nom, sans présence physique de la personne.

A. L’omniprésence du roi

(33)

33

Le plus emblématique de ces invités fantômes, est le Roi. Aucun roi ne vient à Toulouse durant le XVIIIe siècle. Or, il fait tout de même parler régulièrement de lui dans les archives.

a. De son sacre…

Toulouse a fêté deux sacres durant le XVIIIe siècle. Celui de Louis XV le 25 octobre 1722 et celui de Louis XVI le 11 juin 1775. Étonnamment, le sacre de Louis XV n’apparait pas dans les délibérations : le mois d’octobre 1722 n’y est pas référencé. Également, il ne semble pas être référencé dans les pièces à l’appui des comptes. C’est la raison pour laquelle l’étude qui suit est centrée sur Louis XVI.

Le 23 juin 1775, le Conseil de Bourgeoisie se réunit afin de discuter d’une lettre du Roi en date du 12 juin, accompagnée de celle de M. le Duc de la Vrillière, le secrétaire d’État à la Maison du Roi. Comme pour chaque évènement, la réception d’une lettre lance la mise en chantier de la fête.

« Sur quoy lecture faite de la lettre du Roy et de celle de M. le Duc de la vrilliere Il a été Delibéré d’assister au Te Deum qui sera chanté dans leglise Saint Etienne de le faire annoncer la veille par plusieurs décharges de couleuvrines qui seront reitérée le lendemain de faire Illuminer le soir du meme jour tous les Murs en face de l’hotel et faire tirer a la place Royalle un feu dartifice dont la depense est fixée a douze cent livres et prier Messieurs les Capitouls de Rendre une ordonnance pour enjoindre a touts les habitants dilluminer leurs maisons et de faire chacun devant sa porte un feu de Joye99. »

C’est ainsi que Toulouse accueille l’avènement de ce nouveau Roi, jeune, honnête et bienveillant. Les festivités sont à la hauteur du prestige de son nom, il est fêté comme s’il était présent.

(34)

34

Pendant son règne, tout Roi de France envoie ses troupes à la guerre, leur fait gagner des batailles et signe des traités. Louis XV, malgré les dernières paroles de Louis XIV l’enjoignant à un règne pacifique, mène une politique de guerre. Il se confronte à la guerre de Succession de Pologne (1733-1738), à la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748) et à la guerre de Sept Ans (1756 – 1763). Pour chacune de ces guerres, les villes de province sont informées quant à l’évolution de la situation sur le front. Ainsi, en 1744 et 1745, sont dépensées respectivement 1598 livres 2 sols et 2273 livres 2 sols et 2 deniers à « l’occasion des Te Deum qui ont été chantés et des feux de joyes et illuminations faites par rapports aux conquettes et victoires remportées par le Roy sur les ennemis de L’etat100

. » À distance, Toulouse fête donc les victoires de ses troupes, mais surtout les victoires de son Roi. En 1759, une autre victoire est fêtée pour la somme de 477 livres 18 sols. Bien que le nom de cette victoire ne soit pas précisé, la date correspond à la victoire de Bergen durant la guerre de Sept Ans.

Louis XVI n’est pas en reste, puisqu’en janvier 1782 pour 181 livres 1 sol et 6 deniers, un Te Deum est « chanté à l’occasion des avantages remportés par les troupes du Roi sur les Anglais en Amérique101 ». La France était en effet engagée dans la Guerre d’Indépendance des États-Unis.

Le sacre d’un Roi n’est donc pas la seule festivité qui lui revient. Lorsqu’un Roi gagne des batailles, il en informe le peuple au moment le plus opportun pour lui, afin d’en faire un véritable moment de réjouissance, une parenthèse dans un pays en guerre. L’information et la fête des victoires est un véritable enjeu politique. La santé du Roi fait également parti des informations données au peuple. b. … à sa mort 100 A.M.T. BB 51 f°133. 101 A.M.T. BB 127 f°22.

Références

Documents relatifs

De cette façon, notre analyse confirme l'opinion de Gervais (2008) selon laquelle les réseaux marchands fonctionnent en grande partie de la même manière, indépendamment

dans les deux procès de la famille Boriza, menés à sept années d’intervalles et composés chacun d’une dizaine d’interrogatoires, la lagune est perçue à la fois comme un

Plus prosaïquement le châtelain Etienne Baud, franchissant deux cols difficiles, même en plein hiver, pour venir conférer avec Messieurs de la Seigneurie du Valais, les syndics

Cédric Perrin (Université de Paris Ouest/IDHE) : Les droites et l’artisanat de l’entre-deux-guerres aux années 70. Fabrice Grenard (IEP de Paris) : Les droites et les

Un point, d'inflexion est celui qui sépare deux arcs réguliers de sortes différentes tangents l'un à l'autre, et cela de telle manière qu'un point décrivant les deux arcs à la suite

Malgré tout, en 1779, le vice-roi –Bucareli- répondit que les « beuveries et indécences » avaient lieu jusque dans le cimetière et qu’il était préférable que les

Constatant l’impossibilité d’avoir en nombre conséquent des médecins qui irrigueraient de leurs savoirs et de leurs pratiques les campagnes les plus reculées – campagnes

Seront tenus les maîtres de fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de dix ans et au-dessus, pour leur nourriture, deux pots et demi de farine de manioc, ou trois